9340e séance – après-midi
CS/15310

Conseil de sécurité: la Fédération de Russie et l’Ukraine s’accusent mutuellement de la destruction partielle du barrage de Kakhovka

Aujourd’hui au Conseil de sécurité, la Fédération de Russie et l’Ukraine, qui ont toutes deux demandé une réunion d’urgence, se sont rejeté la responsabilité de la destruction partielle de la centrale hydroélectrique ukrainienne de Kakhovka, dans la nuit du 5 au 6 juin. 

L’ONU n’a pas d’informations indépendantes sur les circonstances d’un incident qui est l’un des plus graves liés à une infrastructure civile depuis le début de l’invasion russe, en février 2022, a commenté le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence.  Nous ne connaîtrons l’ampleur de la catastrophe que dans les prochains jours, a poursuivi M. Martin Griffiths, mais il est d’ores et déjà clair qu’elle aura des conséquences graves et profondes pour des milliers de personnes dans le sud de l’Ukraine, de part et d’autre de la ligne de front, y compris dans les zones contrôlées par la Fédération de Russie et difficiles d’accès.

Des habitations ont été détruites.  Des vivres, de l’eau potable et des moyens de subsistance ont été perdus.  Mais c’est surtout un coup dur pour la production agricole et électrique.  Toute baisse incontrôlée du niveau d’eau dans le réservoir de Kakhovka pourrait compromettre la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporijia, a prévenu M. Griffiths, même si l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ne signale aucune menace immédiate à l’heure actuelle.   

Le Coordonnateur des secours d’urgence a réclamé un soutien à l’action humanitaire.  Nous sommes prêts, a-t-il affirmé, à déployer des convois interinstitutions, y compris dans les zones contrôlées par la Fédération de Russie.  Cette dernière et l’Ukraine ont d’ailleurs dit avoir démarré les évacuations dans les zones les plus touchées.  Le fait que l’ONU n’ait pas d’informations indépendantes sur les circonstances de l’incident n’a pas empêché les États-Unis de souligner que cet incident n’aurait pas eu lieu sans la guerre déclenchée par la Fédération de Russie.  Abondant dans ce sens, la France a appelé au retrait complet, immédiat et inconditionnel des troupes russes de l’ensemble du territoire ukrainien.  C’est la seule manière d’éviter d’autres drames de ce type, a-t-elle martelé. 

La Fédération de Russie a rétorqué, en invoquant l’article du Washington Post du 29 décembre 2022, selon lequel l’armée ukrainienne déclarait ouvertement son objectif de faire sauter ce barrage pour obtenir un avantage militaire.  Ce sabotage, qui s’apparente à un crime de guerre ou à un attentat terroriste, a deux objectifs « évidents »: attirer le maximum d’attention afin de créer des occasions favorables à la contre-offensive de l’armée ukrainienne et infliger des dégâts sur de vastes territoires.  La destruction du barrage, a poursuivi la Fédération de Russie, s’inscrit dans la tactique systémique du « régime de Kiev » consistant à frapper des cibles civiles pour installer la peur parmi la population.

Comme à son habitude, a ironisé l’Ukraine, la Fédération de Russie choisit de blâmer la victime.  Nous savons tous, a-t-elle affirmé, que l’attaque terroriste contre le barrage de Kakhovka a été planifiée au plus haut niveau par les forces d’occupation de la région de Kherson, comme en témoigne la lettre de l’Envoyé de Vladimir Putin, en octobre dernier.  La Fédération de Russie contrôle le barrage depuis plus d’un an et il est physiquement impossible de le faire exploser de l’extérieur.  Cette attaque, a accusé l’Ukraine, est aussi un acte de terrorisme écologique et économique et un autre exemple du génocide des Ukrainiens.  Nous avons une nouvelle preuve de l’opposition russe à la désescalade et à la paix.  La défaite de la Fédération de Russie sera donc la plus importante contribution à la sécurité de la région et du monde, a souligné l’Ukraine. 

