9144e séance - après-midi
CS/15047

Conseil de sécurité: accusations, dénégations et appels à une enquête internationale après « le sabotage » des gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2

Réunis cet après-midi à la demande de la Fédération de Russie pour examiner la situation après les explosions subies par les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2 en mer Baltique, les membres du Conseil de sécurité ont entendu ce pays et les États-Unis s’invectiver sur la question, tandis qu’une forte majorité de membres a demandé l’ouverture d’une enquête internationale indépendante pour faire la lumière sur ces « incidents » qui menacent la stabilité internationale. 

Les deux explosions qui ont touché, les 27 et 28 septembre derniers, les trois lignes de gazoducs de Nord Stream 1 et Nord Stream 2, qui relient la Fédération de Russie à l’Allemagne, ne relèvent pas d’un accident, mais d’un acte « humain », « délibéré », de « sabotage », ont, d’une même voix, convenu les délégations.

Apportant au Conseil un éclairage technique à ce dossier, le chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), M. Marc-Antoine Eyl-Mazzega, et le porte-parole de l’entreprise russe opératrice des installations, Gazprom, M. Serguey Kupriyanov, ont également soutenu la thèse de l’acte humain délibéré.  Ils ont confirmé la solidité et la fiabilité des équipements visés, construits profondément dans la mer pour éviter tout risque d’accident. 

Les conséquences « indéfendables » de cet acte, « irresponsable », « hostile » et « sans précédent », qui vise à « semer la peur et l’insécurité sur le continent européen », dans un « contexte d’escalade », non seulement perturbent les infrastructures énergétiques européennes et la navigation maritime, mais font également peser un risque environnemental encore difficile à évaluer, ont dénoncé tour à tour les membres du Conseil.  Ils y ont vu, en outre, un risque de volatilité accrue des prix de l’énergie en Europe et dans le monde. 

Ces conséquences sont donc une menace à la stabilité internationale, ont analysé des délégations à l’instar de la Chine, la France, mais aussi le Sous-Secrétaire général chargé du développement économique, M. Navid Hanif. 

Dans ce contexte, des appels ont été lancés pour une réponse « robuste et unie ».  Avant cela, la lumière doit être faite de manière « rapide », « cruciale », « urgente et bien circonscrite », afin de « trouver les causes à ces fuites de gaz ».  En clair, il faut une « enquête rigoureuse et impartiale » afin de déterminer les circonstances de cet incident, ont plaidé les États-Unis, la France et l’Irlande, à l’instar du Brésil, du Mexique, de l’Inde et du Gabon. 

Appelant, de son côté, à examiner les faits, le représentant de la Fédération de Russie a rappelé la déclaration du Président américain Joe Biden, qui, selon lui, avait affirmé et promis, dans une interview, qu’il n’y aurait plus de Nord Stream 2 si la Fédération de Russie attaquait l’Ukraine.  Ce « sabotage » ne bénéficiera qu’aux exportations de gaz des États-Unis vers le continent européen, a accusé le représentant russe, avant de demander à son homologue américain de « confirmer » que les États-Unis n’ont rien à voir dans ce « sabotage ».

« Les États-Unis nient toute implication », lui a rétorqué le représentant américain, accusant à son tour la Fédération de Russie de chercher à éloigner l’attention des crimes qu’elle a commis en Ukraine.  Les États-Unis contribuent à la stabilisation des marchés de l’énergie, a-t-il assuré, appelant les autres membres du Conseil à rejeter « l’appareil de désinformation » russe. 

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

M. NAVID HANIF, Sous-Secrétaire général chargé du développement économique, dans une courte déclaration, a dit que toutes les informations qu’il s’apprête à partager avec le Conseil de sécurité, proviennent de sources extérieures fiables.  Les Nations Unies ne sont pas en mesure de donner une évaluation technique de la situation, a-t-il dit.  Après avoir rappelé la chronologie des faits ayant touché les deux gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2, causant des fuites de gaz, il a dit que les dégâts causés entraînent des conséquences sur le plan international.  Parmi ces conséquences, il a souligné l’incertitude sur le marché mondial du gaz: « L’incident » peut aggraver la volatilité des prix en Europe et plus largement dans le monde, en l’occurrence une forte augmentation des prix.  

