Le Conseil de sécurité examine les conséquences humanitaires immédiates et politiques à terme de l’opération militaire de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh
Après l’opération militaire lancée lundi par l’Azerbaïdjan contre les séparatistes de la région à la population arménienne du Haut-Karabakh, le Conseil de sécurité s’est réuni cet après-midi à la demande de la France et en présence des Ministres des affaires étrangères de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan. Si toutes les délégations ont pris note de l’annonce d’un cessez-le-feu, elles ont aussi appelé à un règlement durable du conflit entre les deux pays par la voie de la négociation et ont réclamé un accès humanitaire sans entrave aux populations dans le besoin.
Chargé de présenter les faits aux membres du Conseil, M. Miroslav Jenča, Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, a rappelé que c’est le 19 septembre que l’Azerbaïdjan a annoncé le lancement « d’activités antiterroristes dans la région économique du Karabakh » après la mort de deux civils et quatre policiers dans des incidents impliquant des mines terrestres, qui auraient été posées par les forces armées arméniennes. Tout en précisant que l’ONU, absente de la région, n’est pas en mesure de vérifier les diverses affirmations et allégations, il a fait état d’une « grave escalade des opérations militaires », de victimes, y compris au sein de la population civile, et de l’évacuation de plusieurs milliers de personnes. Il a aussi pris note de l’annonce, hier, d’un cessez-le-feu.
Le représentant de la Fédération de Russie a apporté quelques précisions sur le rôle du contingent de la force de paix russe présente au Haut-Karabakh depuis deux ans, dont cinq membres ont été tués, qualifiant d’« infondée et absolument inacceptable » toute tentative d’accuser son pays d’inaction dans un contexte « difficile ».
Les membres du Conseil ont fait écho à « l’extrême préoccupation » exprimée par les dirigeants de l’ONU, en particulier quant à la population civile du Haut-Karabakh, dont la situation humanitaire était déjà très difficile depuis plusieurs mois en raison du blocage du corridor de Latchine, qualifié de « blocus » par la Ministre des affaires étrangères de la France. Comme l’a précisé M. Jenča, les questions relatives à la liberté de mouvement des civils et à l’accès humanitaire avaient été sources de tensions entre Bakou et Erevan. Le Ministre des affaires étrangères de Malte a d’ailleurs rappelé que le Conseil de sécurité avait été amené à se pencher sur cette question le 16 août dernier.
Ainsi, la Suisse a appelé au respect inconditionnel du droit international, en particulier du droit humanitaire et des minorités. Elle a insisté pour que les acteurs humanitaires, dont le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), puissent mener à bien leurs missions impartiales et que l’acheminement rapide et sans entrave de l’aide humanitaire soit garanti au profit des population dans le besoin. L’accès humanitaire est également une préoccupation majeure pour Malte ou l’Équateur. Les États-Unis ont demandé que l’Azerbaïdjan assure, comme il s’y est engagé publiquement, l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire le long du corridor de Latchine menant au Haut-Karabakh. Le Brésil et la Suisse ont fait observer que cette escalade intervient alors que, le 18 septembre, un convoi d’aide humanitaire avait pu transiter par le corridor de Latchine pour la première fois depuis des semaines et ont souhaité que ce « signe positif » soit préservé.
Replaçant les événements des derniers jours dans le contexte plus large des violations régulières du cessez-le-feu conclu à l’issue de la « guerre de 44 jours » de l’automne 2020, M. Jenča a estimé que la priorité absolue est désormais d’empêcher la reprise des hostilités et de ramener la situation sur le terrain politique et diplomatique. Comme l’a fait remarquer le Ghana, en cette période de multiplication des défis sécuritaires, le continent européen et le reste du monde ne peuvent guère se permettre une nouvelle escalade des tensions dans l’enclave.
La Fédération de Russie, qui a dit tenir plus que quiconque à la résolution rapide de la crise, a affiché son intention de continuer à jouer un rôle de premier plan dans le processus de normalisation des relations entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, affirmant que la réconciliation devrait s’accompagner de garanties de sécurité et du respect des droits de la population du Haut-Karabakh.
Le rôle que le Conseil pourrait jouer a fait débat. À l’origine de la séance, la France a condamné l’opération de Bakou, qui a en revanche obtenu le soutien de la Türkiye. Pour la France, le Conseil doit apporter son soutien au Premier Ministre arménien, du fait de son engagement pour trouver une solution négociée avec l’Azerbaïdjan.
Le Ministre des affaires étrangères de l’Arménie, qui a dénoncé une « agression planifiée » et « barbare » visant à parachever un nettoyage ethnique de la population arménienne du Haut-Karabakh, a reproché au Conseil de n’avoir pas réagi de manière adéquate lorsqu’il avait été saisi en décembre 2022. Il l’a exhorté à agir cette fois en condamnant la reprise des hostilités et le ciblage des infrastructures civiles, à déployer immédiatement une mission interinstitutionnelle de l’ONU au Haut-Karabakh pour surveiller et évaluer la situation humanitaire, sécuritaire et des droits humains, et à envisager le déploiement d’une opération de maintien de la paix. « Il n’existe pas d’alternative au rôle du contingent russe de maintien de la paix dans la région », a toutefois fait savoir le représentant russe.
