Le Conseil de sécurité prend note des conclusions de l’évaluation indépendante sur l’Afghanistan et demande la nomination « sans délai » d’un envoyé spécial
Ce matin, le Conseil de sécurité a pris note « avec satisfaction » des conclusions de l’évaluation indépendante sur l’Afghanistan. En adoptant la résolution 2721 (2023) par 13 voix pour et 2 abstentions -celles de la Chine et de la Fédération de Russie- le Conseil demande également au Secrétaire général de nommer « sans délai » un envoyé spécial pour l’Afghanistan.
Dans sa résolution 2679 (2023), votée plus tôt dans l’année, le Conseil de sécurité avait demandé au Secrétaire général de lui présenter une évaluation intégrée et indépendante sur l’Afghanistan au plus tard le 17 novembre 2023, après avoir consulté tous les acteurs politiques et parties prenantes en Afghanistan, y compris les femmes afghanes et la société civile.
Cette évaluation indépendante devait s’accompagner de recommandations s’inscrivant dans une perspective d’avenir, afin que les acteurs concernés adoptent une « stratégie intégrée et cohérente » pour relever les défis de l’Afghanistan, notamment dans les domaines de l’action humanitaire et des droits humains, particulièrement les droits des femmes. En avril, M. Feridun Sinirlioğlu avait été nommé Coordonnateur spécial afin de mener cette évaluation qui a été remise au Conseil le 8 novembre.
Rappelant que le statu quo actuel ne fonctionne pas en Afghanistan, quatre recommandations ont été formulées: adoption de mesures immédiates pour répondre aux besoins fondamentaux de la population afghane; attention plus soutenue de la communauté internationale sur les questions de sécurité régionale et mondiale; proposition de feuille de route aux fins d’un dialogue politique visant à réintégrer le pays dans la communauté internationale; et, enfin, mise sur pied des mécanismes de coordination nécessaires.
Dans la résolution adoptée ce jour, le Conseil de sécurité invite les États Membres et les autres parties prenantes à prendre en considération ces recommandations, notamment en intensifiant le dialogue au niveau international « d’une manière plus cohérente, plus coordonnée et plus structurée ». L’objectif final visé est un Afghanistan en paix avec lui-même et avec ses voisins, « pleinement réintégré » au sein de la communauté internationale et honorant ses obligations internationales, souligne le Conseil.
Il rappelle également que les femmes afghanes doivent participer, « en toute sécurité et sur un pied d’égalité », à l’ensemble du processus. Le Conseil précise que l’envoyé spécial pour l’Afghanistan devra être doté d’une parfaite connaissance des sujets relatifs aux droits humains et des questions de genre, afin de favoriser l’application desdites recommandations, sans préjudice du mandat de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) et de la Représentante spéciale du Secrétaire général.
Avant le vote, le Japon, en sa qualité de coauteur du texte avec les Émirats arabes unis, a estimé que le projet de résolution illustre la détermination du Conseil à faciliter l’élaboration d’une nouvelle stratégie visant à répondre aux défis du pays. « Nous montrons au peuple afghan, à ses autorités, aux femmes, aux filles et à la société civile que la communauté internationale demeure engagée en faveur d’un Afghanistan pacifique, stable, prospère et inclusif », a-t-il fait valoir.
Après le vote, les délégations ont été nombreuses à saluer le « front uni » du Conseil sur le dossier afghan, selon l’expression des Émirats arabes unis, qui ont souhaité qu’une « nouvelle page » s’ouvre en Afghanistan. Cette évaluation indépendante a généré un nouvel élan sur lequel il convient de s’appuyer, a plaidé le Royaume-Uni, tandis que les États-Unis se réjouissaient que l’ONU demeure aux côtés du peuple afghan.
Les délégations ont par ailleurs dénoncé avec force les discriminations pratiquées contre les femmes en Afghanistan, à l’instar du Ghana qui a demandé leur abrogation. « Gardons bien à l’esprit collectivement que les exigences fixées par le Conseil aux Taliban demeurent la condition indépassable d’un engagement de la communauté internationale avec ces derniers », a pour sa part souligné la France, en condamnant l’acharnement systématique du régime taliban à l’égard des femmes.
Une note dissonante est venue de la Chine, qui a demandé que les décisions qui seront prises sur la base des recommandations de l’évaluation indépendante, ainsi que le choix de l’envoyé spécial, se fassent en concertation avec Kaboul. « Les autorités afghanes ont émis des réserves sur cette évaluation », a ainsi relevé la délégation chinoise, soutenue par la Fédération de Russie, qui a appelé, elle aussi, à une meilleure collaboration avec les autorités de facto en Afghanistan.
