Le Conseil de sécurité examine les allégations russes d'atteintes à la liberté de culte en Ukraine
Lors d’une réunion du Conseil de sécurité convoquée à la demande de la Fédération de Russie, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme s’est inquiétée, cet après-midi, des restrictions à la liberté de religion et à la liberté d’association dans toute l’Ukraine, tant sur le territoire contrôlé par le Gouvernement que sur le territoire occupé par la Fédération de Russie.
Signalant que les tensions entre les communautés orthodoxes en Ukraine se sont détériorées depuis l’attaque armée de la Fédération de Russie, Mme Ilze Brands Kehris a fait savoir qu’en novembre et décembre, le Service de sécurité d’Ukraine a effectué des perquisitions dans les locaux et les lieux de culte de l’Église orthodoxe ukrainienne et qu’au moins trois membres du clergé font désormais face à des accusations criminelles, notamment pour trahison et négation de l’agression armée. Exhortant au respect du droit international et du droit à un procès équitable, Mme Kehris s’est également inquiétée des conséquences négatives pour la liberté de culte de deux projets de loi en cours d’examen en Ukraine, et a appelé les deux parties à respecter et à garantir que les droits à la liberté d’opinion et d’expression, de réunion pacifique, et de culte puissent être exercés sans discrimination par tous.
Aujourd’hui, les législateurs ukrainiens ne cachent pas que le but de leurs projets de loi est de porter atteinte aux droits des communautés et des fidèles de l’Église orthodoxe ukrainienne, de saisir par la force ses biens, de la priver de son nom historique et légal, de lui interdire de se qualifier d’orthodoxe et, enfin, d’interdire ses activités sur le territoire de l’Ukraine, a dénoncé le métropolite Anthony de Volokolamsk qui a précisé que l’Église a été privée de son droit d’utiliser la laure de Kiev-Petchersk et que certains membres de son clergé sont accusés « sans fondement » d’activités antiétatiques.
Le Président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du patriarcat de Moscou a également fustigé un projet de loi sur l’impossibilité pour les organisations religieuses affiliées à des centres d’influence en Russie d’exercer des activités en Ukraine. De facto, il est question d’interdire l’Église orthodoxe ukrainienne, s’est-il alarmé, bien que son centre dirigeant soit situé à Kiev, et non à Moscou, et qu’elle soit administrativement indépendante de l’Église orthodoxe russe.
Fustigeant les actions d’un régime ukrainien autoritaire et despotique, le représentant de la Fédération de Russie a également dénoncé la loi contre l’Église orthodoxe, affirmant qu’on essaye, depuis 2018, de créer une « soi-disant Église orthodoxe ukrainienne artificielle », ce qui s’accompagne de la confiscation de biens et du passage à tabac du clergé orthodoxe. L’Ukraine est au bord d’un grand conflit interconfessionnel, s’est alarmé le délégué, et les autorités jettent de l’huile sur le feu.
« La Russie se moque du Conseil lorsqu’elle se déguise en prédicatrice de la bonne parole et explique au Conseil quelle église en Ukraine doit être reconnue comme une institution légale et laquelle doit être considérée comme hérétique », a rétorqué le représentant de l’Ukraine qui s’est dit déconcerté du fait qu’un membre d’une organisation religieuse étrangère a été invité à informer le Conseil sur la situation religieuse en Ukraine. Il a également cité une déclaration de l’Église orthodoxe ukrainienne dans laquelle elle affirme n’avoir fait appel à aucun État pour l’aider à protéger ses droits, « encore moins à l’État qui a perpétré une attaque perfide contre notre pays », ni autorisé l’Église orthodoxe russe du patriarcat de Moscou à parler en son nom aux Nations Unies.
La convocation de cette réunion à la demande de la Fédération de Russie a été dénoncée par plusieurs délégations, dont celle de la France qui a reproché à la Russie de tenter de faire diversion en prétendant défendre « la liberté religieuse » alors qu’elle n’a laissé aucun répit à la population civile pendant les fêtes religieuses orthodoxes, évoquant notamment l’attaque contre un immeuble résidentiel à Dnipro qui a provoqué la mort de plusieurs dizaines de civils. L’Équateur et d’autres se sont en outre déclarés alarmés par le fait que l’agression de l’Ukraine a causé la destruction de plus de 170 lieux de culte.
