En cours au Siège de l'ONU

9418e séance, matin & après-midi
CS/15410

Conseil de sécurité: le renforcement du partenariat public-privé, une option pour venir en aide à 249 millions de nécessiteux dans le monde

Le Conseil de sécurité s’est penché aujourd’hui, lors d’un débat public riche d’une quarantaine d’interventions, sur les moyens de renforcer le partenariat public-privé pour apporter une aide humanitaire aux 249 millions de personnes dans le besoin dans le monde en 2023.  Ce partenariat joue d’ores et déjà un rôle crucial dans la réponse aux crises, tant la « mondialisation a placé le secteur privé à la table géopolitique », selon la formule d’un responsable de Goldman Sachs.  Un autre chiffre, contenu dans la note de cadrage distribuée par la présidence albanaise, a dominé les débats: les 55 milliards de dollars nécessaires pour financer ladite aide. 

« Nous vivons une série de crises convergentes et de longue durée qui alimentent l’urgence humanitaire au moment même où les fonds disponibles pour les opérations s’amenuisent », a déclaré Mme Cindy McCain, la Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM), qui a posé les enjeux de la réunion.  Elle a mis en exergue le rôle crucial du secteur privé pour atténuer les souffrances humaines, en prenant les exemples de la tuberculose et du VIH/sida désormais sous contrôle grâce à des partenariats public-privé efficaces. 

Des partenaires tels qu’Amazon, DHL et Takeda contribuent au renforcement de notre chaîne d’approvisionnement, a-t-elle dit, tandis que les experts en intelligence artificielle aident à la surveillance satellitaire des zones frappées par une catastrophe.  Elle a précisé que ces acteurs privés sont vulnérables aux chocs comme la guerre en Ukraine ou les régimes de sanctions.  « La responsabilité du Conseil de protéger cet espace d’intervention est d’autant plus cruciale », a ajouté la haute fonctionnaire. 

« Notre principal outil philanthropique pour répondre aux crises humanitaires est “GS Gives”, qui a jusqu’alors permis de déployer plus de 2,2 milliards de dollars dans 140 pays, en collaboration avec 9 400 organisations à but non lucratif », a, de son côté, déclaré le Président des affaires mondiales de Goldman Sachs, M. Jared Cohen.  Il a également souligné l’importance de l’expertise des entreprises mondiales, qui « peuvent offrir bien plus que du financement ». 

Cette expertise les distingue dans les affaires comme dans les réponses humanitaires, a-t-il affirmé, mentionnant la création de « Welcome Connect », plateforme de mise en relation des sponsors américains et des réfugiés ukrainiens.  « Si le secteur privé ne peut pas faire ce que font les gouvernements, il fait partie de la solution », a insisté M. Cohen.  De son côté, le PDG de Mastercard, M. Michael Miebach, a mentionné plusieurs pistes pour renforcer le partenariat, en suggérant d’abord que l’ONU soit encore plus « directe » dans ses contacts avec le secteur privé. 

Il a aussi souligné l’importance de la technologie pour « simplifier ce qui est complexe », avant d’appeler à accroître les compétences et ressources dont les plus vulnérables ont besoin.  La question du financement a été au cœur de nombreuses interventions, à commencer par celle du Ministre des affaires étrangères de l’Albanie, M. Igli Hasani.  Ce dernier n’a pu que constater l’écart « énorme » qui subsiste entre des besoins humanitaires sans précédent dans le monde et les ressources disponibles grâce aux contributions des donateurs. 

« Une contribution plus importante et structurée du secteur privé peut grandement combler ce déficit. »  Même son de cloche du côté du délégué du Gabon, qui a demandé des financements « adéquats, suffisants et prévisibles ».  Depuis trop longtemps, nous ne nous sommes tournés vers le secteur privé que pour obtenir des fonds, or celui-ci a plus à offrir, en capacités, en savoir-faire et en pouvoir d’innovation », a nuancé la délégation des États-Unis. 

Plusieurs orateurs, à l’instar de M. Cohen, se sont dits préoccupés par la politisation croissante de l’aide humanitaire.  « Cela va à l’encontre des principes inhérents à l’action humanitaire tels que l’indépendance, la neutralité ou l’humanité », a déclaré le Brésil.  Les aides humanitaires ne doivent jamais être assorties de conditions politiques, liées notamment au respect des droits humains, les États Membres ne devant pas conditionner l’aide socioéconomique à la situation humanitaire du pays, a appuyé la Chine. 

Si la France s’est félicitée que la participation du secteur privé à l’action humanitaire ait augmenté au cours des 15 dernières années, la Chine a rappelé que l’assistance du secteur public doit rester la principale voie humanitaire: « Les interventions du secteur privé ne doivent en aucun cas éloigner les pays développés de leurs responsabilités. »  La guerre en Ukraine et l’Initiative de la mer Noire ont aussi été abondamment évoquées lors de ce débat. 

Cette initiative est en effet un autre exemple de la manière dont les partenariats public-privé ont pu permettre l’acheminement jusqu’aux marchés mondiaux des denrées alimentaires dont la distribution est entravée par les conflits, rappelle à ce propos la note de cadrage précitée.  Près de 32 millions de tonnes de denrées alimentaires ukrainiennes ont pu être expédiées, les pays en développement étant les destinataires des deux tiers du blé. 

Le Danemark, au nom des pays nordiques, a déploré la décision de la Russie de s’en retirer et l’a appelée à revoir sa position.  « Mon pays est prêt à envisager la possibilité de rouvrir le corridor humanitaire de la mer Noire, à condition que ses exigences concernant la levée des sanctions soient remplies, à savoir la normalisation des activités des banques et des entreprises, la mise en place d’une logistique de transport et d’assurances, ainsi que la reprise des approvisionnements en pièces détachées », a répondu la Fédération de Russie. 

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Faire progresser les partenariats humanitaires public-privé (S/2023/631/Rev.1)

Déclarations

Mme CINDY MCCAIN, Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM), a indiqué que près de 783 millions de personnes ne savent pas lorsqu’elles mangeront à nouveau et que 47 millions sont au bord de la famine.  Nous vivons une série de crises convergentes et de longue durée qui alimentent l’urgence humanitaire au moment même où les fonds disponibles pour les opérations s’amenuisent, a-t-elle déploré.  « Mais cela ne veut pas dire que nous sommes impuissants pour mettre un terme aux souffrances. »  La haute fonctionnaire a mis en exergue le rôle crucial du secteur privé à cette fin, en prenant l’exemple des maladies de la tuberculose et du VIH/sida, désormais sous contrôle grâce à des partenariats public-privé efficaces.  Le secteur privé doit développer les innovations pour renforcer la résilience et remédier aux causes profondes de la faim et de la pauvreté, a poursuivi Mme McCain, en précisant que le PAM a recours à des acteurs privés sur le terrain. 

Des partenaires tels qu’Amazon, DHL et Takeda contribuent au renforcement de notre chaîne d’approvisionnement, a-t-elle souligné, tandis que les experts en intelligence artificielle aident à la surveillance satellitaire des zones frappées par une catastrophe.  Dans les pays les plus fragiles, comme la Somalie, c’est le secteur privé qui maintient la population à flot, a encore noté la Directrice exécutive. Elle a précisé que ces acteurs privés sont vulnérables aux chocs comme la guerre en Ukraine ou les régimes de sanctions, ajoutant que « la responsabilité du Conseil de protéger cet espace d’intervention est d’autant plus cruciale ».  Enfin, Mme McCain a exhorté le secteur privé à contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable. 

