L’annonce d’un accord pour le déploiement d’armes nucléaires tactiques russes au Bélarus suscite inquiétude et controverses au Conseil de sécurité
Après l’annonce, le 25 mars par le Président Vladimir Putin, d’un accord conclu avec son homologue bélarussien Aleksandr Lukashenko pour installer des armes nucléaires tactiques russes sur le territoire du Bélarus, le Conseil de sécurité s’est réuni aujourd’hui pour examiner ce que le Royaume-Uni a qualifié de « nouvelle tentative d’intimidation et de coercition », mais qui a été présenté tant par la Fédération de Russie que par le Bélarus comme une réponse à des « provocations agressives » de l’Occident.
« Le risque d’utilisation d’une arme nucléaire est actuellement plus élevé qu’il ne l’a jamais été depuis la fin de la guerre froide », a alerté pour sa part la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement pour qui la guerre en Ukraine « représente l’exemple le plus aigu de ce risque ». Mme Izumi Nakamitsu en a également profité pour rappeler que les États parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qu’ils soient ou non dotés d’armes nucléaires, devaient respecter strictement les engagements et les obligations qu’ils ont contractés en vertu du celui-ci. Ce respect, a-t-elle souligné, est un élément essentiel de la prévention de la dissémination et de l’utilisation des armes nucléaires, ainsi que de leur élimination, laquelle reste « la priorité absolue » des Nations Unies en matière de désarmement.
À l’origine de la séance, les États-Unis ont dénoncé un comportement déstabilisant et accusé la Russie de nier ses obligations en matière de non-prolifération et de chercher à intimider tous ceux et celles qui cherchent à aider l’Ukraine à exercer son droit à la légitime défense. La France y a vu une violation du Mémorandum de Budapest et a jugé inacceptable que la menace de l’emploi des armes nucléaires soit utilisée par la Russie à des fins de coercition dans le cadre de sa guerre d’agression contre l’Ukraine. Plusieurs intervenants ont dénoncé en outre une rhétorique nucléaire « irresponsable » -Royaume-Uni ou encore Japon- ou au moins « imprudente » -l’Union européenne- susceptible d’aggraver une situation déjà tendue.
Plusieurs autres membres du Conseil ont exprimé leur inquiétude, à l’image du Gabon, pour qui ces déclarations, croisées aux livraisons massives d’armes à l’Ukraine, placent le monde à un « tournant dangereux de la guerre dans lequel l’utilisation de l’arme nucléaire apparaît de plus en plus comme une option ». C’est pourquoi Mme Nakamitsu a souligné que, dans les domaines liés aux armes nucléaires, « tous les États doivent éviter de prendre des mesures qui pourraient conduire à une escalade, à une erreur ou à un mauvais calcul ». Des propos repris par plusieurs membres du Conseil, dont les Émirats arabes unis, l’Équateur ou encore le Ghana, qui a jugé « réels » ces risques. Ces pays et d’autres ont appelé à la désescalade et à la reprise du dialogue.
La Chine a ainsi demandé à la communauté internationale de créer d’urgence les conditions propices à la paix et à la reprise rapide des négociations. Son représentant a en outre rappelé la déclaration du « P5 » -les cinq puissances nucléaires au titre du TNP- de janvier 2022 selon laquelle « une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée », également citée par la France et le Royaume-Uni et à laquelle le représentant russe a une nouvelle fois confirmé souscrire.
« L’annonce récente faite par Putin démontre bien que la signature d’accords n’a aucune valeur à ses yeux », a rétorqué l’Ukraine selon qui il n’aura fallu que quatre jours au Chef d’État russe pour violer la Déclaration conjointe sur l’approfondissement du partenariat de coordination stratégique global à l’ère nouvelle, récemment signée avec la Chine. La Russie démontre son échec à s’imposer sur le champ de bataille, a considéré le représentant ukrainien, pour qui Moscou, dans une tentative désespérée « d’éviter l’inévitable », à savoir sa défaite militaire en Ukraine, agite à présent la menace de l’« apocalypse nucléaire ».
Estimant que cette séance n’avait pas de raison d’être, le représentant russe a pointé du doigt les « missions nucléaires conjointes », dans le cadre desquelles des membres européens de l’OTAN accueillent sur leur territoire des armes nucléaires tactiques américaines, les jugeant incompatibles avec la lettre comme avec l’esprit du TNP. Mme Nakamitsu a rappelé que la question se posait « depuis des décennies », tout en ajoutant qu’à l’exception de celui annoncé le 25 mars, ces arrangements étaient tous antérieurs au TNP et que les positions des États parties concernés étaient « connues de tous ». Le Brésil a rappelé la sienne, selon laquelle tout accord de partage nucléaire est incompatible avec les articles I et II du TNP, ce qu’a contesté le représentant des États-Unis.
Dénonçant la « duplicité » des Occidentaux, la Fédération de Russie a vu « l’apothéose de leur hypocrisie » dans leurs tentatives de se présenter comme des champions de la paix tout en livrant sans arrêt armes et munitions à l’Ukraine et en jugeant inacceptable un cessez-le-feu pourtant réclamé dans les récentes initiatives internationales visant à résoudre la situation, initiatives « que la Russie salue ».
Les États-Unis, a encore accusé le délégué russe, veulent « consolider leur propre domination géopolitique et entraver le processus objectif d’établissement d’un monde multipolaire », tandis que « l’Occident global » veut imposer son « ordre fondé sur des règles », intrinsèquement néocolonial et sans aucun rapport avec le droit international, qui ne vise qu’à garantir à tout prix la prospérité du « milliard d’or ».
