Le Conseil de sécurité entend des appels à renforcer la réponse collective à la menace terroriste de Daech, en termes de sécurité et de prévention
Au Conseil de sécurité, cet après-midi, le Chef du Bureau des Nations Unies de lutte contre le terrorisme a appelé à ne jamais perdre de vue l’impact de l’organisation terroriste Daech en termes de vies humaines, de moyens de subsistance et de paix. Au-delà des gros titres et derrière les chiffres, il y a des personnes et des communautés frappées par les crimes odieux de Daech et d’autres groupes et individus terroristes, a rappelé Vladimir Voronkov, en soulignant le traumatisme et la destruction qui restent bien après un attentat. Comme le Secrétaire général adjoint, les participants à cette séance ont confirmé l’importance des approches collaboratives et inclusives pour faire face à ce fléau, en prenant soin de respecter le droit international.
Alors que la menace « complexe, évolutive et durable » que représentent Daech et ses affiliés au niveau mondial n’a pas diminué, que ce soit dans les zones de conflit et de non-conflit, le Directeur exécutif par intérim de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, M. Weixiong Chen, a expliqué que Daech continue d’exploiter les fragilités locales et les tensions intercommunautaires, notamment en Iraq, en République arabe syrienne et dans certaines parties du continent africain, en particulier pour recruter des terroristes. S’agissant du Levant, la France et les États-Unis ont estimé que l’action de la coalition internationale contre Daech demeure indispensable dans ce contexte.
Passant à l’Afrique, le Secrétaire général adjoint, qui présentait le seizième rapport du Secrétaire général sur « les menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme », a fait remarquer que Daech étend ses opérations sur les champs de bataille d’Afrique australe et centrale, ainsi qu’au Sahel. Pour M. Voronkov, cela devrait nous inciter tous à repenser et à revoir nos efforts pour contrer ce groupe. Il a encouragé à aller au-delà des réponses centrées sur la sécurité en privilégiant des approches multidimensionnelles, en alliant davantage les réponses sécuritaires et les mesures préventives. En commentant le rapport précité, l’ensemble des délégations ont exprimé leurs inquiétudes face à l’expansion de Daech en Afrique mais aussi en Afghanistan.
Le financement de ce terrorisme a figuré parmi les préoccupations, la Direction exécutive ayant constaté que générer des revenus et collecter des fonds sont devenu des activités essentielles pour Daech. Il a détaillé le large éventail de moyens utilisés, comme l’extorsion, le pillage, la contrebande, la taxation, la sollicitation de dons, les enlèvements contre rançon, ainsi que la collecte de fonds par le biais des réseaux sociaux et des plateformes de jeux. Il a précisé que les réseaux informels non enregistrés de transfert d’argent et les services d’argent mobile restent les vecteurs dominants de circulation de l’argent.
Sur un autre volet de la menace terroriste, le Secrétaire général adjoint a de nouveau pointé du doigt la lenteur des rapatriements des combattants terroristes étrangers et de leurs familles, détenus dans les camps et centres de détention en Syrie et en Iraq. M. Weixiong a prévenu que cela offre à Daech des possibilités de recruter et de radicaliser, surtout les enfants. La France a tenu à rappeler à cette occasion que le retour des familles dans leurs communautés d’origine doit s’accompagner de solutions robustes de réintégration.
Pour sa part, la représentante du Global Center on Cooperative Security, Mme Franziska Praxl, est venue apporter le point de vue de la société civile sur la prise en compte des questions de genre dans l’élaboration des politiques tant pour la lutte antiterroriste que la réintégration sociale. C’est une condition d’efficacité de ces politiques, a-t-elle fait valoir.
Les membres du Conseil ont tous reconnu que la menace terroriste ne faiblit pas et exige toujours une vigilance sans faille à l’échelle globale, Daech demeurant une menace fondamentale. Ils ont, pour la plupart, reconnu que la réponse de la communauté internationale doit porter sur la lutte contre le financement du terrorisme et contre l’utilisation d’Internet à des fins terroristes. Il faut aussi s’attaquer aux causes profondes du terrorisme et de l’extrémisme violent, a-t-on entendu, dans le souci d’agir en amont.
