Plaidoyer au Conseil de sécurité pour que les « valeurs de la fraternité humaine » soient mises au service de la promotion et de la pérennisation de la paix
À l’initiative de sa présidence émirienne, le Conseil de sécurité a examiné ce matin les moyens de mettre en œuvre une approche fondée sur « les valeurs de la fraternité humaine pour la promotion et la pérennisation de la paix » dans un monde qui n’a jamais compté autant de conflits depuis 1945. La séance d’information entendait s’inspirer du document « La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune », cosigné par le pape François et le grand imam d’Al-Azhar en février 2019, et sur la résolution 75/200 (2020) de l’Assemblée générale.
Le Secrétaire général de l’ONU et les membres du Conseil, dont quatre représentés au niveau ministériel, ont insisté sur l’éducation et le renforcement du rôle des dignitaires religieux pour prévenir l’instrumentalisation de la religion à des fins négatives, après avoir entendu le grand imam de l’Université Al-Azhar Al-Sharif, M. Ahmed Al-Tayeb, ainsi que l’archevêque Paul Richard Gallagher, Secrétaire pour les relations avec les États du Saint-Siège et une représentante de la société civile, Mme Latifa Ibn Ziaten, mère d’une victime du terrorisme qui cherche depuis lors à détourner les jeunes de la violence.
Bien que l’ONU se tienne « en marge de toutes les confessions », M. António Guterres, citant son prédécesseur Dag Hammarskjöld, a présenté l’Organisation comme « un instrument de foi qui s’inspire de ce qui unit les grandes religions du monde, plutôt que de ce qui les divise » et qualifié les chefs religieux d’« alliés incontournables dans notre quête commune de paix dans le monde ». Trop souvent, lorsqu’un conflit éclate ou s’envenime, le dénominateur commun est la haine de l’autre, a déploré le Secrétaire général, qui a dit avoir constaté partout dans le monde un déferlement de xénophobie, de racisme et d’intolérance, de misogynie violente, d’islamophobie, d’antisémitisme virulent et d’attaques contre des minorités chrétiennes.
Le Secrétaire général a reconnu que la diabolisation de l’autre, le dénigrement de la diversité et le mépris des droits humains ne sont pas des fléaux nouveaux mais il a jugé inédites leur rapidité et leur portée, d’autant plus que les médias sociaux ont doté ceux qui sèment la haine d’un porte-voix mondial pour répandre leur fiel. Aujourd’hui, aucun complot n’est trop scandaleux pour trouver un vaste public, aucun mensonge n’est trop absurde pour alimenter un « délire » en ligne, a déploré le Chef de l’ONU, appuyé ensuite par plusieurs délégations, dont le Brésil, la Suisse et le Ghana, lequel, par la voix de son ministre de l’environnement, de la science, de la technologie et de l’innovation, s’est inquiété des contenus en ligne extrémistes, qui trouvent une certaine résonance auprès des jeunes. De fait, a rappelé M. Guterres, les auteurs des attaques haineuses contre la mosquée de Christchurch en Nouvelle-Zélande, la synagogue de Pittsburgh et l’église de Charleston aux États-Unis avaient tous été radicalisés en ligne.
Le Secrétaire général a mis en avant « Notre Programme commun », qui promeut un Pacte numérique mondial en vue d’un avenir numérique fermement ancré dans les droits humains et la non-discrimination. Pour lutter contre les formes d’extrémisme violent, le Japon a mis en avant son approche, expérimentée dans l’est de Java en Indonésie, pour prévenir le recrutement via Internet et soutenue par le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour la sécurité humaine.
Redonner l’espoir à la jeunesse est aussi le combat de onze années mené par Mme Ibn Ziaten lors de ces visites en France et dans le monde, dans les maisons d’arrêt, dans la rue. Elle a expliqué que ce qui l’a le plus inquiété est l’absence « de rêve », chez ces jeunes.
Ni l’islam ni les autres religions n’ont quoi que ce soit à voir avec le terrorisme, a défendu le grand Imam d’Al-Azhar, pour qui le terrorisme est provoqué par des politiques hégémoniques mondiales, des philosophies matérialistes et économiques qui n’ont que faire des principes moraux. Un point de vue partagé par l’archevêque Gallagher, qui a exhorté à sortir de la logique de la légitimité de la guerre pour que la paix devienne une réalité.
Il faut encourager le dialogue interreligieux et interculturel, ont insisté le Ministre des affaires étrangères du Gabon et la Ministre de l’Administration et de la fonction publique du Mozambique. Cette dernière a rappelé que c’est bien la médiation du Saint-Siège qui a été à l’origine de la signature, en 1992, de l’Accord de paix de Rome entre le Gouvernement de son pays et la rébellion de la Résistance nationale mozambicaine (RENAMO), qui a mis fin à la guerre civile. La Fédération de Russie a quant à celle salué l’action de l’Alliance des civilisations de l’Organisation des Nations Unies, l’appelant à poursuivre son travail utile pour promouvoir l’éducation à la paix et à la citoyenneté mondiales.
Il faut répondre aux menaces avant qu’il ne soit trop tard, a averti la Ministre d’État des Émirats arabes unis, qui a évoqué les crimes de guerre et contre l’humanité commis au Rwanda et en ex-Yougoslavie. Elle a rappelé que son pays avait proposé un projet de résolution pour répondre justement aux défis de la haine et de l’intolérance, lequel a été adopté par le Conseil plus tard dans la journée.
Plusieurs des membres du Conseil ont en outre évoqué le rôle de l’éducation et des femmes dans la prévention de l’intolérance, à l’image des délégations de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis. Ces derniers ont assuré que le Conseil est sans équivoque sur les libertés et droits fondamentaux des femmes, notamment le droit de participer à la vie publique, qui augmente les chances d’une paix juste et pérenne.
