9162e seance - matin
CS/15075

Conseil de sécurité: l’impasse politique prolongée en Libye continue de préoccuper les membres ainsi que le nouveau Représentant spécial

Les membres du Conseil de sécurité ont été unanimes, ce matin, pour exprimer leurs préoccupations devant l’impasse politique prolongée qui paralyse la Libye, creuse les divisions au sein de la population et retarde la perspective de tenue d’élections inclusives, libres et régulières.

Cette impasse, causée par les difficultés à résoudre les questions en suspens, liée à la base constitutionnelle des élections, semble par ailleurs n’avoir « aucune issue claire en vue », notamment à cause des divergences importantes sur la manière d’en sortir, a regretté, avec eux, le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL).

M. Abdoulaye Bathily, qui prenait la parole, pour la première fois, devant le Conseil depuis sa désignation à ce poste le 25 septembre dernier, a alors expliqué qu’il avait entamé une série de consultations avec toutes les parties libyennes, afin de concevoir une réponse à ce « défi politique de taille ».  Il a ainsi eu des échanges avec le Président du Conseil de la présidence, des membres du Gouvernement d’unité nationale dont le Premier Ministre Abdulhamid Dbeibah, ainsi qu´avec le maréchal Khalifa Haftar et le Premier Ministre désigné par la Chambre des représentants, M. Fathi Bashaga, entre autres.

Demandant l’appui du Conseil, le Représentant spécial lui a demandé d’insister auprès des acteurs libyens sur la nécessité de travailler ensemble, de manière sincère et engagée, en vue des élections.

Le représentant de la Libye a, lui aussi, mis en exergue la « grande priorité » qu’est la tenue des élections, étape importante pour en finir avec les confrontations et confirmer la légitimité des institutions.  Seule la réconciliation nationale « authentique et réelle » permettra de sortir de l’impasse et de tourner la page du passé, a dit le délégué, qui a qualifié de vital l’appui accordé à la Commission militaire conjointe 5+5.

Face à cette perspective, les délégations ont exprimé des positions similaires en ce qui concerne les élections et les ingérences extérieures, avec cependant quelques nuances sur le fond.

Sur la question des élections, l’accord a été unanime: les élections, au plus tôt, de manière libre, équitable, inclusive et crédible, sur une base constitutionnelle robuste, sont le seul moyen d’aller de l’avant et il est urgent de mettre la Libye sur cette voie.  Face aux divisions croissantes, il devient primordial, dans les meilleurs délais, d’œuvrer à une nouvelle feuille de route politique, avec comme objectif essentiel un Gouvernement libyen unifié, capable de gouverner partout en Libye et représentant tous les Libyens.

La MANUL doit, dans ce contexte, exercer des pressions sur les parties libyennes afin qu’elles parviennent à s’entendre sur la tenue d’élections, dans un calendrier réaliste, ont par exemple insisté les États-Unis, l’Inde, l’Albanie, le Brésil ou la France.

La tenue de ces élections ne doit pas être une stratégie de courte vue, avec des délais imposés de l’extérieur, mais au contraire un processus appartenant et contrôlé par le peuple libyen, et dépourvu de « dictats extérieurs », au risque d’aggraver la situation, ont mis en garde les A3, (Gabon, Kenya et Ghana), la Chine et la Fédération de Russie, rejoints par les Émirats arabes unis, qui plaident pour la poursuite des consultations et discussions en cours.

La question de l’ingérence étrangère a également été évoquée par les délégations, dans le contexte où, selon la France, le statu quo rend la Libye perméable aux ingérences étrangères et aux tentatives de déstabilisation, ainsi qu’aux divisions.  Les délégations ont alors jugé prioritaire, la mise en œuvre, ordonnée du Plan libyen de retrait des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires.  Tout aussi prioritaire est la mise en œuvre d’un processus de démobilisation, désarmement et réintégration des milices.