M. JARED COHEN, Président des affaires mondiales et coresponsable du bureau de l’innovation appliquée chez Goldman Sachs, a noté que ce débat fait suite à une crise survenue il y a 760 jours en Afghanistan, avec la chute de Kaboul aux mains des Taliban.  Alors que des centaines de milliers d’Afghans se sont retrouvés en danger, souvent sans savoir où aller, une grande partie du monde a fermé ses portes, a-t-il rappelé, avant de se féliciter de la formation, « du jour au lendemain », d’un « réseau multinational de bonne volonté ». Il a ainsi salué l’action du cheik Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, alors Ministre des affaires étrangères du Qatar, aujourd’hui également Premier Ministre, qui a mobilisé son pays pour évacuer, réinstaller et transporter en lieu sûr des dizaines de milliers de femmes, de filles et de responsables de la société civile afghans.  Après ces évacuations, M. Barham Salih, alors Président de l’Iraq, a mis en sécurité des centaines d’étudiants de l’Université américaine d’Afghanistan au Kurdistan et leur a offert un endroit où étudier, a-t-il relevé, remerciant également M. Edi Rama, Premier Ministre de l’Albanie, qui a accueilli des réfugiés afghans sur le tarmac de Tirana et transformé des stations balnéaires en nouveaux foyers d’accueil.  Partout dans le monde, d’innombrables chefs d’entreprise et simples individus ont pris à leur charge les frais d’avion, de réinstallation et de subsistance, a applaudi M. Cohen, qui s’était déjà adressé au Conseil de sécurité il y a plus d’un an alors qu’il était encore cadre chez Google. À présent cadre chez Goldman Sachs, il a souligné l’engagement du secteur privé dans les opérations humanitaires. 

Selon M. Cohen, cette tâche devient de plus en plus urgente, alors que le monde est confronté à la plus grande période d’incertitude géopolitique depuis 20 ans.  « Mais nous ne pouvons pas laisser les crises humanitaires devenir plus géopolitisées qu’elles ne le sont déjà », a-t-il plaidé, reconnaissant que la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine et la concurrence entre grandes puissances rendent la mission première du Conseil de sécurité plus difficile.  Il a cependant estimé que bon nombre des grands défis de l’ère actuelle ne pourront être résolus par les seules grandes puissances.  De fait, « c’est le moment pour les États géopolitiquement influents d’élargir leur rôle », a-t-il dit, soulignant à nouveau le rôle du Qatar en Afghanistan, mais aussi celui du Premier Ministre japonais, M. Fumio Kishida, qui a non seulement promis une aide de plus de 7 milliards de dollars à l’Ukraine mais aussi changé, par ses déclarations de soutien et sa visite à Kyïv, la perception du monde sur la guerre.  Dans de nombreux cas, « les États charnières géopolitiques peuvent accomplir des choses que les grandes puissances ne peuvent pas accomplir », a ajouté l’intervenant, avant de saluer le leadership au sein du « Sud global » de pays comme l’Inde, qui vient d’accueillir « avec succès » le sommet du G20.  Ces États sont devenus parmi les partenaires les plus fiables des entreprises qui cherchent à jouer un rôle dans la réponse à la crise, a-t-il observé. 

Le responsable de Goldman Sachs a ensuite mis l’accent sur le rôle du secteur privé, non sans rappeler qu’un nombre croissant d’entreprises ont des intérêts et des responsabilités à l’échelle mondiale.  À ses yeux, « la mondialisation n’a pas seulement connecté notre monde, elle a placé le secteur privéà la table géopolitique ».  Pour que les entreprises mondiales puissent assumer leurs responsabilités en période de crise, il leur a conseillé de s’appuyer sur la mémoire institutionnelle et de construire des partenariats plus durables avec le secteur public. Il a d’autre part appelé les grands groupes à agir rapidement et à innover en temps réel.  Chez Goldman Sachs, a-t-il indiqué, notre principal outil philanthropique pour répondre aux crises humanitaires est « GS Gives », qui a jusqu’alors permis de déployer plus de 2,2 milliards de dollars dans 140 pays, en collaboration avec 9 400 organisations à but non lucratif.  Ce faisant, les connexions locales sont importantes, a expliqué M. Cohen, rappelant que son groupe compte plus de 45 000 collaborateurs dans 42 pays.  « Notre deuxième plus grand bureau en dehors de New York se trouve en Inde, où nous employons plus de 8 000 personnes ». 

M. Cohen a également souligné l’importance de l’expertise des entreprises mondiales, qui « peuvent offrir bien plus que du financement ». Leur expertise les distingue dans les affaires comme dans les réponses humanitaires, a-t-il affirmé, indiquant que Goldman Sachs a créé « Welcome Connect », plateforme de mise en relation des sponsors américains et des réfugiés ukrainiens.  Une initiative qui, selon lui, servira de base aux futures actions de réinstallation des réfugiés.  Si le secteur privé ne peut pas faire ce que font les gouvernements, il fait partie de la solution, a insisté l’orateur, qui a rappelé que, durant le Plan Marshall, les entreprises ont joué un rôle crucial dans la relance de l’Europe.  « Nous sommes prêts à recommencer », a-t-il lancé en conclusion, souhaitant que le rôle du secteur privé soit à l’ordre du jour de la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale.

M. MICHAEL MIEBACH, Président-Directeur général, Mastercard, a commencé par dire que les entreprises et l’ONU peuvent mieux travailler ensemble, avant de partager trois pistes qui peuvent inciter les entreprises à aider ceux qui sont dans le besoin.  Il a d’abord parlé des partenariats et de la coordination, suggérant que l’ONU soit encore plus directe et délibérée dans ses contacts avec le secteur privé.  Lorsque des groupes partageant les mêmes idées se réunissent, les objectifs peuvent être alignés permettant ainsi aux entreprises de construire et de déployer des solutions avec la rigueur entrepreneuriale nécessaire.  Cela stimule la créativité, la technologie, de nouvelles relations, la science des données et le savoir-faire pour y parvenir.  Avec des partenariats public-privé structurés, nous pouvons dire que « un plus un égal trois », a fait remarquer l’orateur. 

La technologie, a poursuivi M. Miebach, doit être pertinente pour les usagers qui doivent pouvoir comprendre comment une solution technologique peut réellement résoudre un problème.  Cette approche a aidé le PAM, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et bien d’autres à mettre en œuvre des programmes d’aide numérique en espèces d’une manière significative au niveau local, a-t-il rappelé, soulignant que les programmes d’envois de fonds sont devenus un moyen rapide, transparent, sûr et plus efficace de fournir une aide vitale localement.  Les envois électroniques aident les récipiendaires à conserver leur dignité, même dans des situations vulnérables, a-t-il relevé, expliquant que cela leur permet de décider eux-mêmes comment dépenser les fonds. La technologie a comme valeur ajoutée de simplifier ce qui est complexe, aidant ainsi à prendre de meilleures décisions, a ajouté M. Miebach.  Il a également relevé qu’après les récents incendies de forêt à Hawaï, les données ont aidé la population à trouver des stations-service à proximité et de savoir quelles entreprises étaient encore ouvertes.  Il a exhorté à tirer parti de l’intelligence artificielle et d’autres technologies émergentes. 

M. Miebach a ensuite développé son propos sur la question du renforcement des capacités: il faut passer de la réponse à la préparation en renforçant les compétences et les ressources dont les plus vulnérables ont besoin pour survivre et prospérer. Dans les pays du Sud, 80% des exploitations de petite taille gardent les mêmes processus de production pendant des générations, a-t-il noté, ajoutant que beaucoup des exploitants ont du mal à gagner un salaire décent.  Il a conseillé de miser sur la technologie pour aider les agriculteurs à façonner leur avenir, comme c’est le cas de Mme Christina Kibonde, une productrice de café en Ouganda. 

Pendant des générations, la famille de Mme Kibonde est passée par des intermédiaires pour atteindre les acheteurs, ce qui limitait son accès au marché et aux informations relatives aux prix, ainsi que ses revenus et opportunités tirés de la production.  Or, une plateforme technologique appelée Farm Pass a permis de briser ce cycle et a créé un nouvel accès: elle a permis l’inclusion numérique de ces producteurs.  Aujourd’hui, Mme Kibonde est en contact direct avec les acheteurs, négociant le meilleur prix pour ses haricots, s’est félicité M. Miebach, précisant qu’elle a maintenant accès au crédit pour potentiellement étendre ses activités et investir dans les engrais et les semences.  Elle est en outre mieux préparée à ce qui pourrait arriver sur le marché.  Cela devrait être le cas pour les millions d’autres petits exploitants agricoles, a reconnu le PDG de Mastercard pour qui le cas de Christina est un exemple puissant de renforcement des capacités pouvant être répliqué dans les domaines de l’éducation, de la culture financière, des compétences en cybersécurité et plus encore dans la réponse aux urgences. 

