Conseil de sécurité: la Cheffe de la Mission de l’ONU en Afghanistan impute l’impasse actuelle au manque de progrès en matière de droits humains
Le Conseil de sécurité s’est penché ce matin sur le rapport du Secrétaire général sur l’évolution de la situation en Afghanistan introduit par sa Représentante spéciale qui a exhorté la communauté internationale à ne pas oublier ce pays et les aspirations de son peuple. Également Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), Mme Roza Otunbayeva, comme la majorité des membres du Conseil, a vilipendé les discriminations à l’encontre des droits des femmes et des filles. Plus de 29 millions de personnes nécessitent une aide humanitaire, un niveau record, a pour sa part informé le Chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) à Genève.
Les besoins des femmes et des jeunes filles afghanes ont continué de croître proportionnellement à l’approche répressive adoptée par les autorités de facto, a reconnu M. Ramesh Rajasingham. L’OCHA a toutefois obtenu un certain niveau de coopération pratique au niveau local permettant aux femmes afghanes d’être impliquées dans l’action humanitaire. Depuis la prise de contrôle de l’Afghanistan par les Taliban en août 2021, « nous avons été témoins d’une répression des droits des femmes dans tous les domaines, de l’éducation au travail, en passant par la liberté de mouvement et la participation à la vie publique », a abondé Mme Shaharzad Akbar, Directrice exécutive de Rawadari, une organisation de la société civile afghane. La Suisse, par exemple, a noté qu’aucune femme ne fait partie des 84 234 diplômés de l’enseignement secondaire qui ont participé cette année à l’examen d’entrée à l’université.
Selon Mme Otunbayeva, le manque de progrès en matière de droits humains est responsable de l’impasse actuelle. Pour que l’Afghanistan retrouve un siège à l’ONU, le respect du droit international et des traités qu’il a ratifiés est une condition « non négociable », a-t-elle déclaré. Les États-Unis ont dit qu’ils n’envisageront aucun rétablissement de leurs relations avec ce régime tant que les femmes n’auront pas accès au travail et à la vie sociale et politique, entre autres. « Les Taliban ont placé la ségrégation et la violence contre les femmes au cœur de leur identité politique, ce que la France n’acceptera jamais », a renchéri ce pays.
La Cheffe de la MANUA a toutefois noté des ouvertures sur la question du traitement des détenus. Certains éléments des autorités de facto sont disposés à collaborer avec la MANUA s’agissant des droits humains, a-t-elle ajouté. Pour ce qui est de la voie à suivre, la nouvelle approche doit être guidée par deux facteurs, à savoir un consensus international durable sur l’Afghanistan et la volonté des autorités de facto de dialoguer avec la communauté internationale, a-t-elle dit, en recommandant un engagement plus direct avec celles-ci.
La Fédération de Russie a relevé que cela fait plus de deux ans que les Taliban sont au pouvoir, et malgré « le discours bruyant des collègues occidentaux » sur un éventuel effondrement, l’Afghanistan a survécu. Cependant, en tenant compte de l’ampleur des défis et des menaces, ainsi que de l’ensemble des problèmes laissés en plan après la fuite des troupes étrangères, sa population a plus que jamais besoin de notre aide et de notre soutien continus, a dit le représentant.
Sur le plan sécuritaire, la Représentante spéciale a jugé le niveau de sécurité « généralement bon » à l’exception des munitions non explosées qui restent une préoccupation majeure en Afghanistan, en particulier pour les enfants. Elle s’est par ailleurs dite préoccupée par l’aggravation du problème des changements climatiques en Afghanistan. « Les autorités de facto doivent faire partie de la conversation mondiale sur ce problème. »
Plusieurs intervenants, dont la Chine, ont toutefois salué la volonté des autorités de facto de coopérer dans la lutte contre les stupéfiants, après avoir réussi à réduire de 95% la culture de l’opium selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
Alors que la communauté humanitaire reste déterminée à fournir « une aide fondée sur des principes », M. Rajasingham a regretté que la réponse humanitaire présente un déficit de financement critique de 1,8 milliard de dollars d’ici à la fin de l’année. Dans ce contexte difficile, l’exception humanitaire prévue par la résolution 2615 (2021) du Conseil de sécurité continue de jouer un rôle essentiel, a-t-il expliqué, dans la mesure où elle rassure les acteurs commerciaux sur le respect des sanctions de l’ONU.
À ce sujet, le délégué de l’Équateur, intervenant en sa qualité de Président du Comité 1988 (2011) du Conseil de sécurité, a fait le point des derniers développements du régime de sanctions relatif à l’Afghanistan. Les États Membres, a-t-il rapporté, ont considéré que, compte tenu de sa nature et de ses objectifs bien connus d’établir un « califat », Daech-Khorasan, bien que combattu par les Taliban, est la menace terroriste la plus grave en Afghanistan, le groupe se projetant vers les pays voisins, l’Asie centrale et au-delà.
Sur le plan sécuritaire, les pays voisins de l’Afghanistan, dont le Pakistan, ont pointé la présence continue de groupes terroristes en Afghanistan qui constitue la plus grave menace pour le pays et l’ensemble de la région, « peut-être même pour le monde entier ». Le représentant pakistanais a dénoncé la « protection » dont bénéficient ces groupes terroristes de la part des autorités de facto. L’ONU doit mener une enquête sur la provenance de leurs armes, a-t-il dit, ajoutant que Kaboul doit rapatrier les 1,4 million de réfugiés afghans présents au Pakistan. Pour l’Ouzbékistan, l’Afghanistan ne doit pas redevenir un havre de paix pour les terroristes et une menace pour la région.
Le représentant de l’Afghanistan a salué les conclusions de l’évaluation indépendante du Coordonnateur spécial, M. Feridun Sinirlioğlu, rédigées en application de la résolution 2679 (2023) du Conseil de sécurité qui, a-t-il dit, mettent l’accent sur les responsabilités de la communauté internationale à l’égard de l’Afghanistan et peuvent servir de base solide pour lancer des discussions visant à résoudre les problèmes fondamentaux. Il a noté que le statu quo existant n’est « ni acceptable ni durable » et que « l’approche internationale actuelle à l’égard de l’Afghanistan ne fonctionne pas ».