« Les tentatives visant à imposer des mesures à l’Afghanistan sous les auspices de l’ONU sont contre-productives et peu susceptibles d’avoir des résultats », a tranché la Fédération de Russie, en rappelant l’histoire du pays. La délégation russe a, par conséquent, exhorté le Secrétaire général à consulter les autorités de facto du pays et à prendre en compte les avis des membres du Conseil avant de nommer le prochain envoyé spécial.
LA SITUATION EN AFGHANISTAN - S/2023/856
Texte du projet de résolution (S/2023/1056)
Le Conseil de sécurité,
Rappelant ses résolutions antérieures sur l’Afghanistan, en particulier sa résolution 2679 (2023), dans laquelle il a demandé une évaluation intégrée et indépendante sur l’Afghanistan,
Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de l’Afghanistan, ainsi que son appui continu au peuple afghan,
Réaffirmant également son engagement en faveur de la paix, de la stabilité, de la prospérité et de l’inclusion en Afghanistan,
Réaffirmant qu’il faut relever les défis auxquels l’Afghanistan doit faire face actuellement, notamment dans les domaines de l’action humanitaire, des droits humains, particulièrement des droits des femmes et des filles et des minorités religieuses et ethniques, de la sécurité et du terrorisme, des stupéfiants et du développement, sur les plans économique et social et dans le cadre du dialogue, de la gouvernance et de l’état de droit,
Réaffirmant également que les femmes jouent un rôle indispensable dans la société afghane et insistant sur l’importance que revêtent la participation pleine, égale et effective des femmes, en toute sécurité, ainsi que le respect des droits humains, notamment les droits des femmes, des enfants, des membres des minorités et des personnes en situation de vulnérabilité,
Soulignant qu’il importe de compter avec une structure de concertation pour orienter et rendre plus cohérentes les activités ayant trait à la politique, à l’humanitaire et au développement ainsi qu’une feuille de route technique qui permettra aux parties prenantes afghanes et internationales de négocier et de mettre en œuvre les priorités plus efficacement,
Réaffirmant en outre qu’il est indispensable que les acteurs concernés sur le plan politique et en matière d’action humanitaire et de développement, au sein et en dehors du système des Nations Unies, adoptent une approche intégrée et cohérente, conforme à leur mandat respectif, pour consolider et pérenniser la paix en Afghanistan,
Conscient que la santé, le bien-être, la prospérité et la sécurité du peuple afghan concernent l’ensemble de la région et au-delà,
1. Souligne qu’il importe au plus haut point de pouvoir compter sur une présence constante de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) et des autres organismes, fonds et programmes des Nations Unies dans tout l’Afghanistan, et réaffirme son soutien sans réserve au mandat et aux activités de la Mission et de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Afghanistan;
2. Prend note avec satisfaction des conclusions de l’évaluation indépendante sur l’Afghanistan (S/2023/856);
3. Invite les États Membres et toutes les autres parties prenantes à prendre en considération l’évaluation indépendante et les recommandations qui y sont énoncées, notamment en intensifiant le dialogue au niveau international d’une manière plus cohérente, plus coordonnée et plus structurée, affirme que l’objectif final visé est un Afghanistan en paix avec lui-même et avec ses voisins, pleinement réintégré au sein de la communauté internationale et honorant ses obligations internationales, et considère que les femmes afghanes doivent participer pleinement et véritablement, en toute sécurité et sur un pied d’égalité, à l’ensemble du processus;
4. Prie le Secrétaire général, agissant en concertation avec les membres du Conseil de sécurité, les acteurs politiques et les parties prenantes afghans concernés, y compris les autorités compétentes, les femmes afghanes et la société civile, ainsi qu’avec la région et l’ensemble de la communauté internationale, de nommer sans délai un envoyé spécial pour l’Afghanistan, doté d’une parfaite connaissance des sujets ayant trait aux droits humains et des questions de genre, afin de favoriser l’application des recommandations issues de l’évaluation indépendante, sans préjudice du mandat de la MANUA et de la Représentante spéciale du Secrétaire général, ni du travail essentiel qu’elles mènent en Afghanistan;
5. Se félicite que le Secrétaire général ait l’intention de convoquer en temps voulu la prochaine réunion du groupe d’envoyés spéciaux et de représentants spéciaux pour l’Afghanistan, dont la première s’est tenue en mai 2023, et juge opportun que soient examinées à cette occasion les recommandations issues de l’évaluation indépendante;
6. Prie le Secrétaire général de l’informer des résultats de ces concertations et débats dans un délai de 60 jours;
7. Décide de rester activement saisi de la question.