M. IGLI HASANI, Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de l’Albanie, a constaté l’écart « énorme » qui subsiste entre les besoins humanitaires sans précédent dans le monde et les ressources disponibles grâce aux contributions des donateurs.  Selon l’examen de mi-année de l’Aperçu de la situation humanitaire mondiale, près de 55 milliards de dollars sont aujourd’hui nécessaires pour aider 249 millions de personnes dans le besoin.  « Ce n’est pas un phénomène nouveau », a-t-il noté, alors qu’année après année, crise après crise, nous sommes confrontés à un manque de fonds, avec des conséquences incalculables pour des millions de personnes touchées par les conflits, les catastrophes naturelles, les changements climatiques et l’insécurité alimentaire. 

Selon le Ministre, une contribution plus importante et structurée du secteur privé peut grandement combler ce déficit.  Outre des ressources matérielles, financières, alimentaires, médicales, le secteur privé peut faciliter l’accès à la technologie de pointe, à la recherche et au développement, ainsi qu’au renforcement des capacités opérationnelles.  Les acteurs humanitaires peuvent encore gagner en efficacité grâce à l’expertise et aux capacités du secteur privé dans des domaines tels que la logistique, les télécommunications, les transports et l’analyse des données.  Il est donc impératif d’identifier les lacunes les plus problématiques et de trouver des moyens de renforcer et de formaliser le rôle de ce secteur dans les opérations humanitaires. 

L’Albanie a commencé à explorer les modalités d’une plus grande implication du secteur privé dans les opérations humanitaires en 2021, à la suite de l’afflux de réfugiés afghans dans le pays, a expliqué M. Hasani.  L’Albanie a alors adopté une nouvelle approche en matière de gestion des crises humanitaires afin de créer des synergies entre les ressources publiques et privées, en collaboration avec Schmidt Futures et la Fondation Yalda Hakim. C’est de cette expérience qu’est née l’idée d’un partenariat humanitaire public-privé, conçu comme une plateforme dont la mission première consiste à mobiliser plus efficacement les ressources dans les premiers jours des situations de crise nécessitant une aide humanitaire, dans le plein respect des principes relatifs à l’aide humanitaire de l’ONU. Le Ministre s’est félicité de la générosité et de la motivation des grandes entreprises du secteur privé et des organismes philanthropiques.  Il a dit attendre avec impatience la consolidation de l’alliance et de son travail dans les années à venir, afin de mieux répondre aux besoins humanitaires croissants à l’échelle mondiale. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a souligné la pression croissante qui s’exerce sur l’architecture humanitaire mondiale, exacerbée par les conflits et les changements climatiques.  Les déplacements de population, l’insécurité alimentaire et les crises multiples posées par la protection des civils contraignent la communauté internationale à réorienter l’assistance humanitaire d’urgence, qui s’étend de plus en plus souvent sur plusieurs années, a-t-elle fait remarquer.  Et dans ce réagencement nécessaire des principes humanitaires au XXIe siècle, le secteur privé pourrait jouer un rôle majeur sur les plans des technologies, des ressources et des solutions durables.  À condition toutefois que des garde-fous solides préservent les principes humanitaires fondamentaux, a averti la représentante.  Elle a rappelé que le moyen le plus efficace d’atténuer la pression sur le système humanitaire reste la résolution politique des conflits.  Dans l’intervalle, un financement accru et sans conditions préalables des agences de l’ONU et des autres organisations pertinentes est nécessaire, a plaidé la déléguée, afin de dépolitiser l’aide et de travailler là où les besoins sont les plus pressants.  C’est à cet effet que des partenariats public-privé peuvent s’avérer le plus utile, a-t-elle estimé.  La déléguée a cité des progrès potentiels dans les domaines des technologies de la communication et de l’information, où le secteur privé est en mesure de proposer des solutions abordables et efficaces.  Par ailleurs, la réduction des coûts des médicaments de base et des équipements médicaux permettrait de conduire des opérations humanitaires plus étendues.  Dans le secteur bancaire et financier enfin, minimiser les coûts des transferts financiers faciliterait les envois de fonds, a encore suggéré la déléguée. 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a rappelé que cette année, sur les 54 milliards de dollars réclamés par les Nations Unies pour des opérations humanitaires, 80% des fonds n’ont pas été pourvus.  Selon elle, pour réduire cet écart, nous devons faire en sorte que les partenariats humanitaires public-privé ne soient plus simplement des ajouts utiles, mais qu’ils s’inscrivent au cœur du travail humanitaire.  L’impact des tremblements de terre et des inondations au Maroc et en Libye illustre l’écart entre la réalité et les besoins, a-t-elle ajouté.  Elle a fait remarquer qu’à la suite d’une catastrophe naturelle, gouvernements et premiers secours doivent collecter et vérifier les informations qui serviront à leur réponse, ce à quoi la recherche de nouvelles technologies peut apporter une solution.  Elle a cité comme exemple une plateforme numérique, développée par les Émirats arabes unis, pour mieux mobiliser l’aide internationale en servant de centrale d’information. 

La représentante a relevé l’expérience accumulée à la Cité humanitaire internationale, le plus grand centre logistique humanitaire au monde, situé dans son pays.  Hébergeant 62 organisations, dont des agences de l’ONU, et 17 entreprises, cette structure institue des partenariats public-privé pour acheminer le plus rapidement possible de l’aide à ceux qui en ont besoin, a-t-elle expliqué, précisant que nombre des outils numériques développés dans ce cadre sont maintenant utilisés dans le monde entier.  Selon elle, il faut assurer qu’en cas de crise, un système soit mis en place pour motiver les entreprises et leur permettre de s’associer aux gouvernements pour acheminer de l’aide sans discrimination. « Les partenariats public-privé ne sont pas seulement une bonne pratique - le fait de pouvoir tirer parti de notre réseau a permis de sauver des vies. » 

M. ZHANG JUN (Chine) a noté que les partenariats public-privé sont des outils utiles pour contribuer davantage à la résolution des crises humanitaires.  Toutefois, l’assistance du secteur public doit rester la principale voie humanitaire et les interventions du secteur privé ne doivent en aucun cas éloigner les pays développés de leurs responsabilités, a-t-il estimé.  De même, le représentant a souligné que les aides humanitaires ne doivent jamais être assorties de conditions politiques, liées notamment au respect des droits humains, et a appelé les États Membres à conditionner l’aide socioéconomique à la situation humanitaire du pays.  Il a également prôné l’inclusion des pays récipiendaires dans les processus d’évaluation des aides humanitaires. 