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Les valeurs de la fraternité humaine pour la promotion et la pérennisation de la paix (S/2023/417)
Déclarations
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a, d’entrée, mis en avant le rôle des chefs religieux en tant qu’« alliés incontournables » dans notre quête commune de paix dans le monde. Citant les propos de son prédécesseur Dag Hammarskjöld, M. Guterres a rappelé que « l’ONU se tient en marge de toutes les confessions. Mais c’est néanmoins un instrument de foi qui s’inspire de ce qui unit les grandes religions du monde, plutôt que de ce qui les divise ».
Toutes les grandes religions mobilisent les impératifs de fraternité humaine, de respect mutuel et de compréhension, des valeurs universelles qui animent la Charte des Nations Unies et qui sont au cœur de l’action de l’ONU en faveur de la paix, de la justice et des droits humains, a fait observer le Secrétaire général.
Maintenir la paix et empêcher la guerre, c’est la raison d’être de ce Conseil, a rappelé M. Guterres qui a déploré que, trop souvent, le dénominateur commun, lorsqu’un conflit éclate ou s’envenime, soit la haine de l’autre. Il a dit avoir constaté partout dans le monde un déferlement de xénophobie, de racisme et d’intolérance, de misogynie violente, d’islamophobie, d’antisémitisme virulent et d’attaques contre des minorités chrétiennes. Les mouvements suprémacistes et néonazis sont aujourd’hui la principale menace à la sécurité intérieure de plusieurs pays, celle qui évolue le plus rapidement, a-t-il averti.
Certes, a constaté le Secrétaire général, la diabolisation de l’autre, le dénigrement de la diversité et le mépris des droits humains ne sont pas des fléaux nouveaux mais leur rapidité et leur portée sont inédites, d’autant plus que les médias sociaux ont doté ceux qui sèment la haine d’un porte-voix mondial pour répandre leur fiel. Aujourd’hui, aucun complot n’est trop scandaleux pour trouver un vaste public, aucun mensonge n’est trop absurde pour alimenter un « délire » en ligne. M. Guterres a dénoncé tant les affirmations non vérifiées que les purs mensonges, qui peuvent acquérir une crédibilité instantanée, au même titre que les faits et la science.
Ces situations sont souvent acceptées, voire encouragées par les dirigeants politiques, a ajouté le Secrétaire général. Des idées et des propos haineux, jadis marginaux, intègrent le courant dominant, durcissent le discours public et déclenchent des violences réelles. Les auteurs des attaques haineuses contre la mosquée de Christchurch, la synagogue de Pittsburgh et l’église de Charleston avaient tous été radicalisés en ligne, a-t-il affirmé.
L’ONU elle-même n’est pas à l’abri de cette menace, a déploré M. Guterres, citant un sondage mené en 2022 parmi les Casques bleus, qui révélait que 75% d’entre eux considéraient leur sécurité et leur sûreté comme étant directement menacées par la mésinformation et la désinformation.
Bon nombre de questions dont le Conseil est saisi sont directement influencées par les discours de haine amplifiés par les technologies modernes, a rappelé le Secrétaire général, qui a multiplié les exemples au sein d’une liste qui, a-t-il ajouté, ne fait que s’allonger. Il a ainsi cité la Bosnie-Herzégovine et la Libye, la République démocratique du Congo et la République centrafricaine, le Myanmar ou encore l’Iraq, où la récente prolifération de discours de haine contre les Yézidis à Sinjar fait renaître, parmi la communauté, la crainte de nouvelles atrocités criminelles.
Pour le Chef de l’ONU, il faut renforcer collectivement nos défenses, d’abord en enrayant la haine qui se propage en ligne. Il a rappelé avoir lancé, en début de semaine, une note d’information pour promouvoir l’intégrité de l’information sur les plateformes numériques. Il a suggéré un code de conduite, qui pourrait aider les États Membres, les plateformes numériques et d’autres parties prenantes à rendre l’espace numérique plus inclusif et plus sûr pour chacun, tout en défendant le droit à la liberté d’opinion et d’expression et le droit d’accès à l’information. Il a cité Notre Programme commun, qui promeut un Pacte numérique mondial en vue d’un avenir numérique fermement ancré dans les droits humains et la non-discrimination.
Dans un monde qui se compte des sociétés de plus en plus multiethniques et multireligieuses, le Secrétaire général a appelé à investir dans la cohésion sociale et reconnaître la diversité comme une richesse de toute société, et non comme une menace. La haine prend racine dans le terreau de l’ignorance et de la peur, a-t-il expliqué, avant de défendre une éducation de qualité pour tous, partout, encourageant le soutien à des systèmes éducatifs qui inculquent le respect de la science et qui célèbrent l’humanité dans toute sa diversité. Cela passe par une hausse des financements pour l’éducation, la consolidation de la paix et la solidarité mondiale, a-t-il ajouté.
Enfin, le Secrétaire général a exhorté chacun à renforcer les valeurs de compassion, de respect et de fraternité humaine et à garantir des espaces civiques libres et sûrs. À ses yeux, les chefs religieux doivent intervenir partout, car, ils ont le devoir d’empêcher l’instrumentalisation de la haine parmi leurs fidèles.
Dans ce contexte, le Secrétaire général a présenté la déclaration sur « la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune », corédigée par le pape François et le grand imam d’Al-Azhar Ahmed Al-Tayeb, comme un modèle de compassion et de solidarité humaine. En cette période de conflits, M. Guterres a appelé à s’inspirer de cette déclaration et renouveler notre attachement à rester unis, comme une seule famille humaine. Ensemble, nouons une alliance de paix, ancrée dans les valeurs de la fraternité humaine. Riches en diversité, égaux en dignité et en droits et unis en solidarité, a-t-il conclu.
