9385e séance - matin
CS/15366

Conseil de sécurité: après l’attaque contre la plus grande cathédrale orthodoxe d’Odessa, la Russie accusée de « faire pleuvoir la désinformation »

Le Conseil de sécurité, lors d’une séance sur l’Ukraine organisée à la demande de la Fédération de Russie, a eu ce matin un débat particulièrement vif autour de l’identité des responsables de l’attaque ayant sérieusement endommagé, dimanche dernier, la cathédrale de la Transfiguration, le plus important lieu saint orthodoxe d’Odessa.  La séance, marquée par l’intervention de la Directrice de l’Alliance des civilisations et d’un écrivain russe, a commencé par une motion d’ordre de la Russie qui a conduit à la tenue d’un vote pour décider de la participation, ou non, d’un membre de la société civile invité par ce pays. 

Le représentant russe avait préalablement interpellé la présidence britannique du Conseil sur ce qu’il avait qualifié de refus de celle-ci d’accepter qu’intervienne un archevêque orthodoxe « au nom des victimes russophones de la politique antirusse de l’Ukraine ».  Son homologue britannique a répondu que, faute de temps, la Russie devait s’en tenir à un seul invité, l’intervention de l’archevêque pouvant être transmise sous la forme d’une contribution écrite dont le Conseil, conformément à son règlement intérieur, s’engageait à prendre acte. 

Si la Chine, la Russie et le Brésil ont voté pour accéder à la demande russe, les 12 autres membres du Conseil de sécurité se sont abstenus.  La Russie a commenté ce résultat défavorable pour elle en déclarant que le Conseil, sous la pression des Occidentaux, venait d’empêcher la participation au débat d’un représentant de l’Église orthodoxe, Londres foulant au pied ses idéaux de tolérance et ses alliés signant par là même leur solidarité totale avec la politique du Président Zelenskyy. 

La Russie, s’estimant lésée, a ensuite lu dans son intégralité le texte de l’archevêque.  Le Royaume-Uni a déploré cette « audace » de la délégation russe, qui monopolise des réunions du Conseil de sécurité pour donner des cours de liberté religieuse quelques jours après avoir tenté de détruire la plus grande cathédrale orthodoxe d’Odessa.  « Au lieu d’utiliser le Conseil à ces fins consternantes, pour y faire pleuvoir la désinformation, la Russie devrait faire ce que le monde lui demande: mettre fin à cette guerre qu’elle a déclenchée en retirant immédiatement et sans condition ses troupes d’Ukraine », a-t-il tranché. 

La France et les États-Unis n’ont pas dit autre chose, accusant Moscou d’essayer de détourner de nouveau l’attention de la communauté internationale de la situation en Ukraine dont elle est l’unique responsable.  La France, notamment, a condamné une nouvelle manipulation russe, moins d’une semaine après qu’un missile russe a tenté de détruire la cathédrale de la Transfiguration.  Reprenant la parole, le représentant russe s’est dit stupéfait par les spéculations des Occidentaux.  Il a ainsi soutenu que si un missile russe s’était abattu sur cet édifice, celui-ci aurait été entièrement détruit. 

« Or il est endommagé, et de toute évidence l’a-t-il été par l’emploi, par l’armée ukrainienne, d’armes à sous-munitions », a-t-il affirmé.  Le représentant russe en a voulu pour preuve les impacts caractéristiques selon lui laissés par ces armes sur les murs de la cathédrale.  « L’armée ukrainienne a frappé avec ces armes illégales un quartier résidentiel, la cathédrale ayant été l’épicentre de cette attaque », a encore soutenu le délégué.  De son côté, le représentant ukrainien s’est contenté de citer une lettre du chef de l’Église orthodoxe ukrainienne, le métropolite Agafangel, dans laquelle ce dernier s’émeut que la cathédrale ait été frappée par un missile russe lancé dans « le cœur spirituel de la ville de paix d’Odessa ». 