Le délégué a par ailleurs souligné l’importance de promouvoir le développement économique de manière intégrée afin de cesser la dépendance à long terme de certains pays vis-à-vis de l’aide humanitaire.  Selon lui, il faut « aller au-delà d’une simple transfusion de sang » et investir dans des solutions à long terme, comme l’éducation, la création d’emplois et les infrastructures.  Il a également appelé la communauté internationale à lever les sanctions, dernière entrave, selon lui, aux partenariats public-privé et à une aide humanitaire efficace. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a estimé que les partenariats public-privé constituent un moyen innovant de renforcer l’efficacité de l’action humanitaire et ainsi d’atténuer les souffrances des populations vulnérables. Soulignant les avancées notables obtenues par le programme de réformes humanitaires de 2005, le représentant a insisté sur l’importance de multiplier ce type d’initiatives.  Il a ensuite souligné la résolution 2664 du Conseil de sécurité, qui se penche sur le respect excessif des réglementations financières relatives à la lutte antiterroriste, lesquelles sont un obstacle à l’assistance humanitaire.  Le délégué s’est d’ailleurs dit préoccupé de la politisation croissante de cette aide, affirmant qu’elle allait à l’encontre des principes d’indépendance, de neutralité ou d’humanité.  Enfin, il a rappelé que face à l’afflux de réfugiés et de migrants, le Brésil avait su mettre à contribution le secteur privé afin de favoriser l’insertion économique des demandeurs d’asile. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a noté que le rôle du secteur privé devient de plus en plus important à mesure que les besoins humanitaires montent en flèche. Elle a donné comme exemple d’un partenariat public-privé réussi l’enlèvement de 1 million de barils de pétrole qui se trouvaient à bord du pétrolier Safer au large du Yémen.  La déléguée a ensuite insisté sur le rôle du secteur privé dans la consolidation de la paix, grâce à des initiatives comme les « obligations de paix », une nouvelle catégorie d’investissement qui vise à développer le financement de la paix.  Elle a également appelé à anticiper les crises avant leur apparition en collaborant avec des acteurs humanitaires et privés sur le financement des risques de catastrophe.  De même, elle a cité la mobilisation des nouvelles technologies pour améliorer la réponse humanitaire à l’instar des fonds d’innovation mobile dans lesquels le Royaume-Uni a investi, et qui ont permis d’augmenter la rapidité de détection du choléra, enjeu majeur pour des pays comme la Syrie, la République démocratique du Congo ou le Myanmar où cette maladie a été particulièrement dévastatrice cette année. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a estimé que la question centrale de ce débat est de savoir comment le secteur privé peut soutenir les efforts de l’ONU pour faire face aux crises humanitaires résultant de conflits.  Il a mentionné quelques collaborations réussies à cet égard, notamment celle de Fast Retailing, la société mère d’UNIQLO, qui a un partenariat de 12 ans avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).  Dans ce cadre, le groupe fournit des vêtements aux réfugiés et ses actions récentes incluent un projet de formation à la couture au Bangladesh, qui vise à autonomiser 1 000 femmes réfugiées rohingya d’ici à 2025.  Le représentant a aussi cité NEC et l’Université Waseda, qui ont collaboré avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) sur la technologie de détection des mines terrestres.  Autre exemple: le groupe Toyota Tsusho s’est associé au Programme alimentaire mondial (PAM) pour créer un centre de formation logistique au Ghana afin de renforcer la capacité d’approvisionnement en aide humanitaire en Afrique de l’Ouest. 

De l’avis du représentant, le secteur public peut aussi contribuer à mobiliser des financements privés.  Afin de soutenir les efforts humanitaires en faveur des Ukrainiens déplacés à la suite de l’agression de la Russie contre l’Ukraine, la Banque japonaise pour la coopération internationale (JBIC) a ainsi fourni des garanties pour l’émission d’obligations « samouraï » d’un montant de 93 milliards de yens par la Banque polonaise de développement.  Ces fonds sont destinés à couvrir des domaines critiques, tels que les soins médicaux, l’éducation, les logements et la sécurité sociale, a-t-il précisé.  Le délégué a également fait état de la récente visite en Ukraine de l’ancien Ministre des affaires étrangères Hayashi avec des représentants d’entreprises privées japonaises, dont Rakuten, pour discuter du redressement et de la reconstruction du pays.  Il a ajouté qu’en tant que coorganisateur en décembre du deuxième Forum mondial sur les réfugiés, le Japon accordera une place importante à l’implication du secteur privé.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a constaté que la courbe des besoins humanitaires augmente au rythme inverse des financements disponibles pour les pays du Sahel, de la Corne de l’Afrique ou du bassin du lac Tchad. Déplorant que 30% seulement des besoins sont financés, il a demandé des financements adéquats, suffisants et prévisibles pour l’action humanitaire multilatérale.  Il a souligné l’importance des acteurs privés dans la lutte contre la faim, l’insécurité alimentaire et la malnutrition.  Selon le délégué, la réponse aux défis doit être bâtie en coopération avec les institutions financières internationales et régionales, et viser à relever les économies et redonner les capacités de production qui permettent aux États de reprendre en main leur destin. 

Le représentant a relevé que dans le cadre de l’exploration de nouveaux mécanismes de financement, les entreprises privées, les ONG et les instituts de recherche sont des partenaires efficaces dans la fourniture de données, le renforcement des capacités humaines ou techniques ainsi que des moyens de veille en vue de prévenir les conflits ou les catastrophes naturelles.  Il a appelé à mettre la science au service de la prise de décisions, à travers notamment des mécanismes d’alerte précoce pour la gestion des risques.  De même, les agences spécialisées de l’ONU pourraient accroître l’empreinte de résilience de leurs programmes en développant une approche de partenariat avec les localités et populations bénéficiaires en consommant des produits cultivés ou manufacturés par les communautés. Il a également appelé à élaborer des mécanismes innovants pour accroître les moyens de capter les ressources financières du secteur privé. 

Alors que les besoins humanitaires mondiaux ont quintuplé, seule la moitié de ces besoins est actuellement financée, nous confrontant ainsi à une « crise globale de l’humanitaire », a déclaré Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse).  Partant de ce constat, elle a jugé possible de réduire les besoins humanitaires en privilégiant la recherche d’une solution politique aux conflits.  De même, l’anticipation des risques et le renforcement des partenariats public-privé, principalement dans le domaine des nouvelles technologies, contribuent à réduire ces besoins, a-t-elle ajouté. 

La déléguée a attiré l’attention sur deux exemples de tels partenariats en Suisse.  D’un côté, l’initiative « Humanitarian and Resilience Investing », lancée en 2019 et qui encourage les investissements de capitaux privés dans des opportunités financièrement durables pour les communautés vulnérables.  De l’autre, l’aide sous la forme d’espèces et de bons, qui permet aux personnes touchées par une crise de couvrir leurs besoins les plus urgents en faisant appel aux producteurs et vendeurs locaux.  Malheureusement, le potentiel de tels partenariats public-privé reste encore sous-exploité, a regretté la déléguée, en rappelant que le secteur privé doit agir dans ce cadre dans le respect des droits humains et des principes humanitaires. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a noté que le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires avait estimé les besoins humanitaires pour 2023 à 51,5 milliards de dollars — un chiffre sans précédent.  Ces besoins, a-t-il souligné, ont été exacerbés par de nouvelles crises, notamment les tremblements de terre en Türkiye et en Syrie, la crise au Soudan, et tout récemment, un séisme ravageur au Maroc et des inondations en Libye auxquels s’ajoute l’aggravation continue de l’insécurité alimentaire mondiale, provoquée par la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine. 

Le délégué a donc insisté sur la nécessité d’élargir la base des donateurs face à ces défis croissants. La participation du secteur privé dans l’action humanitaire a sensiblement augmenté au cours des 15 dernières années, s’est-il réjoui, citant notamment l’engagement du secteur privé dans le contexte de la guerre contre l’Ukraine et les travaux de la Coalition pour l’alimentation scolaire.  Il a appelé à être « collectivement innovants », indiquant que le secteur privé pouvait être un partenaire précieux non seulement dans la réponse mais également dans la prévention et l’anticipation des crises et catastrophes. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a commencé par expliquer que 360 millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire dans le monde, soit 30% de plus que l’année précédente.  Il a souligné qu’un fossé se creuse entre besoins et financements, poussant le système à ses limites, comme l’illustre le déblocage récent de 125 millions de dollars du Fonds central pour les interventions d’urgence de l’ONU pour renforcer ses opérations dans 14 pays.  Dans un tel contexte, le secteur privé peut jouer un rôle essentiel, a-t-il estimé, soulignant que son expérience et sa capacité d’innovation peuvent rationaliser les efforts.  Il a relevé plusieurs expériences « encourageantes » de partenariats public-privé dans le domaine humanitaire, citant le rapport du Secrétaire général de l’ONU sur le renforcement de la coordination de l’aide humanitaire d’urgence, qui décrit des succès dans la coopération entre agences onusiennes et des entreprises de services technologiques, financiers et de construction.  Enfin, il a relevé que le Programme alimentaire mondial travaille déjà en étroite collaboration avec le secteur privé. 