Constatant que la question des recettes pétrolières continue d’alimenter les tensions et les divisions, les États-Unis ont appelé, de leur côté, à trouver un accord sur un mécanisme de supervision et de reddition de comptes transparent qui permette une répartition équitable.  Les A3 ont, pour leur part, mis le Conseil en garde contre « la politisation et la manipulation » du secteur pétrolier libyen par des forces extérieures.

À quelques jours du renouvellement du mandat de la MANUL, toutes les délégations se sont dites favorables à une extension pour une année de plus, Chine et Fédération de Russie comprises.  Cette dernière a cependant dit souhaiter discuter du fond, maintenant que la situation a changé.

LA SITUATION EN LIBYE

Déclarations

M. ABDOULAYE BATHILY, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), qui s’exprimait pour la première fois devant le Conseil en tant que titulaire de ce mandat, a expliqué que l’impasse politique, en particulier l’impasse sur le pouvoir exécutif, persiste en Libye, sans qu’aucune issue claire ne soit en vue.  De plus, les efforts visant à résoudre les questions en suspens, liées à la base constitutionnelle des élections, ne semblent pas déboucher sur des actions concrètes de la part des acteurs concernés.  Cette situation retarde davantage les perspectives de tenue d’élections inclusives, libres et régulières afin de mettre fin à la transition et rétablir la légitimité des institutions.

Pour concevoir une réponse à ces défis politiques de taille, le Représentant spécial a indiqué donner la priorité aux consultations avec les acteurs libyens de tout le pays, y compris du Sud, de l’Est et de l’Ouest, afin de mieux comprendre les défis actuels, les solutions possibles et les aspirations du peuple libyen.  Il a donc eu des échanges de vues avec notamment, le Président du Conseil de la présidence, des membres du Gouvernement d’unité nationale, le Chef d’état-major général et les membres occidentaux de la Commission militaire conjointe.  Il a également consulté la Haute Commission électorale nationale, la National Oil Corporation, la Banque centrale de Libye, de même qu’avec le Président du Haut Conseil d’État et le Président de la Chambre des représentants.

M. Bathily s’est aussi rendu à Benghazi, où il a rencontré le maréchal Khalifa Haftar et le Premier Ministre désigné par la Chambre des représentants, M. Fathi Bashaga, ainsi que des représentants d’organisations de la société civile et des femmes candidates aux élections législatives.  De ces rencontres, il a constaté qu’il reste des divergences importantes sur la manière dont les Libyens veulent surmonter la crise actuelle.  Mais, il y a une condamnation quasi-unanime de la présence de mercenaires, de combattants étrangers et de forces étrangères en Libye, et à l’ingérence étrangère incessante dans les affaires du pays, a-t-il indiqué.

Dans un contexte marqué par le maintien du cessez-le-feu, le Représentant spécial a appelé à renforcer le volet sécurité qui a été compromis par l’impasse politique prolongée.  Les violents affrontements à Tripoli, le 27 août, ont entraîné une modification des rapports de force dans la capitale, ce qui a aggravé les tensions entre les acteurs de sécurité orientaux et occidentaux et conduit à une stabilité fragile, a-t-il indiqué.  Il a également signalé que, malgré une diminution notable de la mobilisation des groupes armés et des affrontements entre eux, des activités de recrutement à grande échelle seraient en cours.  Il a ensuite annoncé que la Commission militaire conjointe 5+5 a convenu de se réunir sous les auspices de l’ONU à Syrte, jeudi prochain, pour discuter de la reprise de ses activités afin de poursuivre la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu.