Au contraire, le Chef de la diplomatie azerbaïdjanaise a dénoncé une tentative de l’Arménie d’exploiter le Conseil afin de tromper la communauté internationale. Rejetant tout projet de « nettoyage ethnique », il a expliqué que l’objectif de l’opération était de détruire une quantité considérable de matériel militaire entreposé illégalement sur son territoire par l’Arménie et utilisé par des séparatistes. Les mesures antiterroristes ont atteint leurs objectifs, a-t-il ajouté, estimant qu’on aurait pu arriver au même résultat de manière pacifique si l’Arménie avait honoré ses engagements au titre de la Déclaration trilatérale. Il a également assuré que les installations administratives, sociales, éducatives, médicales et religieuses arméniennes seront dorénavant assurées conformément aux lois de l’Azerbaïdjan et aux normes du droit international humanitaire.
LETTRE DATÉE DU 13 SEPTEMBRE 2022, ADRESSÉE AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’ARMÉNIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2022/688)
Déclarations
M. MIROSLAV JENČA, Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, a présenté la chronologie de la crise en rappelant, que le 19 septembre, l’Azerbaïdjan avait annoncé le lancement « d’activités antiterroristes dans la région économique du Karabakh » après la mort de deux civils et quatre policiers dans des incidents impliquant des mines terrestres, qui auraient été posées par les forces armées arméniennes. L’Azerbaïdjan affirme avoir informé la force de maintien de la paix de la Russie et le centre commun russo-turc de surveillance de ses activités, et présenté celles-ci comme visant à empêcher des provocations à grande échelle de la part des forces armées arméniennes, neutraliser leurs infrastructures militaires, et assurer leur retrait et la restauration de l’ordre constitutionnel de la République d’Azerbaïdjan.
Le Sous-Secrétaire général a fait état d’une « grave escalade des opérations militaires », de victimes, y compris au sein de la population civile, et de l’évacuation de plusieurs milliers de personnes. La force russe de maintien de la paix, qui a elle-même subi des pertes, a documenté de nombreuses violations du cessez-le-feu, a‑t‑il ajouté, tout en précisant que l’ONU, qui n’est pas présente dans les régions concernées, n’est pas en mesure de vérifier les diverses affirmations et allégations.
M. Jenča a fait état de « l’extrême préoccupation » du Secrétaire général, ainsi que du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Volker Türk. Le Secrétaire général, a‑t‑il rappelé, exhorte toutes les parties concernées au strict respect du cessez-le-feu, conformément à la déclaration commune du 9 novembre 2020, et à la mise en œuvre de leurs obligations, notamment en ce qui concerne le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme.
Le Sous-Secrétaire général a rappelé que l’escalade a fait suite à la livraison, la veille, de produits alimentaires et médicaux essentiels à travers le corridor de Latchine et la route d’Aghdam et que, ces derniers mois, les questions relatives à la liberté de mouvement des civils et à l’accès humanitaire avaient été sources de tensions entre Bakou et Erevan. Il a pris note des préoccupations du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) concernant l’impact humanitaire des derniers événements sur les personnes déjà vulnérables, du fait de l’accès extrêmement limité aux services de base et soins de santé au cours des derniers mois.
M. Jenča a ensuite appelé à replacer les événements des derniers jours dans le contexte plus large des violations régulières du cessez-le-feu. Il a pris note de l’annonce, hier, d’une cessation des hostilités et a dit comprendre que les représentants de la population locale et du Gouvernement de l’Azerbaïdjan s’étaient rencontrés plus tôt aujourd’hui pour un premier échange, une mesure qu’il a jugée positive.
Le Sous-Secrétaire général a appelé à une cessation « crédible et durable » des hostilités, avertissant que toute nouvelle escalade serait cause de nouvelles souffrances humaines et ferait reculer encore davantage les efforts de paix soutenus par la communauté internationale. Pour l’ONU, la protection et les besoins essentiels de la population civile, y compris leurs droits humains, doivent être la priorité absolue. D’autre part, la seule voie à suivre est celle d’un véritable dialogue entre le Gouvernement de l’Azerbaïdjan et les représentants de la région, ainsi que l’engagement de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan dans un processus de normalisation. Il a annoncé que le Secrétariat resterait en contact étroit avec tous les acteurs concernés et se tenait prêt à soutenir les efforts de paix en cours comme à répondre aux besoins humanitaires.
Mme CATHERINE COLONNA, Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de la France, a indiqué que son pays avait demandé la tenue en urgence de cette réunion, « compte tenu de la gravité de la situation au Haut-Karabagh ». Après avoir massé depuis plusieurs semaines une importante quantité de troupes et de matériel militaire, l’Azerbaïdjan a décidé, le 19 septembre, de lancer une opération militaire de grande envergure, a-t-elle rappelé, ajoutant que cette opération avait touché la population civile. Elle a condamné cette opération qui contrevient au principe de règlement pacifique des différends. Notant qu’un cessez-le-feu a été annoncé hier, la Ministre française a jugé essentiel qu’il soit respecté.