Le représentant a cependant relevé les défis posés par l’implication du secteur privé dans les opérations humanitaires.  Il a rappelé que les partenariats public-privé doivent répondre aux principes essentiels d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance.  Selon lui, leur cohérence doit être assurée par une liaison au système humanitaire mondial.  Il a également appelé à un renforcement du cadre normatif des relations entre le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) et le secteur privé. Enfin, il a souligné que les partenariats public-privé seront plus efficaces s’ils répondent aux besoins identifiés par les populations locales.  Selon lui, ces partenariats devraient également établir une frontière claire entre activités humanitaires et commerciales, notamment pour les questions de sécurité alimentaire, citant comme exemple de succès l’Initiative de la mer Noire et ses multiples parties prenantes. 

M. EUFRÁSIO JOSÉ MARIA IRACHANDE GOUVEIA (Mozambique) a rappelé l’importance des partenariats dans un monde interconnecté et marqué par des défis complexes.  Citant l’Aperçu de la situation humanitaire mondiale, il a indiqué que 363 millions d’individus nécessitent une assistance estimée à 55,2 milliards de dollars, s’inquiétant de l’écart de 41 milliards de dollars entre les besoins financiers et les ressources évaluées.  Il a vanté les mérites du partenariat public-privé qui va au-delà des ressources financières: il favorise l’innovation, l’agilité ainsi qu’une approche pragmatique.  Après avoir relevé que ce partenariat joue déjà un rôle déterminant dans certaines zones touchées par les catastrophes naturelles, le délégué a insisté sur la nécessité d’intensifier cette dynamique, particulièrement dans trois domaines: les finances, la logistique et la technologie.  Il a toutefois tenu à faire savoir que si les partenariats étaient précieux, ils ne devaient pas éclipser le rôle de l’État vis–à–vis de ses citoyens pendant les crises. 

Réitérant l’attachement du Mozambique aux principes humanitaires de neutralité, d’impartialité et d’indépendance, le représentant a rappelé l’expérience du pays dans la gestion des catastrophes et indiqué qu’elle avait considérablement évolué depuis les années 80.  Il a notamment cité la création d’un institut national de gestion des catastrophes.  Le délégué a conclu en appelant à la mise en place d’un nouveau paradigme afin de pouvoir relever les défis croissants en matière d’assistance humanitaire tout en insistant sur l’expérience et la contribution du continent africain. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a relevé que le déficit de financement des besoins humanitaires mondiaux provenant des donateurs est aujourd’hui presque deux fois plus important que le montant total reçu.  Il a fait remarquer que l’Ukraine, à elle seule, a reçu cette année 1,83 milliard de dollars, soit 300 millions de plus que les montants alloués pour soulager les souffrances de longue date de la population syrienne.  Selon le représentant, le développement économique et agricole des pays africains a été délibérément limité par les anciennes métropoles au moyen d’instruments « néocoloniaux », qui ne font qu’exacerber leur dépendance.  Cette situation « véritablement dangereuse » explique selon lui pourquoi les donateurs occidentaux cherchent à transférer à d’autres la responsabilité financière des crises déclenchées par leurs dirigeants.  Malgré ce qui précède, le représentant a donné son aval à la formation de partenariats public-privé afin de soutenir les activités humanitaires sur une base bilatérale.  Or, la part du secteur privé dans le financement humanitaire ne représente que 115,7 millions de dollars, un chiffre « clairement insuffisant ». Toutefois, la participation du secteur privé aux opérations humanitaires doit rester tributaire du consentement de l’État hôte et doit se faire dans le strict respect des principes d’impartialité et d’indépendance. 

Le représentant a salué la saine concurrence entre les fournisseurs de biens et services humanitaires dans le cadre des activités d’achat de l’ONU.  À ce sujet, il a rappelé que l’accord conclu entre l’Organisation et l’Union européenne (UE) concernant le programme de coopération en matière d’aide humanitaire stipule que les fournisseurs ne peuvent faire l’objet de sanctions de la part de l’UE.  Or, a-t-il souligné, les « mesures restrictives unilatérales illégales » imposées par les pays occidentaux ont un impact négatif sur l’ensemble des activités humanitaires, ainsi que sur des projets de partenariat public-privé, car les « exemptions humanitaires » ne fonctionnent pas.  Qui plus est, dans la note de cadrage de la présente séance, seule l’Initiative de la mer Noire est citée comme exemple réussi de partenariat public-privé, a-t-il noté, ce qui confirme « son caractère commercial et nullement humanitaire ».  Il a observé de plus que, malgré la catastrophe annoncée, le coût des céréales sur les marchés mondiaux est demeuré stable depuis la fin de l’Initiative. 

Le délégué a souligné l’importance du projet de la Russie, de la Türkiye et du Qatar visant à fournir 1 million de tonnes de céréales russes, assorties d’un transport gratuit vers les pays les plus pauvres, soit le même volume de nourriture qui a été envoyé cette année dans le cadre de l’Initiative de la mer Noire.  Il a en outre confirmé que la Fédération de Russie était prête à envisager la possibilité de rouvrir le corridor humanitaire de la mer Noire, à condition que ses exigences concernant la levée des sanctions soient remplies, à savoir la normalisation des activités des banques et des entreprises, la mise en place d’une logistique de transport et d’assurances, ainsi que la reprise des approvisionnements en pièces détachées.  « Pour notre part, nous avons déjà démontré que la Russie n’a pas violé les accords, mais nous ne constatons pas la même chose de la part des autres parties », a-t-il conclu. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a noté que le niveau sans précédent des désastres humanitaires devait nous amener collectivement à réexaminer la façon dont les moyens humanitaires sont mobilisés.  Citant le chiffre de 55,2 milliards de dollars de besoins pour toutes les personnes ayant besoin d’aide humanitaire dans le monde, il a expliqué qu’il était important de comprendre comment l’intérêt du secteur privé pouvait « coïncider » avec le cadre universel de solidarité du multilatéralisme.  Il a ensuite insisté sur quatre points.  En premier lieu, le partenariat du privé avec l’action humanitaire devrait être fondé sur des principes et valeurs communs de neutralité, d’impartialité et d’indépendance.  Le délégué s’est à ce titre félicité des travaux de l’OCHA fixant des principes directeurs pour la collaboration public-privé pour l’action humanitaire, ou encore de l’existence des principes élaborés par d’autres fonds et programmes des Nations Unies, qui pourraient servir de base à une action visant à satisfaire les besoins humanitaires croissants.  En deuxième lieu, il a souligné que les partenariats humanitaires devaient être soutenus par l’utilisation des nouvelles technologies pour anticiper les besoins, faciliter les réponse et améliorer l’efficacité des résultats humanitaires.  En troisième lieu, il a encouragé la création de partenariats public-privé au niveau régional, notamment dans des cadres tels que l’UA ou la CEDEAO.  Il a enfin exhorté à établir une hiérarchie des priorités d’investissement pour traiter des causes profondes des crises humanitaires, et trouver des solutions novatrices qui bénéficient à des sociétés durables et résilientes. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a rappelé que les besoins humanitaires ne cessent d’augmenter dans le monde, de même que l’écart entre ces besoins et les financements.  Rappelant les inondations torrentielles survenues en Libye et le violent séisme qui a frappé le Maroc, la représentante a dit avoir personnellement rencontré des réfugiés traumatisés lors d’un récent voyage à la frontière entre le Soudan et le Tchad.  Face à ces urgences humanitaires, la communauté internationale doit fournir aux agents humanitaires les ressources dont ils ont besoin pour sauver des vies, a-t-elle plaidé, jugeant toutefois impératif de sortir de la routine et de réfléchir globalement pour régler des crises qui s’inscrivent dans la durée.  Un appel doit être lancé à tous ceux qui ont la possibilité d’agir, a ajouté la déléguée, non sans citer quelques exemples de partenariats humanitaires impliquant le secteur privé.  Ces dernières années, les grandes entreprises américaines de logistique se sont mobilisées pour aider le PAM, a-t-elle ainsi noté avant de saluer l’initiative « Connecting Business » de l’OCHA, qui a créé un réseau de fondations privées et de chambres de commerce intéressées par l’action humanitaire. 