De telles actions obligent la Fédération de Russie et le Bélarus à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris militaires, pour assurer leur sécurité, a-t-il tranché. C’est aussi le discours qu’a tenu le représentant du Bélarus, pour qui le déploiement potentiel d’armes nucléaires russes sur le territoire de son pays serait en conformité avec le TNP: puisque le contrôle de ces armes relèvera exclusivement de la Fédération de Russie, il n’y aura donc pas de transfert, a-t-il argué.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Déclarations
Mme IZUMI NAKAMITSU, Secrétaire générale adjointe et Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a rappelé que, le 25 mars, la Fédération de Russie avait annoncé qu’elle était parvenue à un accord avec le Bélarus pour stationner des armes nucléaires non stratégiques sur le territoire de ce pays. Elle a ensuite ajouté que, dans les domaines liés aux armes nucléaires, elle tenait à « être claire dès le départ: tous les États doivent éviter de prendre des mesures qui pourraient conduire à une escalade, à une erreur ou à un mauvais calcul; tous les États parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qu’ils soient ou non dotés d’armes nucléaires, doivent respecter strictement les engagements et les obligations qu’ils ont contractés en vertu du Traité ».
Pour la Haute-Représentante, le respect de ces engagements et obligations est un élément essentiel de la prévention de la dissémination et de l’utilisation des armes nucléaires et de l’élimination des armes de destruction massive. Il est donc au cœur du maintien de la paix et de la sécurité internationales et l’élimination des armes nucléaires reste « la priorité absolue » des Nations Unies en matière de désarmement.
Mme Nakamitsu a rappelé que la question de l’accueil par un État non doté d’armes nucléaires de telles armes venant d’un État doté se pose « depuis des décennies, dans différentes régions et dans le cadre de différents arrangements ». Toutefois, a-t-elle fait observer, à l’exception de l’annonce du 25 mars, ces arrangements sont tous antérieurs au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
La question du « partage nucléaire » a fait l’objet de débats intenses lors de la négociation du TNP, a également rappelé Mme Nakamitsu, qui a précisé qu’elle avait fait l’objet de discussions ultérieures, notamment lors des conférences d’examen du TNP. Les États parties ont adopté des positions différentes, qui sont connues de tous et consignées dans les résumés des différentes conférences d’examen, a-t-elle ajouté.
Le risque d’utilisation d’une arme nucléaire est actuellement plus élevé qu’il ne l’a jamais été depuis la fin de la guerre froide, s’est inquiétée la Secrétaire générale adjointe, pour qui la guerre en Ukraine « représente l’exemple le plus aigu de ce risque ». L’absence de dialogue et l’érosion de l’architecture de désarmement et de contrôle des armements, combinées à une rhétorique dangereuse et à des menaces voilées, sont les principaux moteurs de ce risque potentiellement existentiel, a-t-elle déploré.
Répétant que les États doivent éviter de prendre des mesures qui pourraient conduire à une escalade, à une erreur ou à un mauvais calcul, Mme Nakamitsu les a appelés à renouer de toute urgence le dialogue pour désamorcer les tensions et mettre en œuvre des mesures de transparence et de confiance. Elle s’est fait l’écho de l’appel lancé par le Secrétaire général à la Fédération de Russie et aux États-Unis pour qu’ils reviennent à la pleine mise en œuvre du traité New START.
La mise en œuvre accélérée des engagements pris dans le cadre du TNP peut également contribuer à renforcer la stabilité internationale, a ajouté la Haute-Représentante, qui a exhorté tous les États parties au TNP à respecter pleinement leurs obligations et à s’engager immédiatement dans des négociations sur les armes nucléaires pour réduire le risque nucléaire et désamorcer les tensions.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a dénoncé l’annonce par la Russie de son intention de déployer des armes nucléaires tactiques au Bélarus de même que ses actions qui mettent en danger la sécurité mondiale et régionale. Quant à la justification du Bélarus, qui prétend avoir besoin de ces armes pour se protéger de l’OTAN, elle est tout simplement risible, a-t-il affirmé. Faire planer la menace de l’apocalypse est toujours dangereux, a prévenu le représentant selon lequel le Kremlin brandit l’arme nucléaire à chaque fois qu’il se retrouve au pied du mur ou acculé comme aujourd’hui. Or, le fait d’agiter cette menace met à mal les principes et dispositions du TNP, de l’architecture de désarmement et du système de sécurité internationale dans son ensemble, nous ramenant à la mentalité de la guerre froide. Pourtant, a-t-il relevé, pas plus tard qu’en janvier 2022, les États dotés de l’arme nucléaire affirmaient dans une déclaration conjointe qu’une guerre nucléaire ne saurait jamais être gagnée et que par conséquent elle ne devrait jamais être menée. À cette occasion, ces mêmes pays avaient également dit leur désir d’œuvrer à un environnement sécuritaire permettant de progresser dans le désarmement nucléaire en garantissant la sécurité absolue de tous. Eh bien, il semblerait que la Russie ait oublié ces belles théories, s’est ému le représentant, qui a estimé que plus que jamais, il fallait aider l’Ukraine à se défendre.
ROBERT A. WOOD (États-Unis) a dénoncé le comportement déstabilisant de « Putin » qui menace de déployer des armes tactiques au Bélarus, qualifiant de « ridicule » l’argument selon lequel ce déploiement serait justifié par l’utilisation de munitions perforantes. Le déploiement annoncé n’a rien à voir avec de telles munitions -qui sont utilisées depuis des décennies et détenues par Moscou elle-même- mais a tout à voir avec les tentatives du Kremlin de limiter ou de dissuader l’appui international apporté à l’Ukraine, a analysé le délégué. Et même si Moscou ne veut pas que l’Ukraine puisse se défendre contre les chars russes, le fait est que les chars russes n’entreraient pas en contact avec ces munitions perforantes si les chars russes ne se trouvaient pas sur le territoire souverain de l’Ukraine. Il n’existe aucune raison crédible pour que Moscou place des armes nucléaires au Bélarus, a-t-il insisté.
En envahissant l’Ukraine, a enchaîné le délégué, la Russie a bafoué le Mémorandum de Budapest de 1994. Elle a bloqué le consensus lors de la dernière conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et elle a refusé de resouscrire au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques. La Russie a ainsi nié ses obligations en matière de non-prolifération, s’est indigné le représentant, et elle cherche à présent à intimider tous ceux et celles qui cherchent à aider l’Ukraine à exercer son droit à la légitime défense. Reprochant à certains membres du Conseil de fermer les yeux face au conflit, il a souligné que le refus de voir la vérité ne mène pas à la paix, alertant que la menace nucléaire pourrait considérablement changer la nature même de cette guerre. Il a exhorté le « régime de Lukashenko » de mettre fin à sa collaboration avec la Russie et, à cette dernière, de mettre un terme à sa guerre d’agression en Ukraine.