Pour la France, ce n’est pas l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan qui est en jeu ici, ce sont les conditions d’une paix juste et durable, a poursuivi la Ministre avant de rappeler que le Haut-Karabagh fait l’objet, depuis plusieurs mois maintenant, d’un blocus qui l’empêche de s’approvisionner en nourriture, en médicaments et en énergie. Elle a considéré que l’Azerbaïdjan porte la responsabilité du sort de la population. Ainsi, a-t-elle souligné, si l’Azerbaïdjan souhaite réellement parvenir à une solution pacifique et négociée, il doit dès à présent fournir des garanties tangibles. À cet égard, la Ministre française a exhorté ce pays à s’engager de bonne foi dans les discussions, à assurer l’amnistie aux forces qui ont accepté le cessez-le-feu et de rétablir, sans délai et sans condition, la circulation par le corridor de Latchine, conformément à l’ordonnance rendue par la Cour internationale de Justice le 22 février 2023. Enfin, l’Azerbaïdjan doit accepter une présence internationale humanitaire au Haut-Karabagh alors que l’hiver approche, a-t-elle ajouté.
Elle a appelé le Conseil à apporter son soutien actif à la définition des paramètres d’une solution négociée entre Bakou et Stepanakert, et à rester vigilant face à toute tentative visant à « entraîner l’Arménie dans ces événements tragiques et à en prendre prétexte pour remettre en cause son intégrité territoriale ». Enfin elle a estimé que le Conseil doit apporter son soutien au Premier Ministre Pachinian, notant son engagement pour trouver une solution négociée avec l’Azerbaïdjan
M. IAN BORG, Ministre des affaires étrangères, des affaires européennes et du commerce de Malte, a fait part de sa vive préoccupation face à l’escalade militaire menée par l’Azerbaïdjan contre les Arméniens du Haut-Karabakh. Ces affrontements surviennent quelques semaines à peine après que le Conseil de sécurité a appelé les parties à s’engager dans un dialogue constructif afin de désamorcer la crise. Le Ministre a condamné toute action susceptible de mettre la vie des civils en péril, les personnes vulnérables au premier chef. Il a ainsi déploré les déplacements de population et les destructions engendrés par les hostilités, tout en demandant la levée immédiate des obstacles à la livraison de l’aide humanitaire à ceux qui en ont le plus besoin. Une rhétorique agressive et dangereuse, combinée à la propagation de la désinformation et de la mésinformation, ne feront qu’engendrer la méfiance entre les parties, a-t-il mis en garde. Afin de faire baisser les tensions et de parvenir à un règlement pacifique du conflit, le Ministre a exhorté les parties à s’abstenir de toute violence et à reprendre le dialogue et la diplomatie, avec la participation de l’Union européenne. Il a réaffirmé en terminant son soutien à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan.
M. AHMED BIN ALI AL SAYEGH, Ministre d’État des Émirats arabes unis, a plaidé pour le dialogue et une solution pacifique à cette crise avant de saluer le cessez-le-feu conclu hier dans la région. Notant que celui-ci a été soutenu par la Russie, il y a vu la confirmation que toutes les parties concernées ont choisi la voie du calme et de la désescalade. Il a appelé toutes les parties à s’engager à protéger les civils et à prendre les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et leur sûreté en cas de tensions accrues. Il a salué le rôle joué par les équipes russes de maintien de la paix, et regretté profondément la perte de vies civiles. Insistant sur la nécessité de maintenir et de stabiliser le cessez-le-feu, et pour les parties concernées de faire preuve de retenue et d’éviter toute escalade, le Ministre s’est dit encouragé par les pourparlers qui ont eu lieu aujourd’hui à Yevlakh et a espéré qu’ils permettront de renforcer la compréhension entre les parties.
M. TARIQ AHMAD, Ministre d’État chargé de l’Asie du Sud et du Commonwealth du Royaume-Uni, s’est dit de plus en plus préoccupé par les fortes pressions qui s’exercent sur la population du Haut-Karabakh dont les besoins humanitaires sont importants et ne cessent de croître. Rappelant que son pays avait été encouragé par un mouvement limité de biens humanitaires via les routes de Latchine et d’Aghdam en début de semaine, il a regretté que cette possibilité de progrès ait été bloquée par l’annonce par l’Azerbaïdjan du début d’une opération militaire. Il a également rappelé que le Royaume-Uni avait exhorté ce dernier à mettre fin à son recours à la force, à s’abstenir de toute nouvelle escalade et à reprendre le dialogue.
