Aperçu des travaux du Conseil de sécurité en 2023
CS/15558

Paralysé face aux guerres en Ukraine et à Gaza, le Conseil de sécurité a illustré en 2023 la crise des institutions multilatérales

À la fois conséquence de la crise des institutions multilatérales de plus en plus largement considérées comme dépassées et contribution majeure à celle-ci, la paralysie du Conseil de sécurité s’est poursuivie et amplifiée en 2023, résultat des profondes divisions en son sein. Elle s’est illustrée particulièrement, quoique sur des lignes de fracture différentes, dans les deux conflits majeurs traités par le Conseil durant l’année: la poursuite de la guerre en Ukraine et, à compter du 7 octobre, la guerre dans la bande de Gaza.

L’organe principal des Nations Unies chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales est resté divisé le plus souvent entre deux blocs antagonistes constitués par ses membres occidentaux et le Japon d’une part, la Fédération de Russie et la Chine d’autre part, tandis que les autres membres élus tentaient de lui faire reprendre la voie du dialogue et d’une indispensable unité face à la multiplication des crises.  La guerre à Gaza a ravivé une autre fracture, ancienne: celle entre les États-Unis, de plus en plus isolés dans leur soutien inconditionnel –dans leurs votes sinon dans leurs discours– à Israël, et le reste du monde, y compris les plus proches alliés de Washington. 

Illustration de ces divisions ouvertes, le Conseil qui s’est beaucoup réuni –271 séances publiques et 19 privées–, n’a jamais passé autant de temps en séances officielles –554 heures contre 521 en 2022, précédent record– mais n’a, en proportion, jamais pris aussi peu de décisions. Il n’a adopté que 6 déclarations présidentielles et 50 résolutions, le nombre le plus faible depuis 2013, dont 15 n’ont pu être adoptées à l’unanimité. 

Dix projets de résolution ont été rejetés, nombre jamais atteint depuis la fin de la guerre froide, pour moitié du fait de veto –dont un double– mais aussi, par trois fois, à cause de la mise aux voix, le même jour, de projets concurrents, avec pour résultat systématique le rejet d’un des textes par veto et de l’autre par insuffisance de voix. 

Plus encore que l’invasion de l’Ukraine en 2022, la guerre à Gaza a illustré l’incapacité du Conseil à assurer le maintien de la paix ou simplement une protection minimale aux populations civiles.  Après l’attaque du Hamas le 7 octobre et la riposte immédiate d’Israël, il aura fallu au Conseil 39 jours et le rejet de quatre textes avant de s’accorder sur une première résolution minimaliste et strictement humanitaire, qui ne mentionnait ni l’origine du conflit, ni ses auteurs, et ne demandait pas de cessez-le-feu mais seulement des « pauses humanitaires urgentes et prolongées ».  Il lui aura ensuite fallu 37 jours de plus pour adopter, à la veille des fêtes de Noël, une nouvelle résolution, elle aussi essentiellement humanitaire, plus exigeante sur l’accès mais qui ne réclamait toujours pas de cessez-le-feu et à laquelle Israël répondait par l’annonce d’une intensification des bombardements qui avaient déjà fait plus de 20 000 morts parmi la population gazaouite.  Encore les deux textes étaient-ils adoptés au prix d’abstentions et après le rejet d’amendements de dernière minute qui disaient la fragilité de l’accord obtenu. 

Principal sujet des discussions du Conseil jusqu’au 7 octobre, la guerre en Ukraine n’a, quant à elle, fait l’objet d’aucune nouvelle tentative de règlement au sein du Conseil, qui a laissé ce soin aux résolutions non contraignantes de l’Assemblée générale et aux armes sur le terrain, elles aussi sans résultat. 

S’il a beaucoup été question, y compris lors de débats dédiés du Conseil, d’une rénovation du multilatéralisme pour le rendre plus juste, on a surtout assisté à une réaffirmation de la souveraineté d’États inscrits à son ordre du jour.  Attisées par une opposition toujours plus forte aux sanctions unilatérales « illégitimes » mais aussi à des régimes d’embargo sur les livraisons d’armes décidés par le Conseil et souvent déjà allégés ces dernières années, motivées aussi par la dénonciation des politiques de « deux poids, deux mesures », ces revendications souverainistes ont été appuyées par la Fédération de Russie, la Chine et parfois d’autres membres comme le Brésil ou les Émirats arabes unis. 

De par la volonté des pays hôtes, le Conseil a dû acter la fin de plusieurs opérations de paix. C’est ainsi qu’ont été fermées dans l’urgence ses missions au Mali (MINUSMA) et au Soudan (MINUATS), qu’a été décidée l’accélération du retrait de sa mission en République démocratique du Congo (MONUSCO) et programmée la fin de l’UNITAD en Iraq. 

L’appui du veto russe a permis à la Syrie d’obtenir l’extinction du mécanisme transfrontalier pour le passage des convois humanitaires dans le nord-ouest du pays, dénoncé comme une atteinte à sa souveraineté.  Les points de passage restés ouverts sont désormais soumis à la bonne volonté du Gouvernement syrien, légitimé par la pleine réintégration du pays au sein de la Ligue des États arabes.  Avec, là aussi, l’appui du veto russe, le régime de sanctions ciblées au Mali, demandé à l’origine par les autorités du pays, s’est éteint faute d’accord, tandis que le Gouvernement somalien obtenait à son profit la pleine levée d’un embargo sur les armes vieux de 31 ans, embargo qui était en revanche confirmé au sein d’un train de sanctions visant les milices Chabab. 

Deux résolutions potentiellement très importantes pour l’avenir ont été adoptées en décembre, mais en laissant de nombreux points en suspens.  C’est le cas de la résolution qui fixe le cadre du financement « prévisible, adéquat et durable » d’opérations de paix de l’Union africaine autorisées par le Conseil de sécurité à partir du budget de l’ONU.  Le Conseil y consent au financement d’une partie des coûts de ces opérations, sous réserve d’examen au cas par cas et sous de multiples conditions, dont les détails devront être précisés.  De même, le Conseil est convenu de la nécessité de maintenir « une présence constante » de sa mission d’assistance en Afghanistan, mais sans préciser le degré d’engagement avec les Taliban, toujours qualifiés d’ « autorités de facto ». 

Dans cet environnement international particulièrement sombre, la seule évolution réellement positive accompagnée par le Conseil aura été la poursuite du processus de paix en Colombie.  Les progrès, pourtant réels, obtenus au Yémen au premier semestre semblaient, eux, en panne à partir de l’été, et, en fin d’année, menacés par l’activisme propalestinien des houthistes en mer Rouge, lié à la guerre à Gaza, dont les risques d’extension régionale étaient l’objet de toutes les attentions du Conseil au crépuscule de 2023.

COMPOSITION DU CONSEIL DE SÉCURITÉ EN 2023

Outre ses cinq membres permanents –Chine, États-Unis, Fédération de Russie, France et Royaume-Uni–, le Conseil de sécurité était composé en 2023 des 10 membres élus suivants: Albanie, Brésil, Émirats arabes unis, Équateur, Gabon, Ghana, Japon, Malte, Mozambique et Suisse. 

La documentation relative au Conseil de sécurité est disponible sur le lien Internet suivant: http://www.un.org/fr/sc/.

NOTE EXPLICATIVE 

Le résumé des activités du Conseil est fait en fonction des thématiques réellement abordées lors de chaque séance.  Si celles-ci correspondent le plus souvent à l’intitulé officiel de l’ordre du jour, parfois sous une forme simplifiée, certaines réunions ont été déplacées sous un thème correspondant plus précisément au sujet ou par souci de cohérence.  C’est le cas en particulier cette année encore d’une partie des séances dédiées à la situation en Ukraine, qui ont été traitées sous l’intitulé officiel: « Menaces contre la paix et la sécurité internationales » mais sont analysées ici sous la rubrique « Ukraine ».  De même, les séances consacrées aux activités de l’UNITAD en Iraq sont traitées dans la rubrique « Iraq » et les séances liées au trafic de migrants au large des côtes libyennes sous « Libye ».  Les séances et résolutions adoptées sont indiquées aussi bien dans leur rubrique officielle que dans celle où elles sont résumées.

Table des matières

PREMIÈRE PARTIE: SITUATIONS DE PAYS

MOYEN-ORIENT : La situation au Moyen-Orient, y compris la question de Palestine; Liban; Syrie; Iraq; Yémen

ASIE: Afghanistan; République populaire démocratique de Corée 

EUROPE: Ukraine; Arménie-Azerbaïdjan, Bosnie; Kosovo; Chypre

AFRIQUE: Paix et sécurité en Afrique; Libye; Sahara occidental; Consolidation de la paix en Afrique de l’Ouest; Mali, Afrique centrale, République centrafricaine, Région des Grands Lacs; République démocratique du Congo, Somalie, Soudan-Darfour; Soudan du Sud; Abyei; 

AMÉRIQUE LATIN ET CARAÏBE: Colombie; Haïti 

SECONDE PARTIE: QUESTIONS THÉMATIQUES

PAIX ET SÉCURITÉ INTERNATIONALES

NON-PROLIFÉRATION

JUSTICE INTERNATIONALE

AUTRES QUESTIONS THEMATIQUES

PREMIÈRE PARTIE: SITUATIONS DE PAYS

MOYEN-ORIENT

La situation au Moyen-Orient, y compris la question de Palestine

Voir aussi: Liban; Syrie; Yémen

L’attaque sans précédent menée le 7 octobre par le Hamas et d’autres groupes depuis la bande de Gaza contre Israël, puis la brutalité de la riposte israélienne ont confirmé l’impuissance du Conseil de sécurité, qui jusqu’alors avait continué de gérer la crise plutôt que la résoudre, selon les termes utilisés notamment par le Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, Tor Wennesland, pour déplorer l’attitude du Conseil depuis plusieurs années.  Pendant les neuf premiers mois et en dehors d’une séance convoquée le 5 janvier après un incident sur l’esplanade des Mosquées, le Conseil a ainsi continué d’examiner la question au rythme habituel d’une séance mensuelle, remplacée en janvier, avril et juillet par des débats trimestriels ouverts à tous les États Membres et en principe axés sur la région tout entière.  Le Conseil avait toutefois adopté, en février, une déclaration présidentielle, sa première décision –non contraignante- du Conseil depuis plus de six ans concernant la question palestinienne et qui portait, comme la résolution 2334 (2016), sur la colonisation israélienne en Cisjordanie. 

Après le choc du 7 octobre, il aura fallu 9 jours pour que le Conseil tienne sa première séance publique et, surtout, 39 jours pour qu’il adopte une premièrerésolution minimaliste strictement humanitaire dans laquelle il « appelle » à des pauses humanitaires.  Il aura fallu 37 jours de plus pour qu’il adopte, après de longues tractations, une deuxième résolution, elle aussi essentiellement humanitaire, pour, cette fois, « exiger », entre autres, un accès humanitaire complet, la libération des otages et la fourniture de carburant en quantité suffisante, ainsi que pour « rejeter » les déplacements forcés de populations civiles. Cela sans jamais mentionner l’origine du conflit, ni condamner le Hamas pour son attaque ou dénoncer la brutalité de la réaction israélienne, ni reconnaître le droit d’Israël à la légitime défense, ni appeler à un véritable cessez-le-feu, car tous les textes ayant inclus l’un ou l’autre de ces points ont été rejetés, les uns par insuffisance de voix, les autres du fait de deux vetos américains et d’un double veto russo-chinois. 

L’année commençait par une crise provoquée par la venue sur l’esplanade des Mosquées, le 3 janvier, du Ministre de la sécurité nationale du nouveau Gouvernement formé par le Premier Ministre Benjamin Netanyahu, investi trois jours plus tôt.  Le Conseil se réunissait le 5 janvier.  Au nom du Secrétariat, le Sous-Secrétaire général Khaled Khiari précisait que, si elle n’avait pas été accompagnée de violences, cette visite, première du genre depuis 2017, avait été jugée « particulièrement incendiaire », étant donnée les plaidoyers passés de M. Itamar Ben Gvir en faveur de modifications du statu quo de lieux saints des musulmans de Jérusalem.  Gardienne de ces derniers, la Jordanie dénonçait une violation du caractère sacré de l’esplanade des Mosquées mais aussi du statu quo historique ainsi que d’un accord signé en 1994 avec Israël.  Les membres du Conseil disaient leur crainte que l’action du Gouvernement israélien n’entraîne une reprise du cycle de violence à grande échelle et tous appelaient au maintien du statu quo historique.  Si plusieurs prenaient note de l’engagement pris en ce sens par M. Netanyahu, la France et les États-Unis souhaitaient que cette prise de position soit suivie d’effets sur le terrain.  Le représentant d’Israël parlait de « non-événement », affirmait le droit de tout juif à se rendre sur le mont du Temple, y compris « le Ministre israélien chargé de la sécurité de ces lieux », et qualifiait la séance d’« insulte à l’intelligence », de « perte de temps » et de manière de « légitimer les mensonges empoisonnés » de l’Autorité palestinienne. 

Lors du premier débat trimestriel de l’année, le 18 janvier, M. Wennesland s’alarmait de la persistance d’un dangereux cycle de violence sur le terrain, avec en toile de fond une tension politique accrue et un processus de paix au point mort.  Il répétait qu’Israéliens et Palestiniens restaient sur une « trajectoire de collision ».  Outre les membres du Conseil, une trentaine de délégations, majoritairement de pays musulmans, condamnaient à leur tour l’incident du 3 janvier, ainsi que la décision du nouveau Gouvernement israélien de confisquer les recettes fiscales destinées à l’Autorité palestinienne.  Israël dénonçait comme « toxique » la résolution adoptée par l’Assemblée générale le 30 décembre 2022 par laquelle elle demandait à la Cour internationale de Justice (CIJ) un avis consultatif relatif à l’occupation israélienne du territoire palestinien, alors que le Coordonnateur spécial rappelait que toutes les colonies étaient illégales au regard du droit international et faisaient obstacle à la paix.  La Fédération de Russie demandait la reprise des travaux du Quatuor pour le Moyen-Orient en tant que seul mécanisme internationalement reconnu pour soutenir le processus de paix et répétait que les tentatives de décider seuls des solutions au conflit étaient vouées à l’échec.  Les États-Unis se disaient opposés à toute action unilatérale visant à mettre à mal la stabilité et les caractères envisageables de la solution des deux États.  La Chine voyait dans la situation un volcan prêt à entrer en éruption à tout instant. 

Le Gouvernement israélien intensifiait encore sa politique de colonisation en Cisjordanie et annonçait, le 12 février, la poursuite de la construction et de l’expansion de colonies de peuplement et la « légalisation » des « avant-postes » de colonies. Le Conseil réagissait par la publication, le 20 février, d’une déclaration présidentielle dans laquelle il faisait part de sa « consternation » et réaffirmait que « la poursuite des activités de peuplement israéliennes met gravement en péril la viabilité de la solution des deux États ».  Référence aux incidents de janvier, le Conseil appelait en outre « à maintenir inchangé le statu quo historique sur les Lieux saints à Jérusalem en paroles et en pratique ».

Plusieurs délégations soulignaient qu’il s’agissait de la première décision du Conseil sur la question palestinienne depuis plus de six ans, lorsqu’il avait adopté, sur le même sujet, sa résolution 2334 (2016) par 14 voix pour et l’abstention des États-Unis.  Ces derniers disaient appuyer sans détour le texte, estimant que la colonisation non seulement représentait un frein à une solution négociée mais nuisait à la sécurité d’Israël.  L’Observateur permanent de l’État de Palestine disait craindre que l’année en cours soit encore plus meurtrière pour les Palestiniens que la précédente. 

En principe dédiée au compte rendu trimestriel du Coordonnateur spécial sur la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016) –un texte « biaisé », selon le représentant israélien-, la séance du 22 mars était surtout l’occasion pour les membres du Conseil d’exprimer leur soulagement après les appels au calme lancés par les responsables jordaniens, égyptiens, israéliens, palestiniens et américains lors des réunions tenues le 26 février à Aqaba et le 19 mars à Charm el-Cheikh, alors qu’approchait le mois de ramadan, qui coïncidait une fois encore avec les Pâques juive et chrétienne. 

Le débat trimestriel du 25 avril permettait à M. Wennesland et plusieurs délégations d’exprimer leur soulagement après le déroulement relativement calme des fêtes religieuses.  Plusieurs délégations se montraient toutefois préoccupées par la montée des tensions et les États-Unis estimaient qu’au cours du mois écoulé, une dizaine d’incidents auraient pu dégénérer en conflit régional s’ils n’avaient pas été traités à temps.  Comme le Coordonnateur spécial, de nombreux intervenants jugeaient l’évolution actuelle ni durable ni inévitable.  Plusieurs dénonçaient une fois de plus l’inaction du Conseil et son incapacité à faire respecter ses propres décisions, y compris sa résolution 2334 (2016).  La Fédération de Russie rappelait que, si le veto est un droit inaliénable des membres permanents du Conseil de sécurité dont l’utilisation n’entraîne aucune violation du droit international, le non-respect des résolutions adoptées par le Conseil constitue, lui, une violation de la Charte. 

Le décès en prison du dirigeant du jihad islamique Khader Adnane, le 2 mai, après une longue grève de la faim, déclenchait une vague de tirs de roquettes sur Israël depuis Gaza et des frappes de représailles israéliennes meurtrières les 2 et 3 mai, puis du 9 au 12, avant que les États-Unis, l’Égypte et le Qatar n’obtiennent un cessez-le-feu.  Le 15 mai, le Président de l’Autorité palestinienne tissait un lien entre Israël et le nazi Joseph Goebbels.  Le 21, M. Ben-Qvir se rendait de nouveau sur l’esplanade des Mosquées et y tenait des propos incendiaires, trois jours après une marche de l’extrême droite israélienne dans Jérusalem marquée par des cris de « mort aux Arabes ».  Ces multiples tensions et incidents étaient commentés le 24 mai au Conseil, qui se préoccupait aussi de la crise de financement des agences des Nations Unies venant en aide aux Palestiniens, qui devaient renoncer à fournir certains services de base. 

Les quatre séances mensuelles suivantes, les 27 juin, 27 juillet21 août et 27 septembre, confirmaient ces tendances et ces blocages.  Nombre de délégations appelaient à la fin de la colonisation, vue comme un des principaux obstacles à la paix et à la « solution des deux États ». Israël rétorquait qu’à chacune de ses séances, le Conseil se « trompait complètement de sujet ». Face au Coordonnateur spécial qui, le 27 juin, disait sa préoccupation face à l’escalade de la violence en Cisjordanie occupée, notamment de la part de colons israéliens, le représentant d’Israël déclarait: « la construction de maisons dans les communautés de Judée-Samarie déjà établies n’est pas une mesure de provocation » car « la Judée-Samarie est le cœur du territoire du peuple juif, la patrie de nos ancêtres, qui fait partie intégrante de notre héritage et de notre identité, à la fois en tant que nation et en tant que religion ».  Il affirmait les « droits moraux, juridiques et historiques » du peuple juif, ajoutant que ce qu’on appelle les territoires palestiniens occupés n’avaient « jamais été le territoire souverain d’une quelconque entité palestinienne », mais seulement des « territoires contestés », et que « le peuple juif ne peut pas être un occupant dans sa patrie, sur sa propre terre ».  Le 27 juillet, il accusait les dirigeants palestiniens de n’avoir pour objectif que de « détruire et remplacer » l’État juif, ajoutant que « ce complot serait impossible sans l’aide d’un partenaire très important: l’ONU et son organisme destructeur, l’UNRWA ».

Les membres du Conseil ne pouvaient que constater les dégâts, à l’image de la Suisse qui relevait, le 21 août, que le « tragique record » des civils palestiniens tués établi en 2022 avait été battu dans le courant du mois.  Le même jour, la Chine remarquait le nombre « incalculable » de séances du Conseil de sécurité tenues depuis 70 ans.  La Fédération de Russie, tout comme la Chine, souhaitait une visite du Secrétaire général et du Conseil de sécurité dans les territoires palestiniens occupés et en Israël pour faciliter une relance du processus de paix mais déplorait que ce genre d’initiatives soit régulièrement bloqué par les États-Unis, lesquels continuaient de prôner un « dialogue de bonne foi ».  Le 27 septembre, le Royaume-Uni encourageait encore les pays à normaliser leurs relations avec Israël et saluaient les Accords d’Abraham qui venaient, le 15 septembre, de célébrer leur troisième anniversaire.  Deux jours plus tôt, la Déclaration de principes de Washington, à la base des Accords d’Oslo, avait, elle, eu 30 ans, mais les États-Unis ne la mentionnaient pas dans leur intervention.  « La fenêtre de tir pour parvenir à la paix semble se refermer sans cesse plus vite », notait la Chine. 

Pourtant, à l’image de M. Wennesland en juin, qui disait craindre que les événements en Cisjordanie se propagent dans la bande de Gaza, c’est la situation en Cisjordanie qui avait suscité le plus d’inquiétude durant toute la période de l’après-ramadan.

L’attaque du Hamas du 7 octobre -un samedi- d’une violence sans précédent dans l’histoire d’Israël, tuait quelque 1 200 Israéliens, tandis qu’environ 240 personnes étaient prises en otages et emmenées dans la bande de Gaza.  La riposte israélienne commençait le jour même sous forme de frappes aériennes. Le Conseil se réunissait en consultation dès le dimanche 8 mais il faudrait attendre huit jours de plus pour qu’il tienne sa première séance publique.  À cette date, Israël avait décrété le siège complet de la bande de Gaza, le 9, et ordonné, le 13, à plus de 1,1 million de Gazaouites vivant dans le nord de la bande d’évacuer la zone dans les 24 heures.

Le 16 octobre, le Conseil se réunissait pour se prononcer sur un projet de résolution russe, qui appelait à un cessez-le-feu humanitaire immédiat et durable, condamnait fermement tous les actes de violence et d’hostilité dirigés contre des civils ainsi que tous les actes de terrorisme, demandait que tous les otages soient libérés en toute sécurité et lançait un appel pour que l’aide humanitaire soit fournie et distribuée sans entrave et pour que soient créées les conditions d’une évacuation en toute sécurité des civils ayant besoin d’aide. 

Le texte était rejeté par 5 voix pour, 4 voix contre et 6 abstentions.  La Chine, les Émirats arabes unis, le Gabon et le Mozambique soutenaient le texte russe au nom de la nécessité d’un cessez-le-feu. États-Unis, France, Royaume-Uni et Japon votaient contre.  Les trois premiers jugeaient inacceptable de ne pas condamner le Hamas.  Le Japon dénonçait la façon dont le texte avait été présenté, pratiquement sans consultations des autres membres du Conseil, un reproche que lui adressait également l’Équateur, après s’être abstenu, qui rappelait en outre qu’il existait un autre projet, préparé par la présidence brésilienne du Conseil et qui cherchait, lui, à rassembler tous les points de vue.  La Suisse justifiait son abstention par l’absence d’une référence claire au droit international et au droit international humanitaire, qu’elle jugeait indispensable car « même les conflits armés ont des règles ».  La Fédération de Russie déplorait qu’une « fois de plus, le Conseil demeure l’otage des velléités des délégations occidentales ».  Le Groupe arabe s’interrogeait sur « le silence du monde » face aux meurtres et parlait de « déshumanisation » de la population palestinienne.  Israël réaffirmait son intention d’« oblitérer » le Hamas, qualifié de « cancer terroriste et génocidaire, assoiffé de sang israélien ».

Le 18 octobre, le Conseil commençait par se prononcer sur le projet brésilien. Sensiblement plus long que le texte russe, il condamnait fermement « tous les actes de violence et d’hostilité dirigés contre des civils » ainsi que tous les actes de terrorisme, et notamment « les attentats terroristes odieux perpétrés par le Hamas en Israël depuis le 7 octobre 2023 et la prise d’otages », demandant la « libération immédiate et inconditionnelle » de ces derniers.  Le texte demandait aussi d’assurer « de façon continue, sans entrave et en quantités suffisantes » la fourniture à la population civile de biens et services essentiels comme l’électricité, l’eau, le carburant, la nourriture et les fournitures médicales, ainsi que d’annuler l’ordre donné aux civils et au personnel des Nations Unies d’évacuer le nord de la bande de Gaza.  Il affirmait la nécessité de « pauses humanitaires » pour acheminer l’aide aux civils.

La Fédération de Russie présentait deux amendements en affirmant que le texte présenté contenait des éléments de langage « problématiques ».  Le premier visait à condamner toute attaque contre des objectifs civils, y compris contre l’hôpital Ahli Arabi survenu la veille, ainsi que toutes les mesures prises pour aggraver le blocus.  Le second tendait à proposer un cessez-le-feu humanitaire et non plus des « pauses humanitaire ».  Les deux amendements étaient rejetés faute de voix suffisantes, le premier par 6 voix pour, une voix contre (États-Unis) et 8 abstentions; le deuxième par 7 voix pour, une voix contre (États-Unis) et 7 abstentions.  Le texte négocié par le Brésil obtenait ensuite 12 voix en sa faveur mais les États-Unis mettaient leur veto au motif que le projet n’affirmait pas le droit d’Israël à l’autodéfense, reproche que lui adressaient également le Royaume-Uni, pour justifier son abstention, et l’Albanie, malgré son vote positif.  Mécontente du rejet de ses amendements, la Fédération de Russie s’abstenait également sur le vote du texte. 

La représentante des États-Unis ajoutait que, « oui, les résolutions sont importantes et oui, le Conseil doit s’exprimer; mais les décisions que nous prenons doivent être fondées sur la réalité du terrain et appuyer les efforts diplomatiques directs qui peuvent sauver des vies », donnant la priorité aux efforts du Président Biden venu dans la région.  Déçu, le Brésil constatait: « une fois de plus, le silence et l’inaction l’ont emporté ».  Regrettant vivement que « l’action collective soit rendue impossible au Conseil », il souhaitait que les efforts « d’autres acteurs » donnent des résultats positifs. 

Le même jour, le Conseil tenait sa première séance d’information publique depuis l’attaque du Hamas, sur la demande de la Fédération de Russie, de la Chine et des Émirats arabes unis, au lendemain d’une explosion dans l’enceinte de l’hôpital Ahli Arabi, un des hôpitaux du nord de la bande de Gaza à avoir reçu un avis d’évacuation de l’armée israélienne.  Aussitôt après l’explosion, le Hamas avait parlé d’une frappe israélienne et fait état de plus de 470 tués.  « Les circonstances et les responsabilités restent obscures », déclarait prudemment M. Wennesland, alors que les Émirats arabes unis affirmaient que rien ne pouvait justifier le « bombardement » de la veille et que plusieurs délégations participantes, notamment le Groupe arabe, parlaient de crime de guerre voire de crime contre l’humanité de la part d’Israël.  Le représentant d’Israël niait toute implication de son pays dans l’explosion, qu’il attribuait à une roquette du Jihad islamique palestinien.  Il voyait dans la séance et dans le vote qui l’avait précédée, « le fruit de la propagande de jihadistes sauvages » et martelait qu’aucune information provenant de Gaza n’était fiable et correspondait seulement à que « ce que le Hamas veut que les membres du Conseil entendent ».  Comparant de nouveau le Hamas à un cancer, il répétait qu’il « n’y a qu’une seule façon de guérir un cancer: l’ablation de chaque cellule cancéreuse, comme cela a été fait avec Daech et Al‑Qaida », prônant une éradication complète, le seul moyen de garantir que de telles atrocités ne se reproduiront jamais.

Le 24 octobre, le dernier débat trimestriel régulier de l’année sur le Moyen-Orient se tenait au niveau ministériel et attirait près de 70 délégations non membres du Conseil, contre une quarantaine lors des trois précédents.  Il était marqué par l’intervention du Secrétaire général, qui rappelait « le principe fondamental du respect et de la protection des civils », et sa condamnation sans équivoque des « actes de terreur abominables et sans précédent perpétrés le 7 octobre par le Hamas en Israël ».  Il jugeait aussi « important de reconnaître que les attaques du Hamas ne se sont pas produites dans le vide » et rappelait que les Pales­tiniens « subissent depuis 56 ans une occupation suffocante » et voient leurs terres confisquées par les colonies.  Affirmant que « les griefs du peuple palestinien ne sauraient justifier les attaques effroyables du Hamas, et ces attaques effroyables ne sauraient justifier la punition collective du peuple palestinien », M. Guterres appelait à ne pas perdre de vue « le seul fonde­ment réaliste d’une paix et d’une stabilité véritables: la solution des deux États ». Les propos du Secrétaire général déclenchaient la fureur du Ministre des affaires étrangères d’Israël, qui lui lançait dans la salle du Conseil: « Dans quel monde vivez-vous? Certainement pas dans le nôtre! » avant d’aller demander sa démission lors d’un point de presse. Affirmant que « le Hamas, ce sont les nouveaux nazis », le Ministre déclarait que « la riposte proportionnelle au massacre du 7 octobre est la destruction totale du Hamas jusqu’à son dernier membre ». 

Lors du débat, le Secrétaire d’État des États-Unis demandait à Israël de « prendre toutes les précautions possibles pour éviter de mettre en danger les civils », lesquels « ne sont pas responsables du massacre commis par le Hamas ».  Il affirmait aussi « le droit de toute nation à se défendre » et à empêcher que l’horreur du 7 octobre ne se répète ». Estimant que l’ONU et le Conseil ont « un rôle crucial à jouer dans le règlement de cette crise », il rappelait le dépôt par son pays d’un projet de résolution « définissant les mesures concrètes que nous pouvons prendre, ensemble, à cette fin », et qu’il présentait comme « s’appuyant sur de nombreux éléments » du projet de résolution brésilien, tout en y ajoutant le rappel du « droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, de tous les États ».

Le projet américain était soumis aux voix le 25 octobre, en même temps qu’un texte concurrent présenté par la Fédération de Russie.  Soutenu par 10 membres, il se heurtait au double veto de la Chine et de la Fédération de Russie, ainsi qu’à l’opposition des Émirats arabes unis, tandis que le Brésil et le Mozambique s’abstenaient. La Fédération de Russie lui reprochait de ne pas contenir d’appel au cessez-le-feu, le texte se limitant à citer des « pauses humanitaires » parmi les mesures nécessaires à prendre pour permettre un accès humanitaire complet.  La Chine dénonçait un texte « profondément déséquilibré », « évasif » sur l’arrêt des combats et qui, en cas d’adoption, « aurait complètement anéanti les chances de concrétisation de la solution des deux États et aurait plongé les peuples palestinien et israélien dans un cercle vicieux de haine et d’affrontement ».  À Israël, qui accusait les pays ayant voté contre le texte des États-Unis d’avoir « montré au monde que le Conseil est incapable de s’acquitter de sa mission la plus élémentaire, à savoir condamner les terroristes semblables à Daech, et d’affirmer le droit de légitime défense de la victime de ces crimes abominables », la Chine rétorquait qu’elle avait voté en faveur du texte brésilien qui condamnait l’attaque du Hamas et rappelait, sans les nommer, que c’étaient les États-Unis qui y avaient mis leur veto. 

Le projet russe demandait en premier lieu « l’instauration immédiate d’un cessez-le-feu durable et pleinement respecté ».  Il « rejetait et condamnait catégoriquement les attaques odieuses » du Hamas du 7 octobre et les prises d’otages civils, mais aussi, dans les mêmes termes, les « attaques indiscriminées perpétrées contre des civils et des biens de caractère civil dans la bande de Gaza ».  Il n’obtenait que 4 voix pour -Chine, Émirats arabes unis, Fédération de Russie et Gabon– alors que la France et les autres membres élus s’abstenaient et que États-Unis et Royaume-Uni votaient contre. Israël accusait la Russie d’avoir tenté de lui « lier les mains pour l’empêcher d’éliminer une menace existentielle ». 

Le 26 octobre, l’armée israélienne entrait dans le nord de la bande de Gaza.  Le 27 octobre, l’Assemblée générale adoptait une résolution demandant « une trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue, menant à la cessation des hostilités », après avoir rejeté un amendement visant à « condamner catégoriquement les attaques terroristes » du Hamas et les prises d’otages.  Le 30 octobre, l’Observateur permanent de l’État de Palestine demandait au Conseil de lui « emboîter le pas » et de « se montrer à la hauteur de ses responsabilités au lieu de rester paralysé », en votant le même « texte moral fort ».  Il rappelait qu’à l’Assemblée générale, 11 membres du Conseil avaient voté pour ce texte, 3 s’étaient abstenus et un –les États-Unis- avait voté contre.  Le Chef de l’UNRWA et des représentants de l’OCHA et de l’UNICEF décrivaient une situation « horrible » à Gaza où, ajoutait M. Lazzarini, « une population entière est déshumanisée ».  Le représentant d’Israël s’accrochait une étoile jaune sur la poitrine et annonçait qu’il la garderait « jusqu’à ce que le Conseil condamne les atrocités du Hamas et exige la libération immédiate de nos otages », ajoutait que « demander un cessez-le-feu aujourd’hui équivaudrait à annuler le Jour J en 1944 » et affirmait que « l’opération israélienne à Gaza n’est pas une réponse aux événements du 7 octobre; il s’agit d’un acte de légitime défense en vue d’assurer son avenir ».

Le 10 novembre, le Conseil se réunissait une nouvelle fois après des frappes israéliennes à proximité immédiate de l’hôpital Chifa, que l’armée israélienne encerclait et où elle pénétrerait cinq jours plus tard en affirmant qu’un centre de commandement du Hamas de trouvait dans l’hôpital, ou en dessous.  Le nombre d’employés de l’UNRWA tués dans la bande de Gaza venait d’atteindre la centaine et le nombre total des tués dépassait les 11 000 selon le Ministère de la santé de Gaza.  Ceux des membres du Conseil qui ne condamnaient pas la violence des opérations israéliennes commençaient à s’inquiéter de leurs conséquences humanitaires. « C’est notre humanité commune qui nous distingue du Hamas et d’autres terroristes », déclaraient les États-Unis, qui ajoutaient que « reconnaître les souffrances d’une partie ne revient pas à nier ou à remettre en cause celles d’une autre » et que la riposte israélienne devait être conforme au droit international humanitaire.  Le représentant d’Israël affirmait que, depuis des années, l’ONU ne faisait que relayer les mensonges du Hamas sans avoir mis en place de mécanisme de vérification indépendant.  Il ajoutait que « beaucoup des travailleurs de l’UNRWA sont des membres du Hamas » et assurait qu’Israël « fait bien plus pour le bien-être des habitants de Gaza que l’OMS ou tout autre organisme des Nations Unies », ce qu’étaient censées démontrer des « pauses humanitaires » de quatre heures par jour que l’armée israélienne annonçait à partir du même jour.

Le 15 novembre, soit 39 jours après l’attaque du Hamas, le Conseil parvenait à adopter un texte purement humanitaire préparé par Malte sur « la situation humanitaire régnant dans la bande de Gaza » sans mentionner ni l’attaque du 7 octobre ni la guerre menée depuis lors par Israël et dont la seule référence au Hamas se trouvait dans la demande de « libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages » qu’il détenait.  Le Conseil « demandait » des « pauses humanitaires urgentes et prolongées et des corridors dans l’ensemble de la bande de Gaza pendant un nombre suffisant de jours » afin de permettre un accès humanitaire « complet, rapide, durable, sûr et sans entrave » pour les organismes humanitaires.  La résolution 2712 (2023) était adoptée par 12 voix pour et 3 abstentions -celles des États-Unis, de la Fédération de Russie et du Royaume-Uni– après le rejet, par 5 voix pour (Brésil, Chine, Émirats arabes unis, Fédération de Russie et Mozambique), une voix contre (États-Unis) et 9 abstentions, d’un amendement oral russe par lequel le Conseil aurait « demandé en outre une trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue, qui mène à la cessation des hostilités », reprenant ainsi mot pour mot le premier paragraphe du dispositif de la résolution de l’Assemblée générale du 27 octobre.

La présidence chinoise du Conseil et plusieurs autres membres reconnaissaient que le texte représentait un « consensus a minima ».  La Fédération de Russie faisait remarquer qu’après les pauses humanitaires, les bombardements israéliens reprendraient.  Suisse et Royaume-Uni rappelaient toutefois qu’il était « vital » que le Conseil s’exprime et que les acteurs humanitaires puissent faire leur travail.  Pour la plupart des membres, le texte adopté était un point de départ.  « Profondément déçus par les lacunes » du texte, les États-Unis parlaient néanmoins d’un « pas en avant » certes insuffisant pour sauver des vies mais qui permettait de « commencer à regarder vers l’avenir et à jeter les bases d’une paix durable ». 

Le 22 novembre, le Conseil examinait, à la demande de Malte et des Émirats arabes unis, l’impact disproportionné du conflit sur les femmes et les enfants.  Il entendait les dirigeantes d’ONU-Femmes, de l’UNICEF et du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), qui rappelaient que, sur les 14 000 civils jusqu’alors tués à Gaza, les deux tiers étaient des femmes ou des enfants, une proportion rigoureusement inversée par rapport à celle des civils tués avant le 7 octobre.  Les délégations pouvaient aussi saluer l’annonce, la veille, d’un accord entre Israël et le Hamas, obtenu grâce aux efforts du Qatar et visant à la libération de 50 femmes et enfants otages du Hamas en échange de celles de 150 femmes et enfants prisonniers palestiniens, ainsi qu’à une pause humanitaire. La trêve, initialement prévue pour 4 jours, entrerait en vigueur le 27 et les échanges quotidiens aboutiraient à la libération de 105 otages et 240 prisonniers avant que les hostilités ne reprennent le 1er décembre. 

Le 29 novembre, alors que la trêve et les échanges d’otages et de prisonniers se poursuivaient, le Conseil tenait une nouvelle séance au niveau ministériel et en présence du Secrétaire général, qui rendait compte de la mise en œuvre de la résolution 2712 (2023) et demandait une augmentation immédiate de l’aide humanitaire ainsi qu’un véritable cessez-le-feu humanitaire.  Israël rejetait ce dernier en affirmant qu’une telle initiative ne lui permettrait pas de défendre ses ressortissants.  Il accusait de nouveau les instances onusiennes d’être utilisées et tournées contre lui.  La Fédération de Russie prévenait qu’en l’absence de décision claire et vérifiable du Conseil de sécurité sur un cessez-le-feu, le « court répit » en cours risquait d’être suivi d’une nouvelle vague de violence.  Elle disait attendre du Secrétaire général des propositions sur des options spécifiques visant à organiser le suivi de la mise en œuvre de la résolution 2712.  Les Ministres des affaires étrangères de la Chine et des Émirats arabes unis et, en dehors du Conseil, ceux du Qatar et de la Malaisie, demandaient au Conseil de prendre ses responsabilité, y compris en faisant en sorte que la solution des deux États devienne une réalité.

Une semaine après la reprise des opérations israéliennes, le Conseil se réunissait de nouveau, le 8 décembre, après que le Secrétaire général eut utilisé, pour la première fois depuis son accession à la tête de l’ONU en 2017, l’Article 99 de la Charte pour attirer son attention.  Le Secrétaire général estimait que les « conditions actuelles » à Gaza « rendent impossible la conduite d’opérations humanitaires dignes de ce nom », exhortait « les membres du Conseil de sécurité à faire pression pour éviter une catastrophe humanitaire » et demandait de nouveau « qu’un cessez-le-feu humanitaire soit déclaré, et ce, de toute urgence ».  La brutalité des actes perpétrés par le Hamas ne pourra jamais justifier la punition collective du peuple palestinien, ajoutait-il.  L’État de Palestine accusait le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu d’avoir consacré « sa vie entière » à l’« annihilation » des Palestiniens.  La stabilité régionale et la sécurité d’Israël dépendent de l’élimination du Hamas, répétait le représentant israélien, pour qui la « voie de la paix » passait donc par un soutien à « la guerre de défense israélienne » et non par la demande d’un cessez-le-feu.  L’argument était repris par les États-Unis, pour qui le Hamas représentait pour Israël une menace existentielle qu’aucun autre pays ne tolérerait à ses frontières, raison pour laquelle ils ne soutiendraient pas les appels en faveur d’un cessez-le-feu immédiat. 

Les États-Unis mettaient donc leur veto au projet de résolution sur lequel le Conseil était appelé à se prononcer aussitôt après. Préparé par les Émirats arabes unis et coparrainé par plus de 100 États Membres, ce texte, très bref, « exigeait » trois choses: un cessez-le-feu humanitaire immédiat; que toutes les parties s’acquittent des obligations au titre du droit international, y compris le droit international humanitaire, « notamment pour ce qui est de la protection des civils »; et la « libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages ainsi que l’assurance d’un accès humanitaire.  Le Royaume-Uni s’abstenait et les 13 autres membres votaient pour en raison de « l’extrême gravité de la situation humanitaire », même si le Royaume-Uni, la France ou le Ghana déploraient comme les États-Unis l’absence de condamnations des attaques terroristes du Hamas.  La Fédération de Russie dénonçait « l’approche destructrice » des États-Unis, accusés de soutenir aveuglément Israël et d’empêcher de facto toute solution.  « Tolérer la poursuite des combats tout en prétendant se préoccuper de la vie et de la sécurité des Gazaouites et de leurs besoins humanitaires est, en soi, une contradiction », estimait la Chine.  Le Ghana accusait Washington de « prononcer cyniquement de belles paroles creuses », ajoutant: « Nous venons de voir la valeur réelle de ces mots. »

Du 9 au 11 décembre, les Émirats arabes unis et l’Égypte organisaient pour les membres actuels du Conseil et les 5 pays entrant en janvier 2024 une visite informelle à Rafah, seul point de passage de l’aide humanitaire à destination de Gaza.  Onze membres s’y rendaient.  Manquaient le Gabon, l’Albanie, la France et les États-Unis.  La visite se faisait dans la perspective du nouveau projet de résolution à vocation humanitaire que les Émirats arabes unis préparaient. 

Le 19 décembre, M. Wennesland indiquait que les frappes aériennes israéliennes s’étaient encore intensifiées partout dans la bande de Gaza et affirmait que « le système de réponse humanitaire est au bord du gouffre ».  La plupart des membres du Conseil demandaient de nouveau une trêve humanitaire durable.  La Fédération de Russie s’en prenait violemment aux États-Unis, qu’elle accusait de « continuer à bloquer l’adoption de projets de résolution qui sauveraient des vies ». 

Les délégations s’inquiétaient aussi des risques d’extension régionale du conflit, y compris avec les attaques de navires menées en mer Rouge par les houthistes du Yémen, revendiquées comme un soutien au Hamas.  Le Chef de l’Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve (ONUST), créé en 1947 à l’issue de la première guerre israélo-arabe, auquel le représentant russe avait suggéré un rôle dans la crise actuelle lors de séances précédentes, présentait sa mission et confirmait de nombreuses violations du cessez-le-feu tant le long de la Ligne bleue entre Israël et le Liban que sur le plateau du Golan entre Israël et la Syrie.  Les membres du Conseil s’inquiétaient plus encore de la dégradation de la situation en Cisjordanie où, depuis le 7 octobre, 293 personnes avaient déjà été tuées par des colons extrémistes et dans le cadre d’opérations israéliennes.  Tous condamnaient les attaques de colons et les États-Unis confirmaient la prise de sanctions, y compris l’interdiction de visas. 

Le 22 décembre, après plusieurs reports, le Conseil était appelé à se prononcer sur le nouveau projet de résolution, longuement négocié, des Émirats arabes unis, qui lui assignaient un « but très simple: répondre par des actions à la situation humanitaire désastreuse sur le terrain et au peuple palestinien qui subit le plus gros de ce conflit, tout en protégeant ceux qui tentent de fournir une aide vitale ». 

À cette fin, le texte « exigeait de toutes les parties au conflit qu’elles autorisent et facilitent le recours à l’ensemble des voies d’accès et de circulation disponibles dans toute la bande de Gaza ».  Il exigeait spécifiquement « la fourniture de carburant à Gaza en quantités suffisantes pour satisfaire les besoins humanitaires ».  En outre, alors que l’ONU avait perdu plus de 130 de ses employés depuis le 7 octobre, elle exigeait des parties au conflit qu’elles prennent « l’ensemble des dispositions nécessaires pour assurer la sûreté et la sécurité du personnel des Nations Unies » et de tous les autres acteurs humanitaires. Pour accélérer l’acheminement de l’aide humanitaire, le projet demandait au Secrétaire général de nommer un « coordonnateur de l’action humanitaire et de la reconstruction » chargé notamment de « vérifier le caractère humanitaire de l’ensemble des secours humanitaires acheminés » par l’intermédiaire d’États qui ne sont pas parties au conflit, grâce à un « mécanisme à mettre rapidement en place ».  Il exigeait de toutes les parties au conflit leur coopération avec le Coordonnateur. À la différence de la résolution 2712 adoptée 37 jours plus tôt, dont il exigeait l’application « dans son intégralité », le texte ne « demandait » plus mais « exigeait » la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages.  Il « rejetait » le déplacement forcé de la population civile, en particulier d’enfants, en violation du droit international. 

S’il visait avant tout à garantir une arrivée massive d’aide humanitaire à Gaza, le texte, qui ne mentionnait pas l’origine du conflit, ne citait ni Israël ni le Hamas et ne demandait pas de cessez-le-feu, réaffirmait « l’attachement sans faille » du Conseil à la « vision de la solution des deux États » en soulignant que la bande de Gaza « fait partie intégrante du territoire occupé en 1967 » ainsi que de « l’État palestinien » démocratique issu de la vision.  Le Conseil y soulignait « l’importance d’unifier la bande de Gaza avec la Cisjordanie, sous l’Autorité palestinienne ».

La Fédération de Russie critiquait vivement le texte, lui reprochant d’avoir abandonné toute référence à un cessez-le-feu immédiat et durable et de donner ainsi à Israël le feu vert pour commettre des crimes de guerre.  Elle présentait un amendement oral pour rétablir ces éléments, qui obtenait 10 voix en sa faveur mais se heurtait au veto des États-Unis.