Parmi les membres africains du Conseil directement concernés par l’émergence de Daech sur le continent africain, le Ghana a recommandé à la fois la coordination et le renforcement des capacités des pays régionaux sur la base du principe d’appropriation. Le Gabon a insisté sur l’impératif d’une action concertée aux niveaux national, régional et mondial face à ce fléau. Conscient que les mesures de sécurité sont insuffisantes à elles seules pour lutter contre le terrorisme et qu’elles doivent être accompagnées d’efforts visant à empêcher de nouvelles recrues de rejoindre les rangs des groupes terroristes, le Mozambique a souligné la nécessité de soutenir les États Membres les plus vulnérables.
C’est précisément ce que fait la Direction exécutive, en coordination avec le Bureau de lutte contre le terrorisme et d’autres partenaires, lorsqu’elle soutient le renforcement des capacités des États Membres, a indiqué M. Weixiong en énumérant les domaines d’action tels que la coopération transfrontalière et le développement d’approches globales de dépistage, de poursuite, de réhabilitation et de réintégration. Il a aussi signalé que le Comité contre le terrorisme a intensifié sa lutte contre l’utilisation par les terroristes des technologies nouvelles et émergentes. La Fédération de Russie a toutefois proposé que le Comité contre le terrorisme concentre son attention sur les États du continent africain et s’y rende pour effectuer des visites d’évaluation.
Les deux hauts fonctionnaires venus informer le Conseil aujourd’hui ont insisté sur le fait que ce n’est que par la coopération multilatérale que nous pourrons faire face à l’évolution de la menace mondiale du terrorisme, et que les mesures adoptées dans le contexte de la lutte contre le terrorisme doivent être ancrées dans le respect du droit international humanitaire et des droits humains, ce que les délégations ont aussi rappelé.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES RÉSULTANT D’ACTES DE TERRORISME
Déclarations
M. VLADIMIR VORONKOV, Secrétaire général adjoint et Chef du Bureau des Nations Unies de lutte contre le terrorisme (BLT), qui présentait le seizième rapport du Secrétaire général sur les menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme, a appelé à ne pas perdre de vue l’impact de l’organisation terroriste Daech en termes de vies humaines, de moyens de subsistance et de paix. À ce sujet, il a rappelé qu’en septembre dernier, le BLT a organisé à New York le premier Congrès mondial des victimes du terrorisme, qui a commencé avec un puissant appel à l’action de 10 victimes et survivants du terrorisme du monde entier. Ces victimes ont fait part de leurs histoires déchirantes, en rappelant à tout le monde le traumatisme et la destruction que laisse le terrorisme bien après un attentat. Au-delà des gros titres et derrière les chiffres, le Secrétaire général adjoint a rappelé qu’il y a des personnes et des communautés frappées par les crimes odieux de Daech et d’autres groupes et individus terroristes. C’est précisément la raison pour laquelle il faut collectivement s’engager à soutenir et renforcer les efforts pour affronter et vaincre le terrorisme, a-t-il expliqué. Cela doit également donner l’impulsion pour renforcer davantage les réseaux multilatéraux et interinstitutions, y compris aux Nations Unies par le biais du Pacte mondial des Nations Unies de coordination contre le terrorisme, a souhaité M. Voronkov.
Mettant en exergue certains éléments du dernier rapport conjoint du Comité contre le terrorisme et du BLT, le Secrétaire général adjoint a souligné que malgré les pertes infligées au leadership de Daech et la baisse de ses réserves de liquidités, la menace posée par ce groupe terroriste à la paix et à la sécurité internationales reste grande et a même augmenté dans et autour des zones de conflit où le groupe et ses affiliés sont actifs, en particulier en Afrique centrale et australe, ainsi qu’au Sahel. Cela devrait nous inciter tous à repenser et à revoir nos efforts pour contrer ce groupe, en particulier ceux qui s’appuient de manière disproportionnée sur l’usage de la force, a estimé M. Voronkov, mettant également en garde contre les actes de « loups solitaires » dans d’autres région. Il a souligné le recours intense de Daech à Internet, aux réseaux sociaux, aux jeux vidéo et plateformes de jeu, à la fois pour faire de la propagande, radicaliser et recruter. Le groupe utilise aussi les technologies nouvelles et émergentes, comme les drones pour la surveillance et la reconnaissance, et les cryptomonnaies pour collecter des fonds.