Le Représentant spécial a également abordé la situation des droits humains, qu’il a qualifiée de « préoccupante », dénonçant notamment les violations contre les migrants et les demandeurs d’asile, ainsi que les détentions arbitraires qui restent des pratiques courantes totalement impunies.  Le 7 octobre, à la suite d’affrontements entre gangs rivaux de trafiquants d’êtres humains dans la ville de Sabrata, 11 corps calcinés de personnes supposées être des migrants ont été découverts dans un bateau amarré, ainsi que 4 autres corps avec des traces de blessures à l’extérieur du bateau.  Les statistiques officielles montrent en outre que près de 11 000 personnes, dont 55 femmes, purgent des peines dans les prisons gérées par la police judiciaire.  Près de 6 000 personnes sont en détention provisoire, dont 113 femmes.  On compte également 135 mineurs derrière les barreaux.  Ces chiffres, qui représentent une hausse de 40% par rapport à 2021, n’incluent pas les quelque 3 243 migrants détenus arbitrairement dans des centres de détention gérés par des entités gouvernementales, a-t-il déploré.

Pour M. Bathily, la situation en Libye appelle à un processus consensuel de « relégitimation » de l’État.  Dans ce processus, la conduite des élections législatives et de la présidentielle est primordiale, a-t-il dit, ajoutant qu’il intensifierait les consultations avec les acteurs concernés pour progresser vers un accord sur les paramètres nécessaires pour atteindre cet objectif, y compris lors du prochain Sommet de la Ligue des États arabes.  Il est important, a-t-il souligné, que le Conseil de sécurité coordonne les messages et insiste auprès des acteurs libyens sur la nécessité de travailler ensemble, de manière sincère et engagée, en vue des élections.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a regretté que l’élite politique libyenne n’ait pu progresser pour convenir de la tenue d’élections parlementaires et présidentielle libres, équitables et inclusives.  Il a appelé toutes les parties libyennes, en particulier les dirigeants politiques, à travailler de manière constructive avec le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Abdoulaye Bathily, et à convenir d’une feuille de route pour la tenue d’élections dans les meilleurs délais, et ce, dans l’intérêt de tout le peuple libyen.  Le délégué s’est dit préoccupé par les signalements de restrictions accrues à l’espace civique, avec des obstacles administratifs et des contrôles de plus en plus fréquents et intenses.  Affirmant qu’une société civile dynamique est indispensable à la tenue des élections, il a demandé aux autorités libyennes de lui garantir un environnement sûr et sans entrave.  Le délégué a également appelé toutes les parties à protéger la neutralité, l’intégrité et la réunification des institutions publiques afin de faire en sorte que les richesses du pays soient utilisées pour le bien de tous ses citoyens.  Enfin, les rapports sur la mauvaise utilisation des fonds publics, exposés dans le récent rapport du bureau d’audit, portent atteinte à la crédibilité des institutions libyennes, a-t-il estimé.

Mme MONA JUUL (Norvège) a jugé crucial que l’ONU ait une présence forte et stable en Libye afin de soutenir le processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens.  Pour cela, les recommandations issues de l’examen stratégique doivent être mises en œuvre et la MANUL doit disposer des ressources nécessaires, a-t-elle souligné, plaidant pour une prolongation d’un an du mandat de la Mission.  Dans ce contexte, la déléguée a souhaité que le nouveau Représentant spécial puisse dialoguer avec les parties libyennes dès que possible afin de remettre le processus politique sur les rails.  La priorité devrait être de s’entendre sur un cadre constitutionnel et un calendrier pour la tenue d’élections, a-t-elle affirmé, avant d’exhorter toutes les parties libyennes à travailler de manière constructive avec M. Abdoulaye Bathily sur ces questions et à s’abstenir de toute action susceptible d’aggraver la situation.

