Conseil de sécurité: malgré quelques progrès, le défi de la protection des enfants dans les conflits armés reste à relever, selon la Représentante spéciale
Avec 24 000 violations graves recensées en 2021, un « chiffre scandaleusement élevé », la protection des enfants dans les conflits armés reste un défi, a constaté ce matin la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de cette question, Mme Virginia Gamba, devant le Conseil de sécurité, où elle était venue présenter le rapport publié par son bureau à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de sa création.
Meurtres, mutilations, enrôlements forcés dans les rangs de groupes armés, enlèvements et déni d’accès humanitaire: voilà les atteintes les plus graves visant les enfants dans les théâtres de conflit à travers le monde, dont plusieurs ont retenu l’attention des membres du Conseil, qu’il s’agisse du Yémen, de l’Ukraine ou de l’Afghanistan. L’attention a aussi été portée sur la grande vulnérabilité des enfants en situation de conflit armé lorsqu’ils manquent d’éducation ou de moyens de subsistance, sont déplacés par le conflit, ou souffrent d’un handicap.
Si une multitude d’outils et d’initiatives robustes existe au sein de l’ONU pour protéger les enfants contre ces violations graves, notamment sa capacité à dialoguer avec les parties belligérantes, le Conseil de sécurité plus précisément dispose, avec la résolution 2427 (2018), du texte le « plus coparrainé » de son histoire, comme le précise la note de cadrage que la présidence maltaise a fait circuler parmi les autres membres.
Dans cette résolution, que beaucoup ont aujourd’hui appelé à mettre pleinement en œuvre, le Conseil a établi un cadre visant à faire en sorte que les questions relatives aux enfants et aux conflits armés, notamment celles ayant trait à la prévention des violations commises contre les enfants, soient prises en compte dans toutes les stratégies de résolution des conflits et de pérennisation de la paix. Ces questions concernent les systèmes d’alerte rapide, la traite, les problèmes transfrontières, la privation de liberté et le développement de politiques nationales de prévention et de protection, précise encore la note.
Si des plans de prévention ont été élaborés aux Philippines, et que des engagements en ce sens sont en cours avec la République centrafricaine, la Colombie, le Mali ou encore le Soudan, la Représentante spéciale a considéré qu’il reste encore beaucoup à faire. Elle a ainsi énuméré les stratégies nationales ou les approches communes de prévention aux niveaux sous-régional et régional qui pourraient être élaborées, ainsi que le nécessaire renforcement des capacités des gouvernements désireux de s’engager dans cette direction, grâce à l’expertise de l’ONU.
C’est dans ce contexte que Mme Gamba a renforcé le partenariat de son bureau avec celui de son homologue chargée de la question de la violence contre les enfants, pour mieux anticiper les risques avant, pendant et après un conflit. La Représentante spéciale Najat Maalla M’jid, qui s’est également exprimée aujourd’hui, a estimé possible de prévenir les six violations graves identifiées dans le rapport à condition d’identifier les risques et vulnérabilités préexistants des enfants avant l’éclatement du conflit.
Cette action en amont a également été recommandée par les membres du Conseil ainsi que par la représentante de la société civile dans ce débat, une jeune activiste camerounaise de 18 ans prénommée Divina, qui a appelé à miser sur la participation des jeunes pour prévenir les risques de violations à leur égard et refermer les cycles de violence. Mais selon elle, les gouvernements ou les grandes organisations internationales ne donnent pas l’espace nécessaire aux enfants et aux jeunes pour les faire participer à la prise de décisions les concernant. Malte a abondé dans ce sens, de même que l’Équateur, défendant la participation des enfants en amont, pour l’identification des risques et des vulnérabilités préexistants conduisant à des violations graves. Ils ont estimé que leur point de vue est crucial pour mieux comprendre le contexte dans lequel les violations sont perpétrées et l’impact des conflits et des processus de paix sur eux.
La Suisse, attachée comme d’autres membres du Conseil à la réalisation du droit à l’éducation des enfants, a fait valoir la tenue, cette semaine, à son initiative et en partenariat avec le fonds Education Cannot Wait, d’une conférence de haut niveau dédiée à la promotion et au financement de l’éducation dans les situations d’urgence et les crises prolongées. Y participeront également l’Allemagne, la Colombie, le Niger, la Norvège et le Soudan du Sud, a-t-elle précisé. Pareil pour le Japon, fer de lance de programmes éducatifs dans les pays touchés par les conflits, comme en témoignent ceux qu’il a lancés en Afghanistan pour alphabétiser les filles et former leurs enseignants. De même, avec l’aide financière de Tokyo, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a aidé le Burkina Faso à construire des écoles secondaires et à développer des modules d’apprentissage spécifiques pour promouvoir la paix et la cohésion sociale dans le pays.
Alors que la Déclaration sur la sécurité des écoles a été présentée comme un des nombreux outils grâce auxquels les États Membres peuvent se mobiliser pour protéger les enfants, la Fédération de Russie a dénoncé les violations de pays signataires. Elle a fait état de frappes « documentées » des forces armées ukrainiennes contre des écoles et des hôpitaux dans le Donbass, avant d’accuser les États-Unis, la France et le Royaume-Uni de violer la Déclaration, puisque les systèmes d’artillerie et autres armes que ces pays fournissent sont directement utilisés par les « militants de Kiev » pour frapper écoles et hôpitaux.