C’est donc le texte initial que le Conseil adoptait comme résolution 2720 (2023), par 13 voix pour et les abstentions de la Fédération de Russie et des États-Unis.  Le représentant russe expliquait qu’il n’avait pas mis son veto uniquement parce que le texte était soutenu « par un certain nombre d’États arabes » et que « le monde arabe est capable de prendre des décisions et d’en assumer l’entière responsabilité ».  Les États-Unis justifiaient leur abstention en se disant « profondément déçus, consternés, que le Conseil n’ait pas été en mesure de condamner l’horrible attaque terroriste du Hamas du 7 octobre », un reproche que faisaient également le Royaume-Uni et la France. La Chine considérait que l’obtention d’un cessez-le-feu restait la condition préalable primordiale pour éviter un conflit régional mais le Royaume-Uni estimait qu’un tel cessez-le-feu ne durerait pas « si le Hamas est toujours capable d’opérer dans les tunnels et de lancer des attaques à la roquette ».  La diplomatie « reste l’art de ce qui est possible », concédaient les Émirats arabes unis, qui estimaient que le texte adopté, certes insuffisant, commençait à débloquer l’aide vitale et obligeait la communauté internationale à partager un fardeau assumé jusqu’alors par l’Égypte et à « briser les blocus cruels qui étranglent Gaza depuis 16 ans ». Le 26 décembre, le Secrétaire général nommerait Mme Sigrid Kaag Coordonnatrice de l’action humanitaire et de la reconstruction à Gaza.

L’Observateur de l’État de Palestine, qui accusait Israël d’avoir pour objectif « la destruction de notre peuple et son déplacement à jamais de ses terres », voyait dans la résolution « un pas dans la bonne direction » dont l’application devait être accompagnée « d’une pression massive pour un cessez-le-feu immédiat ».  Il comparait Gaza à « un patient dont vous essayez de soigner les blessures pendant que le tueur continue de lui tirer dessus ».  Israël demandait au Conseil de se concentrer sur la libération des otages, affirmait l’que l’aide humanitaire « afflue chaque jour à Gaza » et que l’objectif devrait être d’empêcher le Hamas d’exploiter l’aide. Il rejetait l’idée que le contrôle mis en place par l’ONU remplace ses propres inspections de sécurité, qui « ne changeraient pas ».  Deux jours plus tard, le Premier Ministre israélien annonçait une intensification des opérations militaires à Gaza. 

C’est toutefois la situation en Cisjordanie occupée, où plus de 300 Palestiniens, dont 79 enfants, avaient été tués depuis le 7 octobre, qui provoquait la tenue d’une dernière séance, le 29 décembre. Le meurtre de civils palestiniens n’est pas un effet collatéral de la guerre mais bien un « assaut délibéré » contre ceux-ci, accusait l’Observateur permanent de l’État de Palestine, alors que les Émirats arabes unis voyaient dans la violence des colons en Cisjordanie la conséquence logique de « l’entreprise coloniale israélienne ».  S’il reconnaissait de telles attaques « en Judée et en Samarie », le représentant d’Israël dénonçait une séance qui ne tenait pas compte de la réalité sur le terrain.  Élargissant le débat, il rappelait que plus de 50 000 civils israéliens avaient été déplacés de la frontière nord du pays du fait des attaques du Hezbollah à partir du Liban et demandait que ce pays en soit tenu pour responsable.  Les échanges de tirs quotidiens à travers la Ligne bleue inquiétaient également le Japon et le Sous-Secrétaire général Khaled Khiari, qui parlait de « nombreux théâtres d’opérations interconnectés » au Moyen-Orient.  M. Khiari mentionnait aussi les attaques quotidiennes contre des bases américaines en Iraq et en Syrie, ainsi que des risques d’escalade en mer Rouge, dont s’inquiétaient plusieurs membres du Conseil et auxquels les États-Unis appelaient le Conseil de sécurité à réagir sans plus attendre.

Liban 

- 1 séance publique: 31 août

- 1 résolution: 2695 (2023)

Voir aussi: Moyen-Orient, y compris la question palestinienne; Maintien de la paix et de la sécurité internationales

Le 31 août, par sa résolution 2695(2023), le Conseil renouvelait une nouvelle fois pour un an le mandat de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL).  Mais, pour la première fois, deux membres du Conseil -la Chine et la Fédération de Russie- s’abstenaient, tout en réaffirmant leur plein soutien à la FINUL.  Les déclarations faites après le vote témoignaient des tensions au sein du Conseil sur la question de la liberté de mouvement des Casques bleus.  Certains, comme le Royaume-Uni ou le Japon, insistaient sur la nécessité de garantir sa pleine liberté de mouvement à la FINUL, en coordination avec l’armée libanaise, et déploraient qu’elle ne puisse accéder à certaines zones le long de la Ligne bleue.  Les Émirats arabes unis se félicitaient toutefois de l’appel lancé pour permettre à la Force d’accéder aux champs de tir non autorisés, tout en regrettant que ni Israël ni le Hezbollah ne soient nommés dans le texte.  Chine et Fédération de Russie expliquaient leur abstention par la nécessité de renforcer la coordination de la Force avec le Gouvernement et l’armée libanaises et de prendre en compte l’opinion du pays hôte. Le Liban rappelait qu’il ne s’était jamais opposé au mandat de la FINUL, déployée à sa demande, ni à sa liberté de mouvement, mais jugeait nécessaires des « contrôles » pour raisons sécuritaires.  Le Liban déplorait aussi que la résolution donne l’impression d’un problème de cohésion du tissu national.  Dans son préambule, le Conseil demande avec insistance aux dirigeants politiques et parlementaires du pays « d’assumer leurs responsabilités et de faire primer l’intérêt national en élisant un nouveau président sans plus tarder », ajoutant qu’il est « urgent que les autorités libanaises répondent aux aspirations du peuple libanais pour surmonter les crises politique, sociale, économique et humanitaire aiguës et sans précédent qui secouent actuellement le pays ».

La situation au Liban a aussi été abordée publiquement dans le cadre de certaines des séances consacrées à la « situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne », notamment lors des débats trimestriels.

Syrie

- 24 séances publiques: 5 janvier, 9 janvier25 janvier, 7 février, 28 février, 6 mars, 23 mars, 27 avril, 8 mai, 30 mai, 29 juin (FNUOD), 29 juin11 juillet (humanitaire), 11 juillet (armes chimiques), 24 juillet, 8 août23 août7 septembre27 septembre30 octobre28 novembre21 décembre (FNUOD)21 décembre (politique-humanitaire)22 décembre 

- 3 résolutions: 2672 (2023)2689 (2023)2718 (2023)

Voir aussi: La situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne; Liban; Maintien de la paix et de la sécurité internationales; Terrorisme

La situation en Syrie a été marquée en 2023 par trois événements principaux. 

L’un, diplomatique, a été, en mai, la réintégration du pays au sein de la Ligue des États arabes, après 11 ans de suspension.  Le Conseil de sécurité n’y a joué aucun rôle et l’événement a été diversement apprécié par ses membres, alors que le processus politique intrasyrien est resté bloqué.  Un autre a été le séisme qui a frappé, le 6 février, une partie du pays en même temps que la Türkiye, avec de graves conséquences humanitaires, qui ont abouti à l’ouverture de deux points de passage transfrontaliers supplémentaires pour l’aide humanitaire, sur décision du Gouvernement syrien et non par la volonté du Conseil.  Le troisième a été, le 10 juillet, la fin du mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontière mis en place neuf ans plus tôt par la résolution 2165 (2014), du fait d’un veto russe à la nouvelle reconduction proposée par les deux co-porte-plume humanitaires sur la Syrie et du rejet par le Conseil d’un projet alternatif russe.  Le seul point de passage encore ouvert au titre de ce mécanisme, à Bab el-Haoua, l’est toutefois resté après le 10 juillet sur décision souveraine de Damas et a été effectivement réutilisé à partir de septembre. 

Le Conseil n’a tenu aucune séance publique d’urgence sur la Syrie.  Les séances consacrées à la situation politique et humanitaire ont été systématiquement regroupées sauf en août, mois durant lequel la présidence américaine avait prévu deux séances publiques séparées avant de remplacer celle dédiée à la question humanitaire par une séance privée.

Sur le plan politique, le processus lié à la résolution 2254 (2015) est resté totalement dans l’impasse.  Les efforts pour organiser une neuvième session de la Commission constitutionnelle –la huitième remonte à mai 2022- sont restés vains, la Fédération de Russie refusant depuis l’automne 2022 que les sessions se tiennent à Genève au motif qu’en appliquant les sanctions « antirusses » décidées par l’Occident en lien avec le conflit en Ukraine, la Suisse avait cessé d’être une « plateforme neutre ».

Le 25 janvier, l’Envoyé spécial, M. Geir Pedersen, reconnaissait que, malgré tous ses efforts, aucun progrès substantiel n’avait été réalisé pour construire une vision politique syrienne commune sur la base d’un véritable processus politique.  Il rappelait que le pays était, de fait, divisé en plusieurs parties, avec cinq armées étrangères présentes et des groupes armés et terroristes actifs sur son territoire.  Il continuait de plaider pour un cessez-le-feu national et continuait de préconiser des mesures concrètes susceptibles d’instaurer la confiance. Les Émirats arabes unis conseillaient d’abandonner les approches fragmentaires et temporaires pour privilégier des « solutions arabes aux crises arabes ». 

Le séisme du 6 février mettait au premier plan les aspects humanitaires du dossier syrien sans occulter la partie politique.  Le  28 février, M. Pedersen admettait que « la tragique réalité, c’est qu’une réponse efficace a été partiellement entravée par des défis directement liés aux problèmes irrésolus du conflit syrien ». Il ajoutait toutefois qu’après les défis et les échecs des premiers jours, les mesures humanitaires et temporaires prises en réponse aux tremblements de terre montraient qu’il « est possible de prendre des mesures positives, de coopérer sur la Syrie ».  Il citait notamment l’ouverture par le Gouvernement syrien de deux points de passages transfrontaliers supplémentaires pour l’aide humanitaire.  M. Pedersen reprenait la même idée le 23 mars, tout en regrettant une recrudescence des incidents. 

Le 27 avril, l’Envoyé spécial mettait en avant le regain d’attention diplomatique à l’égard de la Syrie, citant en particulier les « nouvelles ouvertures entre les pays arabes et le Gouvernement syrien ».  Il y voyait une possibilité de soutenir ses propres efforts en faveur d’une solution politique au conflit, à condition toutefois que « de nombreux acteurs, et pas seulement un groupe d’acteurs » prennent des mesures concrètes.  « Pour résoudre chacun des innombrables problèmes de la Syrie, il faut plusieurs clefs, chacune détenue par une partie prenante différente qui ne peut être ignorée et qui peut faire obstruction si elle est exclue », insistait-il.

La réintégration, le 7 mai, de la Syrie au sein de la Ligue des États arabes après plus de 11 années de suspension dominait la séance du 30 mai.  M. Pedersen voyait dans cette normalisation des relations avec la Syrie une occasion de reprendre un processus intrasyrien « sérieux », s’appuyant sur une nouvelle convocation de la Commission constitutionnelle et l’adoption d’un cessez-le-feu national.  Au sein du Conseil, les Émirats arabes unis parlaient d’une étape importante vers la réalisation de la paix, affirmaient que l’initiative arabe était menée en étroite coordination avec l’Envoyé spécial et l’ONU et appelaient tous les acteurs à appuyer les efforts des pays arabes par une approche réaliste.  Les États-Unis, le Japon et les pays européens en « prenaient note », non sans amertume.  Réhabiliter Bachar el-Assad sans condition ne permettra pas d’établir la paix durable à laquelle les Syriens aspirent, affirmait la France, qui rappelait que le « régime » et ses alliés étaient « responsables d’une guerre aux conséquences sans précédent au XXIème siècle ».  Les États-Unis accusaient le « régime d’Assad » d’avoir cyniquement tiré parti du tremblement de terre pour retrouver sa place sur la scène internationale. 

Après une séance du 29 juin essentiellement consacrée à l’aspect humanitaire du dossier syrien et la fin du mécanisme transfrontière le 10 juillet, l’Envoyé spécial plaidait de nouveau pour une relance du processus politique et son approche « étape par étape » lors de la séance du 24 juillet.  Plusieurs membres du Conseil souhaitaient notamment une nouvelle réunion de la Commission constitutionnelle, la dernière remontant désormais à plus de 14 mois, mais la Fédération de Russie refusait toujours qu’elle se tienne en Suisse et appelait à trouver un « lieu approprié » tout en ajoutant: « pour autant que nous le sachions, ce processus est sur le point d’aboutir ».  La question du lieu de cette session allait dominer les séances des mois suivants.

De fait, le seul élément ressortant de la séance suivante, le 23 août, était le souhait exprimé par les participants à la première session du Groupe de contact de la Ligue des États arabes sur la Syrie, tenue le 15 août au Caire, de voir une réunion de la Commission constitutionnelle se tenir à Oman avant la fin de l’année. La Fédération de Russie disait souscrire à la « proposition de l’Envoyé spécial qu’elle se tienne à Oman », alors que M. Pedersen notait qu’Oman était « l’un des lieux de substitution proposés ».  Les A3 (Mozambique, Ghana, Gabon) soutenaient la proposition de la Ligue des États arabes. Le Brésil et l’Équateur continuaient de parler d’une reprise à Genève.  Les États-Unis disaient « ne pas voir la nécessité de changer le lieu de la réunion, qui est censé être Genève » mais appuyaient « tout effort visant à faire pression sur le régime d’el‑Assad pour qu’il prenne de nouveau part aux travaux de la Commission constitutionnelle ».  Ils ajoutaient que le choix du lieu devait être « fait par les parties elles-mêmes » et que le « régime » devait également « participer de manière effective, quel que soit le lieu ». Les membres occidentaux rappelaient en outre qu’aucune normalisation, contribution à la reconstruction ou levée des sanctions ne serait envisageable en l’absence de gestes tangibles de la part du régime syrien, notamment dans le sens d’un processus politique crédible et inclusif ainsi que d’un retour volontaire, sûr et digne des réfugiés.  Au contraire, la Syrie, appuyée par la Fédération de Russie, exigeait la levée immédiate et inconditionnelle des sanctions occidentales.

La séance du 27 septembre n’apportait rien de neuf sur le processus politique, pas plus que les trois suivantes, qui seraient dominées par le risque d’extension à la Syrie et à la région de la guerre à Gaza, entamée le 7 octobre. 

Le 30 octobre, M. Pedersen s’alarmait « qu’en plus de la violence découlant du conflit syrien lui-même, le peuple syrien soit maintenant confronté à la perspective terrifiante d’une escalade potentielle plus large ».  Affirmant que « l’effet de contagion n’est pas seulement un risque, il a déjà commencé », il avertissait que la situation en Syrie n’avait « jamais été aussi dangereuse depuis longtemps ».  La France s’inquiétait de la mobilisation des groupes armés à la frontière avec Israël et les États-Unis disaient craindre que certains groupes soutenus par l’Iran et la Syrie ne cherchent à élargir le conflit. La Syrie et la Fédération de Russie dénonçaient une nouvelle fois l’occupation militaire et les frappes aériennes américaines dans le nord-est du pays.  L’Envoyé spécial déplorait une fois de plus l’absence de consensus sur le lieu de reprise des travaux de la Commission constitutionnelle ou sur leur contenu. 

La situation, qui n’avait pas évolué lorsque se tenait la séance du 28 novembre, s’était plutôt aggravée quand le Conseil examinait une dernière fois la situation, le 21 décembre.  M. Pedersen s’alarmait d’une intensification des frappes, des échauffourées le long des lignes de front et des bombardements dans plusieurs régions du pays et insistait une nouvelle fois sur le risque pour les Syriens d’une escalade régionale dans le sillage de la guerre à Gaza.  Il appelait une nouvelle fois à un cessez-le-feu en déplorant « l’oubli » dans lequel tombait le conflit syrien.

Sur le plan humanitaire, l’année commençait par l’adoption unanime de la résolution 2672 (2023), le 9 janvier, qui reconduisait pour six mois, jusqu’au 10 juillet, l’autorisation des convois transfrontaliers donnée par la résolution 2642 (2022) du 12 juillet 2022. Le texte était considéré par les membres du Conseil comme la « confirmation » de cette dernière, qui avait prorogé l’autorisation des convois transfrontaliers par le seul point de passage de Bab el-Haoua jusqu’au 10 janvier et prévu une prorogation supplémentaire de six mois, sous condition d’un rapport spécial du Secrétaire général sur les besoins humanitaires en Syrie, remis en décembre 2022 et de « l’adoption d’une résolution distincte ».  Si tous les membres du Conseil s’en félicitaient, France, États-Unis et Royaume-Uni regrettaient qu’il n’ait pas été possible de tomber d’accord sur un renouvellement du mécanisme pour une période de 12 mois.  La Fédération de Russie expliquait son vote positif par la volonté de saluer l’approche « non politisée et objective » des nouveaux porte-plume humanitaires –le Brésil et la Suisse- tout en prévenant qu’il ne faudrait pas compter sur une nouvelle prorogation de six mois en juillet, sauf si l’attitude des membres occidentaux du Conseil de sécurité à l’égard de la fourniture d’une aide humanitaire à la Syrie changeait. Elle leur reprochait de vouloir avant tout préserver le mécanisme transfrontière pour s’en servir comme « levier de pression politique » sur Damas. 

Les mêmes arguments étaient échangés lors de la séance d’information du 25 janvier, lors de laquelle les porte-plume humanitaires exprimaient leur préoccupation face au sous-financement du plan d’intervention de l’ONU en faveur de la Syrie.

Le séisme qui ravageait l’est de la Türkiye le 6 février faisait aussi de nombreuses victimes dans le nord-ouest de la Syrie – l’ONU parlerait fin février d’environ 6 000 morts, dont les trois quarts dans des zones sous contrôle d’opposants à Damas.  Le Conseil discutait de ses conséquences humanitaires en privé le 13 février et le Gouvernement syrien autorisait l’ouverture pour trois mois de deux autres points de passage transfrontaliers, à Bab el-Salam et Raaï. 

La première séance publique à en traiter se tenait le 28 février.  Au nom de l’OCHA, M. Griffiths, qui saluait l’ouverture des points de passage supplémentaires, rappelait qu’avant même le séisme, environ 15,3 millions de personnes, soit 70% des Syriens, avaient déjà besoin d’une aide humanitaire. Il précisait qu’un appel éclair de près de 400 millions de dollars avait été émis, qui venait s’ajouter aux 4,8 milliards de dollars du plan de réponse humanitaire 2023 pour la Syrie, le « plus vaste appel » consolidé jamais lancé pour un seul pays et appelait les donateurs à se montrer généreux lors de la nouvelle conférence de donateurs prévue à Bruxelles.  Plusieurs membres du Conseil rappelaient l’aide qu’ils avaient apportée ou promise. Les A3 demandaient le respect du droit international humanitaire et un cessez-le-feu immédiat.  Les porte-plume humanitaires exhortaient les parties à faciliter davantage un accès humanitaire rapide, alors que le Conseil entendait aussi le mécontentement de la société civile face à la lenteur de l’aide, que l’Envoyé spécial attribuait à des facteurs politiques.  Appuyée par la Fédération de Russie, la Syrie dénonçait les effets des sanctions unilatérales, que la Chine accusait d’avoir réduit presque à néant les capacités d’intervention humanitaire du pays.  Les États-Unis rétorquaient que les sanctions visent des entités et des individus qui brutalisent les Syriens depuis des années et la France rappelait que l’Union européenne et ses membres avaient adopté une exemption humanitaire temporaire pour une durée de six mois.

Les problèmes évoqués n’empêchaient pas l’OCHA de saluer, le 23 mars, les différents efforts de coopération, en particulier l’élargissement des passages transfrontaliers dans le nord-ouest de la Syrie, que l’Envoyé spécial citait en exemple pour tenter de trouver un nouvel élan et relever des défis politiques plus larges.  Plusieurs membres du Conseil se félicitaient des 950 millions de dollars de dons promis trois jours plus tôt lors de la Conférence de Bruxelles, même si l’OCHA rappelait que le Plan de réponse humanitaire 2023 n’était, lui, financé qu’à hauteur de 6%. 

L’OCHA insistait de nouveau, le 27 avril, sur l’aide à long terme.  La Fédération de Russie accusait les donateurs occidentaux de politiser l’aide humanitaire et de l’utiliser comme « instrument de pression » contre Damas, en opposant le financement à quelque 97% de l’appel éclair, destiné à des zones échappant au contrôle des autorités syriennes, aux maigres 8% reçus pour le Plan de réponse humanitaire consolidé, destiné à aider principalement des territoires sous contrôle gouvernemental.

Jamais absentes des séances précédentes, les prises de position concernant le devenir de l’autorisation de passages transfrontaliers et de son mécanisme de contrôle prenaient de l’importance à l’approche de l’échéance de juillet.  Le 30 mai, l’OCHA se félicitait de l’extension pour trois mois de l’ouverture des points de passages frontaliers de Bab el-Salam et Raaï accordée par le Gouvernement syrien et y voyait un complément vital aux opérations transfrontalières par Bab el-Haoua, qui permettait d’en élargir la portée tout en réduisant les coûts.  Face à des « souffrances humanitaires plus aiguës que jamais », l’OCHA jugeait indispensable une prolongation de 12 mois du mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontière.  À l’opposé, la Fédération de Russie disait ne voir « aucune raison de le prolonger » et dénonçait une fois de plus les partisans d’un mécanisme « obsolète ».  « L’ONU a déjà prouvé qu’elle était capable de travailler en contact et en coordination avec le Gouvernement national sans une résolution du Conseil, qui devrait enfin cesser d’exister », commentait le représentant russe.

La pression montait encore lors de la séance du 29 juin, la dernière avant l’échéance.  Le Coordonnateur des secours d’urgence rappelait l’appui clair du Secrétaire général à un renouvellement pour 12 mois de l’autorisation du mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière, durée qui permettrait de garantir les flux d’aide tout au long de la saison hivernale et de préparer des programmes de relèvement rapide, alors que l’approvisionnement au travers des lignes de front restait incapable à ce stade de remplacer en volume l’aide transfrontière.  La grande majorité des membres du Conseil approuvait, les États-Unis et le Royaume-Uni souhaitant en outre inclure dans la résolution les deux points de passages supplémentaires ouverts unilatéralement par la Syrie.  La Fédération de Russie répétait que le mécanisme n’avait plus d’humanitaire que le nom, étant de plus en plus utilisé pour saper la souveraineté de la Syrie.  La Chine rappelait elle aussi son caractère « exceptionnel », jugeant nécessaire de le remplacer progressivement par des livraisons à travers les lignes de front. 

Initialement programmé le 7 juillet, le vote sur la reconduction avait finalement lieu le 11 juillet, soit quelques heures après l’expiration de l’autorisation.  Comme un an plus tôt, le Conseil se trouvait face à deux textes concurrents, qui seraient tous deux rejetés. 

Le premier, dû aux porte-plume humanitaires, visait à reconduire l’autorisation de passage transfrontière pour neuf mois, jusqu’au 10 avril 2024, pour le seul point de passage de Bab el-Haoua.  Il préconisait en outre « un élargissement des activités humanitaires » dans le pays, citant « les projets de relèvement rapide relatifs à l’eau, à l’assainissement, à la santé, à l’éducation, à l’électricité, là où c’est essentiel pour rétablir l’accès aux services de base, à la lutte antimines humanitaire et aux abris ».  Enfin, il demandait à toutes les parties concernées de « permettre l’acheminement de l’aide humanitaire à travers les lignes de front dans toutes les régions du pays ».  Le Brésil expliquait qu’il s’agissait d’un texte de « compromis équilibré ».  Il recevait l’appui des 10 membres élus du Conseil, qui faisaient savoir qu’ils auraient préféré une autorisation de mandat plus longue, mais reconnaissaient l’utilité de maintenir la position unifiée du Conseil, et parlant d’« effort diplomatique collectif ». 

L’offre de compromis n’empêchait pas la Fédération de Russie de voter contre le texte – la Chine s’abstenait, les 13 autres membres votaient pour, accusant ensuite les pays occidentaux de n’avoir cherché qu’à la pousser à recourir à son droit de veto.  Reprenant ses accusations contre le mécanisme, elle ajoutait que la fermeture du point de passage de Bab el-Haoua ne signifierait pas un effondrement de l’aide transfrontalière, puisque le Gouvernement syrien avait ouvert de lui-même deux autres points de passage depuis février.

Le veto russe était vivement critiqué.  Les coauteurs se disaient « très déçus » et évoquaient le « devoir » du Conseil envers les millions de personnes en Syrie qui dépendent de cette aide.  Plus sévères, les États-Unis dénonçaient à la fois un « acte d’une extrême cruauté » et un « affront flagrant » tant aux valeurs du Conseil qu’au peuple syrien.  Le Royaume-Uni accusait la Russie de prendre en otage l’accès humanitaire.  La France rappelait que l’aide humanitaire à la Syrie était financée à 90% par l’Union européenne et ses États membres, les États-Unis, le Canada et le Japon, alors que la Russie n’en fournissait « quasiment aucune ».

La Fédération de Russie présentait alors son projet alternatif, qui limitait l’autorisation transfrontalière à six mois, mettait l’accent sur le passage de l’aide à travers les lignes de front et ajoutait que l’aide humanitaire devait inclure des projets de relèvement rapide « et de développement durable ».  En outre, il demandait au Secrétaire général de présenter au Conseil avant le 10 décembre « un rapport spécial sur l’impact des sanctions unilatérales sur la situation humanitaire » en Syrie.  Seule la Chine soutenait ce texte, contre lequel votaient les trois membres occidentaux permanents alors que les 10 membres élus s’abstenaient. 

La Chine disait regretter le double rejet et souhaiter le maintien du mécanisme transfrontière tout en appelant le Conseil à prendre en compte les « incohérences » du système actuel et à y remédier en élargissant le domaine des activités humanitaires.  Les porte-parole humanitaires parlaient de la « responsabilité du Conseil de renouveler le mandat du mécanisme transfrontière » et annonçaient leur intention de continuer « d’œuvrer pour trouver un terrain d’entente et pour que nous soyons collectivement à la hauteur de cette responsabilité ».  Avant même le vote, les États-Unis avaient annoncé qu’en cas de rejet, ils reviendraient sur la question lors de leur présidence du Conseil en août.  Mais la Fédération de Russie avait averti en retour qu’en cas de rejet de son texte, elle n’accepterait aucune prorogation du mécanisme, pour quelque durée que ce soit.  Contrairement à ce qui s’était passé lors des quatre précédents veto opposés depuis 2019 par la Russie au renouvellement du mécanisme, et en particulier en 2022 quand un nouveau texte de compromis avait été adopté quelques jours après le rejet de deux projets concurrents, il n’y aurait cette fois pas d’autre vote. 

Au-delà de la colère qu’exprimaient de nouveau Royaume-Uni, États-Unis, France ou Albanie, la séance du 24 juillet était marquée par des appels à une plus grande « prévisibilité » dans l’acheminement de l’aide humanitaire, une « question de vie ou de mort » selon l’OCHA.  Son représentant se disait ainsi prêt à continuer de fournir une aide transfrontière vitale par le poste de Bab el-Haoua.  Fermé le 10 juillet à minuit, celui-ci avait été rouvert dès le 13 juillet par les autorités syriennes, qui avaient fait savoir à l’ONU qu’elle pourrait l’utiliser pendant six mois, mais à des conditions jugées initialement inacceptables et qui faisaient encore l’objet de négociations.  La Fédération de Russie soulignait que cette autorisation, destinée à aider la ville d’Edleb, était calquée sur celle concernant les postes de Bab el-Salam et de Raaï ouverts en février au profit d’Alep.  Brésil et Suisse insistaient pour que la solution trouvée pour continuer à soulager le sort des Syriens soit pleinement conforme aux principes humanitaires d’humanité, d’impartialité, de neutralité et d’indépendance. 

En raison d’un important débat informel sur l’aspect humanitaire du dossier syrien, le Conseil n’examinait pas la question en séance officielle publique en août. Mais, le 27 septembre, ses membres pouvaient se féliciter de la réouverture effective, huit jours auparavant, du point de passage de Bab-el-Haoua, à la suite de l’accord conclu en août entre le Gouvernement syrien et l’ONU. Avec la nouvelle prolongation pour trois mois, jusqu’à la mi-novembre, de l’ouverture des postes-frontières de Bab el-Salam et de Raaï, c’étaient donc trois points de passage frontaliers que les Nations Unies pouvaient emprunter, se félicitaient le Brésil et la Suisse. L’Envoyé spécial insistait pour que toutes les modalités de l’accord soient respectées, y compris l’atténuation des effets négatifs des sanctions et la pleine mise en œuvre des exemptions humanitaires existantes.  Les États-Unis disaient toutefois craindre que Damas ne tente d’imposer de nouvelles conditions à l’ONU lorsque viendrait le moment de renouveler l’autorisation d’utiliser les points de passage.  La Fédération de Russie notait qu’avec un plan humanitaire toujours financé à moins de 30%, la Syrie était victime d’une « discrimination extrêmement cruelle » de la part des donateurs occidentaux, accusé d’avoir pour « seul souci de parrainer les livraisons d’armes à l’Ukraine ». 

À partir du 7 octobre, la guerre à Gaza concentrait toute l’attention du Conseil et la situation en Syrie était surtout vue sous l’angle politique d’un risque d’extension régionale du conflit, qui dominait la séance du 30 octobre.  L’OCHA plaidait toutefois pour qu’on ne néglige pas les autres crises humanitaires, y compris dans la région, et rappelait qu’en Syrie, la situation s’était dégradée du fait d’une grave escalade des hostilités dans le nord du pays depuis le début du mois.  En outre, plusieurs autres frappes aériennes sur les aéroports d’Alep et de Damas, attribuées à Israël, avaient temporairement interrompu le service aérien humanitaire de l’ONU qui opère à partir de ces aéroports.

Ces attaques israéliennes, qui se poursuivaient en novembre, étaient de nouveau dénoncées le 28 novembre par plusieurs membres du Conseil en raison de leur impact sur le transport de fret et de personnel humanitaire.  Les porte-parole humanitaires, qui s’inquiétaient une nouvelle fois de la faiblesse du financement du plan de réponse humanitaire, se félicitaient en revanche de la nouvelle extension par le Gouvernement syrien de l’ouverture des points de passage de Bab el-Salam et de Raaï, jusqu’à mi-février 2024.  L’OCHA rappelait que plus de 20% des camions et près de 50% des missions du personnel de l’ONU se rendant dans le nord-ouest de la Syrie depuis février avaient emprunté ces deux points de passage, ouverts après le séisme à l’initiative du Gouvernement syrien, et qu’il s’agissait de l’itinéraire le plus efficace pour atteindre les personnes dans le besoin dans le nord d’Alep.  Les membres occidentaux du Conseil reconnaissaient la « bonne nouvelle », tout en jugeant inacceptables les renouvellements « de dernière minute » ou l’existence de conditions à ceux-ci.

C’est surtout le faible financement –près de 20% en moins par rapport à 2022- du plan de réponse humanitaire pour le pays qui inquiétait l’OCHA le 21 décembre.  La Syrie affirmait que cette situation sapait les efforts qu’elle avait consentis pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire via les points de passage transfrontière désormais sous son contrôle.  À cet égard, l’OCHA et plusieurs membres du Conseil appelaient à la reconduction de l’autorisation concernant le point de passage de Bab el-Haoua, qui expirait le 13 janvier.  La Fédération de Russie se plaisait à rappeler que son sort dépendait désormais « d’une décision souveraine de Damas, prise dans le cadre d’un dialogue bilatéral entre le Gouvernement syrien et l’ONU ». Elle regrettait aussi que l’acheminement de l’aide à travers les lignes de front ne fonctionne toujours pas, y voyant la confirmation que les Occidentaux se souciaient peu de la souffrance des Syriens, « tout comme de celle des Gazaouites », et n’étaient intéressés que par les jeux géopolitiques et clientélistes dans la région.

Comme en 2022, le volet « armes chimiques » du dossier syrien n’a connu aucune évolution.  La fréquence des séances publiques sur le sujet, traditionnellement mensuelles, a été de plus en plus vivement contestée encore plus que l’année précédente, particulièrement par la Fédération de Russie et la Chine qui, à partir de mars, décidaient à plusieurs reprises de ne pas prendre la parole lors des réunions.  En septembre, le Gabon et le Ghana restaient eux aussi silencieux pour des « raisons pratiques ».  De fait, le Conseil n’a consacré que huit séances publiques à la question. 

Le 5 janvier, le Conseil commençait l’année par l’examen du cent onzième rapport mensuel du Directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). Comme tous ceux qui suivraient durant l’année, il ne contenait aucun élément nouveau significatif.  La Syrie n’avait toujours pas répondu aux 20 questions relatives aux « lacunes, incohérences et divergences » identifiées par le Secrétariat de l’OIAC dans la déclaration initiale de la Syrie lors de son adhésion à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques et les efforts tendant à organiser des consultations entre l’Équipe d’évaluation des déclarations et l’Autorité nationale syrienne restaient infructueux.  Face à ce blocage, la Fédération de Russie traitait le rapport de « copie conforme » du précédent, jugeant inutile tout examen de fond.  Chine et Brésil suggéraient une baisse de fréquence des séances consacrées au sujet, que refusaient fermement les pays occidentaux. Les Émirats arabes unis déploraient que la question soit « l’une des plus politisées au sein du Conseil ». 

La séance du 7 février donnait aux membres du Conseil l’occasion de commenter le troisième rapport de l’Équipe d’enquête et d’identification de l’OIAC sur l’attaque à l’arme chimique perpétrée à Douma le 7 avril 2018.  Publié le 27 janvier, le rapport conclut à la responsabilité exclusive des forces armées syriennes.  Les membres occidentaux du Conseil jugeaient ces conclusions sans ambiguïté et les faits, indiscutables.  La Fédération de Russie suggérait au contraire que le nouveau rapport de l’Équipe d’enquête, jugée « illégitime » du fait des conditions de sa création, ne servait qu’à permettre aux Occidentaux de prétendre que le Conseil avait quelque chose à discuter dans le dossier des armes chimiques en Syrie.  Elle jugeait quant à elle les séances du Conseil sur le sujet « totalement vides » et d’une « inutilité devenue évidente pour tous », dénonçait la transformation du Secrétariat technique de l’OIAC en un instrument aux mains de l’« Occident collectif » et s’en prenait directement au Directeur général de l’OIAC, M. Fernando Arias, qui participait à une séance du Conseil pour la première fois depuis 20 mois.  Parmi les autres membres, les Émirats arabes unis insistaient sur la nécessaire indépendance du Secrétariat de l’OIAC et les pays africains encourageaient le renforcement de sa coopération avec l’Autorité syrienne, tout en souhaitant que le Conseil aide à traiter de manière plus constructive les problèmes qui empêchent d’appliquer pleinement la résolution 2118 (2013).   

Aucun développement n’étant intervenu, les mêmes commentaires se répétaient lors de la séance suivante, le 6 mars, le seul élément marquant étant l’absence de prise de parole de la part de la Chine et de la Fédération de Russie.

Présidente du Conseil en avril, la Fédération de Russie n’organisait pas de réunion sur le sujet.  Lors de la séance suivante, le 8 mai, elle estimait qu’une réunion trimestrielle sur le sujet serait largement suffisante, alors que la Chine proposait de consacrer une seule séance mensuelle au dossier syrien, qui en traiterait tous les aspects.  Les Émirats arabes unis appuyaient l’idée, tout en se félicitant de la décision prise la veille par la Ligue des États arabes d’admettre de nouveau la République arabe syrienne en son sein. 

Présidents du Conseil en juin, les Émirats arabes unis n’organisaient pas non plus de séance sur le sujet et c’est sous la présidence du Royaume-Uni que se tenait, le 11 juillet, la suivante, qui n’apportait rien et lors de laquelle Chine et Fédération de Russie réitéraient leur demande de réduction de la fréquence des réunions.  Du coup, les deux pays restaient silencieux lors de la séance du 8 août, lors de laquelle les autres membres ne pouvaient que constater la poursuite des blocages. Il en était de même le 7 septembre, le seul point nouveau étant l’absence de prise de parole de la part du Gabon et du Ghana, « pour des raisons pratiques ». 

Le dixième anniversaire de l’adoption, le 27 septembre 2013, de la résolution 2118 (2013), base de l’examen par le Conseil des rapports de l’OIAC sur le dossier chimique syrien, passait inaperçu au Conseil.  La présidence brésilienne n’organisait pas de séance publique en octobre, pas plus que la chinoise en novembre. 

La dernière séance de l’année, le 22 décembre, apportait deux éléments nouveaux.  Pour la première fois depuis deux ans et demi, l’Équipe d’évaluation des déclarations et l’Autorité nationale syrienne avaient pu se rendre en Syrie, du 30 octobre au 5 novembre, pour un vingt-cinquième cycle de consultations. Les membres occidentaux du Conseil minimisaient cette « concession limitée » qui ne corrigeait pas, à leurs yeux, le non-respect de longue date de la Convention sur les armes chimiques par la Syrie, dont le délégué mettait au contraire en avant la volonté de coopération.  Ce dernier dénonçait par ailleurs la décision prise le 30 novembre lors de la vingt-huitième Conférence des États parties à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, de recommander différentes sanctions contre la Syrie, dont l’imposition d’embargos sur des produits chimiques à double usage. Plusieurs membres du Conseil décriaient eux aussi une décision adoptée non par consensus mais à l’issue d’un vote, par 69 États sur 194.  Rappelant que la majorité des États parties avaient soit voté contre, soit choisi de s’abstenir ou d’être absent, le Brésil parlait de « crise de crédibilité de l’OIAC » et les Émirats arabes unis d’une décision qui « ne contribuerait pas à la résolution des questions en suspens dans ce dossier ». La Fédération de Russie qualifiait l’Organisation et son Secrétariat « d’arme docile entre les mains d’un groupe d’États occidentaux ».

Par ailleurs, à propos du Golan, le Conseil, par ses résolutions 2689 (2023) et 2718 (2023), adoptées respectivement le 29 juin et le 21 décembre, renouvelait par deux fois pour six mois, la seconde fois jusqu’au 30 juin 2024, le mandat de la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD). 

Iraq

- 7 séances publiques: 2 février, 18 mai30 mai7 juin15 septembre10 octobre, 4 décembre 

- 2 résolutions: 2682 (2023), 2697 (2023)

Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales; Terrorisme

Le Conseil a examiné tous les quatre mois les rapports du Secrétaire général sur le pays, qui a retrouvé un début de stabilité malgré la poursuite de plusieurs défis sérieux comme la corruption ou les relations entre l’État central et le Kurdistan autonome.  Le mandat de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), dirigée par Mme Jeanine Hennis-Plasschaert, Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Iraq, a été renouvelé pour un an jusqu’à la fin mai 2024.  Parallèlement, sous la pression du Gouvernement iraquien, le départ à la mi-septembre 2024 de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD) a été acté par le Conseil, malgré les fortes réticences de certains pays.  

Le 2 février, Mme Hennis-Plasschaert notait que la mise en place, en octobre 2022, du nouveau Gouvernement iraquien après un an d’attente avait ouvert une fenêtre d’opportunités, à saisir d’urgence par les autorités.  Les membres du Conseil appuyaient la Représentante spéciale et exhortaient le Gouvernement à mener à bien la réforme institutionnelle et socioéconomique.  Ils notaient comme elle une « dynamique positive » visant à régler les problèmes en suspens dans les relations entre le nouvel exécutif et la Région du Kurdistan.  Alors que le représentant de l’Iraq dénonçait une fois de plus l’agression répétée du territoire iraquien par la Türkiye et l’Iran sous prétexte d’autodéfense, la Fédération de Russie jugeait intolérable que le pays serve de théâtre d’affrontements pour des règlements de comptes géopolitiques.  Malte appelait tous les États, en particulier ceux voisins de l’Iraq, à respecter et à soutenir sa souveraineté, son intégrité territoriale et le processus politique démocratique en cours.

Le 18 mai, la Représentante spéciale estimait que le Gouvernement avait démontré sa détermination à s’attaquer aux défis les plus pressants, mais prévenait le Conseil qu’il aurait besoin de temps.  À moins de deux semaines de l’échéance pour le renouvellement de la MANUI, plusieurs membres du Conseil mettaient en avant l’appui que la Mission pourrait apporter à l’organisation d’élections, à la réforme de la gouvernance et à la lutte contre les effets négatifs des changements climatiques.  Chine, Équateur et Brésil soutenaient la demande de l’Iraq d’une évaluation stratégique de l’action de la Mission sur le terrain.  

Le 30 mai, par la résolution 2682 (2023), le Conseil votait à l’unanimité la reconduction du mandat de la MANUI dans les même termes que ceux de la résolution  2631 (2022).  Il demandait en outre au Secrétaire général de lui présenter avant le 31 mars 2024, les conclusions d’un examen indépendant stratégique de la Mission.

La troisième séance régulière de l’année, le 10 octobre, se plaçait dans la ligne des deux précédentes.  Mme Hennis-Plasschaert confirmait les gains de stabilité politique de l’Iraq, en particulier avec l’adoption d’un budget fédéral ambitieux et la conclusion d’accords avec ses voisins sur des questions comme l’eau, l’énergie, la sécurité ou la coopération économique.  Certains membres du Conseil insistaient toutefois sur la nécessité d’efforts supplémentaires, y compris pour lutter contre la corruption et diversifier l’économie.  Des voix s’élevaient également pour appeler au dialogue inclusif et au respect du calendrier électoral dans la perspective de la tenue, en décembre, d’élections provinciales, ainsi que des élections régionales au Kurdistan, initialement prévues en 2018 mais reportées à plusieurs reprises et désormais fixées au 25 février 2024.

Le redressement de l’Iraq s’est accompagné d’une réaffirmation de sa souveraineté, y compris dans le domaine judiciaire, dont l’UNITAD a subi les conséquences.  

Le 7 juin, le Chef de l’UNITAD, M. Christian Ritscher, présentait au Conseil son rapport semestriel sur l’état d’avancement des travaux de l’Équipe d’enquête.  Au-delà des progrès présentés, il rappelait que l’objectif de l’UNITAD n’était pas de créer un registre des crimes de Daech mais de tenir pour responsables les membres de cette organisation qui ont commis des crimes internationaux.  À ses yeux, cela supposait de disposer de tribunaux compétents, de preuves fiables et d’un cadre juridique approprié.  S’il saluait la création en mars d’un groupe de travail conjoint avec les autorités iraquiennes et ajoutait qu’une fois adoptée une législation nationale en matière pénale, la voie à suivre serait « plus claire », il affirmait que la mission de l’Équipe d’enquête n’était « pas terminée » et devait encore conduire à la condamnation de membres de Daech, « avec la participation active des victimes et des survivants », dont il saluait la contribution. 

Le représentant de l’Iraq répondait que l’UNITAD avait l’obligation de transférer tous les éléments de preuve dont elle dispose aux autorités de son pays.  Il était soutenu par les Émirats arabes unis, le Ghana, le Brésil et la Fédération de Russie, laquelle demandait à l’UNITAD de se conformer à la résolution 2379 (2017), qui désigne les autorités iraquiennes comme « les premiers destinataires » des éléments de preuve recueillis par l’Équipe d’enquête sans fixer de condition préalable à cet effet.  Par ailleurs, le Brésil demandait la mise en place, en concertation avec les autorités iraquiennes, d’un calendrier crédible pour l’achèvement du mandat de l’UNITAD, dont la Chine rappelait qu’elle était un « arrangement temporaire et de transition ». 

Le 15 septembre, par sa résolution 2697(2023), le Conseil prorogeait le mandat de l’UNITAD et de son chef pour un an, jusqu’au 17 septembre 2024, mais actait en même temps la fin de l’Équipe d’enquête.  En effet, le Conseil « prenait note de la demande formulée par le Gouvernement iraquien » dans une lettre datée du 5 septembre et qui souhaitait voir le mandat de l’UNITAD « prolongé d’un an seulement et sans possibilité de prorogation ».  Le Conseil prenait également note de la demande iraquienne de voir l’UNITAD lui remettre « les éléments de preuve en sa possession d’ici à l’année prochaine » et demandait au Secrétaire général de lui présenter des recommandations en ce sens au plus tard le 15 janvier 2024.

Auteur du texte, le Royaume-Uni saluait le travail accompli par l’UNITAD et voulait croire que le texte, adopté à l’unanimité, permettrait d’améliorer les modalités de partage des éléments de preuve avec les autorités iraqiennes, « tout en alimentant leur réflexion quant à l’avenir de l’Équipe d’enquêteurs ».  Les États-Unis mettaient l’accent sur le partage des éléments de preuve avec des États tiers afin que les combattants étrangers soient tenus de rendre des comptes dans leur pays d’origine, tout en ajoutant eux aussi que la résolution adoptée ne devait « pas être interprétée comme prédéterminant l’action future en ce qui concerne le renouvellement de son mandat ».  Au contraire, la Fédération de Russie reprochait à l’Équipe de n’avoir jamais rempli son mandat de soutien aux efforts judiciaires iraquiens et affichait son soutien à la demande de Bagdad de mettre un terme au mandat de l’UNITAD d’ici un an.  La Chine rappelait que l’appropriation nationale et les décisions du pays hôte devaient toujours être respectées et disait espérer « que ces demandes du Conseil seront pleinement et efficacement mises en œuvre ».  Les Émirats arabes unis estimaient que la résolution allait dans le sens des préoccupations et des requêtes souveraines de l’Iraq.

La séance du 4 décembre confirmait les réticences des États-Unis et du Chef de l’UNITAD à clôturer la mission à la mi-septembre 2024.  M. Christian Ritscher affirmait que certaines enquêtes ne pourraient pas être bouclées avant cette date.  Tout en reconnaissant qu’il « appartient à l’Iraq d’exercer son droit souverain de décider de l’avenir de cette mission », il avertissait qu’une fin prématurée et abrupte ne pourrait qu’entraîner « une perte pour toutes les parties concernées ».  Les États-Unis disaient redouter une clôture « hâtive » et la Suisse jugeait réel le risque que certaines enquêtes essentielles ne soient pas achevées à temps.  