La Directrice de l’Alliance des civilisations des Nations Unies, Mme Nihal Saad, qui a qualifié d’évènement déchirant « l’attaque russe » contre une cathédrale classée au patrimoine de l’UNESCO, a rappelé que, selon cette même organisation, plus d’une centaine de sites religieux ont été détruits en Ukraine depuis février 2022.  Mme Saad a réitéré la condamnation du Secrétaire général de l’ONU de l’intensification des attaques visant sciemment les sites religieux et cultuels ukrainiens, « ce qui ne fait qu’envenimer les hostilités ».  Partout, les fidèles ont le droit de pratiquer leur foi à l’abri de toute violence et intimidation, a-t-elle insisté, l’Alliance des civilisations défendant le caractère universel des lieux sacrés « en tant qu’ils protègent et représentent nos us et coutumes ». 

Après avoir cité des exactions commises contre l’Église orthodoxe en Ukraine, y compris par les forces armées russes, Nihal Saad a déclaré qu’attaquer, torturer, déporter ou faire disparaître une personne en raison de sa religion, « c’est toucher le fond »!  Elle a rappelé les efforts que mène sans relâche l’Alliance des civilisations en faveur du dialogue interculturel et interreligieux, exhortant finalement les parties au conflit en Ukraine à préserver les droits humains de tous, notamment la liberté religieuse, de réunion et d’opinion. 

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

Mme NIHAL SAAD, Directrice de l’Alliance des civilisations de l’Organisation des Nations Unies, a rappelé l’impératif de protection des sites religieux et autres lieux saints et cultuels dans le contexte de la guerre en Ukraine.  À cet égard, elle a souligné l’importance que le Conseil de sécurité tienne compte de la dimension religieuse et du rôle que tiennent les autorités religieuses dans cette crise.  Nous le savons, les instances orthodoxes sont prises pour cible depuis des années dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie, a-t-elle ajouté, qualifiant d’évènement déchirant la destruction, dimanche dernier, de la plus grande église d’Odessa, la Cathédrale de la Transfiguration, « frappée par un missile russe ».  Après avoir rappelé que, selon l’UNESCO, 116 sites religieux ont été détruits en Ukraine depuis février 2022, Mme Saad a réitéré la condamnation du Secrétaire général de l’ONU de l’intensification des attaques visant sciemment les sites religieux et cultuels ukrainiens, « ce qui ne fait qu’envenimer les hostilités ».  Elle a ensuite rappelé que le Plan de protection des Nations Unies des lieux saints, lancé en 2019, s’appuie sur la Déclaration universelle des droits de l’homme et part du principe que les lieux sacrés sont des symboles puissants de la conscience collective.  Dans tous les cas, les fidèles ont le droit de pratiquer leur foi à l’abri de toute violence et intimidation, a insisté Mme Saad, l’Alliance des civilisations défendant le caractère universel des lieux sacrés en tant qu’ils protègent et représentent nos us et coutumes ». Pour elle, la guerre en Ukraine met à mal des lieux qui sont autant de synonymes de la paix et de la concorde entre communautés.  C’est pourquoi, y attenter, c’est s’attaquer aux libertés fondamentales et commettre une violation grave du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Mme Saad a appelé à la fin de la politisation des religions dans le cadre du conflit ukrainien, politisation qui n’aboutit qu’à alimenter les tensions entre communautés et à intensifier les violences.  Après avoir cité des exactions commises contre l’Église orthodoxe en Ukraine, y compris par les forces armées russes, Nihal Saad a déclaré qu’attaquer, torturer, déporter ou faire disparaître une personne en raison de sa religion, « c’est toucher le fond »!  Jugeant essentiel de maintenir le tissu social d’une Ukraine unie, et rappelant les efforts que mène sans relâche l’Alliance des civilisations en faveur du dialogue interculturel et interreligieux, elle a exhorté les parties au conflit en Ukraine à préserver les droits humains de tous, y compris la liberté religieuse, de réunion et d’opinion. 