Ce « crime technologique », a-t-elle ajouté, confirme l’importance du plan de paix du Président Volodymyr Zelenskyy, en particulier les points relatifs à la lutte contre l’écocide et la sécurité nucléaire et énergétique.  Exigeant que la Fédération de Russie réponde de ses crimes en Ukraine et en finance la reconstruction, la France a, avec d’autres, salué le registre des dommages de guerre créé par le Conseil de l’Europe.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

Pour le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. MARTIN GRIFFITHS, la destruction du barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka en Ukraine est l’un des incidents les plus graves en termes d’endommagement des infrastructures civiles depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022.  L’ampleur de la catastrophe ne sera pleinement mesurée que dans les prochains jours, a-t-dit, mais il est déjà clair qu’elle aura des conséquences graves et profondes pour des milliers de personnes dans le sud de l’Ukraine –de part et d’autre de la ligne de front– notamment des destructions de maisons, de vivres, d’eau salubre et de moyens de subsistance.  Rappelant que le réservoir de Kakhovka est une source d’eau vitale pour des millions de personnes, non seulement à Kherson, mais aussi dans les régions de Zaporijia et Dnipro, il a précisé que les autorités ukrainiennes signalent qu’au moins 40 localités sont déjà inondées, partiellement ou complètement dans la région de Kherson.  M. Griffiths a dit s’attendre à ce que ce nombre augmente dans les jours à venir, avec de graves conséquences dans les zones contrôlées par la Russie, des zones auxquelles les personnels humanitaires ont encore du mal à accéder.

L’ONU et les organisations humanitaires ont déjà intensifié leurs opérations pour tenter de remédier aux dégâts, a-t-il précisé, une aide qui vient compléter la réponse du Gouvernement ukrainien, lequel a notamment acheminé des équipements supplémentaires tels que des générateurs électriques, des filtres à eau mobiles et des moyens pour le transport de l’eau.  Des équipes mobiles multidisciplinaires ont également été dépêchées dans les gares ferroviaires et routières de la région de Kherson pour aider les populations en cours d’évacuation alors que les villes de l’Ouest se préparent à accueillir les personnes évacuées, a expliqué le Secrétaire général adjoint. 

À ses yeux, les nouvelles du jour signifient que la crise humanitaire en Ukraine va s’aggraver davantage et les besoins immédiats s’accroître au fur et à mesure que les eaux de la crue se déplacent dans les prochains jours.  Le barrage de Kakhovka est une source essentielle d’irrigation agricole dans le sud de Kherson et la péninsule de Crimée, a précisé M. Griffiths en soulignant que les inondations durables que nous voyons aujourd’hui sur nos écrans vont perturber les activités agricoles, affecter le bétail et les pêcheries, avec des conséquences à long terme.  Il s’agit d’un coup dur pour le secteur de la production alimentaire, déjà fortement endommagé, a-t-il regretté.  Il a également fait état de risques de contamination par les mines et les munitions explosives, parce que l’eau en mouvement rapide déplace les projectiles vers des zones auparavant considérées comme sûres, exposant ainsi les populations à des dangers supplémentaires et imprévisibles. Selon les autorités ukrainiennes, au moins 30% du territoire de l’Ukraine est contaminé par des mines, a-t-il rappelé, et la région de Kherson fait partie des plus touchés.  La destruction du barrage pourrait également avoir un impact négatif sur la production d’électricité.  En outre, toute baisse incontrôlée du niveau d’eau du réservoir de Kakhovka pourrait nuire à la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporijia, a-t-il indiqué, en ajoutant que l’AIEA suit de près la situation et qu’aucune menace immédiate n’a été signalée à l’heure actuelle. 