Tout en reconnaissant pleinement la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan, le Ministre a estimé que la puissance militaire ne pouvait être utilisée pour résoudre les tensions entre les communautés. De même, il a jugé essentiel que les pourparlers reprennent avec les représentants des Arméniens du Haut-Karabakh, sur la base d’un plan crédible visant à garantir les droits et la sécurité de tous les habitants de la région. « La poursuite du recours à la violence ne fera que compromettre les progrès timides vers un accord de paix durable entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie », a-t-il souligné. Se félicitant de l’annonce d’un cessez-le-feu faite hier, il a demandé instamment à toutes les parties de le respecter, de mettre fin à la violence et d’engager d’urgence un dialogue ouvert sur un avenir sûr pour les habitants de cette région.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a appelé l’Azerbaïdjan à mettre un terme à ses activités militaires sur le territoire, à commencer par celles pouvant toucher les civils. Elle a également exhorté les parties à respecter le droit international, et l’Azerbaïdjan à protéger les civils et à traiter humainement les combattants séparatistes. Il faut que Bakou assure, comme elle s’y est engagée publiquement, l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire le long du corridor de Latchine menant au Haut-Karabakh, a insisté la représentante. À ce propos, elle a indiqué que, depuis le début de la crise dans la région, les États-Unis ont accordé une aide humanitaire de 24 millions de dollars aux populations « qui ont besoin de nous ». Enfin, elle a souligné que la seule solution à cette crise est la fin des violences et l’instauration d’une paix négociée et durable.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) s’est dite profondément préoccupée par les opérations militaires lancées par l’Azerbaïdjan en début de semaine, qui font peser un fardeau supplémentaire sur la population civile de la région du Haut-Karabakh, alors qu’elle souffre déjà d’une situation humanitaire très difficile. Rappelant que le recours à la force pour résoudre les conflits n’est pas acceptable, la représentante a pris note du cessez-le-feu annoncé hier et demandé un arrêt durable des hostilités, considérant que la situation actuelle reste fragile.
La représentante a rappelé au respect inconditionnel du droit international, en particulier du droit international humanitaire et des droits des minorités. Elle a insisté pour que les acteurs humanitaires, dont le Comité international de la Croix-Rouge, puissent mener à bien leurs missions impartiales et que l’acheminement rapide et sans entrave de l’aide humanitaire soit garanti au profit des population dans le besoin. L’évolution positive observée ces derniers jours dans le corridor de Latchine et sur la route d’Aghdam doit être maintenue. La Suisse appelle en outre au respect des obligations découlant de la déclaration trilatérale de novembre 2020 et des décisions de la Cour internationale de justice.
La représentante a appelé à « ne pas en rester aux paroles éphémères » et à rechercher l’unité nécessaire pour agir en faveur d’un règlement pacifique et d’une paix durable entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, laquelle devra être acquise par la poursuite d’un dialogue à la table des négociations. La paix doit être basée sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, ainsi que sur la protection des droits des minorités, a rappelé la représentante, qui a assuré que son pays « se tient à disposition des parties si elles le souhaitent ».
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a fait état d’une forte intensification de la confrontation armée au Haut-Karabagh le 19 septembre dernier, causant la mort de civils ainsi que de cinq soldats de maintien de la paix russes et une aggravation de la situation humanitaire. Malgré cette situation difficile, le contingent russe s’efforce de protéger la population et, avec la coopération des représentants arméniens du Karabakh et des autorités azerbaïdjanaises, de faire cesser les hostilités a-t-il assuré. Quelque 5 000 civils ont été évacués des zones les plus dangereuses, dont plus d’un millier d’enfants, et reçoivent une aide humanitaire.
Dans ce contexte, le représentant a considéré toute tentative d’accuser son pays d’inaction comme « infondée et absolument inacceptable ». Un accord a été conclu le 20 septembre sur la cessation complète des hostilités et le début des négociations entre les représentants de la population arménienne du Haut-Karabakh et l’Azerbaïdjan, a-t-il indiqué. La priorité absolue est désormais d’empêcher la reprise des hostilités et de ramener la situation sur le terrain politique et diplomatique, a-t-il ajouté.
La Fédération de Russie continue de jouer un rôle de premier plan dans le processus de normalisation des relations entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, et tient plus que quiconque à la résolution rapide de la crise, a affirmé le représentant, qui a rappelé que le Président russe s’est entretenu avec son homologue azerbaïdjanais et le Premier Ministre arménien. Pour la Fédération de Russie, la réconciliation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan devrait s’accompagner de garanties de sécurité et du respect des droits de la population du Haut-Karabakh. En 2022, a rappelé le délégué, Erevan a reconnu que le Haut-Karabakh fait partie du territoire de l’Azerbaïdjan à l’occasion des sommets organisés sous les auspices de l’Union européenne. Toutefois, a-t-il ajouté, les déclarations issues de ces sommets, signées par l’Arménie, ne faisaient pas mention de la nécessité de garantir les droits et la sécurité de la population arménienne du Haut-Karabakh.
Pour le représentant, il faut maintenant élaborer une feuille de route en vue de l’intégration juridique de la population du Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan, assortie de garanties de sécurité strictes. Les déclarations des sommets trilatéraux pour 2020-2022, qui ont jeté les bases juridiques du processus de normalisation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, restent le fondement d’un règlement durable de la crise. « Il n’existe pas d’alternative au rôle du contingent russe de maintien de la paix dans la région », a-t-il ajouté. Dans l’intervalle, la Fédération de Russie entend faciliter la normalisation des relations entre les deux pays, y compris l’élaboration d’un traité de paix, le déblocage des voies de communication, la délimitation de la frontière et l’établissement de contacts humanitaires.
M. SERGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a profondément regretté la montée des tensions et la perte de vies humaines résultant des violences de mardi dernier dans le Haut-Karabakh. Condamnant des « actions unilatérales », il a dénoncé les attaques contre des zones peuplées, qui ont fait des dizaines de victimes, y compris des civils et des soldats de la paix russes, mettant en péril la fragile stabilité obtenue après le cessez-le-feu de 2020. Saluant le cessez-le-feu conclu hier, il a exhorté les parties à s’efforcer de sauvegarder les droits et la sécurité de la population civile et à éviter toute nouvelle escalade.