La représentante s’est ensuite déclarée préoccupée par la détérioration de la situation des migrants en Libye.  Condamnant le meurtre de 15 d’entre eux à Sabrata, elle a appelé les autorités libyennes à enquêter sur ces décès.  Elle s’est également alarmée des informations faisant état de violations et d’abus du droit international, notamment de violences sexuelles en lien avec le conflit, d’arrestations arbitraires, d’enlèvements et des cas de torture.  Elle a notamment dénoncé les actes de violence signalés dans les centres de détention à l’encontre d’enfants migrants et réfugiés.  Enfin, après avoir appelé à la libération de toutes les personnes illégalement détenues, elle a réitéré son appel au retrait complet de tous les combattants étrangers, mercenaires et forces étrangères de Libye et à la mise en place d’un programme suffisant de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) en étroite collaboration avec les pays voisins.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a déclaré que le maintien d’un pouvoir bicéphale en Libye n’annonce rien de bon et ne peut que conduire à la violence.  Il s’agit donc pour le Conseil de sécurité de faire cesser cette violence.  Or, certains cherchent à geler ce conflit, a-t-il dénoncé, déplorant une stratégie de courte vue.  La priorité doit rester la tenue d’élections inclusives, incluant les partisans de l’ancien régime et sans délais imposés de l’extérieur, au risque d’aggraver la situation, a prévenu le représentant.  De même le retour des combattants étrangers doit avoir lieu de manière planifiée et ordonnée.

Le représentant s’est également inquiété de l’ingérence extérieure et la manipulation des partis politiques libyens.  Toute ingérence étrangère ne fera qu’aggraver la situation et non la réguler, a-t-il mis en garde.  Constatant en outre que la situation avait évolué, il a dit être désormais favorable au renouvellement du mandat de la MANUL pour une « période prolongée » d’un an, au lieu des trois mois qu’il envisageait auparavant.  Il a également dit souhaiter discuter des questions de fond lors de ce renouvellement.  Le délégué a ensuite rappelé que c’est l’assassinat de l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, suite à l’intervention de l’OTAN, qui est la cause de la situation en Libye aujourd’hui.  Pendant que certains dirigeants occidentaux s’en étaient réjouis, il faut aujourd’hui en tirer des leçons, a-t-il dit.

M. MARTIN KIMANI (Kenya), s’exprimant au nom des A3 (Gabon, Ghana, et Kenya), s’est dit préoccupé par l’impasse politique qui se prolonge et creuse les divisions au sein de la population.  Il a réitéré l’appel des A3 aux dirigeants libyens pour qu’ils répondent au désir de paix, de stabilité et de prospérité du peuple libyen.  Il s’est également inquiété de la mobilisation continue des groupes armés à Tripoli et dans ses environs et de l’échange continu de déclarations incendiaires, affirmant qu’il n’y avait pas de solution militaire à la situation.  M. Kimani a appelé au dialogue et à la réconciliation dans le cadre d’un processus appartenant au peuple libyen et dépourvu de « dictats extérieurs ».  Rappelant les termes du communiqué conjoint de la seizième Réunion consultative conjointe annuelle entre les membres du Conseil de sécurité et du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine du 14 octobre 2022, il a souligné que la réconciliation nationale devait être « guidée par les principes de l’appropriation nationale et de partenariats significatifs avec les organisations sous-régionales et régionales ».

Le délégué a estimé que tout soutien international devrait être coordonné par les Nations Unies afin de garantir la cohérence des efforts et prévenir les ingérences extérieures négatives ayant caractérisé le conflit en Libye.  Condamnant la présence de forces étrangères, de combattants étrangers et de mercenaires en Libye, il a demandé à nouveau leur retrait immédiat.  À ce sujet, il a également exhorté la Commission militaire conjointe 5+5 à poursuivre la mise en œuvre du plan d’action d’octobre 2021 pour leur retrait, affirmant que ces efforts devaient s’accompagner d’une collaboration étroite entre la Libye, l’ONU, les pays voisins et l’Union africaine pour surveiller le retrait et éviter de fragiliser davantage la région du Sahel.  M. Kimani s’est aussi inquiété du sort des migrants et des réfugiés en Libye et en Méditerranée, estimant que le conflit continuait d’exposer « le pire de l’humanité » dans le traitement de ce groupe vulnérable de personnes à la recherche d’une vie meilleure.  Il a exigé un traitement humain des réfugiés, des migrants et des demandeurs d’asile, rappelant qu’il s’agissait d’un impératif fondamental du droit international et des conventions associées.  En conclusion, le délégué a mis le Conseil en garde contre « la politisation et la manipulation » du secteur pétrolier libyen par des forces extérieures et rappelé que les actifs gelés de la Libye appartenaient aux Libyens et que leur administration devrait se faire strictement en consultation avec les autorités libyennes.

