Le Conseil de sécurité proroge de 12 mois le mandat de la MANUA et demande une évaluation indépendante de l’approche internationale vis-à-vis de l'Afghanistan
Le Conseil de sécurité a, ce matin, adopté à l’unanimité deux résolutions relatives à la situation en Afghanistan, l’une prorogeant le mandat de la Mission d’assistance des Nations Unies dans ce pays (MANUA), l’autre demandant une évaluation indépendante de l’approche internationale de la question afghane.
Les deux délégations porte-plumes de ces textes, le Japon et les Émirats arabes unis, se sont félicitées de constater que cette unanimité reflète l’unité du Conseil dans son soutien à l’action de la MANUA, et dans sa détermination à œuvrer à un avenir sûr, stable, prospère et inclusif pour l’Afghanistan. Elles ont d’ailleurs été remerciées à maintes reprises pour avoir réussi à préserver l’unité du Conseil sur un sujet aussi crucial et avoir tenu compte de toutes les positions « qui pouvaient être assez différentes », comme l’a relevé la Fédération de Russie.
En adoptant la résolution 2678 (2023), le Conseil décide ainsi de proroger jusqu’au 17 mars 2024 le mandat de la MANUA, tel qu’il a été défini dans sa résolution 2626 (2022). Ce texte demande à tous les acteurs politiques et parties prenantes concernés en Afghanistan, notamment aux autorités compétentes ainsi qu’aux acteurs internationaux de se coordonner avec la MANUA dans le cadre de l’exécution de son mandat et d’assurer la sûreté, la sécurité et la liberté de circulation du personnel des Nations Unies et du personnel associé à travers tout le pays. En outre, la résolution prie le Secrétaire général de lui présenter tous les trois mois un rapport sur la situation en Afghanistan et sur l’exécution du mandat de la MANUA, y compris au niveau infranational.
Alors que les attentes du Conseil de sécurité vis-à-vis des Taliban n’ont pas été suivies de progrès, l’autre texte, la résolution 2679 (2023), insiste sur l’importance que revêtent la participation pleine, égale et effective des femmes, et le respect des droits humains, notamment les droits des femmes, des enfants, des minorités et des personnes vulnérables. Elle prie le Secrétaire général de procéder à une « évaluation intégrée et indépendante de la situation » et de la présenter intégralement au Conseil de sécurité au plus tard le 17 novembre 2023, après avoir consulté tous les acteurs politiques et parties prenantes concernés en Afghanistan, y compris les autorités compétentes, les Afghanes et la société civile, ainsi que la région et l’ensemble de la communauté internationale.
Le Conseil demande que cette évaluation s’accompagne de recommandations aux acteurs politiques, humanitaires et de développement pour qu’ils adoptent une stratégie intégrée et cohérente en vue de relever les défis auxquels l’Afghanistan doit faire face et pour progresser dans le sens de la sécurité, de la stabilité, de la prospérité et de l’inclusivité visées pour ce pays.
Les membres du Conseil ont été nombreux à exprimer leurs préoccupations face aux violations massives des droits humains en Afghanistan, et en particulier par la détérioration de la situation des femmes et des filles, en raison des mesures liberticides prises par les Taliban qui les ont privées d’accès à l’éducation et à l’emploi. Ils ont défendu et soutenu le mandat de la MANUA, notamment en matière de surveillance des violations et, à l’instar du Royaume-Uni et des États-Unis, appelé la Mission à contribuer à faire entendre les voix des Afghanes. La France a d’ailleurs souligné que l’évaluation indépendante demandée par le Conseil a pour objectif de formuler des recommandations afin de répondre aux violations, par les Taliban, des droits humains, et en particulier ceux des femmes et des filles.
Si la Chine a soutenu le rôle de l’ONU en Afghanistan, son représentant a toutefois insisté sur une mise en œuvre équilibrée du mandat de la MANUA, arguant que le règlement de la situation n’exige pas de pressions supplémentaires, et que la priorité doit être de remédier à la crise humanitaire. Se ralliant à ce propos, la Fédération de Russie a mis en garde contre toute tentative de politiser l’action humanitaire, ce qui serait tout simplement « immoral ».
Saluant toute approche du Conseil fondée sur une analyse détaillée et approfondie de la réalité sur le terrain, la délégation russe a espéré que l’évaluation indépendante se ferait en consultation avec les autorités de facto du pays et que le rapport qui en sera issu sera équilibré et traitera des véritables défis, dont le gel des avoirs afghans et les conséquences des mesures unilatérales.
Pour l’Afghanistan, il s’agit de sortir de l’impasse actuelle et de répondre aux appels internationaux en faveur d’un système de gouvernance inclusif, responsable et juste, de politiques qui respectent les droits humains, d’une inclusion des femmes dans tous les secteurs de la société et d’efforts de lutte antiterroriste. Après avoir remercié la MANUA pour ses efforts inlassables, il s’est réjoui que le Conseil ait pris la décision importante de demander une évaluation pour mieux relever les défis sur le terrain, a-t-il espéré.