La politisation de la religion est un autre signe des dégâts infligés au tissu social par ce conflit, ont commenté les Émirats arabes unis, la Chine soulignant pour sa part qu’une mauvaise gestion des questions religieuses peut être un obstacle à la réconciliation.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Déclarations
Mme ILZE BRANDS KEHRIS, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme, Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, a déclaré que l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les hostilités qui en ont découlé ont entraîné de graves violations des droits humains. Elle a rappelé le lourd bilan de la récente frappe russe à Dnipro, qui a fait de nombreuses victimes civiles, y compris des enfants. Elle a aussi mentionné les frappes russes contre des infrastructures énergétiques ukrainiennes qui violent des droits fondamentaux tels que le droit à la santé et le droit à la vie. Des zones peuplées à Donetsk et Louhansk font l’objet de pilonnages ukrainiens, faisant des victimes civiles, y compris des enfants, a-t-elle indiqué, avant d’appeler les parties à respecter le droit international humanitaire.
Poursuivant, la Sous-Secrétaire générale s’est inquiétée des restrictions à la liberté de religion et à la liberté d’association dans toute l’Ukraine, tant sur le territoire contrôlé par le Gouvernement que sur le territoire occupé par la Fédération de Russie. Elle a indiqué que les tensions entre les communautés orthodoxes en Ukraine se sont détériorées depuis l’attaque armée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, évoquant des développements inquiétants. En novembre et décembre, a-t-elle fait savoir, le Service de sécurité d’Ukraine a effectué des perquisitions dans les locaux et les lieux de culte de l’Église orthodoxe ukrainienne. Au moins trois membres du clergé font désormais face à des accusations criminelles, notamment pour trahison et négation de l’agression armée. Elle a exhorté les autorités ukrainiennes à veiller à ce que les perquisitions dans des locaux et des lieux de culte soient pleinement conformes au droit international, à accorder aux personnes faisant l’objet d’accusations pénales le droit à un procès équitable et à veiller à ce que toute sanction pénale soit compatible avec les droits à la liberté d’opinion, d’expression et de religion. Mme Kehris s’est également inquiétée des conséquences négatives pour la liberté de culte de deux projets de loi en cours d’examen en Ukraine, et a appelé les deux parties à respecter et à garantir que les droits à la liberté d’opinion et d’expression, de réunion pacifique, et de culte puissent être exercés sans discrimination par tous.
Métropolite ANTHONY DE VOLOKOLAMSK, Président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du patriarcat de Moscou, s’est dit vivement préoccupé par les violations flagrantes des droits humains des fidèles ukrainiens. Il a indiqué que le christianisme orthodoxe a formé pendant de nombreux siècles la base spirituelle et culturelle commune de la vie des peuples russe et ukrainien et pourrait servir à rétablir la compréhension mutuelle à l’avenir. Mais la base même d’un tel dialogue est minée en Ukraine en ce moment, alors que, à l’initiative des autorités ukrainiennes, des tentatives sont faites pour détruire l’Église orthodoxe ukrainienne qui, a-t-il précisé, n’est pas une organisation politique, mais religieuse, unissant plus de 12 000 communautés et des millions de citoyens ukrainiens.
Il a affirmé que le Conseil de défense et de sécurité nationale d’Ukraine cherche à restreindre les droits des communautés de l’Église orthodoxe ukrainienne, évoquant la préparation d’un projet de loi sur l’impossibilité pour les organisations religieuses affiliées à des centres d’influence en Russie d’exercer des activités en Ukraine. Il est en fait question de l’interdiction de l’Église orthodoxe ukrainienne, bien que son centre dirigeant soit situé à Kiev, et non à Moscou, et qu’elle soit administrativement indépendante de l’Église orthodoxe russe, a expliqué l’intervenant. Il a aussi cité l’activation de « mesures » de contre-espionnage des services spéciaux ukrainiens contre l’Église orthodoxe ukrainienne; la privation du droit de celle-ci d’utiliser la laure de Kiev-Petchersk – son monastère le plus important; et l’introduction de soi-disant « sanctions » contre son clergé. La décision a été approuvée le même jour par décret du Président de l’Ukraine; et des décrets ultérieurs ont arrêté la liste des évêques de l’Église orthodoxe ukrainienne soumis à des « sanctions », dont la privation de facto du droit de gérer des biens sur le territoire de l’Ukraine, a-t-il indiqué. De plus, un certain nombre d’évêques de l’Église orthodoxe ukrainienne ont été privés de la citoyenneté ukrainienne, ce qui est susceptible de servir de base à leur expulsion forcée du pays. Selon le métropolite, les listes de proscription de l’épiscopat et du clergé ukrainiens sont acceptées par le Conseil de défense et de sécurité nationale d’Ukraine sans procédure d’enquête judiciaire légale et sans possibilité de faire appel de la décision.