M. Griffiths a concédé que l’ONU n’a pas accès à des informations indépendantes sur les circonstances ayant provoqué à la destruction du barrage de Kakhovka.  Toutefois, le droit international humanitaire est très clair, a-t-il tranché, en disant que les installations civiles telles que les barrages doivent bénéficier d’une protection spéciale, précisément parce que leur destruction peut entraîner de graves pertes pour la population civile. Il faut veiller en permanence à épargner les civils et les infrastructures civiles dans tous les types d’opérations militaires, a-t-il insisté, en mettant en garde contre le fait que l’absence d’assistance aux millions de personnes touchées par ces inondations serait potentiellement catastrophique.  Pour leur part, l’ONU est prête à tout faire pour leur venir en aide, en restant préoccupée par le sort des personnes qui se trouvent dans des zones touchées et que les humanitaires ne parviennent pas à rallier. L’OCHA est prêt, d’un point de vue opérationnel, à se déplacer avec des convois interagences et du personnel d’aide dans les zones contrôlées par la Fédération de Russie, a-t-il déclaré, avant de conclure par un appel à poursuivre la réponse humanitaire.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré que l’Ukraine a commis un « crime impensable » en endommageant le barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka, provoquant un déversement incontrôlé d’eau en aval du Dniepr. Des milliers de personnes doivent être évacuées et d’énormes dégâts ont été causés à l’agriculture régionale.  Citant un article du Washington Post du 29 décembre 2022, il a souligné que l’armée ukrainienne a déclaré ouvertement l’an dernier qu’elle était prête à faire sauter ce barrage pour obtenir un avantage militaire.  « Nous avons mis en garde la communauté internationale et les dirigeants de l’ONU contre cette menace », a affirmé le représentant, en regrettant que ses appels au Secrétaire général n’aient pas été entendus.  Selon lui, il devient de plus en plus difficile de convaincre qui que ce soit que le conflit ukrainien est le résultat d’une agression russe non provoquée, à l’exception des États-Unis et de leurs alliés.

Le représentant a dénoncé une campagne de désinformation venue de l’Occident et de Kiev visant à faire porter le blâme à la Fédération de Russie pour la destruction du barrage, comme ce fut le cas pour les dommages causés à Nord Stream.  Il s’agit selon lui du sabotage délibéré d’une infrastructure critique extrêmement dangereuse, qui peut être qualifié de crime de guerre ou d’attentat terroriste.  Ce sabotage a selon lui deux objectifs « évidents », à savoir attirer le maximum d’attention afin de créer des occasions favorables à la contre-offensive attendue de l’armée ukrainienne et infliger des dommages humanitaires sur de vastes territoires au moyen de la destruction d’infrastructures énergétiques.  La Fédération de Russie a ainsi évacué la population des zones menacées par les inondations, a poursuivi le délégué, et constaté des dommages environnementaux importants au réservoir de Kakhovka et au canal de Crimée du Nord, qui alimente en eau la péninsule de Crimée.  Cet incident pourrait selon lui constituer une « tentative implicite de provocation » contre la centrale nucléaire de Zaporijia, alors que les autorités de Kiev ont considérablement augmenté le débit d’eau de la centrale hydroélectrique de Dniepropetrovsk.  À ses yeux, cet acte peut être considéré comme la continuation de la tactique systémique du « régime de Kiev » consistant à frapper des cibles civiles afin d’intimider la population.