Le représentant de l’Iraq opposait une fin de non-recevoir à toute demande d’extension du mandat et demandait que toutes les preuves rassemblées par l’UNITAD soient transmises à son gouvernement avant la date de clôture, rappelant qu’à ce jour, la mission ne lui avait remis aucun élément de preuve mais seulement des rapports et des résumés sans valeur juridique devant les juridictions iraquiennes.  Il demandait aussi le plein respect de la souveraineté de l’Iraq en matière judiciaire, notamment en ce qui concerne la décision de partage des éléments de preuve avec des États tiers, tout en se voulant rassurant avec les délégations qui s’inquiétaient d’un risque de voir les demandes d’entraide des autorités de pays tiers rester sans réponse.  La Fédération de Russie demandait « pour qui et pourquoi » toutes les preuves étaient collectées et si la traduction en justice d’individus dans des pays tiers, principalement occidentaux, avec l’aide de l’UNITAD, était « une fin en soi ». Plusieurs membres du Conseil disaient attendre avec impatience le rapport du Secrétaire général demandé par la résolution 2697(2023) et attendu le 15 janvier 2024, qui doit définir les modalités de partage des preuves collectées avec les pays tiers.  Le Japon rappelait que l’objectif commun du Gouvernement iraquien, de l’UNITAD et du Conseil était de garantir que les auteurs des crimes commis par Daech répondent de leurs actes et que l’héritage de l’Équipe d’enquêteurs soit conservé.

Yémen

- 10 séances publiques: 16 janvier15 février, 15 mars17 avril, 17 mai10 juillet (adoption)10 juillet (séances d’information)16 août8 novembre14 novembre

- 3 résolutions: 2675 (2023)2691 (2023)2707 (2023)

Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales; Organes subsidiaires

Sans être officiellement renouvelée, la trêve conclue en avril 2022 entre le Gouvernement yéménite et les milices houthistes, expirée six mois plus tard, est restée largement respectée durant toute l’année 2023.  Le rétablissement en mars des relations diplomatiques entre Riyad, soutien du Gouvernement yéménite, et Téhéran, parrain des houtistes, a contribué à relancer, sous les auspices de l’Arabie saoudite et d’Oman, un processus diplomatique qui semblait toutefois marquer le pas au second semestre.  

S’il s’est informé chaque mois de la situation générale au Yémen, le Conseil de sécurité ne l’a fait en public que six fois, préférant le reste du temps tenir des consultations, notamment au second semestre.  Le mandat de la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda (MINUAAH) a été reconduit en juillet pour un an.  Le régime de sanctions a été lui aussi reconduit, en février, puis de nouveau en novembre. 

La menace environnementale que représentait depuis plusieurs année le pétrolier en déshérence FSO Safer a été levée grâce à une opération de transfèrement de la cargaison, commencée en juillet, longtemps retardée par un manque financement.  

Le 16 janvier, l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Hans Grundberg, estimait que le conflit pourrait connaître « un tournant » durant l’année et se disait encouragé par l’accalmie qui régnait dans le pays et les intenses efforts diplomatiques en cours.  Le Coordonnateur des secours d’urgence décrivait en revanche une situation humanitaire extrêmement difficile, avec une économie toujours plus faible, des services de base qui ne tenaient qu’à un fil de plus en plus ténu et 21,6 millions de personnes ayant besoin d’une assistance humanitaire ou de protection. M. Grunberg préconisait une approche sur le long terme.  La plupart des membres du Conseil mettaient la pression sur les houthistes, que l’Arabie saoudite appelait à considérer comme un groupe terroriste.  La Fédération de Russie invitait plutôt les différentes parties au dialogue et accusait les Occidentaux d’avoir comme objectif moins le règlement global du conflit que la garantie d’une exportation ininterrompue d’hydrocarbures yéménites vers les marchés mondiaux, dénonçant une « approche opportuniste extrêmement nuisible à une paix durable ».

Le 15 février, le Conseil adoptait à l’unanimité la résolution 2675(2023), par laquelle il reconduisait jusqu’au 15 novembre le régime de sanctions applicables au Yémen (embargo ciblé sur les armes, gel des avoirs et interdictions de voyager).

Le 15 mars, à une semaine du début du ramadan, M. Grunberg rappelait que c’était à l’ouverture du mois sacré des musulmans qu’avait été mise en place, l’année précédente, la trêve officiellement expirée depuis près de six mois mais qui tenait encore pour l’essentiel.  S’il invitait les parties à la prolonger pour se donner le temps d’acheminer l’assistance humanitaire, il les appelait aussi à s’engager activement sur la voie du règlement politique.  « Beaucoup a été accompli au cours de l’année écoulée, et le moment est venu de passer aux étapes suivantes », ajoutait-il.  Il saluait aussi l’accord sur le rétablissement des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran conclu une semaine plus tôt sous l’égide de la Chine, jugeant importante « pour la région et pour le Yémen » l’amélioration de ces relations.  

De fait, l’Arabie saoudite, jusqu’alors à la tête de la « coalition internationale » contre les houthistes, rejoignait Oman dans son œuvre de médiation.  Le 17 avril, un vent d’optimisme prudent soufflait au Conseil, au lendemain de la libération de près de 900 prisonniers liés au conflit, fruit d’une « dynamique positive » enclenchée par ces efforts de médiation.  De la France aux A3 et de Malte aux Émirats arabes unis, les délégations saluaient ce résultat et la Fédération de Russie parlait d’un « changement de trajectoire » pour le pays.  Si la prudence demeurait de mise, chacun constatait que le pays connaissait la plus longue période de calme relatif dans un conflit vieux de huit ans.  L’Envoyé spécial poussait les parties à aller au-delà et à conclure un véritable accord politique.  L’Équateur et les Émirats arabes unis appelaient à l’élaboration d’une feuille de route sur une transition politique, afin de lancer un dialogue national sous les auspices de l’ONU.  L’OCHA jugeait essentielle la reprise des exportations de pétrole à partir des zones tenues par le Gouvernement pour renforcer les réserves en devises étrangères, une position soutenue par les États-Unis mais qualifiée de « fixation » par la Fédération de Russie. 

L’Envoyé spécial réaffirmait son « optimisme prudent » le 17 mai, de même que plusieurs membres du Conseil, qui demandaient en outre aux parties au conflit de lever leurs restrictions à la circulation des acteurs humanitaires, et aux donateurs d’assurer le plein financement du plan humanitaire pour le pays, alors abondé à moins de 20%.

Le 10 juillet, le Conseil renouvelait pour un an le mandat de la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda (MINUAAH).  Lors de la séance d’information qui suivait immédiatement l’adoption unanime de la résolution 2691 (2023), M. Grunberg et plusieurs des membres du Conseil saluaient la reprise des vols commerciaux entre Sanaa et l’Arabie saoudite, interrompus depuis sept ans.  Toutefois, l’Envoyé spécial rejetait l’idée d’une « paix temporaire » et appelaient les parties à prendre de « nouvelles mesures ambitieuses pour parvenir à une paix durable et juste ».  Il dénonçait en outre les activités militaires, même limitées, les atteintes à la liberté de circulation et la guerre économique, chaque partie cherchant à prendre le contrôle des ports et autres sources de revenus.  À l’image de la Chine, qui estimait que « la fenêtre de tir pour réaliser la paix ne restera pas éternellement ouverte », plusieurs délégations appelaient les parties à ne pas gaspiller une occasion d’avancer, au-delà des « mesures symboliques », vers un cessez-le-feu permanent et une solution politique inclusive.  Toujours très méfiant, le représentant du Yémen mettait en exergue les concessions faites par son gouvernement et accusait les houthistes de rechercher l’escalade, mais la Fédération de Russie jugeait « clair que les parties au conflit n’ont pas l’intention d’envenimer la situation ».  Une dernière bonne nouvelle parvenait au Conseil: le jour même, le Gouvernement yéménite venait d’autoriser le transfert sur un pétrolier de secours de la cargaison du Safer, ce qui allait permettre d’éloigner les risques de catastrophe environnementale, économique et humanitaire qu’aurait constitué une marée noire dans la région.

Les progrès subissaient ensuite un coup d’arrêt que relevaient plusieurs membres du Conseil le 16 août.  L’Envoyé spécial expliquait que les parties exprimaient la volonté de trouver des solutions mais que le niveau de confiance était « faible » et qu’il fallait encore trouver « un accord clair sur la voie à suivre », tout en dénonçant des « menaces publiques de reprise de la guerre ».  Les membres du Conseil condamnaient en outre l’assassinat, le 21 juillet, d’un responsable du Programme alimentaire mondial (PAM), mais pouvaient se réjouir de la libération de cinq membres du personnel de l’ONU enlevés 18 mois plus tôt, de la fin heureuse du transbordement de la cargaison du Safer, ainsi que de l’aide de 1,2 milliard de dollars accordée au Gouvernement de Sanaa par l’Arabie saoudite.  

Le Conseil n’examinait plus la situation au Yémen en séance publique avant la fin de l’année.  Toutefois, après avoir entendu la Présidente du Comité des sanctions relatif au Yémen -Comité 2140– le 8 novembre, le Conseil reconduisait une nouvelle fois, pour 12 mois, le régime de sanctions par sa résolution 2707 (2023), adopté à l’unanimité le 14 novembre.

ASIE

Afghanistan 

- 8 séances publiques: 8 mars16 mars27 avril21 juin26 septembre14 décembre, 20 décembre, 29 décembre

- 5 résolutions: 2678 (2023)2679 (2023)2681 (2023)2716 (2023)2721 (2023)

Voir aussi: Les femmes et la paix et la sécurité; Menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme

Comme l’année précédente, le principal défi pour le Conseil était de trouver le moyen de réintégrer au sein de la communauté internationale un Afghanistan dirigé depuis la mi-août 2021 par les Taliban, toujours qualifiés « d’autorités de fait » et accusés de pratiquer un inacceptable « apartheid sexiste », mais avec lequel ses voisins souhaitaient de plus en plus fortement reprendre des relations, notamment économiques.  Les États voisins de l’Afghanistan participaient en nombre aux séances trimestrielles d’information.  Dans ce contexte, le mandat de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) dirigée par Mme Roza Otunbayeva, a été reconduit en mars sans changement pour un an, dans l’attente des conclusions d’une évaluation indépendante sur laquelle le Conseil s’est prononcé prudemment et de manière non consensuelle en toute fin d’année, en mettant l’accent sur l’importance d’une « présence constante » de la Mission du système de Nations Unies dans son ensemble, et en demandant la nomination d’un envoyé spécial du Secrétaire général. 

Il est à noter que le représentant de l’Afghanistan auprès des Nations Unies, opposant au régime des Taliban, ne s’exprime pas au nom des « autorités de facto ».  Sa participation aux séances du Conseil a été contestée par le Pakistan en septembre.

C’est le 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des femmes, que le Conseil examinait pour la première fois de l’année la situation du pays.  Mme Otunbayeva le décrivait comme « le plus répressif au monde en ce qui concerne les droits des femmes », marqué par de nouvelles aggravations du statut des femmes avec l’interdiction qui leur était faite depuis décembre 2022, de travailler pour des ONG et leur exclusion de l’enseignement supérieur.  Une représentante de la société civile afghane accusait les Taliban de vouloir « anéantir l’humanité fondamentale » des femmes et de pratiquer un « apartheid sexiste ».  La plupart des membres du Conseil et des délégations de pays voisins de l’Afghanistan abondaient dans le sens des deux intervenantes.  La France reprochait en outre aux Taliban de ne pas respecter leur promesse de lutter contre le terrorisme.  Le Pakistan jugeait toutefois « dangereuse et irréaliste » toute tentative de remplacer les autorités de facto et l’Iran invitait à la prudence face aux risques d’instrumentalisation politique de l’aide humanitaire, tout comme la Chine, qui demandait la levée immédiate des sanctions visant le pays.  La Fédération de Russie rendait une fois de plus les États-Unis et à leurs alliés responsables de l’effondrement du pays à la suite de leur « ignominieuse campagne militaire ».  Le mandat de la MANUA expirant le 17 mars, la Représentante spéciale demandait sa prorogation d’un an.  Les Émirats arabes unis préconisaient de lancer un réexamen stratégique de l’engagement international en Afghanistan.

Ces demandes étaient satisfaites le 16 mars avec l’adoption unanime des résolutions 2678(2023) et 2679(2023).  La première prorogeait sans changement le mandat de la MANUA jusqu’au 17 mars 2024, le Secrétaire général devant continuer de présenter un rapport trimestriel sur la situation dans le pays.  Plusieurs membres du Conseil appelaient la Mission à contribuer à faire entendre les voix des Afghanes.  La Chine demandait une mise en œuvre équilibrée du mandat, estimant que le règlement de la situation n’exigeait pas de pressions supplémentaires et que la priorité devait être de remédier à la crise humanitaire.  La seconde résolution demandait au Secrétaire général de mener une évaluation intégrée et indépendante de la Mission, à lui présenter avant le 17 novembre avec des recommandations.  L’objectif était de permettre aux acteurs politiques, humanitaires et de développement d’adopter une « stratégie intégrée et cohérente » pour relever les défis auxquels l’Afghanistan doit faire face. La Fédération de Russie demandait qu’elle ait lieu en consultation avec les autorités de facto du pays et que le rapport d’évaluation traite des « véritables défis », dont le gel des avoirs afghans et les conséquences des sanctions unilatérales.

Après l’interdiction faite le 4 avril par les Taliban aux Afghanes de travailler pour les Nations Unies dans le pays, le Conseil de sécurité condamnait le 27 avril une décision « qui compromet les droits humains et les principes humanitaires ».  Adoptée à l’unanimité à l’initiative du Japon et des Émirats arabes unis, la résolution 2681 (2023) demandait aussi « la participation pleine, égale, véritable et en toute sécurité des femmes et des filles » et exigeait un accès humanitaire « plein, rapide, sûr et sans entrave, indépendamment du genre ».  Le texte était coparrainé bien au-delà du Conseil de sécurité par quelque 90 États Membres du monde entier. 

Chine et Fédération de Russie apportaient toutefois des explications de vote nuancées. La première partageait « les regrets et les préoccupations » concernant le sort des femmes mais précisait qu’elle appuyait « le Gouvernement intérimaire afghan » dans l’établissement d’une « architecture politique large et inclusive et dans la mise en œuvre de politiques intérieure et étrangère modérées et prudentes », déplorant en outre que « pas un seul centime » des 7 milliards de dollars d’avoirs afghans n’aient été rendus au peuple de ce pays.  La seconde regrettait également que la résolution n’ait pas traité des avoirs et se disait convaincue de la nécessité « d’interactions pragmatiques » avec les autorités de facto sur toutes les questions clefs. 

Les Taliban ne revenaient pas sur leur décision. Le 21 juin, la Représentante spéciale expliquait que l’interdiction du 4 avril remettait en question les activités de la MANUA puisque la Mission avait demandé à l’ensemble de son personnel national de ne plus se rendre au bureau: aux femmes pour des raisons de sécurité et aux hommes au nom du principe de non-discrimination. Pour la Cheffe de la Mission, les Taliban étaient pris au piège de leurs restrictions imposées aux femmes, jugées très impopulaires et nuisibles à l’économie.  Elle reconnaissait toutefois les effets positifs d’autres mesures prises par les Taliban, comme la baisse de la culture de l’opium, la réduction de la corruption de haut niveau, une relative stabilité de l’économie et des rentrées fiscales suffisantes. 

Plusieurs voisins de l’Afghanistan plaidaient pour le dialogue avec les Taliban, y compris pour obtenir d’eux l’abandon des mesures prises contre les femmes.  L’Iran et la Chine demandaient une fois de plus la restitution des avoirs gelés. Mais Royaume-Uni et Japon voulaient aussi voir les Taliban rompre avec toutes les organisations terroristes. S’ils luttaient contre la franchise régionale de Daech, ces derniers étaient en effet soupçonnés de conserver des liens avec Al-Qaida. 

Les mêmes positions étaient réaffirmées lors de la séance du 26 septembre, lors de laquelle Mme Otunbayeva plaidait pour une stratégie de modération et de dialogue avec les autorités de fait, pour tenter de contribuer à une amélioration de la situation humanitaire et du sort des femmes et des filles, tandis que la Directrice exécutive d’ONU-Femmes invitait le Comité des sanctions relatives à l’Afghanistan –le « Comité 1988 »- à réfléchir au rôle qu’il pourrait jouer dans la réponse aux violations des droits des femmes dans le pays. 

Publiée en novembre, l’évaluation indépendante concluait que « le statu quo actuel ne fonctionne pas » et « dessert les besoins humanitaires, économiques, politiques ou sociaux du peuple afghan », tout comme les priorités et préoccupations des acteurs internationaux.  Elle proposait de mettre en place un « processus plus structuré, avec des conditions et des attentes claires pour toutes les parties, et des mécanismes de coordination qui garantiront une plus grande cohérence dans les échanges ». Afin de réaliser « un Afghanistan en paix avec lui-même et avec ses voisins, pleinement réintégré au sein de la communauté internationale », quatre recommandations étaient formulées: adoption de mesures immédiates pour répondre aux besoins fondamentaux de la population afghane; attention plus soutenue de la communauté internationale sur les questions de sécurité régionale et mondiale; proposition de feuille de route aux fins d’un dialogue politique visant à réintégrer le pays dans la communauté internationale; et mise sur pied des mécanismes de coordination nécessaires, avec notamment la nomination d’un envoyé spécial des Nations Unies. 

Après avoir examiné ces recommandations en séance privée le 28 novembre, les membres du Conseil les commentaient lors de la séance trimestrielle du 20 décembre. Les États-Unis appuyaient l’idée d’un envoyé spécial des Nations Unies, de même que le Japon, à condition toutefois que les Taliban soient d’accord, tandis que l’Iran jugeait la mesure prématurée. Mme Otunbayeva rappelait que la nouvelle approche supposait aussi une volonté des « autorités de facto » de dialoguer avec la communauté internationale.  Plusieurs membres notaient une telle volonté, en particulier dans la lutte contre la drogue ou encore pour faire face aux effets néfastes des changements climatiques.  France et États-Unis excluaient tout rétablissement des relations tant que les Afghanes resteraient privées d’accès au travail et à une vie sociale et politique. 

Le 29 décembre, par sa résolution 2721(2023), le Conseil « prenait note avec satisfaction » des conclusions de l’évaluation indépendante et invitait les États Membres à prendre en considération les recommandations, notamment en intensifiant le dialogue au niveau international « d’une manière plus cohérente, plus coordonnée et plus structurée ».  Il soulignait l’importance d’une « présence constante » de la MANUA et du système de Nations Unies en général dans tout le pays et réaffirmait son « soutien sans réserve » à la Représentante spéciale du Secrétaire général.  Le Conseil priait en outre le Secrétaire général de nommer sans délai un envoyé spécial pour l’Afghanistan « doté d’une parfaite connaissance des sujets ayant trait aux droits humains et des questions de genre » afin de favoriser l’application des recommandations issues de l’évaluation. Il insistait sur le fait que les Afghanes devaient participer « pleinement et véritablement, en toute sécurité et sur un pied d’égalité », à l’ensemble du processus de réintégration du pays au sein de la communauté internationale. 

Si la majorité des membres du Conseil se félicitaient du « front uni » affiché sur le dossier afghan et rappelaient, avec le Ghana, les exigences préalables à la réintégration du pays dans la communauté internationale, Chine et Fédération de Russie s’abstenaient en réclamant que les futures décisions prises sur la base des recommandations de l’évaluation, y compris le choix de l’envoyé spécial, se fassent en concertation avec les autorités de facto, que la Chine appelait les « autorités afghanes ».  Les deux pays rappelaient que celles-ci avaient émis des réserves sur l’évaluation et, invoquant l’histoire du pays rejetaient comme contre-productive toute tentative visant à lui imposer des mesures sous les auspices de l’ONU.

Parallèlement, le 14 décembre, par sa résolution 2716(2023), adoptée à l’unanimité au titre des « menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme », le Conseil confirmait le régime de sanctions contre les Taliban prévu par la résolution 2255 (2015) et prorogeait pour un an le mandat de l’Équipe de surveillance chargée de seconder le Comité 1988, dont le mandat était détaillé en annexe de la résolution et qui était encouragée à se rendre en Afghanistan et à y rencontrer les parties prenantes.  Pays porte-plume, les États-Unis se félicitaient que le régime établi par la résolution 1988 reste au centre du dispositif visant à garantir la paix et la stabilité dans le pays.  La Fédération de Russie et la Chine regrettaient toutefois que le texte adopté laisse de côté la question des dérogations accordées en avril 2019 par le Comité 1988 pour permettre à certains représentants des Taliban de voyager afin de participer à des discussions de paix, avant d’être supprimées en août 2022.

République populaire démocratique de Corée (RPDC) 

- 1 séance publique: 17 août

Voir aussi: Non-prolifération; RPDC

Pour la première fois depuis six ans, le Conseil tenait, le 17 août, une séance publique consacrée à la situation des droits humains en République populaire démocratique de Corée (RPDC).  Pour la toute première fois, la tenue de la séance sur le sujet, traité une fois l’an de 2014 à 2017, n’était pas soumise à un vote de procédure.  Quatre membres -Brésil, Chine, Ghana et Fédération de Russie- affirmaient toutefois que la question relevait du Conseil des droits de l’homme.  La Chine ajoutait que l’examen par le Conseil de sécurité était « irresponsable » et « non constructif » et y voyait « un abus du mandat du Conseil ».  Au contraire, les États-Unis, le Japon et l’Albanie, à l’origine de cette séance non prévue dans le projet de programme de travail du mois -par ailleurs non adopté- justifiaient leur demande par la nécessité d’exprimer un message de solidarité à l’égard du peuple nord-coréen, par l’inaction jugée inacceptable du Conseil face à « l’un des États les plus totalitaires au monde » et par le lien entre les atteintes aux droits humains commis en RPDC et les ambitions militaires du pays, lien que la Fédération de Russie jugeait « totalement artificiel ». 

La séance était aussi marquée par les interventions du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en RPDC. Tous deux décrivaient un pays de plus en plus hermétiquement fermé et poursuivant sa militarisation en priorisant systématiquement l’allocation des ressources à l’armée, avec des effets dévastateurs sur une population exploitée et dans une situation humanitaire catastrophique.  Ils déploraient le refus de laisser entrer l’Équipe de pays des Nations Unies et appelaient les États à ne pas favoriser le rapatriement non volontaire des nord-Coréens de l’étranger.

EUROPE

Ukraine 

- 40 séances publiques: 13 janvier17 janvier6 février8 février17 février, 21 février24 février, 14 mars17 mars27 mars31 mars15 mai18 mai30 mai6 juin23 juin29 juin11 juillet17 juillet21 juillet26 juillet (Menaces contre la paix et la sécurité internationales)26 juillet (Ukraine), 31 juillet17 août24 août8 septembre, 12 septembre20 et 21 septembre26 septembre9 octobre13 octobre27 octobre31 octobre, 8 novembre17 novembre21 novembre6 décembre, 9 décembre29 décembre30 décembre

Voir aussi: Menaces contre la paix et la sécurité internationales; Maintien de la paix et de la sécurité internationales; Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales 

Alors que la situation militaire se stabilisait, l’Ukraine, avec 38 séances tenues soit sous l’intitulé « Maintien de la paix et de la sécurité de l’Ukraine », soit au titre des « menaces contre la paix et la sécurité internationales », est restée de loin le sujet ayant fait l’objet du plus grand nombre de séances du Conseil de sécurité en 2023, avec toutefois moins de séances au quatrième trimestre que le conflit israélo-palestinien. 

Toujours bloqué par le droit de veto, le Conseil de sécurité n’a même plus cherché à prendre de décision et le seul projet de résolution lié -indirectement- à la question, qui portait sur le sabotage des gazoducs Nord Stream, a été rejeté.  L’ONU a rappelé à de multiples reprises la condamnation par la communauté internationale de la « violation flagrante de la Charte des Nations Unies et du droit international » qu’avait représenté l’invasion militaire de l’Ukraine, comme le faisait le Secrétaire général le 24 février, jour anniversaire du début de l’invasion et, systématiquement, les membres occidentaux du Conseil, ainsi que la plupart des autres.  La Fédération de Russie répliquait à chaque fois en présentant son propre narratif de la crise ukrainienne, illustré notamment par le discours de son Ministre des affaires étrangères lors du débat de haut niveau du Conseil tenu sur deux jours, les 20 et 21 septembre.  Elle faisait remonter le conflit au « coup d’État » de Maïdan de 2014 et accusait « l’Occident collectif » et en particulier l’OTAN, d’avoir utilisé les « putschistes néonazis de Kiev » pour mener à son profit une guerre par procuration et tenter de lui infliger une « défaite stratégique », quitte pour cela à se « battre jusqu’au dernier Ukrainien ». 

Le Conseil a tenu une séance sur l’Ukraine au moins deux fois par mois, sauf en avril, sous la présidence russe, qui n’en a organisé aucune. À partir de mars, les réunions n’étaient, le plus souvent, pas inscrites dans la version initiale du programme de travail mensuel du Conseil et ont été tenues tantôt à la demande de pays occidentaux, tantôt à celle de la Fédération de Russie, une requête d’une des parties étant souvent suivie d’une demande de l’autre.  Le dossier ukrainien a aussi marqué nombre d’autres séances du Conseil, en particulier les séances annuelles avec les dirigeants de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de l’Union européenne, mais aussi de multiples réunions thématiques, notamment celles dédiées au multilatéralisme. 

Les séances du Conseil ont souvent été tendues, à l’image de celle du 17 mars, qui suivait l’annonce de l’émission d’un mandat d’arrêt pour « crimes de guerre » à l’encontre du Président Vladimir Putin par la Cour pénale internationale (CPI), que le représentant russe jugeait « partiale, politisée et incompétente » et qualifiait de « marionnette entre les mains de l’Occident collectif, toujours prête à rendre une pseudo-justice sur ordre ».  Le rejet par un vote, le même jour, de l’intervention d’une représentante d’une des « républiques » proclamées dans les régions de l’Ukraine occupées par les forces russes illustrait les nombreux incidents de procédure qui marquaient les séances consacrées à l’Ukraine.  La Fédération de Russie, qui dénonçait fréquemment des violations du règlement intérieur provisoire du Conseil lorsque la présidence en était assurée par des pays occidentaux, s’opposait aussi à deux reprises à l’adoption formelle du programme de travail mensuel du Conseil, en août sous présidence américaine et en septembre, pendant la présidence albanaise. Les membres occidentaux reprochaient pour leur part à la Fédération de Russie de gaspiller le temps du Conseil en organisant des séances inutiles destinées à faire oublier son rôle d’agresseur et à détourner l’attention de ses multiples exactions. 

Face à la multiplication des séances limitées à des échanges d’accusations entre Occidentaux et Russes, les autres membres du Conseil exprimaient parfois leur lassitude, comme le Brésil, qui, le 31 juillet, dénombrait 66 séances depuis février 2022 consacrées à l’Ukraine et jugeait « gênant que notre réponse collective se limite à la répétition de discours contradictoires au sujet de ce qui a cours sur le terrain, et de positions que nul n’ignore plus à ce stade ». 

Plusieurs séances ont été consacrées à des bilans de la situation, notamment en début d’année mais aussi à l’occasion de dates anniversaires. 

C’était le cas de la première séance consacrée à l’Ukraine, le 13 janvier.  La Secrétaire générale adjointe, Rosemary DiCarlo, présentait un bilan macabre de presque 11 mois de guerre et ajoutait que « rien ne laisse entrevoir la fin des combats ou des souffrances ».  La Première Vice-Ministre ukrainienne des affaires étrangères appelait les « nations responsables » à promouvoir la « formule de la paix » du Président Zelenskyy en 10 points et à établir un tribunal spécial pour juger les criminels de guerre russes.  La Fédération de Russie disait ne pas voir l’intérêt d’une séance qui n’apportait rien et décrivait les réunions convoquées par « nos anciens partenaires occidentaux » comme une « foire à l’hypocrisie », faisant notamment observer que, par un décret du 30 septembre précédent, le « dictateur ukrainien » avait « acté l’impossibilité de mener des négociations avec le Président de la Fédération de Russie ». 

Le 6 février, c’est un bilan de la situation humanitaire qui était dressé par le Coordonnateur des secours d’urgence, qui rappelait que le conflit avait entraîné la fuite de près de 8 millions de personnes vers les pays voisins tandis que 5,3 millions d’autres étaient déplacées en Ukraine.  M. Griffiths annonçait le lancement prochain du Plan de réponse humanitaire pour l’Ukraine pour l’année 2023, d’un montant de 3,9 milliards de dollars, pour prêter assistance à plus de 11 millions de personnes. Il rappelait les difficultés à atteindre les populations vivant dans les zones contrôlées par les forces russes et insistait sur les obligations pour tous les belligérants de faciliter l’acheminement rapide et sans entrave de l’aide humanitaire et de veiller à épargner les civils dans la conduite des opérations militaires. 

Le 17 février, le Conseil se réunissait comme chaque année à la demande de la Fédération de Russie à l’occasion de l’anniversaire de l’approbation en 2015 par le Conseil de sécurité des « accords de Minsk ».  Le Sous-Secrétaire général, Miroslav Jenča, regrettait qu’au cours des huit années écoulées, l’ONU n’ait fait officiellement partie d’aucun mécanisme lié au processus de paix en Ukraine et proposait la médiation de l’Organisation. Plusieurs délégations soutenaient la proposition mais le représentant russe l’écartait en accusant le Secrétariat de l’ONU d’avoir, dès le début de la crise ukrainienne en 2014, adopté la politique de l’autruche pour ensuite, à partir de février 2022, répandre des « clichés antirusses ».  Il qualifiait le processus de Minsk d’« écran de fumée » ayant permis aux Occidentaux de « réarmer le régime de Kiev et de le préparer à la guerre contre la Russie au nom de leurs intérêts géopolitiques ».  Les États-Unis accusaient la Fédération de Russie d’avoir sapé systématiquement « l’objectif fondamental des accords de Minsk, qui était de réintégrer pleinement la zone de conflit au reste de l’Ukraine et de restaurer l’intégrité territoriale de l’Ukraine ». L’Ukraine déclarait qu’en reconnaissant l’indépendance des prétendues « républiques populaires » de Luhansk et de Donetsk en février 2022, la Russie avait mis fin aux accords.  La France appelait à se tourner vers l’avenir en mentionnait le projet de résolution que l’Ukraine présenterait la semaine suivante à l’Assemblée générale pour « tracer le chemin vers une paix juste et durable, conforme à la Charte des Nations Unies ».

L’anniversaire de l’invasion russe, le 24 février, donnait lieu à une autre séance de bilan, lors de laquelle le Secrétaire général énumérait les mesures prises au sein du système de Nations Unies pour atténuer les effets du conflit, y compris l’Initiative de la mer Noire.  Il demandait la prolongation de celle-ci, appuyé par de nombreux membres du Conseil. M. Guterres rappelait également l’adoption, la veille, par l’Assemblée générale, d’une résolution qui exigeait de nouveau le retrait immédiat, complet inconditionnel de toutes les forces russes du territoire ukrainien à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues et appelait à « une cessation des hostilités ». Plusieurs délégations proposaient des plans pour mettre fin à la guerre.  Une quinzaine de délégations européennes intervenaient pour soutenir le plan du Président ukrainien, provoquant la protestation de la Fédération de Russie, qui estimait que cette présence massive « dévalorisait » le débat et transformait le Conseil en « outil des caprices » des pays occidentaux.  Il accusait ensuite ces pays et l’Ukraine d’utiliser « insidieusement » le mot « paix » pour signifier « la capitulation de la Russie et sa défaite stratégique, dans l’idéal suivie de la destruction du pays et du redécoupage de ses territoires constitutifs ».

Le 24 août, jour anniversaire de l’indépendance de l’Ukraine, le Conseil s’attachait plus spécialement au sort des enfants ukrainiens transférés de force vers la Russie depuis février 2022.  Il était rappelé que ces déportations, présentées comme des actions humanitaires par les autorités russes, avaient amené la CPI à délivrer un mandat d’arrêt à l’encontre de la Commissaire russe aux droits de l’enfant.

Du 8 au 10 septembre se tenaient en Russie des élections régionales et locales, organisées également dans les régions du Donbass occupées et annexées, ce qui amenait le Conseil à se réunir le 8 septembre.  Au nom du Secrétariat, M. Jenča déniait toute validité au scrutin dans les régions occupées d’Ukraine.  États-Unis, Royaume-Uni et France dénonçaient une « farce ».  Les membres élus du Conseil rappelaient leur soutien à l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et rejetaient les prétendus scrutins. La Fédération de Russie voyait dans la participation, présentée comme élevée, une « confirmation » de la volonté de la population « d’appartenir à la Russie ».

C’est une forme de bilan du conflit pour l’ONU qui était dressé à l’occasion du débat ouvert de haut niveau du Conseil de sécurité organisé le 20 septembre en marge du débat général de l’Assemblée générale, et consacré à la « Défense des buts et principes inscrits dans la Charte des Nations Unies au moyen d’un multilatéralisme efficace ».  Le Secrétaire général y réaffirmait l’absence d’autre voie que celle « du dialogue, de la diplomatie et d’une paix juste », et assurait que l’Organisation continuait d’œuvrer en faveur d’une paix juste et durable en Ukraine.  Présent en personne pour la première fois dans la salle du Conseil de sécurité, le Président ukrainien y présentait sa « formule pour la paix ».  Il rappelait que, si l’Assemblée générale avait reconnu que la Russie seule était à l’origine de la guerre, cela n’avait « rien changé pour la Russie à l’ONU », alors que de telles situations « changent tout pour l’Organisation elle-même ».  M. Zelenskyy appelait à reconnaître que l’ONU se trouvait « dans une impasse sur la question de l’agression », ajoutant que « l’humanité ne peut plus compter sur le concours de l’ONU pour défendre les frontières de nations souveraines ».  Il demandait que l’Assemblée générale soit dotée d’un réel pouvoir pour annuler un veto au Conseil de sécurité et que la participation à ce dernier d’un membre qui agresse une autre nation soit suspendue « pendant quelque temps ». 

Les propositions du Président ukrainien ne recevaient pas de réponse immédiate mais la plupart des délégations qui prenaient la parole –une soixantaine en deux jours- réaffirmaient leur soutien à l’exercice, par l’Ukraine, de son droit à la légitime défense contre l’agression illégale dont elle était victime.  La Fédération de Russie répétait qu’en l’état, aucune négociation n’était possible avec « les putschistes néonazis de Kiev ».

Le 21 novembre, à l’occasion du dixième anniversaire du début des manifestations de la place Maïdan, le Conseil était invité à faire le point sur les conséquences de la guerre sur la sécurité alimentaire, en présence d’un représentant du PAM.  La Fédération de Russie préférait revenir une nouvelle fois sur l’histoire du conflit, jugeant évident que c’est « sa dignité et son indépendance » que l’Ukraine avait perdues il y a 10 ans avec le « péché originel de Maïdan ».  Elle prévoyait que cette date resterait « une page sombre et honteuse de l’histoire de l’Ukraine, voire du monde entier », ainsi qu’un « rappel sinistre de ce qu’il peut en coûter de renoncer à ses propres intérêts et de se soumettre complètement à l’Occident ». 

Lors des bilans dressés en février, le Secrétaire général et le Coordonnateur des secours d’urgence, appuyés par la plupart des membres du Conseil, avaient demandé une nouvelle reconduction de l’Initiative de la mer Noire.  Signé le 22 juillet 2022 par la Fédération de Russie, l’Ukraine, la Türkiye et l’ONU, cet accord conclu initialement pour 120 jours devait permettre l’exportation sans risque de céréales ukrainiennes à partir de trois ports ukrainiens via des corridors maritimes et sous la supervision d’un centre de contrôle établi à Istanbul.  Parallèlement, un mémorandum signé avec l’ONU devait permettre l’exportation de céréales et d’engrais russes malgré les sanctions unilatérales prises par les pays occidentaux contre la Russie.  L’objectif de l’ensemble était d’assurer la sécurité alimentaire mondiale, et notamment celle des pays les plus pauvres, en assurant l’approvisionnement et en permettant une baisse des prix.  Reconduit en novembre pour 120 jours, l’accord arrivait à échéance le 18 mars. 

En février déjà, tant le Secrétaire général que M. Griffiths avait jugé essentielle une nouvelle reconduction.  Plusieurs séances seraient largement dédiées à la question.  Le 17 mars, veille de l’échéance, les pays occidentaux demandaient une nouvelle reconduction pour 120 jours.  Affirmant que le mémorandum signé avec l’ONU concernant les exportations russes ne fonctionnait « tout simplement pas », le représentant russe limitait son accord à 60 jours, donnant ainsi deux mois à Washington, Londres et Bruxelles « pour soustraire de leurs sanctions, avec l’aide de l’ONU, la totalité de la chaîne d’opérations qui sous-tend les exportations agricoles russes ». 

Le 15 mai, le même enjeu se présentait à deux jours de la nouvelle échéance.  Les États-Unis accusaient la Fédération de Russie de « prendre en otage les aliments et les denrées ».  Les pays occidentaux et l’Équateur réclamaient une nouvelle extension de l’Initiative.  Le Gabon, le Ghana, la Suisse et les Émirats arabes unis appelaient aussi à la mise en œuvre du protocole d’accord sur les engrais et les produits alimentaires russes. La Chine appuyait une mise en œuvre « équilibrée » de l’Initiative.  La Fédération de Russie rétorquait que, faute de progrès sur ses exportations d’ammoniac et sur les approvisionnements agricoles russes bloqués par les sanctions occidentales, elle ne pouvait garantir une prorogation. L’accord était toutefois reconduit pour 60 jours.

Le 17 juillet, la Fédération de Russie annonçait son retrait de l’Initiative.  La nouvelle devenait le sujet principal d’une séance du Conseil déjà prévue pour le même jour.  Le représentant russe dénonçait un arrangement « à sens unique », devenu avec le temps une « initiative commerciale » et non plus humanitaire, qui profitait davantage aux pays riches qu’aux moins avancés. La séance intervenant au lendemain d’une attaque de drones ukrainiens contre le pont de Crimée, il accusait aussi l’Ukraine de poursuivre ses attaques contre les installations civiles et militaires russes sous le couvert du corridor humanitaire maritime issu de l’Initiative et ajoutait que le retrait de l’Initiative céréalière entraînait également celui des garanties de sécurité de la navigation.  Il précisait que son pays ne serait disposé à envisager le rétablissement de l’Initiative que si des résultats concrets étaient enregistrés sur les questions en suspens, portant sur les exportations de produits russes. 

Le retrait russe suscitait une nouvelle séance le 21 juillet, lors de laquelle Mme DiCarlo parlait de « nouveau coup porté à la sécurité alimentaire mondiale », tandis que les membres occidentaux du Conseil accusaient la Fédération de Russie de cynisme ou d’irresponsabilité.  « À quoi s’attendaient-ils? » rétorquait le représentant russe, qui décrivait combien son pays jouait un rôle plus important que l’Ukraine dans la sécurité alimentaire mondiale.  Accusant l’Ukraine d’avoir profité de la durée de l’Initiative pour établir des installations militaires dans les ports céréaliers, il annonçait que son pays considérait « l’ensemble de l’infrastructure portuaire ukrainienne de la mer Noire comme un site de déploiement et de réapprovisionnement des forces armées ukrainiennes en armes occidentales » et justifiait ainsi les multiples frappes menées notamment dans la région d’Odessa.  Les membres élus non européens du Conseil déploraient le retrait mais se montraient fatalistes.  La Chine réitérait sa demande d’une application « équilibrée » des différentes termes de l’accord. 

Contrairement à la situation de novembre 2022, quand la Fédération de Russie avait une première fois annoncé son retrait avant de réintégrer l’Initiative après une médiation turque, elle restait cette fois inflexible.  Le 9 octobre, elle répétait que « si l’Ukraine utilise des greniers et des infrastructures portuaires pour stocker des munitions et des équipements occidentaux, alors ceux-ci seront également détruits ».  Le 6 décembre, elle rappelait que l’Initiative ne serait pas relancée tant qu’elle n’aurait pas de garanties concernant ses propres exportations d’engrais et de céréales, ainsi que sur la non-utilisation par le « régime de Kiev » des couloirs maritimes liés à l’Initiative pour attaquer des cibles russes. 

Plusieurs autres questions humanitaires ont fait l’objet de séances du Conseil, en particulier pour dénoncer des frappes sur les populations civiles.  Le 9 octobre, le Conseil se réunissait après qu’un tir de missile eut fait au moins 52 tués dans le village de Hroza, cinq jours plus tôt.  Le 8 novembre, c’est à la demande de la Fédération de Russie que le Conseil tenait séance après des frappes de l’armée ukrainienne sur un quartier très peuplé de Donetsk, ville située dans la zone occupée par les forces russes.  Le 29 décembre, le Conseil de sécurité se réunissait après une attaque russe massive menée à l’aide de missiles et de drones contre des cibles réparties dans toute l’Ukraine. Le samedi 30 décembre, c’est à la demande de la Fédération de Russie que se tenait la toute dernière séance de l’année, après une frappe ukrainienne sur la ville russe frontalière de Belgorod, qui avait causé la mort d’au moins 18 civils. 

Le représentant russe réaffirmait à plusieurs reprises que son pays ne visait pas les populations civiles, accusait l’Ukraine d’utiliser des infrastructures civiles à des fins militaires ou niait toute responsabilité, rendant responsable des destructions des tirs de la défense anti-aérienne ukrainienne et accusant les Occidentaux de transformer les séances du Conseil en « spectacles antirusses ».  Il dénonçait en revanche comme « terroristes » les attaques ukrainiennes, notamment celle du 30 décembre.  Pour leur part, les Occidentaux multipliaient les accusations de crimes de guerre à l’encontre de la Fédération de Russie, tout en accusant cette dernière de chercher à détourner l’attention du Conseil quand c’est elle qui portait les accusations, ou en rappelant que toutes les morts et destructions, y compris en Russie, avaient pour cause première l’invasion russe du 24 février 2022.

Plusieurs des séances portaient sur les destructions ou menaces sur des infrastructures

C’était le cas du sabotage des deux gazoducs Nord Stream commis en septembre 2022 et dont Russes et Occidentaux s’étaient accusés réciproquement au Conseil le 30 septembre 2022. Après la publication d’une enquête d’un journaliste américain mettant en cause les États-Unis, la Fédération de Russie demandait une réunion du Conseil le 21 février.  Elle reprochait à la Suède, au Danemark et à l’Allemagne de n’avoir pas donné suite à sa demande d’être associée à leurs enquêtes nationales sur le sabotage, lesquelles étaient officiellement toujours en cours.  La Russie accusait ces pays de vouloir protéger les États-Unis –qui disaient n’avoir « nullement été impliqués »- et annonçait le dépôt d’un projet de résolution demandant au Secrétaire général de lancer une enquête internationale.  Les pays occidentaux accusaient la Fédération de Russie de vouloir détourner l’attention à trois jours de l’anniversaire de l’invasion de l’Ukraine.  Plusieurs des autres membres du Conseil soulignaient toutefois l’importance d’une enquête approfondie.

Mis aux voix le 27 mars, un projet de résolution russe était rejeté, seuls le Brésil et la Chine ayant appuyé la Fédération de Russie, alors que les 12 autres membres s’abstenaient.  Le Brésil encourageait les autorités responsables des enquêtes en cours à partager leurs conclusions avec le Conseil « dans les meilleurs délais ». 

À la demande de la Fédération de Russie, le Conseil examinait à nouveau la situation le 11 juillet.  Tous les États condamnaient de nouveau la destruction des gazoducs, les membres occidentaux invitant de nouveau à attendre les conclusions des enquêtes nationales alors que d’autres délégations exprimaient une certaine impatience.  Une nouvelle réunion avait lieu le 26 septembre, pour l’anniversaire du sabotage, à l’occasion de laquelle la Fédération de Russie annonçait son intention de soumettre au Conseil un nouveau projet de résolution. Aucun texte n’était toutefois examiné avant la fin de l’année. 

Infrastructure particulièrement sensible, la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, occupée par les forces russes depuis plus d’un an et proche de la ligne de front, faisait l’objet d’une séance spécifique le 30 mai.  Le Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), M. Rafael Mariano Grossi, jugeait la situation « toujours extrêmement fragile et dangereuse » et demandait « solennellement et respectueusement » aux parties d’éviter un accident nucléaire et de garantir l’intégrité de la centrale en acceptant la proposition en cinq points qu’il présentait.  Les membres du Conseil disaient la soutenir, ce qui n’empêchait pas Occidentaux et Russes de se renvoyer la responsabilité des incidents et de s’accuser de comportements irresponsables. 

Le 6 juin, c’est la destruction partielle du barrage de Kakhovka sur le Dniepr et de sa centrale électrique que le Conseil examinait.  L’OCHA s’alarmait des conséquences humanitaires et environnementales des inondations provoquées en aval par le déversement du gigantesque lac de barrage et s’inquiétait aussi des possibles conséquences en amont pour les capacités de refroidissement de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Russes et Ukrainiens s’accusaient mutuellement d’avoir fait exploser le barrage pour tirer un bénéfice militaire de la situation.  Le Conseil revenait sur la question le 23 juin alors que le Secrétariat jugeait encore « floues » les circonstances exactes de l’incident, mais l’attention des membres se portait plutôt sur la livraison d’armes nucléaires tactiques au Bélarus.

À la demande de l’Équateur et de la France, le Conseil examinait de nouveau la situation humanitaire le 31 octobre, et l’OCHA mettait l’accent sur les effets dévastateurs de la destruction d’infrastructures essentielles pour les civils ukrainiens à l’approche de l’hiver.  La Fédération de Russie opposait la tenue de cette seconde séance consacrée à la situation humanitaire en Ukraine depuis le début du mois à l’absence de demande, de la part des États-Unis et de leurs alliés, d’une séance sur la situation à Gaza trois semaines après le déclenchement de la guerre.  « Ils n’ont aucune idée de l’impression de cynisme et de duplicité que projettent leurs efforts, mais les populations du Moyen-Orient, d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine le comprennent parfaitement aujourd’hui », ajoutait son représentant. 

