Conseil de sécurité: la détérioration du sort des Afghanes est aussi un enjeu de sécurité régionale, prévient la Cheffe de la MANUA
En cette Journée internationale de la femme, il y a peu de messages de réconfort à adresser aux Afghanes, tant leurs conditions de vie se sont détériorées depuis le retour au pouvoir des Taliban, a déclaré, ce matin au Conseil de sécurité, la Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Afghanistan, « pays le plus répressif au monde en ce qui concerne les droits des femmes » et par ailleurs théâtre de la plus grave crise humanitaire en cours.
Mme Roza Otunbayeva, qui est également Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), a expliqué que l’interdiction faite aux Afghanes de travailler, d’étudier, de voyager sans un compagnon masculin à leurs côtés et même de se rendre dans les parcs ou les bains publics est toujours en vigueur, et qu’elle a même été renforcée par l’adoption en décembre dernier de deux décrets, l’un bannissant les femmes de l’enseignement supérieur, l’autre les empêchant de travailler pour des ONG, avec des conséquences dramatiques pour le reste du pays.
En effet, a expliqué la Représentante spéciale, ce n’est pas seulement la moitié des médecins, scientifiques, journalistes et personnalités politiques potentielles du pays qui sont enfermées chez elles, c’est le financement même de l’aide au développement de l’Afghanistan qui est en péril, après la fermeture d’ONG dirigées par des femmes qui bénéficiaient jusque-là du soutien des bailleurs de fonds internationaux. Et qui dit diminution de l’aide, dit celle des envois de fonds qui viennent l’alimenter. « Difficile de comprendre comment un gouvernement digne de ce nom peut gouverner contre les besoins de la moitié de sa population », a lancé Mme Otunbayeva.
« Par plus de 40 décrets, les Taliban ont cherché non seulement à effacer les femmes de la vie publique, mais à éteindre notre humanité fondamentale », a accusé Mme Zubaida Akbar, représentante de la société civile et membre de l’organisation « Freedom Now », en évoquant des suicides en série. Après avoir dénoncé la mise en place d’un véritable « apartheid sexuel », l’intervenante a estimé que tout échec de la communauté internationale, et en particulier du Conseil de sécurité, à défendre les droits des femmes dans son pays lui ôterait la crédibilité pour le faire ailleurs. Mme Akbar a adressé au Conseil une autre mise en garde: la répression des manifestantes et les persécutions des minorités ethniques et religieuses par les Taliban risquent de conduire le pays tout droit à la guerre civile, laquelle ne pourra que déborder sur le plan régional.
Plusieurs membres du Conseil ont abondé dans le sens de ces deux exposés accablants. Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Albanie, l’Inde et Malte ont condamné la discrimination des Afghanes par les Taliban. La France a quant à elle rappelé que les conditions fixées par la résolution 2593 (2021) du 31 août 2021, notamment s’agissant de la lutte contre le terrorisme, continuent de conditionner tout engagement potentiel avec les Taliban, « qui doivent respecter leurs promesses ».
Ces propos ont suscité l’ironie de la Fédération de Russie, qui a reproché aux États-Unis et à leurs alliés de chercher à se défausser de leur responsabilité dans l’effondrement de l’Afghanistan, à la suite de leur campagne militaire « peu glorieuse ». Sous les traits d’un bienfaiteur et défenseur des droits des femmes et des filles, Washington cache en réalité son vrai visage, celui d’un pays qui a commis aux côtés de l’OTAN de nombreux crimes de guerre, a déclaré la représentante russe. Dans ce contexte, l’indignation des Occidentaux vis-à-vis de la détérioration actuelle de la situation dans le pays, ainsi que les appels à reprendre les sanctions et à accroître la pression politique et économique sur les autorités de facto semblent immorales, a-t-elle cinglé.
Ce sentiment a trouvé un écho dans celui du Pakistan, qui a jugé « dangereuse et irréaliste » toute tentative de remplacer les autorités de facto en Afghanistan, un pays éreinté par 40 ans de conflits et qui doit maintenant aller de l’avant.
De son côté, la République islamique d’Iran a invité à la prudence face aux risques d’instrumentalisation de l’aide humanitaire à des fins politiques, qui ne feraient que nuire au peuple afghan, tributaire de l’aide. Pour s’assurer qu’il reçoit le soutien dont il a besoin, l’aide humanitaire doit rester impartiale et inconditionnelle, a rappelé le représentant iranien, tandis que la Chine demandait la levée immédiate des sanctions prises à l’encontre de l’Afghanistan.
Au contraire, le représentant afghan, qui ne s’exprimait pas au nom des « autorités de facto » talibanes, a exhorté le Conseil de sécurité à se servir des outils à sa disposition pour faire pression sur elles, considérant que leurs exactions innombrables constituaient des crimes contre l’humanité. Il s’est toutefois félicité de la décision, en février, d’un juge américain qui a confirmé qu’un montant de 3,5 milliards de dollars actuellement gelé par les États-Unis appartenait bien à la Banque centrale de l’Afghanistan. Le représentant a souhaité que ces fonds soient utilisés à terme par un « gouvernement afghan légitime ».