LA SITUATION EN AFGHANISTAN (S/2023/941)
Déclarations
Mme ROZA OTUNBAYEVA, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), a exhorté le Conseil de sécurité à ne pas oublier l’Afghanistan et les aspirations des populations afghanes. Elle a décrit les discriminations à l’encontre des droits des femmes et des filles, la répression de l’opposition politique et de la liberté, l’absence de représentation des minorités, les exécutions extrajudiciaires, les arrestations arbitraires, la torture et les mauvais traitements. « Le manque de progrès en matière des droits humains est responsable de l’impasse actuelle. »
Pour que l’Afghanistan retrouve un siège à l’ONU, le respect du droit international et des traités qu’il a ratifiés est une condition « non négociable », a déclaré Mme Otunbayeva. Elle a noté des ouvertures sur la question du traitement des détenus. Certains éléments des autorités de facto sont disposés à collaborer avec la MANUA s’agissant des droits humains, a-t-elle ajouté. Le dernier rapport à ce sujet porte sur la manière dont ces autorités répondent aux plaintes pour violence sexiste à l’égard des femmes et des filles.
La Représentante spéciale a constaté que la situation humanitaire reste très préoccupante. Plus de 20 millions de personnes dépendront de l’aide. Sur le plan sécuritaire, la Cheffe de la MANUA a dit que le niveau de sécurité est « généralement bon » à l’exception des munitions non explosées qui restent une préoccupation majeure en Afghanistan, en particulier pour les enfants. La suspension de la coopération avec la lutte antimines et les Nations Unies a été levée le 2 octobre dernier, a-t-elle informé.
La communauté chiite a été visée par les attaques de l’État islamique d’Iraq et du Levant-Province du Khorassan (EIIL-PK) qui ont tué 39 personnes. Le Pakistan reste convaincu que les autorités de facto ne font pas assez pour contenir les Taliban au Pakistan. Mme Otunbayeva a rappelé que l’avis concernant le non-retour en Afghanistan des réfugiés au Pakistan émis en août 2021 demeure en vigueur vu la situation humanitaire et des droits humains en Afghanistan. Elle a exhorté les deux pays à prendre des mesures pour éviter que la situation ne se détériore davantage.
Par ailleurs, la Cheffe de la MANUA a informé que près d’un demi-million d’Afghans sont rentrés au pays au début de l’hiver. Quelque 80 0000 d’entre eux n’ont « nulle part où aller » en Afghanistan. Les conséquences sur les droits humains des femmes et des filles forcées de rentrer chez elles sont particulièrement graves. Elle a déploré la qualité de l’éducation en Afghanistan, demandant la levée de l’interdiction aux filles d’aller à l’école. Elle a également pointé l’envoi des filles dans ses « écoles coraniques » dont on ignore le programme scolaire et les matières enseignées. « Une génération de filles risque d’être perdue », a alerté la Cheffe de la MANUA.
Mme Otunbayeva s’est également dite préoccupée par l’aggravation du problème des changements climatiques en Afghanistan. « Les autorités de facto doivent faire partie de la conversation mondiale sur ce problème. » Tout le pays subit un manque d’eaux dû aux sécheresses récurrentes, a-t-elle souligné. Les Afghans ne sont pas en mesure de faire face à l’énormité de ce défi dont les impacts ne pourront pas être circonscrits à l’intérieur du pays. Kaboul a honoré les engagements de l’Afghanistan envers la Convention-cadre sur les changements climatiques (CCNUCC) et l’Accord de Paris, a relevé la Représentante spéciale. Les autorités de facto ont en outre signalé leur volonté de coopérer dans la lutte contre les stupéfiants. Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), elles ont réussi à réduire la culture de l’opium de 95%.
Pour ce qui est de la voie à suivre, la Représentante spéciale a noté le refus des autorités de facto de la nomination d’un envoyé spécial. « Elles ont une préférence pour les approches bilatérales plutôt que multilatérales et affirment que l’interdiction de l’éducation des filles et du travail des femmes est une affaire interne, prenant ainsi le risque de prolonger l’impasse. » La nouvelle approche doit être guidée par deux facteurs, à savoir un consensus international durable sur l’Afghanistan et la volonté des autorités de facto de dialoguer avec la communauté internationale. En conclusion, Mme Otunbayeva a recommandé un engagement plus direct avec celles-ci.
M. RAMESH RAJASINGHAM, Chef et Représentant du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) à Genève et Directeur de la Division de la coordination, a évoqué l’ampleur de la lutte quotidienne à laquelle sont confrontées tant de familles afghanes. Alors que l’année 2023 touche à sa fin, les besoins humanitaires continuent d’atteindre des niveaux record, avec plus de 29 millions de personnes nécessitant une aide humanitaire - un million de plus qu’en janvier, et une augmentation de 340% au cours des cinq dernières années. En octobre, trois tremblements de terre d’une magnitude de 6,3 en l’espace de huit jours dans la province occidentale du Hérat ont endommagé 40 000 maisons affectant 275 000 personnes qui vivent désormais dans des tentes et des abris de fortune, où elles sont exposées à la chute rapide des températures hivernales. Dans les régions de l’est et du sud, le nombre d’Afghans rentrant du Pakistan a considérablement augmenté, à la suite de l’annonce par le Gouvernement pakistanais du rapatriement des « étrangers en situation irrégulière » à partir du 1er novembre. Depuis, plus de 450 000 Afghans sont rentrés, dont plus de 85% sont des femmes et des enfants, a-t-il précisé. Leur arrivée soudaine pourrait avoir des conséquences considérables pour l’ensemble du pays, selon M. Rajasingham, à moins qu’une aide durable et coordonnée ne soit apportée avec le soutien de la communauté internationale.