M. YAN TAKSYUR s’est présenté comme un écrivain « de citoyenneté ukrainienne », qui a été arrêté par les services de sécurité ukrainiens en 2022, puis condamné à douze années d’emprisonnement au début de 2023.  Il a eu la possibilité de s’exprimer aujourd’hui au Conseil à la suite d’un échange de prisonniers, a-t-il expliqué. Son œuvre défendait l’Église orthodoxe ukrainienne et dénonçait les pressions gouvernementales qui la visent, y compris les passages à tabac de prêtres.  Cette Église est présente en Ukraine depuis dix siècles, a-t-il affirmé, mais depuis la prise de pouvoir du Président Porochenko, l’ancienne Église orthodoxe est chapeautée par une nouvelle structure de l’Église orthodoxe d’Ukraine, contrôlée par l’Ukraine. Depuis, des églises ont été fermées et la vague de violence contre ses membres et fidèles s’est accentuée, a affirmé M. Taksyur.  De nouveaux monastères et structures passent de force sous cette nouvelle structure, alors que des paroissiens sont accusés d’être des agents de la Fédération de Russie sans la moindre base solide, s’est-il indigné, avant de citer des hauts responsables religieux de l’ancienne structure qui se trouvent actuellement en prison, y compris le métropolite de la Laure de Kyïv.  M. Taksyur a donc demandé au Conseil de sécurité de se pencher sur cet état de fait où les autorités de Kyïv s’immiscent entre les individus et Dieu, décrivant la situation actuelle de terreur morale qui frappe les paroissiens.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a d’abord tenu à souligner ne pas parler au nom de l’Église orthodoxe, ni de ses prêtres ou paroissiens, au vu des pressions exercées sur ses coreligionnaires par le « régime Zelenskyy ».  La Russie a déjà attiré l’attention du Conseil sur la campagne menée par Kiev pour détruire l’orthodoxie canonique en Ukraine, lors de la séance du 17 janvier dernier, à la suite de la fermeture des églises et du passage à tabac de prêtres, menés depuis 2014.  D’ailleurs, a-t-il fait valoir, le 19, un projet de résolution a été soumis au Parlement, prévoyant l’interdiction de l’Église orthodoxe et la saisie de ses lieux saints, informant qu’un projet de loi pourrait être mis aux voix demain, le 27 juillet.  Sachez simplement que le Parlement de Kiev envisage d’interdire légalement et de saisir la propriété de l’Église canonique séculaire à laquelle appartiennent la plupart des croyants en Ukraine, a soutenu le représentant, pour qui il n’y a pas d’actes cyniques analogues dans l’histoire moderne, s’est-il écrié. 

Il s’est demandé comment, par exemple, le pays hôte réagirait-il si le Président des États-Unis suggérait que le Congrès interdise l’Église catholique et s’empare de la cathédrale Saint-Patrick de New York au motif que les catholiques obéissent à Rome?  Ou qu’en serait-il si le Royaume-Uni arrêtait l’un des dirigeants de la communauté musulmane et que le Parlement britannique discutait d’un projet de loi visant à interdire cette religion dans le pays sous prétexte que les saints de l’Islam se trouvent à La Mecque et à Médine?  Vous avez du mal à imaginer une telle situation?  Nous aussi!  Cela ressemble plus à l’intrigue d’un film de science-fiction, a ironisé le délégué russe.  Mais, malheureusement, en Ukraine, ce « film effrayant », avec la connivence occidentale du régime de Kiev, est une réalité qui se déroule sous nos yeux. 

Le « régime de Zelenskyy » poursuit constamment une politique d’État de destruction de l’orthodoxie canonique en Ukraine, a asséné le représentant: l’arsenal de mesures prises comprend des interdictions légales, des perquisitions systématiques, des saisies, des interrogatoires de paroissiens et du clergé, a-t-il accusé, avant de se retourner contre les médias étatiques qui publient systématiquement de fausses informations qui discréditent l’Église et sa hiérarchie.  Le régime de Kiev, sans attendre des mesures pseudo-législatives, a décidé de confisquer le monastère de la Laure de Kiev et d’assigner à résidence, le 14 juillet, le métropolite Pavel Lebed pour de fausses accusations.  Pour la première fois dans l’histoire moderne, un haut dignitaire est persécuté en raison de sa foi, a-t-il dénoncé. 

Le représentant a ensuite passé en revue les diverses arrestations et mesures pénales prises à l’encontre de religieux en Ukraine avant d’appeler l’ensemble de la communauté internationale et tous les chefs religieux à réagir.  Pour finir, le représentant a lu un extrait de l’archevêque Gideon, à qui la censure britannique n’a pas donné la parole aujourd’hui, sur la grave situation de membres du clergé en provenance d’Ukraine, disant ne pas pouvoir donner plus de détails pour des raisons de sécurité. 