Afin que la MANUA puisse jouer pleinement son rôle, Mme Otunbayeva a souhaité que son mandat, qui expire le 17 mars, soit prorogé d’un an. Les Émirats arabes unis ont cependant suggéré de lancer un réexamen stratégique de l’engagement international en Afghanistan: si la Mission est le visage de la communauté internationale sur le terrain et mérite le soutien continu du Conseil, celui-ci, en n’agissant pas et en ne cherchant pas à changer le cours actuel des choses, ne s’acquitte pas de ses responsabilités et « trahit le peuple afghan », a estimé la représentante des Émirats arabes unis.
LA SITUATION EN AFGHANISTAN - S/2023/151
Déclarations
Mme ROZA OTUNBAYEVA, Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Afghanistan et Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies dans ce pays (MANUA), a déclaré qu’en cette Journée internationale de la femme, elle n’avait hélas que peu de messages réconfortants à adresser au sujet des Afghanes. L’interdiction qui leur est faite de travailler, d’étudier, de voyager sans un compagnon masculin à leurs côtés et même de se rendre dans les parcs ou les bains publics est toujours en vigueur, a-t-elle constaté.
Les Taliban prétendent avoir unifié le pays, mais ils l’ont aussi gravement divisé le long des lignes de genre, a fait valoir Mme Otunbayeva. Au moment où l’Afghanistan a besoin de tout son capital humain pour se relever de décennies de guerre, la moitié des médecins, scientifiques, journalistes et personnalités politiques potentielles du pays sont enfermées chez elles, leurs rêves écrasés et leurs talents confisqués, a-t-elle déploré. « L’Afghanistan sous le régime des Taliban reste le pays le plus répressif au monde en ce qui concerne les droits des femmes », a-t-elle résumé.
Les Taliban affirment de leur côté que cette ségrégation des femmes n’est pas un problème majeur et qu’il est en cours de résolution, estimant qu’ils devraient être jugés à l’aune d’autres réalisations, a remarqué la Représentante spéciale. Mais en réalité, l’interdiction en date du 20 décembre relative à l’enseignement supérieur, puis celle du 24 décembre sur celles travaillant pour des ONG, ont de graves conséquences pour la population afghane et les relations du pays avec la communauté internationale, a-t-elle affirmé.
Ainsi, a averti Mme Otunbayeva, le financement du développement de l’Afghanistan risque de diminuer si les femmes ne sont pas autorisées à travailler, des ONG dirigées par des femmes ayant par exemple dû mettre fin à leurs activités. Et si le montant de l’aide est réduit, celui des envois de fonds nécessaires pour soutenir cette aide diminuera également, les discussions sur la fourniture d’une aide plus importante au développement ayant déjà été interrompues à la suite de ces interdictions. « Difficile de comprendre comment un gouvernement digne de ce nom peut gouverner contre les besoins de la moitié de sa population », a lancé la Représentante spéciale.
Or, le peuple afghan continue de souffrir douloureusement à d’autres égards, a ajouté Mme Otunbayeva, qui a rappelé que le pays reste le théâtre de la plus grave crise humanitaire au monde. Les deux tiers de la population, environ 28 millions de personnes, auront besoin d’une aide humanitaire cette année pour survivre, soit 4,62 milliards de dollars, « l’appel de fonds le plus important jamais lancé par un pays », a-t-elle rappelé. Près de la moitié de la population, soit 20 millions de personnes, est touchée par l’insécurité alimentaire, dont 6 millions sont à deux doigts de la famine.
Face à ces besoins urgents, l’action humanitaire se heurte pourtant à des conditions d’accès et de sécurité de plus en plus complexes. L’interdiction faite aux Afghanes de travailler pour des ONG n’est pas le seul obstacle sérieux qui empêche de prêter assistance aux populations vulnérables, a rappelé la Cheffe de la MANUA. La Mission est également préoccupée par le fait que le personnel féminin national travaillant pour l’ONU sera également frappé d’interdiction. Les Taliban s’efforcent en outre d’empêcher le personnel féminin afghan de se rendre dans les bureaux de l’ONU dans cinq provinces, les ONG subissant ces restrictions dans une bien plus large mesure. Dans certaines provinces, la fourniture de l’aide a dû être suspendue temporairement parce que les autorités locales ont posé des conditions inacceptables à sa distribution.
En 2022, avant la mise en place de ces contraintes, l’ONU et les ONG partenaires avaient pu venir en aide à 26,1 millions de personnes, en grande partie en raison de l’amélioration de la sécurité, a expliqué Mme Otunbayeva. « Je crains qu’en 2023, les interdictions imposées aux femmes et autres restrictions n’entravent l’accès à l’avenir », s’est-elle désolée, en confiant que les travailleurs humanitaires se retrouvent contraints de faire des compromis pour sauver des vies afghanes: « L’absurdité de cette situation se passe de tout commentaire », a-t-elle ajouté.