M. Voronkov a regretté que malgré les appels répétés du Secrétaire général pour une action urgente, la situation désastreuse dans les camps et les centres de détention du nord-est de la République arabe syrienne persiste. Les risques humanitaires, liés aux droits humains, juridiques et de sécurité, ont potentiellement de graves conséquences à moyen et à long terme, a-t-il mis en garde en dénonçant la lenteur des rapatriements, ce dont les enfants continuent de faire les frais. Mais le défi des combattants terroristes étrangers et des membres de leur famille ne se limite pas à l’Iraq et à la République arabe syrienne, a-t-il concédé. Il a souligné que les combattants terroristes étrangers ayant une expérience du champ de bataille qui se réinstallent chez eux ou dans des pays tiers aggravent la menace, et que les attentats terroristes commis par ces individus se sont avérés particulièrement meurtriers par rapport à ceux commis par des terroristes purement locaux. Le Secrétaire général adjoint a également parlé de cas de femmes radicalisées associées à Daech qui se réinventent en tant que recruteuses, et endoctrinent les autres, en particulier les enfants.
Pour aller de l’avant, le rapport propose trois axes d’action, a présenté M. Voronkov. Tout d’abord le besoin d’approches multidimensionnelles au-delà des réponses centrées sur la sécurité, c’est-à-dire une plus grande complémentarité entre les réponses sécuritaires et les mesures préventives, ce qui peut se faire avec les résolutions du Conseil de sécurité et dans le cadre de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies. M. Voronkov a assuré que l’ONU continuera de travailler avec les États Membres pour assurer leur mise en œuvre efficace, intégrée et équilibrée. Le deuxième axe est de prévoir des approches multidimensionnelles sensibles au genre et fermement ancrées dans le droit international humanitaire, y compris les droits humains, et reflétant un large éventail de points de vue de divers segments des sociétés touchées par le terrorisme. Enfin, à la lumière de la menace croissante du terrorisme dans les zones de conflit, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour aborder et prévenir ces conflits en premier lieu, a plaidé le haut responsable en rappelant que les terroristes exploitent la dynamique des conflits et que les efforts de paix sont trop souvent sapés et compliqués par le terrorisme.
Il a conclu en rappelant que le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général reconnaît la nécessité d’une nouvelle génération de missions de paix et d’opérations antiterroristes. Le Secrétaire général a proposé une série d’actions possibles en ce sens pour que le système des Nations Unies, dans son ensemble, soit en mesure d’apporter des réponses plus efficaces au terrorisme. Donnant rendez-vous au Sommet d’Abuja, qui est organisé par le BLT et le Gouvernement du Nigéria cette année, M. Voronkov a estimé qu’il offrira l’occasion d’explorer plus avant ces options à la lumière de la détérioration de la situation dans certaines parties de l’Afrique, où les combattants terroristes, les fonds et les armes sont de plus en plus nombreux.
M. WEIXIONG CHEN, Directeur général par intérim de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT), a indiqué que la menace « complexe, évolutive et durable » que représentent Daech et ses affiliés au niveau mondial n’a pas diminué, que ce soit dans les zones de conflit et de non-conflit: Daech continue d’exploiter les fragilités locales et les tensions intercommunautaires, notamment en Iraq, en République arabe syrienne et dans certaines parties du continent africain, en particulier pour recruter des terroristes. Il a aussi noté que ce groupe terroriste, des années après avoir subi ses pertes, a réussi à maintenir sa capacité à conduire des opérations dans diverses régions et à étendre ses affiliations, notamment dans certaines parties de l’Afrique centrale, australe et occidentale. De plus, générer des revenus et collecter des fonds sont devenu des activités essentielles pour Daech, par le biais d’un large éventail de moyens, notamment l’extorsion, le pillage, la contrebande, la taxation, la sollicitation de dons et les enlèvements contre rançon, a précisé le haut fonctionnaire. La Direction exécutive a également constaté l’étendue des moyens déployés pour collecter de l’argent par le biais des réseaux sociaux et des plateformes de jeux, tandis que les réseaux informels non enregistrés de transfert d’argent et les services d’argent mobile restent les vecteurs dominants de circulation de l’argent.