M. AHMED AL-TAYEB, grand imam de Haram el-Charif et Président du Conseil musulman des Sages, a affirmé d’emblée que la religion musulmane n’épargne aucun effort dans la promotion de la paix entre les peuples et essaie de renforcer les principes de la fraternité humaine, du respect mutuel et de la coexistence. Le grand imam s’est dit convaincu de l’importance du rôle des religions et des valeurs de la fraternité humaine dans la quête de la paix au niveau international. Se présentant comme « un simple musulman qui ne s’inscrit dans aucun courant politique, quelles que soient les origines ou les idéologies de ces courants », M. Al-Tayeb s’est dit fervent défenseur de la paix, qu’il a souhaité à toute l’humanité. Pour lui, ce sentiment profond de fraternité relie tous les individus, quelles que soient les activités, les religions, les croyances ou les langues. C’est l’enseignement de l’islam, des livres saints en particulier du Coran, a-t-il ajouté.
Pour le Président du Conseil musulman des Sages, Dieu veut que, dans ses différences, l’humanité vive en paix jusqu’à la fin des temps. Toute tentative visant à unir de force les peuples en une seule religion, une seule culture, une seule civilisation est contraire à la volonté du Créateur de tous les êtres. Selon lui, le Coran consacre avec beaucoup de clarté le droit à la liberté d’opinion et de croyance, ainsi que les responsabilités individuelles, familiales et communautaires. Il interdit la violation de ces droits. Dans le Coran, nul n’est obligé d’abandonner sa foi. Toutes les religions, les langues et les cultures, les civilisations devraient se fonder sur la paix et la sécurité. L’humanité a été créée pour que les peuples et les tribus puissent se connaître les uns les autres.
Dans le domaine des relations internationale, le Coran rejette la promotion des conflits et la confrontation, a poursuivi le grand imam. De même, on ne peut pas mettre en avant la discrimination raciale, la théorie de la suprématie blanche n’a pas sa place et l’intolérance non plus. La relation acceptable entre les peuples est une relation de paix.
L’islam n’est pas une religion de la guerre et de l’épée, a insisté le grand imam, pour qui l’histoire enseigne que la guerre est une circonstance exceptionnelle, une nécessité de défense légitime pour protéger son honneur, sa dignité ou sa terre. Ni l’islam ni les autres religions n’ont quoi que ce soit à voir avec le terrorisme, a poursuivi M. Al-Tayeb, pour qui le terrorisme est provoqué par des politiques hégémoniques mondiales, des philosophies matérialistes et économiques qui n’ont que faire des principes moraux. « Je vous appelle à mettre fin à ces guerres insensées qui enflamment notre monde et notre région aujourd’hui comme en Iraq, en Afghanistan et au Yémen », a déclaré le grand imam, qui a en outre attiré l’attention sur les lieux sacrés musulmans en Palestine et les souffrances immenses du peuple palestinien, qui se heurte à cause de l’arrogance, la cruauté et à la tyrannie. Déplorant le silence de la communauté internationale face aux violations des droits du peuple palestinien, il a appelé à accélérer immédiatement la reconnaissance d’un État palestinien.
M. Al-Tayeb a exhorté à mettre fin immédiatement à la catastrophe que constitue « la guerre qui déchire la frontière orientale de l’Europe », et à protéger les populations innocentes et les réfugiés, y compris ceux qui fuient les persécutions religieuses. Il a par ailleurs dénoncé la confiscation du droit de l’enfant à vivre avec sa mère biologique ainsi que la destruction de l’environnement.
Ces crises auraient pu être évitées si notre civilisation et si notre culture n’avaient pas répugné de façon excessive la religion et n’avaient pas fermé les yeux sur les enseignements religieux, si nous avions tiré un enseignement du divin, si nous avions fait attention au caractère sacré de la vie, à la valeur de la justice, a estimé le grand imam, qui a défendu le rôle indispensable de la religion dans la stabilité des sociétés.
M. Al-Tayeb a exhorté à promouvoir le message de paix et d’amour du mieux possible, et appelé à contrer tous les discours de haine et la manipulation des religions et des doctrines, qui sèment la guerre entre les nations et qui insufflent la peur et la terreur dans le cœur de l’homme. Pour lui, c’est la mission du partenariat entre Al-Azhar al-Charif et l’Église catholique, qui tente de raviver la culture du dialogue entre les croyants et de consolider les principes de la paix et de la coexistence harmonieuse.
M. Al-Tayeb a rappelé qu’avec le pape François, il avait écrit le livre Fraternité humaine en faveur de la paix, qui a été présenté au monde à Abou Dhabi le 4 février 2019. Dans ce document, les deux dignitaires religieux soulignent que la fraternité humaine sert de fondation à la paix et à la sécurité internationales. Avec d’autres religions, le grand imam a annoncé l’organisation d’un rassemblement des chefs religieux afin d’identifier des responsabilités partagées et de trouver des solutions face aux crises. Ces efforts nécessitent le soutien des dirigeants politiques et des décideurs de la communauté internationale, a-t-il déclaré, avant de conclure en assurant que la seule façon de régler les crises qui touchent le monde aujourd’hui est de faire nôtre la fraternité humaine.
Mgr PAUL RICHARD GALLAGHER, Secrétaire pour les relations avec les États du Saint-Siège, a invité le Conseil, « en ces temps où nous vivons une troisième guerre mondiale menée en ordre dispersé », qui, au fil du temps, semble se généraliser, à mettre de côté les idéologies et les visions étroites, les idées et les intérêts partisans, et à cultiver un objectif unique: travailler pour le bien de l’humanité tout entière. Si le monde globalisé d’aujourd’hui nous a tous rapprochés, il ne nous a pas rendus pour autant plus fraternels, a déploré l’archevêque, rejetant les nouvelles idéologies, caractérisées par la généralisation de l’individualisme, de l’égocentrisme et du consumérisme matérialiste, qui affaiblissent les liens sociaux, en alimentant la mentalité du « jetable » et de l’abandon des plus faibles et de ceux qui sont considérés comme « inutiles ». Il s’est élevé contre ce genre de coexistence humaine, l’assimilant à la formule latine do ut des ou le « donnant donnant », la qualifiant d’égoïste.