Par ailleurs, la capacité de la MANUA à fournir des services est également compliquée par la menace imminente de l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K), les autorités de facto n’ayant pas la capacité d’y faire pleinement face, a remarqué la Cheffe de la Mission. Parallèlement à la détérioration des droits des femmes, d’autres abus sont commis par les autorités de facto à l’encontre d’anciens membres du Gouvernement et des forces de sécurité, sous la forme d’exécutions extrajudiciaires, d’arrestations arbitraires, de détentions et d’actes de torture perpétrés, en violation du décret d’amnistie issu par les Taliban eux-mêmes.
L’accumulation de ces décisions a donné naissance à une forme de gouvernement tout simplement « inacceptable » pour la communauté internationale, a dénoncé la Représentante spéciale, qui a dit craindre que l’histoire ne se répète et que l’Afghanistan ne renforce chaque jour un peu plus son isolement. Toutefois, a-t-elle noté, et contrairement à ce qui se passait dans les années 90, le monde accorde aujourd’hui beaucoup plus d’attention à l’Afghanistan.
Afin que la MANUA puisse jouer pleinement son rôle, Mme Otunbayeva a souhaité qu’un mandat d’une année supplémentaire lui soit accordé. Malgré les revers subis par ce pays et sa population, nous continuons d’affirmer qu’il n’y a pas d’alternative à un engagement unifié, patient et fondé sur des principes, qui place les besoins et les droits du peuple afghan au premier plan, a conclu la Représentante spéciale.
Mme ZUBAIDA AKBAR, représentante de la société civile, organisation « Freedom Now », s’est dite honorée de pouvoir s’adresser au Conseil de sécurité, aujourd’hui, à l’occasion de la Journée internationale de la femme. Malheureusement, a-t-elle ajouté, il me faut vous parler de ce qui est la pire crise des droits des femmes dans le monde, puisque, comme le Conseil le sait, « depuis que les Taliban ont pris le pouvoir en août 2021, les droits des femmes et des filles afghanes ont été décimés ».
« Par plus de 40 décrets, les Taliban ont cherché non seulement à effacer les femmes de la vie publique, mais à éteindre notre humanité fondamentale », a-t-elle lancé. Après avoir brossé un portrait glaçant de la situation des femmes et des filles afghanes, marquée entre autres par la récente décision d’interdire aux femmes de travailler pour les ONG, « ce qui empêche plus de 100 organisations de la société civile de fonctionner normalement », Mme Akbar a confié que des Afghanes lui disent qu’elles se sentent étouffées et désespérées. « Des jeunes filles me parlent de mettre fin à leurs jours. Cela ne peut pas continuer », a-t-elle encore témoigné.
Selon Mme Akbar, un terme décrit bien la situation des femmes afghanes aujourd’hui, celui « d’apartheid sexuel ». À l’appui de cette affirmation, elle a déclaré que les femmes afghanes, les experts « et même le Secrétaire général António Guterres » ont condamné une discrimination systématique équivalant à un véritable apartheid de genre. À son sens, une condamnation internationale franche est essentielle, la multiplication des violations flagrantes du droit international par les Taliban exigeant une réponse internationale proportionnée, coordonnée et significative qui indique clairement que les violations des droits des femmes sont intolérables, injustifiables et que les Taliban en subiront les conséquences. « Si vous ne défendez pas les droits des femmes ici, vous n’avez aucune crédibilité pour le faire ailleurs », a-t-elle affirmé.
Mme Akbar a en outre considéré que la répression des manifestantes et les persécutions des minorités ethniques et religieuses risquaient de conduire le pays tout droit vers une guerre civile qui ne restera pas longtemps contenue sur le plan régional. À cette aune, elle a appelé le Conseil de sécurité à exiger des Taliban qu’ils respectent les droits de tous les Afghans, à leur refuser toute représentativité aux Nations Unies, à maintenir l’interdiction de voyager qui les frappe, à axer ses exposés sur la situation en Afghanistan sur les pans les plus marginalisés de la société afghane et à condamner de la manière la plus ferme toute violation des droits des femmes et des filles.
« Le peuple afghan mérite de jouir de ses droits fondamentaux, et si les Taliban sont autorisés à continuer sur la voie qu’ils ont choisie, il faudra des générations avant que l’Afghanistan ne se relève », a conclu Mme Akbar. Elle a ainsi demandé aux membres du Conseil de penser à leurs propres filles, épouses, sœurs et à se demander: pourquoi les femmes afghanes mériteraient-elles un autre traitement qu’elles?
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) s’est dit alarmé par la détérioration de la situation des droits humains en Afghanistan, notamment des femmes et des filles, et a fustigé les restrictions imposées par les Taliban. La situation humanitaire est catastrophique, a dit le délégué, en plaidant pour un appui international renforcé. Il a mis en garde contre les risques d’une telle situation, qui pourrait pousser la jeunesse à se radicaliser. Le Conseil doit exhorter les Taliban à abandonner leur politique répressive en matière de droits humains. Le dialogue doit se poursuivre afin qu’ils changent de cap, comme le fait le Japon à Kaboul, a poursuivi le délégué. Enfin, il a appuyé la MANUA et espéré que celle-ci fera avancer le dialogue.
Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a considéré que le soutien du Conseil de sécurité à la MANUA devait être inébranlable. Néanmoins, il apparaît que nous manquons de stratégie politique pour l’Afghanistan, a-t-elle estimé, un sentiment qui trouve un écho dans les discussions que la représentante a eues avec de nombreuses Afghanes, y compris cette semaine à la Commission de la condition de la femme. Aussi, en tant que l’une des deux délégations porte-plumes sur la situation dans ce pays, elle a estimé que le Conseil doit lancer un réexamen stratégique de l’engagement international en Afghanistan et articuler une voie claire pour promouvoir le bien-être de tous ses habitants. Si la MANUA est le visage de la communauté internationale sur le terrain et mérite le soutien continu du Conseil, celui-ci, en n’agissant pas et en ne cherchant pas à changer le cours actuel des choses, ne s’acquitte pas selon elle de ses responsabilités et « trahit le peuple afghan ». La situation de leur pays est exceptionnelle et exige une réponse exceptionnelle, a-t-elle insisté. Nous pouvons le reconnaître et œuvrer à l’approche « intégrée et cohérente » plaidée par la communauté internationale, coordonner nos efforts et renforcer la MANUA, ou nous pouvons continuer comme si de rien n’était au détriment de l’Afghanistan et de son peuple, a mis en garde la déléguée.
Au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a remarqué qu’en dépit des diverses mesures prises, le manque de représentativité de la diversité du peuple afghan, tant ethnique que sociale, persistait dans le paysage politique. Très peu de progrès a été constaté alors que l’inclusion des femmes dans les structures gouvernementales demeure un défi. Le représentant des A3 a vivement encouragé les Taliban à répondre positivement aux appels au dialogue intra-afghan lancés par certaines parties de l’opposition politique, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, ainsi que par la communauté internationale. Il s’est dit convaincu que cela œuvrerait en faveur d’une plus grande participation de tous les acteurs politiques du pays.
L’annonce, en décembre 2022, de décisions suspendant l’enseignement supérieur et l’emploi des femmes dans les ONG nationales et internationales a encore restreint les droits fondamentaux des femmes et des filles, a poursuivi l’orateur. Il a également relevé que la question de leur éducation et de leur accès à l’enseignement secondaire et supérieur reste en suspens, notant en outre que les Taliban ont élargi les restrictions faites aux femmes à la quasi-totalité des activités de la vie sociale, politique et professionnelle. Pour que la condition des femmes et les filles afghanes puisse progresser, la communauté internationale doit « rester ferme » et faire preuve de solidarité à leur égard. « Ce pays ne se reconstruira pas sans l’éducation, la qualification et l’inclusion des Afghanes », a prévenu le délégué.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a dénoncé les restrictions sans précédent imposées par les Taliban aux droits des femmes et des filles. Nous devons nous montrer réalistes, la trajectoire du pays est négative, a-t-il dit. À cette aune, il a exhorté le Conseil à rester uni face aux Taliban. Nous devons également nous montrer très clairs sur les conséquences, si les Taliban devaient persévérer dans cette voie, a dit le délégué, en écartant toute reconnaissance internationale de ces derniers. Il a souligné la nécessité que la MANUA reste dotée d’un mandat robuste, appelant en outre l’ONU à continuer d’intervenir auprès des Taliban au sujet des progrès à réaliser en matière de gouvernance représentative. Nous devons également faire savoir aux Taliban qu’ils se sabotent eux-mêmes, puisqu’il ne peut y avoir de paix durable si de larges composantes de la société sont exclues, a-t-il conclu, en affichant sa solidarité avec le peuple afghan.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a déclaré qu’en Afghanistan, les femmes et les filles voient bafoués leurs droits humains et leurs libertés fondamentales au quotidien, et que cette situation continue de s’aggraver. Alors que leur accès à l’éducation et au travail est quasiment réduit à néant, nous appelons les Taliban à revenir sans délai sur les interdictions faites aux femmes et aux filles, a ajouté la représentante. Après avoir condamné toutes les violations des droits humains commises par les Taliban, en particulier les violations des droits des femmes, mais aussi des enfants et des minorités ethniques, elle a appuyé une prolongation du mandat actuel de la MANUA, « qui permettra à la mission de poursuivre ses activités vitales pour le peuple afghan ».
Dans cette optique, Mme Baeriswyl a demandé au Conseil et la MANUA de soutenir tous les efforts visant à promouvoir un Afghanistan où l’ensemble de la société participe à la vie publique, sans discrimination ni représailles, la protection des droits humains étant essentielle pour la stabilité du pays. Les femmes et les filles doivent avoir accès à l’éducation, au travail, à la politique et la vie sociale et économique, a martelé la représentante, pour qui la réponse aux besoins humanitaires immédiats passe par le travail des femmes afghanes dans de nombreuses ONG sur le terrain.