Les États-Unis ne l’ont pas entendu de cette oreille, affirmant pour leur part que la guerre lancée par la Russie a un impact dévastateur sur le sort des petits Ukrainiens. Ils ont fait valoir que le Secrétaire général lui-même a inclus dans son rapport le conflit dans leur pays comme une source de préoccupation. Raison pour laquelle la France a salué l’activation sur son territoire du mécanisme des Nations Unies pour la surveillance et la communication des exactions commises contre les enfants, en insistant sur l’importance de la lutte contre l’impunité. Une préoccupation partagée par la Chine, le Gabon et le Brésil, notamment.
LE SORT DES ENFANTS EN TEMPS DE CONFLIT ARMÉ
Prévention
Déclarations
Mme VIRGINIA GAMBA, Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, a rappelé que, chaque année, elle présente au Conseil de sécurité son rapport annuel sur les enfants et les conflits armés avec des données recueillies par le biais du mécanisme de surveillance indiquant les tendances des violations, lesquelles « restent à un niveau scandaleusement élevé ». En 2021, la dernière année couverte par ce rapport, l’ONU a vérifié près de 24 000 violations graves commises contre des enfants, dont les plus nombreuses étaient des meurtres et des mutilations, l’enrôlement forcé, ainsi que des enlèvements et le refus de permettre un accès humanitaire. Au moment de préparer notre prochain rapport pour 2022, les données recueillies montrent que ces tendances se poursuivent, a constaté la haute fonctionnaire.
Les enfants les plus vulnérables aux violations graves en situation de conflit armé sont ceux qui manquent d’éducation ou de moyens de subsistance, sont déplacés, ou souffrent de handicap, a présenté Mme Gamba. Elle a expliqué que ces enfants sont ainsi plus exposés au recrutement par les groupes armés et à d’autres risques tels que les violences sexistes en temps de guerre. Elle a rappelé que l’ONU dispose d’une multitude d’outils et d’initiatives robustes pour protéger les enfants contre ces violations graves, à commencer par le dialogue avec les parties au conflit, qui a abouti à des centaines d’engagements, dont 41 plans d’action adoptés par les belligérants. Mme Gamba a également salué l’adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 2427 (2018), en demandant sa pleine mise en œuvre.
Des plans de prévention ont été élaborés aux Philippines, et nous collaborons avec la République centrafricaine, la Colombie, le Mali et le Soudan pour développer davantage d’engagements en matière de prévention, s’est félicitée la Représentante spéciale. Elle a tenu à signaler le travail accompli avec des organisations régionales telles que l’Union africaine (UA) et la Ligue des États arabes, qui travaillent avec leurs États membres pour promouvoir la protection de l’enfance dans le cadre de leurs propres processus et pour favoriser la prévention. En outre, a-t-elle encore mentionné, 172 États parties ont ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés. Elle a aussi rappelé que les Principes de Paris, les Principes de Vancouver et la Déclaration sur la sécurité dans les écoles ont été approuvés par plus d’une centaine d’États Membres.
Mais il reste encore beaucoup à faire, a reconnu Mme Gamba en énumérant les possibilités d’élaborer des stratégies au niveau national ou des approches communes de la prévention, également aux niveaux sous-régional et régional, et de renforcer les capacités des gouvernements désireux de s’engager dans cette direction. Des capacités suffisantes sont en effet importantes pour le partage de pratiques optimales dans l’échange d’informations ainsi que dans le suivi des engagements existants en matière de protection et de prévention, y compris les résolutions de ce Conseil. Des efforts sont également nécessaires pour établir une cartographie coordonnée des vulnérabilités sur le terrain en étroite collaboration avec les entités onusiennes présentes dans les pays ou régions où de telles situations existent. Idéalement, a reconnu la haute fonctionnaire, la capacité et l’expertise de l’ONU en matière de protection de l’enfance devraient être déployées à l’appui de cet effort. Pour ces raisons, son bureau a renforcé son partenariat avec la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence contre les enfants et son bureau pour mieux faire face au continuum de la violence et anticiper les risques avant, pendant et après un conflit.
En octobre de l’année dernière, s’adressant à la Troisième Commission de l’Assemblée générale, la Représentante spéciale avait appelé cet organe à mobiliser tous les outils et initiatives existants liés aux enfants et aux conflits armés dans un cadre international global pour unifier les éléments de ce programme en vue de mieux protéger enfants et prévenir les violations. « J’espère que cet appel sera entendu car maintenant plus que jamais, le meilleur antidote pour la protection des enfants est d’empêcher les violations de se produire », a-t-elle ajouté.
Mme NAJAT MAALLA M’JID, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence contre les enfants, a déploré que les enfants, qui ne jouent aucun rôle dans les conflits, sont ceux dans la population qui en subissent le plus les conséquences. Cependant, a rassuré Mme M’Jid, « ce n’est pas une fatalité », car, selon elle, la prévention des six violations graves et de leurs formes de violence interdépendantes est possible dans tout le continuum du conflit. Mais cela suppose, selon elle, que les risques et vulnérabilités préexistants des enfants soient identifiés et dûment pris en compte avant l’éclatement du conflit. De même, elle a plaidé pour que les parties, pendant le conflit, respectent les normes de protection les plus élevées, y compris l’accès à l’aide humanitaire et le soutien aux enfants, demandant aussi un soutien et un investissement systématiques dans la reconstruction de leur vie après les conflits. Ce n’est qu’en investissant dans des systèmes nationaux intégrés de protection des enfants que « nous pourrons garantir des mesures de prévention proactives efficace », a soutenu la haut responsable.
