Soudan: le Conseil de sécurité reconduit les sanctions mais leur fixe un terme au 12 septembre 2024, avant lequel il devra décider de leur devenir
Agissant au titre du Chapitre VII de la Charte, le Conseil de sécurité a, aujourd’hui, décidé de « réaffirmer et reconduire » le régime de sanctions en vigueur au Soudan, mais en lui fixant pour la première fois une échéance -le 12 septembre 2024– avant laquelle il devra se prononcer sur leur renouvellement éventuel.
La résolution 2676 (2023) ne fixe toutefois pas de véritable « clause d’extinction » au régime de sanctions et c’est la principale raison qu’ont invoqué la Chine et la Fédération de Russie pour expliquer leur abstention sur le texte auquel ont souscrit les 13 autres membres du Conseil, pour certains avec quelques réticences.
Le Conseil, qui prend soin de souligner que les mesures rappelées pour faire face à la situation au Darfour « ne sont pas dirigées contre le Gouvernement soudanais », « déclare son intention » de réexaminer les mesures des sanctions reconduites « au plus tard le 12 février 2024, notamment au moyen de leur modification, suspension ou levée progressive, au vu des progrès accomplis par le Gouvernement soudanais » concernant certains critères et objectifs connexes énoncés dans le rapport du Secrétaire général du 31 juillet 2021. Cet examen se fera à la lumière des prochains rapports que devra lui remettre le Groupe d’experts établi initialement par la résolution 1591 (2005), dont le Conseil proroge le mandat jusqu’au 12 mars 2024.
Les critères qui seront pris en compte lors du réexamen sont les « progrès concernant les dispositions transitoires de sécurité au Darfour » et les « progrès dans l’exécution du plan d’action national pour la protection des civils ». Les progrès seront évalués à la lumière du rapport d’activité que le Groupe d’experts devra soumettre au plus tard le 12 août 2023 ainsi que de son rapport final, qu’il soumettra au plus tard le 13 janvier 2024. Le Conseil prie le Secrétaire général de procéder, « en étroite consultation avec le Groupe d’experts et au plus tard le 1er décembre 2023 », à une évaluation des progrès accomplis concernant ces critères établis. Le Gouvernement soudanais est, lui instamment prié d’informer le Comité, avec la même échéance, des progrès accomplis concernant lesdits critères.
C’est la première fois que le Conseil fixe une échéance à son régime de sanctions créé initialement par la résolution 1591 (2005). En février 2022, dans sa résolution 2620 (2022), le Conseil avait « pris note » des critères de référence proposés par le Secrétaire général et « exprimé son intention de réfléchir, d’ici au 31 août 2022, à des critères clefs clairs, bien définis et réalistes, étant disposé à envisager d’ajuster » les sanctions en fonction de l’évolution de la situation sur le terrain. En juin 2022, le Président du Comité des sanctions relatives au Soudan -le Comité 1591– avait annoncé le réexamen de la résolution 2620 (2022) mais les membres du Conseil étaient restés en désaccord sur le devenir des sanctions. Lors de la séance du Conseil du 13 septembre, la Chine avait dénoncé l’incapacité du Conseil à fixer des critères pour ajuster les sanctions avant l’échéance qu’il s’était fixée et avait exhorté les États-Unis -pays porte-plume- à « assumer sérieusement leurs responsabilités en reprenant les consultations dès que possible ».
À l’issue du vote de ce jour, le représentant des États-Unis a salué la reconduction du mandat du Groupe d’expert par le biais d’un texte qui tient compte des points de vue de tous les membres du Conseil. Il a estimé que le libellé adopté permettrait de maintenir la fourniture d’informations de première main sur le conflit au Darfour et de faciliter la réalisation de progrès supplémentaires au Soudan, y compris en ce qui concerne l’application bien comprise de l’embargo sur les armes. En effet, a-t-il argué, la poursuite du conflit au Darfour est en partie due à la prolifération d’armes légères et de petit calibre, laquelle empêche les autorités d’assurer la sécurité des civils. Dans ce contexte, le maintien du Groupe d’experts lui est apparu indispensable.