Enfin, l’accès de Daech aux armes conventionnelles et improvisées, y compris aux composants de systèmes d’aéronefs sans pilote et aux technologies de l’information et de la communication (TIC), lui a permis de diversifier ses tactiques, d’accroître sa capacité à toucher un vaste public et à inciter à la violence parmi ses partisans. Par ailleurs, a constaté M. Weixiong, la lenteur avec laquelle les ressortissants étrangers ayant des liens présumés avec Daech, dans les camps et les prisons du nord-est de la Syrie, sont rapatriés dans leur pays d’origine continue d’offrir à Daech des possibilités de recruter et facilite la radicalisation.
M. Weixiong a informé que sur la base des recommandations du Comité contre le terrorisme (CCT), la Direction exécutive se coordonne étroitement avec le Bureau de lutte contre le terrorisme (BLT) et d’autres partenaires pour soutenir les activités de renforcement des capacités des États Membres, dans une série de domaines tels que le la coopération transfrontalière et le développement des approches globales de dépistage, de poursuite, de réhabilitation et de réintégration. Il a ajouté que le Comité et sa Direction exécutive ont également intensifié leurs efforts pour lutter contre l’utilisation par les terroristes des technologies nouvelles et émergentes. La Déclaration de Delhi, adoptée par le Comité en octobre dernier, appelle à élaborer des recommandations et des principes directeurs non contraignants afin d’aider les États Membres à mettre en œuvre les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité sur la lutte contre le terrorisme et, en particulier, celles relatives à l’utilisation par les terroristes des technologies nouvelles et émergentes. « Ce n’est que par la coopération multilatérale que nous pourrons faire face à l’évolution de la menace mondiale du terrorisme », a conclu le Directeur général en soulignant que les mesures adoptées doivent être adaptées et respecter les droits humains.
Mme FRANZISKA PRAXL, de Global Center on Cooperative Security, a avancé des pistes afin de rendre les politiques antiterroristes plus sensibles à la question du genre et des droits humains, en mentionnant d’abord le principe « ne pas faire le mal. » Ces politiques ne doivent pas aggraver les sources de violence mais bien contribuer à la paix, a-t-elle expliqué. Elle a plaidé pour la surveillance des acteurs du secteur de la sécurité et de la justice par des institutions robustes et fortes afin de remédier à la corruption. Elle a ensuite recommandé que les groupes marginalisés et les organisations de femmes participent à l’élaboration des politiques antiterroristes. Le but, a-t-elle expliqué, est d’éliminer les entraves à la participation dans les processus d’élaboration desdites politiques. L’accès aux transports ou bien encore la question de la garde des enfants sont cruciaux pour une bonne participation, a-t-elle noté avant de demander que les personnes participant à ces processus soient dédommagées pour leurs efforts.
Les politiques de réintégration sociale doivent également prendre en compte cette question du genre, a poursuivi Mme Praxl, en notant que celles-ci sont souvent élaborées par des hommes. Selon elle, les stéréotypes sur les femmes, leur condition de victime plutôt que de responsable, sapent l’efficacité de ces programmes. À cela s’ajoutent d’autres clichés, tels que la diabolisation des femmes suspectées d’avoir commis des crimes, qui entravent encore leur réintégration. La représentante de la société civile a ainsi indiqué qu’en Afrique de l’Ouest, certains partenaires locaux usent des méthodes de la justice restaurative afin d’engager d’anciens membres de groupes terroristes. Lors d’ateliers axés sur le traumatisme et la résilience, les formateurs créent un espace sûr pour des dialogues qui visent à remédier à la colère ou à la dynamique de pouvoir chez un individu. Des cliniques mobiles permettent aussi à des femmes et filles de parler de leur expérience et des traumatismes endurés en toute sécurité. En conclusion, l’oratrice a rappelé que les individus doivent être impliqués à la base des politiques antiterroristes pour que celles-ci soient efficaces.
M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a estimé, à l’instar du rapport du Secrétaire général, que les réponses sécuritaires à elles seules ne sont pas suffisantes et que la communauté internationale doit renforcer les capacités des populations vulnérables pour lutter contre les idéologies fautives et l’extrémisme violent. La coalition internationale contre Daech est, selon lui, la voie à suivre pour la communauté internationale en vue de financer des programmes de stabilisation dans les zones libérées d’Iraq et de Syrie et renforcer la capacité de ces communautés à réintégrer les personnes qui avaient rejoint Daech. Le représentant a noté que des femmes, enfants et combattants terroristes étrangers se trouvent toujours dans des camps et centres de détention dans cette zone, et a assuré que les rapatriements et la réhabilitation des ressortissants américains est une priorité absolue pour son gouvernement.