À la suite de l’attaque menée contre le pont de Crimée, les meurtres de Daria Dugina et Vladlen Tatarsky, les délégations occidentales se sont abstenues de la moindre condamnation. « Le régime de Kiev a de bons maîtres », a estimé le représentant, pour qui l’Occident a « l’habitude de faire le sale boulot avec les mains de quelqu’un d’autre ». Il s’est dit profondément perplexe que le Secrétariat de l’ONU refuse à chaque fois de condamner les attaques menées par l’Ukraine, comme ce fut le cas lors du bombardement de la centrale nucléaire de Zaporijia.  Le Secrétariat de l’ONU reproduit selon lui des conclusions « politisées » voulant que ces crimes soient la conséquence des actions de la Russie en Ukraine, a fustigé le représentant, y voyant une dérogation inacceptable au principe d’impartialité prescrit par la Charte des Nations Unies.  Il a insisté en terminant sur la nécessité de faire toute la lumière sur les circonstances de l’attaque contre la centrale de Kakhovka. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a pris acte de la « nouvelle terrible » en provenance d’Ukraine, à savoir la destruction du barrage de Kakhovka, qui a provoqué d’importants dégâts et aura des effets sociaux et environnementaux considérables.  De plus, a-t-il relevé, les capacités de refroidissement de la centrale nucléaire de Zaporijia pourraient être gravement affectées par cet incident dont la Russie assure ne pas être responsable.  Certes, a reconnu le représentant, les faits n’ont pu encore être vérifiés, mais il s’agit d’une des conséquences catastrophiques de l’agression russe de l’Ukraine.  Dénonçant à cet égard la « guerre de propagande » menée par Moscou pour « flouer le monde », il a rappelé qu’à en croire les responsables russes, leur pays n’avait pas l’intention d’attaquer l’Ukraine en février 2022.  De même, a-t-il demandé, combien de fois avons-nous entendu que tout était du fait de l’Ukraine, que les crimes abjects de Bucha étaient faux et falsifiés, que la Russie ne s’attaque pas aux civils et qu’elle ne procède pas à des déportations forcées d’enfants? 

Le délégué a ajouté que la communauté scientifique mondiale attend toujours des preuves sur les soi-disant laboratoires qui, selon Moscou, fabriqueraient des moustiques d’agression, et il en va de même pour la « bombe sale » qu’userait l’Ukraine. Pourquoi cela serait-il différent avec la destruction du barrage?  En revanche, la Russie a tout mis en œuvre pour détruire le système électrique ukrainien dans le but de plonger la population ukrainienne dans le froid et l’obscurité et elle a frappé nombre d’écoles et de centres de santé, a-t-il assené.  Rappelant à cet égard que les attaques contre les infrastructures civiles relèvent de crimes de guerre, il a demandé que leurs auteurs soient amenés à rendre des comptes.  Enfin, il a répété qu’il n’existe qu’une seule manière de mettre fin à cette guerre: le retrait de toutes les forces russes des frontières internationalement reconnues de l’Ukraine. 