Le Conseil a tenu huit séances consacrées aux transferts d’armes dans le conflit ukrainien, les 8 février18 mai29 juin17 août12 septembre13 octobre27 octobre et 9 décembretoutes à la demande de la Fédération de Russie et au titre des « Menaces contre la paix et la sécurité internationales »Il convient d’y ajouter le débat ouvert organisé au même titre le 10 avril, alors que la Fédération de Russie assumait la présidence du Conseil, consacré en principe de manière générale aux « risques découlant de la violation des accords sur la réglementation des exportations d’armes et de matériel militaire »mais qui traitait essentiellement de l’Ukraine et lors duquel la Fédération de Russie accusait les Occidentaux « d’inonder » ce pays d’armes de manière irresponsable. 

Lors de chacune des séances d’information, le Bureau des affaires de désarmement (UNODA) faisait état de transferts à l’Ukraine d’armes de plus en plus lourdes et perfectionnées, mais aussi d’informations sur des transferts d’armes à la Fédération de Russie, notamment des drones. L’UNODA insistait sur l’importance de la transparence dans ces transferts d’armes, et mettait en avant le Traité sur le commerce des armes et le Registre des armes classiques de l’ONU. Il rappelait aussi que ces transferts devaient se faire dans le cadre du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité.  La Fédération de Russie accusait les membres de l’OTAN d’abreuver l’Ukraine d’armes anciennes et d’en profiter pour renouveler et moderniser leurs propres arsenaux.  Elle répétait aussi son accusation d’une « guerre par procuration » menée contre elle par l’OTAN, assimilant les livraisons d’armes à une forme de cobelligérance et menaçant d’en tirer les conséquences.  Les membres occidentaux du Conseil réaffirmaient le droit de l’Ukraine à l’autodéfense conformément à la Charte et s’engageaient à continuer de la soutenir face à l’agression « illégale et non provoquée » de la Russie.  Ils dénonçaient aussi la fourniture à la Russie de drones par l’Iran et, à partir de l’automne, des livraisons d’armes de la part de République populaire démocratique de Corée en violation flagrante des multiples sanctions imposées à ce pays, à l’unanimité, par le Conseil de sécurité. 

Le Conseil s’est inquiété à deux reprises de l’installation d’armes nucléaires tactiques russes au Bélarus, après l’annonce par Moscou, le 25 mars, de la conclusion d’un accord en ce sens entre les chefs d’État russe et bélarussien.  Le Conseil se réunissait le 31 mars à la demande des États-Unis, qui dénonçaient un comportement déstabilisant et accusaient la Russie de chercher à intimider quiconque cherchait à aider l’Ukraine à exercer son droit à la légitime défense, tout en ignorant ses obligations en matière de non-prolifération.  La Fédération de Russie comme le Bélarus disaient répondre à des « provocations agressives » de l’Occident.  La Haute-Représentante pour les affaires de désarmement rappelait que, dans les domaines liés aux armes nucléaires, « tous les États doivent éviter de prendre des mesures qui pourraient conduire à une escalade, à une erreur ou à un mauvais calcul », des propos repris par plusieurs membres non permanents du Conseil.  Le Conseil examinait de nouveau la question le 23 juin après l’annonce du déploiement de ces armes.

Enfin, le Conseil a dû, à la demande de la Fédération de Russie, se réunir à plusieurs reprises pour examiner ses accusations de « russophobie » de la part de l’Ukraine.  Le 14 mars, le représentant russe affirmait ainsi que cette « russophobie » était au cœur de « l’idéologie ukrainienne » et se manifestait notamment par une attaque brutale contre la langue russe.  Il y voyait une menace directe pour la paix et la sécurité internationales, expliquant qu’une « paix durable et à long terme en Europe ne pouvait se construire sur la russophobie ».  La plupart des membres du Conseil accusaient une fois de plus la Russie de chercher à détourner l’attention de ses crimes en Ukraine. Le  31 juillet, c’est la « nature terroriste » du « régime de Kiev » que dénonçait le représentant russe au Conseil, l’accusant notamment de vouloir « prendre en otage » la population de Crimée pour ensuite négocier.  Les membres occidentaux du Conseil jugeaient ridicules ces assertions.  Le Brésil et la Suisse se plaignaient de séances inutiles qui pesaient sur l’efficacité des travaux du Conseil, notaient que ce dernier en était à sa soixante-sixième séance sur l’Ukraine depuis février 2022 et que ce rythme se faisait aux dépens d’autres situations urgentes telles que le Soudan, le Sahel et la Palestine. 

Dans la même logique, la Fédération de Russie obtenait par trois fois, les 17 janvier26 juillet et 17 novembre, des séances consacrées à ses accusations de persécutions contre l’Église orthodoxe russe de la part de « Kiev », qui avait créé dès 2014 une Église orthodoxe d’Ukraine nationale et obtenu en 2019 son rattachement direct au patriarcat de Constantinople et non plus à celui de Moscou « et de toutes les Russie ». 

Lors de la première séance, plusieurs pays occidentaux raillaient le rôle de défenseuse de la liberté religieuse qu’adoptait la Fédération de Russie.  Le 26 juillet, ils s’opposaient par un vote à l’intervention d’un archevêque orthodoxe venu témoigner « au nom des victimes russophones de la politique antirusse de l’Ukraine », dont le représentant russe lisait toutefois le texte. Royaume-Uni et France accusaient en outre la Fédération de Russie de monopoliser des réunions du Conseil pour donner des cours de liberté religieuse alors qu’un missile avait partiellement détruit, quelques jours plus tôt, la plus grande cathédrale orthodoxe d’Odessa, classée au patrimoine de l’UNESCO, et que la Directrice de l’Alliance des civilisations des Nations Unies recensait plus d’une centaine de sites religieux détruits en Ukraine depuis février 2022.  Le Conseil se réunissait d’ailleurs une seconde fois le même jour, cette fois à la demande de l’Ukraine, pour examiner cette attaque contre la cathédrale d’Odessa.  La Fédération de Russie, qui avait nié le matin même que la destruction fût causée par un missile russe et accusé une fois encore la défense antiaérienne ukrainienne, boycottait la séance, lors de laquelle le Brésil déplorait que le conflit ait « contaminé » les liens entre les communautés orthodoxes en Russie et en Ukraine. 

Lors de la séance de novembre, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme s’inquiétait des tensions entre les deux églises orthodoxes rivales et des restrictions imposées à l’exercice de la liberté de religion partout en Ukraine, y compris dans les territoires occupés.  Aux membres du Conseil qui ironisaient sur le fait que, pour une fois la Fédération de Russie demandait au Conseil de s’occuper d’une question de droits de l’homme, le représentant russe répondait qu’ils ne « comprenaient pas la profondeur de ces préoccupations », et qu’il s’agissait bien d’une question relevant de la paix et la sécurité.

Arménie - Azerbaïdjan 

- 2 séances publiques: 16 août, 21 septembre

L’année 2023 a vu une nouvelle étape du conflit entre Arménie et Azerbaïdjan avec l’offensive lancée le 19 septembre par l’Azerbaïdjan contre du Haut-Karabakh, la capitulation éclair des séparatistes arméniens de cette région internationalement reconnue comme faisant partie de l’Azerbaïdjan et un exode massif de sa population vers l’Arménie. Réuni à deux reprises en séances publiques, le Conseil de sécurité a suivi l’évolution de la situation et entendu les arguments des deux parties, mais n’a pris aucune décision.  C’est loin de toute action du Conseil que les relations entre les deux pays semblaient s’améliorer en fin d’année. 

Le Conseil se réunissait une première fois le 16 août, à la demande de l’Arménie, pour examiner de nouveau le blocage par l’Azerbaïdjan du corridor de Latchine, déjà objet d’une séance le 20 décembre 2022. Depuis l’examen précédent, la Cour internationale de Justice (CIJ) avait, le 22 février 2023, rendu une ordonnance obligeant l’Azerbaïdjan à « prendre toutes les mesures dont elle dispose afin d’assurer la circulation sans entrave des personnes, des véhicules et des marchandises » dans cette étroite bande de territoire azerbaïdjanais qui permet la circulation entre l’Arménie et le Haut-Karabakh, y compris pour l’aide humanitaire au profit des populations arméniennes nécessiteuses du territoire. 

Sans présence sur place, l’ONU notait que le Comité international de la Croix-Rouge, seul à avoir accès à la région, avait publié le 25 juillet un communiqué pour signaler qu’il n’avait plus été autorisé à y acheminer du matériel médical et des secours alimentaires « depuis plusieurs semaines » et demander aux parties de trouver un consensus humanitaire.  Le Ministre des affaires étrangères de l’Arménie affirmait devant le Conseil que « les habitants du Haut-Karabakh sont aujourd’hui privés de leurs droits humains et se trouvent dans un état de siège total ».  Il réclamait du Conseil la condamnation du recours à la famine des civils comme méthode de guerre et l’exigence d’un rétablissement immédiat de la liberté de circulation des personnes et des biens à travers le corridor de Latchine.  L’Azerbaïdjan dénonçait au contraire « une campagne politique de provocations irresponsables visant à mettre à mal » sa souveraineté et son intégrité territoriale et accusait l’Arménie d’avoir fait échouer au dernier moment un accord négocié en juillet concernant l’acheminement de l’aide humanitaire en posant des conditions « politiquement motivées et illégitimes ». 

Les membres du Conseil appelaient les parties à résoudre la crise uniquement par la voie de la négociation.  Plusieurs demandaient l’application de l’ordonnance de la CIJ.  Présente au Haut-Karabakh depuis 2020 avec une force de paix, la Fédération de Russie disait déployer d’intenses efforts politiques et diplomatiques afin d’obtenir le rétablissement d’un approvisionnement stable en vivres, médicaments et produits essentiels à la population de l’enclave.  Elle jugeait toutefois impensable la réconciliation entre les parties sans garanties de sécurité sur la base du droit international et des accords antérieurs.  Ajoutant qu’aucune solution imposée de l’extérieur ne remplacerait le dialogue, elle appelait à une approche responsable de l’utilisation de la tribune du Conseil de sécurité. 

Alors que, le 18 septembre, un convoi humanitaire avait enfin pu passer par le corridor de Latchine, l’Azerbaïdjan lançait le lendemain une opération militaire destinée selon lui à éliminer des installations illégales construites par les séparatistes arméniens et à détruire une quantité considérable de matériel militaire entreposé illégalement sur son territoire par l’Arménie.  L’Arménie n’intervenait pas et, dès le 20, un cessez-le-feu était conclu avec les séparatistes, suivi d’une rencontre entre des représentants de la population locale et du Gouvernement de l’Azerbaïdjan. 

À la demande de l’Arménie, appuyée par la France, le Conseil se réunissait le 21 septembre. Les membres du Conseil jugeaient prioritaire de maintenir un cessez-le-feu durable et s’assurer un accès humanitaire à la population du Haut-Karabakh et les États-Unis rappelaient que l’Azerbaïdjan s’y était engagé publiquement.  La France appelait le Conseil à soutenir les efforts de normalisation menés par le Président arménien.  Le Ministre des affaires étrangères de l’Arménie reprochait au Conseil de n’avoir pas agi en décembre 2022 et accusait de nouveau l’Azerbaïdjan de nettoyage ethnique.  Il réclamait l’envoi d’une mission multidimensionnelle de vérification de l’ONU. Soutenu par la Türkiye, son homologue d’Azerbaïdjan dénonçait une tentative de manipulation du Conseil par l’Arménie, ajoutait que « l’opération antiterroriste » était désormais terminée et que la population du Haut-Karabakh allait bénéficier des mêmes droits que l’ensemble de la population azerbaidjanaise.  La Fédération de Russie affichait son intention de continuer à jouer un rôle de premier plan dans le processus de normalisation des relations entre Bakou et Erevan, ajoutant que la réconciliation devrait s’accompagner de garanties de sécurité et du respect des droits de la population du Haut-Karabakh.

Le 28 septembre, les autorités séparatistes autoproclamées du Haut-Karabakh annonçaient leur dissolution.  En quelques jours, la grande majorité de la population arménienne quittait le territoire pour l’Arménie. 

Bosnie-Herzégovine

- 2 séances publiques: 10 mai, 2 novembre

– 1 résolution: 2706 (2023)

Dans ce pays composite régi par les Accords de Dayton-Paris de 1995, la Republika Srpska a continué de multiplier les mesures vues comme sécessionnistes et inadmissibles par les pays occidentaux et le Haut-Représentant Christian Schmidt.  Ces mesures étaient présentées dans l’entité serbe comme un retour à l’esprit des Accords face à une dérive centralisatrice également dénoncée au sein du Conseil par la Fédération de Russie, qui refuse depuis 2021 de reconnaître le Haut-Représentant du fait des conditions de sa désignation.  Comme les années précédentes, outre la Bosnie-Herzégovine, ont participé aux séances du Conseil les représentants de l’Union européenne, de la Croatie et de la Serbie.  En novembre, l’autorisation de la force multinationale de stabilisation EUFOR Althea a été renouvelée une nouvelle fois pour un an, à l’unanimité.

Le 10 mai, M. Schmidt se félicitait de l’octroi à la Bosnie-Herzégovine, en décembre 2022, du statut de candidat à l’entrée dans l’Union européenne, estimant que la décision avait enclenché une « dynamique positive ».  Il avertissait toutefois que le pays ne pourrait « en aucune manière » avancer sur le chemin de l’adhésion sans le respect de son cadre constitutionnel, juridique et institutionnel. Il dénonçait une fois de plus les velléités séparatistes de la Republika Srpska, encore manifestées au printemps dans diverses mesures.  Il était soutenu par la plupart des membres du Conseil.  La Présidente en exercice de la présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine, où elle représente la Republika Srpska, Mme Željka Cvijanović, récusait le récit occidental selon lequel son pays serait devenu un « baril de poudre » et voyait la principale menace à la stabilité de son pays dans la dérive du rôle du Haut-Représentant, passé selon elle de « facilitateur » à « autocrate aux pouvoirs illimités » outrepassant le mandat convenu à Dayton.  Elle obtenait le soutien de la Fédération de Russie, qui dénonçait « l’activité destructrice » du Haut-Représentant « autoproclamé », accusé de s’immiscer dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine. Le Brésil condamnait les tentatives sécessionnistes mais s’inquiétait aussi de la prise par le Haut-Représentant de mesures susceptibles d’alimenter les récits sur la prétendue imposition de solutions de l’extérieur.

Le 2 novembre, le Conseil renouvelait l’autorisation d’EUFOR Althea par sa résolution 2706 (2023) qui, comme les deux années précédentes, ne comprenait aucun préambule consacré au Haut-Représentant.  Si celui-ci ne participait pas à la séance, son rôle était largement commenté et, comme en mai, soutenu par la plupart des membres du Conseil et dénoncé par la Fédération de Russie.  Il était aussi très critiqué par le nouveau Président en exercice de la présidence collégiale de la Bosnie-Herzégovine, M. Željko Komšić, qui avait succédé en juillet à Mme Cvijanović.  Tout en soutenant le Bureau du Haut-Représentant et certaines décisions soutenant l’ordre constitutionnel, M. Komšić rappelait que « l’actuel Haut-Représentant » était le premier à avoir été la cible, à deux reprises, d’importantes manifestations de la part de citoyens de la Bosnie-Herzégovine mécontents de son comportement, en particulier lors des élections d’août 2022.  Il l’accusait d’avoir à cette occasion fait preuve de partialité en favorisant le parti nationaliste croate HDZ.  La Croatie appuyait au contraire l’action de M. Schmidt, alors que la Serbie refusait de commenter des « questions relevant des affaires intérieures » de son voisin.

Kosovo

- 2 séances publiques: 27 avril23 octobre

Aucun progrès n’a été enregistré sur le conflit qui continue d’opposer la Serbie à son ancienne province, détachée de son contrôle et placée sous administration des Nations Unies par la résolution 1944 (1999) du Conseil de sécurité, qui s’est unilatéralement proclamée indépendante le 17 février 2008.  La communauté internationale reste divisée sur cette indépendance, reconnue par 102 des 193 Membres de l’ONU.  Au sein du Conseil de sécurité dans sa composition de 2023, cinq États ne la reconnaissent pas: la Fédération de Russie, principal soutien de la Serbie au sein du Conseil, la Chine, le Brésil, l’Équateur et le Mozambique.  Quatre des 10 autres membres –Albanie, États-Unis, France et Royaume-Uni– l’avaient au contraire reconnue dès le lendemain de sa proclamation.  Ces différences d’approche se retrouvent à la fois dans les positions relatives à la situation, tendue, au Kosovo, et dans le devenir assigné à la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), dirigée par Mme Caroline Ziadeh, seule opération de maintien de la paix en cours dont le mandat perdure jusqu’à ce que le Conseil de sécurité en décide autrement. 

Les deux séances que le Conseil a consacrées à la question ont été une fois de plus marquées par l’acrimonie des échanges entre représentants de Belgrade et de Pristina.

C’était particulièrement le cas le 27 avril, lorsque les accusations réciproques entre le Ministre des affaires étrangères de Serbie, M. Ivica Dačić, et Mme Donika Gërvalla-Schwarz, son homologue du Kosovo -du moins pour ceux qui en reconnaissent l’indépendance- tournaient aux insultes personnelles et faisaient dire à la France que « le ton ne laisse pas d’interpeller et demeure inquiétant ».  La Cheffe de la MINUK rappelait que les tensions du second semestre 2022 avaient mené Pristina et Belgrade « au bord de la confrontation armée », avant un certain apaisement en toute fin d’année. Ce dernier avait permis la reprise du dialogue facilité par l’Union européenne et abouti à la conclusion, le 27 février à Bruxelles, d’un « accord sur la voie de la normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie », confirmé ensuite à Ohrid le 18 mars, et que saluaient la quasi-totalité des membres du Conseil. Plusieurs délégations, dont les États-Unis et la France, appuyaient toutefois Mme Ziadeh lorsqu’elle demandait aux autorités kosovares un examen « immédiat, détaillé et de bonne foi » du projet de statut pour l’Association/Communauté des municipalités serbes du Kosovo, réclamé par Belgrade et constamment retardé par Pristina depuis plus de 10 ans.  Plusieurs membres du Conseil s’inquiétaient en outre du boycott des élections municipales du 23 avril par les Serbes, qui avait abouti à un taux de participation de moins de 4% dans les municipalités du Kosovo à majorité serbe. 

Le sort de la MINUK était évoqué. Mme Gërvalla-Schwarz l’accusait d’être devenue inutile, voire un « facteur déstabilisant ».  Les États-Unis jugeaient son mandat « rempli depuis longtemps ».  Le Royaume-Uni comme le Japon demandaient de réexaminer celui-ci, jugeant, à l’instar des États-Unis, que c’est la facilitation de l’Union européenne qui avait le plus de chance de réconcilier les parties.  M. Dačić demandait au contraire qu’on en revienne à la pleine application du mandat défini dans la résolution 1244 (1999).  La Chine jugeait indispensable la présence de la Mission, dont le Mozambique et le Brésil saluaient le travail de réconciliation intercommunautaire, jugeant prématuré d’envisager son retrait.

La volonté du Gouvernement kosovar d’installer les maires albanais élus en avril dans les municipalités à majorité serbe malgré l’insignifiance de la participation provoquait fin mai de graves incidents avec la police kosovare, puis avec les militaires de la KFOR –la force internationale dirigée par l’OTAN-, amenant l’OTAN à renforcer ses effectifs sur place.  À l’appel de l’Union européenne, Pristina retirait une partie de sa police en juin mais de nouvelles discussions à Bruxelles en septembre échouaient sur le refus de Pristina de poursuivre la normalisation sans une reconnaissance préalable du Kosovo par Belgrade.  Un grave incident de sécurité en septembre amenait la Serbie à mettre brièvement son armée en alerte et l’OTAN à annoncer l’envoi de nouveaux renforts pour la KFOR.

Le 23 octobre, Mme Ziadeh notait que ces incidents s’étaient déroulés dans une atmosphère de « suspicion mutuelle » et de « perceptions contradictoires », que confirmaient les présentations diamétralement opposées de la crise faites par la Première Ministre de Serbie, Mme Ana Brnabić, et, pour le Kosovo, par Mme Vjosa Osmani-Sadriu.  Selon la Serbie, les autorités de Pristina avaient trois messages à faire passer: un refus de voir les Serbes partis après 1999 rentrer chez eux, une volonté de faire partir ceux qui sont encore présents, et un refus d’appliquer les accords conclus et la volonté de démanteler ceux qui l’ont été en partie.  La Première Ministre affirmait que « pas un mot » du premier accord sur les principes gouvernant la normalisation des relations n’avait été réellement mis en œuvre par Pristina.  Mme Vjosa Osmani-Sadriu affirmait au contraire que le cadre de la Constitution kosovare offrait à la minorité serbe d’importantes garanties. 

À l’image de la Suisse, plusieurs membres du Conseil jugeaient urgente une désescalade, en attendant une solution politique qui permettrait d’instaurer la confiance.  La Fédération de Russie avertissait que, s’il n’était pas mis fin à « l’arbitraire » des « prétendues autorités » de Pristina sur le nord du Kosovo, les conséquences pourraient être extrêmement graves, « voire conduire à la reprise d’un conflit armé », propos que l’Albanie jugeait fantaisistes.

Chypre

- 1 séance publique: 30 janvier

- 1 résolution: 2674 (2023)

Le 30 janvier, le Conseil de sécurité, par sa résolution 2674 (2023), prorogeait le mandat de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP) dans les mêmes termes que dans ses résolutions précédentes. Toutefois, pour la première fois depuis 2011, la prorogation n’était pas de six mois, mais d’un an.  Le Conseil, comme précédemment, « notait avec regret » l’absence de progrès visant à relancer des négociations officielles tout en soulignant que « le statu quo n’est pas viable ».  Il se déclarait « prêt à examiner l’application de la présente résolution au bout de six mois et à envisager tout ajustement ou toute autre mesure qui se révélerait nécessaire », en tenant compte des recommandations que pourrait lui présenter le Secrétaire général.  Les rapports de ce dernier, relatifs d’une part à la situation à Chypre, d’autre part à ses bons offices, devaient rester semestriels et à remettre respectivement avant le 4 juillet et le 3 janvier 2024.

AFRIQUE

Paix et sécurité en Afrique 

- 4 séances publiques: 30 mars16 mai25 mai21 juin 

Voir aussi: Consolidation de la paix en Afrique de l’Ouest; Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales; Terrorisme; Mali

Deux des quatre séances tenues sous cette rubrique généraliste ont concerné en 2023 des thèmes continentaux: l’initiative « Faire taire les armes » et la question du financement des opérations de soutien à la paix de l’Union africaine (UA), également traitée sous l’angle de la coopération entre l’ONU et les organisations régionales aux fins du maintien de la paix.  Une autre séance a été consacrée à la piraterie dans le golfe de Guinée et la dernière au G5 Sahel, question étroitement liée à la situation au Mali ainsi qu’au point relatif à la consolidation de la paix en Afrique de l’Ouest, tout en s’étendant géographiquement au-delà. 

Une cinquantaine de délégations participaient au débat organisé le 30 mars par la présidence mozambicaine sur « l’effet des politiques de développement sur la mise en œuvre de l’initiative “Faire taire les armes” », une initiative lancée en 2013 par l’UA à l’occasion de son cinquantième anniversaire avec pour objectif l’année 2020 et dont le Conseil s’était félicité dans sa résolution 2457 (2019).  Elles rappelaient qu’il « appartient essentiellement à l’Union africaine, à ses États membres, à leurs populations et à leurs institutions, y compris leur société civile », de construire une Afrique sans conflit, mais reconnaissaient aussi que la coopération et les partenariats internationaux étaient « nécessaires pour accélérer les progrès vers la réalisation de cet objectif continental ». « Faire taire les armes » nécessite une vision à long terme du développement de chaque pays, qui implique la promotion de la justice sociale d’une manière durable et inclusive, déclarait le Président du Mozambique, M. Filipe Jacinto Nyusi.  Les participants mettaient l’accent sur l’écoute de la société civile, notamment des femmes, ainsi que sur l’inclusivité, le respect des droits humains et ceux des minorités ou encore l’éducation, « facteur de développement générationnel ».  Plusieurs délégations rappelaient aussi que certains risques sécuritaires en Afrique sont liés au climat, invitant à intégrer l’action climatique dans les efforts de développement, et le Conseil à reconnaître et évaluer correctement les implications des changements climatiques sur la sécurité.

À l’occasion de la Journée mondiale de l’Afrique et sous présidence suisse, le Conseil examinait une fois de plus, le 25 mai, la question du financement des opérations de soutien à la paix de l’UA qu’il a préalablement autorisées.  Au nom du Secrétariat, Mme DiCarlo rappelait que le Conseil avait accepté, en 2009, de financer partiellement la Mission de l’UA en Somalie (AMISOM) -devenue depuis la Mission de transition de l’UA en Somalie (ATMIS)- à partir des contributions obligatoires de l’ONU, mais constatait la nécessité de plus en plus pressante d’établir ce type de financement sur des bases plus solides.  Elle rappelait aussi que le Conseil avait, dans sa résolution 2378 (2017), exprimé son « intention d’examiner les conditions d’établissement d’un mécanisme » permettant un tel financement.  Le représentant de l’UA et les A3 mettaient en avant les efforts financiers consentis par l’organisation africaine. 

Les autres membres du Conseil se disaient favorables à un tel mode de financement, mais au cas par cas et avec diverses nuances et restrictions.  Les États-Unis souhaitaient que le Conseil conserve un rôle de surveillance après approbation de chaque opération de l’UA et que l’Assemblée générale veille à leur contrôle budgétaire.  Ils invitaient en outre l’UA à mettre pleinement en œuvre son cadre de conformité, en particulier dans le domaine du respect des droits humains, point sur lequel insistaient aussi le Brésil, la Suisse ou le Japon.  La France estimait qu’il était temps de « franchir un cap supplémentaire vers le principe » du financement au cas par cas pour « compléter » l’engagement de l’UA à financer une part de ses efforts de paix et de sécurité.  Elle estimait que l’adoption d’une nouvelle résolution devrait permettre « d’affirmer la valeur ajoutée des opérations africaines de paix conduites par les soldats africains eux-mêmes », « d’avancer vers un mécanisme consultatif » de planification et de décision et de « faire le point sur les efforts restant à déployer » en matière de conduite et de discipline.  La Chine suggérait de rationaliser le financement des opérations de maintien de la paix de l’ONU et de réinjecter les économies ainsi réalisées dans l’appui aux missions de l’UA.  Tout en invitant le Conseil à discuter du partage du fardeau financier entre l’ONU et l’UA, le Royaume-Uni prévenait que toute interprétation erronée entraînerait le blocage de nouvelles initiatives.  Rappelant son soutien au principe des « solutions africaines aux problèmes africains », la Fédération de Russie se disait prête à se joindre aux négociations à venir. 

C’est sous la rubrique de la « Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales aux fins du maintien de la paix et de la sécurité internationales » que se poursuivait le débat et que serait adoptée, le 21 décembre, la résolution 2719 (2023) fixant le cadre pour un tel financement.

Le 21 juin, le Conseil se réunissait à l’occasion du dixième anniversaire du Code de conduite de Yaoundé, fondement de l’architecture de sécurité maritime du golfe de Guinée en cours de mise en place.  Les membres du Conseil se félicitaient de la baisse régulière du nombre de cas de piraterie et de vols à main armée en mer commis dans la région.  À l’origine de la séance, le Ghana invitait les États de la région à renouveler leur engagement à mettre en œuvre le Code de conduite malgré ses nombreuses lacunes. Il souhaitait aussi un examen complet de la mise en œuvre de l’architecture de Yaoundé afin de définir une vision stratégique pour la prochaine décennie.  Il était appuyé par le Mozambique et le Gabon, qui demandaient à la communauté internationale de soutenir l’opérationnalisation de l’architecture tout en s’attaquant aux causes profondes de la piraterie.  Les autres membres du Conseil soutenaient cette vision. 

Le 16 mai, le Conseil examinait le rapport semestriel du Secrétaire général sur la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel (FC-G5S).  M. Guterres s’y alarmait de la vitesse à laquelle l’extrémisme violent se propageait en Afrique de l’Ouest et notait le vide sécuritaire laissé par le retrait des forces européennes et françaises du territoire malien en 2022 et l’arrêt des opérations conjointes de la FC-G5S, en cours de restructuration après le retrait du Mali du G5 le 15 mai 2022.  Au nom du Secrétariat, Mme Pobee notait que les membres de la Force semblaient désireux de renforcer leur coopération avec le Mali, ce dont plusieurs membres du Conseil se félicitaient.  Le soutien apporté à la Force par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) était mis en avant, mais aussi le fait que l’accord tripartite entre l’Union européenne, le G5 Sahel et l’ONU qui le régissait devait prendre fin le 23 juin.  Mme Pobee estimait par ailleurs que la Force souffrait d’un soutien insuffisant de la part de la communauté internationale pour être pleinement autonome, jugeant que « l’obstacle le plus significatif » à cette autonomie était l’absence de consensus entre partenaires et donateurs sur le mécanisme de soutien le plus efficace à la Force.

Si le rapport du Secrétaire général concluait qu’à long terme, les solutions régionales conçues par les principales parties prenantes « sont le moyen le plus efficace d’instaurer une paix et une stabilité durables », les A3 souhaitaient que le Conseil aille au-delà d’une affirmation de principe pour fournir à la Force conjointe le financement prévisible réclamé de longue date.  La Fédération de Russie estimait que le maintien de la paix et de la sécurité dans la région incombait aux États de la région eux-mêmes.  L’Albanie et la France dénonçaient les exactions commises par le groupe Wagner, tout comme les États-Unis, pour qui le « partenariat court-termiste » du Gouvernement de transition malien avec la société de sécurité privée russe « soutenue par le Kremlin » ne s’était pas traduit par une amélioration de la sécurité, mais plutôt par une hausse des atteintes aux droits humains.

Le 16 juin, le Mali demandait la clôture immédiate de la MINUSMA et son retrait du pays avant la fin de l’année, mesure que le Conseil entérinait le 30 juin.  Le 26 juillet, le Niger devenait le quatrième pays du G5 Sahel à connaître un « changement anticonstitutionnel » depuis 2020, selon les termes de la déclaration à la presse que le Conseil publiait deux jours plus tard, tout en apportant son soutien aux efforts de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Celle-ci menaçait d’intervenir militairement puis y renonçait.  La France annonçait, le 24 septembre, le retrait de ses forces du Niger, qui venait de conclure avec le Mali et le Burkina Faso, tous deux dirigés par des « autorités de transition » militaires issues de coups d’État, un pacte militaire, « l’Alliance des États du Sahel ». 

Dans ce contexte, c’est sous la forme de consultations à huis clos que se tenait la séance semestrielle suivante du Conseil consacrée à la FC-G5S, le 21 novembre, appelée à être la dernière. En effet, dans une lettre datée du 10 novembre adressée au Président du Conseil de sécurité, le Secrétaire général, « compte tenu du retrait du Mali du G5 Sahel, de la fin de l’accord tripartite et du retrait de la MINUSMA d’ici au 31 décembre 2023 », demandait au Conseil de mettre fin à l’obligation faite au Secrétariat de présenter des rapports sur la FC-G5S au titre de la résolution 2391 (2017).  Le Secrétaire général y décrivait une situation « catastrophique », marquée notamment par la reprise des hostilités au Mali entre le Gouvernement et les groupes armés signataires de l’Accord d’Alger ainsi que la hausse des activités des groupes extrémistes, qui risquait de gagner le sud-est de la Mauritanie et, plus au sud, de s’implanter dans les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest.  En décembre, le Niger et le Burkina Faso annonçaient à leur tour leur sortie du G5 Sahel.

Libye

Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales

Le pays est resté divisé entre le Gouvernement d’unité nationale de transition dirigé par le Premier Ministre intérimaire Abdulhamid Dbeibah, qui se trouve à Tripoli, où siège en outre le Haut Conseil d’État, et un Premier Ministre rival, Fathi Bashaga, désigné en février 2022 par la Chambre des représentants, qui siège à Tobrouk, dans l’est.  Le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), M. Abdoulaye Bathily, a multiplié les contacts pour tenter d’obtenir des parties un accord sur les bases constitutionnelles et politiques nécessaires à l’organisation d’élections présidentielle et législatives.  Le Conseil, qui examine désormais la situation en Libye sur la base de rapports bimestriels du Secrétaire général, conformément à la résolution 2656 (2022), a reconduit en juin l’embargo sur les armes et renouvelé fin octobre, pour un an, le mandat de la MANUL. 

Le 27 février, M. Bathily annonçait au Conseil la mise sur pied d’un groupe de haut niveau rassemblant toutes les parties prenantes libyennes pour élaborer un cadre juridique et une feuille de route limitée dans le temps afin de relancer un processus politique qu’il jugeait enlisé et qu’il opposait à l’impatience des Libyens désireux de pouvoir enfin élire leurs dirigeants.  La plupart des membres du Conseil saluaient l’initiative, à l’exception de la Fédération de Russie, pour qui les tentatives de créer des mécanismes distincts visant à régler le dossier libyen ne seraient pas productives.  Les Émirats arabes unis souhaitaient le succès des efforts du Représentant spécial et des élections durant l’année.  La Chine les souhaitaient « aussi rapidement que possible », tout en appelant à éviter toute solution imposée aux Libyens de l’extérieur.  Les A3 disaient ne pas considérer les élections comme une fin en soi mais voyaient en elles un possible catalyseur vers une paix et une sécurité durables. La Fédération de Russie mettait en garde contre un scrutin national précipité et mal organisé qui pourrait se révéler contre-productif.

Le 16 mars, le Conseil adoptait une déclaration présidentielle dans laquelle il « estimait encourageante l’initiative prise par le Représentant spécial », auquel il réaffirmait en outre son ferme appui, « en particulier à son rôle de médiation et de bons offices pour faire progresser un processus politique inclusif ».  En outre, le Conseil se félicitait du rôle joué par l’Égypte pour faciliter des pourparlers organisés au Caire entre les présidents de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État, saluait les « progrès graduels accomplis » en matière constitutionnelle et appelait à « insuffler un nouvel élan, sur la base de ces progrès, pour consolider l’assise juridique et l’accord politique qui sont essentiels en vue de la tenue en 2023 en toute sécurité d’élections nationales présidentielle et législatives ».

Le 18 avril, M. Bathily disait voir « une nouvelle dynamique à l’œuvre en Libye », tout en réaffirmant que seules des élections pourraient permettre de surmonter l’impasse politique, qui « exaspérait » les Libyens, lesquels souhaitaient selon lui un dialogue plus inclusif allant au-delà du processus institutionnel lancé par la Chambre des députés et le Haut Conseil d’État.  Ces derniers mettaient en place un comité paritaire dit « 6+6 ».  Plusieurs membres du Conseil s’alarmaient des restrictions toujours croissantes à l’expression de la société civile.  Les progrès politiques étant liés à une amélioration de la sécurité, le Représentant spécial disait œuvrer également au rapprochement de la « Commission militaire conjointe 5+5 » avec les acteurs militaires libyens.  Les A3, la Fédération de Russie et les Émirats arabes unis insistaient sur l’importance du départ de tous les combattants étrangers et mercenaires présents sur le sol libyen.  Les États-Unis demandaient celui du groupe Wagner. 

L’autorisation d’inspection, en haute mer au large des côtes libyennes, des navires soupçonnés de violer l’embargo sur les armes était reconduit pour douze mois supplémentaires le 2 juin, par la résolution 2684 (2023), adoptée par 14 voix pour et l’abstention de la Fédération de Russie.  Celle-ci rappelait que la surveillance maritime de l’embargo était confiée à une seule organisation régionale –l’Union européenne, via son opération « Irini »- dont elle mettait en doute l’efficacité.

Le 19 juin, M. Bathily informait le Conseil que, le 6 juin, le Comité « 6+6 » était parvenu à un accord sur les projets de lois pour les élections présidentielle et parlementaires mais que, depuis, les parties prenantes contestaient certains aspects du texte, dont la Haute Commission électorale nationale dénonçait en outre les « graves lacunes et insuffisances techniques ».  Parmi les aspects les plus contentieux figuraient les critères d’éligibilité des candidats à l’élection présidentielle; une disposition prévoyant un second tour obligatoire à la présidentielle quel que soit le résultat du premier tour; une autre liant la tenue des élections législatives au succès du premier tour de la présidentielle; et la formation d’un nouveau gouvernement intérimaire avant le scrutin.  Tout en soutenant le principe d’une solution interlibyenne, le Représentant spécial ajoutait que « ces mots d’ordre ne doivent pas rester de simples slogans visant à cacher une intention de prolonger le statu quo au détriment des aspirations du peuple libyen à des institutions légitimes et à la prospérité ».  Il jugeait impératif que le soutien du Conseil à la MANUL se traduise par « une pression accrue et ciblée sur les acteurs, en parlant véritablement d’une seule voix et en agissant en conséquence pour écarter les fauteurs de troubles ».  Une inquiétude supplémentaire venait du conflit au Soudan, qui faisait craindre un afflux de réfugiés mais aussi d’éléments armés qui pourraient compliquer le retrait des différents types de combattants étrangers que la Mission cherchait toujours à obtenir des parties libyennes.

Le 21 août, le Représentant spécial détaillait les discussions en cours pour résoudre les difficultés liées au texte établi par le Comité « 6+6 ».  Il faisait aussi part de ses inquiétudes après les violents affrontements survenus une semaine plus tôt entre les deux plus grands groupes armés présents dans la capitale.  Face à ces incidents, mais aussi aux affrontements au Soudan, au coup d’État au Niger et à des combats qui venaient d’opposer, dans le sud du pays, l’armée tchadienne et des éléments armés, il réaffirmait que les « dispositions intérimaires comportent des risques de violence et de désintégration pour le pays » et jugeait fondamental de restaurer sa stabilité y compris pour préserver la sécurité régionale.  Le représentant libyen affirmait que la situation politique ne « permettait pas de lancer de nouveaux processus ».  Appuyé notamment par les États-Unis et les Émirats arabes unis, il appelait à faire fond sur le travail accompli par le Comité « 6+6 » pour régler les questions politiques et techniques en suspens. 

Le 16 octobre, le Représentant spécial saluait « l’unité, la solidarité et la compassion spontanées et admirables des Libyens ordinaires » ainsi que les efforts individuels des différentes parties lors des inondations meurtrières survenues le mois précédent à Derna.  Mais il relevait aussi des « défaillances graves en matière de gouvernance », ajoutant que, « si elles avaient été réglées au niveau national, la tragédie aurait eu moins de conséquences ».  Alors que le Comité « 6+6 » avait achevé ses travaux début octobre, M. Bathily signalait un certain nombre de progrès mais les principaux points de litiges mentionnés en juin restaient sans solution. 

Le 19 octobre, le Conseil retrouvait son unanimité pour reconduire, par la résolution 2701 (2023), l’embargo sur les armes, les sanctions individuelles et, jusqu’au 1er février 2025, l’autorisation d’inspection en haute mer des navires soupçonnés d’exporter illicitement du pétrole brut libyen.  Le Conseil prorogeait également, jusqu’au 15 février 2025, le mandat du Groupe d’experts chargé de surveiller la mise en œuvre du régime de sanctions.

C’est également à l’unanimité que le Conseil, le 30 octobre, prorogeait d’un an le mandat de la MANUL.  Par la résolution 2702 (2023), il réaffirmait son appui au Représentant spécial, en particulier son rôle de médiation et de bons offices visant à faire avancer un processus politique inclusif « en se fondant sur l’Accord politique libyen et la Feuille de route du Forum de dialogue politique interlibyen et en mettant à profit les lois électorales actualisées, approuvées par le Comité 6+6 ».

Le 18 décembre, M. Bathily annonçait au Conseil que la Haute Commission électorale nationale avait enfin jugé « techniquement réalisable » la loi électorale, tout en ajoutant que l’institution mettait comme condition au lancement d’un processus électoral la résolution de désaccords politiques toujours en suspens malgré ses propres efforts.  « L’humeur nationale est mûre pour un nouvel accord politique et pour un avenir plus radieux en Libye », affirmait le Représentant spécial, qui exhortait une fois encore la communauté internationale à ne pas laisser un petit groupe de responsables politiques compromettre l’avenir du pays.  Mais au sein du Conseil, Chine, Fédération de Russie ou encore Brésil s’opposaient à toute forme d’ingérence étrangère, estimant qu’elle ne ferait qu’accentuer les divisions existantes.

Par ailleurs, comme chaque année, le Conseil a entendu à deux reprises le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), les 11 mai et 8 novembre.  En mai, M. Karim Ahmad Khan se félicitait des avancées obtenues grâce à la nouvelle stratégie adoptée par ses services, un « plan d’action » reposant sur une approche ciblée, dynamique et axée sur le terrain.  Lors des deux séances, il mettait en avant la coopération de ses services avec la mission indépendante d’établissement des faits des Nations Unies sur la Libye, ainsi qu’avec les autorités libyennes mais aussi la société civile, et sur la constitution de partenariats.  La plupart des membres du Conseil s’en félicitaient, à l’exception de la Chine, qui se bornait à souhaiter que la Cour continue à respecter le principe de complémentarité judiciaire et la souveraineté des pays concernés par ses enquêtes, et surtout de la Fédération de Russie qui, dans sa virulente hostilité à la CPI, la qualifiait en novembre de « pseudo-juridiction fantoche pro-occidentale, qui a été achetée et vendue » et dont il ne fallait attendre aucune justice.  Les autres membres saluaient les progrès dans les enquêtes portant sur la période 2014-2020 ou encore sur les sévices contre les migrants, même si certains, comme les États-Unis ou le Japon, regrettaient l’absence de progrès dans l’enquête sur les violences commises en 2011.  Le représentant de la Libye demandait à chaque fois où étaient les résultats de ses enquêtes, estimant en novembre qu’il n’y avait « rien de nouveau ». Il rappelait aussi que la justice de son pays était « souveraine ». 

Enfin, en marge du dossier libyen et sous la rubrique du « maintien de la paix et de la sécurité internationales », le Conseil a renouvelé une fois de plus l’autorisation annuelle, initialement donnée dans sa résolution 2240 (2015), aux États Membres d’inspecter les bateaux naviguant en haute mer au large des côtes libyennes s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils sont utilisés pour le trafic de migrants ou la traite d’êtres humains « ayant le territoire libyen et le large des côtes libyennes comme destination, zone de transit ou point de départ ».  Pour la première fois depuis 2014, la résolution 2698 (2023), adoptée le 29 septembre, était enrichie d’un nombre important de dispositions relatives au droit humanitaire et aux droits de l’homme.  En outre, pour la première fois depuis 2016, le texte n’était pas adopté à l’unanimité, du fait de l’abstention de la Fédération de Russie. 

L’adoption était précédée, le 28 septembre, d’une séance d’information tenue à la demande de la Fédération de Russie, qui portait sur le rapport annuel du Secrétaire général sur la question. Le rapport faisait état d’une augmentation considérable des arrivées irrégulières en Europe utilisant la route de la Méditerranée centrale, notamment depuis la Libye, ainsi que du nombre de personnes décédées ou portées disparues en mer.  La Fédération de Russie faisait remarquer que le mécanisme mis en place par la résolution 2240 (2015) « ne fonctionne pas » et accusait l’Union européenne d’être incapable de remplir les missions de contrôle qu’elle s’était assignées.

Sahara occidental

- 1 séance publique: 30 octobre 

- 1 résolution: 2703 (2023)

Après des examens traditionnellement menés à huis clos, le Conseil a reconduit une nouvelle fois pour un an, jusqu’au 31 octobre 2024, le mandat de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO).  Adoptée le 30 octobre par 13 voix pour et 2 abstentions, la résolution  2703 (2023) se félicite des efforts de l’Envoyé personnel du Secrétaire général, M. Staffan de Mistura, et en particulier des consultations tenues en mars 2023, et encourage vivement le Maroc, le Front POLISARIO, l’Algérie et la Mauritanie à s’engager auprès de lui « dans un esprit de réalisme et de compromis ». 

Pays porte-plume, les États-Unis, rappelaient qu’à leurs yeux, l’Initiative marocaine d’autonomie était « sérieuse et réaliste ».  Le Gabon et la France la considéraient comme la « seule solution si l’on veut parvenir à une sortie acceptable ».  La Fédération de Russie, qui s’abstenait pour la sixième année consécutive, mettait en cause l’impartialité du texte, estimant qu’il ne pourrait aboutir à une reprise de négociations directes entre le Maroc et le Front POLISARIO.  Autre membre à s’abstenir, le Mozambique ajoutait que le texte s’éloignait du mandat de la Mission, « remettant à plus tard des questions clefs qui doivent pourtant être prises à bras-le-corps ». 

Consolidation de la paix en Afrique de l’Ouest 

- 2 séances publiques: 10 janvier, 25 juillet

Voir aussi: Paix et sécurité en Afrique; Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales; Mali 

Sous cette rubrique sont examinées les activités du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), à la tête duquel M. Leonardo Santos Simaõ a succédé en mai à M. Mahamat Saleh Annadif comme Représentant spécial du Secrétaire général. Le « double fléau » du terrorisme et d’une « cascade » de changements anticonstitutionnels de gouvernement a été au centre des deux séances semestrielles, auxquelles a participé le Président de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), M. Omar Alieu Touray.