De plus, depuis octobre 2022, sous prétexte d’« activités de contre-espionnage », le Service de sécurité ukrainien a mené des perquisitions massives dans les monastères et les communautés de l’Église orthodoxe ukrainienne dans tout le pays. Et comme pendant les années de persécution des athées en Union soviétique, les membres du clergé sont accusés sans fondement d’activités antiétatiques, a-t-il expliqué, affirmant que l’objectif ultime est le contrôle total de la vie religieuse par les organes de l’État. Aujourd’hui, les législateurs ukrainiens ne cachent pas que le but de leurs projets de loi est de porter atteinte aux droits des communautés et des fidèles de l’Église orthodoxe ukrainienne, de saisir par la force ses biens, de la priver de son nom historique et légal, de lui interdire de se qualifier d’orthodoxe et, enfin, d’interdire ses activités et l’éliminer complètement sur le territoire de l’Ukraine, a affirmé le métropolite avant d’exhorter le Conseil de sécurité à répondre aux agissement illicites à l’encontre du plus grand groupe confessionnel en Ukraine.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a regretté que la Secrétaire générale adjointe ait parlé de droits humains, une question qui ne relève pas des prérogatives du Conseil de sécurité, indiquant que ce sont les mesures provocatrices du régime de Kiev qui éloignent d’un règlement pacifique qui sont à l’ordre du jour de la séance d’aujourd’hui, convoquée à la demande de la Fédération de Russie.
Il a dénoncé les actions d’un régime ukrainien autoritaire et despotique qui lutte contre la liberté de culte et s’en prend à l’opposition politique. Le régime de Kiev cherche depuis quelques années à détruire tout ce qui touche de près ou de loin au russe, alors même que les Russes sont le deuxième plus important groupe ethnique en Ukraine. Après avoir passé en revue les articles de la Constitution ukrainienne qui protègent la liberté de culte et les groupes ethniques, ainsi que les traités et conventions internationaux pertinents signés par l’Ukraine, le représentant russe a affirmé que le régime de Kiev a adopté depuis 2016 13 lois ou décisions qui bafouent les obligations découlant de ces textes. Ces 13 lois ont conduit à une flambée de la russophobie, a-t-il dénoncé, citant des cas concrets d’arrestation et de persécution, parfois simplement pour avoir écouté de la musique russe ou lu des médias russophones. Après avoir appelé l’ONU à se pencher sur cette question, le représentant a indiqué qu’en décembre 2022, le Président Zelenskyy a promulgué une loi qui place les médias ukrainiens sous le contrôle des autorités ukrainiennes. Il a également évoqué la loi contre l’Église orthodoxe en expliquant qu’on essaye, depuis 2018, de créer une « soi-disant Église orthodoxe ukrainienne artificielle », ce qui s’accompagne de la confiscation de biens et du passage à tabac du clergé orthodoxe traditionnellement présent en Ukraine. L’Ukraine est au bord d’un grand conflit interconfessionnel, s’est alarmé le délégué, et les autorités jettent de l’huile sur le feu.
