Au débat public du Conseil de sécurité sur « un multilatéralisme efficace », Russes et Occidentaux s’accusent mutuellement de saper la Charte des Nations Unies
À l’initiative de sa présidence russe, dont c’était le second événement phare ce mois d’avril, le Conseil de sécurité a tenu aujourd’hui un débat public consacré à « un multilatéralisme efficace reposant sur la défense des principes consacrés dans la Charte des Nations Unies ». Alors que le Secrétaire général en a profité pour mettre en avant son rapport « Notre Programme commun », le Chef de la diplomatie russe a dressé un virulent réquisitoire contre les pays occidentaux, accusés de chercher à remplacer le droit international et la Charte par un prétendu « ordre fondé sur des règles » destiné à leur seul profit. Ces derniers ont répliqué en taxant la délégation russe d’hypocrisie, l’accusant de violer tous les principes de la Charte des Nations Unies par son invasion de l’Ukraine.
Dans sa note de cadrage, la présidence russe parlait d’une « transformation systémique » de l’ordre mondial à l’œuvre, marquée par le déclin rapide de l’ordre unipolaire et l’émergence d’un système multipolaire. Elle proposait comme piste de débat, entre autres, de s’interroger sur la manière dont des initiatives telles que Notre Programme commun et le Nouvel Agenda pour la paix pourraient contribuer à une évolution sans heurts vers un multilatéralisme plus efficace.
Le Secrétaire général a rappelé que ce multilatéralisme efficace, qui doit inclure un engagement à relever les défis nouveaux et émergents et à combler les lacunes de la gouvernance mondiale, est « la force motrice » de son rapport sur « Notre Programme commun ». Il a plaidé pour un multilatéralisme plus inclusif et plus en réseau, offrant un espace pour les contributions de tous les pays et communautés ainsi que des liens solides entre la famille des Nations Unies, les institutions financières internationales, les organisations régionales ou encore les blocs commerciaux. Quant au projet de « nouvel agenda pour la paix », il offrira « une vision unificatrice ancrée dans la confiance, l’universalité et la solidarité » en traitant de tous les types de menaces, en adoptant une vision holistique de la paix et en mettant la priorité sur la prévention.
La vision du Secrétaire général a suscité divers commentaires. Le Pakistan s’est dit préoccupé par certaines notions émergentes comme le « multilatéralisme en réseau », jugé contraire à un ordre international constitué d’États souverains et égaux. L’Éthiopie et l’Égypte ont également émis des réserves sur le rôle qui pourrait être dévolu à des acteurs non étatiques. Au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, le Venezuela s’est prononcé pour une revitalisation de la nature intergouvernementale des Nations Unies. Nombre de délégations ont surtout demandé un système international plus égalitaire. Le Pakistan a ainsi rejeté tout monde « unipolaire, bipolaire ou même multipolaire s’il doit être dominé par quelques États ultrapuissants ».
Le Ministre des affaires étrangères russe a appelé à la fois à un retour aux origines du système onusien, présentées comme l’incarnation d’un véritable multilatéralisme grâce à « l’accord fondamental des cinq membres permanents du Conseil de sécurité sur la primauté des objectifs et des principes de la Charte », et à l’adaptation de l’ONU aux « tendances objectives vers une architecture multipolaire » des relations internationales.
Pour M. Sergey Lavrov, le système initial a permis de garantir la sécurité mondiale et de créer les conditions d’une véritable coopération multilatérale régie par les normes universellement reconnues du droit international. S’il est entré dans une crise profonde, c’est parce que « l’Occident collectif » a cherché à substituer au droit international et à la Charte un prétendu « ordre fondé sur des règles » élaboré au seul profit de ses membres, le « milliard d’or », a-t-il tenté d’expliquer. « Ils se mettent d’abord d’accord en privé, dans un cercle restreint, et présentent ensuite ces accords comme la position de la communauté internationale », a dénoncé M. Lavrov, pour qui « personne n’a permis à la minorité occidentale de parler au nom de toute l’humanité ».
S’il a pris pour illustration l’Ukraine dans sa dénonciation de la volonté occidentale de domination, M. Lavrov a estimé que la question n’est pas l’Ukraine mais « la manière dont les relations internationales seront développées ». À côté de la protection des russophones d’Ukraine, « l’opération militaire spéciale » a pour objectif « d’éliminer les menaces pour notre sécurité que l’OTAN fait peser depuis des années directement sur nos frontières », a-t-il expliqué.
C’est au contraire l’Ukraine que les délégations occidentales qui ont participé au débat –limitées aux membres du Conseil, à l’Union européenne, au Canada et à l’Australie– ont mis au centre de la séance. Elles ont surtout dénoncé « l’hypocrisie » de la Fédération de Russie, accusée d’organiser un débat sur les moyens de faire mieux respecter le droit international alors que, selon les États-Unis, elle a « frappé au cœur de la Charte des Nations Unies et de toutes les valeurs qui nous sont chères ».
La position russe a toutefois rencontré des échos. Parce que l’esprit de la Charte est le garant d’un avenir harmonieux pour tous, la Chine a appelé à la défendre de manière cohérente et en dehors de « petits clubs exclusifs qui reposent sur une dichotomie construite de toutes pièces entre prétendues démocraties et autocraties ». Si le Brésil a affirmé qu’il n’accepterait jamais les violations de l’intégrité territoriale des États Membres, il a aussi rejeté les « tentatives plus subtiles » visant à imposer la volonté de certains pays sur la base de « concepts douteux ».
De nombreux intervenants ont également mis en avant la nécessité de réformer le Conseil de sécurité, lequel, selon le Secrétaire général, « bénéficierait de réformes reflétant la réalité géopolitique d’aujourd’hui ». Les délégations africaines, mais aussi latino-américaines, ont dénoncé l’absence de membre permanent issu de leur région et demandé une représentation plus importante. Enfin, plusieurs pays ont également dénoncé le recours « par réflexe » aux sanctions, en particulier quand elles sont unilatérales. Enfin, pour l’Inde, qui avait organisé le 14 décembre dernier un débat du Conseil sur le thème « Une nouvelle orientation pour une refonte du multilatéralisme », il est urgent de réduire la distance entre le « Simul’ONU » enseigné dans les universités et le monde réel, faute de quoi le multilatéralisme risque de sombrer dans l’insignifiance.
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Un multilatéralisme efficace reposant sur la défense des principes consacrés dans la Charte des Nations Unies (S/2023/244)
Déclarations
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, s’est d’abord exprimé sur la situation au Soudan, qui ne cesse de s’aggraver depuis le début des combats le 15 avril. Condamnant fermement le bombardement aveugle de zones civiles, y compris de centres de soins de santé, il a appelé les parties à cesser les combats dans les zones densément peuplées et à permettre des opérations d’aide humanitaire sans entrave. En contact permanent avec les parties au conflit, le Secrétaire général a dit ses efforts pour obtenir un arrêt définitif des combats dès que possible. Annonçant une reconfiguration de la présence onusienne sur place et la relocalisation temporaire, « à l’intérieur et à l’extérieur du Soudan », de certains membres du personnel des Nations Unies, il a dit vouloir être clair: « les Nations Unies ne quittent pas le Soudan » et restent engagées auprès du peuple soudanais. Le Secrétaire général a également demandé à tous les membres du Conseil d’exercer un maximum d’influences sur les parties pour qu’elles mettent fin à la violence, rétablissent l’ordre et reprennent le chemin de la transition démocratique.
Revenant au débat du jour, le Secrétaire général a ensuite déclaré que la coopération multilatérale était « le cœur battant des Nations Unies, sa raison d’être et sa vision directrice », avant d’ajouter qu’au cours des 78 ans d’existence des Nations Unies, le système multilatéral s’était maintenu et avait enregistré quelques succès notables. Les solutions multilatérales apportées aux problèmes mondiaux sont « éprouvées, testées et ont fait leurs preuves », a affirmé le Secrétaire général, pour qui aucun de ces progrès n’aurait été possible si les pays ne s’étaient pas unis en tant que famille humaine multilatérale.
C’est pourquoi la situation actuelle est d’autant plus dangereuse, a fait observer M. Guterres, qui a mis en garde contre le « niveau historique » qu’atteignent les tensions entre grandes puissances et les risques de conflit. Il a cité en premier lieu « l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en violation de la Charte des Nations Unies et du droit international ». S’il a reconnu « quelques développements prometteurs » au Yémen et en Libye, il a aussi rappelé que plus de 100 millions de personnes à travers le monde avaient fui leur foyer pour échapper aux conflits et aux persécutions « du Myanmar au Sahel, de la Somalie à la République démocratique du Congo et au-delà ».
Le Secrétaire général a également cité l’aggravation de la crise climatique, la montée des inégalités, la menace croissante du terrorisme, un recul mondial des droits de l’homme et de l’égalité des sexes, ainsi que le « développement non réglementé de technologies dangereuses ». Ces défis mondiaux ne peuvent être résolus que par le respect du droit international, l’adhésion aux engagements mondiaux et l’adoption de cadres appropriés de gouvernance multilatérale, a-t-il affirmé.
M. Guterres a cité quelques-uns des progrès enregistrés l’an dernier dans plusieurs domaines cruciaux, comme le parachèvement du traité sur la diversité biologique marine ou la percée obtenue lors de la COP27 de Charm el-Cheikh sur les changements climatiques. Il a aussi vu « des exemples convaincants » de l’importance de la coopération multilatérale facilitée par les Nations Unies dans l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire et le protocole d’accord pour faciliter l’exportation de produits alimentaires et d’engrais russes, dont il a vivement encouragé la poursuite de la mise en œuvre.
Il faut toutefois « faire mieux, aller plus loin et travailler plus vite », a poursuivi M. Guterres, qui a souhaité que les États renouvèlent leur engagement à respecter leurs obligations en vertu de la Charte. Il a présenté les principes de respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de tous les États, de non-ingérence dans les affaires des autres États, d’élimination de toutes les formes de discrimination et de règlement pacifique des différends comme des « remparts contre l’incertitude et la fragmentation » et le fondement de toute coopération internationale.
Le Secrétaire général a ensuite exhorté les États Membres à utiliser toute la gamme des outils diplomatiques offerte par la Charte pour le règlement pacifique des conflits, y compris l’utilisation de ses bons offices.
Pour le Secrétaire général, un multilatéralisme efficace doit inclure un engagement à relever les défis nouveaux et émergents et à combler les lacunes de la gouvernance mondiale. C’est là, a-t-il rappelé, « la force motrice de mon rapport sur Notre Programme commun ». M. Guterres y a inclus son projet de « Nouvel Agenda pour la paix » qui, a-t-il ajouté, « offrira une vision unificatrice ancrée dans la confiance, l’universalité et la solidarité » en traitant de toutes les formes et tous les domaines de menace, en adoptant une vision holistique de la paix allant de la prévention au développement durable en passant par le rétablissement, le maintien et la consolidation de la paix, et en faisant de l’action préventive une priorité à tous les niveaux.
Notre Programme commun envisage un multilatéralisme plus inclusif et plus en réseau, qui offre un espace pour les contributions de tous les pays et communautés ainsi que des liens solides entre la famille des Nations Unies, les institutions financières internationales, les organisations régionales ou encore les blocs commerciaux, a plaidé M. Guterres.