C’est pourquoi sa solide coopération et étroite coordination avec Mme Virginia Gamba, Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, et l’ensemble des agences et programmes des Nations Unies, y compris dans le cadre humanitaire, sont essentielles et continuent de démontrer que les complexités du continuum de la violence doivent être abordées en tenant compte de tous les facteurs en étroite collaboration.
C’est dans cet esprit qu’elle a souhaité partager quelques réflexions et mesures préventives concrète, parmi lesquelles la nécessité de comprendre et d’identifier qui sont ces enfants et où ils vivent. Ensuite, a-t-elle poursuivi, il est crucial de garantir un accès facile à l’aide humanitaire et au soutien pour tous les enfants, avec une attention particulière pour les plus vulnérables.
Poursuivant, la Représentante spéciale a abordé les déplacements forcés dus aux conflits, qui augmentent le risque d’enlèvement, de traite et de disparition d’enfants. Pour prévenir ces crimes, il a jugé essentiel de renforcer la coopération transfrontalière en assurant une gestion des frontières adaptée aux enfants.
Enfin, toutes les actions visant à assurer la protection de l’enfance doivent être informées et façonnées par les expériences des enfants, car ce sont eux qui savent le mieux où les systèmes les ont le plus déçus, a-t-elle fait remarquer. À cet égard, la responsable onusienne a cité quelques exemples de mesures prises par des enfants touchés par les conflits, comme au Yémen, où les enfants ont demandé la paix par le biais d’une résolution de paix, en Syrie et en Ukraine, où des filles ont partagé leur histoire avec le monde entier pour promouvoir la paix, en Afghanistan, où les enfants ont promu la paix par l’art et l’écriture ou encore en Afrique et en Amérique latine, où les jeunes leaders se sont engagés activement dans la construction de la paix. Dans le cadre de son mandat, elle s’engage auprès de tous les États Membres en leur fournissant des outils et en soutenant les initiatives contribuant à alerter des risques ainsi qu’à identifier de manière précoce des facteurs de violence. Au cours des deux dernières années, « nous nous sommes engagés avec plus de 80 États Membres » dans le cadre de leurs processus d’autoévaluation des progrès accomplis dans la réalisation des engagements pris dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et des objectifs de développement durable (ODD) pour mettre fin à la violence contre les enfants, dans tous les contextes, y compris les zones de conflit.
Lors de ces visites de pays, l’année dernière, en Afrique, en Asie, en Europe, en Amérique latine et dans les Caraïbes, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, Mme M’Jid a identifié, avec ses partenaires, les différents niveaux de vulnérabilité et les moyens de garantir une détection et une action précoces. Par le biais de son bureau, elle a également fourni des conseils au système des Nations Unies et aux États pour garantir l’engagement et la participation des enfants, notamment en partageant les expériences autour d’initiatives dirigées par des enfants et en mettant en relation des enfants dans différents pays et régions. Ce militantisme commun sur la protection des droits de l’enfant se fait « main dans la main » avec des organismes tels que l’UNICEF, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), a-t-elle souligné. Elle a conclu en réaffirmant son engagement à continuer à travailler dans ce sens en étroite collaboration avec Mme Gamba et tous ses homologues des Nations Unies.
Une jeune activiste camerounaise de 18 ans, prénommée Divina, qui se consacre à la consolidation de la paix et à la prévention des conflits, aux droits des enfants et aux questions liées au genre, a remarqué que le contexte sociopolitique en Afrique et au Moyen-Orient est caractérisé par une escalade de la violence et de l’insécurité liées aux activités de groupes armés, dont certains désignés comme terroristes par l’ONU, y compris son pays, le Cameroun. En Afrique, des milliers d’enfants et de jeunes ont été forcés de servir comme combattants, testeurs de mines, messagers et cuisiniers, et certains d’entre eux sont même utilisés comme boucliers humains, a poursuivi Divina, en soulignant que les filles et les femmes deviennent souvent des esclaves sexuelles pour les chefs de groupes militaires ou armés. Pour répondre aux besoins de ces enfants, elle a dit avoir créé Children for Peace en 2015, qui est un mouvement dirigé par des enfants et des filles travaillant à travers le Cameroun et certains pays africains. Children for Peace opère dans des systèmes culturels complexes et des zones touchées par des conflits et l’extrémisme violent afin de démocratiser la sphère publique, pour parvenir à une gouvernance inclusive et à une plus grande expression politique et économique des enfants dans les politiques publiques. Son organisation, a-t-elle ajouté, cherche aussi à augmenter le nombre d’enfants participant à la consolidation de la paix et à réduire leur rôle dans l’extrémisme violent, tout en les engageant à mobiliser toutes les parties prenantes pour donner la priorité aux efforts de consolidation de la paix, aux droits des enfants et des filles et à un développement socioéconomique efficace. La stratégie de Children for Peace repose sur l’art, le renforcement des capacités, l’opérationnalisation des clubs de paix pour tous les genres, le mentorat, le plaidoyer, la sensibilisation, le réseautage, les documentaires, l’assistance psychosociale et la conception de logiciels, a expliqué la jeune activiste.