Le délégué s’est ensuite inquiété de la menace terroriste croissante en Afrique, notamment de l’escalade des activités terroristes dans la zone du Sahel. Il a rappelé le soutien qu’apportent les États-Unis à leurs partenaires sur place en matière de lutte antiterroriste, soulignant qu’une bonne application de la loi, et de bonnes réponses sécuritaires conformes au droit international sont essentielles. Il a par ailleurs jugé essentiel de lutter contre l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K) en Afghanistan. Les États-Unis se tiennent prêts à aider les acteurs pertinents à cet égard, a indiqué le représentant, y compris pour défendre les droits de femmes et des filles dans cette zone, a-t-il affirmé.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a constaté que la menace terroriste ne faiblit pas et continue d’exiger une vigilance sans faille à l’échelle globale, à commencer par Daech. Au Levant, a-t-il dit, nos efforts de lutte contre le terrorisme restent nécessaires, comme en témoignent les programmes d’embrigadement de la jeunesse et les tentatives de Daech de libérer des prisonniers. En Afrique, la menace s’étend, du Sahel en direction du golfe de Guinée ainsi qu’en Afrique centrale, orientale et australe. Enfin, a rappelé M. de Rivière, en Afghanistan, la prise de pouvoir des Taliban et les récentes attaques meurtrières confirment nos craintes sur la possibilité d’une implantation de long terme de Daech et sur le risque qu’Al-Qaida y trouve à nouveau un refuge. Dans ce contexte, il a recommandé de poursuivre les efforts et de les adapter à la menace, dans trois domaines d’action. Tout d’abord, la lutte contre le financement du terrorisme, qui continue d’évoluer, a cité le représentant. Le représentant a appelé à poursuivre l’action engagée avec l’adoption de la résolution 2462 (2019), plaidant pour que celle-ci soit entièrement mise en œuvre et suivie d’effets. Il a ensuite affirmé l’importance de prévenir l’utilisation d’Internet à des fins terroristes et de se pencher sur les causes profondes du terrorisme et de l’extrémisme violent, par la mise en œuvre d’une réponse globale.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a dénoncé l’expansion de Daech en Afrique, relevant que le groupe tire profit des conflits, des inégalités et des injustices pour alimenter le ressentiment. Il a noté la situation préoccupante des combattants terroristes étrangers et de leurs familles et appelé à y remédier. Notre réponse ne doit pas être seulement sécuritaire et mais doit également mettre l’accent sur la prévention, a dit le délégué. Il a appelé à tarir les sources de financement de Daech et des groupes terroristes. Il a s’est inquiété de l’utilisation des technologies émergentes à des fins terroristes et a condamné dans les termes les plus forts tous les actes terroristes et résolument appuyé les efforts antiterroristes.
Pour Mme RICCARDA CHRISTIANA CHANDA (Suisse), l’observation du Secrétaire général en 2017 doit servir de fil conducteur à toutes les discussions et actions relatives au terrorisme, au sein de ce Conseil et au-delà: « Le terrorisme est fondamentalement la négation et la destruction des droits de l’homme, et la lutte contre le terrorisme ne réussira jamais en perpétuant la même négation et la même destruction. » La représentante a ainsi estimé que la réponse aux actes de terrorisme ne peut être celle de la force aveugle, faisant observer que toute menace terroriste possède ses propres causes profondes et sa propre dynamique de radicalisation et de violence. C’est pourquoi elle a invité à examiner chaque contexte et toujours respecter le droit international, en particulier les droits de l’homme, le droit international humanitaire et le droit des réfugiés, dans tous les efforts de lutte antiterroriste. Elle a fait part de sa préoccupation face aux récents développements en Afrique et en Asie centrale, en particulier dans les zones de conflit et les régions voisines. Mais, a-t-elle remarqué, la menace persistante de Daech est de nature globale et s’étend bien au-delà de ces zones. Elle a rappelé, consternée, que, le mois dernier, un homme affirmant agir en allégeance à Daech a été condamné à 20 ans de prison après avoir poignardé une victime choisie au hasard. La déléguée a appelé à redoubler d’efforts et à suivre une approche différenciée, y compris en tenant compte de l’âge et du genre, pour prévenir et lutter contre la radicalisation et l’extrémisme violent sous toutes leurs formes. « La mise en œuvre complète et équilibrée de la Stratégie antiterroriste mondiale doit rester une priorité. »