Au contraire, le représentant de la Fédération de Russie a expliqué son abstention par le fait que le régime de sanctions en vigueur ne correspond plus à la situation sur le terrain au Darfour. Ce régime entrave la marge de manœuvre des autorités pour avancer sur la voie du développement, a-t-il affirmé, qualifiant les sanctions de punition, dont la levée avait d’ailleurs été promise au Soudan, notamment par les pays arabes. Il a reproché aux États-Unis d’être allés dans le sens contraire en reconduisant le Groupe d’experts non plus pour un an comme par le passé, mais pour un an et demi. Il a en outre accusé la délégation porte-plume d’avoir insisté pour une mise aux voix hâtive qui, à ses yeux, sabote les précédentes résolutions et correspond à un véritable mépris des membres africains du Conseil de sécurité. Tout se fait désormais ici en fonction des intérêts occidentaux et cela par le biais de pressions insoutenables, a encore lancé le représentant russe.
Le représentant de la Chine s’est montré tout aussi critique. Mettant en avant l’évolution positive au Darfour, il a lui aussi jugé les sanctions imposées au Soudan obsolètes et demandé leur levée immédiate, conformément au vœu du Soudan et de plusieurs membres du Conseil. Il a reproché à la délégation porte-plume de s’être écartée de ce point de vue et d’avoir préféré camper sur ses positions, privilégiant ses propres intérêts. Dénonçant en outre la reconduction du Groupe d’experts pour 18 mois, il a jugé que tout cela n’était pas conforme à la pratique du Conseil. Pour la Chine, la résolution fixe « à première vue une feuille de route pour une levée des sanctions », mais celle-ci « n’est ni viable ni réaliste ». Certains membres n’ont aucune intention de lever ces sanctions, a-t-il accusé, rappelant qu’une première version du texte avait été rejetée par plusieurs membres du Conseil –le Gabon, le Ghana, le Mozambique et les Émirats arabes unis– et que ces délégations avaient présenté une « proposition constructive » visant à l’instauration d’une vraie clause d’extinction, que ne retient pas ce texte de compromis.
Au nom à la fois des A3 et de son pays, la représentante des Émirats arabes unis a regretté à son tour que leur proposition d’une clause d’extinction de 12 mois n’ait pas été retenue. Elle a rappelé que les sanctions ne sont pas une fin en soi et que des améliorations auraient pu être apportées au régime en vigueur, à la lumière des progrès significatifs accomplis par les parties à l’Accord de paix de Djouba.
Enfin, le représentant du Brésil a lui aussi déclaré qu’il aurait préféré un texte différent, tout en estimant que les préoccupations exprimées par les différents membres avaient tout de même été prises en compte par la délégation porte-plume. Il a souhaité que la résolution adoptée permette d’améliorer la situation au Darfour, où, a-t-il reconnu, des progrès ont été accomplis.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD - S/2023/93
Texte du projet de résolution S/2023/179
Le Conseil de sécurité,
Rappelant ses précédentes résolutions concernant le Soudan, notamment les résolutions 1591 (2005), 1651 (2005), 1665 (2006), 1672 (2006), 1713 (2006), 1779 (2007), 1841 (2008), 1891 (2009), 1945 (2010), 1982 (2011), 2035 (2012), 2091 (2013), 2138 (2014), 2200 (2015), 2265 (2016), 2340 (2017), 2400 (2018), 2455 (2019), 2508 (2020), 2562 (2021) et 2620 (2022), complétées par la résolution 2664 (2022) la déclaration de son président en date du 11 décembre 2018 (S/PRST/2018/19) et ses déclarations à la presse,
Se félicitant de la signature, le 3 octobre 2020, de l’Accord de paix de Djouba par le Gouvernement soudanais, le Front révolutionnaire soudanais et le Mouvement de libération du Soudan-faction Minni Minawi, qui ouvre la perspective importante d’une paix globale et durable au Soudan et constitue une étape essentielle sur la voie d’un avenir pacifique, stable, démocratique et prospère pour le pays,