Les autres conséquences de cet « incident » sont environnementales, a-t-il poursuivi en citant le déversement inquiétant de millions de tonnes de méthane dans la mer et l’air, quand on sait que ce gaz produit plus d’effet de serre que le dioxyde de carbone.  Or à ce jour, il n’est pas encore possible de déterminer les conséquences dans l’atmosphère de cet incident, a reconnu le Sous-secrétaire général.  Pour M. Hanif, cet « incident » met également en évidence la fragilité des installations et la nécessité de progresser rapidement vers les énergies renouvelables.  Cet incident risque d’aggraver les tensions au niveau régional et international, a-t-il conclu. 

M. SERGUEY KURIYANOV, Porte-parole de Gazprom, a fait le récit des explosions qui ont eu lieu les 27 et 28 septembre derniers, dans la mer Baltique, sur trois lignes de gazoducs de Nord Stream 1 et 2.  Il a souligné le fait que la ligne Nord Stream 1 sur le tronçon allemand se trouve dans la zone économique de Danemark, à 143 kilomètres de la côte allemande et à plus de 1 000 kilomètres de la côte russe.  Les deux lignes de Nord Stream 2 se situent toujours dans la zone exclusive du Danemark, à 150 kilomètres de l’Allemagne et à plus de 1 500 kilomètres de la côte de la Fédération de Russie.  Les deux explosions se trouvent à quelques kilomètres l’une de l’autre.  Les pertes sont estimées à trois mois de consommation de gaz du Danemark, a évalué le Porte-Parole.

Selon le Porte-parole, les explosions ont été causées par des chocs physiques.  Il a néanmoins affirmé que les gazoducs sont fiables techniquement et qu’au moment du dommage, il n’y avait pas de transport de gaz même si les gazoducs étaient en état de marche.  La Fédération de Russie et Gazprom cherchent aujourd’hui à rétablir Nord Stream 1 et 2, a ajouté M. Kupriyanov, qui a prévenu que les délais de réparation étaient difficiles à évaluer car il s’agit d’un travail techniquement complexe.  La première étape consistera à localiser le point précis des explosions, qui sont sans précédent.  La Russie et Gazprom ont consenti des moyens importants pour construire et faire fonctionner ces gazoducs, a rappelé le Porte-Parole de Gazprom.

M. MARC-ANTOINE EYL-MAZZEGA, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), a expliqué que les gazoducs étaient construits au fond de la mer pour éviter tout accident avec, par exemple, un bateau: l’hypothèse d’un accident de ce type est donc probablement à exclure. 

S’il a dit ne pas être en mesure de dire ce qu’il s’est passé, l’expert a fourni un « contexte ».  Celui, notamment, de « l’importante réduction de la fourniture de gaz par Gazprom » intervenue alors que l’Union européenne (UE) avait fait état de son nouveau programme de décarbonation.  En février, l’Allemagne a cessé la procédure de certification de Nord Stream 2, a-t-il rappelé.  En utilisant différents prétextes, la Russie a, peu à peu, diminué son volume « en méprisant les contrats de long terme ».  Les gazoducs étaient peu ou prou fermés depuis plusieurs semaines.  L’Europe et de nombreux pays du monde ont pâti de la flambée de prix du gaz.  Beaucoup de pays importateurs ne peuvent plus se payer du gaz devenu trop cher. 