Mme TRINA SAHA (États-Unis) a dit que son pays prend très au sérieux les allégations de violations des droits humains, notamment de la liberté et le droit à la liberté de religion et de croyance, assurant que tous les gouvernements devraient respecter les droits humains et les libertés fondamentales.  Mais aujourd’hui, dans le cadre de cette séance, c’est la Russie qui s’en prend systématiquement à tout discours qui n’irait pas dans son sens.  La guerre illégale qui est menée en Ukraine est le fait de Moscou, a tonné la représentante.  La destruction de la cathédrale de la Transfiguration à Odessa, qui fait partie de l’Église orthodoxe ukrainienne que prétend défendre la Russie aujourd’hui, est absolument consternante.  En Ukraine, 94 sites religieux ont été détruits, endommagés ou pillés dans cette guerre insensée menée par la Russie, a insisté la déléguée américaine, pour qui elle doit cesser et les droits des Ukrainiens sur les sites religieux être respectés.

M. HAMAMOTO YUKIYA (Japon) a critiqué la Russie qui tente de se présenter comme la garante de la liberté de culte, mais qui dans le même temps a infligé d’énormes dégâts à l’Ukraine, notamment contre des édifices religieux. Il a ensuite fermement condamné les récents tirs de missiles russes sur Odessa, qui ont fait des victimes civiles et endommagé la cathédrale inscrite par l’UNESCO au patrimoine mondial.  Après tout, sans paix ni stabilité, la liberté de religion est compromise, a fait valoir le délégué, avant de réitérer avec la « plus grande fermeté » que la Russie doit retirer toutes ses troupes et l’ensemble de son matériel militaire d’Ukraine et respecter l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de ce pays à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a regretté que le conflit ait « contaminé » les liens entre les communautés orthodoxes de Russie et d’Ukraine. Il a pris note de la récente détention de religieux de l’Église orthodoxe ukrainienne, avant de réaffirmer sa confiance dans la pleine application de l’état de droit et dans le discernement des autorités judiciaires pour garantir les droits des détenus, y compris le respect de leur liberté religieuse.  La position du Brésil sur cette question reste inchangée, a-t-il affirmé, avant de rappeler que la liberté de religion est un droit humain fondamental, consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, adoptée par l’Assemblée générale en 1981.  Il s’agit également d’un principe fondamental de la Constitution du Brésil et de son mode de vie en tant que société pluraliste et multiethnique, a-t-il ajouté. Encourageant les initiatives destinées à promouvoir un environnement de tolérance et de respect de la diversité religieuse, le représentant a estimé que la pratique religieuse ne doit en aucun cas être utilisée pour attiser les tensions entre les communautés et les États. Enfin, après avoir rappelé que la Russie et l’Ukraine partagent la foi orthodoxe comme élément commun de leur identité nationale, il a argué que la base d’une pratique religieuse commune devrait servir de plateforme de dialogue, créant les conditions d’une coexistence pacifique dans un avenir « proche et durable ». 

M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) s’est inquiété des chances de relancer l’Initiative de la mer Noire, dont l’arrêt aggrave les pénuries alimentaires mondiales et ferme les options diplomatiques visant à désamorcer le conflit ukrainien. Le Mozambique réitère donc son appel à l’arrêt immédiat des hostilités et à la reprise des négociations directes entre les parties, a déclaré le représentant, appelant à prendre en considération les différentes initiatives de paix, y compris celles récemment proposées par certains pays africains, pour résoudre le différend. 

Mme LILLY STELLA NGYEMA NDONG (Gabon) a regretté que l’Église orthodoxe continue de payer le prix fort de la guerre en Ukraine.  Dans la guerre désormais totale à laquelle se livrent les parties au conflit, le clergé se retrouve impacté et les églises font face à des choix qui dépassent la religion et les croyances, a-t-elle déploré, constatant que le nombre des lieux de culte détruits a largement passé la centaine et que les représentants religieux ne sont plus en sécurité.  Il est pourtant irréfutable que l’Église orthodoxe, tant en Russie qu’en Ukraine, subsistera après cette guerre, a ajouté la représentante, pour qui il est de la responsabilité de toutes les parties au conflit de ne pas faire des lieux de culte des champs de bataille.  Les parties sont tenues de respecter les dispositions pertinentes des instruments internationaux, a-t-elle insisté, avant d’appeler la communauté internationale à tout mettre en œuvre afin que l’Église orthodoxe conserve son rôle universel et son caractère sacré.  L’Église orthodoxe ne doit faire l’objet ni de menace ni de représailles, encore moins d’attaques ciblées, a conclu la représentante. 