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a espéré que l’arrivée du nouveau Représentant spécial à Tripoli donnera une nouvelle dynamique au processus politique.  Il a salué le récent dialogue direct entre le Conseil d’État et la Chambre des députés, et souhaité un processus inclusif avec la pleine participation des femmes et des jeunes.  Selon le Mexique, la communauté internationale doit accroître son appui aux parties libyennes dans le processus d’organisation des élections et l’unification des institutions.  Le délégué s’est alarmé que des « acteurs étrangers » suscitent des divisions entre Libyens pour promouvoir leurs intérêts géostratégiques et économiques.  De telles manœuvres ne font que renforcer la polarisation des parties au conflit et compliquent les perspectives d’un processus politique mandaté par le Conseil, a-t-il déploré, ajoutant qu’elles mettent en péril la stabilité en méditerranée centrale et orientale.  « L’ingérence étrangère en Libye doit cesser. »  Le délégué a également confié son inquiétude face aux violations des droits de l’homme des migrants.  Il a précisé que la situation est particulièrement grave pour les migrants placés dans des centres de détention.  Le Mexique prie les autorités libyennes de coopérer avec les agences de l’ONU pour offrir des mécanismes de garantie des droits de l’homme pour tous, y compris le droit au refuge ou à un retour sûr et digne.  Enfin, le délégué a exhorté les parties au conflit à s’abstenir de toute action menant à une escalade, soulignant que les appels récents de certains acteurs à retourner au combat mettent en danger les acquis du cessez-le-feu.  Dans ce contexte, il a insisté sur le respect « scrupuleux » de l’embargo sur les armes, et espéré que le nouveau mandat de la MANUL consolidera les efforts de lutte contre les flux illicites d’armes légères et de petit calibre en Libye, conformément à la résolution 2616 (2021).

M. FERIT HOXHA (Albanie) a espéré que l’arrivée de M. Bathily donnera un nouvel élan au processus politique bloqué en Libye.  C’est ce dont a besoin le pays, a poursuivi le représentant: une énergie positive et une forte impulsion pour « trouver des solutions au lieu de créer de nouveaux problèmes et de nouvelles tensions qui ne peuvent conduire qu’à l’escalade ».

L’Albanie est convaincue que des élections sont le seul moyen d’aller de l’avant, d’édifier la démocratie et de préserver l’unité et l’intégrité du pays.  Il est donc impératif que les parties libyennes conviennent d’un accord sur une base constitutionnelle afin de créer les conditions d’élections inclusives, libres et équitables.  En ce sens, M. Hoxha s’est félicité de la reprise du dialogue entre le Président de la Chambre des députés et le Président du Conseil d’État.  Il a jugé essentiel que les efforts internationaux pour soutenir un processus de stabilisation dirigé par les Libyens restent fermement ancrés sous la direction des Nations Unies.  Par ailleurs, un processus de réconciliation nationale doit se fonder sur les principes de la justice transitionnelle.  Le délégué a salué l’arrestation de deux suspects liés à des crimes contre des victimes de la traite des personnes comme une « bonne approche ».  Selon lui, la MANUL devrait jouer un rôle plus important dans la lutte contre les violations des droits de l’homme et pour promouvoir le respect de l’état de droit et du droit humanitaire.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a réaffirmé un objectif essentiel: celui d’un Gouvernement libyen unifié, capable de gouverner partout en Libye et représentant tous les Libyens.  Il a indiqué que le statu quo rend la Libye perméable aux ingérences étrangères et aux tentatives de déstabilisations, ainsi qu’aux divisions.  Dans ce contexte, la mise en œuvre du plan de retrait libyen des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires et d’un processus de démobilisation, désarmement et réintégration des milices est prioritaire, a-t-il souligné.  Il a également appuyé le dialogue entre les acteurs sécuritaires de l’Est et de l’Ouest, porté notamment par la Commission militaire conjointe 5+5, afin de préserver l’unité du pays.  Le représentant a en outre appelé au plein respect de l’embargo sur les armes, engageant tous les pays agissant en Méditerranée à coopérer avec l’Opération IRINI.