M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a noté avec inquiétude l’annonce selon laquelle la Russie entend déployer des armes nucléaires au Bélarus, un développement qui contredirait ses condamnations répétées des systèmes de partage nucléaire, notamment lors de la dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). L’annonce soulève également des préoccupations concernant les engagements pris par la Russie dans le contexte du TNP, a ajouté le représentant. Il a condamné tout type de menaces nucléaires proférées par la Russie dans le cadre de son agression militaire contre l’Ukraine, exprimant la préoccupation de la Suisse devant l’érosion continue du système de contrôle d’armes nucléaires. Le délégué s’est ainsi ému de la décision de la Russie de suspendre sa participation au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques (New START) et de l’annonce faite par les États-Unis visant à limiter les notifications de leur côté. Il a ensuite exhorté les parties à redoubler d’efforts en vue de conclure un nouvel accord avant l’expiration en 2026 de ce dernier traité bilatéral portant sur les armes nucléaires.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) s’est dit préoccupé par les récentes informations concernant le déploiement par la Russie d’armes nucléaires tactiques au Bélarus, un mois après la suspension de sa participation au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques. Ces informations se croisent avec celles relatives aux livraisons massives d’armes à l’Ukraine, a-t-il relevé, y compris de munitions à uranium appauvri. Il est donc évident, à ses yeux, que nous nous trouvons à un tournant dangereux de la guerre dans lequel l’utilisation de l’arme nucléaire apparaît de plus en plus comme une option. Qu’elle serve de dissuasion ou qu’elle soit mise au service de la propagande des belligérants, la rhétorique du recours au nucléaire fait redouter le pire pour le monde, a mis en garde le représentant, ajoutant que ces développements vont à l’encontre des objectifs internationaux de désarmement et de non-prolifération nucléaires prescrits par le TNP. Par-dessus tout, cette tendance à la banalisation de l’arme nucléaire et de l’exhibition de la force est périlleuse pour l’humanité, s’est indigné le délégué dont le pays ne soutiendra jamais l’emploi ou la menace d’emploi d’armes nucléaires; ni d’aucune arme de destruction massive.
M. GENG SHUANG (Chine) a déclaré que les armes nucléaires sont une épée de Damoclès qui pèse au-dessus de nous. Il a rappelé que la Chine s’est engagée en faveur d’une stratégie nucléaire défensive, et à ne pas avoir recours à ces armes contre des nations non nucléaires. Le représentant a demandé à toutes les puissances nucléaires de ne pas déployer d’armes nucléaires à l’étranger et de retirer celles qui le sont déjà. La confiance mutuelle et la coopération sont essentielles à cet égard, a martelé le représentant. Il a appelé les États dotés de l’arme nucléaire à respecter la déclaration conjointe qu’ils ont adoptée en janvier dernier, soulignant en outre qu’une guerre nucléaire ne peut jamais être gagnée.
Sur la crise ukrainienne, le représentant a appelé à protéger les centrales nucléaires, à veiller à ce que les armes nucléaires ne soient pas utilisées et à ce qu’une guerre nucléaire ne soit pas déclenchée. Le recours ou la menace du recours à l’arme nucléaire doivent être évités à tout prix, a-t-il appuyé. Il a insisté sur l’impératif de reprendre le dialogue, de promouvoir sans tarder un règlement politique, et d’éviter tout acte qui serait susceptible d’exacerber les tensions et de prolonger la guerre. La communauté internationale doit créer d’urgence les conditions propices à la paix et à la reprise rapide des négociations, a-t-il insisté.
M. DARREN CAMILLERI (Malte) a rappelé que, depuis le début de l’agression russe contre l’Ukraine, le monde retient son souffle alors que Moscou mène des activités militaires imprudentes à l’intérieur et autour d’installations nucléaires civiles en Ukraine, et continue d’occuper la plus grande centrale nucléaire d’Europe à Zaporijia, posant ainsi un risque important d’incident radiologique. Depuis plus d’un an, a-t-il poursuivi, la paix et la sécurité internationales sont menacées, en raison des menaces nucléaires inacceptables brandies par la Russie contre son voisin, un État indépendant, souverain et non doté d’armes nucléaires qui a volontairement renoncé à son arsenal. L’Ukraine l’a fait de bonne foi, en échange de garanties sécuritaires de la part de la Russie, des garanties aujourd’hui « trahies », a dénoncé le représentant. En outre, il y a quelques semaines à peine, la Russie a déclaré qu’elle suspendait sa participation au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques, le dernier accord bilatéral de contrôle des armes nucléaires conclu avec les États-Unis, a-t-il encore regretté. Le délégué a appelé la Russie à cesser immédiatement sa guerre d’agression et à retirer toutes ses forces des frontières internationalement reconnues de l’Ukraine. À ce stade, la dernière chose à faire serait de faire encore monter les enchères, a mis en garde le délégué.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a rappelé qu’en janvier 2022, les membres du « P5 » avaient déclaré qu’une « guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée ». Tant qu’elles existeront, ces armes devraient servir à dissuader les agressions et prévenir la guerre. Et pourtant, a ajouté le représentant, malgré cet engagement, depuis le début de l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie, le Président Putin a utilisé une « rhétorique nucléaire irresponsable ».
Aucun autre pays n’a évoqué la perspective d’une utilisation nucléaire dans ce conflit, a fait observer le représentant, pour qui « personne ne menace la souveraineté de la Russie ». Il a vu dans l’annonce du 25 mars la « dernière tentative en date d’intimidation et de coercition » du Président Putin. Mais « cela n’a pas fonctionné et ne fonctionnera pas », a-t-il affirmé, ajoutant que le Royaume-Uni continuera à soutenir l’Ukraine pour qu’elle se défende.