Après le départ fin 2022 de M. Annadif, devenu Ministre des affaires étrangères de son pays, c’est la Cheffe par intérim de l’UNOWAS, Mme Giovanie Biha qui, le 10 janvier, venait déplorer une nouvelle aggravation de l’insécurité dans la région et ses conséquences humaines et de développement.  M. Touray se concentrait quant à lui sur l’instabilité politique, évoquant les récents coups d’État –le dernier en date remontait alors au 30 septembre 2022 au Burkina Faso– les tentatives manquées mais aussi la tentation de chefs d’État démocratiquement élus de manipuler les processus constitutionnels ou électoraux et d’instrumentaliser les agences de sécurité contre leurs opposants pour se maintenir au pouvoir.  Les membres du Conseil saluaient les efforts du Bureau et de la CEDEAO pour consolider la règle démocratique.  Face à « l’insécurité généralisée au Sahel » et à son potentiel de contagion aux pays du littoral, les A3 appuyaient les initiatives régionales telles que l’Initiative d’Accra, la Force conjointe du G5 Sahel et la Force multinationale mixte.  Ils appelaient les partenaires à accroître leurs contributions pour en améliorer la mise en œuvre.  États-Unis et France appuyaient ouvertement la reconduction pour trois ans supplémentaires du mandat du Bureau, qui interviendrait à la fin du mois à la suite d’une simple lettre du Secrétaire général au Président du Conseil de sécurité.

Le 25 juillet, le nouveau Représentant spécial et M. Touray dressaient un bilan mitigé des six derniers mois.  Tout en saluant la bonne tenue de plusieurs élections dans la région, ils s’inquiétaient de l’aggravation de l’insécurité et de la situation humanitaire.  La séance abordait aussi la question de la clôture de la MINUSMA, actée le 30 juin par le Conseil et qui prévoyait le retrait du Mali, avant le 31 décembre, des Casques bleus, issus pour près de moitié des États membres de la CEDEAO.  Les A3 demandaient une action coordonnée avec les pays voisins afin de minimiser tout nouvel impact négatif sur la sécurité du Mali et de la région, ainsi qu’un appui au processus de transition dans trois pays, dont le Mali.  La France insistait sur la nécessaire coopération de ce pays avec l’ONU.  Rejointe par les États-Unis et le Royaume-Uni, elle dénonçait en outre la menace déstabilisatrice que représente la présence du groupe Wagner au Sahel.

C’est le lendemain de cette séance qu’avait lieu le coup d’État militaire au Niger, à la suite duquel le Conseil publiait une déclaration à la presse.

Mali 

- 6 séances publiques: 27 janvier12 avril16 juin30 juin28 août30 août 

- 1 résolution: 2690 (2023) 

Voir aussi: Paix et sécurité en Afrique; Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales; Opérations de paix des Nations Unies

« Fermer une mission construite sur une décennie en l’espace de six mois est une entreprise complexe et ambitieuse », déclarait le 28 août le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), M. El-Ghassim Wane. C’est pourtant ce qu’a imposé à l’ONU la résolution adoptée le 30 juin, à la suite de l’exigence formulée deux semaines plus tôt par le Ministre des affaires étrangères du Mali à la fin d’une séance du Conseil destinée à préparer la prorogation de la Mission avec un mandat modifié dont les modalités étaient en cours de discussion. 

La reconfiguration de la MINUSMA était en l’air depuis plusieurs mois puisque, dans la résolution 2640 (2022) du 29 juin 2022, par laquelle il avait reconduit la Mission avec le même mandat et les mêmes effectifs maximum, le Conseil avait aussi demandé un rapport sur l’examen interne de la Mission, qui devait comprendre « des propositions concernant la future configuration de la MINUSMA, le niveau des effectifs et l’effectif maximum du personnel en tenue ». 

Publié début janvier, ce rapport était discuté au Conseil le 27 janvier, en même temps que le rapport trimestriel du Secrétaire général sur la situation au Mali.  Le Secrétaire général notait que l’examen interne avait été vu par le pays hôte comme « l’occasion d’adapter la Mission aux réalités actuelles ».  Le Mali demandait ainsi que la Mission se concentre sur les questions de sécurité, planifie ses opérations avec les Forces armées maliennes et s’abstienne de mener des activités qui, à ses yeux, fragilisaient l’unité nationale et la cohésion sociale, accusant en particulier la Mission de « politisation et d’instrumentalisation » de la question des droits humains.  Quant aux États Membres et autres partenaires consultés, « la plupart » jugeaient importants de maintenir la présence de la MINUSMA, estimant que son retrait nuirait tant au Mali qu’à la sécurité régionale.  Toutefois, face au coût humain et financier de la Mission, « certains » menaçaient de retirer leur soutien à la Mission si les restrictions imposées à son fonctionnement par le Gouvernement malien n’étaient pas levées. 

Jugeant « intenable » la situation actuelle, le Secrétaire général proposait pour la MINUSMA trois options: une augmentation de ses capacités pour lui permettre d’exécuter son mandat dans son intégralité; une concentration sur ses priorités stratégiques dans les secteurs où elle était déployée avec une présence consolidée; ou un retrait du personnel en tenue et sa transformation en mission politique spéciale.  Dans tous les cas, M. Guterres jugeait « capitale » la surveillance des droits humains.  Il ajoutait que la capacité de la Mission à s’acquitter efficacement de son mandat dépendrait de quatre paramètres clefs: l’avancement de la transition politique; les progrès accomplis dans l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali de mars 2015; la liberté de circulation accordée à la Mission; et sa capacité d’exécuter l’intégralité de son mandat. 

Lors de la discussion, plusieurs membres du Conseil jugeaient que les paramètres proposés pourraient constituer la base d’une relation stable et prévisible entre la Mission et son pays hôte, mais le Mali estimait que les propositions du Secrétaire général ne prenaient « pas en compte les attentes légitimes du peuple malien, qui sont avant tout d’ordre sécuritaire ».  Il demandait pour la Mission « un changement de doctrine, de règles d’engagement et surtout une volonté politique véritable d’aider le pays hôte à sortir de la crise ».  Pays porte-plume sur la situation au Mali et entretenant avec lui des relations plus que tendues, la France faisait savoir que, « sans engagements clairs et sans gestes concrets, il ne sera pas possible de renouer la confiance et de rétablir une dynamique de partenariat » entre l’ONU et le Mali.  La Chine appelait à « tenir compte du point de vue exprimé par le Gouvernement malien ».  Quant aux A3, ils saluaient la contribution positive de la MINUSMA à la stabilité au Mali tout en soulignant, au-delà de la présence de la Mission, le rôle joué en matière de sécurité régionale par les différents mécanismes régionaux.

Le 12 avril, les membres du Conseil précisaient leurs préférences quant aux options présentées.  Le Chef de la Mission déplorait la poursuite de la détérioration des conditions humanitaires et de sécurité, en particulier dans le centre du pays.  Il dénonçait aussi les obstructions des autorités maliennes au travail de la MINUSMA, que Bamako niait.  Les membres occidentaux du Conseil insistaient pour que les forces armées maliennes respectent les droits humains lors des opérations militaires et réclamaient à cet égard la publication d’un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) sur le massacre de Moura commis fin mars 2022. Comme le Mali, la Fédération de Russie dénonçait une instrumentalisation politique des droits humains, que la Chine ne voulait pas voir « interférer dans la conduite des opérations antiterroristes ».  La Chine et les A3 souhaitaient en outre un soutien accru de la MINUSMA aux opérations des Forces de défense et de sécurité maliennes, et les A3 demandaient une augmentation des effectifs de la Mission. 

Le Royaume-Uni estimait qu’en l’absence de signes visibles du Mali d’un engagement à respecter les paramètres fixés par le Secrétaire général, le Conseil serait confronté à des « décisions difficiles » au moment du renouvellement du mandat de la Mission et devrait être prêt à « l’adapter et à le recentrer ».  Les États-Unis jugeaient « irresponsable » que le Conseil continue de déployer des soldats de la paix dans des conditions où leur mission ne peut réussir.  La France estimait que les annonces de retrait de leurs contingents par plusieurs pays contributeurs représentant 20% de la Force devaient alerter le Conseil sur la gravité de la situation.  Le Mali réclamait que le rôle de porte-plume du Conseil sur le Mali soit retiré à la France. 

Le 8 mai, le HCDH rendait public son « rapport sur les événements de Moura du 27 au 31 mars 2022 » et attribuait la responsabilité de la mort d’au moins 500 civils aux Forces armées maliennes et à des « personnels militaires étrangers ».  Le Gouvernement malien rejetait aussitôt les « conclusions hâtives » d’un « rapport biaisé » et parlait d’une volonté de certains pays d’instrumentaliser l’ONU pour « nuire, voire punir le Mali pour ses choix souverains ».

Le 16 juin, à moins de deux semaines de l’échéance du mandat de la Mission et alors que le Conseil avait commencé de se pencher sur un projet de résolution préparé par la France sur la base des rapports du Secrétaire général publiés en janvier, le Ministre des affaires étrangères malien constatait l’échec de la MINUSMA, « dont le mandat ne répond pas au défi sécuritaire ».  Il accusait la Mission de « devenir une partie du problème en alimentant les tensions communautaires exacerbées par des allégations d’une extrême gravité fortement préjudiciables à la paix, à la réconciliation et à la cohésion nationale ».  Il parlait d’un « sentiment de méfiance des populations à l’égard de la MINUSMA » et d’une « crise de confiance entre les autorités maliennes et la Mission ».  Il estimait qu’aucune des options présentées par le Secrétaire général « et encore moins le projet de résolution en cours de négociation » n’apportaient des réponses appropriées aux attentes des Maliens, ajoutant que le projet de résolution « confortait la récusation » par son pays de la France en tant que porte-plume, « tant son contenu est hostile à l’égard du Mali ». « Au regard de tout ce qui précède, le Gouvernement du Mali demande le retrait sans délai de la MINUSMA », ajoutait le Ministre, qui affirmait néanmoins que son gouvernement était « disposé à coopérer avec les Nations Unies dans cette perspective ». 

Le Conseil ne pouvait que prendre acte de la décision malienne.  Le 30 juin, il adoptait la résolution 2690 (2023), qui mettait fin au mandat de la MINUSMA le jour même.  La Mission devrait achever sa phase de retrait avant le 31 décembre, tout en étant autorisée à poursuivre sa mission de protection des civils jusqu’au 30 septembre.  Le Secrétaire général était prié de présenter au Conseil d’ici au 15 août un plan de transfert des tâches de la MINUSMA, à élaborer en coopération avec le Gouvernement de transition malien. 

Si la résolution était adoptée à l’unanimité, plusieurs des membres du Conseil jugeaient précipité le retrait de la Mission et regrettaient la demande du pays hôte, devant laquelle ils s’inclinaient néanmoins, le Brésil rappelant le caractère essentiel du consentement du gouvernement hôte.  La Fédération de Russie se félicitait de l’unanimité obtenue en réponse à la décision souveraine prise par le Mali pour assurer la sécurité et la protection de sa population civile. 

Tous les membres appelaient à un retrait ordonné et organisé de la Mission.  Mais si la Chine estimait que la résolution offrait à cet égard le cadre nécessaire, plusieurs autres pays jugeaient, à l’image de la Suisse, que six mois ne suffiraient pas pour assurer un retrait responsable d’une opération de l’ampleur de la MINUSMA -12 420 personnels en uniforme et plus de 4 300 employés civils-, d’autant que le budget des opérations de paix adopté le jour même par la Cinquième Commission de l’Assemblée générale allouait à la Mission un budget pour les six mois à venir jugé largement insuffisant par le Secrétariat. En outre, les États-Unis dénonçaient les blocages imposés depuis plusieurs jours par les autorités maliennes aux importations de la Mission.  Ils rappelaient aussi que le Gouvernement de transition devrait respecter ses engagements concernant le calendrier de la transition.  Le Mali s’engageait à poursuivre la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. 

Deux mois plus tard, le 28 août, le Conseil était placé devant les premières difficultés rencontrées par la Mission dans sa phase de retrait.  Faisant valoir que le calendrier imposé par la résolution 2690 (2023) interdisait toute période de transition, M. Wane jugeait nécessaire de reconnaître que certaines tâches de la MINUSMA ne pourraient pas être transférées de manière effective dans les délais prescrits.  Il rappelait que la première phase de retrait, portant sur la fermeture des avant-postes de la Mission les plus petits et les plus au nord, avait été marquée par des incidents de sécurité, doublée de difficultés politiques liées à la prise de contrôle de ces bases, que réclamait le Gouvernement mais que lui disputait la Coordination des mouvements de l’Azawad, opposition signataire de l’Accord d’Alger.  Le Japon mettait l’accent sur les conséquences néfastes du retrait précipité de la Mission.  Le Royaume-Uni invitait le Conseil à se tenir prêt à en réviser le calendrier, ce qu’excluait totalement le Mali, soutenu par la Fédération de Russie.  Les États-Unis appelaient le Gouvernement de transition et les mouvements signataires à revitaliser leur engagement en faveur de l’accord d’Alger.  La France demandait au Conseil de soutenir pleinement les efforts de la CEDEAO en ce sens. 

En juin, les A3 avaient appelé à ne pas considérer le retrait de la MINUSMA comme la fin de l’engagement de la communauté internationale au Mali.  Celui-ci subissait pourtant un nouveau coup le 30 août, lorsque les membres du Conseil s’avéraient incapables de s’entendre sur un texte visant à reconduire le régime de sanctions mis en place par la résolution 2374 (2017), adoptée à l’unanimité le 5 septembre 2017 à la demande du Gouvernement malien de l’époque. 

La France s’était associée au Émirats arabes unis pour proposer un texte de compromis visant à reconduire pour 12 mois le régime de sanctions et à proroger jusqu’au 30 septembre 2024 le mandat du Groupe d’experts chargé de surveiller sa mise en œuvre.  Mais la Fédération de Russie proposait son propre texte, qui prévoyait lui aussi de reconduire les sanctions, mais « pour une dernière période de douze mois » et décidait de « dissoudre, avec effet immédiat », le Groupe d’experts.  Lors d’une séance tendue marquée par des requêtes de procédures et d’ultimes négociations en coulisses, la Fédération de Russie mettait son veto au texte franco-émirien, approuvé par 13 membres, la Chine s’abstenant.  Le texte russe n’était soutenu que par son auteur, le Japon votant contre et 13 pays s’abstenant, dont la Chine qui, pour la première fois depuis des années, ne soutenait pas un texte présenté par la Fédération de Russie. 

La Fédération de Russie ayant averti qu’en cas de rejet de son propre texte, il n’y aurait plus de négociations sur le sujet, le régime de sanctions prenait fin le 31 août à minuit, et le Groupe d’experts, le 30 septembre.  Lors du débat du 5 septembre sur les méthodes de travail du Conseil, les États-Unis accusaient la Fédération de Russie d’avoir « tué » à elle seule le régime de sanctions.

Fin septembre, les autorités maliennes annonçaient le report « pour des raisons techniques » des élections prévues en février 2024 pour restaurer l’ordre constitutionnel.  En octobre, le Conseil tenait des consultations sur les conditions difficiles du retrait de la MINUSMA du nord du pays, du fait du manque de coopération des autorités maliennes mais aucune séance publique n’était organisée. Le 11 décembre, la MINUSMA organisait à Gao la cérémonie officielle de son départ en amenant le drapeau de l’ONU. 

Afrique centrale

- 2 séances publiques: 5 juin13 décembre 

Voir aussi: Paix et sécurité en Afrique; Consolidation de la paix en Afrique de l’Ouest; République centrafricaine; Soudan; République démocratique du Congo 

Le Conseil de sécurité a examiné en juin et décembre les rapports semestriels du Secrétaire général sur la situation dans la région et les activités du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC), dirigé par M. Abdou Abarry.  Le Président de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), Gilberto Da Piedade Verissimo, est intervenu en juin 2023. 

« L’Afrique centrale est plus riche en opportunités et en ressources qu’elle ne l’est en défis », assurait le 5 juin, M. Abarry, qui estimait que les dirigeants des États de la région privilégiaient le dialogue pour résoudre les tensions de façon pacifique.  Il citait notamment la relance de la coopération entre le Tchad et la République centrafricaine, et le soutien de la CEEAC à la transition au Tchad. Le Président de la CEEAC parlait d’une marche « irréversible » des États de la région vers l’enracinement du système de gouvernance démocratique, malgré la persistance des défis sécuritaires.  La poursuite de la transition au Tchad était citée en exemple -et saluée par les A3- de même que la perspective de plusieurs élections alors prévues durant l’année: présidentielle fin août au Gabon, élections générales du 20 décembre en RDC et les premières élections locales depuis 1998 en RCA, dont le report venait toutefois d’être annoncé quelques jours plus tôt.  M. Abarry mettait en outre en garde contre les effets désastreux du conflit au Soudan pour l’ensemble des pays du bassin du lac Tchad, appelant en particulier à venir en aide financièrement au Tchad, qui accueillait quelque 100 000 réfugiés soudanais.

La séance du 13 décembre était marquée par le coup d’État du 30 août au Gabon, pays hôte du BRENUAC ainsi que la CEEAC, dont il assumait de surcroît la présidence.  M. Abarry, qui continuait de louer le « potentiel considérable » de l’Afrique centrale en matière de développement et de stabilité, y voyait l’illustration de « la fragilité institutionnelle de certains pays de la sous-région ».  Il notait les mesures prises au plan régional, avec l’adoption, le 24 novembre, de la Déclaration de Kigali sur la prévention et la lutte contre les changements non constitutionnels de gouvernement en Afrique centrale et annonçait, pour le début de 2024, la tenue d’une « conférence régionale sur la résurgence des changements anticonstitutionnels de gouvernements » devant permettre à la sous-région de « poser les jalons d’un instrument normatif destiné à faire face à ce fléau ».  Le Chef du BRENUAC notait aussi que le coup d’État avait eu lieu à la suite d’un « processus électoral discutable » et que les « nouvelles autorités » avaient aussitôt reçu le soutien de la population.  Il ajoutait qu’elles avaient démontré leur volonté de donner un nouveau départ par l’organisation de consultations dans le pays, en attendant le lancement, en avril 2024, d’un « dialogue national inclusif ».  Dans leur déclaration commune, les membres africains du Conseil, dont faisait partie le Gabon, notaient avec satisfaction les initiatives prises par les autorités de transition pour stabiliser le pays et désamorcer les tensions politiques.  La France prenait note et se félicitait de l’annonce d’un calendrier prévoyant des élections en août 2025.

Concernant le Tchad, les A3 saluaient en outre des « avancées significatives » dans la mise en œuvre de l’Accord de paix de Doha signé en août 2022 par le gouvernement de transition et une trentaine de mouvements politico-militaires.  Ces avancées étaient jugées d’autant plus remarquables qu’elles se déroulaient dans un contexte très difficile dû aux conséquences, pour toute la région, de la guerre au Soudan, lesquelles suscitaient les préoccupations de plusieurs membres du Conseil.  La France souhaitait que le référendum constitutionnel prévu le 17 décembre se déroule dans un climat permettant un retour pacifique à l’ordre constitutionnel. Concernant la République centrafricaine, les États-Unis appelaient Gouvernement et opposition à travailler de manière constructive en vue des élections locales et régionales désormais prévues en octobre 2024.  Enfin, le Représentant spécial disait son « souhait ardent » de voir les élections générales prévues en RDC le 20 décembre se dérouler dans la paix, « de façon à consolider l’ancrage démocratique dans ce pays et à renforcer le processus d’édification d’une Afrique centrale de paix, de stabilité et de prospérité ».

République centrafricaine (RCA)

- 5 séances publiques: 21 février, 20 juin27 juillet, 26 octobre, 15 novembre

- 2 résolutions: 2693 (2023), 2709 (2023)

Voir aussi: Afrique centrale, Région des Grands Lacs, Organes subsidiaires du Conseil de sécurité

L’année a été marquée par le désarmement de plusieurs groupes armés signataires de l’Accord de paix et de réconciliation (APPR-RCA) de Bangui de 2019, l’extension du contrôle de l’État sur l’ensemble du pays et l’adoption par référendum d’une réforme constitutionnelle qui allonge la durée des mandats présidentiel et parlementaire et supprime toute limite au nombre desdits mandats.  Les élections locales ont été une nouvelle fois reportées et fixées au 24 octobre 2024. Le pays a dû faire face à un afflux de réfugiés mais aussi d’armes après l’éclatement du conflit au Soudan en avril. Le Conseil a examiné en février, juin et octobre, les rapports du Secrétaire général sur la situation en RCA, comme prévu par la résolution 2605 (2021). L’embargo sur les armes, réduit en ce qui concerne le Gouvernement à une simple notification des livraisons et transferts en 2022, a néanmoins été de nouveau violemment contesté par la RCA, appuyée par la Fédération de Russie, mais reconduit pour un an en juillet.  Le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), dirigée par Mme Valentine Rugwabiza, a été reconduit pour un an en novembre, sans modification substantielle, mais en prévoyant un examen stratégique dans la première partie de 2024.

Les futures élections locales, les premières depuis 1998, alors prévues le 16 juillet et en octobre, étaient au centre de la séance du 21 février et qualifiées par la Représentante spéciale d’« opportunité unique pour promouvoir la gouvernance locale avec des élus directement responsables devant les citoyens ».  Le Président de la formation nationale de la Commission de consolidation de la paix ajoutait qu’elles permettraient de faire progresser le processus de décentralisation et de s’attaquer ainsi à l’une des causes profondes de la crise politico-sécuritaire.  Mme Rugwabiza mettait aussi l’accent sur les progrès du processus de paix et saluait son appropriation croissante par le Gouvernement.  La plupart des membres du Conseil insistaient eux aussi sur l’importance des élections.  Les A3 jugeaient crucial le soutien financier de la communauté internationale pour en assurer la tenue efficace.  La séance était marquée par un nouvel appel insistant de la Ministre des affaires étrangères de la RCA, Mme Sylvie Valérie Baipo Temon, à une levée complète de l’embargo sur les armes, qu’elle jugeait sans aucun sens depuis la levée de la limitation de l’accès aux armes des forces régulières. 

Outre la poursuite des progrès dans la restauration de l’État et la poursuite du désarmement des milices, dont tous les membres du Conseil se réjouissaient, la séance du 20 juin était marquée par deux éléments nouveaux.  Le premier tenait aux implications pour le pays du conflit qui avait éclaté au Soudan le 15 avril, qui étaient mises en avant par plusieurs membres du Conseil, notamment les A3, et par plusieurs voisins de la RCA ou acteurs régionaux venus participer à la séance.  Dans un tel contexte, les représentants africains présents étaient unanimes pour appuyer la suppression des dernières restrictions imposées par le Conseil aux achats d’armes de la RCA.  Chine et Fédération de Russie appuyaient la demande africaine.  Au contraire, les États-Unis insistaient sur l’importance du processus de notification et rappelaient que l’embargo sur les armes « n’empêche pas le Gouvernement de la RCA d’obtenir les armes nécessaires à la lutte contre les groupes armés » mais vise à empêcher que certaines armes se retrouvent aux mains de ces mêmes groupes. 

Le second point nouveau concernait l’annonce faite le 30 mai d’un référendum constitutionnel, fixé au 31 juillet, et du report des élections locales.  La Ministre des affaires étrangères centrafricaine affirmait que le référendum constituait un processus dans lequel la MINUSCA ne serait pas impliquée et qui était « totalement distinct » des élections locales, lesquelles n’étaient « point annulées mais reportées ».  Le référendum était diversement apprécié au sein du Conseil.  La Suisse y voyait un « outil de démocratie directe » alors qu’il inquiétait les États-Unis, également déçus du report des élections locales, et que le Royaume-Uni estimait que la réforme constitutionnelle proposée risquait d’anéantir des années de travail acharné pour renforcer le système démocratique du pays. 

Le 27 juillet, c’est dans les mêmes termes que le Conseil reconduisait jusqu’au 31 juillet 2024 le régime de sanctions appliqué à la RCA, y compris l’embargo sur les armes.  Le Conseil prorogeait également d’un an, jusqu’au 31 août 2024, le mandat du Groupe d’experts associé au Comité des sanctions.  La résolution 2693 (2023) était adoptée par 13 voix pour et les abstentions de la Chine et de la Fédération de Russie. Celle-ci disait soutenir les demandes « répétées et absolument justifiées » du Gouvernement centrafricain d’une levée complète de l’embargo, tout en ajoutant qu’elle avait également tenu compte de l’avis des membres africains du Conseil qui, tous trois, avaient voté en faveur du texte.  Le Royaume-Uni répétait que l’exigence en matière de notifications était importante pour contrôler les flux d’armes, accusés de profiter aux mercenaires du groupe Wagner.  Il rappelait en outre que la résolution demandait au Gouvernement centrafricain de remettre un rapport sur les progrès accomplis en matière de gestion des stocks d’armes et munitions d’ici au 15 mai 2024.  La RCA estimait que le texte adopté, « confus », ignorait la réalité centrafricaine et constituait un « véritable affront ».

Le référendum constitutionnel du 31 juillet était très largement approuvé et la Septième République proclamée le 30 août. Le 26 octobre, la Représentante spéciale mettait l’accent sur l’appropriation nationale du processus politique qu’il symbolisait.  « La RCA revient de loin, de très loin », commentait sa Ministre des affaires étrangères, qui invitait à mesurer les progrès accomplis en termes de stabilité, alors que neuf groupes armés signataires de l’APPR avaient déposé les armes et été dissous depuis le début de l’année et que l’autorité de l’État était rétablie sur l’ensemble du territoire national.  Les membres du Conseil soulignaient le rôle essentiel joué par la MINUSCA dans la stabilisation du pays, dans un environnement difficile.  Les pays occidentaux mettaient toutefois l’accent sur les violations des droits de l’homme commises par le groupe Wagner.  Les A3 relevaient la dimension régionale prise par les questions de sécurité du fait du conflit au Soudan et plaidaient pour une coordination de la réponse sécuritaire au niveau régional. 

À trois semaines de l’échéance du mandat de la Mission, la Ministre des affaires étrangères de RCA en demandait un ajustement pour tenir compte des nouvelles réalités.  Elle réclamait en particulier un réexamen de l’accord sur le statut des forces, estimant qu’on « ne peut poursuivre une opération durant 10 ans sans faire des points d’étape ».  Parlant de violations « intolérables » de cet accord par les forces onusiennes, elle demandait la constitution d’un comité de travail sur la question avant le vote sur le renouvellement du mandat. 

Le 15 novembre, le Conseil adoptait, par 14 voix pour et l’abstention de la Fédération de Russie, la résolution 2709(2023).  Le mandat de la MINUSCA était renouvelé pour un an sans modification importante, mais en mettant davantage en avant sa tâche « d’appui à l’extension de l’autorité de l’État, au déploiement des forces de sécurité et au maintien de l’intégrité territoriale ». Le Conseil demandait aussi au Secrétaire général de procéder à un examen stratégique indépendant de la Mission, à lui remettre avant le 15 août 2024, accompagné de recommandations détaillées sur la reconfiguration possible de son mandat et un plan de transition possible et la réduction éventuelle de la MINUSCA « lorsque les conditions seront réunies ».  Le texte n’est « pas parfait, mais acceptable pour tous », commentait le représentant centrafricain, qui regrettait que les avancées dans la restauration de l’État n’aient pas été mentionnées.

Région des Grands Lacs

- 2 séances publiques: 19 avril17 octobre 

Voir aussi: République démocratique du Congo

La « région » comprend les 13 pays signataires de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération, signé à Addis-Abeba le 24 janvier 2013 et garanti par l’ONU, l’Union africaine, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL).  L’objectif ultime reste de mettre pleinement en œuvre cet accord, ce qui implique notamment la stabilisation dans l’est de la République démocratique du Congo, pays auquel la situation régionale dans son ensemble est étroitement liée.  La dynamique de dialogue lancée à partir de 2020 est restée freinée par les tensions entre la RDC et le Rwanda (Voir le point « RDC »). 

Le Conseil de sécurité examine la question deux fois par an sur la base de rapports semestriels du Secrétaire général. L’enjeu pour lui a consisté en 2023 à trouver le moyen de soutenir plus fortement les initiatives de paix régionales lancées l’année précédente.  Il s’agit du processus de Nairobi, lancé en avril 2022 dans le cadre la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), qui cherche à obtenir, d’une part, que les groupes armés « nationaux » de RDC déposent les armes et intègrent le programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS) du pays et, d’autre part, que les groupes venus de l’étranger quittent la RDC; et de la Feuille de route de Luanda, adoptée en juillet 2022 et qui vise au rétablissement d’une relation apaisée entre la RDC et le Rwanda.

Le 19 avril, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, M. Huang Xia, décrivait au Conseil une « fragile accalmie » dans l’est de la RDC après un cessez-le-feu conclu avec le M23.  Une force régionale de la CAE se déployait et un certain apaisement dans les relations entre la RDC et le Rwanda était observé.  La situation restait toutefois incertaine, le désarmement et le cantonnement des combattants du M23 se faisant attendre alors que plusieurs autres groupes armés continuaient de semer la terreur. M. Xia invitait donc le Conseil à profiter de la « petite fenêtre d’opportunités ouverte en ce moment » pour favoriser une réelle baisse des tensions et encourager la mise en œuvre intégrale de l’Accord-cadre ou, à tout le moins, pour éviter « l’escalade vers la guerre ».  Tous les membres du Conseil appelaient les groupes armés à déposer les armes et épargner les populations civiles.  Plusieurs affichaient leur inquiétude face aux tensions entre la RDC et le Rwanda, que les États-Unis renvoyaient dos à dos.  Les A3 insistaient aussi sur la question du pillage des ressources naturelles de la région, qui alimente le conflit, et le Président de la Commission de consolidation de la paix appelait à assurer la mise en œuvre effective de l’initiative régionale contre l’exploitation illégale de ses ressources.

Mais la situation ne s’améliorait pas et, le 17 octobre, c’est un rapport du Secrétaire général alarmiste qu’examinait le Conseil de sécurité.  M. Xia notait une reprise à grande échelle des combats dans l’est de la RDC, alors que Kigali et Kinshasa continuaient de s’accuser mutuellement de soutenir des groupes armés ennemis.  Le renforcement militaire des deux pays, l’absence d’un dialogue direct de haut niveau entre eux et la persistance de discours de haine de part et d’autre sont autant de signaux inquiétants d’un risque réel de confrontation armée entre les deux pays, avertissait l’Envoyé spécial, qui mentionnait en outre l’expansion inquiétante des Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe terroriste affilé à Daech.  Tout cela aggravait encore la situation humanitaire.  Les membres du Conseil en appelaient de nouveau au dialogue et insistaient sur le rôle central des initiatives de paix régionales en cours. Ils s’inquiétaient aussi de l’évolution de la situation dans la perspective du retrait accéléré de la MONUSCO, envisagée clairement par une déclaration présidentielle publiée la veille.  Plusieurs membres, dont le Royaume-Uni et la Fédération de Russie, souhaitaient que le retrait de la Mission se fasse « étape par étape » et de manière responsable, en tenant compte de l’évolution de la situation sur le terrain, afin d’éviter tout vide sécuritaire. 

République démocratique du Congo - RDC

Voir aussi: Région des Grands Lacs; Opérations de paix des Nations Unies; Missions du Conseil de sécurité 

La question de la République démocratique du Congo (RDC) reste étroitement imbriquée à celle de la région des Grands lacs. Pour le Conseil de sécurité, qui s’est rendu en mars dans le pays pour sa seule mission de terrain de l’année, trois questions dominaient en début d’année.  La première concernait l’insécurité dans l’est du pays, et en particulier l’activité du Mouvement du 23 mars (M23), qui a contribué à de fortes tensions entre la RDC et le Rwanda voisin, accusé de soutenir le puissant groupe armé, voire de le manipuler.  La deuxième portait sur le devenir de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) après la grave crise de confiance de l’année précédente et l’accélération du plan de retrait de la Mission demandé par le Gouvernement, dans le cadre d’un « plan de transition conjoint révisé » à élaborer.  La troisième tenait à l’évolution politique du pays dans la perspective des élections générales du 20 décembre.

Le Conseil de sécurité effectuait sa mission en RDC du 9 au 12 mars.  Le 29 mars, les représentants du Gabon et de la France en faisaient le compte-rendu devant le Conseil. Le Gabon résumait ainsi le message portée par le Conseil: la RDC n’est pas seule; sa souveraineté, son indépendance, son unité et son intégrité doivent être respectées; et les différents partenaires internationaux doivent agir ensemble pour soutenir le pays et stabiliser la région des Grands Lacs. 

Le même jour, à l’initiative de la France, le Conseil adoptait une déclaration présidentielle dans laquelle il condamnait fermement les attaques perpétrées par plusieurs groupes armés dans l’est du pays.  Il distinguait particulièrement le M23, exigeant la fin de toute progression du groupe armé et son retrait de tous les secteurs occupés, « comme convenu dans le processus de Luanda ».  Sans citer de nom, le Conseil enjoignait « à toutes les parties extérieures » à la RDC de cesser immédiatement tout appui au M23, « qui est visé par des sanctions du Conseil », et de se retirer du pays.  L’appel était repris par la Représentante spéciale du Secrétaire général en RDC et Cheffe de la MONUSCO, Mme Bintou Keita, qui mettait en garde contre un « risque d’escalade régionale ». Le représentant de la RDC demandait au Conseil d’exercer une forte pression sur le Rwanda, ses troupes et « son M23 » jusqu’à leur retrait total et inconditionnel.  Le Rwanda répondait que la crise dans l’est de la RDC avait pour « premier responsable » le Gouvernement congolais, qu’il accusait d’instrumentaliser le conflit pour obtenir un soutien national et museler l’opposition à l’approche des élections.  Les États-Unis réitéraient leur appel au Rwanda pour qu’il mette fin à son soutien au M23, tout en ajoutant que « cela ne veut pas dire que le Rwanda est le seul responsable du conflit ». 

Si le M23 entamait au printemps un retrait au moins partiel de ses forces sous le contrôle de la force déployée par la Communauté de l’Afrique de l’Est, la poursuite d’autres affrontements mettait une nouvelle fois les questions de sécurité dans l’est de la RDC au centre de la séance du 26 juin, marquée par de nouvelles accusations réciproques entre les représentants de la RDC et du Rwanda. Les atrocités commises amenaient à lancer des appels pour que les efforts de protection des civils soient renforcés et pour que les parties s’engagent dans un dialogue sincère, y compris dans un cadre régional. 

En attendant la publication, prévue fin juillet au plus tard, du rapport du Secrétaire général sur les « options pour adapter la future configuration des composantes civile, policière et militaire de la MONUSCO et concernant la configuration future des entités des Nations Unies dans le pays, au-delà du mandat actuel de la MONUSCO », les membres du Conseil soulignaient que le départ de la Mission devrait s’effectuer de manière progressive et souple, afin de lui permettre de continuer à protéger les civils, même si les efforts de sécurité devaient être coordonnés au premier chef par les autorités congolaises.  Le représentant de la RDC assurait que le Gouvernement, la Mission et l’Équipe de pays de l’ONU poursuivaient un dialogue constructif autour de la redéfinition du plan de transition. 

Le 27 juin, le Conseil renouvelait pour un an le régime de sanctions applicables à la RDC ainsi que le mandat du groupe d’experts chargé d’en vérifier la mise en œuvre.  La résolution 2688 (2023) était adoptée à l’unanimité, la résolution 2667(2022) ayant supprimé les points de tension en même temps que l’obligation de notification en cas d’envoi d’armes et de matériel militaire au Gouvernement.  La résolution 2688 rappelait toutefois que les sanctions continuaient de s’appliquer à toutes les personnes et entités non gouvernementales menant des activités sur le territoire de la RDC, ce dont se réjouissait la RDC.

Le rapport du Secrétaire général était rendu public le 2 août, soit avant l’approbation du plan de transition révisé conjoint le 15 septembre.  Le 28 septembre, Mme Keita s’en félicitait devant le Conseil, y voyant « une étape importante vers l’accélération du départ de la Mission ».  Le Vice-Premier Ministre de la RDC rappelait que le retrait de la MONUSCO avait été acté cinq ans plus tôt par la résolution 2409(2018) et que ce qui était en jeu, c’était de « démarrer à la fin de 2023 », et non plus de 2024, un retrait « progressif, ordonné, responsable et durable » de la Mission en lui assurant « une sortie honorable » et en « préservant ses acquis ». Quant à l’avenir, la RDC mettait en garde le Conseil contre la « faute » consistant à ne décider que d’une « simple reconfiguration de la MONUSCO » et l’invitait à « changer le paradigme de ses missions de paix en Afrique » pour « expérimenter d’autres mécanismes de partenariat, mieux calibrés et plus efficaces, basés sur les besoins réels et les priorités actuelles » de la RDC. 

Parmi ces priorités figuraient, en matière de sécurité, la « fin de l’agression du Rwanda » et « l’éradication des groupes armés terrorises », au premier rang duquel le M23.  Le Vice-Premier Ministre exhortait le Conseil à « hausser le ton en sommant sans équivoque » le M23 de déposer les armes et le Rwanda de retirer sans condition ses troupes du Congo et de cesser son soutien au M23.  Le Rwanda reprochant à la RDC de soutenir les « génocidaires » des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), le Gouvernement de RDC rappelait que les membres du groupe n’étaient pas des ressortissants congolais et suggérait tout simplement au Conseil d’élaborer un « plan d’éradication » des FDLR, « à l’exécution duquel la RDC est prête à participer activement ».  Il assurait aussi que les élections générales se tiendraient à la date prévue du 20 décembre. 

Les A3, la Fédération de Russie, le Brésil ou encore les Émirats arabes unis mettaient en avant la nécessité de prendre en compte l’avis du Gouvernement congolais ainsi que la situation sur le terrain. Malgré les assurances de la RDC, d’autres, comme le Royaume-Uni, demandaient que des conséquences du retrait de la Mission pour les civils soient attentivement examinées, étant donné que, selon les États-Unis, ni les forces régionales, ni les forces armées congolaises n’étaient en mesure de les protéger.  La France, pour qui les orientations du rapport sur les options de retrait allaient dans le bon sens et qui constatait les termes « clairs, concrets et réalistes » des demandes congolaises, annonçait le dépôt d’un projet de déclaration présidentielle en souhaitant qu’il « puisse être rapidement adopté dans un esprit constructif ». 

La déclaration présidentielle adoptée le 16 octobre était un compromis issu de ce que le représentant de la RDC qualifiait de « négociations difficiles et laborieuses ».  Le Conseil y prenait bonne note tant du rapport du Secrétaire général du 2 août que de la lettre datée du 1er septembre par laquelle le Gouvernement de la RDC demandait le retrait accéléré de la MONUSCO.  Il se déclarait « prêt à décider, d’ici à la fin de 2023, de l’avenir de la MONUSCO, de son retrait progressif, responsable et durable et des mesures concrètes et réalistes à prendre en priorité » pour le mener à bien.  À cette fin, le Conseil encourageait le Gouvernement congolais et l’ONU à élaborer « d’ici à novembre », un « plan de désengagement complet ». Le texte appelait en outre à une intensification du dialogue entre la RDC et le Rwanda, exigeait qu’il soit mis fin à toute nouvelle avancée du M23 et que les mesures de cantonnement du groupe armé prévues dans le Feuille de route de Luanda soient immédiatement appliquées.  Enfin, il encourageait les autorités congolaises à poursuivre la préparation des élections générales prévues en fin d’année dans le cadre de processus « pacifiques, transparents, inclusifs et crédibles ».

Le plan de désengagement conjoint RDC-ONU était signé le 22 novembre et transmis au Conseil le lendemain mais pas immédiatement rendu public.  Le 11 décembre, les mêmes préoccupations concernant un retrait responsable de la MONUSCO s’exprimaient dans ce que le Brésil qualifiait de contexte « extrêmement difficile », marqué par une dégradation de la sécurité et de la situation humanitaire dans le Nord-Kivu après la reprise en octobre des hostilités entre les Forces armées congolaises et le M23, et une offensive du M23 dans le territoire de Masisi. Les tensions entre la RDC et le Rwanda s’en trouvaient exacerbées, ce dont témoignaient les échanges entre les représentants des deux pays lors de la séance.  Alors qu’une représentante de la société civile s’inquiétait du peu d’informations fournies sur le plan de désengagement conjoint et sur ses conséquences pour la sécurité des populations civiles, la France assurait que c’était une des priorités du document.  En tant que pays porte-plume pour la RDC, elle précisait avoir proposé aux membres du Conseil un projet de résolution sur la mise en œuvre du plan.  Les membres du Conseil prenaient également note de l’avancée du processus électoral à neuf jours du scrutin.

En adoptant à l’unanimité, le 19 décembre, la résolution 2717 (2023), le Conseil lançait le « retrait progressif, responsable et durable » de la MONUSCO, dont le mandat était prorogé pour un an, jusqu’au 20 décembre 2024.  Il maintenait jusqu’au 30 juin 2024 le plafond jusqu’alors autorisé de 13 500 militaires, 660 observateurs militaires et officiers d’état-major et 2 000 policiers, mais décidait que la Mission devrait se retirer du Sud-Kivu d’ici à la fin avril 2024, pour limiter son mandat au Nord-Kivu et à l’Ituri durant le reste de l’année 2024.  À compter du 1er juillet 2024, les effectifs en uniforme de la Mission devaient être ramenés à 11 500 militaires, 600 observateurs et 1 713 policiers.  Le Gouvernement de la RDC et l’ONU étaient priés de fournir avant le 30 juin des informations sur l’application du plan de désengagement et des propositions pour les étapes suivantes du retrait, le Conseil se disant prêt à prendre de nouvelles mesures en ce sens à la fin de la première phase, en fonction des progrès accomplis. 

En outre, la résolution condamnait fermement tous les groupes armés opérant en RDC, citant notamment les FDLR et le M23. En particulier, elle condamnait le soutien apporté au M23 « par toute partie extérieure » et lançait « un appel au calme et au renforcement du dialogue entre la RDC et le Rwanda ».  Le Conseil réaffirmait que l’élimination de la menace que représentent les groupes armés passait par une stratégie régionale intégrée incluant « un engagement politique fort » de la part du Gouvernement congolais, de l’Union africaine, de la CAE, de la CIRGL et de la SADC.  Dans cette optique, il se « déclarait favorable » à ce qu’un appui soit donné à des forces régionales et « déclarait son intention » d’étudier, « si le pays hôte et l’organisation concernée en font la demande de manière claire et précise », les conditions dans lesquelles la MONUSCO pourrait donner « un appui logistique et opérationnel limité » à une force régionale déployée sous l’égide de l’Union africaine. Il demandait au Secrétaire général de lui dire, avant le 30 juin, quel pourrait être cet appui. 

Alors que le représentant de la RDC saluait un texte qui consacrait la mise en œuvre du dispositif agréé par l’ONU et Kinshasa, les A3 regrettaient que l’ampleur du soutien logistique de la Mission ait été « affaibli » lors des négociations sur le texte.  Ils estimaient que limiter l’appui de la MONUSCO aux forces régionales n’était « pas une bonne chose s’agissant du renforcement de la paix et de la sécurité en RDC ». 

Somalie 

Voir aussi: Paix et sécurité en Afrique; Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales; Les femmes et la paix et la sécurité

En Somalie, la principale question est restée celle de la capacité du Gouvernement à prendre en main la sécurité du pays face aux Chabab, dans la perspective du retrait de la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS), dirigée par M. Mohamed El-Amine Souef. Après avoir plaidé tout l’année en ce sens, le Gouvernement somalien a obtenu la levée complète de l’embargo sur les armes destinées aux autorités somaliennes tandis que le régime de sanctions contre les Chabab était reconfirmé.  Le calendrier des réductions d’effectifs de l’ATMIS a été une nouvelle fois modifié, le retrait final de l’opération restant toutefois fixé au 31 décembre 2024. Par ailleurs, Mme Catriona Laing a succédé en mai à M. James Swan à la tête de la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie (MANUSOM), dont le mandat a été reconduit fin octobre pour un an. 

Le 22 février, la première séance de l’année que le Conseil consacrait à la Somalie était placée par sa présidence maltaise sous l’angle « Femmes, paix et sécurité ».  La Directrice exécutive d’ONU-Femmes venait déplorer que, loin d’atteindre le quota prévu de 30% au Parlement somalien lors des élections de 2021-2022, la représentation des femmes était au contraire en recul.  La Présidente du Conseil dénonçait le fait que la séance n’avait pu comprendre de représentante de la société civile somalienne en raison de risques de représailles.  Mme Bahous exhortait les membres du Conseil à protéger l’espace de la société civile indépendante.  Plusieurs intervenants soulignaient combien femmes et filles étaient davantage touchées par l’addition dévastatrice de l’extrémisme violent et de la sécheresse. Face à cette dernière, les États-Unis invitaient le Conseil à réagir tout en faisant observer qu’ils finançaient à eux seuls 80% des activités du Programme alimentaire mondial dans toute la Corne de l’Afrique.  Des appels étaient par ailleurs lancés pour garantir un financement prévisible et suffisant pour l’ATMIS, afin d’accélérer les transferts de responsabilité en matière de sécurité au Gouvernement somalien.

Le Président fédéral somalien, M. Hassan Sheikh Mohamud, intervenait devant le Conseil le 22 juin pour vanter les progrès politiques de son pays vers un système de gouvernance plus inclusif, ainsi que les succès des forces de sécurité somaliennes dans leur lutte contre les Chabab avec l’appui de l’ATMIS.  Pour sa première apparition devant le Conseil, Mme Laing confirmait des progrès significatifs dans la mise en œuvre des principales priorités nationales, que saluaient les membres du Conseil.  Certains insistaient toutefois sur la nécessité de faciliter l’expression de la société civile et notamment la participation des femmes à la gouvernance du pays, estimant qu’une telle politique inclusive contribuerait à défaire une fois pour toutes les Chabab.

Alors que le Conseil devait renouveler à la fin du mois son autorisation de l’ATMIS, les questions liées à la transition sécuritaire étaient soulevées dans la perspective de la première phase du retrait de la Mission, avec le départ prévu avant le 30 juin de 2 000 des quelque 18 500 soldats autorisés par le Conseil dans la résolution 2628 (2022).  Le Chef de l’ATMIS demandait aux membres du Conseil de s’entendre au cours des prochains mois sur le rôle que la Mission serait appelée à jouer jusqu’à son retrait total, prévu fin 2024.  La France demandait que la préparation des prochaines phases de retrait soit accélérée, estimant que les objectifs fixés par la résolution 2628 (2022) devaient continuer à guider l’action du Conseil.  Vu l’état de la sécurité, les A3 appelaient à mener le retrait des troupes de manière coordonnée, proportionnellement au déploiement des forces de sécurité somaliennes, afin « d’éviter l’apparition de nouveaux défis sécuritaires ». 