Parmi les projets mis en place à ce jour par son organisation elle a cité, entre autres, « Faire taire les armes » qui a été lancé en 2019. Il s’agit d’un projet intégré d’engagement citoyen dirigé par des filles, grâce auquel les enfants prennent des mesures positives pour trouver de meilleures solutions aux problèmes liés à la consolidation de la paix, à l’extrémisme violent et aux droits humains. Les enfants, les chefs religieux, traditionnels et communautaires et les autorités locales travaillent en étroite collaboration contre la haine et les discours violents et la prolifération illicite des armes, a-t-elle expliqué. Soulignant que la gouvernance locale de la prévention et de la gestion des conflits est en cours de refonte avec les enfants en tant qu’acteurs clefs des approches locales et des solutions innovantes pour construire la paix et améliorer les droits des enfants dans les zones touchées par la guerre, Divina a martelé que son travail avec Children for Peace a été reconnu et primé parce qu’il donne des résultats. Elle a également parlé de 270 clubs de paix dirigés par des filles mis en place dans les écoles, les quartiers, les églises et les mosquées. En tant qu’Africaine, lorsqu’il s’agit de travailler avec des gouvernements ou de grandes organisations internationales au niveau local et international, elle a dit avoir le sentiment que la plupart d’entre eux ne semblent pas prendre les enfants et les jeunes filles au sérieux. Ils ne leur laissent pas toujours l’espace nécessaire pour participer à la prise de décisions et privilégient les relations avec des organisations dirigées par des adultes travaillant sur des questions qui concernent les enfants et les filles. Pourtant, a argué la jeune activiste, pour fermer le cycle du conflit, il est nécessaire d’investir dans les enfants et de faciliter leur participation.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a plaidé en faveur d’une réponse coordonnée durable et efficace à travers le système des Nations Unies pour prévenir le trafic d’enfants et les enlèvements transfrontaliers. À cet égard, la représentante a souligné l’importance des mécanismes existants pour renforcer la surveillance et le signalement transfrontaliers ainsi que pour rapatrier et réintégrer les enfants capturés ou libérés dans des pays autres que ceux d’origine. Les organisations régionales et sous-régionales ont également un rôle central à jouer, a-t-elle ajouté. Après avoir passé en revue les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité et le Conseil des droits de l’homme sur cette question, la représentante a souhaité que le Secrétaire général rende compte de manière plus systématique des indicateurs d’alerte précoce concernant les violations graves commises à l’encontre des enfants dans les conflits armés, et des conséquences de ces violations pour la paix et la stabilité régionales. Elle a également insisté sur les approches centrées sur les victimes survivantes.
Reconnaissant que les violences sexuelles liées aux conflits touchent de manière disproportionnée les filles, la représentante a fait remarquer que celles visant les garçons sont utilisées pour torturer, soumettre et émasculer, en particulier dans les situations de détention. À cet égard, elle a informé que les garçons représentent plus de 95% des détenus liés aux conflits. Elle a, par ailleurs, défendu la participation des enfants à l’identification des risques et des vulnérabilités préexistants conduisant à des violations graves, estimant leur point de vue crucial pour mieux comprendre le contexte dans lequel les violations se produisent et l’impact des conflits et des processus de paix sur eux. Pour finir, la représentante a souligné l’importance de l’égalité d’accès à l’alphabétisation et à une éducation de qualité, qui peut contribuer, à ses yeux, à la prévention des conflits et offrir aux enfants des voies alternatives.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a fait valoir que prévenir les violations contre les enfants en temps de conflits armés, c’est surtout respecter les engagements, soulignant à cet égard l’importance du cadre normatif existant. Les résolutions de ce Conseil doivent être mises en œuvre, a -t-il insisté avant d’appeler aussi à la ratification universelle du Protocole pertinent de la Convention des droits de l’enfant et à l’endossement universel des Principes et Engagements de Paris. La liste d’infamie figurant au rapport du Secrétariat Général doit dénoncer tous ceux qui commettent des exactions contre les enfants, s’est impatienté le représentant. Il a salué l’activation sur le territoire ukrainien du mécanisme des Nations Unies pour la surveillance et la communication des exactions commises contre les enfants, en martelant à nouveau que les auteurs d’exactions contre les enfants doivent rendre des comptes. Soulignant le rôle de la Cour pénale internationale (CPI) à cet égard, il a demandé que les sanctions contre les responsables soient appliquées.
En outre, le représentant a estimé que les mandats des Nations Unies doivent contenir des dispositions robustes avec des capacités et des ressources suffisantes sur le terrain pour mettre en œuvre le mécanisme de suivi et de communication. Ses personnels doivent être formés aux problématiques liées à la protection de l’enfance, a insisté le délégué. Notant que les plans d’action nationaux adoptés ont déjà permis de libérer plus de 180 000 enfants de groupes armés et de les réintégrer dans la société, il a toutefois constaté que, malgré ces résultats probants, les enfants continuent de subir les conséquences des conflits armés et qu’il est de la responsabilité de tous de poursuivre l’engagement collectif pour la prévention, la libération et la réinsertion des enfants victimes des conflits.