Le Secrétaire général a aussi mis en avant la nécessité d’adapter les organes intergouvernementaux à l’évolution des besoins, ajoutant que le Conseil de sécurité « bénéficierait de réformes reflétant la réalité géopolitique d’aujourd’hui », tout comme les institutions de Bretton Woods, qui « ne reflètent pas la réalité de l’économie mondiale d’aujourd’hui ». Il a souhaité que le rapport que remettra le Conseil consultatif de haut niveau sur un multilatéralisme efficace puisse contribuer à une réflexion collective dans la perspective du Sommet de l’avenir prévu en septembre 2024.
Rappelant que les Nations Unies avaient été « créées pour les crises » et qu’elles avaient surmonté « des conflits apparemment insolubles et des divisions profondes », le Secrétaire général a notamment rappelé que les membres du Conseil de sécurité, « en particulier ceux qui ont le privilège de siéger en permanence, ont la responsabilité particulière de faire fonctionner le multilatéralisme, plutôt que de contribuer à son démembrement ».
S’il a jugé « inévitable » la concurrence entre les États, celle-ci ne doit pas exclure la coopération lorsque des intérêts et le bien communs sont en jeu, a insisté M. Guterres, qui a conclu en affirmant que, lorsque la concurrence dégénère en affrontement, le système multilatéral, fondé sur la Charte et le droit international, est « le moyen le plus efficace de gérer les différends de manière pacifique ».
M. SERGEY LAVROV, Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, a rappelé que la Charte des Nations Unies avait constitué le fondement juridique de l’ordre international d’après-guerre et que l’organisation, « incarnant un véritable multilatéralisme », avait assumé un rôle central de coordination dans la politique mondiale. Il a ajouté que, pendant près de 80 ans, l’ONU avait rempli la mission vitale que lui avaient confiée ses pères fondateurs grâce notamment à « l’accord fondamental des cinq membres permanents du Conseil de sécurité sur la primauté des objectifs et des principes de la Charte » qui a garanti la sécurité mondiale et créé les conditions d’une véritable coopération multilatérale, régie par les normes universellement reconnues du droit international.
Mais aujourd’hui, ce système unipolaire est en crise profonde, a constaté le Ministre, pour qui la cause première en est « le désir de certains membres de notre organisation de remplacer le droit international et la Charte par une sorte d’"ordre fondé sur des règles" », qu’il a longuement dénoncé. Il a ainsi accusé les États-Unis d’avoir entrepris la destruction de la mondialisation, ajoutant que les Occidentaux sont depuis longtemps mal à l’aise pour négocier dans des formats universels, tels que les Nations Unies. Pour lui, le thème de l’unité des « démocraties » par opposition aux « autocraties » n’a été créé que pour fournir une justification idéologique au processus de sape du multilatéralisme. « Ils se mettent d’abord d’accord en privé, dans un cercle restreint, et présentent ensuite ces accords comme " la position de la communauté internationale" », a dénoncé M. Lavrov, pour qui « personne n’a permis à la minorité occidentale de parler au nom de toute l’humanité ».
M. Lavrov a accusé les auteurs de « l’ordre fondé sur des règles » de rejeter avec arrogance le principe clef de la Charte qu’est l’égalité souveraine des États. Il a aussi accusé « l’Occident collectif » de chercher à remodeler le multilatéralisme au niveau régional, en prenant en exemple la région Asie-Pacifique, s’en prenant en particulier à l’alliance militaire AUKUS.
Le Ministre a rappelé l’espoir d’un véritable multilatéralisme sans clivages dans l’espace euro-atlantique né après la dissolution du Pacte de Varsovie et la disparition de l’Union soviétique et a insisté sur les efforts patients de son pays pour parvenir à des accords multilatéraux mutuellement bénéfiques basés sur le principe de l’indivisibilité de la sécurité. Mais, a-t-il accusé, les pays occidentaux ont conservé l’OTAN et, « contrairement à leurs promesses », se sont lancés dans une prise de contrôle « impudente » de l’espace adjacent, « y compris des régions où des intérêts russes vitaux ont toujours existé et continueront d’exister ». Il a ainsi accusé les États-Unis de s’être ingérés dans les affaires des États post-soviétiques à l’occasion des « révolutions de couleur » en Géorgie et au Kirghizstan, et du « coup d’État sanglant à Kiev en février 2014 ».
À propos de l’Ukraine, le Ministre a rappelé les efforts multilatéraux qui ont été déployés en vue d’un règlement pacifique à la guerre dans l’est de l’Ukraine, « déclenchée par le coup d’État », qui ont abouti à l’adoption par le Conseil de sécurité approuvant à l’unanimité les accords de Minsk. Or, a-t-il dénoncé, ces accords ont été foulés aux pieds par Kiev et « ses maîtres occidentaux », qui ont récemment admis avec cynisme et même fierté qu’ils n’avaient jamais eu l’intention de les mettre en œuvre.
Mais, pour M. Lavrov, la question n’est pas l’Ukraine mais « la manière dont les relations internationales seront développées ». Le Ministre a répété les objectifs de « l’opération militaire spéciale » de son pays: « éliminer les menaces pour notre sécurité que l’OTAN fait peser depuis des années directement sur nos frontières et protéger les personnes qui ont été privées de leurs droits ». Nous avons honnêtement dit pour quoi et pour qui nous nous battons, a-t-il insisté.
M. Lavrov a également dénoncé les « tentatives éhontées des États occidentaux de soumettre le Secrétariat de l’ONU ». Il a demandé au Secrétaire général de veiller à ce que l’ensemble de son personnel respecte les exigences d’impartialité, y compris à l’occasion de la préparation de documents proactifs sur le « programme commun » du Secrétaire général et sur le « Nouvel Agenda pour la paix ». Sinon, a-t-il averti, au lieu d’un agenda multilatéral, le fossé entre le « milliard d’or » et la majorité mondiale s’approfondira.
Le Ministre a estimé que, « comme pendant la guerre froide », nous sommes arrivés à une ligne dangereuse, « peut-être même encore plus dangereuse » qu’alors, car aggravée par la perte de confiance dans le multilatéralisme.
Il a donc appelé à en « revenir aux origines », soit à l’adhésion aux objectifs et aux principes de la Charte « dans toute leur diversité et leur interconnexion ».
Un véritable multilatéralisme exige l’adaptation de l’ONU aux tendances objectives vers une architecture multipolaire des relations internationales, a encore estimé M. Lavrov, pour qui la réforme du Conseil de sécurité doit être accélérée par une représentation accrue des pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. La surreprésentation actuelle de l’Occident au sein de ce principal organe des Nations Unies sape le principe du multilatéralisme, a-t-il assuré.
Il est de notre responsabilité commune de préserver les Nations Unies en tant que modèle forgé du multilatéralisme et de la coordination de la politique mondiale, a affirmé le Ministre, qui a rappelé qu’en 2021, le Président Putin avait proposé de convoquer un sommet des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, et que la Chine et la France avaient soutenu cette initiative. Ce sujet est directement lié au multilatéralisme, a affirmé M. Lavrov et ce, en raison de la responsabilité particulière qui leur incombe, en vertu de la Charte, en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Pour M. Lavrov, ce genre de préoccupations est de plus en plus exprimé en dehors du monde occidental. Le Ministre a conclu en disant apprécier le désir sincère des autres régions du monde d’apporter des solutions à tous les problèmes contemporains par un travail collectif honnête visant à concilier les intérêts sur la base de l’égalité souveraine des États et de l’indivisibilité de la sécurité.
M. KHALIFA SHAHEEN ALMARAR, Ministre d’État des Émirats arabes unis, a rappelé que la défense des principes de la Charte des Nations Unies est vitale pour préserver un multilatéralisme efficace. Parmi ces principes, il a mentionné le respect de la souveraineté de tous les pays ou bien encore le règlement pacifique des différends. Après avoir énuméré les défis mondiaux actuels, comme les changements climatiques et le terrorisme, il a demandé de promouvoir le dialogue entre nations et de renforcer les efforts communs afin de régler pacifiquement les conflits, du Soudan à l’Ukraine. Il a plaidé pour un multilatéralisme qui soit au service de l’ensemble des membres de l’ONU, en ajoutant que la « polarisation » et les intérêts concurrents entravent son efficacité. Il a dénoncé à cette occasion « l’influence disproportionnée » dans le système multilatéral de certains membres, « les mêmes qui veulent empêcher ou mettre en œuvre des réformes pour rendre le multilatéralisme plus efficace ».
Les institutions, telles que le Conseil de sécurité, le FMI ou bien encore la Banque mondiale, doivent être réformées, a poursuivi le Ministre, en appelant à un dépassement du statu quo et en plaidant pour la participation des pays vulnérables. Il a également appelé à protéger les biens publics mondiaux, en investissant pour la planète et les peuples, avant d’insister sur l’importance de l’Accord de Paris et de l’accord sur un instrument international juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, « des accords qui ont permis d’avancer ». Le Ministre a enfin déclaré que le multilatéralisme ne peut être seulement un processus intergouvernemental. Les perspectives de toutes les parties prenantes, y compris les femmes et les enfants, doivent être prises en compte, a-t-il déclaré. « Il est grand temps de réformer le système multilatéral », a-t-il conclu après avoir rappelé que les Émirats seront l’hôte de la COP28.
M. HERMANN IMMONGAULT, Ministre délégué aux affaires étrangères du Gabon, a rappelé que ce débat intervient une semaine après la publication du rapport du Conseil consultatif de haut niveau sur un multilatéralisme efficace, dont les recommandations visent à raffermir les fondements du « vivre-ensemble » de la communauté internationale par le biais d’une grande solidarité. Cette quête de solidarité internationale est la matrice de la Charte des Nations Unies et, en y souscrivant, chacun des membres de I’ONU a fait le choix d’une sécurité indivisible, a-t-il souligné, souhaitant que cet esprit reste au centre de notre système de sécurité collective mais aussi de notre projection du développement durable et de la prospérité partagée. Pour relever les défis à venir, a poursuivi le Ministre, notre architecture de sécurité devrait être le reflet des réalités actuelles. Il importe donc selon lui d’effectuer une mise à jour des institutions internationales, mais aussi des mentalités et des perceptions d’une paix durable. Constatant à cet égard que l’Afrique n’a pas de siège permanent au sein du Conseil de sécurité, il a appelé à réformer cet organe sans plus tarder afin qu’il soit représentatif de la réalité d’aujourd’hui et à même de répondre efficacement aux défis actuels et futurs, sur la base de la Position commune africaine, telle que reflétée dans le consensus d’Ezulwini et la Déclaration de Syrte.
Le Ministre a ensuite plaidé pour une redéfinition de nos règles et de nos mécanismes pour faire face de manière adéquate à l’évolution de I’insécurité et du terrorisme. En ce qui concerne les règles, il faut garantir I’inclusivité et la solidarité, et ne laisser aucune place ni à la politique du « deux poids, deux mesures » ni à la solidarité à géométrie variable, a-t-il soutenu, avant d’en appeler à la construction d’un « nouveau contrat social », entre les générations, entre les gouvernants et les gouvernés, entre I’échelle mondiale et régionale, qui mette un accent particulier sur les conditions des jeunes et des femmes. Dans ce cadre, a-t-il insisté, le multilatéralisme doit prévaloir sur les postures unilatéralistes et la logique du dialogue doit prévaloir sur celle de I’antagonisme. Jugeant illusoire de penser que I’humanité survivra avec des « bulles de sécurité et de prospérité entourées d’un océan d’insécurité et de misère », il a appelé à dresser un « bouclier d’actions et d’initiatives » pour se prémunir contre toute prédation de ressources et de dignité. Il a enfin averti que la multiplicité des relations bilatérales n’aura jamais les vertus de la concertation multilatérale. Le « multi-bilatéralisme » mène à la fragmentation et à la division du monde en blocs, alors que la vocation du multilatéralisme est de mener à I’unité et à la construction de passerelles entre « nous, les peuples du monde », a-t-il conclu.