En ce qui concerne les besoins des femmes et des jeunes filles afghanes, ils ont continué de croître proportionnellement à l’approche répressive adoptée par les autorités de facto, a-t-il indiqué. Depuis deux ans, les filles et les femmes sont marginalisées dans presque toutes les formes de la vie publique. Elles se voient systématiquement refuser l’accès à l’enseignement secondaire et supérieur, leurs déplacements sont limités et leur capacité à travailler, y compris dans le secteur humanitaire, est interdite. Néanmoins, « l’OCHA a obtenu un certain niveau de coopération pratique avec les autorités de facto au niveau local, ce qui permet aux femmes afghanes d’être impliquées dans l’action humanitaire », a-t-il précisé. À ce jour, au moins 630 accords locaux de ce type ont été conclus pour permettre aux femmes afghanes de participer à toutes sortes d’activités d’intervention humanitaire, et certains programmes humanitaires qui avaient été initialement suspendus en raison des interdictions ont repris.
Alors que la communauté humanitaire reste déterminée à fournir une aide fondée sur des principes, le haut fonctionnaire a regretté que la réponse humanitaire présente un déficit de financement critique de 1,8 milliard de dollars d’ici à la fin de l’année. Dans ce contexte difficile, l’exception humanitaire prévue par la résolution 2615 (2021) du Conseil de sécurité continue de jouer un rôle essentiel, a-t-il expliqué, dans la mesure où elle rassure, principalement les acteurs commerciaux, sur le fait que la fourniture de services et de biens nécessaires à l’acheminement de l’aide humanitaire et à la satisfaction des besoins humains fondamentaux, y compris le traitement des transactions financières, n’enfreint pas les sanctions des Nations Unies. Cette mesure a permis d’atténuer les nombreuses difficultés rencontrées par les organisations humanitaires depuis août 2021. Depuis l’adoption de la résolution 2615 (2021), le nombre d’agences des Nations Unies et d’ONG faisant état de difficultés pour transférer des fonds en Afghanistan est passé de 87% à environ 50% aujourd’hui. Mais des difficultés subsistent, a concédé M. Rajasingham, principalement en ce qui concerne la réduction des risques bancaires.
À ce sujet, a-t-il poursuivi, la fourniture de fonds ou d’actifs à des personnes ou entités désignées est autorisée lorsqu’elle est nécessaire à la programmation de l’aide humanitaire et des besoins humains fondamentaux. Mais en vertu de la résolution précitée, toutes les précautions sont prises, a assuré le représentant de l’OCHA. Il a dit ne pas observer en Afghanistan ce qui est fréquemment observé dans d’autres contextes, à savoir le pillage d’entrepôts ou le détournement de convois d’aide. Toutefois, a-t-il reconnu, il peut y avoir une confiscation de l’aide après sa distribution par les autorités ou les chefs de communauté, pour s’assurer que tous les membres d’une communauté, et pas seulement les plus nécessiteux, reçoivent une certaine forme d’assistance. S’il s’agit d’une « pratique culturelle courante » en Afghanistan, cela ne signifie nullement qu’elle n’est pas problématique, a expliqué M. Rajasingham, mais les mesures d’atténuation et la réponse doivent être adaptées à la nature spécifique de la pratique. L’autre problème que l’OCHA constate sont les tentatives d’ingérence dans la programmation de l’aide par les autorités de facto, qui ont contribué à une augmentation de 21% des obstacles bureaucratiques et administratifs depuis janvier 2023.
Alors que l’OCHA vient de lancer son « Aperçu général de la situation humanitaire dans le monde pour 2024 », il ressort que l’Afghanistan reste l’un des pays où les besoins humanitaires sont les plus importants. La communauté humanitaire s’est engagée à lui apporter une assistance, « mais nous ne pouvons pas être la solution », a averti M. Rajasingham. En fin de compte, le peuple afghan a besoin de solutions durables et d’une approche à long terme qui lui permettent d’aller au-delà de la simple survie, a-t-il conclu, plaidant notamment pour des solutions qui permettent de soutenir la création de revenus, l’agriculture, la résilience climatique et le rétablissement des services de base.
Intervenant en sa qualité de Président du Comité 1988 (2011) du Conseil de sécurité, M. JOSÉ JAVIER DE LA GASCA LOPEZ DOMINGUEZ (Équateur) a fait le point des derniers développements du régime de sanctions relatif à l’Afghanistan. Deux ans après la prise du pouvoir par les Taliban, a-t-il relevé, la situation en Afghanistan reste complexe et dynamique. En ce qui concerne la sécurité, il a signalé que certains groupes terroristes ont renforcé leurs activités, ce qui a conduit à une augmentation de la menace terroriste dans les États voisins contigus. Ainsi, des États Membres expriment leurs inquiétudes quant à la présence de combattants terroristes étrangers en Afghanistan. Et bien que les Taliban combattent Daech-Khorasan, le groupe conserve la capacité de mener des attaques terroristes de grand impact en Afghanistan. Les États Membres ont considéré que, compte tenu de sa nature et de ses objectifs bien connus d’établir un « califat », Daech-Khorasan était la menace terroriste la plus grave en Afghanistan, le groupe se projetant vers les pays voisins, l’Asie centrale et au-delà. Dans le même temps, certains États ont signalé qu’Al-Qaida tente de reconstruire ses capacités opérationnelles.
Le Président du Comité a cité l’équipe de surveillance, selon laquelle, bien que la production de pavot a été considérablement réduite cette année, les prix ont augmenté et la production de méthamphétamine a suivi la même trajectoire. Plusieurs des principales figures des Taliban restent profondément impliquées dans la production et le trafic de drogues, a-t-il relevé en suggérant, face à cette situation complexe, de conserver le système actuel du régime de sanctions en ce qu’il reste un outil approprié et efficace pour contrer les menaces à la paix et à la stabilité en Afghanistan.
Dans le cadre du contrôle des armes, il a noté le déploiement d’armes de même calibre que celles qu’utilise l’OTAN contre les forces gouvernementales d’États voisins. Il a aussi signalé le transfert de telles armes aux entités incluses dans la liste des sanctions. Au sujet de la crise humanitaire que vit l’Afghanistan, il a souligné que le mécanisme d’exemption humanitaire, créé par la résolution 2615 (2021), a permis de résoudre ce problème sans violer les sanctions des Nations Unies. Il a dit en outre que le Comité soutient les exemptions à l’interdiction de voyager pour des Taliban figurant sur la liste des sanctions lorsque ces Taliban œuvrent en faveur de la paix et de la stabilité ou sont engagés dans des activités humanitaires. Le Président du Comité a terminé son propos en soulignant l’importance pour les États Membres de collaborer et de partager des informations avec l’équipe de surveillance.