Le délégué a également déclaré que face aux divisions croissantes, entretenues par les ingérences étrangères, il est primordial d’œuvrer à une nouvelle feuille de route politique.  Il y a donc urgence à remettre la Libye sur la voie d’élections présidentielle et parlementaires simultanées en Tripolitaine, en Cyrénaïque et au Fezzan, a-t-il insisté, notant que seul un vrai dialogue entre tous les Libyens rendra cela possible.  Ce dialogue doit aboutir à une base constitutionnelle, mais également à de vrais engagements sincères entre les acteurs pour des élections sures, transparentes et crédibles.  Jugeant plus important que jamais, que le Conseil et les Nations Unies aident la Libye et son peuple face aux défis menaçant sa souveraineté, sa sécurité et son unité, il a soutenu le renouvellement pour un an du mandat de la MANUL.

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) s’est félicité de la nomination du nouveau Représentant spécial pour la Libye et a souhaité que son arrivée à Tripoli soit l’occasion de revitaliser le processus politique libyen.  Il a appelé la MANUL à faire pression sur les parties libyennes pour qu’elles parviennent à s’entendre sur la tenue d’élections et sur l’attribution des recettes pétrolières.  S’agissant des élections, le représentant a invité les parties libyennes à appuyer les efforts de l’ONU afin d’établir des bases électorales stables.  Dans ce cadre, a-t-il ajouté, les critères d’éligibilité à l’élection présidentielle doivent être arrêtés et un calendrier réaliste doit être défini.  Il faudrait également savoir à quel moment les représentants qui cherchent à se faire élire doivent démissionner de leurs fonctions actuelles, a ajouté le délégué, qui a dénoncé tout recours à la violence pour servir des intérêts politiques.

Le délégué s’est ensuite déclaré inquiet des risques de reprise des combats après les violents affrontements d’août dernier.  Toutes les parties doivent décourager les actions susceptibles de dégrader encore la situation sécuritaire et de mettre à mal l’accord de cessez-le-feu d’octobre 2020, a-t-il plaidé.  De plus, alors que la question des recettes pétrolières continue d’alimenter les tensions et les divisions, nous devons travailler avec le Représentant spécial pour qu’un accord soit trouvé entre les parties libyennes sur un mécanisme de supervision et de reddition de comptes transparent qui permette une répartition équitable, a ajouté le représentant.  Enfin, après avoir appelé à tout faire pour que les Libyens puissent se faire entendre de leurs dirigeants politiques, il a souhaité que le mandat de la MANUL soit renouvelé et renforcé.