M. THOMAS MBOMBA, Vice-Ministre des affaires étrangères et de l’intégration régionale du Ghana, a relevé qu’il est dans l’intérêt de tous les États, qu’ils soient petits ou puissants, de sauvegarder le système multilatéral. Il a appelé au respect des principes de la Charte, sans politisation ni toute forme de sélectivité dans l’application. Il a cité l’ancien Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, qui relevait que « notre avenir, notre prospérité et notre sécurité, sont plus liés que jamais ». Et cette réalité devrait nous conduire à construire des ponts, pas à les brûler, et à consolider les fondements du dialogue et du consensus. Il a encouragé les initiatives de réforme en cours dans le système des Nations Unies, y compris la revitalisation de l’Assemblée générale et la réforme du Conseil de sécurité.
Le Ministre a appelé à renforcer la mise en œuvre du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, en particulier autour de la question de la « prévention régionale ». Par exemple, a-t-il expliqué, nous ne pouvons tenter aucune résolution légitime de la crise du terrorisme sur le continent africain sans la collaboration d’institutions comme l’Union africaine (UA) et les communautés économiques régionales comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ainsi que l’Initiative d’Accra sur le Sahel.
Le Ministre a ensuite souligné que les défis mondiaux actuels sont tellement interconnectés et multidimensionnels que nous devons renforcer la collaboration et la consultation conjointe entre les différentes institutions. Cela nécessite un renforcement des consultations avec les institutions et les processus en dehors de l’ONU, notamment les institutions de Bretton Woods, mais aussi, le cas échéant, avec les organisations de la société civile concernées et les acteurs responsables du secteur privé. À ce propos, le Ministre a souligné que le rapport du Secrétaire général sur Notre Programme commun, y compris le Nouvel Agenda pour la paix, offre une vision prospective d’un multilatéralisme revigoré, inclusif et efficace pour relever les défis mondiaux contemporains.
Pour le Ministre, les outils disponibles dans la Charte des Nations Unies restent indispensables pour aborder les problèmes existants et les défis émergents de notre temps. Ce qu’il faut donc, a-t-il argué, c’est exploiter stratégiquement et déployer efficacement ces outils, y compris le Chapitre VI sur le règlement pacifique des différends.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a rappelé que tous les États Membres ont souscrit aux principes et valeurs de la Charte des Nations Unies, un engagement qu’ils ont réitéré à l’occasion des 75 ans de l’Organisation. Pourtant, a-t-elle constaté, la souveraineté étatique, l’intégrité territoriale et l’interdiction du recours à la force continuent à être bafouées, depuis plus d’une année, par l’agression militaire d’un membre permanent du Conseil de sécurité contre son voisin. « La recette la plus efficace pour préserver le multilatéralisme et l’intégrité de la Charte est donc de la respecter », a fait valoir la représentante, avant de réitérer l’appel ferme de la Suisse à la Fédération de Russie pour qu’elle retire sans délai ces troupes de l’ensemble du territoire ukrainien. À ses yeux, démontrer son attachement à la Charte et discuter du renforcement du multilatéralisme est un « devoir » dès lors qu’il s’agit d’appeler à la protection des civils, de condamner les violations du droit international et d’exhorter les parties au conflit à faire taire les armes et à rejoindre la table des négociations. C’est aussi un devoir que nous avons en vertu des Conventions de Genève, « réussite du multilatéralisme » car elles sont parmi les rares traités internationaux à avoir été ratifiées universellement, a-t-elle souligné.
La représentante s’est déclarée convaincue qu’un multilatéralisme efficace demeure la seule façon de réaliser la vision d’un monde « où règne la force de la loi et non la loi du plus fort et où la dignité humaine est toujours respectée ». Selon elle, le respect de la Charte reste « existentiel », pour un État petit ou de taille moyenne comme le sien et comme la majeure partie des États Membres de l’ONU, « indépendamment du fait de savoir si ce monde est unipolaire, bipolaire ou multipolaire ». Cette conviction, a-t-elle expliqué, tient aussi au fait que la Charte et le multilatéralisme ont permis à l’humanité de faire des progrès remarquables, comme d’éviter, à ce jour, une confrontation nucléaire, de décoloniser nombreuses régions du monde, de réduire la pauvreté, d’améliorer l’accès aux systèmes de santé et d’éducation, de progresser économiquement et de négocier les buts du développement durable. Mais « l’efficacité de la Charte fonctionne selon la volonté des États de la mettre en œuvre », a-t-elle affirmé, appelant au respect inconditionnel du droit international mais aussi au courage pour enfin sérieusement engager des réformes du système multilatéral, y compris du Conseil de sécurité, afin de « rétablir la confiance dans et au sein de ce système ».
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a observé que le conflit en Ukraine a ajouté une pression énorme sur le système multilatéral qui a déjà prouvé qu’il était capable de s’adapter et d’évoluer dans plusieurs domaines, sauf dans la paix et la sécurité. Pour le représentant, le G20 est l’exemple de l’organe le plus représentatif de la communauté internationale. S’agissant de la réforme du Conseil de sécurité, le délégué a déclaré que sa composition actuelle n’est pas compatible avec les réalités géopolitiques, faisant remarquer que le continent africain et la région de l’Amérique latine et les Caraïbes ne sont pas représentés dans la catégorie des membres permanents. Cela se traduit par un manque croissant de légitimité de cet organe pour prendre des décisions en matière de paix et de sécurité, a-t-il regretté en constatant que cette situation alimente la frustration face aux lacunes du système des Nations Unies dans son ensemble. Le représentant a par ailleurs constaté actuellement une moindre disposition au dialogue et à la diplomatie, en contradiction avec l’esprit de la Conférence de San Francisco. Il a dénoncé les nombreuses occasions où la demande de sanctions a été la réaction instinctive à des situations de crise, précédée par des mesures coercitives unilatérales, qui sont illégales au regard du droit international et inefficaces selon le représentant.
Le représentant a déclaré rejeter les hégémonies, anciennes ou nouvelles, et condamner la menace ou l’usage de la force comme moyen de règlement des différends comme dans le cas de l’Ukraine. Il a aussi rejeté les « tentatives plus subtiles » d’imposer la volonté de certains pays sur la base de « concepts douteux » fondés sur des décisions simplistes qui ne reflètent pas la complexité de la réalité. Il faut revenir aux principes de la Charte des Nations Unies, avec un accent accru sur les moyens pacifiques de mettre fin aux conflits, a-t-il souhaité en disant que le Brésil ne peut pas tolérer et n’acceptera jamais les violations de l’intégrité territoriale des États Membres. Il a demandé à la communauté internationale de ne pas renoncer à la diplomatie et à la recherche collective de solutions pour relever les défis de notre temps. La diplomatie et la paix sont les moyens et le but du Conseil de sécurité, lequel ne doit pas se dérober face à cette responsabilité, a interpellé le représentant estimant que le monde s’achemine vers un ordre multipolaire. Se disant conscient des déficiences du système des Nations Unies, il a toutefois exhorté à lui faire confiance pour préserver la paix et la recherche de solutions aux défis communs. Il a réclamé un « débat sérieux » sur la nécessité d’un multilatéralisme renouvelé, en particulier dans le domaine de la paix et de la sécurité, en mettant de côté les pratiques qui ne feront qu’aggraver les divisions, au lieu de contribuer à un monde plus pacifique.
M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) s’est dit convaincu que la vocation primordiale du multilatéralisme est de réaliser les objectifs de la Charte des Nations Unies, dont le principal est le maintien de la paix et de la sécurité internationales. En précisant au quatrième paragraphe de son article 2 que « tous les membres s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique » de tout autre État, la Charte a proclamé l’importance de la sécurité collective, a souligné le représentant. La sécurité collective signifie que la sécurité de l’un est la sécurité de tous et que la sécurité, dans notre monde globalisé, est aussi un « bien global » qui ne peut être ni divisé ni fragmenté, a-t-il ajouté, estimant à ce propos que l’Article 51 de la Charte, relatif à la légitime défense individuelle ou collective, constitue un rappel que tous les États méritent de vivre en paix et en sécurité.
De l’avis du représentant, les défis mondiaux actuels en matière de sécurité, tels que les guerres interétatiques, les conflits internes, le terrorisme, la criminalité transnationale organisée, la prolifération des armes, le financement limité du maintien de la paix, les systèmes de sécurité collective divisés et concurrents et le désarmement nucléaire, imposent de renforcer le multilatéralisme. Avec la coopération positive des États, nous pouvons trouver des moyens concertés et harmonisés pour résoudre la plupart des conflits en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie, dans la péninsule coréenne et même en Europe, a-t-il fait valoir, jugeant que répéter l’erreur des conflits mondiaux reviendrait à commettre « le plus grand crime contre l’humanité ».
Pour le représentant, ce contexte témoigne du fait que l’ONU doit être réformée pour être « plus inclusive, efficace, juste, équitable et démocratique ». Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons relever collectivement les défis géopolitiques et sécuritaires auxquels l’humanité est confrontée, a-t-il soutenu, avant de réitérer son appel à réformer le Conseil de sécurité en tenant compte de la Position commune africaine, fondée sur le consensus d’Ezulwini et la Déclaration de Syrte. En outre, le Conseil de sécurité doit améliorer ses méthodes de travail pour renforcer sa capacité à agir dans l’intérêt de l’humanité tout entière, a-t-il ajouté.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a estimé que le sujet traité ce jour était sérieux « même s’il a été convoqué par un membre du Conseil dont les actions démontrent un mépris flagrant pour la Charte des Nations Unies ». La représentante a ensuite noté qu’aux Nations Unies, une question politique difficile donnait lieu souvent à « 193 réponses différentes ». Cela rend notre travail difficile, a-t-elle reconnu, mais c’est aussi la raison d’être de l’ONU: permettre aux États Membres de surmonter les désaccords, de trouver un terrain d’entente et de voir où nous pouvons progresser ensemble.
Pour la représentante, il y a toutefois des valeurs et des principes si fondamentaux « que leur adhésion est le prix à payer pour être admis à l’ONU ». Ce sont les valeurs énoncées dans la Charte des Nations Unies, dont la représentante a brandi le texte et dont elle a lu l’Article 1, qui énumère les but des Nations Unies. Ces principes ont été « à la base des plus grands triomphes de l’ONU au cours des huit dernières décennies », a-t-elle affirmé, avant d’ajouter que le monde a besoin aujourd’hui plus que jamais d’une ONU efficace et d’un multilatéralisme efficace face aux défis de la crise climatique, de la sécurité alimentaire ou de la pandémie de COVID-19.
C’est pourtant maintenant que l’ONU souffre d’une crise de confiance, a déploré la représentante, qui a dénoncé l’hypocrisie de la Russie, organisatrice d’un débat sur le multilatéralisme efficace alors qu’elle a « frappé au cœur de la Charte des Nations Unies et de toutes les valeurs qui nous sont chères », une guerre d’agression et de conquête territoriale « n’est jamais, jamais acceptable », a-t-elle condamné.