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a dénoncé la destruction du barrage Kakhovka, regrettant que le Conseil doive se réunir à ce sujet.  La destruction de ce barrage est la conséquence de la guerre de la Russie en Ukraine, a dit le délégué: « Soyons bien clairs, c’est la Russie qui occupe l’Ukraine. »  Il a rappelé l’illégalité au regard du droit international humanitaire des attaques contre les infrastructures civiles, y compris les barrages.  Il a mis en garde contre une catastrophe écologique qui pourrait résulter de cette destruction, avant de rappeler la nécessité d’assurer le refroidissement des réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijia.  Il a noté que cette centrale n’est pas encore menacée.  Ce dernier événement n’aurait pas existé sans la guerre déclenchée par la Russie, a insisté en conclusion le délégué, en exhortant ce pays à retirer ses troupes de l’Ukraine. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a jugé déplorable la destruction du barrage de Nova Kakhovka.  Il a indiqué que le Royaume-Uni est déjà à pied d’œuvre sur le terrain avec des partenaires humanitaires pour apporter une aide qu’il avait du reste contribué à prépositionner en prévision d’une catastrophe comme celle-ci.  Le délégué a relevé que de vastes étendues de terres agricoles ainsi que l’approvisionnement en électricité sont menacés, de même que la production et le commerce alimentaire international.  C’est la dernière des nombreuses conséquences tragiques de la guerre du Président Putin, a-t-il déploré, promettant que le Royaume-Uni allait continuer d’évaluer attentivement les preuves dans les prochains jours. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a condamné la destruction du barrage de Kakhovka, l’une des infrastructures les plus importantes d’Ukraine, s’inquiétant de ses impacts écologiques, économiques et humanitaires.  Avec plus de 700 infrastructures essentielles endommagées ou détruites par la guerre, l’accès aux services de base devient de plus en plus difficile, notamment pour les femmes et les enfants, a regretté le représentant.  Il a estimé que les barrages doivent bénéficier d’une protection spéciale en raison du risque que leur endommagement fait peser sur la population.  Il a regretté qu’en raison de la situation administrative provisoire de facto résultant de l’invasion et de l’occupation militaire, les capacités d’atténuation et d’intervention dans la zone du barrage soient affectées.  Il a appelé à assurer un accès humanitaire sûr et sans entrave.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a fait part de ses préoccupations suite à la destruction partielle du barrage de Kakhovka qui illustre les conséquences désastreuses de l’agression russe, en particulier sur les infrastructures civiles ukrainiennes.  Il a exprimé ses vives préoccupations quant à l’impact humanitaire, environnemental et économique de cette catastrophe, et a indiqué que la France se tient prête à répondre aux demandes des autorités ukrainiennes pour venir en aide aux populations affectées.  La destruction du barrage accroît encore les menaces sur les systèmes de sûreté et de sécurité de la centrale de Zaporijia, a poursuivi le représentant.  Appelant une nouvelle fois la Russie à retirer complètement, immédiatement et inconditionnellement ses forces armées de l’ensemble du territoire ukrainien, le délégué a martelé que c’est là la seule manière d’éviter d’autres drames de ce type.  La Russie devra rendre des comptes pour les crimes commis en Ukraine, a-t-il dit, et elle devra payer pour la reconstruction à long terme de l’Ukraine. Il a rappelé que le Conseil de l’Europe a créé un registre documentant ces dommages, et a appelé tous les États à le rejoindre. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) s’est alarmé de la « catastrophe en cours » à la centrale hydroélectrique de Kakhovka et des effets durables qu’elle risque d’avoir pour les populations locales.  Il a pris note de l’estimation de l’AIEA selon laquelle il n’y a pas de risque immédiat pour la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporijia.  Pour le représentant, il est regrettable que cet incident se produise peu après la discussion qu’a eue le Conseil de sécurité la semaine dernière sur la sécurité nucléaire en Ukraine.  Dans l’immédiat, il s’est dit préoccupé par ce qui est décrit dans la lettre de l’Ukraine à la présidence du Conseil, alors que le processus d’évaluation de la situation sur le terrain se poursuit.  Ce qui est clair, a-t-il dit, c’est que cela ne serait pas arrivé si la Russie n’avait pas lancé son agression contre l’Ukraine en premier lieu.  Selon le délégué, il ne doit pas y avoir d’impunité pour les crimes de guerre et autres atrocités, y compris les attaques contre des civils et des infrastructures civiles essentielles.  Enfin, exhortant à nouveau la Russie à mettre fin à son agression et à retirer sans condition ses troupes et ses équipements militaires de l’ensemble du territoire internationalement reconnu de l’Ukraine, il a renouvelé l’engagement du Japon à fournir le soutien financier, humanitaire, militaire et diplomatique dont l’Ukraine a besoin « aussi longtemps qu’il le faudra ».

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) s’est dite inquiète des informations faisant état de dommages importants à la centrale hydroélectrique de Kakhovka et des inondations qui en ont résulté dans la région de Kherson.  Elle s’est déclarée particulièrement préoccupée par les nouvelles perturbations que cela implique pour les populations civiles et par les retombées écologiques et économiques immédiates et à long terme, sans oublier les risques éventuels pour la centrale nucléaire de Zaporijia.  Souhaitant que les circonstances de cette catastrophe soient vérifiées de manière indépendante pour prévenir de futurs incidents de ce type et établir les responsabilités, la représentante a demandé instamment aux parties de ne prendre aucune nouvelle mesure susceptible de compromettre la sûreté et la sécurité d’autres infrastructures hautement sensibles.  En outre, elle a exhorté les parties à se conformer à leurs obligations en vertu du droit international humanitaire.  Notant à ce sujet que de nombreuses personnes risquent d’être déplacées par les inondations, elle s’est félicitée du déploiement immédiat de l’aide humanitaire de l’ONU, en coordination avec le Gouvernement ukrainien, plaidant pour un accès sans entrave aux communautés touchées.  Enfin, après avoir rappelé que cette « évolution malheureuse » se produit dans le contexte de l’agression injustifiée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, elle a réitéré les appels de son pays à la paix et à la cessation immédiate des hostilités par le retrait sans condition des troupes russes de tout le territoire ukrainien. 