M. ZHANG JUN (Chine) a fait observer que la prévention et le règlement des conflits sont la façon la plus efficace pour protéger les enfants qui payent le plus lourd tribut des conflits, rappelant qu’il s’agit d’un enfant sur six dans le monde. « C’est une action pour la paix dont ces enfants ont besoin, beaucoup plus que d’une action humanitaire. » Il a appelé à miser sur les bons offices et la médiation plutôt que d’attiser les tensions en imposant des sanctions par exemple. Il a aussi dénoncé les tentatives d’ingérence dans les affaires nationales avant d’appeler à cesser d’exporter le chaos au nom de la lutte antiterroriste en tonnant qu’il faut dépasser la mentalité de la guerre froide, du « eux contre nous ».
Pour la Chine, l’action collective doit s’inscrire dans le respect de l’état de droit et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité visant à protéger les enfants. Dans ce contexte, le représentant a appelé « le seul pays du monde à ne pas avoir ratifié la Convention relative au droit des enfants » à le faire au plus vite pour qu’elle soit véritablement universelle. Il s’est indigné de l’impunité dont jouissent ceux qui commettent des exactions et violences contre les enfants, en parlant notamment de ce qui se passe en Afghanistan et en Haïti. Évoquant aussi les nombreux enfants devant être amputés parce qu’ils ont sauté sur une mine, il a prévenu les pays « qui restent aujourd’hui les bras ballants » qu’ils devront, demain, assumer leurs responsabilités. Appelant à être plus proactif à l’avenir et à miser sur le développement, il a expliqué que cela passe par l’éradication de la pauvreté et de la faim, l’accès à l’éducation et à la santé, y compris mentale. Cependant, a souligné le représentant, les sanctions unilatérales déciment les capacités de développement des pays qu’elles visent. Il en a voulu pour preuve le cas du bombardement de l’hôpital de Kaboul où se trouvaient de nombreux enfants traités pour malnutrition ou encore les blocages dans l’acheminement de convois d’aide dans les zones sinistrées en Syrie par le tremblement de terre. « C’est une non-assistance à personne en danger », a-t-il tranché en demandant à ceux qui infligent ces sanctions unilatérales d’arrêter de se prévaloir d’une supériorité morale.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a pointé du doigt les inégalités, l’injustice sociale, de genre et intergénérationnelle, le manque d’opportunités et la faiblesse institutionnelle, qui sont parmi les principaux facteurs à l’origine de la confrontation, la vulnérabilité des civils et la mise en danger des jeunes et des enfants. De fait, a-t-il fait valoir, les sociétés où des niveaux acceptables de stabilité politique, de démocratie et de gouvernance ont été atteints sont moins susceptibles de succomber aux conflits. À cet égard, il a dit que son pays se joint à l’appel du Secrétaire général pour que les États Membres utilisent les mécanismes existants pour protéger le droit à l’éducation des enfants et des adolescents. C’est dans cet esprit que le représentant a appelé à renforcer les synergies et les travaux complémentaires du Conseil de sécurité, du Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés, du Bureau du Représentant spécial et de tous les partenaires du système des Nations Unies conformément à la résolution 1612 (2005).
Enfin, il a plaidé pour travailler à l’établissement de solutions durables, citant la promotion de la participation des mineurs, sans discrimination et avec une approche de genre et interculturelle, dans les processus de discussion. À titre d’exemple, il a estimé impératif d’écouter les besoins et les propositions des filles et des jeunes femmes afghanes qui ont vu leur accès à l’enseignement secondaire et universitaire et leur présence dans la sphère publique limités.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a dénoncé les violations graves commises à l’encontre de filles et de garçons en République démocratique du Congo, au Myanmar ou encore en Ukraine, rappelant que le Conseil de sécurité a développé de nombreux outils pour les prévenir. Pour qu’ils conservent leur effet dissuasif, il faut préserver leur indépendance, leur impartialité et leur crédibilité, a-t-elle recommandé en visant aussi les annexes du rapport annuel présenté aujourd’hui. Elle a noté en outre que la résolution 1379 (2001) demande au Secrétaire général de porter à l’attention du Conseil des situations préoccupantes dont il ne s’est pas encore saisi. Par ailleurs, la représentante a estimé que la réalisation du droit à l’éducation est fondamentale pour la prévention, regrettant que ce droit soit mis à rude épreuve, comme le montre la situation des femmes et des filles en Afghanistan. Elle a déploré l’augmentation du nombre d’attaques contre les écoles dans beaucoup de zones de conflit, estimant à 222 millions le nombre d’enfants en situation de crise qui ont besoin d’un soutien éducatif. C’est pourquoi la Suisse et le fonds Education Cannot Wait organisent cette semaine à Genève, en étroite collaboration avec l’Allemagne, la Colombie, le Niger, la Norvège et le Soudan du Sud, une conférence de haut niveau dédiée à la promotion et au financement de l’éducation dans les situations d’urgence et les crises prolongées.