Mais pour la représentante, la situation actuelle ne concerne pas seulement l’Ukraine ou l’Europe, car « demain, ce pourrait être un autre pays, une autre petite nation qui est envahie par son plus grand voisin ». La représentante a affirmé que cette invasion « n’est pas un incident isolé ». Elle a accusé la Russie d’avoir « militarisé l’approvisionnement alimentaire mondial », empêché l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire d’atteindre son plein potentiel, manqué à ses obligations au titre du Traité NEW START et proféré des « menaces nucléaires dangereuses et provocatrices », violé les droits humains tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de ses propres frontières, et violé le droit international. Elle l’a notamment accusée de détenir sans justification plusieurs ressortissants américains et de les utiliser comme « pions humains », comme monnaie d’échange politique.
Si la Russie sape l’ONU et sa Charte, le reste du monde peut et doit faire mieux, a poursuivi la représentante, pour qui l’ONU doit évoluer pour répondre aux exigences du XXIe siècle. Cela inclut le Conseil de sécurité, qui doit mieux refléter les réalités mondiales d’aujourd’hui, a-t-elle poursuivi, en appelant à trouver « des voies crédibles, sensées et politiquement viables » à cette fin. La représentante a rappelé que, l’an dernier, elle avait annoncé six principes de comportement responsable pour les membres permanents du Conseil de sécurité. Les États-Unis croient en l’ONU, a-t-elle ajouté, affirmant que la réponse aux violations flagrantes de la Russie ne peut être d’abandonner les principes fondateurs de cette institution. Il faut au contraire renouveler notre attachement aux principes de souveraineté, d’intégrité territoriale, de paix et de sécurité, a-t-elle poursuivi, appelant à soutenir l’initiative « Notre programme commun ».
« Nous avons vu ce que la conception du multilatéralisme de la Russie signifie pour le monde », a déclaré Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni), avant de dénoncer les « souffrances inimaginables » infligées par la Russie depuis son invasion de l’Ukraine, au mépris des principes de la Charte des Nations Unies. Elle a observé qu’il s’agit également d’un « désastre total » pour la Russie, celle-ci et les pays voisins n’étant pas davantage en sécurité. La confiance envers les promesses de la Russie, de la part des autres États et de son propre peuple, est à un point bas catastrophique, a-t-elle constaté, en ajoutant que la réputation de la Russie sur la scène internationale est désormais « en lambeaux ». La représentante a rappelé la fuite de millions de Russes qui cherchent à échapper à la conscription militaire, tandis que l’armée russe, « autrefois fière », est en ruines et doit faire appel aux mercenaires de Wagner. « Les revendications territoriales de la Russie sur l’Ukraine ne seront jamais reconnues », a ensuite martelé la déléguée. Enfin, elle a déclaré que les institutions multilatérales doivent évoluer, à commencer par ce Conseil, avant d’exhorter la Russie à se retirer immédiatement du territoire de l’Ukraine.
M. ZHANG JUN (Chine) a estimé que le monde se trouve à la croisée des chemins, l’humanité étant confrontée à défis mondiaux sans précédent. Or, a-t-il déploré, des politiques de harcèlement menées sciemment par quelques pays entraînent des divisions. C’est pourquoi il convient de résister à ces pressions et de défendre ardemment la Charte des Nations Unies et un multilatéralisme appliqué sincèrement par tous les pays. Pour le représentant, l’autorité de la Charte doit être préservée à tout prix car ses buts et principes forment la pierre angulaire de l’ordre international fondé après la guerre. Elle a instauré les normes présidant au droit international et n’est en rien obsolète, même si ses principes et buts ne sont pas appliqués comme ils le devraient. Parce que l’esprit de la Charte est le garant d’un avenir harmonieux pour tous, le représentant a affirmé que les États Membres doivent agir pour la défendre de manière cohérente et en dehors de « petits clubs exclusifs qui reposent sur une dichotomie construite de toutes pièces entre prétendues démocraties et autocraties ».
Le représentant a insisté sur le fait que défendre la Charte, c’est défendre l’ordre international sous-tendu par le droit international: il n’en existe pas d’autre, a-t-il martelé. Selon lui, face au risque de chaos, la communauté internationale doit s’appuyer sur les principes et buts de la Charte pour préserver l’équité et répondre aux défis mondiaux afin d’assurer la sécurité et le développement de tous les pays. C’est pourquoi la Chine s’oppose aux tentatives d’imposer un droit international à la signification déformée par une poignée de pays pour imposer leur volonté et leur idéologie à tous. « Sous couvert de défendre un ordre international basé sur les règles, on bafoue les droits légitimes d’autres pays, portant ainsi atteinte à l’état de droit au niveau international », a accusé le représentant.
L’ONU doit être au service de tous les peuples, a insisté le représentant. Elle ne peut pas œuvrer aux intérêts de quelques-uns qui, parfois, accueillent des instances de l’Organisation pour les prendre progressivement « en otage ». Le représentant a ensuite plaidé pour un multilatéralisme efficace et équitable, ce qui exige qu’un rôle accru soit dévolu aux pays africains dans la prise de décisions onusiennes. Nous appuyons la proposition du Secrétaire général de l’ONU de réformer les institutions financières internationales et d’améliorer le système de gouvernance mondiale, a-t-il dit par ailleurs.
Enfin, la Chine appelle à la suppression des sanctions unilatérales, « véritables violations du droit international », imposées par les États-Unis pour renforcer partout leur idéologie. Ces sanctions sont un monstre rampant venant aggraver les crises humanitaires, empêcher le développement de pays entiers et elles entraînent de surcroît des dégâts immenses dans les relations internationales, a affirmé le représentant. Avant qu’elles n’affaiblissent encore davantage le multilatéralisme guidé par l’ONU, la Chine demande qu’il y soit mis fin, ces sanctions étant autant d’actes illégitimes.
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a relevé qu’il peut y avoir différentes opinions sur le multilatéralisme, espérant que ce débat ouvert ne soit pas destiné à diviser plutôt que d’unir. Le multilatéralisme ne fonctionne que lorsque les États Membres travaillent ensemble sur la base de la confiance mutuelle et de la coopération, conformément aux buts et principes de l’ONU, a-t-il relevé. Selon le délégué, c’est une ironie, voire une tragédie, que la Fédération de Russie, un membre permanent du Conseil de sécurité, poursuive son agression unilatérale contre l’Ukraine, tout en organisant un débat sur le multilatéralisme, et ce à l’occasion de la Journée internationale consacrée à la question. Toute tentative de modifier unilatéralement le statut établi des territoires par la force ou la coercition ne devrait pas être tolérée dans le monde, a-t-il martelé. De même, il a estimé que toute déclaration visant à nier la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, des pays voisins ou de tout autre État Membre ne devrait pas être tolérée, en particulier quand cela vient d’un membre permanent de ce Conseil.
Le délégué a regretté que la note conceptuelle de ce débat public, diffusée par la Russie, ne contienne pas un seul mot concernant l’Ukraine mais évoque d’autres « crises et invasions ». Pour le représentant, une telle approche s’apparente à un détournement et une politisation du « multilatéralisme ». Il a appelé l’ONU à continuer d’être le rempart du multilatéralisme. Il a reconnu que l’ONU n’a jamais été parfaite mais que « nous avons tous besoin de l’ONU comme noyau du multilatéralisme ». Il a conclu en appelant à renforcer les fonctions de l’ONU par la réforme, espérant voir aboutir la réforme du Conseil de sécurité lancée en 2005.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé que le multilatéralisme, c’est accepter de se soumettre aux règles afin de préserver la paix et la sécurité internationales. Le recours à la force, sauf en cas de légitime défense, est interdit, a souligné le représentant ajoutant que pour la Russie, les règles de droit et les principes qui sous-tendent le multilatéralisme ne semblent pas s’appliquer. La Russie a eu recours illégalement à la force en Géorgie en 2008, en Crimée et dans le Donbass en 2014 et depuis plus d’un an dans toute l’Ukraine, a-t-il énuméré, se désolant que ce pays viole la souveraineté et l’intégrité territoriale des États, de l’Ukraine, le droit international humanitaire, de façon systématique et délibérée, en ciblant des civils. « La Russie viole le droit international des droits de l’homme, en déportant des enfants ukrainiens et en employant de manière systématique le viol comme une arme de guerre et la torture. » La Russie, a poursuivi le représentant, viole les embargos sur les armes décidés par ce Conseil, en se fournissant en drones auprès de l’Iran pour bombarder de manière indiscriminée des infrastructures civiles, la Russie violant ainsi la résolution 2231 (2015). Il a rappelé que l’Assemblée générale a condamné sans équivoque et à une écrasante majorité ces atteintes à notre Charte et qu’elle a notamment demandé que la Russie mette fin sans délai à son agression et retire ses troupes.
M. de Rivière a suggéré que si la Russie veut vraiment défendre le multilatéralisme, elle doit en respecter les règles, le droit international et cesser de violer la Charte; mettre un terme à sa guerre d’agression contre l’Ukraine; retirer immédiatement ses troupes du territoire ukrainien; et s’engager de bonne foi dans la recherche de la paix. Elle doit respecter les décisions rendues par les juridictions internationales, dont la Cour internationale de Justice, a-t-il ajouté en lui demandant encore de prendre sa part dans la lutte contre les changements climatiques. Il a demandé d’agir pour rétablir la stabilité et surmonter les crises en défendant un multilatéralisme ambitieux et efficace qui protège les intérêts de nos pays et de nos peuples, ainsi que les biens communs. « La loi du plus fort ne protège personne. » Le délégué a ensuite rappelé que son pays soutient la réforme du Conseil y compris son élargissement et l’encadrement du veto dans le cadre d’une initiative commune avec le Mexique. Il a aussi souligné la mobilisation de la France envers les objectifs de développement durable, faisant valoir que le pays accueillera, avec le Costa Rica, la Conférence des Nations Unies sur les océans en 2025, ainsi qu’un sommet en juin à Paris pour sceller un nouveau pacte financier global, dans un contexte où l’agression russe en Ukraine a très gravement détérioré la situation des pays les plus vulnérables à la crise alimentaire. La France soutient le programme « femmes, paix et sécurité » du Conseil. La France soutient pleinement les recommandations du Notre Programme commun qui appelle à un multilatéralisme inclusif et efficace afin de mieux répondre aux défis les plus urgents de l’humanité.
Mme FRANCESCA GATT (Malte) a notamment souligné que depuis la création de l’ONU, la marche du monde a été largement guidée par la Charte des Nations Unies et ses principes fondamentaux, parmi lesquels le principe de l’égalité souveraine des États. Selon elle, il convient à cette aune de souligner également que, selon la Déclaration des Nations Unies de 1970, il n’y a pas de conflit entre les principes du droit international car ils sont interdépendants, et chaque principe doit être construit dans le contexte des autres principes. Dès lors, a ajouté la représentante, nous ne pouvons pas accepter les résultats des référendums illégaux organisés l’année dernière par la Russie « comme prétexte pour de nouvelles violations de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine ». Nous ne pouvons pas non plus reconnaître les prétendues républiques issues des actes illégitimes de la Russie envers l’Ukraine, a encore déclaré la déléguée.