M. THIAGO BRAZ JARDIM OLIVEIRA (Brésil) a encouragé le nouveau Représentant spécial à s’engager d’urgence avec toutes les parties prenantes, afin de progresser sur la base des accords existants, y compris les principes agréés au cours du Forum de dialogue politique interlibyen, et à suivre les recommandations de l’examen stratégique indépendant de la MANUL, notamment l’utilisation de communications stratégiques d’appui aux activités de la Mission.  Le délégué a insisté sur l’organisation des élections sur une base constitutionnelle robuste.  Parallèlement, le désarmement, la démobilisation et la réhabilitation des groupes armés devraient être une priorité, la sécurité étant étroitement liée au développement et à la situation des droits de l’homme dans le pays.  Il a reconnu les contributions de la Commission militaire conjointe 5+5 et mis l’accent sur l’importance de la coordination régionale en vue du rapatriement des combattants étrangers vers leur pays d’origine.  Le Brésil se félicite de l’annonce, en juin dernier, par le Conseil présidentiel libyen, du lancement d’une stratégie nationale de réconciliation et espère que celle-ci prendra en considération l’offre de l’Union africaine.  Le Brésil reste néanmoins préoccupé par la persistance de l’impasse politique qui risque d’attiser un retour au conflit et à la violence, et réaffirme qu’il n’existe pas de solution militaire à la crise libyenne.  Le délégué a demandé des mécanismes de reddition de comptes, avant de s’inquiéter de l’accroissement de la fourniture de pétrole libyen pour répondre aux demandes sur le marché pétrolier.  En l’absence d’une politique gouvernementale unifiée, notamment pour ce qui a trait à la distribution juste et transparente des revenus, la gestion des ressources naturelles libyennes, qui relève de la souveraineté du pays, ne devrait pas répondre à des « intérêts et pressions dictés de l’extérieur », a-t-il dit.  Le délégué s’est également dit préoccupé par la gestion des avoirs libyens gelés à l’étranger.

M. DAI BING (Chine) a estimé que le processus politique est le seul moyen de régler la situation libyenne.  À cet égard, il a jugé préoccupante l’absence de progrès sur le volet politique, tout en se félicitant de la reprise du dialogue entre la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État sur la tenue d’élections.  Soutenant que l’ONU reste la principale filière de médiation, le délégué a salué la nomination du nouveau Représentant spécial pour la Libye.  Il a notamment souhaité qu’elle permette à la MANUL de renforcer le rôle de bons offices des Nations Unies dans le pays.  Dans ce contexte, a-t-il dit, la communauté internationale doit respecter le principe d’un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens, sans intervention extérieure.

Les parties libyennes doivent, quant à elles, faire montre de retenue et éviter toute nouvelle flambée de violence, a poursuivi le représentant, avant de saluer le rôle clef joué par la Commission militaire conjointe 5+5 pour faire respecter le cessez-le-feu et permettre un retrait des forces étrangères et des mercenaires de la Libye.  Il a, d’autre part, applaudi le dialogue national pour la réconciliation, appelant toutes les parties à le promouvoir pour créer un environnement propice au processus politique et saluant les efforts consentis, dans ce sens, par l’Union africaine.  Il a également formé l’espoir que la reprise de la production pétrolière contribuera au développement économique du pays et améliorera le bien-être de la population.  Souhaitant enfin que le Conseil de sécurité adopte une résolution contenant des éléments de fond pour prolonger le mandat de la MANUL, il a exhorté cette dernière à se concentrer sur la réconciliation nationale et la tenue d’élections.

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a souligné qu’il n’existe pas de solution militaire ou armée à la crise en Libye.  La priorité immédiate est de résoudre toutes les questions en souffrance afin de parvenir à une base constitutionnelle pour la tenue d’élections présidentielles et parlementaires.  La tenue d’élections, au plus tôt, de manière libre, équitable, inclusive et crédible, est une nécessité impérieuse, a insisté la représentante. 

Elle a constaté que les affrontements violents réguliers entre les groupes armés mettent une fois de plus en lumière la menace que représente la présence continue de forces étrangères et de mercenaires en Libye, en violation de l’accord de cessez-le-feu de 2020 et des résolutions du Conseil de sécurité, en particulier les dispositions relatives à l’embargo sur les armes.  Elle s’est inquiétée de la résurgence des activités terroristes dans le pays, qui ne manqueront pas d’avoir des retombées dans la région du Sahel.  Il est donc important que la communauté internationale s’y attaque afin d’éviter toute répercussion sur l’ensemble du continent africain, a lancé la représentante, se prononçant en outre pour un processus politique conduit totalement par les Libyens, sans ingérence extérieure.