Le Président Putin a affirmé que l’élément déclencheur de son annonce était la fourniture par le Royaume-Uni de munitions à l’uranium appauvri à l’Ukraine, ainsi que de chars Challenger, a noté le représentant. Mais, a-t-il ajouté, la Russie « sait parfaitement qu’il s’agit de munitions conventionnelles », accusant Moscou d’avoir menée une nouvelle « tentative délibérée d’induire en erreur ».
Le représentant a salué l’appel du Président chinois Xi à la communauté internationale pour qu’elle s’oppose conjointement à l’utilisation ou à la menace d’utilisation d’armes nucléaires. Disant prendre note de la déclaration commune sino-russe selon laquelle les armes nucléaires ne devraient pas être déployées à l’étranger, il a affirmé que, malgré ses déclarations d’intention, la Russie n’avait cessé de saper l’architecture de contrôle des armements qui sous-tend notre sécurité collective. Il a ainsi attribué à des « violations persistantes du Traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) par la Russie » l’effondrement de ce traité en 2019 et a rappelé que la Russie avait, en début d’année, suspendu sa participation au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques (New START).
Le Président Lukashenko n’a jamais caché son souhait de voir la Russie installer des armes nucléaires au Bélarus, a encore accusé le représentant, qui lui a demandé instamment de cesser de faciliter ainsi les « actions imprudentes » et génératrices d’escalade de la Fédération de Russie.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a rappelé la position de principe de son pays sur la nécessité pour la Fédération de Russie de mettre fin à son agression contre l’Ukraine comme base pour la recherche d’une solution politique au conflit et s’est alarmé du bilan humanitaire de la guerre, qui ne cesse de s’alourdir. Face aux destructions des infrastructures civiles, le représentant a rappelé aux belligérants leur obligation de respecter le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire et a attiré l’attention sur les conséquences qu’entraînent les violations en matière de responsabilité. Il a également rappelé les répercussions du conflit au-delà de l’Ukraine, en particulier pour les pays du Sud.
Le représentant a appelé à reconnaître que la guerre en cours sape les relations entre les États et entraîne des conséquences perturbatrices et indésirables. C’est pourquoi, a-t-il ajouté, nous devons redoubler d’efforts pour amener les parties belligérantes à la table du dialogue et de la diplomatie.
Le délégué a jugé « réels » les risques stratégiques découlant d’actions délibérées ou d’erreurs de calcul dans le contexte du conflit ukrainien. Rappelant l’opposition permanente de son pays aux armes nucléaires et aux doctrines stratégiques de modernisation des arsenaux, il a appelé les États à reculer et changer de cap. Il a aussi estimé que le régime de non-prolifération nucléaire avait besoin « de bonne foi, de dialogue, de confiance et de renforcement de la confiance » pour prospérer. Le représentant a plaidé en faveur d’un règlement pacifique du différend par la poursuite des négociations sur la base de la Charte et du droit international et a encouragé tous les États qui sont en mesure d’exercer une influence positive sur les parties belligérantes à les inciter à s’abstenir de rejeter les initiatives et les propositions de paix potentielles.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit vouloir apporter des éclaircissements sur l’origine réelle de la menace pour la paix et la stabilité. Il a décrit une architecture de sécurité mondiale victime d’une « grave érosion » du fait des États-Unis et de leurs alliés, les accusant de s’être lancés, depuis la fin de la guerre froide, dans un « processus de rupture et de démantèlement systématique et cohérent » d’accords clefs et du climat de confiance dans le domaine de la sécurité, processus dicté exclusivement, selon lui, par le désir des États-Unis de consolider leur propre domination géopolitique et d’entraver le processus objectif d’établissement d’un monde multipolaire.
Confirmant la déclaration du P5 de janvier 2022 selon laquelle aucune guerre nucléaire ne saurait être gagnée, le représentant a énuméré les accords internationaux auxquels les États-Unis ont mis fin ou dont ils ont provoqué l’effondrement: fin du traité soviéto-américain sur les missiles antibalistiques en 2003, retrait en 2019 des États-Unis du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (Traité FNI), retrait en 2020 du Traité « Ciel ouvert »; violation par les États-Unis du nouveau Traité de réduction des armements stratégiques qui a amené la Russie à en suspendre l’application le 21 février dernier.
M. Nebenzia a, de même, accusé les États-Unis d’avoir sapé l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien par son retrait unilatéral, d’avoir refusé de ratifier le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), notant en outre qu’ils n’avaient toujours pas rempli leurs obligations au titre de la Convention sur les armes chimiques (CIAC) et bloquent de surcroît le renforcement du régime de la Convention sur les armes biologiques par la création d’un mécanisme de vérification efficace. Le représentant a encore mentionné le refus des États-Unis de ratifier l’Accord d’adaptation du Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe, « détruisant ainsi les fondements de la sécurité paneuropéenne ». Il a, enfin, reproché aux États-Unis d’avoir rejeté les propositions de la Russie dans le cadre de la reprise en 2021 du dialogue global russo-américain sur la stabilité stratégique.
Pour le représentant, il n’y avait « aucune raison objective » de convoquer la réunion d’aujourd’hui. En effet, a-t-il affirmé, dans les années 90, la Russie a « tout mis en œuvre pour retirer les armes nucléaires de l’ex-Union soviétique et les installer sur son territoire ». La Russie, a-t-il ajouté, a aussi appelé à plusieurs reprises les États-Unis à faire de même en rapatriant leurs armes nucléaires sur leur territoire national et à mettre fin aux violations de longue date du TNP par les États-Unis et d’autres membres de l’OTAN dans le cadre des « missions nucléaires conjointes » incompatibles avec la lettre comme avec l’esprit du TNP.
Le représentant a affirmé que la coopération de la Russie avec le Bélarus ne viole en aucun cas ses obligations internationales en matière de non-prolifération. Il a rappelé que le Président Putin avait explicitement indiqué qu’il n’y avait pas de transfert d’armes nucléaires, mais un transfert au Bélarus de systèmes de missiles tactiques rapides Iskander-M, un rééquipement d’avions de l’armée de l’air bélarussienne et la construction d’une installation spéciale de stockage d’armes nucléaires tactiques sur le territoire du Bélarus, « qui sera sous le contrôle de la Russie ».