Le Conseil a choisi de réagir, se sont félicités de leur côté les Émirats arabes unis, soulignant que, sans efforts constants, la situation ayant abouti à la pire crise des droits des femmes risque de se reproduire. Si nous voulons un Afghanistan prospère et inclusif, il faut œuvrer à un objectif commun et, à cette fin, donner la priorité à l’intégration et à la cohérence des efforts menés à l’intérieur comme à l’extérieur du système des Nations Unies, a poursuivi la délégation, en saluant le sens des responsabilités dont ont fait preuve les membres du Conseil lors du processus de négociations.
LA SITUATION EN AFGHANISTAN (S/2023/151)
Texte du projet de résolution (S/2023/196)
Le Conseil de sécurité,
Rappelant ses résolutions antérieures sur l’Afghanistan, en particulier sa résolution 2626 (2022) portant prorogation jusqu’au 17 mars 2023 du mandat de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA),
Mettant l’accent sur le rôle important que l’Organisation des Nations Unies continuera de jouer dans la promotion de la paix et de la stabilité en Afghanistan,
Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de l’Afghanistan, ainsi que son appui continu au peuple afghan,
1. Salue la détermination à aider le peuple afghan dont l’Organisation des Nations Unies fait preuve depuis longtemps, réaffirme son soutien sans réserve aux activités de la MANUA et de la Représentante spéciale du Secrétaire général, et souligne qu’il importe que la Mission maintienne sa présence sur le terrain;
2. Se félicite des efforts constants que déploie la MANUA dans l’exécution des tâches et activités prioritaires qui lui ont été confiées;
3. Décide de proroger jusqu’au 17 mars 2024 le mandat de la MANUA, tel qu’il a été défini dans sa résolution 2626 (2022);
4. Souligne qu’il importe au plus haut point de pouvoir compter sur une présence constante de la MANUA et des autres organismes, fonds et programmes des Nations Unies dans tout l’Afghanistan, et demande à tous les acteurs politiques et parties prenantes concernés en Afghanistan, notamment aux autorités compétentes, le cas échéant, ainsi qu’aux acteurs internationaux de se coordonner avec la MANUA dans le cadre de l’exécution de son mandat et d’assurer la sûreté, la sécurité et la liberté de circulation du personnel des Nations Unies et du personnel associé dans tout le pays;
5. Prie le Secrétaire général de lui présenter tous les trois mois un rapport sur la situation en Afghanistan et sur l’exécution du mandat de la MANUA, y compris au niveau infranational;
6. Décide de rester activement saisi de la question.
Texte du projet de résolution (S/2023/197)
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de l’Afghanistan, ainsi que son appui continu au peuple afghan,
Réaffirmant également son soutien à la paix, à la stabilité et à la prospérité en Afghanistan,
Constatant avec préoccupation que les attentes du Conseil de sécurité vis-à-vis des Taliban n’ont pas été suivies de progrès,
Insistant sur l’importance que revêtent la participation pleine, égale et effective des femmes, et le respect des droits humains, notamment les droits des femmes, des enfants, des membres des minorités et des personnes en situation de vulnérabilité,
Conscient qu’il est indispensable que les acteurs concernés sur le plan politique et en matière d’action humanitaire et de développement, au sein et en dehors du système des Nations Unies, adoptent une approche intégrée et cohérente, conforme à leur mandat respectif, pour consolider et pérenniser la paix en Afghanistan,
Soulignant qu’il soutient la mise en œuvre du mandat de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan dans son intégralité, tel qu’il a été établi dans la résolution 2626 (2022),
1. Prie le Secrétaire général, conformément aux bonnes pratiques, de procéder à une évaluation intégrée et indépendante, selon les modalités énoncées au paragraphe 2 de la présente résolution et de la présenter intégralement au Conseil de sécurité au plus tard le 17 novembre 2023, après avoir consulté tous les acteurs politiques et parties prenantes concernés en Afghanistan, y compris les autorités compétentes, les femmes afghanes et la société civile, ainsi que la région et l’ensemble de la communauté internationale;
2. Demande que cette évaluation indépendante s’accompagne de recommandations s’inscrivant dans une perspective d’avenir, afin que les acteurs concernés sur le plan politique et en matière d’action humanitaire et de développement, au sein et en dehors du système des Nations Unies, adoptent une stratégie intégrée et cohérente pour relever les défis auxquels l’Afghanistan doit faire face actuellement, notamment dans les domaines de l’action humanitaire, des droits humains, particulièrement des droits des femmes et des filles et des minorités religieuses et ethniques, de la sécurité et du terrorisme, des stupéfiants, du développement, dans les sphères économiques et sociales, et dans le cadre du dialogue, de la gouvernance et de l’état de droit, et pour progresser dans le sens de la sécurité, de la stabilité, de la prospérité et de l’inclusivité visées en Afghanistan, conformément aux éléments énoncés par le Conseil de sécurité dans ses résolutions antérieures;
3. Décide de rester activement saisi de la question.