Face aux défis croissants résultant des changements climatiques, il faut soutenir le peuple afghan pour qu’il puisse adapter son agriculture et rendre la gestion des ressources naturelles plus durable, a ensuite déclaré la représentante. De plus, a-t-elle dit, les services publics de base doivent pouvoir fonctionner, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé publique: « Une économie stable est nécessaire pour créer des perspectives pour un futur digne. »
Revenant sur la question des femmes, Mme Baeriswyl a exhorté les Taliban à annuler leurs récents décrets interdisant aux femmes d’accéder à l’enseignement supérieur et de travailler pour des ONG et à reconnaître l’importance d’une gouvernance inclusive et de l’état de droit.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a déclaré qu’alors que le monde se réunit pour la Journée internationale de la femme en ce jour, les femmes afghanes ont bien peu de raisons de se réjouir, privées de leurs libertés et de leurs droits du seul fait de leur genre. Les autorités de facto légitiment les crimes d’honneur ainsi que les châtiments corporels, a dénoncé le représentant. Elles s’attellent à détricoter les acquis de ces 20 dernières années, entraînant des dégâts irréparables à la société civile afghane, tout en entravant gravement le développement économique du pays. Ce choix « catastrophique » pousse le pays vers l’abîme.
Solidaire des femmes et les filles afghanes, l’Albanie appuie toutes les mesures visant à lever restrictions arbitraires, notamment celles relatives au travail des femmes dans le secteur humanitaire, a déclaré le représentant. L’éradication des droits des femmes fait partie d’une politique réactionnaire coordonnée, a-t-il poursuivi, qui a rappelé que, depuis leur prise de pouvoir, les Taliban avaient démontré leur mépris des droits humains et du droit international humanitaire, notamment en interdisant les manifestations pacifiques, en rendant illégale toute voix dissidente et en restreignant l’espace médiatique.
Le représentant a appuyé un nouveau mandat pour la MANUA qui permettrait d’aider la population en ces circonstances difficiles, et de donner la priorité au droit des femmes et des filles. Le Conseil de sécurité et la communauté internationale doivent agir de façon cohérente en demandant aux autorités de facto qu’elles respectent pleinement les résolutions du Conseil, a-t-il fait valoir, estimant que c’était là le seul moyen de normaliser les relations avec l’Afghanistan et de permettre le retour du pays dans le concert international. La paix et la prospérité ne seront possibles en Afghanistan que grâce à l’inclusivité; sans elle, le pays retournera dans un passé lointain et sombre, a conclu le représentant.
M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) s’est dit préoccupé par le tableau sombre dressé par le rapport du Secrétaire général de l’ONU. Alors que les besoins en aide humanitaire augmentent de façon exponentielle, l’Équateur exprime sa reconnaissance pour le travail de la MANUA et soutiendra le renouvellement de son mandat dans les prochains jours, cela « en vue de maintenir et de renforcer sa présence sur le terrain pour promouvoir un dialogue inclusif entre tous les acteurs de la société afghane ».
Le représentant a également salué les initiatives de coopération bilatérales et multilatérales promues par les pays de la région et par les organisations régionales et internationales pour mobiliser le financement de l’éducation des filles et des garçons et offrir, autant que faire se peut, des opportunités d’emploi pour les femmes. Ces actions, a-t-il dit, véhiculent le message clair d’une communauté internationale indignée par les politiques régressives imposées par le régime de facto.
M. Montalvo Sosa s’est dit convaincu que la complexité et la gravité de la situation en Afghanistan, marquée par une crise humanitaire, de nombreuses violations des droits humains, la discrimination, l’isolement, l’impunité, l’extrémisme violent et le terrorisme, exigent des solutions coordonnées de tous les organes du système des Nations Unies, ainsi qu’une véritable solidarité de la communauté internationale dans son ensemble.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a déploré que ses collègues des États-Unis, avec le soutien de leurs alliés, cherchent à se défausser de leur responsabilité dans l’effondrement de l’Afghanistan, à la suite de leur campagne militaire « peu glorieuse ». Sous les traits d’un bienfaiteur et défenseur des droits des femmes et des filles, Washington dissimule en réalité son vrai visage, a ironisé la représentante, pour qui de nombreux crimes de guerre ont été commis en Afghanistan par l’armée américaine et les forces de l’OTAN. Dans ce contexte, les déclarations « tonitruantes » des Occidentaux sur la détérioration actuelle de la situation dans le pays, ainsi que les appels à reprendre les sanctions et à accroître la pression politique et économique sur les autorités de facto semblent immorales, a-t-elle cinglé.
La représentante s’est dite particulièrement préoccupée par les risques sécuritaires posés par l’activité terroriste de l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K), dont les victimes sont des représentants de minorités religieuses et ethniques, dont des femmes et des enfants. Malheureusement, les efforts déployés par les autorités de facto pour remédier à cette situation ne suffisent pas, a-t-elle constaté.