Le représentant a demandé aux « protecteurs de Kiev », qui parlent toujours de droits humains et de droit de culte, combien de temps encore ils vont ignorer ces agissements des autorités de Kiev qui, a-t-il souligné, menacent directement la paix et la sécurité internationales. La Fédération de Russie ne s’est jamais fixée pour objectif de détruire l’Ukraine en tant qu’État, mais constate une montée de la russophobie et une dictature anti-chrétienne et haineuse à ses frontières, « et cela nous ne pouvons l’accepter », a-t-il dit.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a dénoncé les attaques russes qui ont frappé des zones résidentielles et des infrastructures énergétiques à Dnipro, ainsi que le bombardement de la ville de Kherson, qui ont endommagé entre autres le bâtiment de la Croix-Rouge ukrainienne. Il ne s’agit pas seulement d’une attaque contre un acteur humanitaire mais aussi contre les droits des personnes touchées par un conflit à recevoir une assistance et une protection. Diriger intentionnellement des attaques contre des civils ou biens civils constitue un crime de guerre et les principes de proportionnalité et de précaution doivent également être respectés, a admonesté la déléguée également préoccupée par les graves violations et abus des droits humains commis en Ukraine au cours de cette guerre. En ce qui concerne la liberté de religion et de conviction, elle a défendu le principe selon lequel la liberté de religion protège l’individu et non les religions ou les communautés religieuses. Opposée à la propagation et à la diffusion des discours de haine et de toute autre diffamation et de discrimination fondées sur la religion, elle a invité les institutions religieuses et les dignitaires à utiliser leur influence et leur responsabilité en faveur de la désescalade, de l’humanité et de la promotion de la paix.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a rappelé que la tolérance est une vertu et que le dialogue entre les religions est vital pour une coexistence pacifique. La politisation de la religion est un autre signe des dégâts infligés au tissu social par ce conflit, a dit le délégué, en qualifiant les derniers évènements en Ukraine de très préoccupants. Il a appelé à préserver la dignité des lieux de culte, avant de déclarer que toute destruction de ces lieux ne peut qu’aggraver le conflit. Il a indiqué que les communautés et dignitaires religieux peuvent jouer un rôle important dans la restauration de la paix. Enfin, le délégué a déploré le très lourd bilan de la frappe contre Dnipro samedi dernier et exhorté toutes les parties à respecter le droit international humanitaire (DIH).
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a reproché à la Russie de tenter à nouveau de faire diversion en demandant cette réunion et en instrumentalisant cette fois-ci la liberté de religion ou de conviction. La Russie cherche selon lui à détourner l’attention de ce Conseil et de la communauté internationale de sa responsabilité pour la guerre d’agression qu’elle conduit depuis près d’un an et les souffrances causées à la population civile ukrainienne. La France condamne fermement les nouvelles frappes russes du 14 janvier dernier, qui ont notamment touché la ville de Dnipro et causé la mort de plusieurs dizaines de civils, a déclaré le représentant. Il a vu cette réunion comme un nouvel exemple de la stratégie de désinformation mise en œuvre avec cynisme par la Russie. Celle-ci convoque cette réunion en prétendant défendre « la liberté religieuse » alors qu’elle n’a laissé aucun répit à la population civile pendant les fêtes religieuses chrétiennes orthodoxes, s’est-il impatienté. Il a dénoncé le fait que la Russie a ouvertement violé un cessez-le-feu qu’elle avait unilatéralement décidé. Il a rappelé l’importance de garantir le droit à la liberté de religion ou de conviction conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avant d’exprimer la détermination de la France à soutenir l’Ukraine dans sa quête de justice et pour la lutte contre toutes les violations commises à son encontre et contre son peuple. Il a conclu en assurant soutenir les travaux de la Commission d’enquête internationale et indépendante du Conseil des droits de l’homme et les enquêtes menées par la justice ukrainienne et la Cour pénale internationale.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a dénoncé la convocation de cette réunion par la Fédération de Russie qu’elle a accusée de vouloir détourner l’attention de ses violations de la Charte des Nations Unies en Ukraine. Elle a déploré la diffusion d’une désinformation par les médias et les chefs religieux russes pour justifier la guerre contre l’Ukraine. Elle a condamné la destruction des sites du patrimoine historique et spirituel ukrainien à Boutcha, Irpin, Marioupol et Kharkiv. La représentante a rappelé que le week-end dernier, les frappes de missiles sur l’Ukraine se sont poursuivies sans relâche, y compris sur Dnipro et sur la capitale ciblant des bâtiments résidentiels et faisant des dizaines de morts ou blessés parmi les civils. Les témoignages et les évaluations présentés par la Commission d’enquête internationale indépendante sont également très préoccupants et mettent en lumière un certain nombre de violations des droits humains corroborées, qui se produisent en Ukraine, a ajouté la représentante pour qui la seule façon de protéger les droits de tous les individus est d’arrêter la guerre. Elle a insisté pour que tous les responsables d’atrocités soient tenus responsables de leurs actes, conformément au droit international. Elle a appelé la Russie à mettre fin à cette guerre, à retirer ses forces militaires de tout le territoire ukrainien et à se tourner vers le dialogue et la diplomatie comme outils pouvant réellement apporter la stabilité dans la région.