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) s’est dit gravement préoccupé par la propagation et l’incidence des attaques terroristes de Daech et de ses affiliés sur le continent africain, avec des conséquences dévastatrices. Il s’est tout particulièrement alarmé du fait qu’en Afrique de l’Ouest et dans le Sahel, Daech et ses affiliés d’Al-Qaida, comme l’État islamique du Grand Sahara, continuent de profiter des tensions intercommunautaires et sociales pour faire avancer leur programme. Il a cité notamment la brutalité de groupes terroristes, ces dernières semaines, contre des populations innocentes du Burkina Faso qui ont été des milliers à fuir vers les pays voisins, dont le Ghana. Pour le représentant, la prévention et la lutte contre le terrorisme nécessitent une mobilisation mondiale accrue et une approche multidimensionnelle. Aussi a-t-il souligné l’importance de convenir d’une définition universelle du crime de terrorisme. En outre, la situation sur le continent africain exige à la fois la coordination et le renforcement des capacités des pays régionaux sur la base du principe d’appropriation.
Au niveau continental, a poursuivi le délégué, le Ghana fait tout son possible pour améliorer la coordination et la coopération avec les pays du cadre antiterroriste de l’Union africaine. « Le renforcement des liens entre l’ONU et les opérations anti-insurrectionnelles en cours menées par les organisations régionales sur la base de cadres normatifs tels que la politique antiterroriste de l’Union africaine et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest est une priorité importante pour nous », a-t-il assuré. Il a ajouté que son gouvernement met l’accent sur l’importance de la prévention comme objectif principal à poursuivre dans la lutte contre le terrorisme. C’est la raison pour laquelle il s’est dit convaincu que des investissements accrus dans la lutte contre les fondements idéologiques, politiques, économiques et sociaux du terrorisme sont nécessaires.
M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a rappelé qu’en 2022, pour la première fois, la majorité des attaques de Daech se sont produites à l’extérieur de l’Iraq et de la République arabe syrienne. Il est de notre responsabilité collective, en tant qu’États Membres de l’ONU, d’user de tous les outils à notre disposition pour contrer cette menace, a déclaré le délégué. Il a invité ce Conseil à continuer de demander aux Taliban de faire en sorte que l’Afghanistan ne soit pas un sanctuaire pour les groupes terroristes. Il s’est dit préoccupé par l’expansion de Daech en Afrique, avant de plaider pour une réponse onusienne qui réponde aux causes profondes de ce phénomène. Tous les efforts antiterroristes doivent protéger les droits humains, a aussi rappelé le délégué.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a rappelé que 1 093 attaques terroristes ont été perpétrées en Afrique entre janvier et septembre 2022, faisant 7 816 morts et 1 772 blessés, selon les chiffres du Centre africain de recherche sur le terrorisme. Il a mis l’accent sur la capacité préoccupante de Daech de mobiliser d’énormes ressources lui permettant d’acquérir des stocks d’armes légères et de petit calibre qui alimentent l’instabilité et la violence sur le continent africain, notamment dans les régions du Sahel au bassin du lac Tchad, dans la région des Grands Lacs et en Afrique australe. Soulignant la corrélation qui existe entre les difficultés structurelles de certains pays sur le plan sécuritaire, social et économique, notamment en Afrique, et la progression dangereuse des activités de Daech, le représentant a plaidé pour une vigilance continue et une coopération exemplaire. Le but en est de renforcer les capacités des États fragiles, notamment dans la maîtrise des nouvelles technologies de l’information dont se sert Daech. Il a en effet relevé que les groupes terroristes continuent de s’établir dans les régions où l’autorité et les capacités de l’État sont insuffisantes. Le délégué a aussi appelé à réaffirmer les engagements pris dans la Déclaration de Delhi en soulignant la nécessité de mettre en œuvre ses recommandations.