Enfin, réintégrer les enfants associés à des groupes ou forces armés est primordial pour maintenir la paix, prévenir le ré-enrôlement et leur offrir un avenir, a déclaré la déléguée. Alors que nombre d’entre eux sont des filles, les programmes de réintégration doivent être sensibles aux problématiques du genre, de l’âge et aux vulnérabilités spécifiques, a-t-elle estimé. Elle a conseillé, pour finir, le développement d’une capacité de protection de l’enfance apte à être déployée rapidement, afin de soutenir davantage ces efforts.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a plaidé pour que les mécanismes de l’ONU en matière de protection des enfants dans les conflits armés fonctionnent efficacement. Soulignant que le Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés et le travail du Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés sont des piliers essentiels de l’architecture du Conseil pour lutter contre ces violations, il a exhorté tous les États Membres à s’engager de manière constructive et collaborative avec les deux. Préoccupé par l’augmentation spectaculaire des violences sexuelles liées aux conflits dans le monde, de l’ordre de de 20%, le représentant a rappelé que le Royaume-Uni, dans le cadre de son leadership mondial sur cette question, a lancé en novembre dernier la Plateforme d’action pour la promotion des droits et du bien-être des enfants nés de violences sexuelles liées aux conflits.
Aux côtés de partenaires clefs et de la Représentante spéciale Virginia Gamba, le Royaume-Uni s’est engagé à prendre des mesures dans le cadre de cette plateforme, a-t-il indiqué, citant notamment le déploiement de son expertise pour aider la République démocratique du Congo à mener un examen national des lois, des politiques et des pratiques. Nous pensons que ces actions contribueront à changer la vie de dizaines de milliers d’enfants, a déclaré le délégué. Il a précisé que son pays explore tous les moyens, dont les sanctions, pour dissuader les auteurs de violences sexuelles liées aux conflits. Son pays a d’ores et déjà annoncé un ensemble de sanctions pour six cibles au Mali, au Myanmar et au Soudan du Sud, qui ont été désignées pour leur implication dans des violences sexuelles et sexistes, y compris des violences sexuelles liées aux conflits.
M. FERIT HOXHA (Albanie) s’est inquiété que des millions d’enfants restent toujours confrontés à une dure réalité, subissant des violations systématiques dans des situations de conflit tandis que leurs droits fondamentaux sont reniés. Il s’est dit « absolument atterré » de l’augmentation des violences à l’égard des enfants notamment au Yémen, au Soudan, en Afghanistan, en Syrie et dans tant d’autres endroits. De même, la situation en Ukraine est très préoccupante, a-t-il déploré. À cet égard, il a appelé à investir davantage dans la prévention en intensifiant les efforts collectifs pour développer et mettre en œuvre des plans d’action concrets. Cette prévention doit s’appuyer, à son avis, sur des mécanismes et outils existants pour renforcer la redevabilité qui permet de freiner les atteintes contre les droits fondamentaux des enfants. Le représentant a, en outre, plaidé pour mieux tirer parti des mécanismes de surveillance et de communication des informations et des outils à disposition du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés. Enfin, il a appelé à relever les obstacles à la réinsertion et à la réintégration des enfants qui correspondent à la moitié des réfugiés aujourd’hui. C’est dans cet esprit, a-t-il dit en conclusion, que l’Albanie a rapatrié les enfants d’origine albanaise des « camps infernaux de réfugiés » en Syrie et en Iraq pour leur donner une seconde chance.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a insisté sur l’importance d’appréhender le plus largement possible la problématique des enfants soldats, afin de protéger au mieux, lors des programmes de réinsertion et de réintégration mis en place, ceux qui ont été enrôlés et utilisés lors de conflits. Il faut intégrer, a précisé le représentant, tout enfant associé à une force armée ou à un groupe armé, qui est ou a été recruté ou employé par une force ou un groupe armé, quelle que soit la fonction qu’il y exerce, notamment mais pas exclusivement les filles ou garçons utilisés comme combattants, cuisiniers, porteurs, messagers, espions ou encore ceux utilisé à des fins sexuelles.
Abordant la question de la lutte contre l’impunité, M. Biang a assuré que les responsables, dirigeants et combattants adultes impliqués dans l’exploitation des enfants dans les conflits doivent être poursuivis et rendre des comptes devant la justice. La décision de la CPI dans l’affaire Thomas Lubanga est, à cet égard, un signal édifiant, selon le délégué. Il a en conclusion réaffirmé la nécessité d’adosser les stratégies globales de règlement des conflits et surtout les efforts de la communauté internationale en faveur des enfants victimes de conflits sur l’exigence de protection et de prévention, notamment par la création de partenariats multiformes, le renforcement de la résilience tout en s’attaquant aux causes profondes des conflits armés.
M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a condamné avec la plus grande fermeté les crimes contre les enfants en exigeant que les responsables de ces crimes soient traduits en justice. Il a recommandé d’utiliser plus efficacement la résolution 2427 (2018) à cet égard, en particulier en termes de prévention et d’alerte rapide en cas de potentiel conflit. Ce travail doit être coordonné aux niveaux mondial, régional et national, a estimé le délégué. Il a salué le travail de la Représentante spéciale Virginia Gamba et de son équipe, ainsi que celui du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés, même si, ces deux dernières années, il a dénoncé des tentatives du Groupe de se pencher sur des questions de droits humains qui sont traités par d’autres instances onusiennes. L’accent doit être mis sur le respect inconditionnel des normes universelles du droit international humanitaire et l’utilisation d’instruments juridiques internationaux généralement reconnus, a martelé le représentant, en soulignant que cela ne s’applique pas forcément à la Déclaration sur la sécurité des écoles et aux Principes de Paris et de Vancouver qui sont des initiatives politiques d’un groupe distinct de pays. Ces documents n’ont pas reçu un soutien universel, a-t-il rappelé.