M. Nebenzia a ensuite insisté sur l’opacité du déploiement d’armes nucléaires tactiques américaines en Europe, dont l’emplacement exact n’a pas été révélé, citant toutefois les estimations selon lesquelles entre 100 et 150 bombes nucléaires tactiques américaines seraient actuellement déployées dans le cadre de la coopération nucléaire de l’OTAN en Europe, notamment aux Pays-Bas, en Belgique, en Italie, en Allemagne et en Türkiye. Il a aussi mentionné les appels lancés ces dernières années pour « étendre la géographie des sites de stockage nucléaire américains » vers l’Est et l’annonce en octobre 2022 par la Pologne de la négociation de sa participation à des « missions nucléaires conjointes ». Il est évident que de telles actions nous obligent à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris militaires, pour assurer la sécurité de la Russie et du Bélarus, a affirmé le représentant.
Pour le représentant, la préoccupation des pays occidentaux pour la stabilité mondiale « semble extrêmement hypocrite ». Il a dénoncé des « activités provocatrices permanentes en dehors de l’Europe », citant en particulier l’accord AUKUS entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, un « bloc qui provoque globalement des tensions, sape les efforts de maintien de la paix et de la stabilité dans la région Asie-Pacifique et ouvre la voie à une nouvelle course aux armements ».
Accusant les Occidentaux de « duplicité », le représentant en a vu un exemple dans la décision du Royaume-Uni de fournir à l’Ukraine, en plus de chars de combat, des obus à uranium appauvri, « munitions toxiques » utilisées en ex-Yougoslavie et en Iraq avec des « conséquences désastreuses pour les populations ». S’il se souciait réellement de sa population, le « régime de Kiev » aurait dû refuser ces munitions pour ne pas se mettre en danger et éviter la contamination future des terres.
Dénonçant la dissimulation par les Occidentaux des crimes commis contre la population russe dans l’est du pays, M. Nebenzia a vu « l’apothéose de leur hypocrisie » dans leurs tentatives de se présenter comme des champions de la paix tout en livrant sans arrêt armes et munitions. Il a également dénoncé leurs déclarations sur le caractère inacceptable d’un cessez-le-feu en Ukraine en réponse aux récentes initiatives internationales visant à résoudre la situation, « que la Russie salue ». L’approche sans principe et incohérente de l’Occident collectif face au conflit ukrainien illustre à quel point l’ordre fondé sur des règles n’a rien à voir avec le droit international » et ne vise qu’à garantir à tout prix la prospérité du « milliard d’or ».
Pour M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil), il semble évident que le désarmement nucléaire marche à reculons. Il a déploré que tous les États dotés d’armes nucléaires renforcent leurs arsenaux, soit quantitativement, soit qualitativement, soit les deux. Par ailleurs, il a estimé que tout accord de partage nucléaire est incompatible avec les articles I et II du TNP, rejetant les arguments selon lesquels ces accords ne constitueraient pas un « transfert », ou que les accords préexistants qui n’étaient pas conformes aux dispositions du TNP pourraient bénéficier d’une « clause de sauvegarde » dans le Traité. Le texte de ces articles est clair et leur intention encore plus, a tranché le représentant.
Répondre aux violations par des violations semble être devenu la logique dominante dans le contrôle des armes aujourd’hui, a-t-il encore déploré. À son avis, en réduisant les canaux de communication, en augmentant les facteurs d’incertitude et en réduisant la confiance, le monde devient moins sûr pour les États dotés d’armes nucléaires comme pour ceux qui n’en sont pas dotés. Aussi le délégué a-t-il instamment demandé à tous les membres de ce Conseil, et en particulier aux États dotés d’armes nucléaires, de s’engager à nouveau en faveur du contrôle des armements, du désarmement et de la non-prolifération et de s’acquitter de toutes leurs obligations au titre du TNP. Si dans d’autres domaines du droit international, la suspension des obligations peut parfois être la réponse appropriée à une violation d’un traité, cela ne devrait jamais être la réponse dans les domaines du désarmement et de la non-prolifération nucléaires, a fait remarquer le délégué: tout d’abord, parce que cette suspension, en elle-même, peut violer l’obligation de l’article VI du TNP de freiner la course aux armements et de s’engager dans le désarmement, mais aussi, et peut-être surtout, parce que les risques dans ce domaine sont plus élevés que dans presque tous les autres. Le représentant a prévenu que les violations des obligations en matière de contrôle des armes nucléaires et de désarmement menacent de déclencher des processus imprévisibles de course aux armements qui accroissent considérablement les risques d’escalade volontaire et involontaire. Toutes les parties doivent donc rétablir le dialogue, restaurer les mécanismes existants de contrôle des armes et de désarmement et travailler à la mise en place de nouveaux mécanismes qui leur permettront de respecter pleinement toutes leurs obligations au titre du TNP, a préconisé le représentant.
M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a rappelé que le 1er mars 2022, quelques jours à peine après le début de l’agression militaire contre l’Ukraine, 13 pays actifs dans le domaine du désarmement nucléaire et de la non-prolifération, dont l’Équateur, ont publié un communiqué commun rejetant l’ordre donné par la Fédération de Russie de placer les forces de dissuasion nucléaire en état d’alerte maximale, et exhortant ce pays à prendre des mesures urgentes en faveur du désarmement nucléaire. Regrettant qu’un an plus tard, le discours et les actions de la Russie aient continué d’attiser au lieu d’apaiser les inquiétudes mondiales, le représentant a exigé qu’il soit mis fin à tout recours à la menace nucléaire, alertant des conséquences pour la région et le monde de toute interprétation ou calcul erroné. Il a regretté l’annonce faite par la Russie, en février dernier, de suspendre sa participation au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques et l’a instamment invitée à honorer ses obligations dans le cadre de l’architecture internationale de sécurité et de non-prolifération.