Mme SHAHARZAD AKBAR, Directrice exécutive de Rawadari, une organisation de la société civile afghane qui surveille la situation des droits humains dans son pays, notamment ceux des femmes, des filles et des groupes marginalisés, a déclaré avoir constaté une série alarmante de violations à tous les niveaux depuis la prise de contrôle de l’Afghanistan par les Taliban en août 2021. « Nous avons été témoins d’une répression des droits des femmes dans tous les domaines, de l’éducation au travail, en passant par la liberté de mouvement et la participation à la vie publique. » Une répression tellement systématique que les experts internationaux l’ont qualifiée d’« apartheid de genre »: les châtiments corporels publics se multiplient, comme les décrets limitant les droits et libertés des femmes, a dénoncé l’activiste. « Les promesses des Taliban d’un gouvernement inclusif, respectueux des droits des femmes se sont avérées être des mensonges », a tranché Mme Akbar.
Cette répression brutale s’applique également à l’espace civique, à la liberté d’expression et des médias, ainsi qu’aux défenseurs des droits humains, a-t-elle poursuivi, en faisant état d’attaques ciblées et de déplacements forcés. Elle a aussi dénoncé la marginalisation de différents groupes religieux et ethniques d’Afghanistan (Hazara, Ouzbeks, Turkmènes et Tadjiks), qui n’ont aucune représentation significative au sein de l’administration de facto. De même pour des oulémas chiites qui ont été exclus des conseils provinciaux. La Directrice exécutive a déclaré avoir assisté au démantèlement d’un système judiciaire qui était indépendant, de même qu’à celui de la Commission afghane indépendante des droits de l’homme. Elle a encore dénoncé la remise en cause de l’indépendance d’autres institutions juridiques et le remplacement de femmes, de juges chiites et d’autres professionnels du droit qui n’étaient pas affiliés aux Taliban. En a résulté une impunité généralisée qui porte atteinte à l’état de droit, en a-t-elle déduit.
Toutes ces violations répétées illustrent la « vision destructrice que les Taliban ont de l’avenir de notre pays. » Est-ce un avenir que la communauté internationale est prête à soutenir? a-t-elle demandé aux membres du Conseil. Elle leur a opposé la vision que la majorité des Afghans ont de leur pays et de leur société: « Nous voulons un pays qui embrasse sa riche diversité ethnique, linguistique et religieuse et respecte les droits humains de tous les Afghans. » Soutiendrez-vous notre vision d’un Afghanistan pacifique, égal, diversifié et démocratique, ou celle des Taliban, qui violent la Charte des Nations Unies et les valeurs fondamentales que ce Conseil prétend défendre?
La situation en Afghanistan n’est pas simplement une crise humanitaire, c’est aussi une crise politique, sécuritaire et, plus fondamentalement, des droits humains, a fait valoir la militante en demandant au Conseil de dire clairement que ces droits, en particulier ceux des femmes, figureront au cœur des prochaines mesures que la communauté internationale prendra en Afghanistan. Aussi a-t-elle fait plusieurs recommandations, à commencer par le refus de reconnaître ou de normaliser les Taliban, tant que leur discrimination systématique à l’égard des femmes et des filles perdurera. Elle a exhorté le Conseil à prévoir des garanties claires et explicites pour protéger les droits des Afghanes, y compris leur participation pleine, égale, significative et sûre, à toute prise de décisions ou nouveau mécanisme, tels que la création d’un envoyé spécial de l’ONU, à l’avenir. Ensuite, la Directrice exécutive a exigé des garanties de justice pour les violations des droits humains commises par les Taliban, notamment en portant plainte devant la Cour internationale de Justice (CIJ) pour violations de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et en établissant un mécanisme international indépendant d’établissement des responsabilités pour l’Afghanistan.
Puis elle a exhorté les États Membres et les organes compétents des Nations Unies à enquêter sur le traitement réservé aux Afghanes par les Taliban et à inclure l’apartheid de genre dans le traité sur les crimes contre l’humanité actuellement à l’étude. Il est également essentiel, selon Mme Akbar, que la MANUA mette en œuvre pleinement son mandat actuel, notamment en surveillant et en plaidant pour le respect des droits et en assurant la protection des personnes à risque. Enfin, la communauté internationale doit donner la priorité au soutien des défenseurs des droits humains et de la société civile afghans, a-t-elle encore préconisé.
M. KAZUYUKI YAMAZAKI (Japon) s’est dit préoccupé par la situation des Afghanes. Il a exhorté les Taliban à revenir sur leurs restrictions, à mettre fin à leur répression, à écouter le peuple afghan et à établir des relations constructives avec la communauté internationale. Le Japon, a-t-il poursuivi, vient d’annoncer une aide d’environ 58,4 millions de dollars, qui sera fournie principalement par le biais des agences onusiennes pour atténuer la crise multiforme en Afghanistan. S’agissant de l’évaluation indépendante, le représentant a salué l’accent mis sur la nécessité de promouvoir un climat de confiance avec les Taliban. La communauté internationale doit se montrer plus cohérente, plus coordonnée et plus structurée, a-t-il dit, avant de saluer l’intention du Secrétaire général d’élaborer une approche internationale mieux coordonnée à l’égard de l’Afghanistan. Il a souhaité la nomination d’un envoyé spécial des Nations Unies pour faciliter l’implication des parties prenantes, comme le recommande l’évaluation indépendante et souligné que la position des Taliban sur cette évaluation est tout aussi importante.
Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a expliqué qu’au cours de l’année écoulée, aux côtés du Japon, son pays s’est efforcé de préserver l’unité du Conseil sur le dossier afghan. La situation en Afghanistan n’est pas tenable, a tranché la déléguée, en saluant une feuille de route fondée sur l’évaluation indépendante demandée par le Conseil dans sa résolution 2679. Affirmant que le Conseil de sécurité n’a pas oublié les Afghanes et rejetant les restrictions qui leur sont imposées, la déléguée s’est dite convaincue que cela ne devrait pas empêcher la fourniture d’une aide qui relève de l’engagement de la communauté internationale en faveur de tout le peuple afghan. Il est possible d’agir et d’obtenir de part et d’autre des avancées basées sur des principes, a dit, à son tour, la représentante, avant d’annoncer que son pays parrainera le poste de conseiller pour la sécurité climatique au sein de la MANUA et d’appeler le Conseil de sécurité et la communauté internationale au pragmatisme pour préserver la vie et les moyens de subsistance de tous les Afghans. Personne ne gagnera à plonger l’Afghanistan dans une situation où son économie implose, ses agriculteurs n’ont plus les moyens de travailler et ses frontières sont marquées par une multiplication d’incidents.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a constaté que sur les 84 234 diplômés de l’enseignement secondaire qui ont participé à l’examen d’entrée à l’université cette année en Afghanistan, il ne figure aucune femme. Le développement économique de l’Afghanistan est inconcevable sans la contribution des femmes, a-t-elle lancé. Qu’elles soient cheffes d’entreprise, entrepreneures ou salariées, les femmes afghanes sont indispensables à la prospérité, a-t-elle ajouté. Elle a appelé la communauté internationale à se doter d’une stratégie commune et d’agir dans l’unité.
Outre l’inclusion des femmes dans tous les processus et activités, la déléguée a insisté sur l’importance du retour massif d’Afghans installés au Pakistan, dont 60% sont des enfants. Il est nécessaire que les États de la région soient étroitement impliqués dans tous les efforts, a-t-elle plaidé. Elle a ensuite demandé d’intensifier les efforts sur la question des changements climatiques, notamment au vu de ses impacts régionaux et globaux. Elle a enfin formé le vœu d’un Afghanistan où les droits humains et les libertés fondamentales de chaque individu sont respectés et où l’on puisse vivre en sécurité, à l’abri de la peur. Les possibilités d’éducation pour tous, mais surtout pour les femmes et les filles, sont un ingrédient clef de cette dynamique d’espoir pour un Afghanistan stable, sûr et prospère, a—t-elle conclu.
M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a centré son intervention sur la situation des Afghanes, l’accès humanitaire et l’évaluation indépendante demandée par le Conseil de sécurité. Il a appuyé l’idée selon laquelle l’ONU doit insister auprès des Taliban sur la nécessité d’inclure les femmes dans tous les secteurs de la société afghane. Les États-Unis, a-t-il dit, n’envisageront aucun rétablissement de leurs relations avec ce régime tant que les femmes n’auront pas accès au travail et à la vie sociale et politique, entre autres. Le délégué a noté que le rapport sur les activités de la MANUA relève les difficultés rencontrées par les Afghanes lorsqu’elles essaient de porter plainte pour violences sexistes, de même que l’absence d’agents de police de sexe féminin, ce qui complique l’accès des femmes et des filles à la justice.
Les États-Unis, a poursuivi le représentant, se sont engagés à fournir une aide qui a atteint un montant de plus de 2 milliards de dollars depuis 2021. Mais l’aide humanitaire à elle seule ne suffira pas et c’est la raison pour laquelle les Taliban doivent « revoir leur copie » et ne plus empêcher les femmes de contribuer à l’économie nationale. De notre côté, a assuré le représentant, nous travaillons avec les bailleurs de fonds, les banques de développement et d’autres partenaires pour financer des initiatives pérennes de nature à créer des moyens de subsistance pour le peuple afghan, y compris les Afghanes. Enfin, s’agissant de l’évaluation indépendante, le représentant a approuvé la recommandation sur la désignation d’un envoyé spécial chargé de créer un groupe de contact international.
M. ARIAN SPASSE (Albanie) a dit être préoccupé par le fait que les femmes et les jeunes filles afghanes continuent d’être « effacées de la vie publique ». Le représentant a dénoncé l’institutionnalisation de la discrimination et la violence sexuelle à l’encontre des femmes et des filles. Celles-ci vivent sous un régime d’apartheid, a accusé le représentant soulignant également la poursuite des exécutions extrajudiciaires, des arrestations arbitraires et des mauvais traitements infligés à d’anciens responsables gouvernementaux et à des membres des anciennes forces de défense et de sécurité nationales afghanes. En outre, il a dit craindre un débordement de l’instabilité de l’Afghanistan dans les pays voisins.
Pour le représentant, la situation dans ce pays n’était pas une simple question intérieure. Il a d’ailleurs noté les efforts déployés par les États Membres pour remédier à la situation sur les plan humanitaire, socioéconomique et des droits humains dans ce pays. Il a toutefois estimé que ces efforts resteront marginaux s’ils ne s’attaquent pas à la grave situation des femmes et des filles. En conclusion, le délégué a réitéré l’importance de l’octroi de l’aide humanitaire pour les populations et du soutien aux organisations de base pour faire face à la situation dans le pays.
M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana, Mozambique), a salué le plan d’intervention mis en œuvre par les autorités talibanes pour gérer le rapatriement à grande échelle des citoyens afghans revenant du Pakistan. Il a également salué la création de sous-comités chargés de fournir une assistance dans divers domaines, tels que la protection des droits des réfugiés afghans. Cela témoigne d’une approche proactive de la situation, a-t-il relevé avant de saluer aussi la création d’Ulemas Shuras (conseils provinciaux) dans les 34 provinces. Cela permet une plus grande participation de la population aux discussions sur les priorités de développement ainsi que sur la prévention et la résolution des conflits. Ce processus est essentiel pour reconstruire le tissu social afghan et favoriser la confiance entre la population et les autorités, a estimé le délégué. Il a encouragé les autorités talibanes à poursuivre leurs efforts pour rechercher des investissements et à renforcer la coopération avec les pays voisins.