Le 27 juin, par sa résolution 2687(2023), le Conseil prorogeait jusqu’au 31 décembre 2023 son autorisation de l’ATMIS.  Adoptée à l’unanimité, la résolution demandait à l’Union africaine et au Gouvernement somalien de faire, avant le 15 septembre, le point sur leurs préparatifs en vue de la deuxième phase du retrait, censée s’achever le 30 septembre.  Le Gouvernement devait quant à lui faire avant le 30 novembre une mise à jour des avancées dans la mise en place de son dispositif national de sécurité révisé et dans la constitution et l’intégration des forces.  La Fédération de Russie répétait que la Mission ne devrait pas se désengager trop vite du fait de la position encore solide des Chabab, ajoutant que la réduction du contingent de l’ATMIS devait donc se faire en tenant compte des réalités du terrain.

Le 7 septembre, le Conseil, par sa résolution 2696 (2023) autorisait le Gouvernement fédéral somalien à mettre en œuvre une proposition qu’il avait présentée au Comité des sanctions pour assurer « l’élimination totale, en une seule fois, des stocks de charbon de bois au moyen d’exportations ».  C’était à la fois une « dérogation exceptionnelle » à l’interdiction d’importer et d’exporter du charbon de bois de Somalie datant de la résolution 2036 (2012), et la réponse à la demande du Conseil dans sa résolution 2662 (2022), qui avait appelé à réduire les stocks de charbon de bois à Kismaayo et alentour.  La mesure devait permettre à la fois d’assurer au Gouvernement fédéral un revenu et d’éviter que les stocks ne tombent aux mains de Chabab, qui pourraient les vendre pour financer leurs activités. 

Le 19 octobre, Mme Laing présentait au Conseil les quatre propositions concernant la révision constitutionnelle, « pierre angulaire » du programme d’édification de l’État en Somalie, indispensable pour parvenir à un accord sur le fédéralisme. Annoncées le 27 mai, elles consistaient en un passage à un système présidentiel, à un système bipartite et au principe « une personne, une voix » dans tout le pays, avec des dates pour les élections des conseils locaux, et l’alignement des mandats des États membres de la Fédération.  La Représentante spéciale faisait part de ses inquiétudes sur la non-participation de l’État du Puntland au Conseil consultatif national depuis le début de l’année, la Fédération de Russie se montrait préoccupée de l’attitude du « Somaliland » autoproclamé.  Les membres du Conseil s’inquiétaient en outre du conflit dans la zone de Sool et de l’activité des Chabab.  Ils se penchaient en outre sur la demande de la Somalie d’une « pause technique » dans le processus de retrait de l’ATMIS, afin de relever les défis identifiés dans la récente évaluation technique conjointe.  Elle était appuyée notamment par les A3, les Émirats arabes unis, le Brésil et la Fédération de Russie. 

Le 31 octobre, le Conseil prorogeait à l’unanimité pour un an le mandat et les tâches de la MANUSOM. La résolution 2705(2023) encourageait la Mission à accompagner les efforts du Gouvernement fédéral somalien et des États membres de la fédération pour faire progresser l’édification de l’État, ainsi que pour mettre en place et exécuter des plans de protection des civils. Le représentant de la Somalie rappelait que la présence de la Mission devait répondre « sans ambiguïté » aux attentes du Gouvernement, « y compris s’agissant du plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Somalie ». 

Le 15 novembre, le Conseil accédait à la demande de la Somalie et de l’Union africaine en retardant la deuxième phase du retrait de l’ATMIS.  Adoptée à l’unanimité, la résolution 2710(2023) maintenait jusqu’au 31 décembre 2023 le plafond maximum autorisé de 17 626 membres de personnel en tenue, dont 1 040 policiers, reportant à cette date le retrait de 3 000 militaires prévu fin septembre.  Elle prescrivait une troisième phase de retrait de 4 000 membres du personnel en tenue du 1er janvier 2024 au 30 juin 2024, date à laquelle l’effectif maximal autorisé serait donc de 10 626 militaires et policiers. La résolution demandait aussi, pour le 31 mars 2024, une nouvelle évaluation technique conjointe du Gouvernement somalien et de l’Union africaine, « de concert avec l’ONU, l’Union européenne et les partenaires internationaux », sur la deuxième phase de la réduction des effectifs et les enseignements tirés, ainsi que sur les effets du dispositif national de sécurité révisé et de la constitution de forces, afin « d’éclairer la planification des phases suivantes du retrait de l’ATMIS », dont la date finale restait fixée au 31 décembre 2024. 

Peu de séances s’étaient déroulées sans un appel à la levée de l’embargo sur les armes, imposé 31 ans plus tôt dans un pays alors en plein conflit interne.  Lors des deux premières séances périodiques de compte-rendu du Président du Comité des sanctions relatives à la Somalie -le Comité 751- le 27 février, puis le 15 juin, le représentant somalien réclamait sa levée totale, affirmant qu’il était devenu un obstacle aux efforts du Gouvernement fédéral pour contrer la menace des Chabab. Dénonçant une « déconnexion croissante » entre le régime de sanctions appliqué à son pays et la situation sur le terrain, il demandait de l’adapter à la stratégie du Président somalien. Fédération de Russie, A3, Émirats arabes unis et Chine soutenaient régulièrement cette demande. 

Après un dernier compte rendu du Président du Comité 751, le 17 octobre et une reconduction technique le 15 novembre, le Conseil adoptait, le 1er décembre, deux résolutions successives pour confirmer le régime de sanctions à l’égard des Chabab et lever l’embargo sur les armes destinées aux autorités. 

La résolution 2713(2023) reprenait l’ensemble des sanctions imposées aux Chabab -lutte contre leur financement, embargo sur les armes et les composants d’engins explosifs improvisés, interdiction d’exporter du charbon de bois,  autorisation d’inspection des vaisseaux en mer– tout en faisant référence aux exemptions humanitaires prévues par la résolution 2664(2022).  Elle reconduisait en outre jusqu’au 15 janvier 2025 le Groupe d’experts et transformait le Comité 751 en « Comité 2713 ».  La France s’abstenait lors du vote, en raison de l’absence de référence au conflit territorial bilatéral entre Djibouti et l’Érythrée, traditionnellement mentionné dans les résolutions antérieures. 

Adoptée à l’unanimité, la résolution 2714(2023) levait quant à elle l’embargo « général et complet sur toutes les livraisons d’armes et de matériel militaire » à destination de la Somalie établi par la résolution 733 (1992), tout en rappelant que la résolution 2713 (2023) venait, quelques minutes plus tôt, d’établir un tel embargo à l’encontre des Chabab. 

Les deux adoptions étaient saluées par le représentant de la Somalie ainsi que par plusieurs membres du Conseil, dont les A3, les Émirats arabes unis et le Japon, qui estimaient que la combinaison des deux résolutions permettrait au Gouvernement somalien d’acquérir les équipements nécessaires à sa sécurité avec plus de flexibilité, tout en limitant l’accès des Chabab aux armes, aux munitions et aux ressources financières. 

Soudan – Darfour

Voir aussi: Paix et sécurité en Afrique; Soudan du Sud; Abyei; Opérations de paix des Nations Unies

Les espoirs d’une reprise de l’évolution démocratique suscités par l’accord-cadre politique conclu le 5 décembre 2022 entre militaires et civils ont été réduits à néant avec le déclenchement, le 15 avril, de la guerre entre le général Abdel Fattah al-Burhan, chef du Conseil de souveraineté de transition depuis son coup d’État du 11 novembre 2021, et le général Mohamed Hamdan Daglo « Hemedti », chef des Forces d’appui rapide, issues des anciennes milices janjaouid.  Démarré dans la capitale, le conflit, qui a considérablement aggravé la crise humanitaire, s’est étendu progressivement à d’autres régions, dont le Darfour, et menaçait en fin d’année de prendre une dimension ethnique.  Dans un premier temps, le Conseil adoptait une position d’attente en reconduisant sans changement, début juin, le mandat de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), mais pour seulement six mois. Son chef, M. Volker Perthes, était déclaré en juin persona non grata par le Gouvernement soudanais et démissionnait en septembre.  Mi-novembre, le Soudan informait le Conseil qu’il mettait fin à l’ATMIS.  Confronté pour la seconde fois de l’année à l’exigence de fermeture d’une opération de paix de la part du pays hôte, le Conseil n’avait d’autre solution que d’entériner la décision le 1er décembre. 

Le 8 mars, le Conseil de sécurité reconduisait le régime de sanctions en vigueur au Soudan depuis l’adoption de la résolution 1591(2005), mais lui fixait pour la première fois une échéance –le 12 septembre 2024– avant laquelle il devrait se prononcer sur son renouvellement éventuel.  Adoptée par 13 voix pour et 2 abstentions, la résolution 2676(2023) apparaissait comme un texte de compromis dans le prolongement des dispositions affichées par le Conseil l’année précédente en vue d’un possible réexamen des sanctions, et en particulier de l’embargo sur les armes, du fait de l’évolution favorable de la situation au Darfour et des pressions croissantes de plusieurs membres du Conseil pour leur levée. 

La résolution adoptée ne fixait toutefois pas de véritable « clause d’extinction » au régime de sanctions et c’est la principale raison qu’invoquaient la Chine et la Fédération de Russie pour expliquer leur abstention.  Tout en votant en faveur du texte, les A3 et les Émirats arabes unis expliquaient d’une seule voix leur regret que leur proposition d’une telle clause d’extinction de 12 mois n’ait pas été retenue.  Pays porte-plume, les États-Unis arguaient que la reconduction du mandat du Groupe d’experts, également décidée par la résolution, permettrait de continuer à fournir des informations de première main sur le conflit au Darfour et de faciliter la réalisation de progrès supplémentaires dans l’ensemble du pays. 

Le Soudan rappelait son opposition au maintien des sanctions lors de premier examen trimestriel par le Conseil du rapport du Président du Comité 1591, le 20 mars.  Il répétait que le régime de sanctions était devenu « inutile et contre-productif », estimait qu’il était utilisé comme un outil de pression politique par certains membres du Conseil et relevait que six membres du Conseil, dont deux membres permanents, avaient appelé à sa suppression, tout comme plusieurs groupes d’États représentant le « Sud global ».  Le Soudan réitérait sa position le 15 juin, après le début du conflit, affirmant que la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays avaient été mises à mal par l’embargo sur les armes, qui empêche le Gouvernement d’assurer correctement la sécurité, et tout en assurant que les relations entre Khartoum et les pays voisins n’avaient pas été affectées par la crise humanitaire ni par les affrontements militaires en cours. 

« Le retour à la paix est proche » croyait pouvoir déclarer, le 20 mars, le Chef de la MINUATS.  Présentant au Conseil les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’accord du 5 décembre 2022, marqués par le lancement en janvier de pourparlers visant à un règlement politique définitif sous l’égide du mécanisme trilatéral -composé de l’Union africaine, de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et de la MINUATS-, M. Perthes appelait les membres du Conseil à soutenir le futur gouvernement en vue de préparer des élections libres, justes et équitables.  L’objectif de la Mission est clair: « parvenir à un accord politique définitif », se mettre d’accord sur une constitution, et constituer un gouvernement civil avant la mi-avril, expliquait le Représentant spécial, qui ajoutait: « c’est ambitieux, mais cela peut se faire » avec la volonté politique nécessaire.  Les membres du Conseil se félicitaient largement de ces évolutions. Certains rappelaient toutefois que les tensions communautaires demeuraient vives et plusieurs invitaient en outre à élargir le processus politique aux parties non encore signataires de l’accord de décembre 2022. 

Le 15 avril, les hostilités éclataient entre le général Abdel Fattah al-Burhan et le général Mohamed Hamdan Daglo « Hemedti ».

Le 25 avril, alors que les États-Unis avaient négocié un cessez-le-feu de 72 heures, le Conseil tenait une séance marquée par l’intervention du Secrétaire général et la participation de plusieurs pays arabes ou africains non membres.  Alors qu’on comptait déjà plus de 400 morts civils, l’OCHA décrivait « un cauchemar pour les citoyens ordinaires comme pour les travailleurs humanitaires ».  M. Guterres rappelait que le Soudan était limitrophe de sept pays impliqués dans des conflits ou ayant connu de graves troubles civils au cours de la dernière décennie et dressait un tableau sombre de la situation dans l’ensemble de la région. M. Perthes expliquait que les Nations Unies avaient décidé d’évacuer leur personnel de Khartoum et du Darfour mais, comme l’OCHA, assurait qu’elles ne quitteraient pas le pays. L’Union africaine rejetait toute ingérence extérieure.

Le Soudan remerciait les organisations régionales africaines pour leurs efforts mais se disait « très préoccupé par l’insistance de certains membres du Conseil à organiser des réunions afin de répondre à leurs propres intérêts nationaux, qui n’ont rien à voir avec les intérêts du Soudan », ajoutant croire au principe de « solutions africaines aux problèmes africains ».  La Chine demandait que les mesures à venir du Conseil tiennent dûment compte du point de vue de ses membres africains.  La Fédération de Russie accusait des « acteurs extérieurs » d’avoir forcé le transfert du pouvoir aux autorisés civiles et d’avoir imposé une série de décisions inacceptables pour de vastes pans de la société soudanaise, ajoutant que l’accord-cadre du 5 décembre 2022 n’était pas une plateforme inclusive et que des acteurs clefs de la politique du pays avaient été laissés de côté.  Elle critiquait en outre les dirigeants de la MINUATS, rappelant leur avoir signifié que la Mission ne devait pas se concentrer sur l’objectif illusoire de la conclusion d’un accord final aux dépens de toutes les autres tâches de son mandat.

Les combats se poursuivaient.  Le 22 mai, M. Perthes faisait état de plus de 700 tués civils et d’un million de personnes déplacées, alors que le plan humanitaire révisé lancé le 17 mai visait à aider 18 millions de personnes, soit 6 fois plus qu’avant le conflit.  Il s’inquiétait aussi, comme la France, des risques d’ethnicisation du conflit.  La médiation de l’Arabie saoudite et des États-Unis, qui avait abouti, le 11 mai, à la Déclaration d’engagement de Djedda, était saluée comme une étape importante vers un cessez-le-feu stable doté d’un mécanisme de vérification efficace, et le Conseil s’en féliciterait dans une déclaration à la presse publiée le 2 juin.  Plusieurs intervenants, y compris les représentants de l’Union africaine et de l’IGAD, reconnaissaient toutefois que tous les cessez-le-feu conclus jusqu’alors avaient été rapidement violés.  La Fédération de Russie n’en préférait pas moins les efforts africains aux « schémas démocratiques douteux » qu’elle reprochait aux Occidentaux d’avoir voulu imposer au Soudan.  Si les États-Unis préconisaient une « négociation élargie » et si la France jugeait inacceptable qu’« aucune expression » du Conseil de sécurité n’ait pu être adoptée depuis le premier jour des hostilités, les A3 répétaient que le mécanisme trilatéral constituait le cadre idoine. 

Alors qu’approchait l’échéance pour le renouvellement du mandat de la MINUATS, l’Équateur plaidait pour un renforcement des capacités de la Mission, mais la Fédération de Russie jugeait que le moment n’était pas venu de compliquer les paramètres de l’assistance que celle-ci fournissait et suggérait une simple reconduction technique.  La Chine appelait à écouter l’avis du Soudan, lequel estimait que le rétablissement de la paix ne dépendait pas seulement d’un régime politique démocratique, mais aussi d’un changement dans les relations avec les donateurs, afin d’aller au-delà d’une assistance humanitaire de base et de donner la priorité à la consolidation de la paix. 

Le 2 juin, c’est donc une simple prorogation technique de six mois que décidait le Conseil en adoptant à l’unanimité la résolution 2685(2023).  À l’origine du texte, le Royaume-Uni estimait qu’il donnerait au Conseil le temps nécessaire pour évaluer la capacité de la MINUATS à s’acquitter de sa mission dans le nouveau contexte des affrontements. 

Le 8 juin, les autorités soudanaises, qui avaient déjà demandé fin mai au Secrétaire général le remplacement de son Représentant spécial, déclaraient M. Perthes persona non grata. Le 9 août, c’est Mme Pobee qui venait informer le Conseil de la poursuite des combats entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide et mettre en garde contre la possibilité d’un conflit ethnique prolongé, alors que l’OCHA appelait à répondre en priorité à la « catastrophe humanitaire » en cours au Soudan.  Les efforts régionaux de l’Union africaine et de l’IGAD restaient infructueux et les positions des membres du Conseil, inchangées.  Tous appelaient au dialogue et plusieurs dénonçaient des ingérences étrangères, mais pas les mêmes: États-Unis et France dénonçaient l’action sur le terrain de mercenaires, alors que la Chine et la Fédération de Russie appelaient la communauté internationale à limiter son action aux « bons offices » et à s’abstenir d’imposer des programmes externes, accusant les Occidentaux de porter une part de responsabilité dans l’effondrement du pays du fait de leurs sanctions « illégitimes ». 

Le 13 septembre, le Conseil entendait dans un premier temps le Président du Comité 1591, qui constatait une dégradation constante de la situation sécuritaire et humanitaire au Soudan, en particulier au Darfour.  Le représentant du Soudan accusait les Forces d’appui rapide de crimes dans tout le pays et plus encore au Darfour, de vouloir détruire le pays et de faire appel à des « assassins et mercenaires » venus de l’étranger. 

Le Conseil tenait ensuite sa séance d’information trimestrielle, à laquelle le Soudan ne participait pas et lors de laquelle M. Perthes annonçait sa démission.  Le Représentant spécial, qui dressait un état des lieux désastreux, accusait autant les Forces armées soudanaises que les Forces d’appui rapide d’avoir préparé le terrain pour la guerre, avertissait que ce qui avait commencé « comme un conflit entre deux groupes militaires pourrait se transformer en une véritable guerre civile » et mettait en garde contre un risque de « fragmentation » du pays.  Les A3 soutenaient les efforts de l’Union africaine et de l’IGAD et appelaient la MINUATS à rester aux côtés du peuple soudanais alors que l’OCHA décrivait une situation humanitaire de plus en plus catastrophique.  « Certains membres du Conseil ont choisi d’envenimer la situation, obligeant nos collègues soudanais à prendre leurs distances par rapport au débat d’aujourd’hui », accusait la Fédération de Russie, qui prévoyait des implications « vivement préoccupantes » pour les futurs travaux du Conseil sur le Soudan.  Comme elle, la Chine appelait le Conseil à prendre pleinement en compte les vues du Soudan et à « réfléchir et évaluer la manière dont la MINUATS peut jouer son rôle dans les circonstances actuelles ». 

Arrivait la séance du 16 novembre. Mme Pobee y présentait le rapport trimestriel du Secrétaire général, qui décrivait une nouvelle aggravation de la situation tant militaire qu’humanitaire. Le Secrétaire général y annonçait le lancement d’un examen stratégique de la MINUATS, « afin de communiquer au Conseil de sécurité des moyens d’adapter le mandat et la mobilisation de la Mission au Soudan ».  Plusieurs membres du Conseil, dont la Chine, le Japon, le Brésil et la Suisse, disaient accueillir favorablement cette annonce.  D’autres délégations, comme les A3 et l’Équateur, prenaient simplement note. Alors que le mandat de la MINUATS devait prendre fin le 3 décembre, le Royaume-Uni, pays porte-plume, disait « attendre avec intérêt les recommandations du Secrétaire général, à l’issue de l’examen stratégique », laissant augurer une nouvelle reconduction technique du mandat. 

Mais en fin de séance, le représentant du Soudan annonçait que son gouvernement avait « décidé de mettre immédiatement fin au travail de la MINUATS, pour les raisons précisées dans une lettre que le Ministre des affaires étrangères a adressée aujourd’hui au Secrétaire général ».  Il jugeait « décevants » les résultats obtenus par la Mission dans la réalisation de ses objectifs, rappelait qu’à plusieurs reprises son pays avait fait au Conseil des « observations claires » en ce sens.  Il ajoutait que la situation actuelle au Soudan nécessitait « un remaniement complet de la Mission », accusée de ne plus répondre aux aspirations du Gouvernement et du peuple soudanais, de ne pas être alignée sur les priorités qui accompagnent la transition politique et de « chercher à atteindre des objectifs qui ne relèvent pas de son mandat ».  Le représentant précisait toutefois que son gouvernement entendait poursuivre « sa collaboration constructive » pour « établir un nouveau mécanisme qui réponde aux besoins du pays » et concluait en rappelant « le principe fondamental selon lequel le succès des opérations des Nations Unies repose sur le consentement des pays hôtes ».

Comme en juillet avec la décision du Mali, le Conseil n’avait plus qu’à entériner la décision du pays hôte.  Le 1er décembre, il adoptait, par 14 voix pour et une abstention, la résolution 2715(2023), qui mettait un terme à la MINUATS à compter du 3 décembre et prévoyait un calendrier de transfert de ses tâches et de liquidation.  Le Conseil s’y félicitait aussi de la nomination d’un Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Soudan, M. Ramtane Lamamra.  Il demandait au Secrétaire général de lui remettre un rapport écrit sous 90 jours puis de lui rendre ensuite compte tous les 120 jours de la situation et de « l’action menée par l’ONU pour aider le Soudan sur la voie de la paix ».  Le Royaume-Uni disait regretter d’avoir dû présenter ce texte et les États-Unis disaient avoir soumis des recommandations visant à prolonger le mandat et renforcer le rôle de la MINUATS.  Les A3 réitéraient leur soutien aux efforts de l’UA, de l’IGAD et au processus de Djedda et, avec les Émirats arabes unis, mettaient aussi l’accent sur la situation humanitaire.  La Suisse s’inquiétait des risques d’atrocités.  Le Soudan réitérait sa volonté de faciliter l’accès humanitaire et d’engagement constructif avec l’ONU, notamment avec le nouvel Envoyé personnel du Secrétaire général.

À l’occasion du compte rendu trimestriel de la Présidente du Comité 1591, le 12 décembre, le représentant du Soudan demandait une nouvelle fois la levée de l’embargo sur les armes à destination de son pays et l’imposition parallèle d’un embargo sur le transfert d’armes et d’équipements militaires aux Forces d’appui rapide ainsi qu’aux mercenaires qui combattent à leurs côtés.  Il accusait en outre la communauté internationale de n’avoir pas respecté ses engagements concernant la mise en œuvre du programme de désarmement, démobilisation et réintégration, entravant ainsi l’application de l’Accord de Djouba. Évoquant les progrès accomplis avant le début du conflit dans la mise en œuvre du Plan national de protection des civils, il réclamait en outre un soutien financier pour accroître l’approvisionnement des forces régulières dans la région du Darfour.

Par ailleurs, le Conseil a, comme chaque année, entendu par deux fois le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), à laquelle il avait déféré la situation au Darfour en 2005. 

Lors de la séance du 25 janvier, M. Karim Khan se félicitait de l’avancement du procès, ouvert en avril 2022, d’Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman (« Ali Kushayb »), ancien chef de milice janjaouid accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, mais déplorait le manque de coopération du Gouvernement soudanais.  Pour lui, les engagement pris par les principaux dignitaires n’avaient pas été tenus.  Le Soudan rappelait au contraire le mémorandum d’accord signé en août 2022 avec la CPI et rejetait les difficultés sur des circonstances liées à la phase transitionnelle.  Il en appelait à la compréhension du Conseil, soutenu par plusieurs de ses membres, dont les Émirats arabes unis.  La Chine se félicitait de la mise en place d’un processus de justice transitionnelle, appelait la CPI à adhérer strictement au principe de compétences complémentaires et à respecter la souveraineté judiciaire du Soudan dans le cadre de ses enquêtes et procès.  La Fédération de Russie considérait que les difficultés tenaient au manque de confiance de la communauté internationale en la CPI « en tant qu’autorité impartiale et non politisée ». 

Après le déclenchement du conflit entre les forces armées et les Forces d’appui rapide, la seconde séance semestrielle, le 13 juillet, prenait un autre ton.  Le Procureur de la CPI confirmait l’ouverture d’enquêtes sur plusieurs cas allégués de crimes graves commis dans le cadre des hostilités en cours et recevait le soutien de plusieurs membres, dont le Ghana, la France et le Royaume-Uni. M. Khan jugeait aussi cette crise prévisible, y voyant la conséquence d’un échec fondamental à reconnaître que la justice et la lutte contre l’impunité constituent les fondements de la paix.  Le Soudan rejetait ces accusations, affirmant qu’il avait resserré sa coopération avec la CPI depuis les « révolutions » de 2018 et 2021.  De nouveau, Chine, Brésil et Émirats arabes unis mettaient en avant le principe de complémentarité de la CPI et le Gabon voyait dans le retour à la paix une condition indispensable pour permettre au Gouvernement soudanais d’honorer ses engagements. 

Soudan du Sud

- 6 séances publiques: 6 mars15 mars30 mai20 juin15 septembre14 décembre 

- 2 résolutions: 2677 (2023)2683 (2023)

Voir aussi: Soudan; Abyei; Organes subsidiaires du Conseil de sécurité 

Les lenteurs dans la mise en œuvre de « l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud » de 2018 et de sa « feuille de route » actualisée adoptée en août 2022, qui prolongeait la période de transition jusqu’en février 2025, n’ont cessé d’inquiéter les membres du Conseil de sécurité, d’autant plus que le conflit au Soudan a eu des répercussions sur la situation humanitaire de son voisin du sud.  Le mandat de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), dirigée par M. Nicholas Haysom, a été renouvelé pour un an jusqu’en mars 2024, mais certains aspects de son mandat ont été critiqués.  Le régime de sanctions a été lui aussi reconduit sous le feu des critiques des A3, soutenus par la Fédération de Russie et la Chine. 

Le 6 mars, M. Haysom présentait devant le Conseil 2023 comme « une année décisive et comme un test pour toutes les parties à l’Accord ».  Il rappelait les différents défis à relever: rédaction d’une nouvelle constitution; préparation des élections prévues en 2025; expansion de l’espace civique et politique; consolidation, renforcement et déploiement des forces unifiées nécessaires; persistance de la violence dans plusieurs zones de tension du pays; et la situation économique et humanitaire.  Le Chef de la MINUSS affirmait que les quatre piliers du mandat de la Mission restaient valables et que la « vision stratégique triennale » fournissait une base solide pour avancer.  À l’approche d’un cycle électoral qu’il prévoyait émaillé de tensions politiques et sécuritaires accrues, M. Haysom s’interrogeait sur l’opportunité de renforcer le déploiement du personnel en tenue tout en restant dans les limites du plafond autorisé.  Il souhaitait également une évaluation de la capacité de la MINUSS à protéger efficacement les civils, « moteur de cette mission », et à appuyer la mise en œuvre de l’accord de paix. 

Le 15 mars, le Conseil, par sa résolution 2677 (2023), prorogeait le mandat de la MINUSS d’un an avec les mêmes plafonds d’effectifs en uniforme et le même mandat de protection des civils, de soutien au processus de paix, d’aide à l’acheminement de l’aide humanitaire et de lutte contre les violations du droit international humanitaire.  Fédération de Russie et Chine s’abstenaient.  Cette dernière reprochait au texte présenté par les États-Unis d’être « rédigé en termes durs », déséquilibré dans son contenu et négatif dans son ton.  Elle regrettait aussi un libellé mettant l’accent sur « l’utilisation de la force comme moyen privilégié » de protéger les civils et allant bien au-delà de la formulation utilisée dans le mandat d’autres missions.  De même, la Fédération de Russie parlait d’une approche « intrusive ».  Les A3 estimaient que le texte représentait « ce que nos efforts pouvaient produire de mieux » et y voyaient « un bon point de départ pour les améliorations futures ».  Le Soudan du Sud regrettait que le rédacteur n’ait pas pris en compte ses propositions et rappelait que, malgré les difficultés, il conservait sa souveraineté et appelait pour l’avenir le Conseil à « garder cela à l’esprit lorsqu’il examine des questions le concernant ».

Le 30 mai, les A3 rejoignaient la Fédération de Russie et la Chine lors du vote sur la prorogation du régime de sanctions.  La résolution 2683 (2023) était donc adoptée par 10 voix et 5 abstentions.  Elle reconduisait pour un an l’embargo sur les armes imposé en 2018, tout en levant les obligations de notification pour le matériel militaire non létal.  Le Conseil se déclarait en outre prêt à envisager d’éventuels assouplissements supplémentaires à la lumière des progrès accomplis par rapport aux critères fixés dans la résolution 2577(2021).  Les sanctions ciblées étaient également reconduites et le Conseil précisait que les activités ou les politiques « visant à entraver la conduite ou la légitimité d’élections libres et régulières, notamment en entravant ou en altérant les activités préélectorales préparatoires », constituaient également un motif d’inscription sur la liste des personnes sanctionnées. 

Les membres africains du Conseil exprimaient leur mécontentement.  La Chine reprochait une nouvelle fois aux États-Unis d’avoir sapé l’unité du Conseil en ne tenant pas compte des suggestions des A3, qui avaient proposé notamment une liste d’exceptions à l’embargo sur les armes.  La Fédération de Russie élargissait la critique, estimant que « les régimes de sanctions souvent archaïques que le Conseil impose sur le continent africain doivent être repensés et restructurés en profondeur ».

Le 20 juin, ce sont les conséquences pour le Soudan du Sud du conflit déclenché le 15 avril au Soudan qui alarmaient les membres du Conseil.  « Les dividendes de la paix peuvent vite disparaître », avertissait M. Haysom en appelant la communauté internationale à ne pas se détourner du pays qui n’avait pas les moyens de faire face à l’afflux de réfugiés et de rapatriés fuyant les hostilités.  Les A3 demandaient à la communauté internationale d’accroître son aide humanitaire.  Plusieurs délégations notaient aussi, avec le Représentant spécial, la lenteur de l’application de l’Accord revitalisé et les retards importants accusés dans la mise en œuvre des objectifs de la Feuille de route de 2022. 

Le 15 septembre puis le 14 décembre, c’est l’absence de progrès juridiques et institutionnels pour préparer le pays à la tenue de ses premières élections en décembre 2024 qui inquiétait le Représentant spécial. En décembre, M. Haysom affirmait que le pays n’était pas encore en mesure d’organiser des élections crédibles à la date prévue et détaillait « une masse critique » de conditions préalables à satisfaire pour que l’échéance puisse être respectée.  Lors des deux séances, il estimait que le respect de la feuille de route était avant tout affaire de volonté politique, rejoint dans ses analyses et soutenu dans ses recommandations par la plupart des membres du Conseil.  En décembre, les États-Unis, qui constataient que les problèmes étaient les mêmes que six mois plus tôt, estimaient que fournir un financement additionnel à un gouvernement qui fait « si peu » serait lui adresser un message « erroné », tandis que la France notait que tout avait été fait pour accompagner le Soudan du Sud vers le scrutin.  La Fédération de Russie préférait voir traitées en priorité la lutte contre la violence intercommunautaire et la coordination de l’aide humanitaire.  Le Soudan du Sud assurait de son engagement « inébranlable » à mettre en œuvre l’Accord revitalisé.

Abyei

- 3 séances publiques: 9 mai6 novembre14 novembre 

- 1 résolution: 2708 (2023) 

Voir aussi: Soudan, Soudan du Sud

Le déclenchement de la guerre au Soudan mi-avril a entraîné un blocage complet des discussions entre Khartoum et Djouba à propos du territoire d’Abyei, à la souveraineté contestée depuis 2011.  La guerre a également ralenti la transformation de la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA) en opération de paix véritablement multinationale, comme prévu depuis 2021. Le mandat de la Force a été renouvelé en novembre pour un an et avec les mêmes effectifs, sans contestation des pays concernés ni difficulté au sein du Conseil. 

La première des séances trimestrielles que le Conseil consacre à Abyei avait lieu le 9 mai, soit moins d’un mois après le début de la guerre au Soudan, dont les conséquences pour le territoire et la FISNUA inquiétaient la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique et les membres du Conseil.  Alors que le début de l’année avait été marqué par des signes jugés encourageants d’engagement, les discussions se retrouvaient au point mort.  En outre, Mme Pobee s’alarmait du déploiement de militaires et de policiers sud-soudanais dans le sud d’Abyei, et de la Police nationale soudanaise à Farouk, dans le nord, en violation du statut démilitarisé d’Abyei.  La demande de retrait de ces unités, faite par la FISNUA, était appuyée au Conseil par les États-Unis, le Royaume-Uni et les A3, qui demandaient en outre une relance du Comité mixte de contrôle d’Abyei, au point mort depuis 2017, et l’application effective de l’Accord du 20 juin 2011 sur les arrangements temporaires en matière de sécurité et d’administration. 

La séance du 6 novembre confirmait les craintes exprimées en avril.  L’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour la Corne de l’Afrique, Mme Hannah Serwaa Tetteeh, reconnaissait que les dirigeants du Soudan comme du Soudan du Sud n’avaient, depuis lors, « pas exprimé le souhait d’engager un dialogue sur ces questions ».  M. Lacroix confirmait que la situation sur place était bloquée et que la reconfiguration de la FISNUA encore ralentie, alors que le fonctionnement du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière était lui aussi fortement affecté.  Le Soudan assurait qu’il n’avait jamais entravé les efforts de paix, disait souhaiter la poursuite des négociations pour assurer l’application des accords relatifs à Abyei et appelait le Soudan du Sud à honorer ses propres engagements et à s’abstenir de toute mesure unilatérale.  Le Soudan du Sud demandait à Khartoum de faire preuve de volonté politique et disait avoir accepté la proposition de l’Union africaine d’organiser un référendum pour déterminer le statut final d’Abyei.  Les membres du Conseil regrettaient le statu quo et appelaient à la relance du dialogue, décrit par les A3 comme le meilleur moyen d’assurer la reprise du processus politique. 

Dans ces conditions, la résolution 2708(2023), que le Conseil adoptait à l’unanimité le 14 novembre, reconduisait le mandat de la FISNUA pour un an dans les mêmes termes et avec les mêmes plafonds d’effectifs.  Sa seule nouveauté tenait à un nouvel alinéa du préambule soulignant l’importance que le Conseil de sécurité attache à la sûreté et la sécurité des Casques bleus sur le terrain et appelant le Secrétaire général, les pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police et les États Membres à coopérer pour que la FISNUA bénéficie des ressources dont elle a besoin.

AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBE

Colombie

Voir aussi: Les femmes et la paix et la sécurité

Le Conseil a continué de soutenir activement le processus de paix et la politique de « paix totale » menée par le Président Gustavo Francisco Petro Urrego depuis son arrivée au pouvoir en août 2022.  Il a examiné tous les trois mois les rapports du Secrétaire général sur la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, dirigée par Carlos Ruiz Massieu, dont il a, par deux fois, élargi le mandat.  La Colombie a été représentée à chacune des séances d’information, en janvier par sa Vice-Présidente, Mme Francia Márquez Mina, puis par son Ministre des affaires étrangères.  La Commission de consolidation de la paix (CCP) a participé aux séances d’avril et de juillet. 

Dès le 11 janvier, le Conseil élargissait le mandat de la Mission au contrôle de la mise en œuvre des clauses de l’Accord final de paix de 2016 portant sur la « réforme rurale intégrale » et sur les questions ethniques.  Adoptée à l’unanimité, la résolution 2673 (2023) répondait ainsi à une demande formulée le 17 octobre 2022 conjointement par le Gouvernement colombien et le parti des anciennes FARC-EP -les signataires de l’Accord final de paix- dont le Conseil avait pris note dans sa résolution 2655 (2022) du 31 octobre 2022.

Le même, jour, M. Ruiz Massieu détaillait devant le Conseil les récentes mesures prises par le Gouvernement concernant la réforme rurale.  Mme Márquez Mina, qui avait échappé la veille à un attentat, se présentait comme la porte-parole d’un Gouvernement déterminé à changer le cours des choses et insistait sur sa volonté démocratique de faire face à la violence, à l’injustice sociale et aux inégalités structurelles.  Les membres du Conseil étaient unanimes à saluer l’engagement clair et les initiatives récentes des autorités colombiennes.  La Fédération de Russie estimait que le Gouvernement du Président Petro avait, en six mois, fait davantage pour la réconciliation dans le pays que l’Administration précédente en quatre ans.  Dans un monde marqué par les conflits et les divisions, la France voyait dans la Colombie un exemple de paix pour la communauté internationale.

Le 13 avril, M. Ruiz Massieu faisait état de nouveaux progrès dans la politique de « paix totale » et saluait « l’esprit constructif » qui avait caractérisé les deux premiers cycles de négociations menés à l’étranger entre le Gouvernement et un des mouvements de guérilla encore actifs, l’Armée de libération nationale (ELN).  La demande réitérée du Ministre des affaires étrangères colombien en faveur d’un élargissement éventuel du mandat de la Mission à la surveillance d’accords de cessez-le-feu passés avec des groupes armés bénéficiait d’un soutien large mais encore prudent parmi les membres du Conseil, dont plusieurs déploraient la poursuite des violences, notamment à l’encontre des anciens guérilleros et des défenseurs de l’environnement ou des droits de l’homme.  Ils regrettaient aussi une présence encore trop réduite de l’État dans certaines régions, ce qui retardait la mise en œuvre de nombreux aspects de l’Accord de paix.  Le Président de la CCP plaidait pour une accélération de la mise en œuvre des programmes de développement et de la réforme rurale afin d’offrir un accès plus équitable à la terre aux populations rurales et touchées par le conflit, en particulier les anciens combattants. 

Le 12 juillet, le soutien des membres du Conseil à un nouvel élargissement du mandat de la Mission s’élargissait.  De nouveaux progrès étaient intervenus, que ce soit au plan législatif ou dans le domaine de la sécurité, avec la signature, en juin à Cuba, d’un accord avec l’ELN prévoyant l’entrée en vigueur, le 3 août, d’un cessez-le-feu de six mois, ou encore la reprise des discussions avec un autre groupe armé, l’État-major central des Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire (EMC FARC-EP).

Le 2 août, l’adoption unanime de la résolution 2694 (2023) venait concrétiser ce soutien.  Le Conseil élargissait le mandat de la Mission de vérification à la surveillance de la mise en œuvre du cessez-le-feu conclu entre le Gouvernement colombien et l’ELN et augmentait le nombre des observateurs internationaux de la Mission à cette fin.  En outre, le Conseil se déclarait « disposé à envisager » de donner à la Mission un mandat pour surveiller et vérifier la mise en œuvre d’un accord de cessez-le-feu de même nature entre le Gouvernement et l’EMC FARC-EP, lorsque le Secrétaire général en aurait confirmé la conclusion.

Malgré la poursuite des violences à l’encontre des anciens combattants, défenseurs des droits humains et syndicalistes, qui faisaient dire à la France que les mesures de protection garanties étaient insuffisantes, ce sont encore des évolutions positives qui étaient présentées au Conseil le 11 octobre.  Le plan national de développement allouait d’importantes ressources à l’accélération de la réforme rurale et un accord venait juste d’être conclu entre le Gouvernement et l’EMC FARC-EP pour l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu le 16 octobre, qui devait s’accompagner aussitôt de la création d’une « table de dialogue de paix ».  C’était, pour le Chef de la Mission de vérification, « de bon augure » à deux semaines des élections départementales et municipales du 29 octobre.

C’est donc à l’unanimité que le 30 octobre, le Conseil adoptait la résolution 2704 (2023), qui prorogeait d’un an le mandat de la Mission de vérification, sans nouvelle extension mais tout en rappelant sa disposition concernant l’EMC FARC-EP dans les mêmes termes que dans la résolution 2694 (2023)

Haïti

La tragédie haïtienne s’est poursuivie en 2023. Les tentatives pour résoudre la crise politique sont restées extrêmement lentes et limitées, alors que l’insécurité due aux gangs continuait de s’intensifier, encore renforcée avec l’apparition de groupes d’auto-défense tout aussi violents.  La portée des sanctions adoptées en octobre 2022 et reconduites en octobre 2023, est restée limitée.  Il a fallu attendre juillet pour qu’un État Membre -le Kenya- se propose pour constituer et prendre la tête de la force de police internationale chargée d’épauler la Police nationale d’Haïti (PNH) réclamée par les autorités haïtiennes depuis octobre 2022, avec l’appui du Secrétaire général.  Cette force, autorisée par le Conseil de sécurité le 2 octobre, n’était cependant pas encore déployée à la fin de l’année.  Le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), à la tête duquel Mme Maria Isabel Salvador a succédé en mars à Mme Helen la Lime, a été reconduit pour un an en juillet.  Voisine d’Haïti, la République dominicaine a participé aux quatre séances trimestrielles du Conseil, alors que l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) y était présent en avril et octobre. 

Le 24 janvier, Mme la Lime dressait un tableau très sombre de la violence croissante des gangs et de la crise humanitaire.  Sur le plan politique, la Représentante spéciale du Secrétaire général notait qu’avec l’expiration du mandat des derniers sénateurs, le pays ne comptait plus aucun élu.  Elle présentait comme un progrès majeur le « Consensus national pour une transition inclusive et des élections transparentes », conclu en décembre 2022. La Chine faisait toutefois observer que plusieurs acteurs de poids de la politique haïtienne n’en étaient pas signataires et souhaitait une plus grande inclusivité, tout comme les A3.  La Cheffe du BINUH et la plupart des membres du Conseil se félicitaient en outre du régime de sanctions mis en place par la résolution 2653 (2022) adoptée le 21 octobre précédent. Le Brésil réclamait toutefois une accélération dans la mise en place du Comité des sanctions dédié -le Comité 2653-, en vue d’élargir le nombre des personnes visées par les sanctions onusiennes –la résolution 2653 n’en désignait qu’une-, alors que certains pays avaient pris des mesures unilatérales contre lesquelles s’élevait la Fédération de Russie.  La Chine souhaitait voir le Comité désigner de nouvelles personnes à sanctionner, tout comme le Royaume-Uni qui, avec la France, rappelait que, malgré leur aspect dissuasif pour les criminels et leurs soutiens, les sanctions « ne peuvent pas tout résoudre à elles seules ». 

Mme la Lime rappelait que le déploiement d’une force armée spécialisée internationale destinée à épauler la PNH n’était toujours pas devenue réalité, malgré les demandes faites par le Gouvernement haïtien et le soutien d’une « grande majorité » de la population.  Présentée par le représentant d’Haïti comme « un impératif du moment », la question continuait à diviser le Conseil.  Pays voisin, la République dominicaine rappelait « l’héritage douteux » des précédentes missions de l’ONU en Haïti et invitait à soigneusement peser et planifier toute réponse pour ne pas reproduire les erreurs du passé ni ignorer la volonté du peuple haïtien.  Au nom des « Amis d’Haïti », le Canada appelait lui aussi à tirer les leçons de l’histoire des grandes interventions militaires en Haïti, « qui n’ont pas réussi à apporter une stabilité à long terme aux Haïtiens ». 

Les mêmes préoccupations et argumentations étaient entendues lors de la séance du 26 avril, marquée par la première intervention de la nouvelle Cheffe du BINUH, qui disait avoir observé « les prémices d’un dialogue national haïtien » mais concédait qu’il serait difficile d’aller de l’avant sans s’attaquer efficacement à l’insécurité endémique.  Mme Salvador insistait donc sur la « nécessité urgente » de déployer une force internationale spécialisée autorisée par le Conseil pour venir en aide à une PNH débordée.  Le Ministre des affaires étrangères d’Haïti, M. Jean Victor Généus, rappelait le soutien de son Gouvernement au principe du déploiement d’une telle force pour employer la « violence légitime » afin de vaincre les gangs à titre de « première étape ». 

M. Généus réitérait sa demande de l’envoi d’une force « robuste » le 6 juillet. La Chine constatait que, malgré la multiplication des appels en faveur d’un tel déploiement, « aucun pays n’a annoncé le moindre acte concret ».  Comme les États-Unis ou la Suisse, elle préconisait de s’attaquer en priorité à la prolifération d’armes et de munitions dans le pays.  Si la transition politique et la lutte contre les gangs doivent rester « sur des voies distinctes », les deux demeurent « inextricablement liées », affirmait Mme Salvador, qui saluait les quelques progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’accord de consensus du 21 décembre.  À l’approche de l’échéance du mandat du BINUH, sa cheffe demandait de lui accorder les ressources nécessaires à la mise en œuvre de son mandat. 

Le 14 juillet, par sa résolution 2692 (2023), le Conseil décidait à l’unanimité de proroger pour un an le BINUH, avec un mandat renforcé.  Il demandait en outre au Secrétaire général de lui soumettre dans les 30 jours un rapport écrit « décrivant toute la gamme des possibilités d’appui que pourrait fournir l’ONU pour améliorer l’état de la sécurité, notamment mais non exclusivement l’appui à la lutte contre le commerce et le détournement illicites d’armes et de matériel connexe; la formation supplémentaire de la Police nationale d’Haïti (PNH); l’appui à une force multinationale non onusienne; ou la possibilité d’une opération de maintien de la paix, dans le cadre d’un règlement politique en Haïti. Le représentant d’Haïti disait sa déception, expliquant que la population attendait « une décision concrète relative au déploiement d’une force internationale ».  Les A3 constataient les limites du mandat du BINUH et demandaient que le Conseil réponde « par un soutien sans délai et précis » aux propositions à venir du Secrétaire général.  Coauteurs du texte, les États-Unis et l’Équateur insistaient sur le fait qu’il devait s’agir d’un point de départ.

Le 29 juillet, le Kenya annonçait sa disposition à déployer 1 000 policiers afin de « former et aider la police haïtienne à rétablir la normalité ». 

Le 2 octobre, soit un an exactement après la demande officielle du Gouvernement haïtien, le Conseil, par sa résolution 2699 (2023), autorisait la création et le déploiement d’une Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), pour une période initiale de douze mois, « par des États Membres qui ont informé le Secrétaire général de leur participation ».  Il autorisait ces pays à apporter à la PNH un appui opérationnel, l’objectif étant de « rétablir la sécurité en Haïti et créer les conditions de sécurité propices à la tenue d’élections libres et régulières ».  Le déploiement devait se faire en coopération et coordination étroites avec le Gouvernement haïtien et « dans le strict respect du droit international, notamment du droit international des droits de l’homme ». 