M. GENG SHUANG (Chine), après avoir déclaré que la religion est une composante essentielle des cultures humaines et de leur coexistence, a réaffirmé que, pour son pays, la crise en Ukraine ne pourra trouver de solution de paix durable que si les parties s’engagent dès à présent sur la voie du dialogue et d’un accord négocié.  Réaffirmant qu’il n’existe pas de solution militaire à la crise ukrainienne, il a assuré que la Chine continuera d’œuvrer en faveur de la réalisation de la paix par le dialogue. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis), constatant que le conflit met à mal le tissu social ukrainien, a mis en garde contre toute politisation de la religion.  Il est essentiel d’éviter une escalade de la situation, a-t-il souligné, appelant les parties au dialogue et à s’abstenir de prendre pour cible des sites religieux « qui sont l’incarnation de la religion », comme l’énonce la résolution 2347 (2017) du Conseil.  Le patrimoine culturel et religieux, « qui appartient au peuple », est un cadeau que devrait chérir l’humanité tout entière, a martelé le représentant, avant de réaffirmer qu’il n’y a pas de solution militaire à cette guerre. 

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) s’est dite préoccupée par les informations faisant état de la persistance de restrictions imposées à certaines parties religieuses, ce qui a une incidence sur les droits d’une partie de la population ukrainienne. 

La liberté de religion étant un droit destiné à renforcer la stabilité et la cohésion des sociétés, sa limitation pourrait conduire à un résultat contraire, a-t-elle prévenu, demandant instamment le respect des droits de tous les ressortissants ukrainiens, dans toutes les parties des frontières internationalement reconnues de l’Ukraine, sans discrimination.  Pour finir, la représentante a fait mention de rapports de l’UNESCO selon lesquels environ 110 sites religieux ont été endommagés au cours de cette guerre.  De telles attaques ou destructions de lieux, sites et sanctuaires religieux violent le droit international, en particulier le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire, a-t-elle rappelé. 

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a dénoncé la diversion opérée par la Russie pour que le Conseil n’aborde pas le véritable problème, à savoir la guerre en Ukraine et ses conséquences désastreuses.  S’agissant de l’Église orthodoxe ukrainienne, la Russie a fait exactement ce qu’elle fait d’habitude, a-t-il observé, avant de rappeler qu’en vertu de l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, tout un chacun a le droit d’exercer sa liberté d’expression, de pensée et de croyance.  « C’est particulièrement vrai en Ukraine, où le problème n’est pas l’impossibilité d’exercer sa liberté de religion, mais le simple fait de ne pas être libre, à cause de la guerre brutale et du recours à la force de la Russie. »  Pour le représentant, les chefs religieux devraient aspirer à la paix, à la cohésion sociale et au vivre ensemble.  Ils devraient être la voie de la raison et de l’humanité, sans être à la botte d’un État, a-t-il insisté.  « Ce n’est pas parce qu’ils bénissent les chars et les soldats russes qui vont au casse-pipe que les dignitaires religieux russes respectent leur religion », a-t-il martelé en conclusion.

M. DARREN CAMILLERI (Malte) a condamné à son tour la destruction, dimanche dernier, de la cathédrale orthodoxe dite de la Transfiguration d’Odessa, « par un tir de missile russe ».  Le représentant a en outre considéré que la réunion d’aujourd’hui, organisée à la demande de la Russie, ne cherche en rien à établir le dialogue ou à proposer des solutions pour qu’il soit mis fin à une guerre d’agression dont elle seule est responsable.  La Russie ne cherche qu’à s’approprier un sujet sensible et à en déformer les termes pour détourner l’attention de la communauté internationale de la situation épouvantable en Ukraine, a-t-il conclu, « une situation résultant de ses innombrables violations des principes de la Charte des Nations Unies ».