Avec la création des Nations Unies, il semblait que le monde avait appris, après deux terribles guerres mondiales, à s’orienter vers une paix plus stable, à devenir enfin une famille de nations. Or, a déploré Mgr Gallagher, il semble que l’humanité est en train de reculer avec ce qu’il a qualifié de montée des nationalismes « myopes, extrémistes, rancuniers et agressifs », engendrant des conflits non seulement anachroniques et dépassés, mais encore plus violents. En tant qu’homme de foi qui croit en la paix pour l’humanité, il n’a pu faire que l’amer constat qu’à cause de la guerre, ce rêve merveilleux est en train de se transformer en cauchemar. Il a en effet pointé du doigt les profits économiques découlant de la vente des armes, dit-il, souillé par le sang des innocents.
Notant qu’il faut plus de courage pour renoncer aux profits faciles au nom du maintien de la paix que pour vendre des armes toujours plus sophistiquées et plus puissantes, il a exhorté à sortir de la logique de la légitimité de la guerre pour que la paix devienne une réalité. Car, a-t-il mis en garde, avec les armes nucléaires et les armes de destruction massive, le champ de bataille est devenu pratiquement illimité et les effets potentiellement catastrophiques. C’est pourquoi, a-t-il insisté, le temps est venu de dire un « non catégorique » à la guerre, d’affirmer que les guerres ne sont pas justes, mais que seule la paix est juste: une paix stable et durable, bâtie non pas sur l’équilibre précaire de la dissuasion, mais sur la fraternité qui nous unit.
Construire la paix est un métier qui exige passion et patience, expérience et clairvoyance, ténacité et dévouement, dialogue et diplomatie, a-t-il reconnu. « Mais cette paix n’est possible que si elle est vraiment désirée! » L’archevêque a dit vouloir trouver dans le Conseil de sécurité « ces caractéristiques fondamentales » de la paix. Il est encore temps d’écrire un nouveau chapitre de paix dans l’histoire, a-t-il encouragé, se disant convaincu que « nous pouvons le faire de telle sorte que la guerre appartienne au passé et non à l’avenir ». En attendant, il a assuré de son soutien et de ses prières en faveur de la paix et de tout processus et initiative de paix, souhaitant de tout cœur que non seulement ce Conseil de sécurité, mais aussi l’Organisation des Nations Unies tout entière et ses États Membres, puissent toujours rendre un service efficace à l’humanité. « Heureux les artisans de paix », a-t-il conclu en citant l’Évangile.
Au nom de la société civile, Mme LATIFA IBN ZIATEN, fondatrice et Présidente de l’association Imad pour la jeunesse et la paix, a rappelé que sa mission, qui consiste à donner aux jeunes les moyens d’être des agents de la paix, est née d’une tragédie liée à la perte de son fils bien-aimé, Imad, âgé de 30 ans, qui servait la République, assassiné lors d’une attaque extrémiste en 2012. Elle a expliqué avoir refusé de sombrer dans la souffrance et avoir voulu, au contraire, savoir qui était ce jeune qui avait tué son fils, et surtout pourquoi.
Mme Ibn Ziaten a expliqué qu’en examinant le parcours de l’assassin, elle avait découvert que ce jeune n’avait ni éducation, ni amour, ni une personne pour le guider et l’accompagner. Dès lors, s’est-elle interrogée, comment peut-on tomber dans le piège du terrorisme aujourd’hui? En tant que femme de terrain, qui a sillonnée la France et le monde pendant onze ans, elle a dit avoir compris l’importance de l’éducation. En effet, en l’absence de parents, de l’école, de la société, toute cette jeunesse est perdue.
Disant n’être pas experte mais se fier à son expérience et à son interaction régulière avec les jeunes, Mme Ibn Ziaten a constaté une grande fracture. Cette jeunesse un peu perdue est dans la « souffrance ». Elle le voit dans les maisons d’arrêt, dans les foyers, dans la rue, où des jeunes sont livrés à eux-mêmes. Pourquoi en sommes-nous là? a-t-elle demandé. Elle a expliqué qu’elle travaillait avec les jeunes sur la tolérance, le vivre-ensemble et l’amour, afin de leur donner la force de continuer et d’avancer. Mais cela doit être un travail en commun de la famille, de l’école, de la société et de l’État, a-t-elle martelé.
Regrettant que certains parents aient baissé les bras, Mme Ibn Ziaten a reconnu que l’école, à elle seule, ne peut accompagner un enfant livré à lui-même qui, dans la plupart des cas, est orienté vers une formation professionnelle. Au bout de six mois, cet enfant, qui ne sait ni lire, ni écrire, abandonne l’école et devient une « bombe à retardement », a-t-elle déploré.
Tout en reconnaissant qu’il n’est pas facile d’être parent aujourd’hui, Mme Ibn Ziaten a recommandé à ceux qui le sont d’être attentifs et de dialoguer avec leurs enfants pour pouvoir les accompagner. Ce qui l’inquiète le plus c’est de constater que des jeunes de 14 ans ne « rêvent plus », n’ont plus d’espoir. Ceux-là doivent « démarrer leur moteur », car personne ne le fera à leur place, a-t-elle affirmé. Ayez confiance en vous, croyez en vous, a-t-elle lancé, rappelant qu’elle avait rencontré des milliers de jeunes, empêché nombre d’entre eux à se rendre en Syrie et travaillé avec des mères et des enfants de retour de ce pays. Après avoir expliqué qu’elle avait promis à ces jeunes qu’elle continuerait son combat jusqu’au bout, Mme Ibn Ziaten a dit avoir besoin de l’aide de tous pour dialoguer et trouver des solutions ensemble afin de vivre dans la paix, la fraternité et la tolérance.