Mme EDWIGE KOUMBY MISSAMBO (Gabon) a indiqué que la destruction du barrage de Kakhovka est un acte grave qui ajoute à l’incertitude quant à la sûreté de la centrale nucléaire de Zaporijia.  Elle a salué la réactivité des experts de l’AIEA, dont la présence sur place a permis le déploiement immédiat d’une équipe sur le lieu du sinistre.  « Il est à espérer que la situation pourra être endiguée dans les meilleurs délais pour contenir les risques de catastrophe nucléaire », a-t-elle dit.  Elle a rappelé que les centrales nucléaires et les installations hydroélectriques sont des infrastructures civiles protégées par le droit international humanitaire.  Le Conseil doit absolument éviter toute nucléarisation de la guerre en Ukraine, a-t-elle conclu.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil), préoccupé par la gravité de l’incident et ses conséquences potentielles, a exhorté les parties au conflit en Ukraine à faciliter l’accès des équipes de secours et des travailleurs humanitaires. Il s’est dit inquiet des risques que l’incident fait peser sur la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporijia. Même si l’AIEA considère qu’il n’y a pas de danger immédiat, le délégué a noté que la possibilité que la rupture du barrage affecte l’approvisionnement en eau nécessaire pour le refroidissement des réacteurs vient rappeler à quel point nous sommes peut-être proches d’une catastrophe nucléaire.  Il a encouragé les parties à s’abstenir d’actions qui pourraient conduire à ce scénario et à accroître leur engagement auprès de l’AIEA pour assurer la sûreté des installations nucléaires.  Il a jugé essentiel d’enquêter sur l’incident et de déterminer la responsabilité des auteurs. Mais le plus important est de garder à l’esprit que la rupture du barrage ne se serait pas produite si la Russie et l’Ukraine étaient en paix, a-t-il rappelé. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a dit être alarmé par la destruction du barrage de Kakhovka.  L’ampleur des dégâts est encore difficile à déterminer, mais il est d’ores et déjà certain que nous sommes confrontés à une catastrophe humanitaire, économique et écologique.  Il s’est inquiété des risques que pourraient causer les inondations massives sur l’environnement ainsi que sur la sécurité énergétique et alimentaire de même que l’approvisionnement en eau.  Il a aussi craint que le système de refroidissement de la centrale nucléaire de Zaporijia soit impacté et a appelé à suivre des près les évaluations de l’AIEA à ce sujet.

Appelant à faire de la protection des civiles la priorité, il a plaidé pour un accès rapide et sans entrave de l’aide humanitaire en Ukraine, soulignant ensuite que les attaques contre les infrastructures civiles sont inacceptables. Que le barrage de Kakhovka soit considéré comme une installation civile ou comme un objectif militaire, il bénéficie d’une protection en vertu des règles du droit international humanitaire, a insisté l’orateur demandant que les responsables soient identifiés et rendent des comptes. 

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a exprimé sa profonde inquiétude face aux derniers développements en Ukraine et condamné l’attaque menée contre le barrage de Kakhovka, une infrastructure civile essentielle.  L’inondation résultant de la destruction du barrage a causé des dommages catastrophiques.  Au moins 16 000 personnes ont perdu leur foyer, tandis que l’approvisionnement en eau potable est menacé pour des milliers d’autres, a déploré la déléguée, en évoquant des conséquences environnementales « irréversibles ». La baisse du niveau d’eau du barrage affecte en outre l’accès à l’une des principales sources de refroidissement des réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijia.  Elle a réaffirmé sa détermination à faire en sorte que les auteurs de tels crimes soient tenus responsables conformément au droit international, avant d’exhorter la Fédération de Russie à retirer immédiatement et sans condition ses forces du territoire ukrainien. 