Pour Malte, les agissements russes contribuent précisément au démantèlement de l’ordre fondé sur des règles. Dans ce contexte, la représentante a jugé profondément préoccupant que la Fédération de Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, ait ignoré de manière flagrante la fonction première de ce Conseil, à savoir le maintien de la paix et de la sécurité internationales, lorsqu’elle a lancé son agression contre l’Ukraine. La déléguée a exhorté à son tour la Russie à mettre fin à cette guerre, à retirer ses forces militaires de l’ensemble du territoire ukrainien à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues et à se tourner vers le dialogue et la diplomatie en tant que seuls outils susceptibles de ramener la paix et la stabilité dans la région.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a rappelé le principe de l’inviolabilité de l’intégrité territoriale. Il a estimé que la meilleure issue de ce débat serait que la Russie cesse son agression contre l’Ukraine. Il n’y aurait pas de plus « beau cadeau », a estimé le représentant, qui a ensuite balayé toutes les justifications avancées de cette agression, avant de rappeler l’unicité de la Charte. Il n’y a pas de Charte pour l’Occident, pour les juifs ou pour les musulmans, il n’y a qu’une seule Charte, a tranché le représentant, qui a ensuite plaidé pour un contrôle des armements et rappelé que le monde ne peut être vu comme un jeu de conquête. Il s’est dit favorable à une réforme du Conseil de sécurité, en rappelant l’obligation de ses membres de respecter les principes du multilatéralisme, puisque seuls ceux-ci peuvent imposer l’ordre au chaos. Défendons la Charte et œuvrons pour la paix, a-t-il conclu.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a parlé « d’hypocrisie » en constatant qu’un membre permanent du Conseil de sécurité qui a ouvertement ignoré la Charte des Nations Unies, sciemment et volontairement transgressé toutes les règles communément établies en matière de relations entre États et ignoré les résolutions du Conseil et ses propres engagements internationaux avait choisi aujourd’hui de faire la leçon au monde sur le multilatéralisme. Parlant de « parodie », il a toutefois fait observer qu’au vu des milliers de victimes innocentes et des millions de personnes déplacées, on ne pouvait en rire. Pour lui, ce qui s’est passé en Ukraine est le contraire de tout ce que nous représentons. Se refusant à « acheter une réalité parallèle artificielle conçue pour transformer l’agresseur en défenseur de la Charte des Nations Unies », le représentant a estimé que la guerre en Ukraine pose la question fondamentale du multilatéralisme et de son avenir, au moment où nous en avons le plus besoin pour affronter des défis mondiaux qui appellent des solutions mondiales qu’aucun pays ne pourra résoudre seul. Pour l’Albanie, il faut une véritable coopération internationale et la reconnaissance ferme qu’aucun pays ne peut atteindre ses objectifs aux dépens des autres.
Le représentant a rappelé que l’Assemblée générale avait confirmé à plusieurs reprises qu’elle n’accepterait pas un avenir où la force dicte le droit, ni « une sémantique cynique où une agression est qualifiée d’"opération spéciale" ». Il a dit avoir entendu aujourd’hui « des tonnes » d’hypocrisie en provenance de Russie. Il a en particulier dit n’avoir « rien entendu sur la question clef: en vertu de quelle règle de la Charte des Nations Unies la Russie a-t-elle attaqué son voisin et annexé par la force des parties de son territoire? » Appelant au respect mutuel plutôt qu’au mépris, à la solidarité plutôt qu’aux menaces et à la diplomatie plutôt qu’à la guerre, le représentant a exhorté la Fédération de Russie à mettre fin à sa guerre, à retirer toutes ses troupes d’Ukraine et à respecter sa souveraineté et son intégrité territoriale à l’intérieur des frontières internationalement reconnues. « Le multilatéralisme, c’est s’unir en toute bonne foi, et non jouer à la roulette russe », a-t-il conclu.
M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a estimé que l’invasion d’un pays souverain par un autre constitue une violation flagrante de l’Article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies, et que cela constitue un acte d’agression au sens de la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale. Il a relevé que le non-respect fréquent des décisions rendues par le Conseil de sécurité, sans que cela engendre de conséquences, sape l’autorité et la crédibilité de cet organe. Le représentant a aussi dénoncé la violation des traités internationaux, comme le Traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP) pourtant entré en vigueur il y a plus de 50 ans. Les engagements pris par les États détenteurs d’armes nucléaires, en vertu de l’article VI du TNP, sont encore loin d’être remplis, a—t-il regretté, notant que la situation est similaire en ce qui concerne les engagements politiques pris au sujet d’armes légères et de petit calibre. Il a jugé regrettable qu’aucune mesure ne soit prise pour prévenir, combattre et éliminer leur trafic illicite, précisant que ces armes sont pourtant un grand accélérateur de conflits partout dans le monde.
Alors que le Conseil de sécurité est paralysé par le veto exercé par quelques-uns qui ont ainsi la capacité d’arrêter l’action de la communauté internationale dans son ensemble, il a constaté que les instances judiciaires multilatérales continuent d’avoir un champ d’action limité. Pour cette raison, l’universalité du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) est nécessaire, ainsi que l’acceptation de la compétence de la Cour internationale de Justice (CIJ), a-t-il argumenté. Il a toutefois déploré qu’après près de 80 ans, moins de la moitié des membres de l’ONU acceptent la juridiction de la CIJ. Il a conclu en saluant l’opportunité de ce débat qui devrait à son avis être suivi d’autres options comme « l’inévitable réforme du Conseil de sécurité ».
M. GERARDO PEÑALVER PORTAL, Premier Vice-Ministre des affaires étrangères de Cuba, a constaté un affaiblissement progressif du multilatéralisme face à la multiplication des tensions, des formes de domination et d’hégémonie, et des menaces à la paix et à la sécurité internationales. Il a relevé que la crise mondiale multidimensionnelle, exacerbée par la pandémie de COVID-19, a un impact plus important sur les pays du Sud, « en raison de l’ordre international injuste et insoutenable qui prévaut ». Alors que les inégalités, l’exclusion sociale et la pauvreté s’aggravent, que les conflits armés prolifèrent et que la course aux armements s’intensifie, des tentatives sont faites pour « réimposer un ordre unipolaire », en ignorant les traités internationaux et en multipliant les mesures coercitives unilatérales, ainsi que d’autres violations de la Charte des Nations Unies et du droit international, a-t-il dénoncé. Face à cette « grave réalité », le Vice-Ministre a réaffirmé la nécessité de renforcer le multilatéralisme, la coopération internationale et la solidarité pour faire face aux défis communs.
Pour ce faire, le Premier Vice-Ministre a jugé urgent d’entreprendre des transformations profondes de l’ONU, afin d’aller vers un ordre international démocratique, juste, équitable et respectueux de l’égalité souveraine des États, au bénéfice des générations présentes et futures. Selon lui, une culture de la paix garantissant la sécurité et le bien-être des nations doit être promue et le rôle de l’Assemblée générale doit être revitalisé et renforcé, « sans ingérence du Conseil de sécurité dans ses travaux ». Le Vice-Ministre a également souhaité que cet organe soit réformé pour devenir plus transparent, inclusif, démocratique et représentatif. De surcroît, il importe, à ses yeux, de faire cesser immédiatement l’application de mesures coercitives unilatérales et l’élaboration de listes « fallacieuses et arbitraires », comme celle d’États « prétendument commanditaires du terrorisme ». Le monde a besoin de solidarité, de coopération et de respect mutuel, et non de blocages ou de sanctions, a-t-il fait valoir, assurant que Cuba continuera de défendre avec fermeté et constance la Charte des Nations Unies et le droit international, tout comme elle restera attachée à la proclamation de l’Amérique latine et des Caraïbes comme zone de paix.
M. AMIR SAEID IRAVANI (République islamique d’Iran) a déclaré que le multilatéralisme est capable de résoudre les conflits mondiaux. Les États Membres doivent promouvoir un ordre juridique mondial stable et efficace. Le représentant a dénoncé l’abus du système de l’ONU, l’application sélective du droit international et le recours aux mesures coercitives unilatérales et à l’unilatéralisme, y voyant des menaces à la paix et une violation de la Charte des Nations Unies. Les mesures coercitives unilatérales et leur application extraterritoriale sont un exemple préoccupant de démarche unilatérale nocive, a-t-il ajouté. Ces mesures peuvent saper les efforts diplomatiques visant à résoudre les différends et à promouvoir la coopération.
Le retrait unilatéral des États-Unis du Plan d’action global commun et la réimposition unilatérale de sanctions illégales contre l’Iran et les tentatives de contraindre d’autres pays de s’engager dans ces actions sont illégaux, de même que la remise en cause de l’arbitrage de la Cour internationale de Justice, a accusé le représentant, pour qui toutes ces mesures sapent le système multilatéral. Il a demandé aux États-Unis d’appliquer la décision de la CIJ du 30 mars 2023 concernant certains avoirs iraniens, rappelant que cette décision, finale et contraignante, exige des États-Unis son application intégrale.
M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a appelé à se baser sur la Charte pour renforcer le multilatéralisme qu’incarnent les Nations Unies depuis 75 ans. L’Égypte fut un État fondateur de l’Organisation, a rappelé le représentant, et elle a ensuite joué rôle clef dans la création de l’Union africaine, de la Ligue des États arabes et de l’Organisation de la coopération islamique. Préoccupé par le recul de certains des principes fondamentaux du droit international et les tentatives d’ingérence sous divers prétextes fallacieux, le représentant a par ailleurs averti des risques que font encourir à la paix, à la sécurité et au développement la monopolisation par des grandes puissances de prises de décisions sans concertation véritable des pays, notamment africains. Au cours des sept dernières décennies, le monde a changé, et il convient de prendre en compte les opinions de ces pays, en premier lieu au sein d’un Conseil de sécurité réformé, a-t-il dit.
Le représentant a souligné que le « deux poids, deux mesures » affecte les liens entre pays, de même que la politisation accrue des instances internationales les empêche d’agir de manière multilatérale dans les domaines vitaux que sont le commerce, le développement durable et la lutte contre les changements climatiques. En outre, il s’est inquiété des tentatives de minimiser le rôle des États par des acteurs non étatiques qui entendent rivaliser avec eux sur des enjeux mondiaux. « La réforme globale du système international multilatéral doit se baser sur la conviction que les États peuvent et doivent coexister de manière pacifique en se fondant sur les principes intangibles de justice et égalité », a-t-il d’autre part déclaré. C’est en ce sens qu’il a plaidé pour un retour aux principes fondamentaux de la Charte pour répondre aux défis mondiaux actuels. À cet effet, l’Égypte appuie les propositions de réforme du système de gouvernance économique mondiale du Secrétaire général de l’ONU, y voyant le moyen le plus sûr de relever collectivement les défis climatiques et de sécurité alimentaire.
M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a rappelé que la sécurité internationale était confrontée à de multiples menaces, qui ne pourront être surmontées que par la coopération multilatérale. Le représentant a rejeté tout monde unipolaire, bipolaire « ou même multipolaire s’il doit être dominé par quelques États ultrapuissants » et a préconisé un multilatéralisme équitable, dans lequel chaque État Membre aurait une voix. Il s’est dit préoccupé par certaines notions émergentes comme le « multilatéralisme en réseau », qu’il a jugé lui aussi contraires à l’ordre international constitué d’États souverains et égaux.