Avant l’explosion, les relations contractuelles entre clients européens et Gazprom étaient déjà « dans une mauvaise passe », a poursuivi le chercheur, selon qui cet investissement colossal « perdait de sa valeur ».  Gazprom avait la capacité de réorienter le gaz par la Biélorussie ou l’Ukraine, mais l’entreprise ne l’a pas fait, a poursuivi M. Eyl-Mazzega, selon qui les experts sont largement d’avis que le gazoduc Nord Stream 2 ne serait « jamais devenus opérationnel » après l’agression russe sur l’Ukraine.  Le chercheur a enfin mis en exergue « l’impact environnemental catastrophique » des fuites de méthane résultant des explosions sur les gazoducs. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie), a rappelé que son pays avait demandé cette réunion suite au sabotage des lignes du gazoduc Nord Stream, le 27 septembre 2022, dans la zone économique exclusive du Danemark et de la Suède, près de l’île danoise de Bornholm.  Il a expliqué que le Procureur général russe a engagé une action pénale en vertu de la législation sur le terrorisme international et qu’une enquête russe a commencé. 

Appelant à « examiner les faits », le représentant russe a d’abord rappelé que, quelques semaines avant le début de l’opération militaire spéciale, le Président américain M. Joe Biden avait déclaré: « Si la Russie envahit, cela veut dire des chars et des troupes qui traversent la frontière de l’Ukraine, encore une fois.  Alors il n’y aura plus de Nord Stream 2.  Nous y mettrons fin ».  Il a aussi ajouté qu’en réponse à une question de journaliste, M. Biden a ajouté « Je vous promets que nous pourrons le faire ». 

Citant le « fait numéro deux », le représentant russe a indiqué que l’île danoise de Bornholm, proche de l’incident, est devenue en juin 2022 le site d’exercices à grande échelle de l’OTAN en mer Baltique sous le nom de code « BALTOPS ».  Il a indiqué qu’une publication américaine, Sea Power, avait expliqué que l’une des principales tâches de l’Alliance au cours des exercices était de tester des véhicules sous-marins sans pilote.  Par ailleurs, le représentant russe a indiqué que des hélicoptères américains patrouillaient, depuis fin août, dans la zone de l’île de Bornholm, et que leur trajectoire coïncidait étonnamment avec le tracé des gazoducs.  Il a précisé que toutes ces données de géolocalisation maritimes et aériennes étaient publiques et que les États-Unis n’ont jamais contesté leur présence dans la zone. 

Citant le « fait numéro trois », le représentant russe a cité un tweet de M. Radosław Sikorski, ancien Ministre de la défense et ancien Ministre des affaires étrangères de la Pologne, remerciant directement les États-Unis pour ce sabotage.  Il a ajouté que l’épouse de M. Sikorski, Mme Anna Applebaum, avait accès à une grande variété d’informations à Washington. 

Citant le « fait numéro quatre », il a noté que ce « sabotage » coïncidait presque simultanément avec l’ouverture officielle, dans la ville polonaise de Goleniow, du gazoduc Baltic Pipe en provenance de la Norvège, que les Polonais présentent comme une alternative à l’importation du gaz russe. 

En tant que « fait numéro cinq », le représentant russe a cité une déclaration de l’OTAN laissant craindre des frappes contre ses infrastructures en réaction de ce sabotage, laissant ainsi entendre que l’OTAN a des choses à se reprocher. 

Suite à la présentation de ces cinq faits, M. Nebenzia a déclaré que la destruction du gazoduc Nord Stream ne profite pas aux États européens puisqu’elle les rend dépendants d’un fournisseur plus cher et peu fiable qui est par ailleurs « le pays hôte du Siège de l’ONU ».  Il a ajouté que les experts européens, malgré l’hystérie antirusse dominante, ne peuvent s’empêcher de comprendre le danger d’un tel scénario et ses conséquences pour l’économie européenne.  Il a ajouté que les délégations danoise et suédoise ont reconnu dans leurs lettres au Conseil de sécurité la gravité des dommages environnementaux causés à la mer Baltique mais aussi l’impact sur la communication maritime. 

Le représentant a rappelé que le projet Nord Stream a initialement eu le statut de « projet d’intérêt commun de l’Union européenne » par la Commission européenne.  Notant les incidences négatives des sanctions américaines sur l’activité industrielle, il a dit que les livraisons russes permettaient d’éviter un effondrement énergétique en Europe en garantissant des livraisons stables et prévisibles. 