M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) a constaté que les informations sont encore contradictoires quant à la responsabilité et aux causes des dommages causés au barrage hydroélectrique de Kakhovka.  Toutefois, s’il se confirme qu’ils sont dus à un acte délibéré de sabotage, il ne devrait y avoir aucune réserve à les condamner, a-t-il dit, regrettant que cet acte ajoute une « dimension imprudente » à l’escalade constante du conflit.  Dans ce contexte, le représentant a mis en garde contre les répercussions de la catastrophe environnementale imminente, sur les populations et les écosystèmes mais aussi sur la chaîne d’approvisionnement alimentaire et céréalière mondiale déjà tendue. Rappelant à son tour que la militarisation et le ciblage délibérés d’infrastructures civiles en temps de guerre constituent une violation du droit international humanitaire, il a averti que les auteurs de cet acte seront tenus responsables.  Au-delà de ce nouveau développement, le délégué a réitéré son appel aux parties pour qu’elles reprennent de toute urgence des négociations directes et recherchent une solution durable et conforme aux dispositions de la Charte des Nations Unies. 

M. ZHANG JUN (Chine) a rappelé que les infrastructures civiles sont protégées par le droit international humanitaire.  Il a souligné les conséquences écologiques, ainsi que pour les civils, de la destruction du barrage de Kakhovka.  Il a noté que la centrale nucléaire de Zaporijia n’est pas encore menacée.  S’il devait y avoir une catastrophe nucléaire, personne ne serait à l’abri, a averti le délégué chinois, en appelant à garantir la sûreté de la centrale.  Il a souligné l’enlisement de la situation en Ukraine, « les flammes de la guerre continuant de grandir ».  Il a exhorté les belligérants à faire montre de retenue et à revenir à la table des négociations.  Aucune partie, en particulier les pays influents, ne doit jeter de l’huile sur le feu, a conclu le délégué de la Chine.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a souligné que le réservoir de Nova Kakhovka était si grand que les habitants l’appelaient la « mer de Kakhovka », et qu’il fournit de l’eau pour la consommation, les activités industrielles et l’agriculture.  Le réservoir est aussi la source d’eau nécessaire au refroidissement de la centrale nucléaire de Zaporijia, a-t-il rappelé, indiquant que la destruction du barrage a créé un risque écologique, humanitaire et de sécurité nucléaire.  Le représentant a noté que le droit international humanitaire est clair quant à la nécessité de protéger les barrages en période de conflit, de même que les centrales nucléaires, en raison des risques pour les civils.  Il a appelé toutes les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire.  Depuis le début de cette guerre, le monde a évité de justesse une catastrophe nucléaire plus d’une fois, a—t-il dit, soulignant que la destruction du barrage ne fait qu’accroître encore les risques.  Il a encouragé toutes les parties à travailler avec l’AIEA pour s’assurer que le mécanisme de refroidissement de Zaporijia fonctionne et qu’il existe des systèmes de sauvegarde.  Le délégué a également appelé toutes les parties à assurer la sécurité des personnes déplacées et à permettre aux organisations humanitaires de venir en aide aux populations touchées par les inondations.  Il a enfin appelé à la désescalade et au dialogue pour conduire ce conflit vers une solution pacifique et durable, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies.  Il a d’ailleurs assuré que les Émirats arabes unis sont disposés à soutenir tout effort sérieux à cette fin.

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a rappelé que sa délégation a demandé cette réunion urgente du Conseil à la suite du bombardement, le 6 juin, par le régime de Putin, du barrage de Kakhovka qui est selon lui le plus grand désastre causé par l’homme en Europe depuis des décennies.  Il s’agit d’un acte terroriste contre une infrastructure civile ukrainienne visant à faire le plus de victimes civiles et causer la plus grande destruction possible.  Par cette politique de l’inondation, l’occupant russe reconnaît que le territoire conquis ne lui appartient pas et qu’il n’est pas en mesure de le conserver.  Cette attaque terroriste a été discutée au niveau le plus élevé des forces d’occupation de la région de Kherson, comme en témoigne la lettre de l’envoyé de Putin en octobre dernier, a assuré le représentant de l’Ukraine.  Dans sa déclaration d’aujourd’hui, la Russie a blâmé la victime de ses propres crimes, comme à son habitude, a dit le délégué.  Il y a peu de chance qu’elle reconnaisse sa responsabilité dans le désastre de ce mardi.