Bien que la situation en matière de sécurité se soit améliorée, les A3, a-t-il poursuivi, restent préoccupés par la protection des groupes vulnérables, y compris le personnel des Nations Unies sur le terrain. Le représentant a insisté sur la nécessité impérative, pour les autorités, de poursuivre leurs efforts pour lutter contre le terrorisme et assurer la sécurité de tous les citoyens afghans. Il a aussi réitéré ses profondes inquiétudes quant aux restrictions imposées à la participation des femmes à la vie politique du pays, plaidant pour un système de gouvernance qui reflète la diversité de la société afghane et garantisse la participation effective et égale de tous les citoyens, y compris les femmes et les autres groupes minoritaires. En ce qui concerne la situation humanitaire, il a exhorté la communauté internationale à renouveler et même augmenter son soutien, ajoutant que le soutien au développement économique de l’Afghanistan et la fourniture d’une assistance technique sont essentiels pour répondre aux besoins fondamentaux des Afghans et renforcer leur résilience. Le représentant a fait part de l’approbation des A3 au déblocage des actifs financiers internationaux de l’Afghanistan dans le but de développer son économie, au bénéfice du peuple afghan.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a indiqué que sans accès à l’éducation, l’avenir des filles et des jeunes femmes afghanes est sombre car elles continueront d’être plus vulnérables à l’exploitation, au mariage forcé, à la violence domestique et même au suicide. Elle a appelé à la libération immédiate des défenseurs des droits humains qui ont été arbitrairement arrêtés et regretté profondément qu’il n’y ait pas eu de commission d’enquête ou de mission d’établissement des faits pour évaluer les violations des droits des femmes.
Malte, a-t-elle dit, reste ferme dans son soutien à la MANUA et à son personnel qui exercent leurs fonctions dans des conditions difficiles. Les strictes restrictions imposées aux Afghanes qui travaillent pour l’ONU et des organisations de la société civile ont réduit l’accès des filles et des femmes afghanes à une aide humanitaire vitale. Appelant les donateurs internationaux à se montrer encore plus généreux, elle a conclu en citant la lauréate du prix Nobel de la paix, Malala Yousafzai: Il a fallu une balle dans la tête pour que le monde soit à mes côtés. Que faut-t-il pour qu’il soit aux côtés des filles afghanes?
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a dit suivre avec la plus grande préoccupation la dégradation de la crise humanitaire et la multiplication des violations des droits humains en Afghanistan, qui résultent de la politique des Taliban. « Ceux-ci ont placé la ségrégation et la violence contre les femmes au cœur de leur identité politique, ce que la France n’acceptera jamais. » Son gouvernement, a indiqué la déléguée, a versé plus de 140 millions d’euros d’aide humanitaire depuis 2021, et la poursuivra dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la sécurité alimentaire. En outre, le Gouvernement français s’est aussi engagé, lors du Forum mondial sur les réfugiés qui s’est tenu du 13 au 15 décembre à Genève, à réinstaller des Afghanes en France, via le dispositif « Femmes en danger ». La déléguée a également fait part de l’engagement de son pays en faveur d’une stratégie unifiée en Afghanistan, dont l’objectif doit être le bien-être de la population afghane en l’absence de toute discrimination. Cette stratégie doit être le moteur d’un processus politique inclusif, pour permettre aux Afghanes de participer à la prise des décisions qui concernent leur pays.
M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a souligné l’importance de maintenir des canaux de communication ouverts et actifs avec l’Afghanistan en rappelant que la communauté internationale doit continuer à s’engager de manière constructive, et en reconnaissant les complexités et les nuances sur le terrain, dans le but de favoriser un État politiquement et ethniquement inclusif, exempt de terrorisme et de stupéfiants, et économiquement stable. Le rôle de la MANUA reste crucial pour soutenir ces efforts, a-t-il souligné, et le soutien international dans ces domaines est non seulement nécessaire mais vital. Il a salué les efforts déployés par les autorités de facto pour stabiliser l’économie, lutter contre la corruption, et combattre le terrorisme ainsi que la production et le trafic de stupéfiants, entre autres. Dans le même temps, il est tout aussi important de traiter efficacement la question des avoirs afghans gelés, a-t-il ajouté, en demandant instamment aux parties prenantes concernées de trouver des mécanismes acceptables pour injecter ces fonds dans l’économie afghane. Le représentant a également appelé les autorités de facto à revenir sur les politiques restrictives qui visent en particulier les Afghanes, et à promouvoir un système politique et social inclusif qui intègre les femmes et les groupes minoritaires.
M. GENG SHUANG (Chine) a regretté que les efforts de la communauté internationale envers l’Afghanistan n’aient pas donné lieu à des résultats tangibles. Il a appelé à augmenter l’aide humanitaire afin de donner de l’espoir à la population. Il faut aussi rétablir le secteur bancaire et permettre aux pays de participer de nouveau aux efforts de coopération et de connectivité régionales. Les avoirs afghans gelés à l’étranger doivent être restitués dans les plus brefs délais, a-t-il insisté.
Le délégué a ensuite engagé la communauté internationale à contribuer au relèvement pacifique de l’Afghanistan de sorte à créer des conditions propices à la protection des droits et intérêts des femmes et jeunes filles, tout en appelant à ne pas utiliser cette question comme moyen de pression. Il a également conseillé de renforcer la coopération avec les autorités afghanes afin de mieux comprendre la situation politique dans le pays, exhortant la communauté internationale à ne pas fixer de conditions préalables. Le représentant a aussi demandé au Conseil de sécurité d’accorder des dérogations aux interdictions de voyager pour les représentants du pays. En outre, il faut renforcer les efforts de lutte contre le terrorisme en Afghanistan et l’empêcher d’en devenir une plaque tournante. Prenant note de la diminution de 95% de la culture d’opium, le représentant a par ailleurs appelé à fournir un soutien ciblé pour des cultures alternatives et des programmes de réhabilitation.
M. THOMAS PATRICK PHIPPS (Royaume-Uni) a exprimé ses préoccupations face aux restrictions constantes des droits humains et des libertés fondamentales en Afghanistan, en particulier pour les femmes et les jeunes filles, et a appelé la communauté internationale à maintenir son action multilatérale en faveur des droits des femmes et de l’égalité des sexes.