Encourageant les signataires de l’accord de paix à en accélérer l’application intégrale, notant que l’accord de paix confère à l’ONU un rôle particulier s’agissant d’appuyer la mise en œuvre de ses dispositions,
Exhortant les parties qui n’ont pas encore pris part au processus de paix avec le Gouvernement soudanais à s’engager immédiatement dans cette voie, de manière constructive et sans conditions préalables, en vue de conclure rapidement des négociations sur un accord de paix global, et demandant à tous les acteurs internationaux de continuer d’encourager les parties concernées à cet égard,
Réaffirmant qu’il incombe au premier chef au Gouvernement soudanais de protéger les civils sur l’ensemble de son territoire, et prenant acte, à cet égard, du Plan national de protection des civils élaboré par le Gouvernement soudanais (S/2020/429) et du programme de collecte des armes,
Prenant note avec préoccupation des rapports du Groupe d’experts sur le Soudan selon lesquels des acteurs armés participent à des campagnes de recrutement agressives, encourageant le Gouvernement soudanais à prendre des mesures supplémentaires pour accélérer la pleine application de l’Accord de paix de Djouba, notamment par la création de la Commission régionale de désarmement, de démobilisation et de réintégration pour le Darfour, qui disposera de bureaux dans les cinq États du Darfour, par la mise en place rapide du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration, conformément à l’Accord, par le renforcement de l’appui au Comité du cessez-le-feu permanent et par l’activation du Comité technique spécialisé conjoint,
Se félicitant de la signature, le 5 décembre 2022, de l’accord-cadre politique au Soudan comme mesure essentielle en vue de la formation d’un gouvernement dirigé par des civils et de la définition de dispositions constitutionnelles visant à guider le Soudan au cours d’une période de transition qui aboutirait à des élections, se félicitant du mécanisme trilatéral de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), de l’Union africaine et de l’Autorité intergouvernementale pour le développement, qui a accompagné l’action menée par le Soudan pour rétablir un règlement politique durable, inclusif et démocratique dans le pays, demandant à toutes les parties prenantes de réaffirmer leur attachement à la transition menée au Soudan, de façon que les aspirations du peuple soudanais en vue d’un avenir inclusif, pacifique, stable, démocratique et prospère puissent être réalisées, et réaffirmant qu’il est prêt à épauler le Soudan à cet égard,
Encourageant les signataires de l’Accord de paix de Djouba et d’autres partis politiques d’opposition du Darfour qui n’ont pas encore pris part à l’accord-cadre politique au Soudan à le faire de manière constructive,
Soulignant que le Gouvernement soudanais doit amener les auteurs de violations des droits humains, d’atteintes à ces droits et de violations du droit international humanitaire à répondre de leurs actes, et se félicitant des dispositions de l’accord-cadre politique au Soudan par lesquelles le Gouvernement s’attache, au moyen d’un programme global, à parvenir à la justice transitionnelle et à des mesures visant à assurer le respect du principe de responsabilité à cet égard,
Rappelant le rapport final du Groupe d’experts sur le Soudan (S/2023/93),
Prenant note du rapport du Secrétaire général du 31 juillet 2021 (S/2021/696), comme rappelé au paragraphe 5 de sa résolution 2562 (2021), qui comporte un examen de la situation au Darfour et des critères d’évaluation des mesures concernant le Darfour,
Soulignant que les mesures rappelées au paragraphe 1 pour faire face à la situation au Darfour ne sont pas dirigées contre le Gouvernement soudanais,