Pour la Fédération de Russie, bâtir une paix durable en Afghanistan est impossible sans un engagement continu avec les nouvelles autorités sur un large éventail de questions urgentes. En collaboration avec ses partenaires régionaux, elle œuvre à l’élaboration d’une approche commune de la situation dans le pays et continue d’apporter une aide humanitaire au peuple afghan et de privilégier la coopération sur le plan socioéconomique, a déclaré Mme Evstigneeva.
Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a dénoncé les « humiliations quotidiennes » endurées par les Afghanes, avant de rappeler la gravité de la crise humanitaire dans le pays, 28,3 millions d’Afghans ayant besoin d’une aide d’urgence. Elle a déploré la persécution systématique des femmes et des filles et a appelé la communauté internationale à répondre aux abus de gouvernance qui institutionnalisent la discrimination. La reprise économique et le développement de l’Afghanistan ne pourront pas se concrétiser sans la participation pleine, égale et significative des femmes, a insisté la représentante qui a appelé le Conseil à demeurer vigilant et uni pour répondre à toute mesure répressive supplémentaire prise par les autorités de facto du pays.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) s’est dit fermement convaincu que l’établissement d’un Afghanistan pacifique et prospère ne sera possible qu’en incluant les femmes et les filles dans le processus, et uniquement si ces dernières ont accès à une éducation et peuvent participer au développement économique du pays, conformément à la résolution 1325 (2000) et aux autres résolutions pertinentes.
L’avenir du pays dépend du respect du droit international humanitaire et du maintien de l’acheminement de l’assistance humanitaire, a poursuivi le représentant. Dans ce contexte, l’adoption de restrictions contre les ONG internationales et nationales ne saurait être tolérée; ces mesures ne faisant que favoriser l’instabilité. Le représentant a aussi exhorté les autorités pertinentes à « faire machine arrière », ainsi qu’à lever toute mesure de restriction en matière d’acheminement de l’assistance humanitaire et de participation des femmes à la vie publique.
Conformément à sa tradition, le Brésil a décidé d’autoriser l’émission de visas humanitaires -plus de 8°000- pour des personnes touchées par la crise en Afghanistan, en prêtant une attention particulière aux femmes et aux enfants, a encore déclaré M.° de Almeida Filho. À ce sujet, il a invité le Conseil de sécurité à respecter de principe de partage des responsabilités.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a déclaré que la situation des femmes et des filles continue de se détériorer en Afghanistan, celles-ci étant toujours privées de leurs droits et libertés les plus élémentaires. L’interdiction faite aux femmes de travailler dans les ONG continue d’avoir des conséquences désastreuses, a insisté la représentante, avant de demander aux Taliban de revenir sur leurs décisions, qui obèrent toute perspective de développement durable et équilibré. Elle s’est dite également préoccupée par les violences qui continuent d’être commises à l’encontre des enfants, ainsi que par la hausse des cas de châtiments corporels et autres traitements inhumains et dégradants contre la population dans son ensemble.
La situation est complexe, les défis sont nombreux, sur bien des plans, et notamment sur le front sécuritaire, a noté la représentante, qui a souligné que, dans un tel contexte « il est essentiel de maintenir nos exigences vis-à-vis des Taliban en matière de défense des droits de l’homme, et en particulier des droits des femmes et des filles ». Pour la France, toutes ces questions sont en réalité liées, puisque le relèvement du pays sera impossible sans la participation de la moitié de sa population.
Réitérant son soutien à l’action de la MANUA et restant déterminée à apporter son aide au peuple d’Afghanistan, « la France n’a cessé de réaffirmer son soutien à la population afghane. Elle a maintenu son assistance humanitaire et continuera à le faire, dans le plein respect des principes humanitaires et du droit international », a affirmé Mme°Broadhurst Estival.
La représentante a ajouté que l’Union européenne, qui est l’un des principaux donateurs, continue également de répondre présent. Elle a rappelé que les conditions fixées par le Conseil dans sa résolution 2593 (2021) du 31°août 2021, y compris s’agissant de lutte contre le terrorisme, continuent de conditionner tout engagement potentiel avec les Taliban, « qui doivent respecter leurs promesses ». Dans ce contexte, elle a apporté le soutien de la France à l’action de la MANUA, « dont l’ensemble du mandat demeure pertinent, et en conformité avec les résolutions précédentes de ce Conseil ». Elle a enfin salué l’action de la Secrétaire générale adjointe en soutien à l’Afghanistan, réaffirmant en conclusion la détermination de la France à prendre part aux efforts, en appui au peuple afghan.
M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a déclaré qu’en empêchant les femmes de travailler pour des organisations non gouvernementales et humanitaires, les Taliban mettent en danger la vie du peuple afghan, qui dépend de l’aide apportée par ces femmes. Exprimant ensuite son ferme soutien au mandat de la MANUA, le représentant a exhorté le Conseil à préserver la Mission, qui constitue « une bouée de sauvetage pour le peuple afghan ».
S’opposant à toute tentative d’interférence sous la forme d’une simple prorogation technique du mandat, M. Wood a appelé les États membres à le renouveler sans délai. « Nous avons encore quelques jours devant nous », a-t-il souligné, notant que les graves restrictions imposées par les Taliban appelaient une réponse forte de la part des pays voisins.