Une action concertée aux niveaux national, régional et mondial est cruciale, a martelé le représentant, rappelant que les dirigeants africains l’ont compris. Le 28 mai 2022, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine, réunis à Malabo, ont ainsi adopté la déclaration dans laquelle ils réaffirment leur volonté de lutter contre toutes formes et manifestations du terrorisme et de violence extrémiste sur le continent. Ils ont également multiplié de nombreuses initiatives régionales de lutte antiterroriste parmi lesquelles, le G5 Sahel et l’Initiative d’Accra, a encore cité le représentant. Il a précisé que cette initiative combine l’approche militaire avec des interventions à long terme, dans le but de remédier aux déficits de gouvernance.
M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) s’est dit convaincu de l’importance du multilatéralisme et de la coopération internationale pour lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations. Conscient que les mesures de sécurité sont insuffisantes à elles seules pour lutter contre le terrorisme et qu’elles doivent être accompagnées d’efforts visant à empêcher de nouvelles recrues de rejoindre les rangs des groupes terroristes, le représentant a souligné la nécessité de soutenir les États Membres les plus vulnérables. Il a noté que le continent africain sert de plus en plus de terreau à divers groupes terroristes, tels que Daech, Al-Qaida au Maghreb islamique, Boko Haram et les Chabab. Aussi a-t-il réitéré l’urgence d’inverser la tendance endémique actuelle d’« africanisation » du terrorisme, au moyen d’efforts concertés de la communauté internationale.
Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a déclaré que la communauté internationale n’a pas trouvé de cadre pour remédier à la menace évolutive du terrorisme. Elle a plaidé pour des partenariats, y compris avec les dignitaires religieux, et pour la prise en compte des griefs locaux. Elle a dénoncé la propagande terroriste qui continue de se répandre avant de recommander, pour y faire face, une politique souple prévoyant notamment un accès à l’éducation. Nous devons remédier aux causes profondes de la radicalisation dont Daech tire profit, a tranché la déléguée. Elle a ensuite pointé le danger des drones tombant entre les mains des terroristes et a appelé à y remédier en surveillant davantage la vente desdits drones. Nous devons tout faire pour empêcher que les terroristes aient accès aux technologies de pointe, a insisté la déléguée.
Mme SHINO MITSUKO (Japon) a constaté que l’EIIL/Daech reste une menace pour la paix et la sécurité internationales, malgré les pertes infligées à son leadership. Elle en a pris pour preuve l’expansion préoccupante des activités de l’EIIL et de ses affiliés au Moyen-Orient et en Afrique, y compris au Khorasan en Afghanistan, plaidant pour que des mesures soient impérativement prises pour contrer le terrorisme en Afrique. Dans le cadre des efforts mondiaux de lutte contre le terrorisme, le Japon met particulièrement l’accent sur trois points, a-t-elle expliqué, citant d’abord le besoin de s’attaquer aux causes profondes du terrorisme et de l’extrémisme violent, puis le renforcement des capacités des responsables chargés de l’application des lois. Le Japon a fourni à cet égard une assistance par le biais de différentes agences onusiennes dans des domaines tels que le contrôle des frontières, les poursuites des coupables, la réhabilitation et la réintégration, et la sécurité maritime. Enfin, la déléguée a insisté sur l’importance du renforcement des capacités de lutte antiterroriste, y compris dans le domaine des technologies émergentes. Elle a plaidé en faveur d’une coopération multidimensionnelle et d’une lutte contre le financement du terrorisme par le biais de technologies émergentes telles que les cryptomonnaies.
Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est alarmée de l’expansion des activités de Daech et des organisations terroristes affiliées qui exploitent les technologies de l’information et de la communication pour recruter et répandre leur idéologie destructrice en ligne. Mais, a mis en garde la représentante, notre combat collectif contre le terrorisme doit être un combat juste, mené dans le respect des droits humains et des valeurs qui nous sont chères. Elle a souligné l’importance d’établir les responsabilités pour les crimes terroristes et exhorté les États Membres à rapatrier leurs ressortissants qui, pour s’être liés à des éléments terroristes, se retrouvent détenus dans des prisons et des camps.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a appelé à réfléchir à la pratique du Conseil en matière d’inscription d’entités et d’individus sur la liste du régime de sanctions mis en place contre Daech. La décision d’ajouter un individu doit être basée sur des éléments de preuve, a-t-il souligné. Et les demandes d’inscription doivent être soumises au comité des sanctions avec des éléments de preuve pertinents. Il a rappelé qu’il n’y a pas de lien automatique entre groupes terroristes et groupes criminels transnationaux et qu’ils doivent donc faire l’objet d’une réponse distincte. Enfin, le délégué du Brésil a plaidé pour un traité contenant une définition du terrorisme afin d’éviter toute politisation et toute politique du deux poids, deux mesures dans ce domaine.