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a dénoncé la frappe meurtrière contre un immeuble résidentiel à Dnipro samedi dernier. Cette frappe aurait justifié la tenue d’une réunion de ce Conseil, a-t-il dit avant de dénoncer l’utilisation de ce dernier à des fins de désinformation. Il a mentionné les nombreux monuments, bibliothèques et lieux de culte endommagés à la suite de frappes russes. La Russie méprise le droit, a jugé le représentant. Les tentatives visant à divertir l’attention de ce Conseil des conséquences graves de la guerre en Ukraine ne trompent personne, a dit le délégué. Il a appelé au respect des lieux de culte, en ajoutant que les dignitaires religieux ne doivent pas appuyer les discours haineux. L’utilisation de la religion dans le cadre d’un conflit est toujours dangereuse et c’est exactement ce que fait la Russie, a mis en garde le délégué.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a exhorté une nouvelle fois les membres du Conseil de sécurité à être les premiers à défendre et à respecter la Charte des Nations Unies. Il a reconnu la liberté de pensée et la liberté de culte, et s’est dit inquiet de voir la religion utilisée pour exacerber les conflits. Il s’est dit en outre alarmé par le fait que l’agression de l’Ukraine a causé la destruction de plus de 170 lieux de culte. Le représentant a regretté que, malgré les annonces d’un éventuel cessez-le-feu lors du Noël orthodoxe, les attaques se poursuivent en Ukraine et le nombre de victimes civiles augmente. Il a conclu par un appel à mettre fin à cette agression de l’Ukraine.
M. DAI BING (Chine) a déclaré qu’une mauvaise gestion des questions religieuses peut constituer un obstacle à la réconciliation, appelant à la protection et à la promotion de la liberté de culte pour favoriser un règlement politique des conflits. Le dialogue et la négociation sont la seule manière de régler cette crise, et toutes les parties doivent faire preuve de retenue et s’efforcer de régler leurs problèmes sécuritaires communs par la voix de la négociation, a-t-il encouragé. De son côté, la communauté internationale doit encourager la Russie et l’Ukraine à reprendre le chemin des négociations pour pouvoir mettre en place un cessez-le-feu. Toute incitation à la haine et à la violence doit être rejetée. Dans ce processus, a souhaité le délégué, la religion devrait être une force positive de défense de la paix et de l’unité.
M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a dit prendre très au sérieux les allégations de violations de la liberté de culte. Peut-on néanmoins prendre au sérieux la volonté de la Russie de défendre la liberté de culte en Ukraine, a ironisé le délégué, en dénonçant cette nouvelle tentative cynique de la Russie qui, a-t-il ajouté, ne mène pas « une guerre sainte » en Ukraine. Il a rappelé que la Russie avait tenté de justifier sa guerre en disant « lutter contre le satanisme et vouloir dénazifier l’Ukraine ». Il a relevé que 104 lieux de culte ont été endommagés dans les zones sous contrôle russe depuis le début de l’invasion. Le délégué a également dénoncé les violations des droits de minorités, tels les Tatars de Crimée, commises par la Russie qui, a-t-il dit, veut semer le chaos en Ukraine et entend poursuivre sa campagne de désinformation.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a condamné la campagne de persécution de la Russie contre les communautés en Ukraine et en Russie en raison de leur religion ou convictions, citant notamment la répression des Tatars de Crimée, des Témoins de Jéhovah et du clergé de l’Église orthodoxe d’Ukraine, de l’Église gréco-catholique ukrainienne et des églises protestantes dans les régions d’Ukraine contrôlées par la Russie depuis 2014. Le représentant a également dénoncé les dommages et la destruction de plus de 100 sites religieux résultant de la guerre de la Russie en Ukraine, tels que vérifiés par l’UNESCO. La Russie n’a pas demandé cette réunion par souci de respect des droits humains, car si elle s’en souciait, elle n’aurait pas lancé son invasion illégale de l’Ukraine, une invasion soutenue par le Chef orthodoxe russe, le patriarche Cyrille, qui a affirmé qu’elle ne laisserait « aucune trace » de l’Église orthodoxe d’Ukraine, a argué le représentant. Il a affirmé que la Russie a demandé cette réunion pour détourner une fois de plus l’attention de ses propres actions, évoquant notamment l’attaque contre un immeuble résidentiel à Dnipro.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a mentionné les effroyables conséquences humanitaires des combats en Ukraine avant de relever que le clergé se retrouve lui aussi impacté et les églises face à des choix qui débordent du strict domaine du religieux et des croyances. Très préoccupé par l’absence de perspective de négociations visant la fin du conflit, il a dénoncé les parties qui ne semblent pas prêtes à se mettre autour de la table et qui, bien au contraire, affutent leurs armes, affinent leur tactique et durcissent leur rhétorique. « Combien de morts faudra-t-il encore? Combien d’édifices publics, de ponts, d’hôpitaux, d’écoles? Combien de victimes innocentes et de réfugiés faudra-t-il encore pousser dans l’indigence des camps de déplacés et sur les routes glaciales de l’exode? » Le délégué a estimé que le Conseil ne peut ni se taire ni se complaire à la logique de la guerre. « Nous devons nous donner les moyens de mettre fin à cette guerre. » Il a demandé aux différents acteurs d’envisager sérieusement de faire taire les armes et de donner une chance à la diplomatie, avant de s’adresser au Conseil qui doit sans plus attendre s’investir pour trouver une solution.