« Nous ne pouvons pas rester silencieux et regarder ce régime réduire les femmes au silence dans la vie publique », a exhorté le représentant. Soulignant la large unité affichée par les États de la région en faveur de la suppression des restrictions à l’éducation et à l’emploi des femmes afghanes, il a exprimé son soutien aux efforts visant à consacrer cette unité sous la forme d’une résolution de l’Assemblée générale.
Appelant par ailleurs les Taliban à autoriser l’accès des travailleurs humanitaires de tous les sexes et à garantir des conditions de sécurité au personnel humanitaire, le représentant les a également exhortés à mettre en place un processus crédible pour soutenir une gouvernance représentative qui reflète la diversité du pays, y compris les femmes et des minorités.
M. GENG SHUANG (Chine) a dit que la communauté internationale ne peut détourner les yeux du sort des femmes afghanes, en appelant à leur pleine intégration sociale et économique. Le représentant a dénoncé la recrudescence des activités terroristes en Afghanistan. Il a plaidé pour le développement du marché intérieur afghan et des liens économiques avec les pays voisins. Il a aussi dénoncé la dégradation de la situation des femmes et des filles afghanes, notamment la privation d’un accès à l’éducation. Soulignant la gravité de la situation humanitaire, il a déploré que certains donateurs veuillent revoir à la baisse leur aide.
Le représentant a demandé la levée immédiate des sanctions prises à l’encontre de l’Afghanistan. Il a enfin estimé que le renforcement de la pression sur le pays peut être contreproductif, en rappelant que le but à poursuivre est l’avènement d’un Afghanistan prospère.
M. NASEER AHMED FAIQ (Afghanistan) s’est associé à la communauté internationale pour transmettre un message de soutien aux femmes et aux filles afghanes qui ne craignent pas de lutter contre le régime en place pour rétablir leurs droits. En un peu plus de 18°mois, les Taliban ont systématiquement privé les femmes et les filles de leurs droits fondamentaux, les « effaçant » littéralement de la société, a déclaré le représentant, opposant au régime des Taliban, qui a dressé un long tableau particulièrement sombre de la situation de son pays.
Discriminations, mariages forcés, privations de soins et de leur liberté de circuler… Les portes des sciences, des technologies et du savoir se sont brutalement fermées pour elles, a déploré l’orateur, pour qui le pays a sombré dans l’extrémisme et des millions de jeunes afghans font désormais face à l’incertitude éducative. Des services administratifs et bancaires ont été démantelés. La pauvreté s’est tellement accrue que des Afghans en sont réduits à « vendre leurs organes », a-t-il affirmé.
La pauvreté a augmenté alors que les Taliban s’enorgueillissent d’une augmentation de leurs recettes internes, sans pour autant expliquer comment elles sont dépensées, a poursuivi M.°Faiq. La corruption, le vol sont encouragés. Des catastrophes naturelles et des catastrophes créées par l’homme se sont abattues, des milliers de migrants ont quitté le pays, parfois kidnappés par des trafiquants puis torturés, ou périssant dans la mer Méditerranée, ou bien sur la terre ferme, en Italie ou en Bulgarie. Les propos des Taliban, qui prétendent que la sécurité est assurée au niveau national, sont également faux, a assuré l’orateur, pour qui les Taliban ont anéanti les réalisations des deux dernières décennies, supprimant les mécanismes de protection du droit international humanitaire. Le pays est régi par la « force du fusil » en raison de l’effondrement du système judiciaire.
Des milliers d’éléments des forces de sécurité ont été arrêtés, torturés, puis tués. Des intellectuels compétents ont quitté le pays, devenant des réfugiés, vivant dans les pays voisins dans des conditions catastrophiques, en attendant l’aide du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.
Dans ce contexte, le peuple afghan continue de vivre, affichant sa résilience, encore affirmé M.°Faiq, pour qui ce « sombre régime » ne pourra jamais effacer la soif de liberté de ses compatriotes car il ne représente pas le peuple afghan: sans soutien intérieur et sans légitimité, il ne pourra durer, a-t-il assuré.
Parlant d’une « mauvaise » interprétation de l’islam par les Taliban, le représentant les a accusés d’être incapables de répondre aux appels internationaux et nationaux pour revenir sur leur politique oppressive vis-à-vis des femmes et des filles. Il a décrit un modus operandi cynique, où les Taliban profitent de la situation économique et humanitaire catastrophique, pour s’en servir comme d’une « arme de négociation » avec les pays donateurs.
Il s’est toutefois félicité de la décision, en février, d’un juge américain concernant 3,5°milliards de dollars actuellement gelés par les États-Unis: le juge a confirmé qu’ils appartenaient bien à la Banque centrale de l’Afghanistan, et l’orateur a espéré que ces fonds seraient utilisés à terme par un «°gouvernement afghan légitime ». Le Conseil de sécurité doit utiliser les outils à sa disposition pour faire pression sur les Taliban, a-t-il enfin demandé. Énumérant et dénonçant de nombreuses exactions commises récemment par les Taliban, il les a qualifiées de « crimes contre l’humanité » devant être jugés à La Haye.