Mme NOURA BINT MOHAMMED AL KAABI, Ministre d’État des Émirats arabes unis, a rappelé que le monde compte le plus grand nombre de conflits depuis 1945, tandis que les discours de haine se répandent et que des minorités sont attaquées. L’incitation à la haine peut déboucher sur la commission de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, a-t-elle averti, en mentionnant les exemples du Rwanda ou de l’ex-Yougoslavie. Elle a estimé que le Conseil de sécurité s’acquitte de son mandat en se penchant sur un tel sujet. « Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur les défis soulevés par l’extrémisme violent. »
La Ministre a expliqué que cette séance vise à réaffirmer l’engagement collectif en faveur de la coexistence pacifique. Elle a aussi demandé que les femmes aient voix au chapitre tant celles-ci jouent un rôle important dans les processus de dialogue et de réconciliation. Les dignitaires religieux ont également toute leur place dans lesdits processus. Enfin, elle a dit avoir proposé un projet de résolution pour répondre aux défis de la haine et de l’intolérance. Nous devons répondre aux menaces avant qu’il ne soit trop tard, a-t-elle conclu.
M. HERMANN IMMONGAULT, Ministre des affaires étrangères du Gabon, a rappelé qu’il y a plus de quatre ans, le 4 février 2019 à Abou Dhabi, le pape François et le grand imam d’Al-Azhar, le cheik Ahmed el-Tayeb, avaient signé le document intitulé « La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune », un appel solennel à mettre fin aux guerres, à condamner le terrorisme et l’extrémisme violent et à dialoguer en permanence de manière sincère et franche. Il a estimé qu’en faisant du 4 février la Journée internationale de la fraternité humaine, l’Assemblée générale a pris la mesure de l’exigence d’action fondée sur l’unité, la solidarité et la coopération multilatérale face aux « actes qui incitent à la haine et qui menacent l’esprit de tolérance et le respect de la diversité ». À cette aune, il a appuyé le projet de résolution présenté par les Émirats arabes unis, y voyant un engagement à promouvoir les valeurs qui fondent les Nations Unies.
Pour le Chef de la diplomatie gabonaise, c’est par une plus grande fraternité et solidarité entre les peuples du monde que nous pouvons sortir des cycles chroniques de crises que connaît le monde. « Et c’est par la tolérance, le pluralisme, le respect mutuel et la diversité des convictions que nous ferons prospérer la fraternité humaine », a-t-il ajouté, appelant à faire prévaloir ces valeurs au-delà des différences raciales, religieuses ou communautaires. Assurant que « l’humanité est fraternelle lorsqu’elle dialogue », il a souligné que sortir de la logique de dialogue revient à ouvrir la porte à l’inconnu, à la confrontation, à la défiance et au repli identitaire. C’est pourquoi, a-t-il dit, partout où la sécurité est rompue ou menacée, nous devons plus que jamais nous réunir et dialoguer. Avant de conclure, le Ministre a jugé crucial de condamner toutes les pratiques et attitudes qui menacent la vie aussi bien dans leurs manifestations que dans leurs causes profondes, avant de réitérer sa foi en Dieu et d’appeler chacun à préserver le « don de la vie ».
Mme ANA COMOANE, Ministre de l’administration et de la fonction publique du Mozambique, a rappelé que les droits à la liberté de pensée, de conscience et de religion sont inscrits dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, lesquelles réaffirment l’universalité des valeurs de fraternité humaine. Pour promouvoir et soutenir la paix, nous devons donc refléter ces valeurs dans nos politiques, nos cultures et nos religions. La Ministre a exprimé sa profonde préoccupation face à la direction que prend le monde aujourd’hui avec l’intolérance, les discours de haine et le racisme, qui conduisent à un climat de méfiance et de peur qui, à son tour, dégénère en conflits. Les lieux de culte tels que les églises, les mosquées et les synagogues ne doivent pas être utilisés comme « incubateurs d’extrémistes religieux », mais être au service de la paix et de la fraternité humaine, nobles aspirations des peuples et des nations.
Pour y parvenir, Mme Comoane a prôné le dialogue en tant qu’étape fondamentale vers la paix. Elle s’est félicitée de toute initiative internationale, régionale ou nationale visant à promouvoir le dialogue interreligieux et interculturel. Elle a ainsi évoqué la rencontre, en 2019, entre le pape et le grand imam d’Al-Azhar à Abou Dhabi, qui a mené à la signature du document intitulé « La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune », ou encore le rôle de médiation joué par le Saint-Siège dans la signature, en 1992, de l’Accord de paix de Rome entre le Mozambique et la Résistance nationale mozambicaine (RENAMO), qui a mis fin à la guerre civile. À ses yeux, les mécanismes de consolidation de la paix ont également un rôle à jouer dans la lutte contre l’extrémisme, de même que les communautés locales.
M. KWAKU AFRIYIE, Ministre de l’environnement, de la science, de la technologie et de l’innovation du Ghana, a indiqué que certains des plus grands progrès n’auraient peut-être pas été possibles sans une intense culture de coopération pacifique. Même à ce jour, la diversité des perspectives, des cultures, des croyances et des modes de vie demeure le moteur du progrès humain, a-t-il dit. Pour cette raison, nous devons accepter nos différences et notre diversité et éviter des attitudes qui creusent un fossé entre nous et nos cultures, entraînant la méfiance et la violence. Malheureusement, a-t-il constaté, une recrudescence des discours de haine et l’incitation à la haine, l’intolérance, le racisme et l’extrémisme violent menacent la coexistence pacifique entre les personnes de différentes confessions, cultures et, dans certains cas, de différentes tendances politiques. Selon le Ministre, cela est alimenté en grande partie par les médias sociaux. Il s’est dit préoccupé par les effets de contenus extrémistes violents en ligne, lesquels sont facilement accessibles et trouvent une certaine résonance dans des segments de la jeunesse. Il a dénoncé des initiatives de désinformation et de propagation de fausses nouvelles, en prenant en exemple le Sahel où de telles initiatives sont déployées pour faciliter le terrorisme et l’extrémisme violent, y compris par le recrutement et la radicalisation.