Considérant que la situation qui règne au Soudan continue de menacer la paix et la sécurité internationales dans la région,
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
1. Rappelle les mesures imposées aux paragraphes 7 et 8 de la résolution 1556 (2004), telles que modifiées au paragraphe 7 de la résolution 1591 (2005) et au paragraphe 4 de la résolution 2035 (2012), ainsi que les critères de désignation et les mesures imposés aux alinéas c), d) et e) du paragraphe 3 de la résolution 1591 (2005), tels que modifiés au paragraphe 3 de la résolution 2035 (2012), et les dispositions des alinéas f) et g) du paragraphe 3 de la résolution 1591 (2005), du paragraphe 9 de la résolution 1556 (2004) et du paragraphe 4 de la résolution 2035 (2012) et décide de réaffirmer et de reconduire ces mesures jusqu’au 12 septembre 2024 et de se prononcer sur leur renouvellement au plus tard le 12 septembre 2024;
2. Décide de proroger jusqu’au 12 mars 2024 le mandat du Groupe d’experts initialement constitué en application de la résolution 1591 (2005), qu’il a déjà prorogé par ses résolutions 1779 (2007), 1841 (2008), 1945 (2010), 2035 (2012), 2138 (2014), 2200 (2015), 2265 (2016), 2340 (2017), 2400 (2018), 2455 (2019), 2508 (2020), 2562 (2021) et 2620 (2022), réaffirme le mandat du Groupe d’experts tel qu’il a été établi dans ses résolutions 1591 (2005), 1779 (2007), 1841 (2008), 1945 (2010), 2035 (2012), 2138 (2014), 2200 (2015), 2265 (2016), 2340 (2017), 2400 (2018), 2455 (2019), 2508 (2020), 2562 (2021) et 2620 (2022), et prie le Groupe d’experts de soumettre au Comité créé par la résolution 1591 (2005) concernant le Soudan (« le Comité ») un rapport d’activité, le 12 août 2023 au plus tard, et de lui présenter, après concertation avec le Comité et au plus tard le 13 janvier 2024, un rapport final comportant ses conclusions et recommandations, et prie également le Groupe d’experts de soumettre tous les trois mois au Comité un rapport actualisé sur ses activités, notamment ses déplacements, et de rendre compte de l’application des dispositions du paragraphe 10 de la résolution 1945 (2010) et de leur efficacité, et déclare son intention de réexaminer ce mandat au plus tard le 12 février 2024 et de le proroger s’il y a lieu;
3. Rappelle le paragraphe 3) a) v) de sa résolution 1591 (2005) et prie instamment le Gouvernement soudanais de soumettre à l’examen du Comité et, le cas échéant, à son approbation préalable les demandes de mouvement de matériel et de fournitures militaires dans la région du Darfour, en particulier dans le cadre de l’application de l’Accord de paix de Djouba, conformément au paragraphe 7 de la résolution 1591 (2005), tel que précisé et mis à jour au paragraphe 8 de la résolution 1945 (2010) et au paragraphe 4 de la résolution 2035 (2012);
4. Déclare son intention de réexaminer les mesures reconduites au paragraphe 1, au plus tard le 12 février 2024, notamment au moyen de leur modification, suspension ou levée progressive, au vu des progrès accomplis par le Gouvernement soudanais concernant les critères 2 et 3 et les objectifs connexes, tels qu’énoncés à la section IV du rapport du Secrétaire général du 31 juillet 2021 (S/2021/696), à la lumière du prochain rapport d’activité que doit soumettre le Groupe d’experts au plus tard le 12 août 2023 ainsi que du rapport final qu’il soumettra au plus tard le 13 janvier 2024, et en tenant compte de ses résolutions pertinentes;
5. Prie le Secrétaire général à cet égard, en étroite consultation avec le Groupe d’experts, de procéder, au plus tard le 1er décembre 2023, à une évaluation des progrès accomplis concernant les principaux critères établis au paragraphe ci-dessus, et prie instamment le Gouvernement soudanais d’informer le Comité, au plus tard le 1er décembre 2023, des progrès accomplis concernant les principaux critères établis au paragraphe ci-dessus;
6. Décide de rester saisi de la question.