Le délégué a fait part de son appui à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan. Conscient que le conflit dure depuis des générations, il a jugé essentiel d’éviter la logique de représailles et de s’abstenir de toute tentative de modifier le statut politique du territoire par la force.
Réitérant l’appel du Brésil à la réouverture du corridor de Latchine, afin que les civils bénéficient d’un accès sans entrave à la nourriture et aux médicaments, il a demandé instamment à toutes les parties d’explorer les mécanismes permettant d’éviter l’isolement. L’acheminement de l’aide humanitaire par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) via le corridor de Latchine et la route d’Aghdam, en début de semaine, est un signe positif, a-t-il dit.
M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a déclaré que rien ne saurait justifier le recours à la force militaire, en violation du droit international et du droit humanitaire international, ainsi que des principes énoncés dans la Charte des Nations Unies. Il a appelé à la mise en œuvre du cessez-le-feu récemment et a souhaité que celui-ci serve de moyen de désescalade des tensions, en vue d’obtenir les garanties nécessaires de sécurité et de stabilité pour les habitants de la région. Il a ensuite attiré l’attention du Conseil sur le problème de la liberté de circulation dans le corridor de Latchine, et de ses répercussions graves sur la situation humanitaire. Le représentant a jugé essentiel de faciliter l’accès sans restriction à l’aide humanitaire afin d’éviter que la situation de la population civile ne se détériore. Le représentant a ensuite appelé les parties à reprendre le dialogue et les négociations sous l’égide du Groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), entre autres.
M. GENG SHUANG (Chine) a appelé au respect du cessez-le-feu pour qu’un retour au calme devienne effectif le plus tôt possible et que l’acheminement humanitaire puisse parvenir sans entrave vers les populations dans le besoin. Ces deux pays voisins ne peuvent pas s’éloigner l’un de l’auteur, ils doivent reprendre la voie du dialogue dans l’intérêt de leur population et de la sécurité régionale et internationale, a ajouté le délégué. Il les a assurés de l’appui de la Chine à tous les efforts diplomatiques qui seront engagés pour régler le différend, conformément aux normes du droit international et dans le cadre des accords conclus préalablement entre les parties.
Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a déclaré que l’opération « antiterroriste » menée par l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh il y a deux jours rappelle la fragilité de la paix dans la région. Elle s’est toutefois dite encouragée par l’accord de cessez-le-feu conclu entre les parties et fait sien les appels en faveur de la cessation immédiate des hostilités. En cette période marquée par la multiplication des défis sécuritaires, le continent européen et le reste du monde ne peuvent guère se permettre une nouvelle escalade des tensions dans l’enclave, a-t-elle souligné. Elle a donc encouragé les parties à faire preuve de retenue et à coopérer avec le contingent russe de maintien de la paix dans le cadre des accords convenus antérieurement.
S’agissant de la réintégration du Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan, la représentante a préconisé une approche fondée sur la réconciliation et le dialogue. Ces développements ne doivent pas faire dérailler les accords de cessez-le-feu antérieurs, ni les progrès réalisés en vue d’un règlement global du différend entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, a-t-elle prévenu, évoquant notamment la démarcation des frontières. La déléguée a ensuite réitéré son appel en faveur d’un accès humanitaire sans entrave aux personnes dans le besoin et de la libre circulation des personnes, des marchandises commerciales et des transports le long du corridor de Latchine.
M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) s’est dit très préoccupé par l’escalade de la violence militaire au Haut-Karabakh ayant conduit à des dizaines de morts et des centaines de blessés, dont des civils et des soldats de maintien de la paix russes. Il s’est inquiété de la crise humanitaire que traverse la population de cette région. Appelant les parties à mettre un terme à la violence, il s’est félicité de l’accord de cessez-le-feu atteint hier entre l’Azerbaïdjan et les représentants de la population du Haut-Karabakh, sous l’égide de la force de maintien de la paix russe. Il a exhorté les parties à respecter cet accord ainsi que la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020 qui avait alors permis la fin des hostilités.
Mme EDWIGE KOUMBY MISSAMBO (Gabon) a condamné les combats qui ont éclaté entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, causant de nombreux morts et des déplacements de population. Ces événements surviennent alors que la reprise des convois humanitaires des dernières semaines au Haut-Karabakh laissait entrevoir des signes de désescalade. La reprise des hostilités ne fait selon elle que compliquer le règlement politique de la crise et aggraver la situation humanitaire. À ses yeux, seule une solution politique fondée sur la mise en œuvre de l’accord tripartite de 2020 permettra de « sortir de ces cycles de violence meurtrière », de mettre en œuvre le cessez-le-feu et de parvenir à un règlement durable du conflit. La représentante a exprimé l’espoir que l’accord de cessez-le-feu conclu hier et les négociations en cours permettront de ramener la paix dans l’enclave, dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des parties. Enfin, elle a appelé celles-ci à faciliter l’accès humanitaire sans entrave aux personnes dans le besoin.