Tout en reconnaissant la gravité et l’urgence de la situation, la Fédération de Russie et la Chine s’abstenaient, estimant insuffisantes les garanties sur le respect de la souveraineté du pays et l’aspect temporaire de la mission.  Les autres membres, ainsi que le Kenya et plusieurs États des Caraïbes appelés à participer à la Mission, rappelaient que le Conseil ne faisait que répondre à l’appel réitéré du Gouvernement haïtien, dont le Chef de la diplomatie qualifiait le vote de « lueur d’espoir ».  Le Japon relevait que la résolution ne constituait qu’un premier pas, qui devrait être suivi de discussions sur les questions relatives au financement, au commandement et aux règles d’engagement de la Mission. 

Le 19 octobre, c’est cette fois à l’unanimité que le Conseil, par sa résolution 2700 (2023), reconduisait pour un an le régime de sanctions et l’embargo sur les armes, en l’adoptant au déploiement de la MMAS.

Le 23 octobre, la séance trimestrielle du Conseil permettait de revenir sur ses dernières décisions.  La Présidente du Haut Conseil de la transition d’Haïti, formé en février dans le cadre du « Consensus national », demandait au Conseil de « passer de la parole aux actes », ajoutant que les « interventions des troupes étrangères d’appui à la PNH » devaient adresser des « signaux clairs » quant à la protection effective des civils.  La Représentante spéciale confirmait que les parties haïtiennes attendaient avec impatience le déploiement de la MMAS, le rétablissement du contrôle par la PNH étant une condition préalable à la tenue d’élections crédibles et inclusives.  Les membres du Conseil misaient eux aussi sur le déploiement de la Mission.  Le Japon n’en répétait pas moins que les questions portant sur son commandement et sa structure opérationnelle devaient être résolues avant son déploiement et le Brésil souhaitait voir adoptées au plus vite ses règles d’engagement, de même que la Fédération de Russie, qui demandait aussi à connaître sa stratégie de sortie.

Le 12 décembre, le Président du Comité 2653 regrettait que le déploiement de la MMAS tarde à se concrétiser, alors que Haïti restait en proie à une extrême violence et que les gangs contrôlaient plus de la moitié de la capitale.  Il rappelait que l’adoption de la résolution 2699 (2023) avait été accueillie avec beaucoup d’espoir et que l’enjeu lié au déploiement de cette force était crucial: « restaurer l’état de droit, réformer le système judiciaire, professionnaliser la Police nationale d’Haïti et la rendre autonome, pleinement opérationnelle, bien structurée et équipée ».  Il appelait donc à travailler au déploiement effectif de la MMAS, tout en ajoutant que le Comité s’employait à élargir les sanctions.  Les États-Unis indiquaient avoir demandé l’inscription de trois chefs de gangs sur la Liste des sanctions. 

SECONDE PARTIE: QUESTIONS THÉMATIQUES

PAIX ET SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Maintien de la paix et de la sécurité internationales

- 12 séances publiques: 16 mars24 avril14 juin (débat), 14 juin (adoption)18 juillet3 août14 septembre20 et 21 septembre28 septembre, 29 septembre, 20 octobre20 novembre

- 1 résolution: 2686(2023)

- 1 déclaration présidentielle: PRST/2023/4

Voir aussi: Protection des civils en période de conflits armés; Consolidation et pérennisation de la paix; Coopération entre l’ONU et les organisations régionales; Ukraine

Sous cette rubrique généraliste apparaissent notamment des débats, souvent ouverts aux États non membres du Conseil, organisés sur des questions présentant un intérêt particulier pour les présidences mensuelles successives. Nombre de ces réunions ont été présidées par, ou tenues en présence de dignitaires de haut niveau: Ministres des affaires étrangères, voire Chefs de Gouvernement ou Chefs d’État.  Les séances des 28 et 29 septembre, marquées par l’adoption de la résolution 2698 (2023), qui portaient sur la lutte contre le trafic d’êtres humains au large des côtes de la Libye, sont traitées sous ce pays. 

Le 16 mars, la présidence mozambicaine organisait un débat sur le thème de la réforme du secteur de la sécurité, limité aux États membres du Conseil et aux deux Coprésidents du Groupe d’Amis pour la réforme du secteur de la sécurité: l’Afrique du Sud et la Slovaquie.  Le caractère intrinsèquement politique de la réforme du secteur de la sécurité, mesure primordiale pour consolider et construire la paix, était mis en avant notamment par le Brésil et le Japon.  Le Mozambique insistait sur la nécessité pour la réforme du secteur de la sécurité de respecter les normes de bonne gouvernance, conformément à l’accent mis par le Secrétaire général sur cette exigence dans son rapport de 2022 sur le sujet.  Les participants détaillaient les éléments nécessaires à un succès de la réforme, en particulier l’appropriation nationale, laquelle manque trop souvent, regrettait le Sous-Secrétaire général à l’état de droit et aux institutions chargées de la sécurité Alexander Zouev.  Ils insistaient aussi sur le financement adéquat de la réforme du secteur de la sécurité et le renforcement des compétences techniques.  Sur ce dernier aspect, le Commissaire de l’Union africaine chargé des affaires politiques, de la paix et de la sécurité expliquait l’assistance apportée par l’organisation panafricaine aux efforts de ses membres pour relever les défis de la gouvernance et de la réforme du secteur de la sécurité.  Le Royaume-Uni soulignait le rôle du Conseil de sécurité dans la mise en œuvre des meilleures pratiques en matière de réforme du secteur de la sécurité et le Gabon demandait que les mandats des opérations de paix continuent de mettre un accent particulier sur cette réforme. 

Objet de nombreux débats au sein des Nations Unies, le devenir du multilatéralisme a été le thème de deux débats ouverts. 

Le 24 avril, une cinquantaine de délégations participaient à un débat public sur « un multilatéralisme efficace reposant sur la défense des principes consacrés dans la Charte des Nations Unies », organisé par la présidence russe, qui évoquait une « transformation systémique » de l’ordre mondial à l’œuvre, marquée par le déclin rapide de l’ordre unipolaire et l’émergence d’un système multipolaire. Le Secrétaire général y promouvait son rapport « Notre Programme commun » et plaidait pour un multilatéralisme plus inclusif et plus en réseau, ouvert aux acteurs non étatiques, ce qui inquiétait un certain nombre de pays, alors que le Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies se prononçait plutôt pour une revitalisation de la nature intergouvernementale de l’Organisation. Nombre de participants demandaient surtout un système international plus égalitaire, à l’image du Pakistan, qui rejetait tout monde « unipolaire, bipolaire ou même multipolaire s’il doit être dominé par quelques États ultrapuissants ». 

Président de séance, le Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, Sergey Lavrov, estimait que la question la plus importante n’était pas l’Ukraine mais « la manière dont les relations internationales seront développées ».  Il attribuait le « crise profonde » de l’ordre international issu de la Seconde Guerre mondiale à la volonté de « l’Occident collectif » de lui substituer un prétendu « ordre fondé sur des règles » élaboré au seul profit de ses membres.  C’est au contraire l’Ukraine que les délégations occidentales participantes mettaient au centre de la séance, en dénonçant « l’hypocrisie » de la Fédération de Russie, accusée d’organiser un débat sur les moyens de faire mieux respecter le droit international alors que, selon les mots des États-Unis, elle avait « frappé au cœur de la Charte des Nations Unies et de toutes les valeurs qui nous sont chères ».

Le 20 septembre, la présidence albanaise organisait un débat ouvert, tenu sur deux jours, dédié à la « défense des buts et principes inscrits dans la Charte des Nations Unies au moyen d’un multilatéralisme efficace: maintien de la paix et de la sécurité de l’Ukraine », traité sous la rubrique « Ukraine ».

Le 14 juin, la présidence émirienne organisait un débat au sein du Conseil sur les moyens de mettre en œuvre une approche fondée sur « les valeurs de la fraternité humaine pour la promotion et la pérennisation de la paix » en s’inspirant à la fois du document « La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune », cosigné par le pape François et le grand imam de l’Université Al-Azhar Al-Sharif en février 2019, et de la résolution 75/200 de l’Assemblée générale.  Y participaient le grand imam d’Al-Azhar, le Secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les États et le Secrétaire général de l’ONU, qui qualifiait les chefs religieux d’« alliés incontournables dans notre quête commune de paix dans le monde », tout en rappelant que l’ONU se « tient en marge de toutes les confessions ». Représentés au niveau ministériel, le Gabon et le Mozambique encourageaient le dialogue interreligieux et interculturel.  La Fédération de Russie rendait hommage à l’Alliance des civilisations de l’ONU. Plusieurs autres membres évoquaient le rôle de l’éducation dans la prévention de l’intolérance, de même que celui des femmes.  Les États-Unis assuraient que le Conseil était sans équivoque sur les libertés et droits fondamentaux de celles-ci, notamment le droit de participer à la vie publique, qui augmente les chances d’une paix juste et pérenne.

Le même jour, le Conseil adoptait sa résolution 2686(2023), par laquelle il exhortait les États et les organisations internationales et régionales à condamner publiquement la violence, les discours de haine et l’extrémisme motivés par la discrimination, dans le respect du droit international applicable, y compris le droit à la liberté d’expression.  Le Conseil y condamnait également la mésinformation, la désinformation et les incitations à la violence dirigées contre les opérations de maintien de la paix des Nations Unies dans le but de nuire à leur sécurité ou à leur capacité de s’acquitter de leurs mandats.

Si le texte, négocié depuis plusieurs semaines à l’initiative des Émirats arabes unis et du Royaume-Uni, était adopté à l’unanimité, plusieurs membres émettaient aussitôt des réserves.  La France, qui s’était présentée lors de la séance précédente comme incarnant « une diplomatie féministe et de défense des droits de l’homme » et avait appelé à la ratification et au respect des conventions internationales qui les protègent « car la tolérance et la fraternité ne suffisent pas », disait avoir voté en faveur du texte « après mûre réflexion ».  Elle le jugeait « sélectif » et « trop faible » sur la liberté d’expression, parlait de « concepts ambigus sujets à des interprétations contradictoires » et d’une « conception de l’extrémisme potentiellement liberticide », ajoutant que « les questions religieuses n’ont pas leur place au Conseil de sécurité ».  La Suisse et Malte émettaient des réserves similaires quant au libellé relatif à l’extrémisme.  Les États-Unis exhortaient les membres du Conseil à appliquer la résolution en évitant d’en faire un instrument répressif contre les défenseurs des droits humains et des minorités, mais saluaient le caractère central accordé aux femmes, un argument mis en avant par les coauteurs du texte, qui vantaient aussi les références aux discriminations et persécutions à l’encontre des groupes minoritaires et la dénonciation de la mésinformation et la désinformation.

Le 18 juillet, à l’initiative du Royaume-Uni, le Conseil se penchait pour la première fois de son histoire sur les conséquences pour la paix et la sécurité internationales de l’intelligence artificielle (IA), que le Secrétaire général jugeait porteuse d’un « énorme potentiel de bien et de mal à grande échelle » et dont les créateurs eux-mêmes entrevoyaient les risques « potentiellement existentiels ».  La grande majorité des membres du Conseil se prononçait pour l’adoption de principes d’éthique et de comportements responsables au niveau international, les Nations Unies étant considérées comme le cadre le plus adapté.  En revanche, la forme et la portée du cadre à venir faisaient débat.  L’Équateur le souhaitait juridiquement contraignant, alors que les Émirats arabes unis appelaient à ne pas surréglementer l’IA pour ne pas entraver l’innovation et que la Chine défendait la possibilité pour les États de développer une IA correspondant à leurs spécificités.  Le Brésil appelait à ne pas trop concentrer les discussions sur l’IA au Conseil, où l’on risquait de l’examiner sous un angle trop sécuritaire, et estimait que l’Assemblée générale était le forum le mieux adapté à une discussion structurée et de long terme sur le sujet.  La Fédération de Russie jugeait déplacé un tel « débat prospectif » au Conseil, expliquant que des aspects spécifiques éventuellement liés à l’IA étaient discutés dans d’autres enceintes.  Parmi les intervenants extérieurs, le fondateur d’une entreprise privée d’IA rappelait toutefois aux membres du Conseil qu’en l’absence de cadre de gestion de risques et de système d’évaluation robuste et vérifiable pour encadrer le monde vers lequel l’IA nous fait avancer, le secteur privé disposait d’une grande marge de manœuvre.  À défaut d’un cadre, nous mettons notre avenir entre les mains d’une poignée d’acteurs, avertissait-il.

Le 3 août, les États-Unis organisaient pour la troisième fois en autant d’années un débat sur la « Famine et l’insécurité alimentaire mondiale engendrée par les conflits » en tant qu’événement-phare de leur présidence.  Sous la conduite de leur Secrétaire d’État, M. Antony Blinken, et en présence notamment de la Coordonnatrice de la prévention de la famine et de la réponse de l’ONU, Mme Reena Ghelani, près de 80 délégations prenaient la parole pour reprendre à leur compte les éléments de la résolution 2417 (2018), texte de référence sur le sujet qui affirme notamment « qu’affamer les civils comme méthode de guerre peut constituer un crime de guerre ». 

En début de séance, le Conseil adoptait une déclaration présidentielle qui condamnait fermement « l’utilisation de la famine des civils comme méthode de guerre » ainsi que le « refus illicite d’accès humanitaire et la privation des civils de biens indispensables à leur survie », dans des termes reprenant presque mot pour mot ceux de la résolution de 2018.  Le débat lui-même était l’occasion d’un énième affrontement entre les pays occidentaux et la Fédération de Russie.  Les premiers rappelaient que l’agression de l’Ukraine avait été en 2022 un facteur de déstabilisation des circuits d’approvisionnement et d’aggravation d’une crise déjà présente et dénonçaient le récent retrait russe de l’Initiative de la mer Noire, laquelle avait permis de faire retomber les prix des céréales sur les marchés.  La Fédération de Russie accusait les Occidentaux d’utiliser l’aide alimentaire comme un « outil de contrôle » néocolonial.  Elle recevait l’appui du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies qui demandait la suppression immédiate et définitive des « mesures coercitives unilatérales ».  Chine et Brésil dénonçaient eux aussi les sanctions, jugées délétères pour la sécurité et la paix, et donc pour le développement. 

Le 14 septembre, un débat organisé par la présidence albanaise sur le thème du « Maintien de la paix et de la sécurité internationales: renforcer le partenariat humanitaire public-privé » attirait une quarantaine de participants.  Les enjeux étaient résumés par la Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM), Mme Cindy McCain, qui déclarait: « Nous vivons une série de crises convergentes et de longue durée qui alimentent l’urgence humanitaire au moment même où les fonds disponibles pour les opérations s’amenuisent. »  Elle mettait en avant le rôle crucial du secteur privé pour atténuer les souffrances humaines, citant comme exemple la mise sous contrôle de la tuberculose et du VIH/sida grâce à des partenariats public-privé efficaces. 

Appuyés par les États-Unis, des intervenants du secteur privé disaient pouvoir « offrir bien plus que du financement » et vantaient l’expertise des grandes entreprises internationales, notamment dans la logistique, les télécommunications, les transports ou l’analyse des données.  Certains souhaitaient des contacts « plus directs » avec l’ONU. La question du financement restait toutefois au cœur de nombreuses interventions.  L’Albanie suggérait une contribution « plus importante et structurée » du secteur privé.  Le Gabon réclamait surtout des financements « adéquats, suffisants et prévisibles » pour l’action humanitaire multilatérale.  La Chine rappelait que l’aide publique devait rester la principale voie humanitaire, ajoutant que les interventions du secteur privé ne devaient « en aucun cas éloigner les pays développés de leurs responsabilités ». 

Le 20 octobre, une soixantaine d’intervenants participaient à un débat organisé par la présidence brésilienne sur « La paix par le dialogue: contribution des accords régionaux, sous-régionaux et bilatéraux à la prévention et au règlement pacifique des différends », qui mettait en avant les Chapitres VI et VIII de la Charte, consacrés respectivement à la prévention et aux arrangements régionaux.  Deux semaines après le début du conflit à Gaza et après l’échec des deux premiers projets de résolution au Conseil, le Brésil reprochait à celui-ci de ne de pas se montrer à la hauteur, que ce soit dans le très long conflit entre Israéliens et Palestiniens ou dans de nouvelles situations de crise, et de perdre de plus en plus sa crédibilité et sa légitimité. 

Le rôle des acteurs régionaux dans l’identification des signes d’un conflit naissant, l’alerte et la prise des premières mesures de facilitation ou de médiation était souligné par des États comme l’Équateur ou des organisations comme l’Union européenne.  Nombre de délégations appelaient à des partenariats solides entre l’ONU et les organisations régionales, notamment en matière de diplomatie préventive.  La coopération entre l’ONU et l’Union africaine était citée, de même que le rôle des organisations sous régionales africaines ou encore celui de coalitions ponctuelles, comme la troïka au Soudan du Sud.  La question de l’équipement des partenaires régionaux de l’ONU était soulevée et donc, en écho à la séance du 12 octobre sur la coopération ONU-UA, celle d’un financement prévisible et durable pour les opérations de paix de l’Union africaine autorisées par le Conseil de sécurité. La question de la représentativité du Conseil, donc de son élargissement, était, elle aussi abordée.

Le 20 novembre, 67 délégations intervenaient lors d’un débat public organisé par la présidence chinoise sur le thème « Mettre le développement commun au service de la pérennisation de la paix », en présence du Secrétaire général.  Celui-ci rappelait que 85% des cibles des 17 objectifs de développement durable « ne sont pas en bonne voie ». Soulignant qu’il avait proposé diverses mesures concrètes pour les relancer, M. Guterres rappelait en outre que son Nouvel Agenda pour la paix offre une vision pour prévenir les conflits, pérenniser la paix et promouvoir le développement.  Il incitait les États à « abandonner la logique de la concurrence à somme nulle », ajoutant que le Conseil devait être au cœur de cet effort vital.  De nombreuses délégations mettaient l’accent sur la nécessaire coopération entre les différents organes de l’ONU.  Beaucoup invitaient le Conseil à examiner les questions de paix et sécurité de manière globale en tenant compte du développement, des droits humains ou encore des changements climatiques, voire du développement de l’intelligence artificielle.  Nombreux également étaient les appels à renforcer le rôle de la Commission de consolidation de la paix et à davantage utiliser son expertise au Conseil.  La séance était aussi l’occasion de vives critiques des institutions financières internationales, jugées inadaptées au monde moderne, et d’appels à des aides au développement mieux adaptées aux conditions nationales des bénéficiaires. 

Consolidation et pérennisation de la paix 

- 2 séances publiques: 26 janvier3 mai

Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales

Le 26 janvier, à l’initiative de la présidence japonaise du Conseil se tenait un débat public sur le thème « Investir dans les personnes pour renforcer la résilience face à des problèmes complexes ».  À la suite de la Vice-Secrétaire générale de l’ONU et du Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP), Muhammad Abdul Muhith, 74 États Membres s’exprimaient sur l’édification d’institutions résilientes, l’investissement inclusif dans les personnes, le financement de la consolidation de la paix et le rôle de la CCP et ses relations avec le Conseil. L’appropriation locale, le rôle de l’éducation, celui des femmes et des jeunes, étaient mis à l’honneur dans la construction d’une paix durable et plusieurs intervenants considéraient le Nouvel Agenda pour la paix en cours d’élaboration comme une « occasion historique » de placer la consolidation de la paix au centre des activités des Nations Unies. Des membres du Conseil ayant aussi joué un rôle actif dans la CCP comme le Japon, le Brésil ou la Suisse saluaient le renforcement de l’activité consultative de celle-ci auprès du Conseil, tout en la jugeant encore insuffisante.  Était également évoquée la question du financement de la consolidation de la paix, plusieurs pays plaidant pour le recours aux contributions statutaires.

Le 3 mai, la première séance du Conseil de sécurité jamais tenue sous présidence suisse était un débat public consacré aux moyens de « renforcer la confiance pour établir une paix durable ». Il s’agissait en particulier de recenser et d’examiner les questions susceptibles d’alimenter les discussions à venir sur la proposition du Secrétaire général d’un « Nouvel Agenda pour la paix » s’appuyant sur les principes de confiance, d’universalité et de solidarité.  Les quelque 70 délégations participantes discutaient de l’instauration de la confiance sous trois angles: l’inclusion –avec en particulier le rôle dévolu aux jeunes et aux femmes et, sur le plan institutionnel, à la Commission de consolidation de la paix et aux relations entre l’ONU et les organisations régionales–; les cadres normatifs, dont les droits humains; et les faits, dans un contexte marqué par les risques et opportunités des nouvelles technologies. 

Nombre d’intervenants insistaient sur la responsabilité des États dans l’établissement de la confiance et mettaient en avant le respect des engagements pris. Les pays occidentaux ne manquaient pas de dénoncer la violation de ces principes par la Fédération de Russie à l’occasion de sa guerre d’agression contre l’Ukraine.  L’intéressée répliquait accusant l’« Occident global » d’actes « perfides » et l’OTAN de mener en Ukraine une « guerre par procuration » à son encontre. D’autres délégations voyaient une origine de la « grave crise de confiance » actuelle dans le mépris pour la Charte des Nations Unies, les politiques de deux poids, deux mesures et l’application sélective du droit international, y compris par le Conseil de sécurité lui-même.

Promotion et renforcement de l’état de droit dans le cadre des activités de maintien de la paix et de la sécurité internationales

- 1 séance publique: 12 janvier

Le 12 janvier, le premier débat public de l’année était organisé par la présidence japonaise sur le thème de « la légalité parmi les nations ».  Près de 80 délégations prenaient la parole. La Présidente de la Cour internationale de Justice (CIJ) invitait les États à faire confiance aux tribunaux internationaux pour trancher leurs différends, tout en reconnaissant que rien ne pouvait les y obliger.  Le Secrétaire général soulignait le rôle fondamental de l’état de droit pour la mission de paix de l’ONU et le rôle essentiel du Conseil pour le faire respecter. La majorité des intervenants soutenaient la promotion de l’état de droit, mais la Fédération de Russie émettait des réserves sur « l’ordre mondial fondé sur des règles » de l’Occident et regrettait que le Secrétariat promeuve des « concepts obscurs » dans sa « nouvelle vision de l’état de droit », accusée d’ignorer les caractéristiques nationales, culturelles et religieuses de chaque État.  Plusieurs intervenants pointaient aussi la pratique du « deux poids, deux mesures » du Conseil et soulevaient une fois de plus la question de la représentation équitable au sein du Conseil de sécurité, tout en dénonçant le recours abusif au droit de veto.

Menaces contre la paix et la sécurité internationales

- 30 séances publiques: 17 janvier8 février14 février17 février21 février14 mars27 mars31 mars10 avril, 18 mai, 30 mai, 6 juin, 7 juin, 13 juin, 29 juin, 11 juillet26 juillet, 31 juillet17 août12 septembre15 septembre13 octobre27 octobre8 novembre17 novembre5 décembre7 décembre11 décembre30 décembre

Voir aussi: Ukraine; Iraq; Armes légères et de petit calibre

La majorité des séances tenues sous cette rubrique étaient consacrées entièrement à la situation en Ukraine ou directement liées à elle.  Les séances des 17 janvier8 février17 février21 février14 mars27 mars31 mars18 mai30 mai6 juin, 29 juin11 juillet26 juillet31 juillet17 août12 septembre13 octobre27 octobre8 novembre17 novembre11 décembre et 30 décembre sont donc répertoriées et présentées sous ce pays.  De même, les séances des 7 juin15 septembre et 5 décembre portaient sur l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD), dont les activités concernent exclusivement l’Iraq et sont donc répertoriées et présentées sous ce pays.

Deux des autres séances tenues étaient des débats ouverts du Conseil liés aux changements climatiques.

Le 14 février, quelque 70 délégations examinaient, à l’invitation de la présidence maltaise, « l’élévation du niveau de la mer et ses conséquences sur la paix et la sécurité » que le Secrétaire général de l’ONU présentait comme une menace en soi mais aussi un « multiplicateur d’autres dangers ».  Les intervenants s’intéressaient notamment à la sécurité juridique des États menacés et de leur population.  Au nom de 12 petits États insulaires en développement du Pacifique, les Palaos exhortaient le Conseil à soutenir leur appel pour la sécurisation de leurs zones maritimes et à appuyer la demande d’un avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur les obligations des États en matière de changements climatiques (« l’initiative de Vanuatu »).  De nombreuses délégations demandaient que soit désigné un représentant spécial du Secrétaire général sur les changements climatiques et la sécurité. Mais la Fédération de Russie, avec d’autres pays comme l’Inde, rejetait le lien entre climat et sécurité et demandait au Conseil de plutôt se concerter sur son mandat de maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Le 13 juin un débat consacré aux « changements climatiques et la paix et la sécurité » était organisé par la présidence émirienne, pays qui allait accueillir en fin d’année la COP28 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.  Plus de 70 délégations prenaient la parole.  Partant d’un objectif concret –examiner comment les changements climatiques peuvent gêner la mise en œuvre des mandats des opérations de paix décidées par le Conseil de sécurité–, la présidence entendait aussi faire réfléchir sur les modalités permettant au Conseil de « faciliter l’adoption d’une démarche fondée sur la collaboration et la concertation pour le traitement de la question des changements climatiques et de la paix et de la sécurité », et de « cibler et adapter l’action climatique pour qu’elle cadre avec la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité internationales incombant au Conseil ».

Comme les précédents débats sur ce thème, celui-ci confirmait l’absence d’accord au sein du Conseil sur le bien-fondé de l’examen de la question climatique par cet organe.  La majorité des intervenants approuvaient l’activisme des Émirats arabes unis, de Malte, de la Suisse et du Mozambique.  Il approuvaient aussi le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix Jean-Pierre Lacroix, qui affirmait que les « effets en cascade des changements climatiques sont en train de reconfigurer les paramètres de notre travail sur la prévention des conflits, le maintien et la consolidation de la paix » et ajoutait que « considérer les changements climatiques dans ce que nous faisons ne relève plus d’un choix ».  C’était le cas en particulier des 66 membres du Groupe des Amis du climat et de la sécurité, qui appelaient à la remise de rapports réguliers du Secrétaire général au Conseil sur les implications pour la paix et la sécurité des effets néfastes des changements climatiques, à la nomination par le Secrétaire général d’un représentant spécial pour le climat ou encore à l’intégration systématique des risques climatiques dans les mandats de toutes les missions des Nations Unies. 

D’autres membres du Conseil de sécurité continuaient de s’opposer à l’examen des changements climatiques par cet organe, notamment la Fédération de Russie et plus encore le Brésil.  Particulièrement virulent, ce dernier jugeait que l’examen des questions climatiques par le Conseil n’était « ni productif ni efficace », rappelait que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) avait jugé « relativement faible » l’influence du climat sur les conflits et ajoutait que, « tout au long de notre histoire, les émissions de carbone se sont produites principalement dans les pays développés, pas dans les zones de conflit ».  Comme la Fédération de Russie, il dénonçait les risques d’empiétement du Conseil sur des thèmes généralement abordés par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et le pilier développement des Nations Unies.  Il opposait aussi les principes d’action de ces structures, garantissant « l’équilibre, la transparence et l’inclusivité, avec des décisions basées sur le consensus », ajoutant: « rien n’est plus éloigné de la réalité du Conseil de sécurité, qui fonctionne et est structuré d’une manière fondamentalement différente ». 

Entre temps, la présidence russe du Conseil avait convié tous les États Membres, le 10 avril, à un débat sur les « risques découlant de la violation des accords sur la réglementation des exportations d’armes et de matériel militaire ». La Haute-Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement rappelait les différents traités, accords et cadres internationaux de contrôle du commerce des armes dites « classiques » qui visent à prévenir le commerce illicite des armes et leur détournement au profit de destinataires indésirables.  Si la Fédération de Russie disait vouloir un débat « dépolitisé », un grand nombre de délégations le raccrochait à la situation en Ukraine.  Les membres occidentaux du Conseil accusaient l’initiatrice du débat d’avoir cherché à embellir son image sur la scène internationale alors qu’elle avait lancé une guerre d’agression contre son voisin, à distraire la communauté internationale ou encore à instrumentaliser le Conseil.  La Fédération de Russie répliquait en accusant les Occidentaux « d’inonder » l’Ukraine d’armes de manière irresponsable et en violation de leurs engagements internationaux.  La Chine et le Bélarus dénonçaient les transferts d’armement « à des fins géopolitiques nombrilistes ».

Le 7 décembre, le Président de l’Équateur présidait un débat ouvert du Conseil consacré à la « criminalité transnationale organisée, multiplication des défis et nouvelles menaces », auquel participaient le Secrétaire général, la Directrice exécutive de l’ONUDC et une soixantaine de délégations. Mme Waly déclarait que, durant les 20 dernières années, la criminalité organisée a fait plus de morts que tous les conflits armés réunis.  M. Guterres rappelait que le Conseil de sécurité avait déjà reconnu la menace pour la paix et la sécurité internationales que constitue la criminalité transnationale, notamment dans le cadre de ses liens avec le terrorisme, avec la résolution.  Le Secrétaire général appelait donc le Conseil à « faire davantage », la coopération multilatérale étant la seule voie permettant de s’attaquer aux dynamiques criminelles qui alimentent la violence et prolongent les cycles de conflit.  Il pressait aussi les États de trouver un consensus sur un traité international relatif à la cybercriminalité, tandis qu’experts et délégations prônaient notamment la lutte sous l’angle financier.  Certains pays souhaitaient toutefois distinguer entre terrorisme, alimenté par des considérations politiques et idéologiques, et criminalité transnationale organisée, motivée par l’appât du gain. 

En début de séance, le Conseil adoptait une déclaration présidentielle mettant l’accent sur le renforcement de la coopération internationale et régionale.  Il notait que la criminalité transnationale organisée risque de menacer la sécurité des pays inscrits à son ordre du jour, « notamment des États sortant d’un conflit », ainsi que le lien entre la criminalité organisée et le financement du terrorisme « dans certains cas et dans certaines régions ».  Entre autres mesures, le Conseil y demandait aux États Membres d’améliorer la gestion des frontières et de prendre des mesures « appropriées et conformes au droit international » pour lutter contre le trafic d’armes légères et de petit calibre, y compris par la coopération internationale. 

Menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme

Voir aussi: Organes subsidiaires; Paix et sécurité en Afrique; Afghanistan; Iraq; Syrie; Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales aux fins du maintien de la paix et de la sécurité internationales; Afghanistan  

En mars, la présidence mozambicaine du Conseil de sécurité a consacré un de ses « débats signatures » à la « lutte contre le terrorisme et prévention de l’extrémisme violent conduisant au terrorisme par le renforcement de la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations et mécanismes régionaux ».  En février et août, le Conseil a débattu des seizième et dix-septième rapports semestriels du Secrétaire général sur l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL/Daech), occasions pour les délégations de se féliciter des coups portés à l’organisation terroriste mais aussi de s’inquiéter de sa résilience.  L’occasion aussi de rappeler que la lutte contre le terrorisme doit se mener sur plusieurs fronts, correspondant aux piliers de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, réaffirmée en juin par l’Assemblée générale.

Le 9 février, le Chef du Bureau des Nations Unies de lutte contre le terrorisme, M. Vladimir Voronkov, invitait les États Membres à aller au-delà des réponses centrées sur la sécurité en privilégiant des approches multidimensionnelles et en alliant davantage les réponses sécuritaires et les mesures préventives. Il mettait aussi l’accent sur la lenteur des rapatriements des combattants terroristes étrangers et de leurs familles détenus dans des camps en Iraq.  Le Chef de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, M. Weixiong, ajoutait que ces retards offraient à Daech des possibilités de recruter et de radicaliser, en particulier les enfants.  La France rappelait que ces retours dans les communautés d’origine devaient s’accompagner de solutions robustes de réintégration. Tous les membres du Conseil reconnaissaient la persistance de la menace terroriste, prônaient une vigilance sans faille et appelaient à mettre l’accent sur la lutte contre le financement du terrorisme et contre l’utilisation d’Internet à des fins terroristes. Certains appelaient aussi à lutter contre les causes profondes du terrorisme et de l’extrémisme violent.

Le 25 août, M. Voronkov estimait que les succès enregistrés dans la lutte contre Daech depuis le début de l’année, y compris l’élimination de plusieurs de ses cadres dirigeants, dont son chef, avaient eu « un effet notable » sur les opérations de l’organisation, en particulier en Iraq et en Syrie.  La nouvelle Directrice de la DECT, Mme Natalia Gherman, décrivait toutefois Daech comme une organisation « agile et ambitieuse » qui continuait de constituer une menace sérieuse dans les zones de conflit et les pays voisins, beaucoup plus faible ailleurs.  Elle appelait à la combattre par une approche globale intégrant la recherche volontaire de la paix, tout en s’attaquant aux causes profondes de la violence et aux conditions susceptibles de favoriser la radicalisation vers le terrorisme. Royaume-Uni, France et Gabon s’inquiétaient des progrès de la filiale de Daech au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Le Mozambique se félicitait des coups portés dans le pays après le déploiement d’une mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe.  La situation en Afghanistan, où opèrent une vingtaine de groupes terroristes dont l’EIIL-K affilié à Daech, était jugée de plus en plus complexe.  La résurgence de Daech sur les lieux de ses origines au Moyen-Orient était évoquée, du fait notamment de la situation toujours désastreuse des camps et centres de détention situés dans le nord-est de la Syrie.  L’intervention d’une survivante yézidie venait rappeler aux membres du Conseil les atrocités commises par Daech en Iraq, mais aussi que 70% des membres de cette communauté particulièrement ciblée par l’organisation terroriste vivaient toujours dans des camps de fortune parce que leurs villages se trouvaient dans des zones encore assiégées par Daech.  L’intervenante demandait aussi au Conseil de dissuader le Parlement iraquien de promulguer une loi sur le terrorisme prévoyant l’amnistie de certains ex-membres de Daech.

Entre temps, le 28 mars, lors du débat organisé par le Mozambique, le Secrétaire général détaillait le soutien de l’ONU aux efforts africains de lutte contre le terrorisme. M. Guterres rappelait aussi son plaidoyer en faveur d’une nouvelle génération de missions d’imposition de la paix robustes et d’opérations de lutte contre le terrorisme, dirigées par l’Union africaine et dotées d’un mandat du Conseil de sécurité établi en vertu du Chapitre VII ainsi que d’un financement garanti et prévisible, ce que réclamait aussi le Président de l’Union africaine.  Le Ghana souhaitait un « partenariat à tous les niveaux », faisant valoir que l’efficacité de l’ONU en Afrique repose plus que jamais sur une coopération solide avec les organisations régionales. États-Unis, Royaume-Uni ou Japon mettaient en avant leurs contributions à la coopération régionale en matière de sécurité et de renseignement sur le continent africain, que la France opposait aux « pseudo-offres sécuritaires proposées par certaines sociétés militaires privées et leur parrain étatique, à rebours de l’approche respectueuse des partenaires et des droits humains ».  Comme le Rwanda, la Fédération de Russie mettait au contraire en avant la coopération bilatérale en matière de sécurité, sans oublier d’attribuer l’origine du terrorisme au Sahel à l’intervention militaire de l’Occident en Libye.

Le 14 décembre, le Conseil de sécurité adoptait sa résolution 2716 (2023), qui concerne le régime de sanctions contre les Taliban et est traitée sous « Afghanistan ». 

Opérations de maintien de la paix des Nations Unies

- 3 séances publiques: 28 juillet7 septembre14 novembre

Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales; Consolidation et pérennisation de la paix; Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales; Les femmes et la paix et la sécurité; tous les pays accueillant une opération de maintien de la paix de l’ONU 

Le nombre des missions de maintien de la paix administrées par le Département des opérations de paix –toujours dirigé par le Secrétaire général adjoint Jean-Pierre Lacroix- est passé de 12 à 11 après la clôture, fin juin, de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), l’une des cinq plus importantes jusqu’alors. 

Au 31 octobre 2023, 70 624 personnels en uniforme étaient déployés dans les opérations de maintien de la paix, soit une baisse de 6% en un an, répartis en 60 487 Casques bleus, 3 105 membres des états-majors et experts et 7 022 policiers.  Ces chiffres incluaient les effectifs de la MINUSMA encore présents à cette date, soit 7 087 personnes en cours de retrait, contre 12 420 en juin.

Le 28 juillet, à l’occasion de la réunion annuelle des commandants des forces des opérations de maintien de la paix de l’ONU, les membres du Conseil tenaient une séance d’information interactive avec les commandants des forces des missions au Soudan du Sud (MINUSS), en République démocratique du Congo (MONUSCO) et au Liban (FINUL).  L’accent était mis sur le rôle de la composante militaire de ces opérations dans la protection des civils et la prévention.  Les États-Unis rappelaient que les commandants des forces devaient souvent prendre des décisions difficiles pour trouver un équilibre entre la protection des civils et la sécurité des Casques bleus. Plusieurs membres, dont la Chine et la France, rappelaient que la responsabilité de la protection des civils incombe au premier chef à l’État hôte, mais aussi que les missions de paix sont tributaires d’un partenariat fiable, de confiance et de bonne foi avec les autorités locales.  Le Royaume-Uni insistait sur la nécessité d’un appui « total » à ces missions tant de la part des États hôtes que du Conseil.  Plusieurs pays rappelaient aussi la hausse sans précédent des campagnes de désinformation menées à l’encontre de certaines opérations de paix.

Le 7 septembre, M. Lacroix estimait devant le Conseil que, cinq ans après le lancement du programme Action pour le maintien de la paix (A4P) puis d’Action pour le maintien de la paix Plus (A4P+), il existait un consensus mondial en faveur de la poursuite des réformes destinées à accroître la performance des opérations de paix ainsi que la sécurité des Casques bleus.  Le Secrétaire général adjoint décrivait le maintien de la paix comme un effort collectif dont la force dépend de l’unité et du soutien des États Membres, ne cachant pas que les divisions croissantes entre ceux-ci, y compris au sein du Conseil, combinées à la complexité accrue des conflits actuels, représentaient un formidable défi.  Il rappelait aussi que la mise en œuvre des mandats du Conseil de sécurité requiert des ressources adéquates et une volonté politique ferme. 

Certains membres, comme le Mozambique et le Brésil, s’inquiétaient de l’écart entre les mandats de maintien de la paix confiés à certaines missions et leur apport concret sur le terrain.  Ils illustraient les défis fondamentaux auxquels sont confrontées les opérations de maintien de la paix par la clôture de la MINUSMA, exigée par le Mali, et le retrait accéléré en cours de discussion de la MONUSCO en RDC.  La Fédération de Russie voyait plutôt dans ces deux exemples le témoignage d’une prise en compte insuffisante des intérêts des États hôtes et d’un déplacement de l’attention du maintien de la paix vers les droits humains, les questions de genre ou encore le climat.  Suisse, Japon et Équateur appelaient à renforcer les partenariats avec les organisations régionales et sous-régionales, notamment l’Union africaine, afin d’élaborer des opérations de paix dotées d’un financement prévisible, durable et flexible en contrepartie du respect du droit international humanitaire et des droits humains par les opérations menées par ces organisations avec l’autorisation du Conseil. 

Le 14 novembre avait lieu le dialogue interactif annuel du Conseil  avec des commandants de police des Nations Unies, en présence du Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, du Conseiller pour la police des Nations Unies, M. Faisal Shahkar, des chefs de la police des missions de l’ONU en RCA (MINUSCA) et au Soudan du Sud (MINUSS), ainsi que de la Directrice exécutive de la revue Security Council Report, Mme Karin Landgren, qui présentait une analyse de l’action de la police des Nations Unies dans le temps et invitait le Conseil comme l’Assemblée générale à mener un débat de fond sur son rôle dans le cadre de la réflexion sur l’avenir des opérations de paix recommandée par le Secrétaire général dans son Nouvel Agenda pour la paix. 

M. Lacroix expliquait qu’en raison de l’aggravation des conflits et des tensions géopolitiques, y compris au sein du Conseil, les opérations de maintien de la paix, dont le but ultime est de parvenir à des solutions politiques durables aux conflits avec le soutien des États Membres et du Conseil, ne pouvaient plus guère atteindre que des « objectifs intermédiaires », comme la protection des civils, la médiation dans les conflits locaux et le renforcement des institutions.  Ces rôles étant largement dévolus à la police des Nations Unies, celle-ci se trouve confrontée à des attentes élevées de la part des populations, alors que, comme le rappelait M. Shahkar, le succès des opérations de paix demeure aussi tributaire de la confiance entre la mission et l’État hôte, laquelle est « variable ».  Alors que les interventions des membres du Conseil se concentraient sur le renforcement des capacités de la police dans le cadre du retrait progressif des opérations de maintien de la paix -la « transition »-, le recours aux nouvelles technologies et le rôle constructif des policières, M. Lacroix tentait de mettre en avant la nécessité d’une réorganisation permettant de faire face aux « moteurs majeurs » de conflits en pleine évolution, tels que les changements climatiques, la criminalité transfrontalière organisée et le terrorisme mondial.

Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous régionales aux fins du maintien de la paix et de la sécurité internationales 

- 5 séances publiques: 23 février4 mai8 juin12 octobre21 décembre

- 1 résolution: 2719 (2023)

Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales; Opérations de maintien de la paix des Nations Unies; Paix et sécurité en Afrique; Ukraine 

Après avoir, comme les années précédentes, accueilli plusieurs dirigeants d’organisations régionales venus s’exprimer sur la coopération entre leur organe et les Nations Unies, le Conseil de sécurité a adopté, le 21 décembre, une résolution sur le financement des opérations de soutien à la paix menées par l’Union africaine, répondant ainsi à une demande exprimée depuis 2007 par les États africains et soutenue par le Secrétaire général, y compris dans un rapport publié au printemps, mais en imposant un examen au cas par cas des autorisations, soumises à des conditions âprement discutées. 

C’est l’Union européenne (UE) qui intervenait en premier, le 23 février.  Le Haut Représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, déplorait le « déficit de multilatéralisme » au sein des Nations Unies, jusqu’au Conseil de sécurité, et dressait un constat pessimiste pour 2023.  Il y voyait une raison de plus pour l’Union européenne de renforcer son soutien politique et financier aux différents piliers de l’ONU. La contribution de l’UE en matière de maintien ou de consolidation de la paix dans le monde de même que son action humanitaire étaient saluées.  La coopération trilatérale entre l’ONU, l’UE et l’UA était elle aussi jugée fructueuse et exemplaire par les membres africains du Conseil et appuyée par les États-Unis.  C’est toutefois dans le contexte de la guerre en Ukraine que la coopération entre l’UE et l’ONU était le plus évoquée.  Certains membres européens comme l’Albanie citaient la coopération pour lutter contre l’impunité.  Le Ghana saluait les efforts de l’UE pour traiter les conséquences humanitaires du conflit, y compris hors d’Europe.  En revanche, la Fédération de Russie déniait à l’UE la moindre chance de trouver sa place dans un monde multipolaire en l’accusant de n’avoir pas tenu parole sur les valeurs et de s’être convertie à la russophobie des États baltes ou de la Pologne, tout en devenant un « outil obéissant des Américains ». 

La guerre en Ukraine dominait aussi l’exposé annuel devant le Conseil du Président en exercice de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), présenté le 4 mai.  À la tête d’une organisation qui comprend l’ensemble des pays européens, les États issus de l’ex-Union soviétique ainsi que le Canada et les États-Unis, soit 57 États membres, M. Bujar Osmani, Ministre des affaires étrangères de la Macédoine du Nord, mettait en avant le travail sur le terrain de son organisation, y compris dans les régions en proie à des conflits plus ou moins « gelés »: Caucase, Balkans occidentaux, Transnistrie.  Les membres occidentaux du Conseil mettaient l’accent sur le rôle de protection de l’OSCE et ses enquêtes sur les exactions commises par la Russie en Ukraine.  La Suisse prenait note de la « crise » dans laquelle le conflit ukrainien avait plongé l’OSCE, à qui la Fédération de Russie reprochait de s’être progressivement laissée rendre « complice de la ligne occidentale » et d’avoir pris en 2022, « inconditionnellement et docilement », le parti de Kiev.  Elle n’en saluait pas moins le concept « vraiment unique » de sécurité collective, dont la Chine rappelait l’historique et que le Gabon saluait comme une « noble idée ».  Rappelant qu’elle avait présidé à la création de l’organisation, la Fédération de Russie lui accordait une chance de jouer un rôle en développant une plateforme de dialogue et de coexistence pacifique, « tout comme les négociateurs soviétiques, américains et européens l’ont fait au milieu des années 1970 ».

Le 8 juin, le Conseil recevait le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, Ahmed Aboul Gheit, venu prononcer son exposé annuel dans un contexte marqué par plusieurs développements diplomatiques au Moyen-Orient ou en Afrique, deux régions où l’organisation régionale forte de 22 membres joue un rôle important. M. Gheit expliquait notamment comment la Ligue coordonnait ses efforts de médiation avec l’Union africaine pour mettre fin aux affrontements au Soudan.  Il plaidait pour que le conflit ukrainien ne détourne pas l’attention du Conseil d’autres conflits qui martyrisent des millions de personnes et provoquent d’immenses mouvements de déplacés dans la région arabe.  Au nom du Groupe arabe, l’Égypte rappelait que la question de Palestine restait « incontournable pour les nations arabes » et que sa solution supposait la pleine application des résolutions du Conseil de sécurité, que la Fédération de Russie accusait les États-Unis de bloquer.  Président de séance, le Ministre d’État des Émirats arabes unis estimait que la réintégration, trois semaines plus tôt, de la Syrie au sein de la Ligue après douze ans de suspension ouvrait la voie au renforcement du rôle de l’organisation dans la résolution de la crise syrienne, tout en complétant celui de l’ONU.  Le Brésil, le Gabon, l’Équateur, la Chine et la Fédération de Russie parlaient à cet égard d’avancée positive, alors que les États-Unis, la France ou l’Albanie exprimaient clairement leur scepticisme.