Après avoir passé en revue l’aide fournie aux Afghans par le Royaume-Uni suite au séisme qui a frappé Hérat, le délégué a assuré que son gouvernement est pleinement engagé à trouver une voie constructive pour aller de l’avant. Il a souligné qu’en l’absence d’une stratégie internationale cohérente, il est de la responsabilité du Conseil de sécurité de saisir l’élan vital du dernier rapport d’évaluation.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a relevé que cela fait plus de deux ans que les Taliban sont au pouvoir, et malgré le discours bruyant des « collègues occidentaux » sur un éventuel effondrement, l’Afghanistan a survécu. Cependant, en tenant compte de l’ampleur des défis et des menaces, ainsi que de l’ensemble des problèmes laissés sur place après la fuite des troupes étrangères, sa population a plus que jamais besoin de notre aide et de notre soutien continus, a-t-il dit. « Combien d’années doivent-elles encore s’écouler avant que vous n’avouiez l’inefficacité et la futilité des tentatives de menaces, de pressions et de chantage? » a lancé le délégué.
Poursuivant, le représentant a jugé insuffisantes les mesures prises par les Taliban pour lutter contre le terrorisme, notant que la perspective d’une propagation des activités terroristes à l’extérieur du pays, en Asie centrale reste bien réelle. Le problème de la drogue est également étroitement lié au terrorisme, a-t-il ajouté. Après avoir salué le travail des humanitaires qui sont restés sur le terrain pour aider les Afghans, il s’est opposé à toute politisation de l’aide humanitaire, appelant au dégel des avoirs et à une assistance élargie pour appuyer la reprise économique du pays. Il a plaidé pour la formation d’un gouvernement véritablement inclusif, avec la participation de tous les groupes ethno-politiques du pays. Toutefois, une paix durable en Afghanistan est impossible sans une approche patiente et pragmatique et une interaction avec les autorités de facto sur un large éventail de questions. Il n’y a pas d’alternative à cette voie, a-t-il martelé. Il s’est enfin réjoui de constater que bon nombre des idées présentées dans le rapport du Secrétaire général ont des points communs avec les approches du format de Moscou.
M. JOSÉ JAVIER DE LA GASCA (Équateur) a fait part de sa préoccupation face à la fragilité du système économique afghan, la poursuite de pratiques qui bafouent les droits humains, la persistance des risques sécuritaires, la détérioration de la crise humanitaire et la vulnérabilité des personnes déplacées et des réfugiés, alors que les pays voisins prennent des mesures pour les contraindre au retour. Il a condamné les mesures restrictives prises par les Taliban contre les femmes, relevant par exemple qu’aucune fille ne faisait partie des 84 000 lycéens qui ont déposé une demande d’admission à l’université en 2023. Ce système doit être démantelé et le respect des droits fondamentaux des femmes et des filles, rétabli sans délai, a exigé le délégué. Il a ensuite considéré qu’il est de la responsabilité du Conseil d’analyser les mécanismes pour promouvoir un dialogue intra-afghan inclusif et participatif et une coopération qui améliore les conditions de vie de la population. Il a aussi estimé qu’il faut doter l’envoyé spécial dont la nomination est envisagée, d’un mandat qui lui permette de soutenir et de compléter les efforts de la MANUA. Le représentant a insisté, en conclusion, sur la nécessité de restaurer en Afghanistan l’espace civique, l’état de droit et la participation pleine, égale, significative et sûre des femmes à toutes les discussions relatives à l’avenir de leur pays.
M. NASEER AHMED FAIQ (Afghanistan) a salué l’engagement des pays qui défendent les droits fondamentaux du peuple afghan, en particulier des femmes et des filles. Il a souligné les nombreux défis de son pays notamment le besoin d’aide humanitaire et l’accès à l’éducation et à l’emploi, les assassinats ciblés d’érudits chiites, ainsi que les exécutions extrajudiciaires d’anciens membres des forces de sécurité et de défense et la présence des groupes terroristes. La baisse de l’aide humanitaire, les catastrophes naturelles, les retours forcés de migrants, le chômage et la pauvreté contribuent à l’incertitude ambiante quant à l’avenir, a déploré le représentant. Non seulement les Taliban ont échoué à relever ces défis, mais ils les ont exacerbés, a-t-il accusé, condamnant en particulier les violations systématiques des droits humains des femmes et des filles. La principale question, selon le délégué, est ce que la communauté internationale peut faire.
Les conclusions de l’évaluation indépendante du Coordonnateur spécial, M. Feridun Sinirlioğlu, rédigées en application de la résolution 2679 (2023) du Conseil de sécurité mettent l’accent sur les responsabilités de la communauté internationale à l’égard de l’Afghanistan et peuvent servir de base solide pour lancer des discussions visant à résoudre les problèmes fondamentaux, a estimé le représentant. Elles dénoncent le statu quo actuel qui n’est « ni acceptable ni durable » et notent que « l’approche internationale actuelle à l’égard de l’Afghanistan ne fonctionne pas ». Il est recommandé de rétablir les droits fondamentaux de tous les citoyens, en particulier des femmes et des filles, d’assurer leur participation active dans tous les domaines, et d’établir une gouvernance inclusive. L’évaluation indépendante souligne en outre la nécessité de s’entendre sur un plan d’action assorti d’un calendrier clair, y compris la nomination d’un envoyé spécial. Le représentant a mis en garde contre toute normalisation des relations avec les Taliban s’il n’y a pas de changements notables dans leurs politiques et leurs actions en matière de droits humains et de respect des normes internationales. Il faut aussi trouver une solution qui aboutisse à la formation d’un gouvernement véritablement inclusif et légitime, capable de refléter la volonté et les aspirations nationales du peuple afghan. « La voie à suivre doit être façonnée par tous les Afghans. » S’agissant du retour des réfugiés, le représentant a plaidé pour une solution durable qui donne la priorité à la sécurité, au bien-être et à la dignité des réfugiés afghans.