Selon le représentant, c’est la Russie qui contrôle le barrage depuis plus d’un an. Physiquement, il est impossible de le faire exploser de l’extérieur, c’est donc que l’infrastructure a été minée par l’occupant russe qui l’a fait exploser, a-t-il accusé.  Cette explosion est aussi un acte de terrorisme écologique et économique et un autre exemple du génocide des Ukrainiens par la Russie.  Il s’agit de la réponse du Kremlin à l’appel lancé en faveur de pourparlers de paix.  La Russie vient de confirmer par son action qu’elle n’est pas intéressée par la désescalade ou la paix, mais qu’elle doit être stoppée.  C’est aussi la raison pour laquelle la défaite de la Russie sera la plus importante contribution à la sécurité de la région et du monde, a estimé le représentant ukrainien.  Il a exhorté à ce que des missions humanitaires soient dépêchées sur la rive gauche du Dniepr pour venir en aide aux résidents locaux.  Le délégué a ajouté que la destruction de ce barrage privera la Crimée d’alimentation en eau et que cela fait peser des risques sur la centrale nucléaire de Zaporijia.  Il a donc appelé la communauté internationale à condamner cette attaque terroriste russe du barrage de Kakhovka.  Ce « crime technologique » confirme selon lui l’importance du plan de paix du Président Volodymyr Zelenskyy, qu’il faut mettre en œuvre dès que possible en particulier les points relatifs à la lutte contre l’écocide et la sécurité nucléaire et énergétique. 

M. ANDREJS PILDEGOVIČS (Lettonie), au nom des pays baltes, a déclaré que la destruction du barrage s’ajoute à la liste des crimes de guerre commis par la Russie.  Ce barrage a été occupé par la Russie depuis le début de son agression de l’Ukraine, a constaté le délégué, en dénonçant un acte irresponsable et barbare.  Nous sommes peut-être les témoins d’un écocide, a-t-il ajouté.  Il a estimé que la destruction du barrage Kakhovka complique la situation en ce qui concerne la centrale nucléaire de Zaporijia, et a exhorté la Russie à remettre immédiatement la centrale nucléaire sous le contrôle des autorités ukrainiennes. Il a rappelé que le barrage de Kakhovka est protégé par le droit de la guerre et les Conventions de Genève.  La communauté internationale ne peut laisser la Russie causer un nouveau désastre aux conséquences catastrophiques, a affirmé le délégué.  « Plus tôt la Russie réalisera qu’elle a perdu la guerre, mieux ce sera. » 

M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a déclaré que les conséquences de la guerre en cours, y compris l’urgence humanitaire et les catastrophes environnementales, touchent également son pays, plaque tournante de l’aide humanitaire internationale.  Il a fermement condamné l’explosion du barrage enjambant le Dniepr à Nova Kakhovka. « C’est encore un autre acte scandaleux de barbarie russe contre les territoires occupés d’Ukraine », a-t-il dit, évoquant aussi une grave violation des normes fondamentales du droit international humanitaire et un crime de guerre apparent.  Selon le délégué, cet incident laisse percevoir également la perspective d’une catastrophe environnementale aux conséquences sans précédent à l’échelle régionale, laquelle, a-t-il prévenu, se répercutera dans toute l’Europe.  Il a indiqué que son gouvernement mettra tout en œuvre pour tenir la Russie responsable et s’assurer que les auteurs de cet acte criminel soient punis.  Il a ajouté que cela se fera par le biais de mécanismes institutionnels et juridiques internationaux pertinents, y compris dans les domaines humanitaires et environnementaux. 

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