En ce qui concerne le Ghana, a témoigné M. Afriyie, les différents groupes ethniques, ainsi que les chrétiens, musulmans et pratiquants de la religion traditionnelle africaine vivent en paix et dans l’harmonie depuis la fondation de la nation. « Ce voyage commence à l’école », a-t-il expliqué, avec des programmes scolaires qui exposent les écoliers aux cultures des plus de 40 groupes ethniques du Ghana et à l’enseignement des trois grandes religions. Cela permet de leur inculquer l’esprit de tolérance, de non-discrimination et de coexistence pacifique. Au lieu de se révolter contre la mondialisation en prônant l’isolationnisme, le nationalisme et protectionnisme, nous devons l’embrasser et nous efforcer de relever les défis qui y sont associés, a-t-il enfin plaidé.
Pour M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis), il est nécessaire d’avoir un dialogue ouvert pour promouvoir la tolérance, l’inclusion et la compréhension. La défense des droits fondamentaux doit se trouver à la base de tous nos efforts, mais ce travail n’est pas simple, a indiqué le représentant, qui a plaidé pour la promotion de notre humanité commune et de la dignité humaine de chacun. Le défi est de contrecarrer la violence et de permettre la paix, a estimé le représentant. En plus d’encourager le dialogue et de défendre les droits fondamentaux, il a préconisé de ne plus permettre et laisser faire la répression d’opposants politiques et les violations des droits humains sous couvert de lutte contre le terrorisme. La paix et la sécurité se trouvent renforcées par la défense des droits de la personne, des libertés fondamentales, et non l’inverse, a-t-il plaidé.
Le représentant a aussi rappelé que chaque personne a droit à sa propre religion, le droit de changer de religion ou de ne pas suivre de religion, de la vivre façon publique ou de façon privée. Il a assuré que le Conseil est sans équivoque sur les droits fondamentaux des femmes et leurs libertés fondamentales, notamment le droit de participer à la vie publique, qui augmente les chances d’une paix juste et pérenne. De même, il a défendu les droits humains des personnes transgenres, dénonçant en particulier la criminalisation de leur statut.
Pour que le monde vive dans la paix, il faut défendre et protéger le rôle de la société civile, soutenir les activistes, les journalistes et les politiques de l’opposition, a poursuivi le représentant, pour qui les gouvernements ne doivent pas interpréter de manière erronée la liberté d’expression pour justifier des répressions. Si la fraternité humaine peut ouvrir la porte à un monde meilleur, les États-Unis ne soutiendront jamais une interprétation erronée de ce concept pour justifier la répression des défenseurs des droits de l’homme, des femmes, des personnes âgées et des personnes transgenres, a-t-il assuré.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a déploré que la coexistence et le développement inclusif soient menacés par la persistance des conflits. Un nombre sans précédent de personnes déplacées, les catastrophes naturelles, l’impunité et la résurgence des discours de haine sont des facteurs aggravants. « Aujourd’hui on s’exprime par l’intolérance, la discrimination et la désinformation. » Pour faire face à ces maux, le représentant a préconisé des mesures qui ont fait leurs preuves par le passé, à commencer par la diplomatie préventive, car les alertes précoces peuvent éviter une escalade de la violence et limiter l’incidence des conflits, en épargnant autant que possible les civils. Il a évoqué le poids des discours de haine et d’intolérance. « Avec des mots, a-t-il rappelé, on a pavé la voie vers l’esclavage et la servitude et construit des prisons de terreur ». C’est la raison pour laquelle il faut mettre un terme à ces discours de haine, a-t-il martelé. Ce n’est pas un hasard si les dictatures s’appuient sur la suppression du discours pluraliste et se nourrissent de discours nationalistes et paranoïaques, a noté le représentant. Il a ensuite encouragé à renforcer la coopération entre l’ONU et les différentes instances régionales mais aussi les États. Il s’agit pour lui de créer des cadres normatifs et institutionnels permettant d’engager l’obligation de rendre des comptes et de proposer des réparations aux victimes. Car, a-t-il tranché, il n’y a pas de paix sans justice. Pour finir, le représentant a recommandé d’investir dans l’éducation, d’enseigner la solidarité et la tolérance et de sensibiliser les jeunes afin qu’ils ne tombent pas dans l’extrémisme et le radicalisme.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a condamné les discriminations et toutes les formes d’incitation à la violence. Pour cette raison, la France, qui « incarne une diplomatie féministe et de défense des droits de l’homme », appelle tous les États à signer, ratifier et respecter les conventions internationales permettant de protéger les droits humains car, a ajouté le représentant, « la tolérance et la fraternité ne suffisent pas ». Il a rappelé que les Yézidis, les Rohingya, les femmes en Afghanistan, les personnes LGBT+ prises pour cibles, parmi tant d’autres, demandent simplement et courageusement le respect de leurs droits.
« En France, en vertu du principe de laïcité, l’État ne s’immisce pas dans les affaires religieuses », a déclaré le représentant. La foi relève d’un choix individuel, l’État respecte la liberté de croyance de chacun et s’assure que tous les croyants puissent pratiquer leur culte, a-t-il expliqué. Ce n’est pas une manière d’ignorer la diversité des opinions, des cultures et des croyances qui existent à travers le monde, a-t-il ajouté, mais « il nous semble que le meilleur moyen de limiter les heurts qui surgissent entre elles est que les puissances publiques, tout en veillant avec le plus grand soin à ce que les conditions du dialogue entre les différentes croyances soient réunies et préservées, ne s’immiscent en aucun cas dans ce qui constitue avant tout l’exercice d’une liberté individuelle ». Enfin, il a appelé à se montrer ambitieux et à préférer le vivre ensemble à la simple coexistence pacifique.