Le 12 octobre, c’est la coopération avec l’Union africaine qui était au programme du Conseil, une semaine après la tenue à Addis-Abeba de sa dix-septième Réunion consultative conjointe annuelle avec le Conseil de paix et de sécurité de l’UA, qu’avait suivi un communiqué conjoint mettant en avant la volonté des deux organes de travailler ensemble pour résoudre les problèmes de paix et de sécurité du continent.  Tant le Représentant spécial du Secrétaire général auprès de l’UA que l’Observatrice permanente de l’UA auprès de l’ONU plaidaient une nouvelle fois pour que le Conseil, qui avait déjà examiné la question le 25 mai, adopte une résolution sur le financement par l’ONU des opérations de paix conduites par l’UA qu’il a préalablement autorisées.

Plusieurs membres du Conseil appuyaient cette demande, en premier lieu les A3 mais aussi la France.  Parmi les autres membres permanents, le Royaume-Uni disait son « impatience » à travailler à une résolution-cadre; la Fédération de Russie se disait prête à réfléchir à un modèle de financement viable; la Chine insistait sur la nécessité pour l’ONU de traiter d’égal à égal avec l’UA; et les États-Unis, sans se prononcer, estimaient que l’ONU et ses partenaires régionaux devaient travailler ensemble autour des priorités identifiées par le Secrétaire général.  Gros contributeur au budget de l’ONU, le Japon disait soutenir « en principe » la création d’un tel mécanisme de financement, en partie et au cas par cas. 

C’est le 21 décembre que le Conseil, par sa résolution 2719 (2023), venait répondre à la demande des pays africains en adoptant une résolution-cadre par laquelle il convenait « d’examiner au cas par cas » les demandes de l’UA de financement de ses opérations de paix par des contributions des États Membres. 

Technique, organisée en plusieurs chapitres fixant les conditions d’autorisation, procédures et arrangements financiers ainsi que les cadres de conformité dans lesquels les missions ainsi financées devraient opérer, la résolution présentée par les A3 était adoptée à l’unanimité après que les États-Unis eurent fait voter un amendement prévoyant que le soutien financier par le budget régulier de l’ONU ne pourrait dépasser 75% du budget annuel des opérations concernées, le restant devant être « financé par des ressources extrabudgétaires mobilisées conjointement par l’Union africaine et l’Organisation auprès de la communauté internationale ». L’amendement obtenait juste la majorité requise de 9 voix, avec l’abstention des A3 ainsi que de la Chine, la Fédération de Russie et la France.  Celle-ci jugeait l’amendement « insuffisamment clair » sur les 25% restants, et donc contradictoire avec l’objectif d’assurer des financements « prévisibles ». 

Malgré cette modification de dernière minute, les A3 saluaient l’adoption d’une « résolution historique ». « L’Afrique va enfin pouvoir valablement nourrir des aspirations à la sécurité et à la dignité » grâce à une « prise en charge équitable des menaces à la paix, à la mesure des provisions des Nations Unies, notamment des contributions statutaires de son budget ordinaire », affirmait le Gabon.  « Donner les moyens à l’UA d’agir est un investissement stratégique dans la recherche de la paix et de la sécurité sur le continent », commentaient les Émirats arabes unis.  La Fédération de Russie voyait dans l’adoption une marque de confiance dans le leadership de l’UA pour régler les crises sur le continent.  L’Équateur appelait à une mise en œuvre responsable d’un texte conforme au Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général.

La résolution-cadre ne résolvait toutefois pas toutes les difficultés.  Le Royaume-Uni parlait d’une « avancée » tout en appelant à faire davantage pour que toute opération dirigée par l’UA puisse accéder aux financements dont elle aura besoin, estimant que cela nécessiterait un accord entre l’UA, l’ONU et les autres bailleurs de fonds.  Le Japon rappelait que des modalités plus détaillées devraient être discutées pour chaque autorisation, y compris en matière de partage des charges.  Le Brésil souhaitait que l’accent mis sur le financement des opérations de l’UA ne fasse pas d’ombre à d’autres questions importantes pour l’Afrique en termes de sécurité.  Alors que la résolution précise que l’appui aux opérations de soutien à la paix menées par l’UA sera « fourni conformément à la politique de diligence voulue en matière de droits humains en cas d’appui de l’ONU à des forces de sécurité non onusiennes », la Chine estimait que le financement devrait être le fruit d’une coopération accrue, indépendamment des questions relatives aux droits humains. 

Missions du Conseil de sécurité

- 1 séance publique: 29 mars 

Le Conseil de sécurité a effectué en 2023 une seule mission, en République démocratique du Congo.  La séance de compte rendu est traitée sous ce pays. 

NON-PROLIFÉRATION

Non-prolifération – armes de destruction massive

Voir aussi: Non-prolifération Iran; Non-prolifération RPDC; Menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme; Organes subsidiaires

Le mandat du Comité 1540, chargé de veiller à la non-prolifération des armes de destruction massive par les acteurs non étatiques, avait été prorogé de dix ans, le 30 novembre 2022, par la résolution 2663 (2022), adoptée à l’unanimité.  Le Président du Comité, l’Ambassadeur de l’Équateur, s’en félicitait le 23 mars tout en rappelant que l’application intégrale de la résolution 1540 (2004), « pilier majeur de l’architecture internationale de non-prolifération », restait « une œuvre de longue haleine, même si des progrès tangibles ont été accomplis ». 

Si les délégations se félicitaient notamment de la prorogation de dix ans qui permettait, selon les Émirats arabes unis, d’« élargir l’horizon » du Comité et du Conseil, des désaccords apparaissaient sur le rôle du Groupe d’experts chargé d’assister le Comité. Les États-Unis jugeaient essentiel de préciser ses responsabilités et les Émirats arabes unis souhaitaient « une plus grande rationalisation des processus décisionnels du Comité concernant les tâches assignées au Groupe d’experts.  La France estimait que le Groupe devait disposer d’un mandat lui permettant de proposer, sur la base du volontariat des États, son assistance quand cela est nécessaire.  La question était de nouveau abordée le 15 novembre, dans le cadre des exposés des présidents des comités des sanctions liés aux questions de terrorisme, car la non-validation par un des membres du Conseil des nominations au sein du Groupe d’experts du Comité 1540 limitait les activités de celui-ci. 

Non-prolifération – Iran 

- 2 séances publiques: 6 juillet18 décembre

Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales; Ukraine; Yémen

Le Conseil de sécurité a continué d’examiner la mise en œuvre de la résolution 2231 (2015) approuvant le Plan d’action global commun sur le programme nucléaire iranien (PAGC), lors de séances d’information semestrielles, en juillet et décembre. 

Comme le remarquait le 6 juillet le représentant de l’Union européenne, malgré les propositions de l’UE présentées en juillet 2022 pour faire revenir les États-Unis dans le PAGC et obtenir de l’Iran la reprise de la pleine mise en œuvre des engagements, suspendue après le retrait américain, « il n’a pas été possible de parvenir à un accord à ce moment-là et, depuis lors, un environnement propice au rétablissement de l’accord a malheureusement fait défaut ». 

Ces propos restaient valables le 18 décembre, alors que l’UE et plusieurs États Membres s’inquiétaient de la détérioration des relations entre l’Iran et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui avait signalé que le programme nucléaire iranien s’écartait gravement des engagements pris dans le cadre du PAGC, y compris avec une augmentation continue des stocks d’uranium hautement enrichi, inutiles pour un programme civil. 

L’UE rappelait à chaque fois que son texte de compromis de 2022 était toujours sur la table comme point de départ potentiel de tout nouvel effort visant à remettre le PAGC sur les rails.  L’Iran réaffirmait de son côté que ses propres mesures étaient réversibles et dépendaient de la levée des sanctions, ajoutant qu’il était disposé à reprendre les négociations dès lors que les autres parties en auraient exprimé le souhait.  France et Royaume-Uni lui reprochaient d’avoir refusé des textes « viables ».  Autre partie au PAGC, la Fédération de Russie exhortait à chaque fois les États-Unis à revenir au Plan et à mettre fin à ses sanctions unilatérales.  Celles-ci, reconnaissait l’Union européenne en décembre, ont porté un coup considérable à l’économie de l’Iran, avant de rappeler qu’elle avait quant à elle levé ses propres sanctions à la date prévue par le Plan et n’y était jamais revenue. 

Les deux séances étaient également marquées par les accusations occidentales de livraison par l’Iran de drones à la Fédération de Russie dans le cadre de la guerre en Ukraine, ainsi que de drones et de missiles balistiques aux houthistes du Yémen, en violation de la résolution 2231 (2015).  Fédération de Russie et Iran démentaient à chaque fois. 

Non-prolifération - République populaire démocratique de Corée (RPDC) 

- 9 séances publiques: 20 février, 20 mars, 23 mars17 avril, 2 juin13 juillet, 25 août27 novembre, 19 décembre 

- 1 résolution: 2680 (2023)

Après la rupture en 2022 du consensus formel établi depuis 2017 au Conseil de sécurité concernant les sanctions à l’égard de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), les divisions se sont confirmées entre Fédération de Russie et Chine d’un côté, Japon et membres occidentaux du Conseil de l’autre.  Le blocage qui en a résulté, alors que la RPDC poursuivait ses essais de missiles balistiques et son programme nucléaire, a suscité un sentiment de lassitude croissant chez plusieurs membres élus du Conseil.  L’année a aussi été marquée par la reprise de la participation de la RPDC aux séances du Conseil à partir de juillet, après cinq ans et demi d’absence. 

La première séance que le Conseil consacrait à la question, le 20 février, donnait le ton de toute l’année à venir.  Deux jours après un exercice de lancement de missiles balistiques intercontinentaux, le Secrétariat, représenté par le Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, M. Mohamed Khaled Khiari, rappelait que ces tirs étaient effectués en violation des résolutions du Conseil et appelait à une « approche globale » du problème, ajoutant que la diplomatie, et non l’isolement, était la seule voie à suivre pour traiter de la non-prolifération nucléaire dans la péninsule coréenne.  Les membres africains et latino-américains du Conseil suivaient la ligne du Secrétariat, condamnant les tirs et appelant à trouver une solution politique permettant à la fois de retrouver l’unité du Conseil et d’atteindre l’objectif d’une péninsule de Corée paisible, stable et exempte d’armes nucléaires. 

Les membres occidentaux et le Japon insistaient surtout sur la mise en œuvre des résolutions du Conseil, y compris la pleine application des très dures sanctions prises en 2017 dans le cadre d’un train de résolutions adoptées à l’unanimité.  Ils dénonçaient les « provocations » permanentes de Pyongyang, qu’ils jugeaient enhardi par l’absence de réaction du Conseil, « étouffé par deux de ses membres permanents », comme le déploraient les États-Unis.  Ceux-ci annonçaient la préparation d’un projet de déclaration présidentielle pour fermement condamner les activités de la RPDC et l’encourager à dialoguer, auquel le Royaume-Uni apportait son soutien. 

La Fédération de Russie dénonçait au contraire une volonté de contraindre unilatéralement la RPDC au désarmement à l’aide de sanctions et de pressions dans le cadre du concept de « dissuasion élargie » des États-Unis, qu’elle illustrait par les manœuvres militaires conjointes menées dans la région par la République de Corée et les États-Unis, présentées à leur tour comme des provocations.  Dans le même sens, la Chine appelait à se concentrer sur la sécurité de la péninsule et rappelait que les résolutions du Conseil prévoyaient non seulement des sanctions, mais également la reprise des pourparlers. Les deux pays rappelaient qu’ils avaient élaboré un plan d’action pour un règlement global de la situation dans la péninsule.

De nouveaux essais de missiles nord-coréens amenaient une nouvelle séance le 20 mars, lors de laquelle les mêmes arguments étaient opposés.  Chine et Fédération de Russie rejetaient ouvertement la proposition américaine de déclaration présidentielle et invitaient les États-Unis à accueillir favorablement leur projet de résolution « politico-humanitaire » conjoint.  Les États-Unis le rejetaient, estimant qu’il ne ferait que « récompenser la RPDC pour son inaction absolue, y compris sur le plan humanitaire ». 

C’est toutefois à l’unanimité que, le 23 mars, le Conseil adoptait la résolution 2680 (2023), qui prorogeait jusqu’au 30 avril 2024 le mandat du Groupe d’experts du Comité des sanctions concernant la RPDC.  Reprenant le libellé des résolutions des trois années précédentes, le texte ne mentionnait nulle part directement la RPDC mais énumérait les différentes résolutions relatives au pays, en particulier la résolution 1718 (2006), à l’origine du premier régime de sanctions et du Comité chargé d’en suivre la mise en œuvre, et la résolution 1874 (2009), qui a créé le Groupe d’experts.  Le texte adopté faisait en outre référence à la résolution 2664 (2022), relative aux exemptions humanitaires aux sanctions.  La Chine expliquait avoir voté pour ce renouvellement technique par le fait qu’il plaide pour une application intégrale de toutes les résolutions adoptées, tout en se disant inquiète des conséquences humanitaires des sanctions.  La Fédération de Russie adoptait la même attitude.

Le 17 avril, le Conseil se réunissait une nouvelle fois, quatre jours après le tir par la RPDC d’un nouveau type de missile intercontinental considéré comme le témoignage de l’avancée continue du programme nucléaire nord-coréen.  Face à l’opposition entre Russes et Chinois d’un côté, Japon et Occidentaux de l’autre, le Brésil faisait observer aux partisans d’un renforcement des sanctions qu’il serait sans doute insuffisant à lui seul pour changer la donne, puisque la RPDC avait démontré sa capacité à opérer sous les sanctions les plus lourdes afin de poursuivre un programme nucléaire qu’elle considère, « à tort ou à raison, comme une question existentielle ».  Il préconisait donc une approche replaçant les sanctions, légitimes, dans un cadre plus vaste comprenant un processus politique susceptible d’atténuer les tensions et d’avancer vers une solution globale du dossier. 

Le 2 juin, c’est cette fois le lancement –manqué– d’un satellite militaire par la RPDC, trois jours plus tôt, qui provoquait une nouvelle séance du Conseil.  La Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, déclarait que si la RPDC avait, comme tout autre État, le droit de mettre sur orbite un satellite et de tirer profit des activités spatiales, les résolutions du Conseil lui interdisent expressément de procéder à des lancements utilisant la technologie des missiles balistiques.  Elle rappelait que la RPDC avait déjà procédé à un lancement similaire le 7 février 2016 et que le Conseil l’avait alors condamné, en même temps qu’un essai nucléaire effectué un mois plus tôt, et avait imposé de nouvelles sanctions en adoptant la résolution 2270 (2016). « Peu importe si c’était un satellite, ou si le lancement a échoué, il s’agit d’une nouvelle violation des résolutions de ce Conseil », déclarait le Japon.  De fait, les membres du Conseil s’opposaient les mêmes arguments que pour les tirs précédents de missiles.

Convoquée au lendemain d’un nouveau tir de missile –le vingtième depuis le début de l’année, et le quatrième d’un missile de portée intercontinentale–, la séance du 13 juillet voyait le Secrétariat hausser le ton face à la division et l’impuissance du Conseil de sécurité.  Mais c’est surtout la participation, pour la première fois depuis le 15 décembre 2017, du représentant de la RPDC qui était remarquée.  Si celui-ci condamnait la réunion comme une atteinte au droit légitime de son pays à l’autodéfense face à des mouvements militaires dangereux de forces hostiles, le Royaume-Uni et les États-Unis voulaient y voir le signe que la RPDC était « disposée à s’engager dans un véritable processus diplomatique sans condition préalable ».  Le représentant américain ajoutait toutefois que, dans le cas inverse, le Conseil devrait se montrer uni, comme il l’avait fait en 2017, ce qui, rappelait-il, avait permis d’empêcher la RPDC de procéder à un nouveau tir de missile balistique intercontinental pendant cinq ans.  Il reprochait donc une nouvelle fois à la Russie et la Chine d’empêcher le Conseil de s’exprimer d’une seule voix.  Se disant consciente des tensions, la Chine appelait à la prise de mesures de confiance et encourageait une nouvelle fois le Conseil à examiner le projet de résolution sino-russe. 

La RPDC participait également aux trois autres séances que le Conseil tiendrait durant l’année sur le sujet, d’abord le 25 août, au lendemain d’une nouvelle tentative infructueuse de mise sur orbite d’un satellite militaire par ce pays, puis le 27 novembre, après cette fois un lancement réussi, et enfin le 19 décembre, après le cinquième tir de l’année d’un missile intercontinental.  Elle réitérait son droit à l’autodéfense et ironisait sur la condamnation du recours à un missile balistique, demandant si les États-Unis lançaient leurs propres satellites « avec des montgolfières ou une catapulte ».  Face aux condamnations réitérées du Japon, des États-Unis et de nombreux autres membres du Conseil, la Chine accusait en août des décennies de politique « hostile » des États-Unis d’avoir plongé Pyongyang dans un sentiment permanent d’insécurité.  « La poursuite des discussions du Conseil sur cette question est inutile tant que les États-Unis n’envisagent pas de tendre la main à Pyongyang dans le cadre d’un dialogue basé sur le respect », déclarait en novembre la Fédération de Russie.  En décembre, elle ajoutait que « se contenter de simplement évoquer ces problèmes au sein du Conseil est insuffisant ». 

Les blocages lassaient les autres membres.  Le Brésil appelait ainsi le Conseil à faire plus « sans faire toujours la même chose » à chaque nouveau lancement.  Face à une montée de la polarisation politique du dossier, qu’il dénonçait, le Ghana exhortait la communauté internationale à mettre en œuvre un engagement à long terme avec la RPDC dans le cadre d’un accord-cadre multilatéral.

JUSTICE INTERNATIONALE

Élection à la Cour internationale de Justice (CIJ) 

- 1 séance publique: 9 novembre

Le 9 novembre, le Conseil et l’Assemblée générale procédaient à l’élection quinquennale de cinq juges à la CIJ. Neuf candidats se présentaient, dont deux à leur réélection: Mme Hilary Charlesworth, de l’Australie, et M. Kirill Gevorgian, de la Fédération de Russie.

Il fallait au Conseil cinq tours de scrutin pour sélectionner les cinq élus, plus de cinq candidats ayant obtenu la majorité absolue de 8 voix lors des quatre premiers tours.  À l’issue du cinquième tour, le Conseil élisait M. Bogdan Lucian Aurescu, de la Roumanie (9 voix); Mme Hilary Charlesworth, de l’Australie (9 voix); Mme Sarah Hull Cleveland, des États-Unis (12 voix); M. Juan Manuel Gómez Robledo Verduzco, du Mexique (13 voix); et M. Dire Tladi, de l’Afrique du Sud (10 voix), lesquels avaient été parallèlement choisis dès le premier tour par l’Assemblée générale.

Non réélu, M. Gevorgian était appelé à quitter son poste le 6 février, en même temps que M. Mohamed Bennouna (Maroc), Mme Joan E.  Donoghue (États-Unis), et M. Patrick Lipton Robinson (Jamaïque), qui ne se représentaient pas.  Ce serait la première fois depuis sa création en 1946 que le CIJ ne compterait pas de juge russe.

Cour pénale internationale (CPI) 

Les exposés du Procureur de la CPI devant le Conseil sont traités sous la rubrique des pays concernés.  Voir: Soudan, Libye 

Le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux

- 2 séances publiques: 12 juin, 12 décembre 

Voir aussi: Bosnie-Herzégovine; Kosovo

Le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux a été créé en 2010 pour assumer un certain nombre de fonctions après la fermeture du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et de celui pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), qui ont cessé leurs fonctions respectivement fin 2015 et fin 2017.  Créé pour une période initiale de quatre ans, il est reconduit depuis lors pour des périodes de deux ans « sauf décision contraire du Conseil de sécurité », à l’issue d’un examen, dont le prochain est prévu en 2024. 

Le Conseil a tenu, comme chaque année, deux débats semestriels, lors desquels il a entendu la Présidente du Mécanisme, la juge Graciela Susana Gatti, et le Procureur, M. Serge Brammertz, et auxquels ont participé les représentants des États directement concernés: Bosnie-Herzégovine, Croatie et Serbie pour les activités issues du TPIY, Rwanda pour celles venues du TPIR.  En décembre, le Conseil était en outre saisi du rapport annuel du Mécanisme. 

L’année 2023 a marqué un tournant pour le Mécanisme, avec la conclusion de sa dernière affaire liée au TPIY.  Le 12 juin, la juge Gatti déclarait au Conseil que les procédures en salle d’audience étaient pratiquement terminées, puisque les juges ne devaient plus se prononcer que sur une affaire en rapport avec les crimes principaux commis au Rwanda, celle mettant en cause Félicien Kabuga.  La dernière affaire transmise au titre du TPIY venait de trouver sa conclusion, 30 ans après la création ce celui-ci.  La Présidente indiquait que le Mécanisme allait pouvoir entamer « une nouvelle phase » de ses activités, avec des responsabilités quotidiennes effectives qui correspondraient davantage à son nom et à sa vocation.  Le 12 décembre, la Présidente du Mécanisme expliquait qu’elle avait présenté, la veille, au Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux, un projet de « cadre d’action pour mener à bien » les différentes fonctions du Mécanisme et démontrer qu’une institution « aux ressources limitées peut continuer à fonctionner dans le respect des normes d’exécution les plus rigoureuses ».

Lors des deux séances, la majorité des membres du Conseil saluaient les travaux du Mécanisme et les décisions prises, en mettant l’accent, à l’instar de la Présidente, sur la contribution des tribunaux et du Mécanisme à la justice internationale.  L’exception venait comme à l’accoutumée de la Fédération de Russie, qui accusait en juin le Mécanisme d’avoir « inventé une autre façon de prolonger son existence » alors que son « panier judiciaire est vide » et ajoutait en décembre qu’on ne pouvait « expliquer rationnellement pourquoi un tribunal ad hoc existe depuis si longtemps ». 

En juin, la Présidente attirait aussi l’attention du Conseil sur plusieurs domaines.  Elle faisait remarquer que la charge concernant l’exécution des peines prononcées était très inégalement répartie entre les États Membres et que certains États ayant accueilli des condamnés à des peines longues avaient dû les renvoyer au quartier pénitentiaire des Nations Unies à La Haye. Elle rappelait les difficultés liées à des personnes acquittées ou libérées réinstallées au Niger en décembre 2021, qui se trouvaient de fait assignées à résidence, une question qui préoccupait aussi le Mozambique. 

Mais ce sont surtout les « tentatives inlassables » pour remettre en cause le travail des tribunaux et du Mécanisme qui préoccupaient le plus ses responsables, confrontés au déni de génocide, à la glorification de criminels de guerre et à des tentatives visant à réécrire l’histoire, en particulier dans les Balkans.  Alors que les pays occidentaux s’en alarmaient, y compris lors des séances du Conseil consacrées à la Bosnie-Herzégovine, la Fédération de Russie en voyait l’explication dans « la partialité des décisions du TPIY et du Mécanisme », en soulignant, à propos des Balkans, que la grande majorité des personnes condamnées étaient des Serbes, alors que les représentants d’autres parties au conflit étaient peu condamnés.  Les séances donnaient également lieu à des échanges de critiques entre les trois délégations balkaniques participantes. 

AUTRES QUESTIONS THEMATIQUES

Exposés indépendants de hauts responsables des Nations Unies 

- 1 séance publique: 31 octobre

Le 31 octobre, le Conseil de sécurité entendait l’exposé annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Filippo Grandi, qui faisait état d’un nouveau record du nombre de réfugiés et déplacés internes du fait de conflits dans le monde, estimé à 114 millions, et parlait de perspectives « sombres » pour 2024.  M. Grandi, qui réclamait 600 millions de dollars avant la fin de l’année pour son organisation, rappelait que toutes les agences humanitaires étaient confrontées à la même crise financière.  Il attribuait celle-ci à l’augmentation constante des besoins, due à celles des conflits, mais aussi au fait que « le non-respect des règles fondamentales de la guerre, c’est-à-dire le droit international humanitaire, devient de plus en plus la norme et non l’exception »; et à la réduction du nombre de grands donateurs ainsi qu’à l’absence de soutien de la part de certains pays qui en auraient les moyens.  Le Haut-Commissaire constatait qu’on « demande aux travailleurs humanitaires de recoller les morceaux », de « tenir plus longtemps et de faire tenir plus de choses », tout en consacrant « peu de capital politique à faire la paix ».  Il rappelait au Conseil que les acteurs humanitaires avaient besoin, pour régler chaque crise, « non pas de “ses” voix, mais de “sa” voix, une voix forte et unie, porteuse de l’autorité que la Charte lui confère, mais que le monde n’entend plus car elle est noyée dans les rivalités et les divisions ».  « Les choix que les 15 membres du Conseil feront ou ne feront pas nous marqueront tous, et ce, pour les générations à venir », avertissait-il. 

La réponse du Conseil n’était pas univoque. Les États gros donateurs en son sein -États-Unis, Royaume-Uni, Japon, France…- mettaient l’accent sur l’importance de leurs contributions.  La Chine invitait les pays développés à respecter leurs engagements financiers et à éviter toute sélectivité et politisation de l’aide.  La Fédération de Russie affirmait vouloir contribuer au financement du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) mais avoir des difficultés à transférer ses fonds sur fait de sanctions unilatérales, mettait l’accent sur le retour des réfugiés syriens, et accusait les Européens de condamner à mort les réfugiés en Méditerranée en les repoussant afin de « préserver son “jardin fleuri” des visiteurs venant de la jungle ».  Les Émirats arabes unis mettaient l’accent sur le sort de la population de Gaza et des Rohingya du Myanmar, alors que le Gabon annonçait une contribution au HCR pour aider les personnes déplacées par le conflit au Soudan.  Les membres du Conseil se retrouvaient toutefois pour apporter leur soutien au deuxième Forum global sur les réfugiés prévu en décembre à Genève, en souhaitant qu’il ouvre la voie à une nouvelle coalition en faveur des réfugiés, qui regrouperait les États mais aussi le secteur privé et d’autres acteurs.

Protection des civils en période de conflit armé

- 1 séance publique: 23 mai

Voir aussi: Maintien de la paix et de la sécurité internationales

Tenu le 23 mai, le débat annuel de haut niveau du Conseil de sécurité sur la protection des civils en période de conflit armé était consacré par la présidence suisse aux moyens de « garantir la sécurité et la dignité des civils dans les conflits: agir contre l’insécurité alimentaire et protéger les services essentiels ». Plus de 80 délégations y prenaient la parole à la suite, notamment, du Secrétaire général et de la Présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Mme Mirjana Spoljaric Egger.  Celle-ci rappelait que le nombre de conflits armés, internationaux ou non, est passé en 20 ans de moins de 30 à plus de 90 et qu’ils ont tendance à se prolonger, entraînant des souffrances incessantes, encore aggravées par les chocs climatiques, l’insécurité alimentaire et les difficultés économiques.  La hausse mondiale des prix des denrées alimentaires, de l’énergie et des engrais à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, aux dépens surtout des populations les plus pauvres, était citée en exemple par M. Guterres, qui réclamait aussi une volonté politique beaucoup plus forte de la part de toutes les parties à un conflit armé pour renforcer la protection des civils.  Il appelait à consolider le respect du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme, appuyé en particulier par le Président de la Suisse, pays dépositaire des Conventions de Genève et siège du CICR.  Le débat portait aussi sur le rôle des femmes dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et sur les conséquences humanitaires des sanctions.  À cet égard, plusieurs délégations se félicitaient de l’adoption, en décembre 2022, de la résolution 2664 (2022), qui prévoit une exemption humanitaire pour tous les régimes de sanctions imposés par le Conseil de sécurité.

Le sort des enfants en temps de conflit armé

- 2 séances publiques: 13 février5 juillet 

Le 13 février, à l’invitation de sa présidence maltaise, le Conseil se penchait sur la prévention des violations graves des droits des enfants dans les conflits armés.  La Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de cette question, Mme Virginia Gamba, dénonçait le nombre « scandaleusement élevé » de violations -24 000- recensées en 2021.  Plusieurs membres du Conseil, comme la Suisse ou le Japon, rappelaient l’importance de l’éducation pour les enfants, y compris en période de conflit armé. Certains, comme la France, faisaient valoir que la prévention de ces violations résidait aussi dans le respect des engagements pris et rappelaient l’importance du cadre normatif existant. Le Brésil mettait en avant la responsabilisation pour les crimes commis comme moyen de dissuasion.  Beaucoup rappelaient la Déclaration sur la sécurité dans les écoles de 2015.  Le sort des enfants dans divers conflits actuels était évoqué, notamment au Yémen, en Afghanistan ou encore en Ukraine, occasion de nouvelles accusations respectives entre Fédération de Russie et membres occidentaux du Conseil.

Le 5 juillet, c’est le rapport du Secrétaire général portant sur l’année 2022 que présentait Mme Gamba, à l’occasion du débat annuel du Conseil de sécurité sur le sujet, auquel participaient quelque 75 délégations.  Mme Gamba déplorait en particulier que les forces gouvernementales de plusieurs pays soient les principaux responsables des 27 180 violations graves contre les enfants recensées dans le rapport, lequel faisait état de cinq nouvelles situations préoccupantes, ajoutées au mandat de la Représentante spéciale: l’Éthiopie, Haïti, le Mozambique, le Niger et l’Ukraine. 

C’est en particulier l’ajout de la Fédération de Russie à l’annexe 2 du rapport, au rang des « parties qui commettent des violations graves sur la personne d’enfants dans des situations de conflit armé dont le Conseil de sécurité n’est pas saisi, ou dans d’autres situations », qui était relevé par les délégations.  Le Royaume-Uni faisait observer que c’était la première fois qu’un membre permanent du Conseil y était répertorié et les États-Unis accusaient la Russie d’avoir commis en Ukraine des crimes contre l’humanité, y compris contre des enfants.  La Fédération de Russie dénonçait une exploitation « cynique » de la situation et une « vile campagne » lancée par les médias occidentaux, s’étonnant que « même le Secrétaire général » y contribue. Elle dénonçait pour sa part les crimes perpétrés par le « régime de Kiev » au Donbass depuis 2014, y compris contre des enfants.  Pour la Chine, les violations commises en Haïti n’étaient pas suffisamment prises en compte dans le rapport. 

Plusieurs délégations mettaient l’accent sur les plans d’action ou engagements communs avec l’ONU signés par des parties en conflit, étatiques ou non, pour protéger les enfants, citant celui conclu en 2022 avec les houthistes au Yémen.  Le Directeur exécutif adjoint de l’UNICEF saluait de tels engagements mais se disait déçu par le manque de progrès du Groupe de travail pertinent du Conseil de sécurité relativement à l’adoption des conclusions des rapports de pays, dont plusieurs restaient bloqués faute de consensus.  Présidente dudit groupe de travail, Malte appelait les autres membres à intensifier leurs efforts pour parvenir à un tel consensus.  Au nom du Groupe des Amis des enfants touchés par les conflits armés, le Canada demandait instamment que les opérations de paix de l’ONU soutiennent la pleine mise en œuvre des mandats de protection de l’enfance. De nombreux appels étaient en outre lancés en faveur d’un endossement universel des Principes et Engagements de Paris et de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles.  La France soutenait l’appel de Mme Gamba pour doter de ressources suffisantes le mécanisme de surveillance et de communication, afin que le Secrétaire général puisse dresser une « liste d’infamie complète et objective ».

Les femmes et la paix et la sécurité

- 3 séances publiques: 7 mars14 juillet25 octobre (reprise le 26 octobre)

Voir aussi: Afghanistan; Somalie; République centrafricaine; Organes subsidiaires du Conseil de sécurité; Armes légères et de petit calibre (ALPC)

En 2023, une majorité des membres du Conseil de sécurité -Albanie, Brésil, Émirats arabes unis, Équateur, France, Gabon, Japon, Malte, Royaume-Uni et Suisse- étaient signataires de la Déclaration d’engagements communs du 1er décembre 2021 visant à faire une priorité du thème des « femmes et la paix et la sécurité » à l’occasion de leur présidence mensuelle, soit par la tenue d’un « débat signature » thématique consacré à cette question, soit par l’examen d’une situation de pays sous cet angle, ce qui serait le cas d’une séance sur la Somalie sous la présidence de Malte en février, d’une séance relative à la République centrafricaine sous celle des Émirats arabes unis en juin et, pour partie, du débat organisé en décembre par l’Équateur sur la question des armes légères et de petit calibre .  En outre, à la demande de Malte et des Émirats arabes unis, la Chine a convoqué, le 22 novembre, une séance d’information portant sur l’impact disproportionné de la guerre entre Israël et le Hamas sur les femmes et les enfants de Gaza, auquel a participé notamment la Directrice exécutive d’ONU-Femmes. 

Un premier débat était organisé le 7 mars –veille de la Journée internationale des femmes– par la présidence mozambicaine sur le thème: « Vers le vingt-cinquième anniversaire de la résolution 1325 (2000) ».  Ouvert à tous les États Membres, le débat attirait quelque 90 délégations, dont une trentaine représentée par des ministres, et était marqué par les interventions de la Secrétaire générale adjointe et Directrice exécutive d’ONU-Femmes, Sima Bahous, et de la Présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Mirjana Spoljaric, devenue en octobre 2022 la première femme à diriger l’organisation.  Celle-ci rappelait que les femmes restaient toujours très minoritaires à la table des négociations de paix, où elles ne devraient en outre pas figurer seulement pour « remplir des quotas », mais pour obtenir « le pouvoir de représenter leur communauté ».  Pour remédier à cette situation, Mme Bahous préconisait diverses « mesures exceptionnelles », dont le recours à des quotas, avec « des conséquences » en cas de non-respect.  Elle appelait aussi à financer davantage le Fonds pour les femmes, la paix et l’action humanitaire, « le meilleur outil dont nous disposons »

Les délégations intervenantes s’attachaient à présenter leurs propres réalisations en faveur de la participation des femmes ou à demander à la communauté internationale, aux organisations régionales et aux bailleurs de fonds des engagements plus concrets, notamment financiers, sans lesquels, affirmait la prix Nobel de la paix Leymah Gbowee, le programme pour les femmes et la paix et la sécurité est « comme un chien sans dents: un bel outil, mais inefficace ».  Les revers de la participation des femmes étaient illustrés en particulier par la situation en Afghanistan.  En outre, plusieurs délégations occidentales ne manquaient pas de dénoncer la Fédération de Russie, accusée de s’en « prendre de plus en plus aux femmes et aux filles en utilisant la violence sexuelle comme tactique de guerre » en Ukraine.  À l’opposé, la Colombie rappelait que l’accord de paix signé entre le Gouvernement et la rébellion des FARC-EP avait été le « premier accord de paix sensible au genre au monde », ajoutant que la préparation en cours de son tout premier plan d’action basé sur la résolution 1325 suscitait « une explosion de participation ». 

Le 14 juillet, quelque 70 délégations participaient au débat annuel du Conseil sur les violences sexuelles liées aux conflits, orienté par la présidence britannique sur « l’application des résolutions du Conseil de sécurité ».  Se fondant sur le rapport annuel du Secrétaire général sur la question, sa Représentante spéciale, Mme Pramila Patten, dénonçait « l’effet enhardissant » de l’impunité et du laxisme de certains États ou parties, accusés de partir du principe que le viol est « gratuit » voire rentable dans l’économie politique de la guerre.  Parmi les 49 parties citées dans le rapport comme commettant des violences sexuelles liées aux conflits figuraient plusieurs pays, comme la RDC –où se trouvent les plus nombreux cas vérifiés d’exactions–, l’Éthiopie, Haïti, le Soudan du Sud, mais aussi l’Ukraine, du fait de violences sexuelles commises par les forces armées russes ou groupes armés affiliés.  De nombreuses délégations, en particulier occidentales, dénonçaient les exactions russes en insistant sur le fait que c’était la première fois qu’un État Membre permanent du Conseil de sécurité était placé sur la liste d’infamie du rapport.  La Fédération de Russie niait avec vigueur, après avoir en début de séance protesté contre la présence de la Représentante spéciale, accusée de véhiculer de fausses informations sans preuves et d’abuser de son statut.  Par ailleurs, plusieurs intervenants saluaient le déploiement des conseillers à la protection des femmes dans le cadre des missions de maintien de la paix. 

Le grand débat annuel sur la question attirait quelque 95 délégations sur deux jours, les 25 et 26 octobre, et était placé par la présidence brésilienne sous l’angle de « la participation des femmes dans le domaine de la paix et de la sécurité internationales: de la théorie à la pratique ». Malgré l’existence d’un cadre normatif et juridique solide pour garantir la participation pleine et entière des femmes dans les processus de paix, celle-ci est loin d’être acquise dans « notre monde et notre culture dominés par les hommes », déclarait le Secrétaire général qui, comme la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, multipliait les exemples et les statistiques, rappelant en particulier qu’en 2022, un seul des 18 accords de paix conclus avait été signé par une représentante d’un groupe ou d’une organisation de femmes.  L’ambition originelle de la résolution phare 1325 (2000) du Conseil n’a pas été réalisée, résumait le Ministre des affaires étrangères du Brésil, alors que la Colombie faisait figure d’exception remarquable.  Diverses bonnes pratiques internationales ou régionales étaient évoquées, comme les point focaux « Femmes, paix et sécurité » ou les réseaux de médiatrices, alors que nombre de délégations vantaient leurs propres progrès dans la participation des femmes à la vie publique et civile nationale, notamment grâce à la mise en application de leurs programmes d’action nationaux respectifs basés sur la résolution 1325. 

Exposés des présidents des organes subsidiaires du Conseil de sécurité

- 2 séances publiques: 15 novembre14 décembre

Voir aussi: Non-prolifération des armes de destruction massive; Menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme; Les femmes et la paix et la sécurité; tous les pays pour lesquels il existe un comité des sanctions du Conseil de sécurité

Les séances consacrées au Comité 1540 seul sont traitées sous Non-prolifération des armes de destruction massive.  Les exposés concernant un comité des sanctions spécifique à un pays précis sont traités sous le pays concerné. 

Le 15 novembre, le Conseil entendait les présidents des comités des sanctions liés aux questions de terrorisme: le Comité 1267/1989/2253, chargé de superviser les sanctions ciblées relatives à l’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech), à Al-Qaida et aux individus, groupes, entreprises et entités y associés; le Comité 1373, relatif à la lutte contre le terrorisme; et le Comité 1540, concernant la lutte contre la dissémination d’armes de destruction massive à des entités non étatiques.  Les présidents détaillaient les travaux menés au cours de l’année écoulée et des activités de coopération entre ces trois organes subsidiaires du Conseil.  Face à une menace terroriste toujours en évolution, les membres du Conseil rappelaient l’importance de la lutte et de la coordination des différents comités.  Plusieurs délégations abordaient la situation particulière du Comité 1540, contraint de renoncer à participer à des activités en raison d’un groupe d’experts réduit à trois membres au lieu de neuf, du fait, déplorait le Royaume-Uni, de « l’obstructionnisme d’un seul » membre du Conseil.  La Fédération de Russie répliquait qu’il était superflu et contre-productif de rechercher une synergie entre le Comité 1540 et les autres, ce comité n’ayant selon elle pas « le mandat ni le potentiel technique » pour mener des activités de détection de la menace terroriste et encore moins d’y réagir. 

Le 14 décembre, le Conseil entendait les présidents d’organes subsidiaires dont les pays allaient quitter le Conseil de sécurité en fin d’année –à savoir les ambassadeurs d’Albanie, des Émirats arabes unis, du Gabon et du Ghana– qui dirigeaient au total sept comités de sanctions et deux autres organes subsidiaires.  Les quatre présidents faisaient état de progrès dans les travaux de différents organes.  Le représentant du Ghana, en tant que Président du Comité 2127 concernant la République centrafricaine (RCA), disait toutefois sa déception face à la suspension, toujours en cours à la demande d’un membre du Conseil, de cinq experts devant rejoindre le Groupe d’experts du Comité, ce qui empêchait ce denier de remplir son mandat.  Par ailleurs, les représentants de l’Albanie, du Ghana et du Gabon déploraient que l’absence de consensus entre les membres des comités –qui sont les membres du Conseil de sécurité– aient empêché les comités relatifs au Yémen, à la RCA et au Soudan du Sud d’entendre un exposé oral de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Pramila Patten. 

Armes légères et de petit calibre (ALPC)

- 1 séance publique: 15 décembre 

Voir aussi: Menaces contre la paix et la sécurité internationales; Les femmes et la paix et la sécurité; Haïti

Le 15 décembre, le Conseil examinait le rapport biennal du Secrétaire général sur les armes légères et de petit calibre (ALPC) à l’occasion d’un débat public organisé par sa présidence équatorienne sur le thème « Lutter contre la menace que le détournement, le trafic et l’utilisation abusive des armes légères et de petit calibre et de leurs munitions font peser sur la paix et la sécurité », auquel participaient une soixantaine de délégations.  La Haute-Représentante pour les affaires de désarmement rappelait que ces armes avaient causé en 2021, la mort de 260 000 personnes, soit 45% de toutes les morts violentes de l’année dans le monde.  Reprenant les propositions du Nouvel Agenda pour la paix, Mme Nakamitsu encourageait les États à poursuivre l’intégration de dispositions sur les ALPC dans les résolutions du Conseil portant sur les pays inscrits à son ordre du jour et dans les mandats de protection des civils et de prévention des conflits des opérations de paix. 

Toutefois, les appels du Secrétaire général et de l’Équateur à lier davantage la thématique « femmes, paix et sécurité » à celle des ALPC, ainsi que l’accent mis sur la question des embargos du Conseil sur les armes, suscitaient des divisions.  La Fédération de Russie estimait que la question relevait essentiellement du Programme d’action de l’ONU contre les ALPC et que les questions liées aux embargos sur les armes devaient être traitées par les comités compétents du Conseil en fonction des situations nationales.  En revanche, États-Unis, France, Malte ou Équateur se félicitaient du lien établi dans la résolution 2699 (2023) entre la violence en Haïti et le trafic d’ALPC, lien également cité par plusieurs délégations latino-américaines.  Les A3 mettaient en avant les mesures prises au niveau régional ou sous-régional en Afrique. Était également rappelé, par plusieurs délégations, le tribut disproportionné payé par les femmes et les filles dans les violences sexuelles et sexistes, que facilite la prolifération des ALPC. 

Méthodes de travail

- 1 séance publique: 5 septembre

Voir aussi: Rapport annuel

C’est le 5 septembre que le Conseil tenait son débat annuel sur ses méthodes de travail, sous la présidence de l’Albanie, également présidente du Groupe de travail informel sur la documentation et autres questions de procédure.  Ouvert aux États non membres du Conseil –37 y prenaient part–, le débat permettait d’évaluer les derniers développements dans la mise en œuvre de la « Note 507 », véritable guide en matière de transparence et d’efficacité adopté en 2006 et actualisé à plusieurs reprises. L’Équateur présentait une déclaration conjointe au nom des 10 membres élus.  C’était aussi, pour beaucoup d’intervenants, l’occasion de contester l’usage du droit de veto, ce à quoi la Fédération de Russie répliquait que ce dernier « n’est pas une méthode de travail, mais la pierre angulaire de toute l’architecture du Conseil de sécurité et la clef pour parvenir à des décisions équilibrées au sein du Conseil ». 

Il était aussi beaucoup question des sanctions du Conseil, sous l’angle du respect des droits des personnes sanctionnées mais aussi de l’efficacité des régimes et du bien-fondé de leur maintien dans un environnement en évolution.  L’équilibre entre séances publiques, garantie de transparence des travaux, et séances à huis clos, jugées plus propices à un travail efficace, divisait aussi bien États membres que non membres du Conseil.  Le rôle des « pays porte-plume », rédacteurs des projets de résolution, était également largement évoqué.  Plusieurs États dénonçaient une confiscation du rôle par les trois membres permanents occidentaux, accusés de faire prévaloir leurs intérêts nationaux sur celui des pays concernés, et préconisaient un meilleur partage des rôles, notamment au profit des membres élus du Conseil, et un recours plus fréquent à la corédaction associant un membre permanent à un membre élu particulièrement concerné.  Enfin, plusieurs pays souhaitaient une relance des missions du Conseil sur le terrain. Le Conseil n’en a effectué que deux depuis le début de la pandémie de COVID-19 en mars 2020, en octobre 2021, au Sahel, et du 9 au 12 mars 2023, en RDC. 

Rapport annuel

- 1 séance publique: 30 mai

Voir aussi: Méthodes de travail

Le 30 mai, le Conseil de sécurité adoptait sans vote son projet de rapport annuel à l’Assemblée générale.  Couvrant l’année calendaire 2022 et préparé avec l’aide du Secrétariat, le rapport était présenté par le Brésil, qui en avait rédigé l’introduction, décrite comme « le résultat d’un véritable effort collectif, conformément aux meilleures traditions » du Conseil.  Le représentant parlait d’une année 2022 extrêmement difficile du fait, initialement, des incertitudes relatives à la pandémie de COVID-19, puis des « signes inquiétants de dégradation de l’environnement politique au sein du Conseil ».  Il voulait néanmoins se réjouir des résultats importants obtenus à « chaque fois que nous avons privilégié l’impératif de coopération plutôt que les perspectives individuelles ».  Illustrant son propos par l’adoption de la toute première résolution du Conseil relative au Myanmar et le renouvellement en juillet de l’autorisation d’acheminement transfrontière de l’aide humanitaire en Syrie, il estimait que, malgré de profondes divergences ayant empêché des adoptions unanimes, « la volonté de trouver des solutions pragmatiques pour atténuer les souffrances humaines dans deux des crises les plus graves de notre époque » l’avait « emporté sur les clivages politiques ».  Il ne sera pas toujours possible de surmonter nos divisions, reconnaissait le représentant pour qui, toutefois, « le constat que la coopération est une option viable, même durant l’une des périodes les plus difficiles de l’histoire du Conseil, devrait renouveler notre foi dans la mission de cet organe ». 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.