Le représentant a déploré en outre que quatre jours après le début de l’agression militaire contre l’Ukraine, le Bélarus ait organisé un référendum pour supprimer de sa constitution son statut d’État exempt d’armes nucléaires, et qu’il ait désormais l’intention d’accepter le déploiement d’armes nucléaires tactiques sur son territoire. À ce sujet, le délégué a condamné l’annonce faite par la Russie de déployer des armes nucléaires tactiques au Bélarus, au mépris de ses obligations internationales, jugeant la situation d’autant plus alarmante dans le contexte de l’agression militaire qu’elle continue d’infliger à l’Ukraine. Les actions et le discours de la Russie alimentent le risque de guerre nucléaire, a mis en garde le représentant en appelant à la désescalade afin de réduire ces risques et d’éviter tout accident.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a constaté que la guerre en Ukraine a forcé la communauté internationale à affronter les dangers et les complexités associés aux armes nucléaires, aux matières nucléaires inactives et aux conflits armés à proximité et sur le site d’une centrale nucléaire. Il s’est inquiété du risque d’accidents et d’erreurs de calcul dans un contexte de tensions croissantes et d’intensification des conflits. Il ne faut ne pas se limiter à analyser la légalité de chaque action individuelle alors que c’est l’ensemble de ces actions qui nous rapproche de plus en plus d’une catastrophe nucléaire, a affirmé le représentant. Il s’est déclaré convaincu qu’aujourd’hui le dialogue reste possible, évoquant le récent accord entre la Russie et l’Ukraine visant à prolonger l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire. Il a espéré que ce même esprit permettra de faire avancer la diplomatie dans le domaine de la sûreté et la sécurité nucléaires.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a condamné l’annonce faite par le Président russe d’un accord conclu entre la Russie et le Bélarus pour y déployer des armes nucléaires. Il s’agit là d’un coup supplémentaire porté par la Russie à l’architecture de maîtrise des armements, à la stabilité stratégique en Europe et à la paix et la sécurité internationales, a déploré le représentant. En annonçant son intention de déployer des armes nucléaires à l’extérieur de ses frontières, elle contrevient à nouveau à ses engagements internationaux, en particulier ceux du Mémorandum de Budapest, et aggrave une situation déjà instable. Le représentant a appelé au respect de la déclaration du P5 en date du 3 janvier 2022, endossée par Vladimir Putin, sur la prévention de la guerre nucléaire et des courses aux armements. Il a jugé inacceptable que la menace de l’emploi des armes nucléaires soit utilisée par la Russie à des fins de coercition dans le cadre de sa guerre d’agression contre l’Ukraine, et a condamné l’utilisation du territoire bélarussien comme base arrière et rampe de lancement des frappes russes contre les infrastructures civiles d’Ukraine. La France, a-t-il ajouté, appelle solennellement le régime bélarussien à ne pas franchir un pas supplémentaire dans l’escalade en revenant sur sa décision d’accepter le déploiement d’armes nucléaires sur son territoire.
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a condamné les propos du Président Putin concernant la décision de la Fédération de Russie de déployer des armes nucléaires tactiques au Bélarus, qui accroît encore la tension, avant d’accuser la Russie « d’abuser » de son statut d’État doté d’armes nucléaires par une « rhétorique irresponsable ». Le Japon ne pourra jamais accepter les menaces nucléaires de la Russie, et encore moins l’utilisation d’armes nucléaires, a ajouté le représentant, qui a appelé les autres États Membres à s’abstenir de tout soutien, direct ou indirect, à de telles actions.
Le représentant a rappelé que, le mois dernier, la Fédération de Russie avait également annoncé la suspension de la mise en œuvre du traité New START, mesure que le Japon « regrette profondément » et sur laquelle le représentant a demandé à la Fédération de Russie de revenir immédiatement. Le Japon condamne la menace russe d’utiliser des armes nucléaires, qui constitue une menace grave et inacceptable pour la paix et la sécurité de la communauté internationale. La Russie ne doit pas mettre fin au record de 77 ans de non-utilisation d’armes nucléaires, a ajouté le représentant, qui a appelé les États Membres à renouveler leur engagement à travailler ensemble pour maintenir et renforcer le régime du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et promouvoir le désarmement et la non-prolifération nucléaires ainsi que la maîtrise des armements.
En conclusion, le représentant a demandé instamment tant à la Fédération de Russie qu’au Bélarus de cesser toute action susceptible d’accroître les tensions, ajoutant que la Russie devait immédiatement mettre fin à sa guerre d’agression, retirer toutes ses troupes et son équipement militaire de l’Ukraine.
M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) a rappelé que son pays n’a cessé d’attirer l’attention sur le risque d’erreur stratégique et sur la possibilité que la guerre en Ukraine ne dégénère en un conflit plus vaste et plus dangereux. La menace du recours aux armes nucléaires envoie un signal dangereux parce qu’elle peut précipiter la reprise de la course aux armements nucléaires et parce qu’elle constitue un renversement de l’engagement de la communauté internationale en faveur d’un monde dénucléarisé, a-t-il fait observer. Alors que le Conseil délibère sur cette question, il a appelé à réfléchir à l’exemple donné par le continent africain dans la promotion d’un monde dénucléarisé, notamment avec le Traité de Pelindaba qui fait de l’Afrique une zone exempte d’armes nucléaires. L’Afrique est un continent qui ne possède pas d’armes nucléaires et qui s’est engagé à le rester, a-t-il martelé. Demandant instamment à toutes les nations de tirer les leçons historiques de l’utilisation tragique d’armes nucléaires à Hiroshima et Nagasaki, il les a exhortées à renouveler leur engagement en faveur d’un monde dénucléarisé. Toutes les parties concernées doivent engager un dialogue constructif et travailler ensemble pour trouver des solutions pacifiques à leurs problèmes de sécurité, conformément aux principes et aux objectifs de la Charte des Nations Unies, a imploré le délégué en encourageant la communauté internationale à rester unie dans son engagement en faveur du désarmement nucléaire, de la non-prolifération et de la promotion de la paix et de la sécurité dans le monde. Il n’existe pas d’autres options civilisées et pacifiques plus simples à notre disposition, selon lui.