Mme SHINO MITSUKO (Japon) a constaté que le nombre des conflits violents dans le monde est aujourd’hui le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale et que 2 milliards d’individus vivent dans des zones de conflit. Compte tenu de cette réalité, il convient que la communauté internationale, y compris le système des Nations Unies, adopte une perspective de tolérance afin de faire progresser le développement durable ainsi que la paix et la sécurité internationales. De l’avis de la représentante, la diversité peut conduire à la violence si elle creuse un fossé dans une société. Inversement, lorsqu’elle est associée à la tolérance, la diversité peut servir de « catalyseur » pour favoriser la formation d’une société inclusive, a-t-elle fait valoir, soulignant le rôle important que les dirigeants communautaires et religieux peuvent jouer dans ce cadre. Depuis 2018, le Japon organise un « dialogue sur la lutte contre l’extrémisme violent au Moyen-Orient » en présence de personnalités religieuses influentes et de responsables gouvernementaux de la région. Ce dialogue sert de plateforme aux participants pour explorer les aspects cruciaux de la lutte contre l’extrémisme violent, notamment en élaborant des « contre-récits », a expliqué la représentante, avant de préciser l’approche de sécurité humaine adoptée par son pays pour lutter contre l’extrémisme violent. Mise en œuvre notamment par le biais du Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour la sécurité humaine, cette approche s’est récemment traduite par un dispositif spécifique mis en place au Java oriental, une province indonésienne en proie à l’extrémisme violent, pour prévenir le recrutement via Internet, les SMS et d’autre technologies modernes. Sur cette base, la représentante a estimé que le projet de résolution sur la tolérance, la paix et la sécurité internationales, présenté par les Émirats arabes unis et le Royaume-Uni, peut contribuer à encourager et soutenir ces efforts.
M. VASSYLI A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré que, quels que soient les conflits qui surgissent entre États, une base fiable de dialogue et de partenariat peut être de mettre en avant les valeurs humaines universelles partagées par toutes les grandes religions du monde et ancrées dans les traditions culturelles et historiques. Nation multinationale et État multiconfessionnel, la Fédération de Russie s’efforce de développer le dialogue et le partenariat entre représentants de cultures, religions et civilisations différentes, et poursuit constamment cette ligne de conduite au sein d’organisations internationales et régionales, a affirmé le représentant. Il a ainsi souhaité que l’Alliance des civilisations de l’Organisation des Nations Unies poursuive son travail utile pour promouvoir l’éducation à la paix et à la citoyenneté mondiale.
Les plateformes numériques, profitant de l’impunité, se livrent souvent à la désinformation et lancent des discours de haine à l’encontre des religions et valeurs spirituelles des représentants de diverses confessions, a poursuivi le représentant. L’une des manifestations les plus éclatantes de cette intolérance est la russophobie, a affirmé M. Nebenzia, qui a attiré l’attention sur les violations flagrantes des droits universels et constitutionnels des adeptes de l’orthodoxie canonique en Ukraine, violations commises avec le consentement tacite des sponsors du régime de Kiev, a-t-il avancé. Il a évoqué une législation discriminatoire qui permet de saisir les biens de l’Église orthodoxe ukrainienne, ainsi que des liquidations forcées et illégales. Il a dénoncé l’absence de réaction appropriée de la part des structures internationales des droits de l’homme devant la violence et la persécution ciblant des croyants, ainsi que des faits de destruction et d’appropriation des biens religieux.
Le représentant a également souligné que l’islamophobie est, elle aussi, en hausse, avant de rappeler que la protection des lieux de culte -mosquées, synagogues, églises– est un devoir des États, et est garantie par le droit international, les législations nationales, les religions et les normes morales.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a déclaré que la liberté de religion ou de conviction, y compris celle de ne pas avoir de religion, est un droit humain fondamental. Des minorités religieuses, telles que les Yézidis en Iraq ou encore les Rohingya au Myanmar, ont été prises pour cibles à maintes reprises pour des motifs religieux lors de conflits. Lorsque des communautés sont ainsi attaquées, il incombe au Conseil et au système des Nations Unies d’y faire face.
Les communautés et les chefs religieux peuvent également jouer un rôle dans les initiatives de prévention des conflits, de réconciliation et de consolidation de la paix, y compris au niveau local, où le dialogue interreligieux et interculturel peut aider à renforcer la confiance, a déclaré le représentant, qui a cité l’exemple de l’Accord du vendredi saint, en Irlande du Nord, auquel les clergés catholique et protestant ont contribué grâce à la médiation. La participation égale et significative des femmes à la prévention et à la résolution des conflits est également essentielle, a ajouté le représentant. Enfin, il a appelé à mettre les droits humains et la liberté d’expression au cœur de toute tentative de faire progresser la liberté de religion et de conviction.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a souligné que les inégalités, la marginalisation, le racisme mais aussi le sentiment de ne pas appartenir à une communauté, peuvent pousser tout un chacun à s’adonner à des discours de haine en ligne ou hors ligne. Cela peut engendrer des conflits ou les aggraver. Fort de ce constat, le représentant a souligné l’importance des stratégies de communication, rappelant qu’en 2022 le Conseil de sécurité a souligné dans une déclaration présidentielle l’importance de promouvoir le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, qui a pour objectif d’aider les communautés à être plus résilientes et à mieux faire face aux conflits armés. Il a rappelé à cet égard le rôle de la société civile, y compris des chefs religieux, pour établir la confiance. Les connaissances et la compréhension culturelle des causes profondes des conflits et des questions qui portent à controverse sont essentielles pour ramener le dialogue et la paix durable. Il faut cultiver une culture de paix et de tolérance par l’inclusion et le dialogue interconfessionnel, a poursuivi le représentant, protéger les groupes les plus vulnérables et les minorités pour renforcer le tissu social. Au sortir des conflits, les pays doivent investir davantage dans l’éducation afin de créer un environnement propice à la tolérance.