M. HAMAMOTO YUKIYA (Japon) a exprimé sa profonde préoccupation face à la détérioration de la situation et a appelé à la cessation immédiate des hostilités, l’Azerbaïdjan devant mettre un terme à ses activités militaires. Tout changement unilatéral visant à aggraver la situation n’est pas acceptable, a ajouté le représentant. Il a noté que, pas plus tard qu’hier, il a été convenu de suspendre toute activité militaire, ajoutant toutefois que, même si la confrontation a cessé, la situation sur le terrain reste incertaine.
Dans ces conditions, le Conseil de sécurité doit rester saisi de cette situation pour peser positivement sur la suite des événements, a estimé le représentant. À ses yeux, le Conseil doit tout particulièrement suivre de près l’évolution de la situation humanitaire au Haut-Karabakh, la vie des personnes les plus vulnérables, notamment les personnes malades, les personnes âgées, les femmes et les enfants, ne devant y être en aucun cas menacée. L’accès humanitaire des organisations internationales doit être assuré pour protéger la sécurité et les besoins de la population locale, a-t-il ajouté.
M. IGLI HASANI, Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de l’Albanie, s’est inquiété des récents développements sur le terrain, notant que les arguments avancés par les parties divergent fortement. Alors que l’Azerbaïdjan estime que l’Arménie organise des actes subversifs qui le pousse à lancer des mesures de lutte contre le terrorisme, pour l’Arménie, il s’agit d’une attaque militaire de grande envergure contre la population civile d’origine arménienne du Haut-Karabakh, a-t-il analysé. Cela reflète l’énorme méfiance et le fossé qui existent entre les deux parties. Il a appelé les parties à accorder la priorité à la protection des civils et à la préservation des zones résidentielles et des infrastructures civiles. C’est une obligation en vertu du droit international, leur a-t-il rappelé avant d’appeler à la retenue, au calme, et au dialogue. S’agissant de l’accord de cessez-le-feu qui a été conclu hier, le Ministre s’est félicité que « la raison a triomphé » et a appelé à son respect. De même, il a salué la tenue aujourd’hui, à Yevlakh, de la réunion entre les représentants du Gouvernement central azerbaïdjanais et les représentants de l’ethnie arménienne qui y vit. Les premiers résultats sont encourageants, a-t-il constaté en incitant les parties à s’appuyer sur ces résultats et à aller de l’avant pour trouver des solutions appropriées et mutuellement acceptables.
M. ARARAT MIRZOYAN, Ministre des affaires étrangères de l’Arménie, a fait observer que « l’agression planifiée » de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh avait été lancée le 19 septembre, au moment même où l’Assemblée générale commençait à débattre des moyens de sauvegarder la Charte des Nations Unies. Cette opération militaire a placé la totalité du territoire sous les tirs indiscriminés de missiles et d’artilleries, a-t-il ajouté, accusant l’Azerbaïdjan d’avoir utilisé ces armes illégales au regard du droit international et du droit international humanitaire que sont les armes à sous-munition.
Pour le Ministre, l’intensité et la cruauté de l’offensive montrent clairement que l’agression « barbare » de l’Azerbaïdjan, qui a pris pour cible délibérée les populations et les infrastructures civiles, constitue l’acte final d’une tragédie visant l’exode irréversible des habitants du Haut-Karabakh et le parachèvement du nettoyage ethnique de la population arménienne de la région. Il a décrit l’agression actuelle comme étant le point culminant d’un blocus de dix mois du corridor de Latchine et de la famine forcée imposée à la population du Haut-Karabakh, avant d’évoquer la grave pénurie de nourriture, de médicaments, de carburant, de gaz naturel, d’électricité et d’autres biens essentiels qui a précipité les populations vulnérables du territoire au bord de la catastrophe humanitaire.
Lorsque l’Azerbaïdjan a bloqué le corridor de Latchine et que l’Arménie a appelé à une réunion urgente du Conseil de sécurité des Nations Unies en décembre 2022, celui-ci n’a pas réagi de manière adéquate, a déploré M. Mirzoyan. Pour lui, maintenant que l’Azerbaïdjan a recommencé à recourir à la force contre la population du Haut-Karabakh, que cette population est expulsée de force de ses maisons et risque de l’être expulsée de son pays; maintenant que beaucoup de ceux qui défendent leurs familles et leur droit à vivre librement et dignement dans leur pays depuis trente ans risquent d’être arrêtés et poursuivis en masse; et maintenant qu’abondent les preuves irréfutables qu’une politique de nettoyage ethnique et d’atrocités massives est en cours, « le Conseil de sécurité des Nations Unies doit agir ».
Le Ministre a ainsi exhorté le Conseil à condamner la reprise des hostilités et le ciblage des infrastructures civiles, à exiger le plein respect des obligations découlant du droit international humanitaire, y compris celles liées à la protection des civils, en particulier des femmes et des enfants, et des infrastructures civiles critiques, et à déployer immédiatement une mission interinstitutionnelle de l’ONU au Haut-Karabakh. Celle-ci aurait pour but de surveiller et d’évaluer la situation humanitaire, sécuritaire et des droits humains, d’assurer un accès sans entrave des agences des Nations Unies et d’autres organisations internationales au Haut-Karabakh, conformément aux principes humanitaires, et d’assurer le retour dans leur foyer des personnes déplacées au cours de l’agression actuelle, ainsi qu’à la suite de la guerre de 2020.