M. WOOD (États-Unis) a repris la parole pour accuser la Fédération de Russie d’avoir multiplié les fausses informations et d’avoir notamment violé le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) en déployant un missile interdit dès 2017, ce qui a amené son pays à se retirer de ce traité, une mesure « regrettable » mais pour laquelle « il n’y avait pas d’autre choix », a-t-il ajouté. Il a également déclaré que la Russie n’avait pas eu, pendant 40 ans, d’opposition fondamentale au « partage nucléaire » de l’OTAN et ce, jusqu’à « l’invasion de la Crimée » en 2014. Il a nié que les États-Unis violent ou aient l’intention de violer le TNP, en soulignant que Washington respecte pleinement ses obligations en vertu de cet instrument, invitant les pays qui accusent les États-Unis à relire le Traité. Le représentant a jugé préférable de discuter des projets de déploiement d’armes nucléaires au Bélarus, « une menace fondamentale pour la paix et la sécurité internationales ». Quant à « notre collègue russe », il ne s’est pas pleinement expliqué sur les différents aspects du respect de ses obligations internationales s’agissant de la maîtrise des armements, a-t-il observé.
M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a repris la parole à son tour pour remercier le représentant des États-Unis d’avoir reconnu que c’est son pays qui avait quitté le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) en 2019. Il a dit avoir l’intention d’envoyer un courrier aux membres du Conseil pour décrire les mesures prises et préciser qui est à l’origine de quoi à ce sujet. Il a notamment rappelé que c’est le Président Trump qui avait, début 2019, annoncé le retrait des États-Unis du Traité FNI. Il a ensuite demandé à son homologue des États-Unis s’il confirmait que des armes nucléaires tactiques se trouvent en Europe.
M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a indiqué avoir demandé la tenue de cette séance à la suite de la dernière déclaration en date de la Fédération de Russie au sujet de son intention de déployer des armes nucléaires tactiques sur le sol du Bélarus, une nouvelle provocation du « régime criminel de Putin » qui remet en cause les principes fondamentaux du TNP. Alors qu’aujourd’hui marque le quatre cent unième jour de la guerre, la Russie démontre son échec à s’imposer sur le champ de bataille, a considéré le représentant, pour qui Moscou, dans une tentative désespérée « d’éviter l’inévitable », à savoir sa défaite militaire en Ukraine, agite à présent la menace de l’« apocalypse nucléaire ». L’annonce récente faite par Putin démontre bien que la signature d’accords n’a aucune valeur à ses yeux, a affirmé le représentant qui a rappelé que le Président russe avait signé en janvier 2022 la Déclaration conjointe des dirigeants de cinq États dotés de l’arme nucléaire sur la prévention de la guerre nucléaire et de la course aux armements.
Et il ne lui a fallu que quatre jours cette fois-ci pour violer une autre promesse qu’il a faite avec son homologue de la Chine, dans la Déclaration conjointe sur l’approfondissement du partenariat de coordination stratégique global à l’ère nouvelle, dans laquelle est stipulé que « tous les États dotés de l’arme nucléaire devraient s’abstenir de déployer des armes nucléaires en dehors de leur territoire national ». Il faut d’ailleurs porter au crédit de la Chine d’avoir poliment rappelé à la Russie qu’une guerre nucléaire ne peut être gagnée et que la prolifération doit être combattue, a commenté le délégué ukrainien. La Russie a par ailleurs été le seul pays à bloquer le consensus sur le document final de la Conférence d’examen du TNP, qui s’est déroulée en août 2022, et a également suspendu sa participation au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques
L’Ukraine, en revanche, a toujours été un membre responsable de la communauté internationale, qui a contribué de manière inédite au désarmement nucléaire en adhérant au TNP et en signant le Mémorandum de Budapest de 1994, la conduisant à renoncer à son arsenal nucléaire, s’est enorgueilli le représentant. Face à la menace agitée aujourd’hui par la Russie, il est crucial que les nations responsables prennent des actions décisives ayant force de dissuasion et enrayent l’érosion de l’architecture de désarmement et de non-prolifération par Moscou.
M. VALENTIN RYBAKOV (Bélarus) a déclaré que son pays n’avait eu de cesse de contribuer au processus de désarmement nucléaire, comme en témoigne son action. Le Bélarus a ainsi choisi volontairement en 1993 de renoncer aux armes nucléaires et a adhéré au TNP, devenant le premier État de l’ex-URSS à agir ainsi avant de bénéficier en 1994 des garanties offertes par la Fédération de Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni dans le cadre du Mémorandum de Budapest. Or, a fait observer le représentant, le Bélarus fait l’objet de multiples sanctions unilatérales et pressions qui constituent des violations évidente du Mémorandum de Budapest ainsi que des ingérences flagrantes dans les affaires intérieures d’un État indépendant.
Face au renforcement de menaces militaires dans les États voisins, le Bélarus a dû prendre les mesures qui s’imposaient pour assurer sa défense, a expliqué le représentant, qui a assuré que lesdites mesures avaient un caractère exclusivement défensif. Les accords conclus avec la Fédération de Russie s’inscrivent pleinement dans le cadre du droit international, a-t-il ajouté. Le déploiement potentiel d’armes nucléaires sur le territoire du Bélarus constitue la réponse nécessaire aux menaces et sont prises « en stricte conformité » avec le TNP car le contrôle de ces armes relèvera exclusivement de la Fédération de Russie: il n’y aura donc pas de transfert, a-t-il ajouté.
Le Président du Bélarus s’est adressé aujourd’hui au peuple et à l’Assemblée nationale et a indiqué que le pays n’entendait pas attaquer qui que ce soit mais choisissait la réponse adéquate face à une menace extérieure, a poursuivi le représentant. La coopération entre le Bélarus et la Fédération de Russie n’est pas une nouveauté, a-t-il ajouté , avant de rappeler que, pour sa part, l’OTAN mène, de longue date, des « missions nucléaires conjointes ». Il a aussi rappelé que plusieurs pays européens membres de l’OTAN accueillent sur leur territoire quelque 150 bombes nucléaires américaines tandis que quelque 250 avions ont été préparés pour les transporter.