« Nous n’avons aucun intérêt à détruire un projet auquel nous avons consacré des investissements colossaux », a insisté M. Nebenzia, avant de déclarer que cet acte ne bénéficiera qu’aux exportations américaines vers le continent européen.  « Pouvez-vous confirmer que votre pays n’a rien à voir dans ce sabotage », a demandé le représentant russe à la délégation américaine, avant de souhaiter que les commentaires des délégations occidentales sur ce sabotage ne soient pas dominés par des discours russophobes.  Il a indiqué qu’une enquête sur cet acte ne pourra être considérée comme indépendante que si des experts russes y participent, avant d’exhorter les délégations à bien comprendre la gravité de cet acte de sabotage. 

Mme MONA JUUL (Norvège) a exprimé sa vive préoccupation face aux dommages causés aux gazoducs Nord Stream 1 et 2 dans les eaux internationales situées dans les zones économiques de la Suède et du Danemark.  Elle s’est notamment inquiétée des conséquences climatiques et environnementales de cet incident, ainsi que des risques pour la navigation.  Selon les informations disponibles, les dommages aux gazoducs seraient le résultat d’actes de sabotage « délibérés et irresponsables », a encore noté la représentante.  Elle a dit que son pays soutient pleinement les enquêtes lancées par les autorités danoises et suédoises afin de faire la lumière sur cet incident, qui s’inscrit dans un contexte de guerre et de crise énergétique en Europe et au-delà.  Estimant que les responsables ont pour intention « de semer la peur et l’insécurité sur le continent européen », elle a déclaré pour sa part que la Norvège, en tant que grand fournisseur de gaz, possède une responsabilité particulière de préserver la sécurité sur le plateau continental norvégien. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMIREZ (Mexique) a exprimé son inquiétude face aux récentes fuites des gazoducs Nord Stream 1 et 2 dans la mer Baltique.  Il a notamment regretté l’impact environnemental et les risques pour la navigation internationale qui découlent de cet incident, qui constituent de nouveaux facteurs de déstabilisation des marchés de l’énergie déjà durement touchés par la guerre en Ukraine.  Au vu des informations disponibles, il est peu probable qu’il s’agisse d’un accident, a ajouté le représentant, qui y a vu plutôt un acte délibéré jugé particulièrement inquiétant dans le contexte de la guerre en Ukraine. 

Une enquête rigoureuse et impartiale est donc nécessaire afin de déterminer les circonstances de cet incident qui a endommagé des infrastructures civiles, a déclaré le représentant, qui a rappelé la nécessité de concentrer nos efforts sur la réduction des tensions et la recherche d’une solution au conflit en Ukraine fondée sur le dialogue et la diplomatie. 

M. MARTIN GALLAGHER (Irlande), reconnaissant que toutes les analyses à ce jour indiquent que les fuites sur les gazoducs Nord Stream résultent d’actes délibérés de sabotage, a estimé que leur survenue en pleine crise énergique les rend d’autant plus intolérables.  Il a apporté le plein soutien de son pays à la Suède, au Danemark et à l’Allemagne dans la gestion des conséquences de cet acte « indéfendable » ainsi qu’aux enquêtes en cours pour déterminer l’origine des fuites.  Cette perturbation délibérée de l’infrastructure énergétique européenne est inacceptable, a insisté le représentant.  L’Irlande, avec ses partenaires de l’UE, demandent qu’elle reçoive rapidement « une réponse robuste et unie ». 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) s’est dit préoccupé des informations faisant état de trois fuites importantes sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2, qui font naître des inquiétudes sur la possibilité d’une catastrophe au large de la mer Baltique.  L’ampleur du risque et des enjeux environnementaux appelle une réponse urgence et bien circonscrite, a-t-il prévenu.  Le représentant a noté avec appréhension les mesures d’interdiction de survols et le congestionnement de la navigation dans la zone concernée, espérant qu’il s’agisse de mesures de précaution et que les dommages ne soient pas liés aux hostilités entre les parties belligérantes.  Il a rappelé que la guerre a des règles strictes pour protéger les infrastructures civiles.  Le représentant a, enfin, exhorté à une action urgente pour restaurer les gazoducs, circonscrire les dégâts causés et faire la lumière sur la situation.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a dit que les dommages aux gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2 en mer Baltique créent de profondes préoccupations.  Ces fuites entraînent en effet non seulement des risques pour la navigation, mais également des risques importants de dommages environnementaux en mer Baltique.  Comme l’a déclaré l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), « toutes les informations actuellement disponibles indiquent que c’est le résultat d’actes de sabotage délibérés, imprudents et irresponsables », a-t-elle indiqué. 