En Haïti, où la violence des gangs entrave l’accès humanitaire, le secteur privé joue un rôle vital, a poursuivi la représentante.  Elle a ainsi relevé qu’un pont aérien a été créé grâce à l’USAID et que des compagnies aériennes ont apporté une aide logistique en transportant dans le pays des articles de première nécessité.  Le secteur privé a aussi agi pour aider les Ukrainiens souffrant des conséquences dévastatrices de la guerre d’agression de la Russie, a-t-elle signalé, ajoutant qu’au début de l’année, des entreprises ont fourni des centaines de millions de dollars en réaction au séisme en Türkiye.  Ces exemples ne sont que la « pointe de l’iceberg », a assuré la déléguée, pour qui, « depuis trop longtemps, nous ne nous sommes tournés vers le secteur privé que pour obtenir des fonds ». Or, il a plus à offrir en capacités, en savoir-faire et en pouvoir d’innovation, a-t-elle souligné, avant d’appeler le secteur public à faire davantage pour travailler de manière dynamique avec le secteur privé, notamment dans le cadre de la réalisation des ODD.  À ses yeux, l’heure est venue d’investir pour renforcer ces relations et d’accueillir le secteur privé « par la grande porte ». Les habitants les plus vulnérables de la planète comptent sur nous, a-t-elle conclu. 

M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a dit que pour répondre aux crises de la sécurité alimentaire, il faut arriver à une complémentarité entre la réalisation des ODD, d’un côté, et la prise en compte des besoins urgents comme les conflits, de l’autre.  Le représentant a souligné l’importance de la croissance économique, de l’emploi, de la lutte contre la pauvreté ainsi que du renforcement des capacités des États pour surmonter les difficultés et assurer la satisfaction des besoins et de la stabilité.  Pour faire face à la montée de la faim et de l’insécurité alimentaire et à l’augmentation des conflits, le délégué a exhorté à la cessation des conflits.  Il a demandé de l’aide pour les pays qui accueillent des réfugiés et migrants, comme l’Égypte qui accueille plus de 2 millions de migrants et réfugiés provenant de 58 pays.  Le soutien international à cet égard doit être augmenté, a-t-il demandé.  Il a aussi appelé à combler le fossé entre ce que les humanitaires reçoivent et ce dont ils ont besoin, en respectant la neutralité, l’indépendance, la non-politisation et la non-ingérence dans les affaires intérieures du pays récipiendaire. Pour l’orateur, le partenariat avec le secteur privé ne saurait être une solution pour que des donateurs et certains pays n’apportent pas leur contribution. 

Mme FIKRIYE ASLI GÜVEN (Türkiye) a exprimé sa vive préoccupation face aux retards dans la réalisation des objectifs de développement durable du fait de la hausse des besoins humanitaires engendrée par la multiplication des crises dans le monde.  Elle a appelé à combler le fossé du financement du développement et de l’aide humanitaire, et à trouver des solutions à long terme pour résoudre les crises et promouvoir le nexus humanitaire-développement.  Elle a défendu une coopération internationale et un multilatéralisme efficaces, à l’image de la coopération de longue date entre la Türkiye et l’ONU, partenariat qui a également permis au secteur privé de contribuer.  La Türkiye, a-t-elle rappelé, a joué un rôle clef dans la mise en place de l’Initiative de la mer Noire, qui a permis de transporter 33 millions de tonnes de céréales à l’aide de trois navires commerciaux, dans le cadre d’un véritable partenariat humanitaire. En outre, le Centre international d’Istanbul d’appui au secteur privé aux fins du développement cherche à faciliter la contribution du secteur privé, tandis qu’une banque de technologies pour le développement joue un rôle déterminant afin de répondre aux besoins des pays les moins avancés (PMA) dans les domaines des sciences, des technologies et de l’innovation, avec des partenaires du secteur privé.  Après les séismes dévastateurs qui ont frappé le pays, la Türkiye s’efforce de reconstruire de façon plus intelligente et écoresponsable, a par ailleurs assuré la représentante. 

M. MARTHINUS CHRISTOFFEL JOHANNES VAN SCHALKWYK (Afrique du Sud) a estimé que dans le contexte de la crise humanitaire mondiale, les partenariats public-privé doivent garantir le respect des principes humanitaires d’humanité, de neutralité et d’impartialité.  Il faut également empêcher les entreprises impliquées dans un conflit de s’engager dans une action humanitaire afin d’éviter les conflits d’intérêts, a-t-il ajouté.  Le représentant a ensuite évoqué la façon dont le secteur privé pouvait plus efficacement atténuer les crises humanitaires, grâce à de nouveaux mécanismes financiers et technologiques.  Il a ainsi donné l’exemple de la distribution de fournitures d’urgence via des bons d’achat, permis grâce à des partenaires privés.  Enfin, le délégué a affirmé que la prévention des conflits devait rester prioritaire, sans négliger le renforcement de la résilience à tous les niveaux et la réponse aux crises induites par les changements climatiques. 

Mme HEDDA SAMSON, de l’Union européenne, s’est alarmée du fossé entre les financements des donateurs et des besoins humanitaires poussés à un niveau inédit par les changements climatiques, la hausse des prix alimentaires et les conflits armés.  Elle a appelé la communauté internationale à trouver de nouvelles solutions pour réduire cet écart.  Selon elle, l’implication des acteurs du secteur privé pourrait améliorer la réponse humanitaire, tout particulièrement dans les secteurs de la logistique et de la finance.  La logistique, a-t-elle relevé, représente entre 60 et 80% des dépenses humanitaires d’urgence.  L’améliorer contribuerait donc à combler le déficit de financement.  Selon elle, le secteur privé pourrait apporter un précieux savoir-faire logistique, notamment dans les chaînes d’approvisionnement.  À ce titre, elle a cité le Logistics Emergency Team, à travers lequel quatre des plus importantes entreprises de transport mondiales soutiennent le Logistic Cluster du PAM. 

La représentante a salué la proposition du Secrétaire général de créer une plateforme d’urgence impliquant des acteurs du monde entier issus du secteur privé, de la société civile, et des experts. Enfin, tout en relevant le potentiel d’augmentation des dons, elle a estimé que les investissements privés représentent une plus importante marge d’amélioration.  Elle a noté que des modèles financiers mixtes, combinant donations du secteur public et investissements privés, sont largement utilisés dans le domaine de la coopération au développement.  Selon elle, ces modèles pourraient s’appliquer aux contextes humanitaires s’il existe des besoins à long terme, quand les financements d’urgence peuvent laisser la place au développement et à la reprise des marchés.  Elle a cité comme exemple de ce genre d’initiative des projets pilotes de la Commission européenne qui ont pour but de montrer comment des bourses humanitaires peuvent attirer des investissements privés. 

M. MAURIZIO MASSARI (Italie) a souligné l’importance du secteur privé dans le soutien à l’action humanitaire.  Après avoir insisté sur l’importance de la coordination dans la mise en place de partenariats efficaces, il a jugé urgent de s’attaquer aux causes des crises en agissant par anticipation, notamment en matière de sécurité alimentaire.  Rappelant que la question des financements demeure un défi, il a appelé à développer des partenariats plus vastes avec les acteurs locaux, les jeunes, la société civile, les gouvernements, et les femmes, de même qu’avec les fondations.

M. BOŠTJAN MALOVRH (Slovénie) a fait état des difficultés pour les États Membres à faire face aux coûts et aux besoins engendrés par les multiples crises contemporaines.  Dans le contexte actuel où s’entremêlent changements climatiques, inégalités économiques et conflits, il est évident, a-t-il poursuivi, que les partenariats public-privé sont essentiels pour mettre en commun les expertises. Par le passé, les partenariats public-privé ont démontré une efficacité accrue, une grande flexibilité et un meilleur rapport coûts-bénéfices pour résoudre des besoins humanitaires urgents, a remarqué le délégué. 