Mme KHALILAH HACKMAN (Ghana) a dénoncé la frappe meurtrière qui a touché un immeuble résidentiel à Dnipro samedi dernier. Plus de 40 personnes, dont des enfants, ont perdu la vie en raison de cet acte haineux, a-t-elle déploré, en rappelant que le droit international interdit les attaques contre les civils. La représentante a noté que la guerre a aggravé les tensions religieuses entre l’Ukraine et la Russie. Notant que les autorités ukrainiennes ont adopté des règles pour lutter contre des éventuels actes de subversion de certains membres de l’Église orthodoxe ukrainienne (patriarcat de Moscou), qui est membre de l’Église orthodoxe russe, la représentante a souhaité que ces mesures soient temporaires et ne recherchent que le maintien de l’ordre. Elle a rappelé que de nombreuses violations des droits humains ont été commises en raison de l’intolérance religieuse, « même si la religion n’est pas violente en elle-même ». Enfin, la déléguée a appelé au retrait des forces russes d’Ukraine.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a rappelé que la liberté de religion est un droit fondamental inscrit dans de nombreux instruments multilatéraux et que la religion fait partie du développement des individus et de l’identité culturelle des peuples. Il a demandé de ne pas exploiter les différences religieuses pour alimenter les tensions. « Il n’est pas clair, à ce stade, que cela soit le cas en Ukraine. » Il a dit attendre de ce pays qu’il agisse avec modération et discernement, en s’abstenant d’attitudes pouvant caractériser une persécution religieuse. Le délégué a rappelé qu’en mars 2020, les dirigeants des trois religions abrahamiques s’étaient réunis à Jérusalem pour prier ensemble pour la fin de la pandémie de COVID-19, une scène qui illustre, à son avis, le potentiel de la religion pour unir les peuples, surmonter les différences et promouvoir la paix. En ce qui concerne l’Ukraine, il a soutenu les efforts des chefs religieux pour faciliter le dialogue et encourager les parties à tenir compte des appels de la majorité des membres de l’ONU en faveur d’une solution diplomatique au conflit. Le représentant a regretté qu’il ne semble pas y avoir de volonté de l’une ou l’autre partie pour un cessez-le-feu dans un avenir proche. Il a donc appelé le Conseil à être à la hauteur des responsabilités qui lui sont assignées par l’Article 33 de la Charte et d’explorer, avec les deux parties, les moyens de mettre fin au conflit sans délai.
M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) a constaté qu’alors que le conflit s’éternise, les droits humains durement acquis ainsi que les libertés fondamentales sont foulés aux pieds. Le représentant a souligné le contexte difficile dans lequel les fidèles et la population s’adonnent à la réflexion, à la guérison et à la réconciliation. Pour lui, les premières victimes de la guerre sont la décence humaine et le respect de notre humanité commune. Nous sommes confrontés à la banalité de l’instrumentalisation de la religion marquée aujourd’hui par la haine croissante, a-t-il déploré. Il a rappelé que la liberté de religion ou de conviction est garantie par l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et que les attaques dirigées contre ces prémices sapent la coexistence pacifique des peuples et des nations. Le représentant a demandé aux dirigeants politiques et aux citoyens de faire montre de la plus grande retenue et de s’abstenir de militariser cette question sensible. Il a dit être préoccupé par l’éloignement d’un règlement négocié du conflit et par la radicalisation des partisans de part et d’autre. Il a lancé un appel en faveur d’une cessation immédiate des hostilités et du retour aux négociations directes entre les parties.