Nous devons établir des normes internationales claires selon lesquelles de tels dommages sont totalement inacceptables, a poursuivi la représentante, ajoutant que l’OTAN et ses alliés restent déterminés à se préparer, à dissuader et à se défendre contre toute tactique hybride menée par des acteurs étatiques et non étatiques, y compris les approches coercitives par l’entremise de l’énergie.  Nous sommes clairs sur le fait que toute attaque délibérée contre l’infrastructure critique des alliés fera face à une réponse unie et déterminée, a-t-elle averti. 

M. RICHARD MILLS (États-Unis) a déclaré que la Russie avait « une fois de plus dévoyé ce Conseil » en demandant cette réunion, avant de dénoncer le sabotage des gazoducs Nord Stream.  Il a appuyé les enquêtes des pays européens, en jugeant crucial l’établissement des faits.  Les États-Unis nient toute implication dans le sabotage, a dit le délégué, en réponse à la demande expresse de son homologue russe.  Il a indiqué que son pays contribue à la stabilisation des marchés de l’énergie, en dénonçant « l’appareil de désinformation » de la Russie, qu’il a accusée de chercher à éloigner l’attention des crimes qu’elle a commis en Ukraine.  Il a dénoncé les attaques de la Russie contre les infrastructures civiles ukrainiennes, en indiquant que l’ampleur de la tragédie s’aggravait de jour en jour.  Les faits sont les faits et la Russie ne doit pas utiliser cette enceinte pour propager ses mensonges, a conclu le représentant.

M. GENG SHUANG (Chine) a souligné les conséquences de ces fuites de gaz dans la région et le monde, notamment sur la flambée des prix et sur la navigation qui risque d’être perturbée.  Constatant que tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit d’un « acte délibéré de sabotage », le représentant a estimé qu’il faut maintenant ouvrir une enquête internationale afin de faire la lumière sur cet acte qui représente une « menace » pour la stabilité internationale. 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a demandé une enquête objective et transparente sur ces explosions.  Elle a aussi exhorté à maintenir l’approvisionnement en gaz, qui est essentiel pour nombre de pays, en particulier les pays en développement.  Elle a prévenu des coûts environnementaux des explosions, qui ont causé l’une des fuites de gaz à effet de serre les plus importantes de l’Histoire.  Tout cela ne fera qu’aggraver les difficultés, a déploré la représentante, qui a réitéré l’importance de tout faire pour élucider les faits et éviter ce type d’incident. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a regretté des « dommages environnementaux considérables ».  Ces fuites, qui résultent d’un « acte délibéré de sabotage », sont « inacceptables » et mettent à mal la sécurité internationale sur le plan énergétique, a-t-elle estimé.  Partageant la position de la communauté internationale visant à dissuader des acteurs, étatiques ou non, de porter atteinte à des infrastructures critiques, elle a estimé que le « contexte d’escalade » actuel transformait un acte de sabotage en un « acte d’intimidation » contre les pays européens, et dressé un parallèle entre la situation des gazoducs avec celle relative à la centrale nucléaire de Zaporijjia. 

Mme JANE TOROITICH (Kenya) a rappelé que l’Europe et le monde ne peuvent se permettre une escalade de la guerre en Ukraine, qui frappe nombre de pays avec la flambée des cours alimentaires et énergétiques.  Elle a, pour cette raison, appelé à la cessation immédiate des hostilités et à une solution politique conforme à la Charte des Nations Unies qui préserve l’intégrité territoriale de l’Ukraine, tout en étant sensible aux préoccupations sécuritaires de tous les pays. 