Il a indiqué, néanmoins, que ces partenariats doivent adhérer à certains principes, tels que le renforcement des capacités locales, de la résilience, de l’action rapide et de la réhabilitation postconflit.  Il est donc crucial d’investir dans la prévention pour améliorer l’efficacité de l’aide et de ces partenariats, a-t-il insisté.  Saluant les projets initiés par la Slovénie dans plusieurs pays d’Afrique et du Moyen-Orient, le délégué a souligné l’importance des droits humains, en particulier l’accès aux ressources vitales et la protection des plus vulnérables contre les violences sexistes. Le représentant a, par ailleurs, relevé la « nécessité absolue » de lever les entraves à l’aide humanitaire quand elle devient la seule solution.

M. JOONKOOK HWANG (République de Corée) a considéré que la nature de plus en plus complexe et imbriquée des crises humanitaires requiert un engagement plus important de la part du secteur privé, avec ses ressources, son expérience, ses technologies de pointe et ses capacités logistiques.  Encourager les partenariats public-privé peut contribuer à la mise en œuvre des piliers humanitaire-développement-paix et être utilisés pour attirer des entrepreneurs privés qui exploitent des technologies de pointe, telles que l’IA et la chaîne de blocs, dans le domaine de l’aide humanitaire. Un exemple notable est la collaboration entre le PAM et Mastercard, s’est réjoui le délégué.  En République de Corée, a-t-il indiqué, ces partenariats englobent un large éventail de secours d’urgence, de services de réduction des risques de catastrophe, de relèvement rapide, d’aide aux réfugiés et aux personnes déplacées et de prévention de la violence sexiste.  Des résultats positifs ont été ainsi obtenus dans ce cadre grâce à l’aide apportée par des ONG coréennes aux réfugiés rohingya au Bangladesh en 2018.

Au nom des pays nordiques, Mme CHRISTINA MARKUS LASSEN (Danemark) s’est félicitée de l’augmentation, ces dernières années, du financement apporté par le secteur privé pour gérer des urgences humanitaires. Cette tendance est une évolution bienvenue et indispensable, a-t-elle estimé, alors que les besoins humanitaires dépassent souvent les fonds disponibles pour l’aide vitale.  Rappelant à cet égard la longue tradition des pays nordiques en matière de fourniture d’aide humanitaire, elle a jugé que la communauté internationale pouvait faire davantage pour créer des synergies et collaborer avec le secteur privé.  Elle a pris l’Initiative de la mer Noire comme exemple de collaboration entre les secteurs public et privé pour éviter une nouvelle aggravation de la crise alimentaire mondiale.  Elle a toutefois déploré la décision de la Russie de s’en retirer et l’a appelée à s’y impliquer à nouveau. 

La représentante a ensuite fait valoir que le secteur privé contribue à l’innovation dans plusieurs domaines clefs de l’action humanitaire, de la logistique aux abris en passant par les technologies de l’information et des communications (TIC).  Enfin, face à la complexité croissante des urgences humanitaires actuelles, la déléguée a plaidé pour une action coordonnée de tous les acteurs concernés, y compris le secteur privé.  C’est selon elle une nécessité pour développer des solutions au niveau local qui engagent et responsabilisent les communautés au profit de la paix et de la stabilité. 

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a estimé que les approches traditionnelles, diplomatiques et militaires ne sont plus suffisantes à elles seules pour traiter des défis complexes qui menacent la stabilité mondiale aujourd’hui.  La voie à suivre est de favoriser des partenariats humanitaires public-privé plus forts, a-t-elle recommandé.  Ces partenariats représentent à ses yeux une approche moderne pour traiter des questions de paix et sécurité en fournissant une plateforme unique pour la collaboration entre les gouvernements, les ONG, la société civile et le secteur privé.  Il est nécessaire toutefois de trouver le bon équilibre entre ces acteurs pour garantir l’efficacité de ces partenariats, a fait remarquer la représentante. 

L’Inde, a-t-elle dit, est un ardent défenseur des partenariats public-privé dans le secteur humanitaire et les opérations de secours d’urgence.  Elle a signalé la collaboration de l’agence nationale d’aide de son pays avec nombre de parties prenantes pour mobiliser des ressources et des capacités afin de traiter de façon efficace les défis qui se posent dans la gestion des catastrophes naturelles. La représentante a insisté sur l’importance du soutien financier et technologique que peut apporter le secteur privé.  Pour l’Inde, a réitéré la déléguée, le principe moral qui guide l’action humanitaire est que le monde est une grande et vaste famille.  Le paradigme de développement axé sur l’individu demeurera son principe directeur, a-t-elle conclu.

Mme CARLA MARÍA RODRÍGUEZ MANCIA (Guatemala) a alerté que les crises multiples actuelles, notamment l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, mettent en péril la sécurité alimentaire mondiale et déstabilisent les prix des denrées alimentaires, avec des conséquences humanitaires dévastatrices.  Elle a jugé urgent de renforcer l’architecture de la réponse humanitaire en s’appuyant sur des partenariats public-privé, par le biais d’alliances stratégiques fondées sur l’innovation et la recherche.  L’Initiative de la mer Noire, qui permet d’assurer la sécurité alimentaire mondiale dans le monde, constitue une référence en la matière, a estimé la représentante qui a regretté que la Fédération de Russie y ait mis un terme.  Elle a par ailleurs relevé que les activités de recherche et développement menées par les entreprises apportent une contribution déterminante à la protection des plus vulnérables en mettant l’accent sur la création de communautés plus résilientes et plus pacifiques.

S’exprimant au nom des pays du Benelux (Luxembourg, Pays-Bas et Belgique), M. KARL LAGATIE (Belgique) s’est inquiété de l’impact sur la sécurité alimentaire mondiale du récent retrait de la Russie de l’Initiative de la mer Noire, mais aussi du blocage du mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontière en Syrie.  Il a également mis en garde contre la liste « bien trop longue » des « crises oubliées » qui, a-t-il insisté, méritent la même attention et le même soutien politique et financier des États Membres.  Il a rappelé le vingtième anniversaire de l’adoption des Principes et bonnes pratiques d’action humanitaire, estimant que les principes clefs des bonnes pratiques de financement humanitaire pourraient inspirer les acteurs privés ou encadrer les partenariats public-privé. 

Il a également apporté son soutien à des approches humanitaires novatrices, comme les obligations à impact humanitaire destinées à encourager les investissements sociaux, ainsi que les accélérateurs d’innovation humanitaire qui stimulent le développement de solutions technologiques, ainsi que les « hackatons » humanitaires.  Soulignant que les sciences et technologies sont indispensables pour résoudre les problèmes interconnectés qui caractérisent le monde actuel, il a salué la récente création par le Secrétaire général d’un Conseil consultatif de la science et de la technologie.

Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a indiqué que le Qatar était en première ligne, cette semaine, des pays qui ont envoyé des centaines de tonnes d’aide d’urgence à la Libye et au Maroc, sans compter l’aide accordée cette année au Soudan ou à la Türkiye, ou encore le rôle joué par son pays pour améliorer les conditions humanitaires en Afghanistan.  Elle a souligné que, dans ce contexte, le secteur privé avait un potentiel transformateur, y compris dans le domaine des émissions de carbone et de l’atténuation de la crise climatique.  La déléguée a ainsi souligné que les entreprises avaient à offrir, en plus de l’argent, de l’expertise technique et logistique dans les domaines des technologies, des communications, de l’analyse des données et de l’intelligence artificielle. L’ONU a un rôle central à jouer dans les partenariats avec le secteur privé, a-t-elle ajouté, en rappelant le large soutien financier du Qatar aux organes et agences de l’ONU. 

M. SURIYA CHINDAWONGSE (Thaïlande) a observé que les besoins en financement humanitaire pour 2023, qui dépassent les 55 milliards de dollars, n’avaient été couverts qu’à hauteur de 25% jusqu’ici. Il a donc appelé tous les acteurs, y compris privés, à jouer un rôle plus grand dans la « noble mission de sauver des vies humaines », en insistant sur trois points.  D’abord, le délégué a souligné que les partenariats public-privé devraient respecter le droit humanitaire international et les principes d’humanité, d’impartialité, de neutralité et d’indépendance.  Tout écart vis-à-vis de ces principes, ainsi que toute politisation de l’aide humanitaire risquerait d’en compromettre les objectifs.  Ensuite, le représentant a estimé qu’il fallait enrôler tous les pans de la société, y compris la société civile, dans l’aide humanitaire.  Le secteur privé peut ainsi, par le financement d’opérations, mais aussi par le soutien logistique et technologique (satellites, drones, intelligence artificielle) contribuer à une meilleure préparation et réponse aux catastrophes.  Enfin, le délégué a soutenu que le secteur privé avait un rôle vital à jouer dans la consolidation de la paix à long terme, en aidant à construire des institutions pour une croissance durable. 