M. ZHANG JUN (Chine) a fait état d’un monde à la croisée des chemins, accablé par des déficits de paix, de développement et de sécurité, eux-mêmes exacerbés par l’intolérance. Dans ce contexte, il est pertinent à ses yeux de parler de la valeur de l’esprit de fraternité dans la promotion d’une paix pérenne. Il a mis en exergue l’importance du respect de la « diversité civilisationnelle ». Les conquêtes coloniales et le pillage des civilisation liés à la « supériorité blanche » ont créé selon lui des catastrophes en Afrique, en Amérique latine et en Asie, tandis que les incitations à la haine dissimulées sous des valeurs universelles sont porteuses de confrontations et de nouveaux défis.
Dans ce monde interdépendant, la Chine essaie de promouvoir de nouvelles valeurs de coopération, a poursuivi le représentant. L’initiative mondiale pour les civilisations, dévoilée récemment par le Président chinois, prône le respect de la diversité civilisationnelle tout en promouvant les valeurs communes de l’humanité, l’innovation et la coopération internationale. La confiance mutuelle entre les nations doit être constante, a fait valoir le délégué, en évoquant un « tremplin de réconciliation » lancé par le Dialogue de Beijing entre la République islamique d’Iran et l’Arabie saoudite ainsi que la réintégration de la Syrie au sein de la Ligue des États arabes. Les membres du Conseil de sécurité devraient selon lui mieux s’acquitter de leur mandat, qui est de maintenir la paix et la sécurité internationales, sans se disperser sur de « petites questions ». Il a dénoncé les pays qui ont engagé leurs politiques nationales et internationales « sur la pente glissante du populisme », avec des effets imprévisibles. Dans la foulée du Programme de développement à l’horizon 2030, la priorité doit être accordée au développement, « sans imposition de blocus technologiques ni de sanctions économiques aveugles », a conclu le représentant.
M. ADRIAN HAURI (Suisse) a estimé que les droits humains sont essentiels à chaque étape du processus de paix. « L’ensemble des normes en matière de droits de l’homme est crucial pour mettre fin aux conflits et pour établir une paix durable », a-t-il déclaré, avant de condamner la discrimination, l’intolérance, l’incitation à la haine et l’extrémisme violent. Dans la lutte contre ces phénomènes, le respect des droits humains, en particulier la liberté d’expression, doit être garanti, en ligne et hors ligne, a ajouté le représentant, car « la liberté d’expression est la pierre angulaire de toute société pluraliste et inclusive ».
Le représentant a appelé le Conseil à saisir, dans les semaines qui viennent, l’occasion offerte par le Nouvel Agenda pour la paix pour confirmer le rôle crucial des cadres normatifs acquis, tels que ceux concernant les femmes et la paix et la sécurité ou les enfants dans les conflits armés, ainsi que celui établi en matière de droits humains. « Ces cadres constituent l’ancre de notre coopération multilatérale en matière de paix et sécurité », a-t-il affirmé, ajoutant que la compassion et le respect mutuel sont des valeurs universelles « qui nous unissent dans notre humanité ».
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a rappelé que le droit international des droits de l’homme fournit un cadre normatif solide pour protéger les libertés d’expression et de religion dans le contexte de la paix et de la sécurité. Ces libertés sont essentielles pour créer des sociétés pluralistes, tolérantes, inclusives et démocratiques, a-t-elle insisté, avant de souligner le rôle positif d’une éducation de qualité et de médias libres et indépendants dans la prévention de l’intolérance et des préjugés et dans la promotion du respect mutuel, de la compréhension et de la solidarité. Constatant que, dans les conflits armés à travers le monde, nombre de personnes sont victimes d’intolérance, de discours de haine et d’autres formes de violence, en ligne et hors ligne, en raison de leur sexe, de leur religion ou de leurs convictions, de leur race, de leur origine ethnique, de leur nationalité, de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre, elle a appelé à des efforts de prévention intersectionnels pour lutter contre ces formes de discrimination multiples.
La représentante s’est alarmée de l’augmentation des cas de harcèlement et de représailles contre des individus exerçant leur droit à la liberté d’expression. Elle a également déploré l’utilisation abusive de lois sur l’extrémisme au sens large pour violer les droits humains et les libertés fondamentales, notamment pour cibler les défenseurs des droits humains, la société civile, les journalistes et l’opposition politique. Dans le même temps, elle a condamné tous les actes d’extrémisme violent, quelles que soient leur motivation ou leur idéologie, exhortant tous les États Membres à protéger et faire respecter l’ensemble des droits humains, y compris les droits fondamentaux des femmes et des filles, des personnes handicapées, des personnes LGBTIQ+, des seniors et des membres de groupes ethniques et religieux marginalisés. Enfin, elle a appelé à faire progresser l’égalité des sexes et à assurer la participation des femmes dans tous les efforts de paix, des objectifs qui, selon elle, ne doivent jamais être réduits à des tactiques de sécurité nationale.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a dénoncé les discriminations, les discours radicaux et les discours de haine. Il a aussi décrié l’antisémitisme, l’islamophobie et la haine contre les LGBTQI, rappelant que nous sommes tous nés égaux, quels que soient la couleur de notre peau ou le nom de notre dieu. Il a aussi dénoncé les néonazis qui ciblent les migrants, avant de rappeler la triste histoire des génocides au Rwanda et à Srebrenica. Le délégué a appelé à un front commun, proposant d’agir par l’éducation à la citoyenneté, tout en enseignant aux jeunes la pensée critique qui apparaît comme un bouclier contre l’extrémisme. Il a aussi indiqué que la lutte contre l’intolérance ne doit pas servir de prétexte pour la répression étatique. Il a terminé son intervention en donnant l’exemple de son pays où différentes religions cohabitent et plusieurs cultures vivent en paix.