Mme CAÍT MORAN (Irlande) a exhorté les parties à travailler avec le Représentant spécial de façon constructive et de bonne foi.  Elle s’est inquiétée des violences à Zawiya et à Tripoli et a appelé à protéger les civils, rappelant aux groupes armés qu’ils devraient rendre des comptes si tel n’était pas le cas.  La déléguée a appelé à la tenue d’élections libres dans les plus brefs délais afin qu’un gouvernement unifié puisse prendre la tête du pays.  Elle s’est aussi inquiétée de la réduction de l’espace de la société civile et des violations des droits humains, notamment d’un possible retour à la peine de mort et de l’augmentation des détentions arbitraires d’enfants, de migrants et de réfugiés.  Elle s’est prononcée en faveur d’un renouvèlement du mandat de la MANUL pour une durée de 12 mois et a réitéré son soutien indéfectible aux efforts internationaux, notamment au processus de Berlin, en vue d’une solution contrôlée et dirigée par les libyens.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a déclaré qu’il y a un besoin de poursuivre les consultations et les discussions dans la perspective de la tenue d’élections législatives et présidentielle.  Cette demande d’élections est légitime, a souligné la représentante qui a appuyé les efforts déployés par le Maroc et la conférence qu’entend organiser l’Union africaine à cette fin.  Elle a également appelé au départ des troupes et mercenaires étrangers de manière ordonnée.  La représentante a estimé, en outre, que la participation des femmes doit être garantie lors des élections afin que celles-ci puissent être réellement inclusives.

M. TAHER M. T. ELSONNI (Libye) s’est dit encouragé par le début du travail de M. Bathyli qui, dès son arrivée dans le pays, a fait figurer, parmi ses priorités, la mise en place d’une feuille de route en appui au processus politique.  Il lui a toutefois recommandé d’éviter les doublons et de faire fond sur ce que ses prédécesseurs avaient, d’ores et déjà, accompli.  Les Libyens attendent une sortie de cette crise, a-t-il souligné, espérant notamment une prolongation, par consensus, du mandat de la MANUL.  Il s’est félicité des efforts « sérieux » déployés par beaucoup de pays amis pour trouver une solution contrôlée et décidée par les Libyens.  Il a appelé à mettre un terme à toutes les phases de transition dont le pays a souffert depuis 10 ans, et mis en exergue la « grande priorité » qu’est la tenue des élections, étape importante pour en finir avec les confrontations et confirmer la légitimité des institutions.  Dans cet esprit, il a encouragé à la fourniture d’un appui financier et technique, ce qui prouvera le sérieux de la communauté internationale quant à l’organisation des scrutins.  L’appui à la Commission militaire conjointe 5+5 est également vital.

Poursuivant, le représentant libyen a condamné l’« acte cruel » à l’encontre de migrants à Sabrata, et a fait savoir qu’une enquête a été immédiatement ouverte.  Il a demandé au Conseil de mettre les réseaux de traite des êtres humains sur la liste des sanctions.  Il a ensuite souligné que seule une réconciliation nationale « authentique et réelle » permettra de sortir de l’impasse pour que tous les Libyens s’unissent et tournent la page du passé.  Il a annoncé la mise en place de la Commission suprême de réconciliation et la justice transitoire, ainsi que d’un conseil consultatif.  Le Conseil de la présidence a d’ailleurs tenu de nombreuses réunions avec différents représentants de la société civile de toutes les villes et régions du pays afin de préparer la Conférence de réconciliation nationale qui aura lieu l’année prochaine.  Il a loué l’appui de l’Union africaine, et espéré qu’avec l’ONU, celle-ci parviendra à appuyer la mise en œuvre des priorités libyennes.  La réconciliation nationale demeure la priorité, a insisté le délégué, qui s’est dit confiant que le peuple libyen finira par sortir de cette crise.  Mais, a-t-il ajouté, il ne faut toutefois pas l’abandonner à son sort.

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