M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) s’est félicité des efforts de l’ONU et de ses agences visant à impliquer le secteur privé dans la fourniture de solutions humanitaires.  Il a salué à cet égard la création par l’OCHA d’une équipe dédiée à la mobilisation du secteur privé.  Le représentant a d’autre part souligné l’importance de la localisation de l’aide humanitaire, les entreprises locales connaissant les spécificités d’une zone donnée et pouvant plus facilement établir des relations avec les communautés locales.  Toutefois, a-t-il ajouté, si nous voulons impliquer le secteur privé, nous devons montrer les avantages des partenariats dans la réponse humanitaire et offrir aux entreprises une perspective d’investissement à plus long terme et de construction de leur marque.  En ce qui concerne les exemples de meilleures pratiques, le délégué s’est dit impressionné par l’engagement du secteur privé et sa coopération avec l’ONU dans les opérations post-tremblement de terre en Türkiye.  Selon lui, la guerre en Ukraine a également fourni de bons exemples de participation du secteur privé à l’aide, les entreprises ayant fait des dons en nature, en espèces et en expertise à une échelle jamais vue auparavant. 

Dès les premières semaines de cette guerre, le Gouvernement polonais a coopéré avec le secteur privé impliqué dans le transfert de l’aide humanitaire vers l’Ukraine mais aussi dans la mise en place de solutions logistiques, a précisé le représentant.  Il a ainsi fait état d’unités de logement temporaires pour personnes déplacées construites par une entreprise polonaise et assemblées par des entreprises ukrainiennes, mais aussi de l’achat par la Pologne de 20 000 terminaux Starlink pour l’Ukraine.  Autant d’exemples qui prouvent, selon lui, que l’engagement du secteur privé rend l’aide humanitaire plus efficace et contribue à renforcer la résilience des communautés.  À l’approche du Sommet sur les ODD, il a appelé à ne pas laisser les crises humanitaires condamner des millions de personnes à une vie sans paix, sans sécurité, sans développement et sans droits humains.

Mme ANA PAULA ZACARIAS (Portugal) a suggéré de s’attaquer à l’augmentation du nombre de personnes ayant besoin d’aide humanitaire et aux besoins financiers dans ce domaine en résolvant les conflits armés et en gérant les conséquences des changements climatiques.  Elle a recommandé pour cela de faire avancer la transition verte, au niveau mondial, de façon socialement juste.  La paix peut s’obtenir en promouvant un développement durable inclusif et en encourageant tous les États à protéger les droits humains, a-t-elle fait valoir avant d’appeler à combler le déficit de financement, ce qui passe par la diversification des sources de financement.  Saluant l’élargissement de l’espace humanitaire et des efforts de développement, la représentante a fait remarquer que les partenariats public-privé sont déjà cruciaux pour la réduction des risques de catastrophe, la logistique ou les TIC. 

La déléguée a misé sur l’intelligence artificielle, l’automatisation ou encore l’analyse de données pour mieux coordonner les réponses humanitaires.  Le Portugal, a informé la représentante, est prêt à partager ses expériences obtenues en 2019, lorsque les cyclones Idai et Kenneth ont frappé le Mozambique, avec la création d’un mécanisme de financement qui a mis dans un pot commun des fonds provenant de différentes sources.  Le partenariat public-privé qui a ainsi été créé a permis de financer des ONG axées sur la reconstruction à court terme et la résilience communautaire à long terme.  Ce mécanisme a notamment permis d’équiper l’unité de néonatalogie de l’hôpital central de la ville de Beira et de reconstruire complètement son bloc opératoire.  La déléguée a conclu en soulignant combien le secteur privé stimule l’innovation technologique qui peut rendre le système humanitaire plus efficace sur les plans financier et opérationnel. 

M. THOMAS PETER ZAHNEISEN (Allemagne) a fait remarquer que dans le système humanitaire mondial, les quatre plus gros bailleurs de fonds totalisaient près de 60% de tous les dons, et que si l’on y incluait les donateurs dits « traditionnels », on atteignait entre 90% et 95%.  Il a estimé qu’un tel système n’est pas tenable et qu’il faut redistribuer le fardeau de manière plus équitable.  Il a exhorté les États Membres à revoir leurs contributions à la hausse, par le biais de l’ONU, de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge.  Enfin, il a appelé de ses vœux une refonte du système humanitaire, avec davantage d’investissements, plus de financements innovants et plus d’investissements pour déployer des processus efficaces.  De ce point de vue, a-t-il déclaré, le secteur privé peut jouer un rôle important, et les partenariats public-privé peuvent être une source de soutien financier.  Il a cité en exemple le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, qui a pu allouer plus d’un milliard de dollars grâce à des financements du secteur privé. 

Selon le représentant, un changement structurel est nécessaire. Le système humanitaire devrait mieux exploiter le moteur de changement que représente le savoir-faire du secteur privé en matière d’innovation. Il a cité en exemple l’accélérateur de l’innovation du PAM à Munich et son projet d’intelligence artificielle, développé avec Google, pour évaluer les dégâts des séismes via l’imagerie satellitaire et faciliter les interventions après les catastrophes.  Le délégué a également souligné le rôle parfois négligé des petits partenaires, mentionnant l’application de levée de fonds du PAM, développée par une start-up berlinoise qui, en 2022, a levé 28 millions de dollars auprès des jeunes, un public pas toujours sensibilisé. 

M. OMAR KADIRI (Maroc) a estimé que si les partenariats avec le secteur privé sont complémentaires à d’autres initiatives d’aide humanitaire, ils doivent néanmoins répondre aux principes humanitaires fondateurs, être fondés sur le nombre d’individus dans le besoin, et respecter la primauté des agences onusiennes dans la gestion des fonds afin d’éviter les détournements.  Le délégué a ensuite rappelé que le Maroc contribue à l’aide humanitaire à divers degrés, mentionnant notamment les hôpitaux de campagne installés dans une quinzaine de pays, l’envoi de matériel médical à une vingtaine de pays africains et l’appel à l’action lancé en 2020 afin d’appuyer la réponse humanitaire internationale contre la COVID-19.  Il a ensuite souligné que la stratégie nationale d’immigration et d’asile, adoptée en 2014, constitue un « modèle de référence à l’approche humaniste, multipartite et de partenariat ».  Le délégué a conclu en remerciant les États pour leur soutien et leurs marques de sympathie lors du récent tremblement de terre.

M. RENÉ ALFONSO RUIDÍAZ PÉREZ (Chili) a rappelé la refonte de l’architecture humanitaire et du rôle du secteur privé auprès de l’ONU et de ses États Membres au cours des dernières décennies, qui a culminé notamment avec l’adoption, en 2015, des objectifs de développement durable.  L’inclusion de nouveaux acteurs et de nouvelles perspectives afin de répondre aux problèmes mondiaux peuvent selon lui contribuer à l’atteinte de solutions durables.  La flexibilité et l’innovation inhérentes au secteur privé permettent souvent à celui-ci de réagir plus rapidement que les États à des situation de crise, bien qu’il incombe au premier chef à ces derniers d’assurer la réponse humanitaire. Dans le même temps, tout mandat en ce sens doit s’effectuer conformément à la législation nationale et dans le plein respect des droits humains, a précisé le délégué.  La coopération entre les secteurs public et privé doit être menée au moyen d’alliances spécifiques, a souligné le représentant, notamment s’agissant du secteur financier, lequel peut jouer un rôle crucial en fournissant des ressources prévisibles, en accordant des prêts bonifiés ou encore des facilités de paiement à même de contribuer à la réponse humanitaire en temps de crise.

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