Le représentant a appelé le Secrétaire général à préparer un rapport annuel sur les situations dans lesquelles les résolutions du Conseil ne sont pas appliquées ou sont violées. Le Conseil doit faire appliquer ses propres décisions, a-t-il insisté, avant de rappeler qu’il avait des moyens à sa disposition pour cela. Le représentant a ensuite rappelé que, si la décolonisation avait été comme l’a dit le Secrétaire général, un succès de l’ONU, les droits des populations du Jammu-et-Cachemire restaient foulés au pied par l’Inde. Il a également dénoncé la situation des Palestiniens.
Si on veut éviter une catastrophe mondiale, il faut apaiser les tensions internationales actuelles résultant de la guerre en Ukraine, a déclaré le représentant, qui s’est dit préoccupé par l’escalade des tensions ainsi que des dépenses militaires. Pour lui, le Sommet de l’avenir de 2024 devra permettre de réaffirmer l’engagement des États de s’abstenir de recourir à la force ou à des comportements provocateurs ainsi qu’à des blocs ou alliances militaires, ainsi que d’appliquer les résolutions du Conseil de sécurité. Il a appelé les Nations Unies à jouer un rôle de chef de file dans la relance du processus de désarmement et de contrôle des armements. Estimant qu’un multilatéralisme efficace doit s’appuyer sur des institutions internationales robustes, il a appelé à réformer le Conseil de sécurité, tout en précisant qu’un Conseil de sécurité réformé n’était pas en soi une panacée. Il a également demandé une réforme et une démocratisation des institutions de Bretton Woods.
M. ANTONIO LAGDAMEO (Philippines) a redit le profond attachement de son pays à la Charte des Nations Unies et rejeté toute tentative visant à la bafouer. Il a appelé au dialogue sur la base du droit international afin de surmonter les divergences, en prenant l’exemple de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Le représentant a mis en avant l’importance de la Déclaration de Manille qui rappelle notamment l’obligation pour les États de régler leurs différends par des moyens pacifiques. Fruit de l’initiative du Groupe des pays non alignés, la Déclaration de Manille est plus pertinente que jamais, a-t-il ajouté.
Le représentant a appelé à une réforme du Conseil de sécurité afin de le rendre plus transparent, inclusif et représentatif, avant de demander une interaction accrue entre ce dernier et les groupes régionaux. Le multilatéralisme ne peut être efficace que si nous adhérons aux principes que nous chérissons tant, tels que la coexistence pacifique et le respect de la souveraineté, a-t-il conclu.
M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a remercié la Fédération de Russie d’avoir organisé ce débat sur le multilatéralisme, qui « arrive à point nommé ». Il a rappelé que, depuis leur création, les Nations Unies ont été le visage du multilatéralisme, lequel s’appuie sur les buts et principes de sa Charte. Celle-ci, a-t-il ajouté, prévoit des dispositions très claires concernant les attributions et les mandats des organes de l’ONU. Il a donc estimé essentiel de respecter ces mandats et d’éviter qu’un organe empiète sur les prérogatives d’autres organes, jugeant contre-productive toute concurrence entre eux dans le domaine des prises de décisions. Pour améliorer l’efficacité de ces mécanismes, qui sont soumis aux défis qu’entraîne l’évolution des relations internationales, il importe selon lui de revoir leurs procédures et méthodes de travail, en particulier pour le règlement pacifique des conflits. Il faut également que tous les États Membres respectent les piliers de l’ONU, la Charte et le droit international, et évitent d’utiliser des méthodes ou des terminologies qui ne font pas l’objet d’un consensus, a-t-il ajouté, dénonçant à cet égard l’idée d’un système international basé sur des règles.
Le représentant a également regretté que l’Assemblée générale ait enregistré une multiplication des points à son ordre du jour et une augmentation du nombre de résolutions ne faisant pas l’objet d’un consensus. Il a d’autre part constaté que le fonctionnement du Conseil de sécurité pâtit des agissements de certains membres permanents, qui mélangent les priorités pour « écarter cet organe de son mandat principal et réaliser leurs propres desseins destructeurs ». Notant que ce schéma s’est répété à de nombreuses reprises ces 20 dernières années, provoquant des crises économiques, sociales et humanitaires, il a appelé à réformer les structures multilatérales existantes, notamment le Conseil de sécurité. Cela suppose d’apporter une réponse à toute tentative de modifier les dispositions de la Charte, a-t-il souligné, avant de rappeler que son pays est « victime de cet affaiblissement du multilatéralisme ». En effet, a-t-il dit, certains pays ont utilisé l’ONU pour « empoisonner » les relations avec la Syrie, qui s’est retrouvée abandonnée, confrontée à des groupes terroristes, pillée par des forces étrangères et soumise à des mesures unilatérales imposées par l’Union européenne et les États-Unis. Face à cet état de fait, le délégué a conclu qu’il y a plus que jamais besoin de revoir les méthodes de travail de l’ONU et de garantir la promotion d’un « véritable multilatéralisme » fondé sur les principes de la Charte.
M. DANG HOANG GIANG (Viet Nam) a appelé tous les États Membres à adhérer aux principes de la Charte de l’ONU, en particulier le respect de l’indépendance des États, de leur souveraineté et de leur intégrité territoriale, ainsi que la non-ingérence dans leurs affaires intérieures. Le représentant a plaidé pour le renforcement de la collaboration et des partenariats entre l’ONU et les organisations régionales, afin de favoriser des solutions aux défis mondiaux et régionaux. Pour sa part, l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), à travers ses mécanismes, son approche constructive, et ses partenariats extérieurs, contribue à la paix et à la stabilité, ainsi qu’à la prospérité dans sa région et au-delà, a-t-il assuré.
Le délégué a rappelé qu’au cours de son mandat de président du Conseil de sécurité en janvier 2020, le Viet Nam a facilité l’adoption d’une déclaration soulignant l’importance du maintien de la paix et de la sécurité internationales par l’adhésion aux principes de la Charte des Nations Unies. De plus, en 2021, a-t-il rappelé, le Viet Nam a cofondé le Groupe des amis de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, lequel compte aujourd’hui près de 120 membres. Au niveau régional, le Viet Nam s’engage activement dans des initiatives dirigées par l’ASEAN pour défendre l’état de droit et promouvoir la paix et la sécurité en mer de Chine méridionale, a ajouté le délégué.
M. ARRMANATHA CHRISTIAWAN NASIR (Indonésie) a réitéré l’importance de la Charte des Nations Unies, se désolant de la tendance à l’unilatéralisme d’un petit groupe d’États. Pour contrer cette situation, le représentant a premièrement exhorté à renouveler l’engagement collectif au multilatéralisme. Deuxièmement, il a demandé des délais clairs sur la réforme du Conseil de sécurité avant la tenue du Sommet de l’avenir. Troisièmement, il a suggéré la création de partenariats forts avec les organisations régionales parce que les pays de la région sont les mieux placés pour résoudre les conflits et les crises dans ces régions. Dans le cas de l’Asie et du Pacifique, le délégué a vanté le rôle de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).
M. TESFAYE YILMA SABO (Éthiopie), a déclaré que les principes contenus dans la Charte des Nations Unies sont intemporels et que tous les États doivent les préserver en toutes circonstances et dans tous les aspects des relations internationales. Il a déploré que la concurrence géopolitique « malsaine » actuelle sape le multilatéralisme et l’efficacité de la sécurité collective, rendant « rhétorique et inefficace » notre ordre multilatéral. Pour le représentant, l’ordre actuel ne parvient pas à se réformer assez rapidement face à la complexité des défis auxquels l’humanité est confrontée, parmi lesquels il a cité la représentation inéquitable des États. Il a appelé à traduire en actes toutes les déclarations faites en faveur de la paix, à garantir le plein respect de la Charte et à respecter les engagements pris dans le cadre des objectifs de développement durable, l’action climatique, le désarmement, entre autres.
Pour l’Éthiopie, les États continuent, à juste titre, d’être au centre de l’ordre multilatéral dirigé par l’ONU et doivent participer à cet ordre de manière égale et effective. Le représentant a reconnu l’influence croissante des entités non étatiques, en particulier dans les questions économiques et commerciales, mais a averti que toute tentation d’éroder la nature intergouvernementale de notre système multilatéral actuel serait contre-productive. Pour lui, la communauté des États est capable de s’unir pour revigorer l’ordre mondial fondé sur la Charte et peut fournir le socle qui permettra à l’ONU de jouer le rôle qui lui revient et de surmonter ses défis.
M. MHER MARGARYAN (Arménie) a indiqué que le peuple arménien commémore chaque 24 avril les 1,5 million de personnes innocentes qui ont perdu la vie en raison de la violence systématique perpétrée par l’empire ottoman. Il a appelé à prévenir toute réitération des horreurs du passé, avant de juger indispensable la défense du droit international. Il a de nouveau attiré l’attention sur les pratiques illicites d’acquisition par la force de territoires dans lesquelles s’est engagé l’Azerbaïdjan. Il a mentionné la vague de violence déclenchée par ce pays en 2020 pour régler par la force le conflit du Haut-Karabakh, en déclarant qu’en septembre 2022, l’Azerbaïdjan a de nouveau lancé une offensive meurtrière. Il a ajouté que ce pays ne s’est pas conformé à la décision de la CIJ lui ordonnant d’assurer la libre circulation dans le corridor de Latchine. Malgré la présence d’un contingent de soldats de la paix russes, la circulation reste interrompue et un poste de contrôle azerbaïdjanais a été installé en violation de ladite décision, s’est-il plaint. En conclusion, il a indiqué que les responsables azerbaïdjanais devront rendre des comptes devant la justice internationale pour les violations graves qu’ils ont commises.
Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a tout d’abord pointé les insuffisances du système multilatéral, qui n’a pas su répondre aux défis contemporains, qu’il s’agisse de la pandémie de COVID-19 ou du conflit en cours en Ukraine. De plus, a-t-elle relevé, des défis mondiaux tels que le terrorisme, le radicalisme, l’action et la justice climatiques, les perturbations des acteurs non étatiques, la dette et les différends géopolitiques continuent de saper la paix et la sécurité mondiales. Dans ce contexte, la représentante s’est demandé s’il est possible de pratiquer efficacement le multilatéralisme au XXIe siècle, alors que « le butin continue de revenir au vainqueur ». De même, a-t-elle poursuivi, pouvons-nous réellement promouvoir un « multilatéralisme efficace » en défendant une Charte des Nations Unies par laquelle « deux des États Membres » n’ont même pas pu changer de nom? Rappelant à cet égard que l’Article 109 de la Charte recommandait la tenue d’une conférence générale de révision de la Charte avant la dixième session de l’Assemblée générale, elle constaté que, 77 ans plus tard, nous sommes encore loin d’en faire une réalité. Autre interrogation soulevée par la représentante: pouvons-nous pratiquer un « multilatéralisme efficace » en défendant une Charte qui rend cinq nations « plus égales que les autres » et leur confère le pouvoir d’ignorer la volonté collective des 188 États Membres restants?