Il faut en outre exiger le rétablissement immédiat de la liberté et de la sécurité de circulation des personnes, des véhicules et des marchandises le long du corridor de Latchine, conformément aux ordonnances de la CIJ, a insisté le Ministre. Il a, de même, plaidé pour la mise en place d’un mécanisme international de dialogue entre les représentants du Haut-Karabakh et les responsables de Bakou pour aborder les questions liées aux droits et à la sécurité des Arméniens du territoire. M. Mirzoyan a enfin demandé que soit examiné la possibilité d’établir une force de maintien de la paix mandatée par les Nations Unies pour que soient assurées de façon pérenne la stabilité et la sécurité au Haut-Karabakh.
M. JEYHUN AZIZ OGLU BAYRAMOV, Ministre des affaires étrangères de l’Azerbaïdjan, a déploré la tentative de l’Arménie d’exploiter le Conseil de sécurité afin de tromper la communauté internationale, y voyant un « abus irresponsable » et une violation flagrante de la Charte des Nations Unies. En fait, a-t-il poursuivi, cette réunion survient alors que les mesures antiterroristes ont déjà pris fin et que le dialogue en vue de la réintégration à l’Azerbaïdjan des Arméniens de souche du Garabagh a commencé concrètement sur le terrain. Lors d’une réunion tenue aujourd’hui, le représentant spécial de l’Azerbaïdjan pour le dialogue avec les résidents arméniens a d’ailleurs présenté les plans du Gouvernement en matière de réintégration et traité des questions liées à la restauration des infrastructures. À la demande des résidents arméniens, la livraison de carburant pour les écoles, les hôpitaux et autres services d’urgence, ainsi que l’aide humanitaire, devraient reprendre prochainement, a-t-il annoncé.
Or, un tel dialogue était auparavant impossible en raison de « l’obstruction » de la partie arménienne, a déclaré le Ministre, qui s’appuyait sur une forte présence militaire illégale sur le sol souverain de l’Azerbaïdjan. Pour lui, ce que l’Arménie tente de présenter comme une attaque contre les résidents pacifiques de la région n’est en fait qu’une mesure antiterroriste visant à désarmer les formations armées stationnées illégalement sur le territoire azerbaïdjanais. De même, la tentative de l’Arménie d’accuser son pays de violer la déclaration trilatérale du 10 novembre 2020 est également sans fondement. Le Ministre a accusé l’Arménie d’avoir maintenu un nombre considérable d’effectifs équipés d’armes lourdes sur le territoire de l’Azerbaïdjan, notamment en abusant du corridor de Latchine. Il a ensuite détaillé l’important matériel neutralisé en seulement 24 heures, photos à l’appui, en affirmant qu’aucun État souverain ne tolérerait une présence militaire illégale aussi importante sur son sol.
Bakou a mis en garde depuis plusieurs semaines contre « l’aventure militaire imminente » de l’Arménie, a rappelé le Ministre, qui a énuméré les multiples violations de la Déclaration trilatérale par les formations armées arméniennes, présentées comme la preuve que l’Arménie n’a pas abandonné ses revendications territoriales contre son pays et qu’elle n’a pas l’intention de cesser d’alimenter le séparatisme sur son territoire.
M. Bayramov a rappelé qu’à la suite d’efforts diplomatiques internationaux, y compris de la part de membres du Conseil de sécurité, une livraison de biens humanitaires via les corridors d’Aghdam et de Latchine a finalement été effectuée le 18 septembre par le CICR, après des semaines de retards « artificiels » causés selon lui par des obstructions illégitimes de l’Arménie et de son « régime fantoche ». Pour le Ministre, après avoir échoué à imposer son « faux discours » humanitaire à la communauté internationale, l’Arménie a eu recours à la provocation militaire dès le lendemain, dans l’espoir qu’un regain de tension l’aiderait à rejeter la faute sur Bakou. Présentant de nouveau des photos, il a dénoncé les explosions meurtrières perpétrées par un groupe de sabotage arménien qui ont coûté la vie à deux civils et quatre policiers azerbaïdjanais. C’est donc en réponse à ces actes subversifs que les forces armées azerbaïdjanaises ont lancé des mesures antiterroristes. Selon M. Bayramov, ces mesures visaient exclusivement à neutraliser des cibles militaires sur son territoire souverain. Il a rejeté les accusations selon lesquelles des civils auraient été ciblés délibérément par les forces armées azerbaïdjanaises, ainsi que toute notion de « nettoyage ethnique ».
La protection des installations administratives, sociales, éducatives, médicales et religieuses arméniennes seront dorénavant assurées conformément aux lois de l’Azerbaïdjan et aux normes du droit international humanitaire, a assuré le Ministre. Les mesures antiterroristes ont donc atteint leurs objectifs, ce qui aurait pu se faire de manière pacifique si l’Arménie avait honoré ses engagements au titre de la Déclaration trilatérale. De fait, la présence militaire « illégale et continue » de l’Arménie sur le territoire de l’Azerbaïdjan demeure selon lui l’obstacle le plus sérieux au processus de normalisation entre les deux pays. Malgré ces défis, il a réaffirmé une fois de plus sa volonté d’entreprendre de véritables négociations avec son voisin, sur la base du respect des intérêts légitimes de chacun.