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a appelé à éviter toute attaque contre des infrastructures civiles, avant de rappeler que les pays du Sud subissent de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine.  Le délégué a demandé une enquête sur ce qui s’est passé et réclamé la cessation immédiate des hostilités. 

M. JOAO GENESIO DE ALMEIDA.FILHO (Brésil) a « pris note » des déclarations des représentants de la Fédération de Russie, de l’Union européenne et de l’OTAN sur les événements survenus au large de l’île danoise de Bornholms.  S’il a reconnu qu’il est compréhensible, « compte tenu des défis actuels auxquels nous sommes confrontés dans le système international », de trouver des causes à ces fuites de gaz, il a souligné que le Brésil se gardera d’attribuer des motivations à tel ou tel « acteur », préférant attendre qu’une enquête sur les événements ait livré ses conclusions. 

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG NTIRI (Ghana) a noté avec une grande inquiétude les dommages sans précédent causés aux gazoducs Nord Stream 1 et 2, qui ont entraîné des fuites de méthane dans des zones proches du Danemark et de la Suède.  Elle a plaidé pour l’ouverture urgente d’enquêtes indépendantes afin de déterminer les circonstances qui ont mené à la fuite des deux gazoducs et d’apporter les mesures correctives appropriées, y compris l’identification des responsables.  La sûreté et la sécurité des infrastructures énergétiques européennes exigent des efforts concertés de la part des États membres et de la communauté internationale, a-t-elle relevé, afin de prévenir les interruptions de service et leur impact sur les populations qui en dépendent.  Dans sa résolution 2341 (2017), le Conseil de sécurité a reconnu l’interdépendance croissante des États en matière d’infrastructures critiques, a-t-elle rappelé, avant d’encourager la coopération à tous les niveaux pour assurer leur sécurité. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a qualifié les évènements survenus au large de l’île danoise de Bornholms de « sans précédent ».  La France exprime sa pleine solidarité avec le Danemark et la Suède, qui sont directement touchés par leurs conséquences sécuritaires et environnementales, a-t-il ajouté.  Il a noté que les informations disponibles indiquent que ces fuites sont le résultat d’un acte délibéré, « disons-le, d’un acte de sabotage ».  La France dénonce cet acte irresponsable qui met en danger la navigation maritime et l’environnement, a poursuivi le représentant, pour qui l’usage coercitif de l’énergie est inacceptable.  Il a appelé à ce que la lumière soit faite sur l’origine de ces explosions et apporté le soutien de la France aux enquêtes qui seront menées par les pays concernés.  « Toute tentative délibérée d’attaquer des infrastructures critiques est intolérable et doit être considérée comme un acte hostile ».  Il a assuré que l’Union européenne répondra de manière ferme et unie à cette attaque sur ses infrastructures énergétiques, comme à toute tentative de porter atteinte à sa sécurité d’approvisionnement. 

M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a repris la parole pour remercier les États-Unis de leur « réponse directe » niant toute responsabilité dans le sabotage.  Il s’est néanmoins interrogé sur les accusations, formulées par les États-Unis et le Royaume-Uni, de désinformation et de théorie du complot russe, notant que l’ensemble des éléments évoqués dans sa déclaration initiale étaient des faits établis.  Il a regretté que ses collègues occidentaux voient ici une vengeance contre l’action de la Russie en Ukraine. 

M. MILLS (États-Unis) a nié de façon catégorique toute implication des États-Unis dans cet incident.  Nous avons par ailleurs entendu aujourd’hui de nombreux intervenants affirmer que la situation énergétique en Europe pâtit davantage du caractère « peu fiable » de la Russie en tant que fournisseur que de l’action des États-Unis, a-t-il ajouté.  Selon lui, les faits sont clairs: c’est la Russie qui a, ces sept derniers mois, détruit des infrastructures civiles en Ukraine. 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.