M. Rybakov a dit remercier l’Ukraine d’avoir porté la question de ce jour au Conseil de sécurité, lequel doit prendre conscience, tout comme la population mondiale, du danger que constituent les « missions nucléaires conjointes » de l’OTAN, qui doivent prendre fin. Le représentant a appelé les États-Unis à retirer des territoires européens leurs armes nucléaires tactiques et a suggéré que « le prochain président du Conseil de sécurité » –la Fédération de Russie- convoque une séance du Conseil sur cette question. N’interférez pas dans nos affaires intérieures et occupez-vous de vos propres problèmes, y compris en matière de droits humains, a ensuite lancé le représentant, qui ajouté que les pays qui prenaient des sanctions à l’égard du Bélarus n’avaient « pas la moindre idée de ce que pense le peuple du Bélarus » avant de s’en prendre vivement au représentant de l’Albanie.
M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne (UE), a condamné l’annonce par la Russie, le 25 mars, de son intention de déployer des armes nucléaires sur le territoire du Bélarus et de la conclusion d’un accord avec ce pays à cette fin. Cette annonce, qui s’inscrit dans le cadre d’une rhétorique nucléaire imprudente et continue de la part de la Russie, constitue une nouvelle étape irresponsable qui aggrave une situation déjà tendue, a-t-il fait valoir. Il a également reproché au régime bélarussien d’être complice de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine et d’avoir renoncé à la position déclarée du Bélarus d’être un territoire non nucléaire, tel que stipulé dans sa constitution avant sa révision l’an dernier. Notant que le Bélarus peut encore choisir de refuser d’accueillir les armes nucléaires russes, il a appelé les autorités bélarussiennes à cesser immédiatement de soutenir la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine et à revenir sur toute décision qui ne ferait qu’aggraver les tensions dans la région.
Le représentant de l’UE a également rappelé qu’il y a un peu plus d’un an, le 3 janvier 2022, la Russie a signé la déclaration commune des États dotés de l’arme nucléaire, réaffirmant qu’« une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée », un engagement réitéré le 22 mars dans sa déclaration conjointe avec la Chine. La Russie agit en contradiction flagrante avec les engagements dont elle s’est engagée à être la gardienne, s’est indigné le délégué. Il a exhorté la Russie et le Bélarus à revenir sur cette décision et à respecter tous leurs engagements susmentionnés, ajoutant que l’UE demande également à la Russie de reprendre la mise en œuvre du nouveau Traité de réduction des armements stratégiques.
M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a exprimé sa vive inquiétude à l’annonce des projets de la Fédération de Russie de déployer des armes nucléaires tactiques et leurs vecteurs au Bélarus, une décision qui constituerait une « escalade irresponsable » et ne ferait qu’accroître les tensions en Europe consécutives à l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Elle constituerait également un risque majeur pour l’intégrité du système mondial de non-prolifération, a ajouté le représentant. « La stratégie de Moscou, dont Aleksandr Lukashenko s’est fait l’écho aujourd’hui, est claire: intimider, provoquer, entraver les efforts visant à mettre fin à la guerre de la Russie contre l’Ukraine », a souligné le représentant, qui a dénoncé cette rhétorique de la confrontation.
Le délégué a également condamné les efforts continus de la Russie pour subordonner totalement le Bélarus, « tant politiquement que militairement », et instrumentaliser davantage Minsk dans la poursuite de sa politique agressive. La Russie, a-t-il accusé, n’a cessé de violer ses engagements en matière de contrôle des armements, l’un des actes les plus récents ayant été la suspension de sa participation au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques. Mais n’oublions pas l’effondrement du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire en 2019, qui est également dû aux décisions de la Russie, a dénoncé le représentant.
Les menaces répétées d’utilisation d’armes nucléaires sont totalement irresponsables et inacceptables, même si elles se résument à un « bluff politique », a estimé le délégué. Il a appelé la Russie et le Bélarus à s’abstenir de poursuivre leurs plans annoncés et à respecter leurs engagements internationaux, de même que tous les États à redoubler d’efforts pour renforcer le système de non-prolifération et écarter le risque d’une apocalypse nucléaire.
M. REIN TAMMSAAR (Estonie), qui s’exprimait au nom des pays baltes (Lettonie, Lituanie et Estonie), a rappelé qu’il y a un peu plus d’un an, la Russie a signé la déclaration commune du P5 réaffirmant qu’« une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée ». La semaine dernière, la Russie a réaffirmé ce principe dans une déclaration commune avec la Chine. Mais quelques jours plus tard, les masques sont tombés: la Russie a de nouveau eu recours à une rhétorique nucléaire dangereuse et irresponsable en révélant son prétendu plan de déploiement d’armes nucléaires au Bélarus. En agitant la menace d’une escalade nucléaire, le Kremlin espère dissuader l’Ukraine d’exercer son droit inhérent à l’autodéfense, et intimider ses soutiens. Mais le chantage nucléaire ne fonctionne pas, a tranché le représentant, et nous ne nous laisserons ni intimider ni dissuader. Il a indiqué que les pays baltes poursuivront leur soutien à l’Ukraine tant que la Russie n’aura pas retiré toutes ses forces du territoire de l’Ukraine. Il a ensuite demandé au Bélarus de cesser de jouer le rôle de catalyseur de la guerre illégale menée par la Russie en Ukraine et d’être complice de ses manœuvres désespérées pour menacer ses voisins et déstabiliser l’Europe.
Relevant par ailleurs que la Russie assumera la présidence du Conseil de sécurité, demain 1er avril, date de l’anniversaire du massacre de Boutcha, il a jugé « honteux, humiliant et dangereux » pour la crédibilité et le fonctionnement efficace de cet organe qu’un pays qui mène une guerre d’agression contre son voisin, qui menace le monde d’armes nucléaires et dont le dirigeant est un criminel de guerre faisant l’objet d’un mandat d’arrêt permanent de la CPI, prenne la tête d’un organe dont l’objectif premier est de préserver la paix et la sécurité internationales.