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a appelé la Russie à cesser immédiatement sa guerre d’agression, à se retirer de l’Ukraine et à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de ce pays. Rien ne peut justifier les violations flagrantes du droit international et les actes odieux dont nous sommes les témoins, tels que cette frappe contre un immeuble résidentiel à Dnipro, a déclaré le délégué. « Le Japon exhorte à nouveau la Russie, membre permanent de ce Conseil qui a la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité, à cesser immédiatement cette guerre d’agression. »
M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a repris la parole pour répondre à ceux qui insinuent que tout ce que la Russie présente au Conseil de sécurité est de la désinformation. Il a reproché à ses « collègues occidentaux » d’avoir parlé de ce qui s’est passé à Dnipro pour éviter de discuter du thème de la réunion, tout en précisant que c’est un missile russe abattu par les forces de défense ukrainiennes qui est tombé sur un bâtiment résidentiel où se trouvaient des armes. Les autorités ukrainiennes auraient pu éviter cette tragédie, a-t-il estimé, tout en espérant que les autorités ukrainiennes acceptent des négociations. Le représentant russe leur a également reproché leur silence face aux attaques quasi quotidiennes à Donetsk où des civils meurent presque tous les jours. Il a ensuite annoncé que des habitants de cette région seront présents lors de la réunion en formule Arria prévue vendredi prochain.
M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a rappelé que le Conseil aurait dû célébrer aujourd’hui le soixante-dix-septième anniversaire de sa première réunion le 17 janvier 1946, à Londres, après avoir comparé les bombardements de la Russie contre son pays à ceux de l’Allemagne contre Church House, en Angleterre durant la Seconde Guerre mondiale, lesquels avaient fait plus de 40 000 victimes civiles. Il a dénoncé les divagations de la Fédération de Russie qui obligent le Conseil à dépenser l’argent du contribuable pour essayer de trouver un sens à ses élucubrations, l’exhortant en outre à cesser ses violations de la liberté de culte et des droits humains.
Selon le représentant ukrainien, le véritable objectif de cette réunion est de protéger une institution religieuse qui fait partie intégrante de la machine idéologique et de propagande russe. Si la question des droits humains intéresse tant la Fédération de Russie, le moment est peut-être venu de remettre cette question à l’ordre du jour du Conseil et d’examiner en profondeur les rapports du Secrétaire général sur la situation des droits humains en Crimée occupée, en Ukraine, de même que le rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine, entre autres. Le représentant a ensuite proposé d’organiser une réunion du Conseil consacrée aux conséquences de la guerre russe sur la situation des droits humains en Ukraine.
Il a regretté qu’un représentant du régime de Putin continue de faire l’abus du siège permanent d’un pays qui n’existe plus pour propager sa campagne de désinformation, détourner l’attention de cet organe des véritables menaces à la sécurité découlant de son agression, et créer un écran de fumée. La Russie se moque du Conseil lorsqu’elle se déguise en prédicatrice de la bonne parole et explique au Conseil quelle église en Ukraine devrait être reconnue comme une institution légale et laquelle doit être considérée comme hérétique. Il s’est dit déconcerté du fait qu’un ressortissant étranger membre d’une organisation religieuse étrangère a été invité à informer le Conseil sur la situation religieuse en Ukraine. Il a également cité une déclaration de l’Église orthodoxe ukrainienne dans laquelle elle affirme n’avoir fait appel à aucun État pour l’aider à protéger ses droits, « encore moins à l’État qui a perpétré une attaque perfide contre notre pays », ni autorisé l’Église orthodoxe russe du patriarcat de Moscou à parler en son nom aux Nations Unies.
Le représentant a également fait lecture d’un message des dirigeants orthodoxes, catholiques, protestants, évangéliques et musulmans de l’Ukraine dans lequel ils affirment qu’en 11 mois, les forces armées russes ont détruit ou pillé plus de 270 églises et lieux sacrés, tué et torturé à mort des dizaines de religieux et que « partout où la Russie va, la liberté religieuse prend fin ». Il a dénoncé l’attaque qui a visé ce week-end, lors d’une importante fête orthodoxe, un immeuble résidentiel de Dnipro, tuant au moins 45 personnes, précisant que c’est un missile Kh-22 qui s’était abattu sur la structure. Or l’Ukraine ne dispose malheureusement pas des moyens qui lui permettrait d’abattre ce genre d’engin, a-t-il indiqué.