Pour parvenir à un multilatéralisme véritablement efficace, il convient selon elle d’élargir la représentation du Conseil de sécurité à davantage de pays en développement. Si nous continuons à perpétuer l’état d’esprit anachronique de 1945, nos peuples perdront foi en l’ONU, a-t-elle averti, avant de déplorer que son pays, « plus grande démocratie du monde », mais aussi l’Afrique et l’Amérique latine restent tenus à l’écart de la prise de décision mondiale. Appelant à un « changement de cap majeur », la représentante s’est réjouie que le récent rapport du Conseil consultatif de haut niveau du Secrétaire général sur le multilatéralisme efficace ait reconnu le caractère inévitable de la réforme du Conseil de sécurité et appelé à redoubler d’efforts dans cette direction. En septembre dernier, a-t-elle rappelé, l’Assemblée générale a entendu un appel similaire à des réformes de la part de plus de 70 dirigeants mondiaux, dont le Ministre indien des affaires étrangères. Pour que le multilatéralisme ne sombre pas dans l’insignifiance, il est urgent de réduire la distance entre le « Simul’ONU » enseigné dans les universités et le monde réel, a conclu la déléguée.
Au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, le représentant du Venezuela a estimé que la concrétisation de la promesse de cette Charte des Nations Unies semble toujours inaccessible. Il a dénoncé les tentatives d’ignorer voire de remplacer les buts et principes de ce document fondateur par un nouvel ensemble de prétendues « règles ». Le représentant a aussi dénoncé l’imposition illégale de mesures coercitives unilatérales à plus de 30 pays dans le monde entier et ce, en violation flagrante du droit international. Ces sanctions, qui ne cessent d’être renforcées au fil des ans, ne sont qu’une nouvelle forme de domination et de néocolonialisme. Elles sont devenues l’outil de choix de certains gouvernements pour faire pression, notamment sur les pays en développement, et servir leurs intérêts. Le multilatéralisme, a professé le représentant, est une action collective et la recherche commune de solutions à des problèmes communs. En conséquence, il faut démocratiser les relations internationales et consolider un système multipolaire dûment ancré dans la Charte, grâce à la revitalisation de la nature intergouvernementale des Nations Unies.
M. FAHAD M. E. H. A. MOHAMMAD (Koweït) a rappelé les problèmes mondiaux complexes et sans précédent, qui mettent au défi le système international. Il a recommandé d’agir de manière unifiée et collective pour surmonter les divisions et les divergences profondes et pour se poser la question de notre engagement vis-à-vis de la Charte des Nations Unies dont le respect aidera à réduire les tensions et à résoudre les crises et les conflits. Le représentant a dénoncé ceux qui piétinent les principes de souveraineté, d’intégrité territoriale, d’indépendance et de non-ingérence au détriment des petits États. Il a pris l’exemple du Koweït dont la libération en 1991 a constitué une victoire pour la Charte. Le délégué a en outre souligné l’importance de la prévention des conflits et des partenariats avec les organisations régionales. Il a pointé du doigt l’utilisation du droit de veto et l’incapacité de la communauté internationale à parvenir à des compromis à cause du grand écart entre les positions défendues par les États Membres.
M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne, a immédiatement « énoncé l’évidence », à savoir qu’en organisant ce débat, la Russie tente de se présenter comme un défenseur de la Charte des Nations unies et du multilatéralisme alors que rien ne peut être plus éloigné de la vérité. Si elle était vraiment préoccupée par la question à l’ordre du jour, la Russie mettrait fin à ses violations de la Charte et du droit international et retirerait immédiatement et sans condition toutes ses troupes de l’ensemble du territoire ukrainien. Elle respecterait aussi l’ordonnance de la Cour internationale de Justice (CIJ) du 16 mars 2022, cesserait d’abuser de son droit de veto pour dissimuler ses violations constantes du droit international et respecterait les résolutions adoptées à une écrasante majorité par l’Assemblée générale des Nations Unies, a énuméré le représentant.
En se comportant comme elle le fait, a-t-il poursuivi, la Russie jette le discrédit sur le Conseil de sécurité et cette séance est un nouvel exemple déplorable de la manipulation de l’information, de la désinformation et de l’abus d’un membre permanent du Conseil. M. Skoog a rappelé à la Russie combien ses violations du droit international ont coûté cher à tous: au peuple ukrainien d’abord puis au monde entier.
L’UE reste plus que jamais mobilisée face aux conséquences mondiales « de la guerre russe ». La coopération multilatérale fait d’ailleurs partie de l’ADN de ses États membres, a souligné le représentant, arguant que depuis près de 80 ans, ces États soutiennent les Nations Unies et ses trois piliers interdépendants: la paix et la sécurité, les droits de l’homme et le développement durable. « Nous le faisons à la fois politiquement et financièrement, en tant que le plus important contributeur collectif au budget de l’ONU », convaincus qu’il n’y a pas d’alternative à une ONU forte, agissant comme premier catalyseur d’un multilatéralisme efficace. Le Sommet de l’avenir prévu en 2024 doit être l’occasion, a estimé le représentant, de concrétiser la vision du Secrétaire général de l’ONU en matière de revitalisation du multilatéralisme. Il a appuyé le Nouvel Agenda pour la paix et réitéré, à cet égard l’engagement de l’UE en faveur d’un financement adéquat, prévisible et durable des opérations de paix dirigées par l’Union africaine.
M. Skoog a aussi salué les mesures multilatérales concrètes adoptés récemment, citant l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, la convocation de l’Assemblée générale chaque fois que le droit de veto est exercé au Conseil de sécurité ou encore la finalisation d’un projet d’accord sur la protection des ressources en haute mer. Concluant son intervention, il a insisté sur le fait que l’Assemblée générale a, le 23 février dernier, une nouvelle fois demandé que la Russie retire immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire de l’Ukraine, à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues. « Cent-quarante-et-un États Membres ont soutenu cette demande », a-t-il dit, exhortant la Russie, si elle souhaite vraiment l’instauration d’un multilatéralisme efficace, de répondre favorablement à cet appel.
M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a évoqué « l’éléphant dans le salon », à savoir l’invasion de l’Ukraine par la Russie, une grave et flagrante violation du droit international et des principes de la Charte des Nations Unies. Il a relevé l’ironie tragique et troublante dans le fait que la Russie a envahi son voisin tout en exerçant la présidence du Conseil de sécurité en février 2022. Pour les petits États comme Singapour, a-t-il poursuivi, le droit international et les principes de la Charte sont la première ligne de défense qui protège leur souveraineté et leur intégrité territoriale. Pour les petits États, le multilatéralisme n’est pas non plus une option, c’est une nécessité, a-t-il insisté.
Le représentant a remarqué que l’ONU et le système multilatéral sont aujourd’hui confrontés à l’un de leurs plus grands défis depuis 1945: l’impact de la COVID-19, les conséquences de la guerre en Ukraine et le ralentissement de l’économie mondiale ont mis à rude épreuve la solidarité mondiale. De plus, il y a un déficit de confiance parmi les grandes puissances, et cela est devenu à la fois un symptôme et une cause de différends. En dépit de tout cela, il a évoqué une bonne nouvelle: il existe toujours un engagement politique fort à soutenir le travail des Nations Unies. Le mois dernier, les membres de l’ONU ont ainsi conclu un accord pour conserver et protéger la haute mer en adoptant un projet d’accord dit BBNJ (biodiversité marine au-delà des juridictions nationales). Toujours en mars, l’Assemblée générale a convoqué avec succès la Conférence sur l’eau. Ces exemples laissent espérer que les membres de l’ONU pourront travailler ensemble et trouver des compromis pour le bien commun, même s’ils ont des opinions politiques différentes, a-t-il déclaré. Pour parvenir à un système multilatéral efficace, il a appelé le Conseil de sécurité à répondre aux crises mondiales avec un sentiment d’unité et d’urgence. De ce fait, le Conseil doit être une arène pour construire la compréhension et galvaniser les solutions, et pas une arène de vetos et de contre-vetos exacerbant les problèmes. Ensuite, l’Assemblée générale est la pierre angulaire d’un système multilatéral efficace, a-t-il rappelé en soulignant sa légitimité et sa crédibilité sans pareilles en tant qu’organe universel des Nations Unies. Enfin, le délégué a estimé important de réformer et d’adapter nos institutions multilatérales aux défis de l’avenir. Il a donc appelé à une ONU prête pour l’avenir, sinon, l’ONU n’aura pas d’avenir, a-t-il averti.
M. SURIYA CHINDAWONGSE (Thaïlande) a estimé qu’un engagement renouvelé envers le multilatéralisme exige le même engagement envers les principes de la Charte des Nations Unies et du droit international. Dans ce contexte, il a estimé que le Conseil de sécurité a besoin d’une réforme urgente pour gagner en efficacité, en transparence et en représentation équitable. L’Assemblée générale doit, quant à elle, être revitalisée pour répondre à l’ordre du jour actuel, tandis que le potentiel de la Commission de consolidation de la paix doit être exploité plus efficacement. Tous ces organes, a préconisé le représentant, doivent travailler de manière plus synchronisée.
Un multilatéralisme efficace, a-t-il poursuivi, exige de relever de manière intégrée les défis de la paix, du développement durable et de la sécurité humaine. Par exemple, la prévention des conflits aura plus de chance de réussite si l’on enracine le développement durable et la sécurité humaine, grâce à la coopération locale, nationale, régionale et internationale. Nous devons travailler au succès du Sommet sur les ODD, en septembre prochain, et faire en sorte que le multilatéralisme bénéficie d’une coordination plus étroite entre l’ONU et les organisations régionales, a dit le représentant qui a réaffirmé l’importance que son pays accorde au renforcement continu du partenariat ASEAN-ONU.
Pour que l’ONU fonctionne bien, M. JOONKOOK HWANG (République de Corée) a suggéré de respecter les buts et principes de la Charte des Nations Unies en particulier les paragraphes 3 et 4 de l’Article 2 sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales et le principe d’interdiction de la menace ou de l’usage de la force. Les prétendues préoccupations légitimes en matière de sécurité ne peuvent justifier le recours à la force ou constituer des excuses pour tout acte illégal contre les résolutions contraignantes du Conseil de sécurité ainsi que pour les violations des droits de l’homme. Le représentant a dénoncé le silence du Conseil sur les violations flagrantes par la République populaire démocratique de Corée (RPDC) de plusieurs résolutions du Conseil depuis les veto exercés par deux membres permanents en mai dernier. Ce pays, a noté le délégué, a rejeté plus de 10 fois au cours de l’année écoulée le travail du Conseil et du Secrétaire général.
Lundi dernier, a informé le représentant, le Vice-Président de la Commission militaire centrale de la RPDC a proféré des menaces contre la convocation d’une réunion du Conseil sur le pays. Le Ministre des affaires étrangères de la RPDC, M. Cheo Son-hui, a qualifié le Secrétaire général de « marionnette des États-Unis » lorsque M. Guterres a condamné le lancement d’un missile balistique en novembre dernier. Leurs paroles et leurs actes vont manifestement à l’encontre de la Charte des Nations Unies, a accusé le représentant « stupéfait » qu’un membre de l’ONU soit ouvertement et constamment hostile aux principaux organes de l’ONU et ignore complètement ses obligations en vertu de la Charte. Pour lui, la liste des échecs du Conseil ne s’arrête pas en RPDC mais couvre toutes les régions du monde. Si le Conseil est vraiment sérieux au sujet d’un multilatéralisme efficace et de la défense de la Charte, il doit avant toute chose traiter ces cas de non-respect de la Charte des Nations Unies, a conseillé le représentant.