Pour M. ULUGBEK LAPASOV (Ouzbékistan), il est essentiel de veiller à ce que l’Afghanistan ne redevienne pas un havre de paix pour les terroristes et une menace pour la région. Ce serait une grave erreur que d’abandonner les Afghans à leur sort, sans moyens pour faire face aux problèmes auxquels ils sont confrontés. L’isolement et les sanctions ne font qu’aggraver la situation de l’Afghan moyen. Pour parvenir à une paix à long terme, il faut un gouvernement inclusif qui reflète fidèlement tous les segments de la société afghane et garantisse les droits et libertés, en particulier ceux des femmes et des minorités. Le représentant a aussi rappelé que pour ces six prochains mois, le Programme alimentaire mondial (PAM) aura besoin d’au moins un milliard de dollars pour fournir une aide vitale à 21 millions de personnes.
Affirmant que les nouvelles autorités afghanes réalisent des progrès significatifs dans la lutte contre la corruption, la toxicomanie, la production et le trafic de drogue et que la situation en matière de sécurité s’est considérablement améliorée, le délégué a fait part de la coopération entre son pays et l’Afghanistan dans le cadre des commissions conjointes sur les questions frontalières et agricoles. La paix, a-t-il dit, c’est aussi la reconstruction de l’économie nationale et la mise en œuvre de projets de grande envergure dans les domaines de l’énergie et des transports. Parmi ces projets, le représentant a cité la construction de la ligne ferroviaire Termez - Mazar-i-Sharif - Kaboul - Peshawar et la restauration du réseau routier afghan.
M. AMIR SAEID IRAVANI (République islamique d’Iran) a rappelé que les tremblements de terre d’octobre dans la province d’Hérat ont eu un impact direct sur 150 000 personnes, aggravant la situation humanitaire. Il a souligné la nécessité d’une aide humanitaire impartiale et de la levée des sanctions afin de soutenir la reprise économique en Afghanistan. En tant que voisin directement touché par la situation dans ce pays, comme en atteste la présence de millions de réfugiés afghans, l’Iran, a dit le délégué, a maintenu le contact avec les autorités de facto qui, il est vrai, n’ont pas pris de mesures significatives pour parvenir à une véritable intégration ethnique et politique. Les restrictions strictes imposées aux femmes et aux filles affectent particulièrement leur accès à l’éducation, s’est-il inquiété. Il a rappelé que lors de la réunion du format Moscou, le 29 septembre, son pays a proposé de créer un groupe de contact régional avec les Taliban afin de les encourager à honorer leurs obligations.
Nous prenons note, a poursuivi le représentant, des mécanismes proposés tels que le groupe de contact international et la nomination d’un envoyé spécial. Toutefois, a-t-il indiqué, nous jugeons que leur mise en place serait, à ce stade, prématurée. Il a prôné au préalable un examen approfondi de la situation qui doit dûment tenir compte des mécanismes régionaux existants et du mandat de la MANUA. La communauté internationale ne doit pas seulement viser la normalisation ou la reconnaissance des autorités de facto, elle doit surtout chercher à ce que cette normalisation ou cette reconnaissance bénéficie d’abord et avant tout au peuple afghan
Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a assuré que son pays, « partenaire de longue date du peuple afghan », continuera de coopérer activement avec d’autres dans le but de garantir la paix et la stabilité en Afghanistan. L’Inde, a-t-elle rappelé, s’associe déjà à plusieurs agences des Nations Unies présentes sur le terrain et continuera de le faire. La déléguée a souligné que les paramètres fixés par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2593 (2021) définissent l’approche de la communauté internationale en Afghanistan, avec pour priorités communes la fourniture d’une aide humanitaire; la formation d’une structure gouvernementale inclusive et représentative; la lutte contre le terrorisme et le trafic de stupéfiants; et le respect des droits des femmes, des enfants et des minorités. Pour sa part, New Dehli juge indispensable l’aide humanitaire, a insisté la représentante, en précisant aussi que le programme indien de bourses d’études réservées aux étudiants afghans se poursuit. Nous avons également collaboré avec diverses agences des Nations Unies, notamment le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), dans le cadre de l’assistance au peuple afghan, a-t-elle encore précisé.
M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a déclaré que la paix et la sécurité en Afghanistan sont une priorité stratégique de son pays. Les autorités de facto afghanes ont consolidé leur contrôle dans tous les domaines de la gouvernance du pays, assurant ainsi un minimum de stabilité. Parmi les éléments positifs, le représentant a noté que la culture de l’opium a diminué de 95%, des mesures ont été prises pour combattre Daech et la corruption a été réduite. Néanmoins, de graves difficultés demeurent, le plan de réponse humanitaire n’étant toujours financé qu’à 35% tandis que l’économie afghane est à court de liquidités, sans qu’il n’existe de garantie contre le financement du terrorisme. Selon le représentant, il est urgent de fournir un appui à la production de cultures alternatives à l’opium afin de préserver les moyens de subsistance des agriculteurs. Par ailleurs, le Gouvernement de facto doit s’acquitter de ses obligations s’agissant des restrictions imposées au droit à l’éducation et au travail des femmes et des filles.
La présence continue de groupes terroristes en Afghanistan constitue la plus grave menace pour le pays et l’ensemble de la région, « peut-être même pour le monde entier », a averti le représentant. Bien que les autorités de facto aient fait état de succès dans la lutte contre le terrorisme, le fait est que des groupes terroristes se trouvent en Afghanistan où ils bénéficient « manifestement » de la protection des autorités. Pour sa part, le Pakistan est confronté à la menace particulière de Tehrik-e Taliban Pakistan (TTP), responsable d’attaques transfrontières qui ont fait de nombreuses victimes civiles et militaires. Le TTP a été en mesure d’acquérir des équipements militaires avancés provenant des arsenaux abandonnés par les forces étrangères. Le représentant a exigé que l’ONU mène une enquête sur la provenance de ces armes. Ce groupe, a-t-il ajouté, aurait également reçu « le soutien de notre principal adversaire ». Afin que le Gouvernement de facto agisse contre ces groupes, il a encouragé le Conseil à revitaliser le Comité 1988. De même, Kaboul devrait selon lui œuvrer au rapatriement des 1,4 million de réfugiés afghans présents au Pakistan, de concert avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).