M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a déclaré que les questions de lutte contre le terrorisme doivent toujours rester dépolitisées. Dans ce contexte, le cadre juridique international dans lequel elle s’exerce ne doit pas être affaibli, a mis en garde le représentant en demandant aussi que les tâches fondamentales de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme ne soient pas diluées. Parmi les priorités de notre pays figurent la reconnaissance du rôle suprême des États et de leurs organes compétents dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme; l’inadmissibilité de la justification de toute manifestation de terrorisme; et la garantie que les terroristes et leurs complices seront tenus pour responsables de leurs actes. S’agissant de l’expansion des organisations terroristes en Afrique, le délégué a estimé que celles-ci ont bénéficié des conséquences des politiques coloniales et néocoloniales des États occidentaux, qui n’hésitent pas à alimenter et à « maintenir à flot » divers conflits de longue date dans le seul but de continuer à piller des territoires riches en ressources du continent.
Aussi le représentant russe a-t-il proposé que le Comité contre le terrorisme et sa Direction exécutive concentrent leur attention sur les États du continent africain et s’y rendent pour effectuer des visites d’évaluation. Il a ensuite exprimé sa préoccupation devant la situation en Afghanistan, où l’expansion du terrorisme est la conséquence selon lui de l’intervention militaire des États-Unis et de leurs alliés. Le représentant a également dénoncé le problème des armes qui tombent entre les mains de terroristes, soit par l’intermédiaire de bandes criminelles, soit à cause de ceux qui les fournissent en grandes quantités pour soutenir et fomenter des conflits. Il a, enfin, exhorté les États à éviter d’affaiblir les mécanismes interétatiques efficaces de coopération en matière de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme. Il les a appelés à se concentrer sur les tâches collectives véritablement prioritaires dans ce domaine.
M. ZHANG JUN (Chine) a insisté sur la gravité de la menace terroriste, en mentionnant la récente attaque à Peshawar, au Pakistan. Le Parti islamique du Turkestan est une organisation terroriste qui a des liens avec des groupes en Afghanistan, a déclaré le délégué, avant de souligner la nécessité d’un front uni contre le terrorisme. Il a demandé aux autorités afghanes de renforcer la lutte pour assurer la sécurité des Afghans et des étrangers. Il s’est aussi dit préoccupé par l’expansion de Daech en Afrique et a loué les résultats obtenus par le Mozambique contre les groupes affiliés à l’organisation terroriste. La réponse sécuritaire n’est pas suffisante et nous devons agir sur les causes profondes du terrorisme, dont la pauvreté, a dit le représentant qui a voulu que l’on renonce à toute politisation et toute politique de deux poids, deux mesures dans la lutte antiterroriste.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) s’est déclarée particulièrement préoccupée par l’expansion de la menace terroriste en Afrique, avec un risque de propagation à de nouvelles régions, notamment par le biais des alliés de Daech. Elle a souligné l’importance de la sensibilisation à l’usage d’Internet pour prévenir et contrer l’extrémisme violent en ligne, et ce afin d’empêcher les groupes terroristes d’exploiter les griefs, les inégalités et les déficits de gouvernance pour se radicaliser et recruter. Une approche globale visant à répondre aux besoins humanitaires, sociaux et de développement est absolument nécessaire pour prévenir le recrutement au sein des populations vulnérables, en particulier les jeunes, a préconisé la déléguée. Elle s’est dite également d’avis qu’à elles seules les réponses sécuritaires seront insuffisantes, un engagement significatif avec la société civile étant aussi nécessaire. Il importe aussi de protéger les droits humains et de sauvegarder une action humanitaire de principe dans la lutte contre le terrorisme, a-t-elle ajouté. Trop souvent, les mesures antiterroristes sont utilisées à mauvais escient pour réduire au silence les défenseurs des droits humains et priver les populations d’une aide humanitaire vitale, a-t-elle déploré.