Mme MONICA SOLEDAD SÁNCHEZ IZQUIERDO (Équateur) a souligné le caractère fondamental de la liberté de pensée, de conscience et de religion.  Le fait d’avoir recours à la religion pour attiser les conflits et alimenter la violence est simplement inacceptable, s’est-elle indignée, avant de reprocher à la Fédération de Russie d’avoir pris pour cible la cathédrale de la Transfiguration à Odessa. Elle a exhorté cette dernière à mettre un terme à ce conflit « insensé » sans tarder. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a condamné les récentes frappes russes contre Odessa ainsi que les autres régions, les dégâts sérieux subis par la cathédrale de la Transfiguration à Odessa ce dimanche conférant à cette réunion une triste urgence.  Le représentant a indiqué que la Suisse reste profondément préoccupée par les violations du droit international humanitaire et les graves violations des droits humains résultant de l’agression militaire russe.  Il a en outre rappelé qu’en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, toute personne doit pouvoir exercer ses droits à la liberté d’opinion et d’expression, de réunion pacifique et d’association, ainsi que de religion sans discrimination.  En effet, a-t-il dit, la liberté de religion et de conviction protège l’individu, et non les religions ou les communautés religieuses.  Le délégué a également réitéré l’opposition de son pays à la diffusion de discours de haine ainsi qu’à toute forme de diffamation ou de discrimination basée sur la religion.  « Nous appelons une fois de plus la Russie à cesser ses opérations de combat et à retirer sans délai ses troupes du territoire ukrainien », a-t-il conclu.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a dénoncé l’exercice de diversion de la Fédération de Russie dans le cadre de sa campagne de désinformation.  En demandant la tenue de cette réunion, elle poursuit son œuvre de propagande alors que c’est bien elle qui vise les monuments religieux en frappant la cathédrale de la Transfiguration à Odessa, a accusé le représentant.  Dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie, la situation des membres de l’Église orthodoxe indépendante d’Ukraine, comme celle des Témoins de Jéhovah ou encore celle des Tatars de Crimée et des protestants, ne cesse de se détériorer.  Plusieurs cas de persécutions ou de discrimination ont notamment été recensés contre les Tatars de Crimée, a informé le représentant français.  La documentation des faits et la lutte contre l’impunité des auteurs d’exactions jouent dès lors un rôle crucial, a estimé M. de Rivière, en saluant l’action de la justice ukrainienne, de la justice internationale et de la Commission d’enquête internationale et indépendante du Conseil des droits humains.  Cette réunion n’est qu’un prétexte pour nous forcer à détourner le regard des atrocités que la Russie commet en Ukraine, a martelé le représentant.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a déploré l’audace de la Russie, qui monopolise des réunions du Conseil de sécurité pour donner des cours de liberté religieuse quelques jours après avoir tenté de détruire la plus grande cathédrale orthodoxe d’Odessa.  Au lieu d’utiliser le Conseil à ces fins consternantes, pour y faire « pleuvoir la désinformation », la Russie devrait faire ce que le monde lui demande: mettre fin à cette guerre qu’elle a déclenchée en retirant immédiatement et sans condition ses troupes d’Ukraine, a-t-il ajouté. 

Reprenant la parole, M. POLYANSKIY (Fédération de Russie) s’est dit stupéfait d’entendre les Occidentaux spéculer autour de la tentative ukrainienne de détruire la Cathédrale de la Transfiguration.  En effet, selon lui, si un missile russe s’était abattu sur cet édifice, celui-ci aurait été entièrement détruit.  Or il est endommagé, et de toute évidence l’a-t-il été par l’emploi, par l’armée ukrainienne, d’armes à sous-munitions, a-t-il soutenu.  Le représentant en a voulu pour preuve les impacts caractéristiques laissés par ces armes sur les murs de la cathédrale.  L’armée ukrainienne a frappé avec ces armes illégales un quartier résidentiel, la cathédrale ayant été l’épicentre de cette attaque, a également affirmé le représentant.

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a regretté que la Fédération de Russie utilise le Conseil de sécurité pour propager sa propagande.  Il a dit vouloir se limiter à citer les termes de la lettre du chef de l’Église orthodoxe ukrainienne, le métropolite Agafangel, qui a écrit que la cathédrale d’Odessa a été frappée par un missile russe touchant « le cœur spirituel de la ville de paix d’Odessa ».  Ce dernier dit dans sa lettre ne pas comprendre de qui « les Russes veulent nous libérer », affirmant qu’un véritable génocide du peuple ukrainien est en cours.  Ce qui importe, a souligné le représentant ukrainien, c’est qu’il s’agit là de questions soulevées par un métropolite que Putin lui-même avait récompensé il y a quelques années.

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