Avant de conclure, il s’est dit très préoccupé par la situation des enfants en Syrie qui se trouvent dans les territoires non contrôlés par Damas, notamment dans les camps de Hol et Rozh. Le représentant a reproché à la « puissance occupante américaine », qui contrôle ces camps, de refuser de s’attaquer au problème. Il a appelé une fois de plus les pays à remplir leurs obligations en droit international et à prendre des mesures pour rapatrier les enfants de leurs citoyens des zones de conflit armé.
M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) est revenu sur le travail important réalisé par l’ancienne Première dame du Mozambique, Mme Graça Machel, qui non seulement reflétait « l’horrible » expérience connue lors du conflit mené jusqu’en 1992 par l’Afrique du Sud, alors sous le régime de l’apartheid, contre son pays et la région de l’Afrique australe, mais aussi synthétisait l’expérience des enfants des pays ravagés par la guerre dans le monde entier. Il a cité son rapport comme une étape importante vers l’établissement du mandat du Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés par la résolution 51/77 de l’Assemblée générale. Un jalon historique qui a constitué un progrès dans l’action collective visant à prévenir les violations à l’encontre des enfants, s’est enorgueilli le représentant.
Après avoir énuméré les différents instruments ratifiés par son pays qui a adhéré à de nombreux instruments juridiques régionaux et internationaux sur la promotion et la protection des droits, le représentant a, cependant, reconnu que les attaques terroristes dans la province de Cabo Delgado, sont aujourd’hui le plus grand défi auquel son pays est confronté dans la mise en œuvre des instruments juridiques. Le terrorisme représente la plus grave violation des droits de l’homme et des droits de l’enfant, a-t-il fait valoir. Dans « nos efforts pour relever ces défis », le représentant a dit compter sur la coopération de la communauté internationale dans son ensemble, même si, a-t-il insisté, le Gouvernement a la responsabilité première de la protection de ses citoyens, en particulier des enfants.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a d’entrée insisté sur la responsabilisation qui joue un rôle essentiel dans la lutte contre l’impunité et par conséquent, dans la prévention des violations. C’est dans cet esprit que qu’il a appelé à l’adoption au niveau national de mesures permettant de faire jouer la responsabilité, tout en insistant sur le rôle des mécanismes internationaux dédiés, notamment la Cour pénale internationale, pour compléter les efforts nationaux. Les juridictions nationales et internationales doivent être complémentaires dans la reddition de la justice, a-t-il insisté.
Il a, en outre, demandé à accorder une plus grande attention aux enfants qui ont été déplacés de force, quel que soit leur statut juridique. Afin de prévenir et de répondre aux violations commises à l’encontre des enfants, le représentant a estimé nécessaire d’adopter une approche globale, tenant compte de considérations politiques, sécuritaires, économiques, sociales ainsi que des droits de l’homme, les actions dans tous ces domaines se renforçant mutuellement. Dans ce contexte, il a préconisé une coopération accrue entre le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social et la Commission de consolidation de la paix, afin de rendre l’intégration des efforts plus efficace.
L’éducation est un autre pilier important de la prévention, selon l’intervenant, pour qui, chaque fille et chaque garçon ont le droit de recevoir une éducation sans craindre la violence. Sur ce point, il a recommandé l’intégration d’une solide perspective de genre dans la surveillance et le signalement des violations à l’encontre des enfants, faisant valoir que les garçons et les filles sont susceptibles de souffrir de manière différente.
« C’est dans l’esprit des filles et des garçons que doivent être construites les défenses de la paix » pour briser le cycle de la violence dans les situations de conflit, a conclu le représentant.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a commencé son intervention en empruntant les mots de Maya Angelou pour qui chaque enfant, qui appartient à tous, apporte un lendemain en relation directe avec la responsabilité qu’on lui a confiée. Le représentant a ainsi voulu insister sur l’impératif collectif de protéger les enfants et d’assurer leur bien-être à travers des mesures de protection renforcées et une culture de la prévention. Il a salué l’engagement continu de la Représentante spéciale avec les nations et les parties au conflit, les organisations régionales, les acteurs de la société civile de l’ONU, qui, l’an dernier, s’est traduit par des résultats positifs, comme l’élaboration et la mise en œuvre de protocoles et de plans d’action pertinents au Burkina Faso, au Nigéria et au Yémen. Le délégué a ensuite soumis une série de propositions pour aller plus loin sur cette question, à commencer par les efforts d’alerte précoce et de surveillance de la violence de l’ONU qui, selon lui, devraient utiliser des indicateurs pertinents et adaptés aux enfants. À titre d’exemple, il a parlé de l’impact des facteurs socioéconomiques tels que la pauvreté et le manque d’opportunités éducatives, qui augmente la vulnérabilité des enfants au recrutement et au ré-enrôlement par des groupes armés et à la violence sexuelle. Les missions de paix des Nations Unies et des organisations régionales devraient intégrer les obligations de protection des enfants dans leurs planification, politiques, décisions et activités et inclure des points focaux pour la protection des enfants sur le terrain, a également souhaité le représentant.