M. AMIR SAEID IRAVANI (République islamique d’Iran) a reconnu le caractère préoccupant des récentes restrictions et interdictions imposées aux femmes et aux filles afghanes, qui les empêchent notamment de suivre une éducation normale. Le représentant a toutefois invité à la prudence face aux risques d’exploitation de l’aide humanitaire à des fins politiques. De telles pratiques nuiraient au peuple afghan, qui dépend de cette aide pour vivre, a-t-il averti. Il a aussi jugé essentiel que le gel des actifs appartenant au peuple afghan soit levé sans conditions, cela étant selon lui indispensable pour relancer l’économie afghane et « sauver des vies ». Pour s’assurer que le peuple afghan reçoit le soutien dont il a besoin, l’aide humanitaire doit rester impartiale et inconditionnelle, a-t-il répété.
En tant que représentant d’un pays voisin de l’Afghanistan, M. Iravani s’est dit profondément préoccupé par les conséquences potentiellement désastreuses de la présence à ses portes de groupes affiliés à Daech et Al-Qaida et de l’importance de la culture et du trafic de stupéfiants, autant de « menaces à la sécurité de l’Afghanistan, de ses voisins et de toute la région ». Dans ce contexte, il a mis en garde contre les effets d’une dégradation de la situation en matière de sécurité, évoquant à ce propos un afflux massif de migrants dans les pays frontaliers de l’Afghanistan, qui, comme l’Iran, accueillent déjà des millions d’Afghanes et d’Afghans déplacés. Le représentant a en outre appuyé la prorogation du mandat de la MANUA, qui tient un rôle essentiel dans la promotion de la paix et de la stabilité en Afghanistan.
Après avoir indiqué que son pays accueille sur son sol plus de 5 millions d’Afghans malgré un soutien minimum de la communauté internationale et l’impact négatif causé « par les sanctions unilatérales inhumaines des États-Unis et des pays occidentaux », le représentant a assuré que l’Iran avait pris des mesures spécifiques pour soutenir les femmes et les filles afghanes touchées par les récentes restrictions imposées par les Taliban. Nous avons ainsi rationalisé le processus de visa pour les femmes et les filles qui cherchent à poursuivre leurs études en Iran, a-t-il signalé.
Enfin, M. Iravani a de nouveau demandé au régime afghan de facto de respecter ses obligations internationales. Il a conclu en réaffirmant l’engagement pris par son pays de contribuer à l’établissement d’une paix durable en Afghanistan et d’aider à son développement.
M. MUNIR AKRAM (Pakistan) s’est dit préoccupé par l’évolution de la situation en Afghanistan et par les restrictions imposées par les autorités du pays à l’emploi et à l’éducation des femmes, espérant que ces droits seraient prochainement rétablis. Toutefois, restreindre ou interrompre l’aide internationale en faveur du peuple afghan serait, selon le représentant, « immoral et contreproductif », dans la mesure où une telle décision ne ferait qu’aggraver la crise économique et humanitaire actuelle et qu’encourager le trafic de stupéfiants comme principal moyen de subvenir aux besoins de la population.
S’il a plaidé pour la mise en œuvre de projets de connectivité qui permettraient de relier l’Afghanistan à ses pays voisins, le représentant a condamné les attentats perpétrés par des organisations terroristes qui compromettent le relèvement économique du pays. Des attaques commises avec le soutien d’acteurs extérieurs, a-t-il accusé.
Pour M. Akram, le Gouvernement intérimaire de l’Afghanistan a la capacité et la volonté d’atteindre ses objectifs. Il a rappelé que le Ministre pakistanais des affaires étrangères s’était d’ailleurs rendu à Kaboul récemment pour discuter de ces questions et de la nature de la coopération technique entre les deux pays. Il serait « dangereux et irréaliste » de penser que les autorités afghanes puissent être remplacées, après 40 ans de conflit, sans créer davantage d’instabilité dans le pays et dans la sous-région, a insisté le représentant, avant de saluer le rôle joué par la MANUA et de soutenir la prorogation de son mandat.
Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a souligné la nécessité que l’Afghanistan ne devienne pas un sanctuaire pour des activités terroristes, en particulier de la part de groupes et individus inscrits sur la liste des sanctions du Conseil. La représentante a appelé à la formation d’une structure gouvernementale inclusive et représentative de toutes les composantes de la société afghane, garantissant des droits égaux pour les femmes et les filles. Rappelant la gravité de la situation humanitaire dans le pays, elle a détaillé l’aide apportée par l’Inde, dont le récent acheminement de 4 000 tonnes de blé. Enfin, elle s’est dite vivement préoccupée par les tentatives de plus en plus marquées visant à faire disparaître les femmes de l’espace public en Afghanistan. Les droits des femmes et des minorités doivent être pleinement respectés, a-t-elle conclu.