Mme ANNALENA BAERBOCK, Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, a affirmé que beaucoup trop de personnes avaient été tuées en l’espace de deux jours seulement, tandis que des milliers d’autres avaient été contraintes de fuir leur domicile. « L’Azerbaïdjan a choisi de créer des faits accomplis par la force », a-t-elle constaté, condamnant fermement l’assaut de Bakou et l’appelant à cesser définitivement et complètement ses opérations militaires. Prenant note des informations faisant état d’un cessez-le-feu, elle en a appelé à un arrêt complet de la violence. « L’Azerbaïdjan a la responsabilité de protéger de manière fiable et complète la population civile vivant dans le Haut-Karabakh », a-t-elle martelé, ajoutant que l’exode forcé des Arméniens du Karabakh n’était pas acceptable.
Estimant « difficile d’imaginer les difficultés qu’endure la population du Haut-Karabakh depuis « la fermeture effective du corridor de Latchine par les autorités de Bakou », elle a regretté que juste au moment où des fournitures humanitaires avaient enfin été autorisées à entrer dans le Haut-Karabakh, Bakou n’ait pas tenu ses promesses répétées de s’abstenir de recourir à la force. Elle a appelé à maintenir le corridor de Latchine ouvert pour des raisons humanitaires, mais aussi parce qu’« il constitue un pont culturel et social pour les Arméniens de souche vivant au Haut-Karabakh ». La Ministre a demandé instamment à l’Azerbaïdjan et à l’Arménie de reprendre le dialogue en vue d’une paix durable grâce à la médiation de l’Union européenne. « Aucun pays ne doit utiliser cette situation pour déstabiliser la démocratie arménienne », a-t-elle averti.
M. BURAK AKÇAPAR, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Türkiye, a rappelé que des pourparlers commençaient et qu’une paix « juste et durable » semblait enfin se dessiner. Il a appelé toutes les parties, les tierces parties et les acteurs internationaux à tirer parti de l’occasion offerte de contribuer au règlement de ce conflit, rappelant que la Türkiye avait lancé un processus de normalisation avec l’Arménie.
Le Vice-Ministre a toutefois estimé qu’au cours des trois dernières années, la partie arménienne avait rechigné à pleinement mettre en œuvre l’accord trilatéral de 2020. Il a regretté que malgré l’accord, des activités militaires se soient ensuite poursuivies au Haut-Karabakh et que des armes lourdes aient été utilisées contre la population de l’Azerbaïdjan, estimant que ce dernier avait essayé de régler la situation par le dialogue avec l’Arménie, se heurtant à une attitude non coopérative. Le délégué a également affirmé que les démarches pour réintégrer la population arménienne de la région au sein de l’Azerbaïdjan avaient été refusées. Dénonçant des accusations infondées lancées par la partie arménienne, basées sur des rapports de soi-disant experts, il a estimé que cela contrevenait aux tentatives de négocier de bonne foi.
« Après avoir souffert de cette situation pendant trois ans, l’Azerbaïdjan n’avait pas d’autre choix que de prendre les mesures qu’il estimait nécessaire pour sa propre sécurité », a affirmé M. Akçapar. Il a rappelé que, quelques heures avant le début des opérations, l’Azerbaïdjan avait perdu sept civils dans deux explosions de mines installées par des groupes armés. Il a souhaité que les contacts en cours permettent de mettre fin à conflit ancien et a lancé un appel pour que les résidents arméniens du Haut-Karabakh vivent en paix en Azerbaïdjan. Il a également appelé l’Arménie à ne pas répéter ses erreurs passées et à ne pas manquer une occasion historique d’aboutir à la paix.
M. JOSEP BORRELL FONTELLES, Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a déclaré que l’Azerbaïdjan a la responsabilité de garantir le plein respect des droits et de la sécurité des Arméniens du « Karabakh ». Il a souligné que le recours à la force pour résoudre les différends n’est pas acceptable, et a condamné l’opération militaire menée par l’Azerbaïdjan, déplorant les victimes et les pertes en vies humaines causées par cette escalade. Il a pris note des annonces respectives de cessez-le-feu et espéré que la cessation des hostilités sera maintenue. Il a souligné que la population locale a un besoin urgent d’aide humanitaire et a appelé au respect de ses droits et de sa sécurité.
Il a demandé à l’Azerbaïdjan de garantir un accès humanitaire sans entrave à la population civile dans le besoin, notamment par la réouverture complète du corridor de Latchine, la Commission européenne ayant annoncé le décaissage d’urgence d’une aide humanitaire de 500 000 euros. L’Azerbaïdjan doit également s’engager dans un dialogue transparent avec les Arméniens du Haut-Karabakh pour que soient garantis leurs droits et leur sécurité, y compris leur droit de vivre dignement dans leur foyer, a-t-il insisté. Il a rappelé que l’UE soutient pleinement la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie avant d’appeler à la reprise des négociations entre ces deux pays sur toutes les questions en suspens, afin de conclure un traité de paix.