Compte tenu de la nature transfrontalière de certaines violations contre les enfants dans les conflits armés, il a argué qu’il est nécessaire de créer plus de synergies entre les Nations Unies, les organisations régionales et les États Membres à travers l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies conjointes et de mécanismes de coordination pour améliorer l’échange d’informations et la coopération afin d’éviter les recrutements transfrontières et la traite d’enfants. Le représentant a également exhorté les organisations régionales à approfondir leur collaboration avec les organisations de la société civile dans les domaines de l’alerte précoce et de la réponse rapide en mettant l’accent sur la protection de l’enfance. Des plateformes telles que la plateforme Paix et sécurité de la CEDEAO, si elles sont renforcées, pourraient contribuer à mieux détecter et prévoir les menaces à la paix et à la sécurité en Afrique de l’Ouest et leurs effets sur les enfants, a-t-il estimé.
M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a ironisé en accusant la Fédération de Russie de tenter de présenter la guerre en Ukraine comme étant un évènement positif pour les enfants ukrainiens. La guerre lancée par la Russie a un impact dévastateur sur le sort des enfants dans ce pays, a-t-il martelé, félicitant le Secrétaire général d’avoir cité l’Ukraine comme pays préoccupant, étant donné le nombre d’exactions commises par la Russie à l’encontre d’enfants ukrainiens.
D’ailleurs, a-t-il fait valoir, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Filippo Grandi, a rappelé cet aspect tragique de la guerre en Ukraine, où des mineurs non accompagnés se sont vus dotés de passeports russes pour être exfiltrés vers la Russie. Chacun sait que la Russie s’est lancée dans un programme de relocalisation d’ampleur de mineurs ukrainiens qui ont été « exportés » soit vers la Russie soit vers les territoires contrôlés par ce pays, a affirmé le représentant. Pour lui, « on peut même parler de déportation » d’enfants contraints d’être « russifiés », placés dans des familles en Russie.
Pour lutter contre ce type de violation, il a suggéré de s’appuyer sur l’expertise proposée par les groupes de travail de pays membres de l’ONU en ce qui concerne le suivi et la communication d’information. Il s’est, par ailleurs, inquiété du sort des enfants, en en particulier les filles qui ont subi nombre de violences fondées sur le genre. Il a cité notamment une augmentation de 41% dans le monde entier des enlèvements de filles qui subissent des violences fondées sur le genre (viols, mariages forcés et autres formes de violences sexuelles). Il faut faire plus pour promouvoir la justice et la redevabilité pour ces survivants et répondre de manière urgente aux conséquences durables de ces évènements sur la santé physique et mentale de la population, a exhorté le représentant. Les enfants dans les zones de conflit sont confrontés à des défis majeurs, a-t-il poursuivi, citant le cas de l’Éthiopie où des milliers d’enfants ont été séparés de leurs familles et ont subi des violences sexuelles. Pour finir, il s’est alarmé de la situation des enfants, notamment des filles, en Afghanistan et a appelé les Taliban à éliminer la pratique néfaste de batcha bazi et à élargir les services de protection et de réadaptation pour les enfants touchés. Les États-Unis condamnent également le décret du 24 décembre interdisant aux femmes de travailler pour des ONG, dont les conséquences se feront sentir notamment sur les enfants en tant que bénéficiaires de l’aide humanitaire.
Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a elle aussi estimé qu’il faut prioriser et investir dans l’éducation comme outil de prévention. Selon elle, l’éducation autonomise les générations futures, favorise la compréhension mutuelle et le dialogue, et protège contre le recrutement d’enfants et la haine et l’intolérance qui alimentent les conflits. La représentante a ensuite dénoncé le fait qu’au Yémen, les houthistes continuent d’utiliser les écoles d’été pour endoctriner et recruter des enfants, en violation de leurs obligations en droit international et du plan d’action qu’ils ont signé avec l’ONU.
La représentante a plaidé par ailleurs pour que les États Membres échangent leurs expériences et pratiques optimales en matière de réadaptation, de réintégration et de rapatriement des enfants. Ils devraient aussi fournir une assistance technique et financière à ceux qui en ont besoin. Enfin, l’action coordonnée contre les mines devrait être au cœur du partenariat international pour une approche préventive, a suggéré la déléguée. Ainsi, au fil des ans, les Émirats arabes unis ont participé ou financé des projets de déminage de restes explosifs de guerre, notamment en Afghanistan, au Liban et au Yémen, a-t-elle fait valoir en assurant qu’ils continueront à soutenir les efforts de déminage et de sensibilisation.
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a estimé que l’un des outils les plus adaptés à la protection des enfants dans les conflits armés est l’accès à une éducation de qualité, qui est un droit humain fondamental et un outil puissant pour prévenir et atténuer les conflits. Dans cet objectif, son pays a soutenu un certain nombre de programmes éducatifs dans les pays touchés par les conflits, comme en témoignent ceux d’alphabétisation pour les filles et les femmes et les formations d’enseignants en Afghanistan. De même, avec l’aide financière du Japon, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a aidé le Gouvernement du Burkina Faso à construire des écoles secondaires et à développer des modules d’apprentissage spécifiques pour promouvoir la paix et la cohésion sociale, s’est enorgueilli le représentant. Il a ajouté que le Premier Ministre japonais Kishida Fumio plaide en faveur de l’éducation comme fondement d’une paix durable. Fort de cet engagement, le Gouvernement japonais continuera à travailler en étroite collaboration avec les autres États Membres, le système des Nations Unies, les organisations humanitaires internationales et les organisations de la société civile dans ce domaine, a précisé le représentant en conclusion.