M. SEDAT ÖNAL (Türkiye) a regretté la crise du multilatéralisme au moment où le monde a plus que jamais besoin de la coopération multilatérale face au terrorisme, aux changements climatiques, à la guerre en Ukraine, à l’impact de la mondialisation ou encore aux migrations clandestines. Aucun pays ne peut confronter seul ces menaces transnationales seul. Le multilatéralisme n’est plus un choix mais un impératif, a tranché le représentant. Il a réfuté l’idée d’un multilatéralisme qui menacerait la souveraineté des États. Bien au contraire, a-t-il argué, il permet de garantir les intérêts nationaux dans un monde interdépendant comme en attestent le Programme 2030, l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, l’Accord de Paris mais aussi la réponse internationale au tremblement de terre qui a secoué son pays.
Mais, a-t-il prévenu, le succès du multilatéralisme dépend de l’efficacité des institutions qui sont censées le défendre. Devant les moments de paralysie dans lesquels on voit l’ONU sur des questions de paix et de sécurité internationales, le représentant a estimé que l’Organisation doit se démocratiser et devenir plus transparente, plus représentative et plus ouverte. Tous les États Membres sont tenus de respecter la Charte, en particulier les membres du Conseil de sécurité, a martelé le représentant. Il a plaidé pour une démarche plus égalitaire, par le truchement de l’Assemblée générale qui doit être revitalisée. Réaffirmer son attachement aux buts et principes de la Charte, c’est redynamiser le multilatéralisme pour être mieux à même de répondre aux défis de notre époque, a tranché le représentant. Il a conclu en rejetant catégoriquement les allégations « sans fondement » de l’Arménie sur les évènements de 1915 et en attirant l’attention sur les propositions de la Commission historique conjointe et celles des initiatives de paix régionales.
M. ALHAJI FANDAY TURAY (Sierra Leone) a indiqué que la cause de la justice est nécessairement desservie lorsque l’Afrique, qui représente deux tiers des sujets inscrits à l’ordre du jour du Conseil, est à ce point sous-représentée en son sein. Il a appelé à cesser de penser la sécurité selon des critères étroitement nationaux et à accepter l’idée que « notre survie collective dépend d’investissements accrus dans la paix ». Nous devons renforcer les mécanismes de médiation prévus par la Charte des Nations Unies, a-t-il dit, en rappelant que son pays a bénéficié de tels mécanismes. Enfin, il a apporté le soutien de son pays à un multilatéralisme efficace, avec l’ONU pour cœur. Un engagement renouvelé en faveur du multilatéralisme doit être notre immédiate priorité, a conclu le délégué.
M. JAMAL FARES ALROWAIEI (Bahreïn) a souligné que le multilatéralisme et la coopération internationale sont des outils efficaces pour parvenir à nos objectifs communs. Il a affirmé que son pays est attaché à la paix. C’est un choix stratégique, a-t-il précisé. Le représentant a déclaré à cet égard que le Bahreïn renforce ses capacités à apporter une assistance en vue du développement durable. Il a souligné le rôle crucial joué par l’ONU, une organisation qui incarne le meilleur cadre international existant pour promouvoir la paix et parvenir au développement durable.
M. YASHAR T. ALIYEV (Azerbaïdjan), au nom du Mouvement des pays non alignés, a appuyé la prise de mesures efficaces pour réprimer les actes d’agression et pour défendre, promouvoir et encourager le règlement des différends internationaux par des moyens pacifiques. Le Mouvement des pays non alignés dénonce et demande l’abrogation des mesures coercitives prises unilatéralement contre des États Membres sans l’aval juridique du Conseil de sécurité, a-t-il clamé. Ces sanctions, étant donné leurs implications extraterritoriales et leur caractère illégal, et parce qu’elles violent les droits humains et empêchent le plein développement économique et social des peuples visés, sont incompatibles avec les principes du droit international ou la Charte des Nations Unies, a-t-il déclaré. Le représentant a en outre réaffirmé la détermination des pays non alignés à renforcer leur rôle de « force anti-guerre et éprise de paix », fidèle à leur engagement à œuvrer pour l’instauration d’un monde pacifique et prospère et d’un ordre mondial juste et équitable. « Nous renouvelons également notre détermination à œuvrer pour un monde multipolaire à travers le renforcement des Nations Unies et des processus multilatéraux, indispensables à nos efforts pour promouvoir les intérêts de nos nations et de l’humanité tout entière. »
S’exprimant ensuite sa capacité nationale, le représentant de l’Azerbaïdjan a réagi aux propos de son homologue arménien qu’il a qualifiés d’allégations erronées qui ont eu pour seul effet véritable de révéler « à quel point la haine, l’intolérance et le mensonge dominent dans le discours de l’Arménie ». Il a estimé que ce pays fait peser une grave menace sur la paix, la sécurité et la stabilité régionales. L’objectif de l’Arménie est clair, a-t-il affirmé, c’est de dissimuler sa propre responsabilité dans l’agression contre l’Azerbaïdjan, l’occupation de 30 ans des territoires souverains de mon pays, les atrocités de masse, les crimes de haine et la politique ouvertement raciste. Le représentant a martelé que les affirmations récurrentes de l’Arménie au Conseil de sécurité concernant les hostilités militaires à grande échelle qui auraient été déclenchées par l’Azerbaïdjan en 2020 sont « un pur fantasme ». Il a assuré que son pays avait contre-attaqué pour restaurer son intégrité territoriale et protéger son peuple, agissant exclusivement sur son sol souverain, conformément à la Charte des Nations Unies, au droit international et aux résolutions pertinentes du Conseil. En outre, le délégué a accusé l’Arménie de se servir de la route de Latchine à des fins militaires illégales, notamment pour la rotation de forces armées, le transfert d’armes et la pose de mines terrestres dans la région. Il a exhorté l’Arménie à réparer les torts causés à l’Azerbaïdjan en s’engageant sans délai dans des négociations sur un traité de paix et la délimitation de la frontière entre les deux États.
Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud) a indiqué que le monde fait face à une réalité « orwellienne », avec des États qui sont plus égaux que d’autres, comme le montrent les actions unilatérales et le mépris du droit international. La poursuite de la paix exige de tous les États Membres qu’ils mettent de côté leurs divergences et donnent la priorité au développement de l’humanité, a-t-elle recommandé. La représentante a souligné la nécessité d’une réforme du Conseil de sécurité, afin de le rendre plus transparent et représentatif. La déléguée a déclaré que l’un des principaux obstacles au règlement pacifique des différents est l’application sélective du droit. Elle a insisté sur la responsabilité de ce Conseil dans l’application de ses résolutions et dans l’attention égale qu’il doit porter à tous les points inscrits à son ordre du jour. Enfin, elle a réaffirmé l’attachement inébranlable de son pays à un ordre international fondé sur des règles.
M. ANOUPARB VONGNORKEO (République démocratique populaire lao) a souligné que les sanctions sapent le droit international et entravent le développement économique et social des pays concernés. Nous devons, a-t-il dit, œuvrer à l’instauration d’un environnement propice aux négociations diplomatiques et réaffirmer notre attachement au régime de non-prolifération, fondement du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le représentant a salué le rôle clef de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) dans le règlement des problèmes régionaux, y compris au Myanmar.
M. MITCHELL FIFIELD (Australie) a plaidé pour chaque pays puisse aspirer à la prospérité qu’il choisit et vivre dans le respect des autres, avec l’assurance que des règles et des normes veillent à ces intérêts communs. Pour cela, les pays, petits et grands, doivent travailler tous ensemble et se conformer aux principes de la Charte des Nations Unies, a ajouté le représentant, estimant qu’il s’agit d’une condition sine qua non pour que le système multilatéral puisse relever les défis globaux de notre temps.
Or, l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie va à l’encontre de cette aspiration, a regretté le représentant, pour qui cette agression constitue en fait une « attaque contre tous les pays du monde ». Nous ne pouvons accepter une situation où les grands décident du sort des petits, a-t-il poursuivi, avant de rappeler que ce conflit entraîne des répercussions sur de nombreuses autres régions du monde.
Cette guerre nous rappelle aussi ce qui est en jeu si nous ne parvenons pas à défendre la Charte des Nations Unies, a fait observer le représentant. À ses yeux, le fait que l’ONU se soit montrée incapable de réagir à l’attaque de la Fédération de Russie contre l’Ukraine souligne la nécessité d’une réforme du système multilatéral. Le Conseil de sécurité n’a pas été créé pour que le droit de veto soit utilisé pour déstabiliser le monde, a-t-il fait valoir, notant cependant que le Nouvel Agenda pour la paix démontre que les États Membres sont favorables à un système multilatéral. Appelant à réfléchir à « ce que nous voulons vraiment pour l’avenir », il a assuré que l’Australie entend engager ce processus avec tous les pays qui veulent « impulser » la réforme des Nations Unies.
M. AMRIT BAHADUR RAI (Népal) a assuré que le multilatéralisme est au cœur de la politique étrangère de son pays. Pour les petites nations comme la nôtre, défendre la Charte des Nations Unies équivaut à défendre l’égalité souveraine, l’intégrité territoriale, la dignité et la justice pour un ordre mondial équitable, a-t-il déclaré. Tout en défendant une adhésion sans équivoque à la Charte, il a appelé à une réforme qui promeuve l’équité, l’égalité, l’inclusion et la justice pour tous les États. Il est nécessaire selon lui de renforcer la coordination entre l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social (ECOSOC) et la Commission de consolidation de la paix pour une paix durable. Notant que l’échec du Conseil de sécurité sape la crédibilité de l’ensemble des Nations Unies, il a dit attendre de ses membres, notamment les permanents, qu’ils travaillent plus dur pour parvenir à un consensus sur les problèmes auxquels le monde est confronté aujourd’hui. Tout au long de ses 77 années d’existence, l’Organisation des Nations Unies s’est distinguée comme le seul organisme multilatéral crédible à composition universelle, a rappelé le représentant. Nous ne pouvons imaginer une autre institution de ce type avec les mêmes membres et la même crédibilité, a-t-il observé. Selon le délégué, le moment est venu d’entreprendre une tâche historique, celle de faire de l’ONU une institution capable de maintenir la paix et d’aider ses membres à parvenir à une prospérité durable. Par conséquent, des intérêts nationaux étroits ne doivent pas empêcher l’ONU d’agir sur les menaces mondiales communes, a-t-il conclu. RAS
M. OMAR KADIRI (Maroc) a déclaré que les principes et les buts de la Charte des Nations Unies représentent une soupape de sécurité pour un multilatéralisme se basant sur l’état de droit, le respect des droits de l’homme, la paix, la sécurité internationale et le développement. Aujourd’hui, le monde a besoin d’un multilatéralisme plus solidaire, plus efficace et plus pragmatique, a estimé le représentant. Il a appelé à construire un système multilatéral renouvelé, équitable afin d’assurer le renforcement de la solidarité internationale, nécessaire pour relever les défis multidimensionnels et multiformes actuels. Il a suggéré de repenser l’action multilatérale, de développer des approches renouvelées, innovatrices et définir des concepts consensuels, capables d’insuffler un nouvel élan pour faire face aux défis immédiats et à venir et renforcer l’efficacité des institutions internationales.
Le Maroc s’active à la promotion d’un multilatéralisme axé sur la paix, la stabilité, le respect mutuel et le développement durable à l’échelle mondiale et continentale. La coopération multilatérale est la voie la plus efficace pour répondre aux défis mondiaux qui se posent à l’humanité, surtout dans un monde interconnecté et en constante mutation, a expliqué le représentant. Le Maroc s’est fermement engagé dans des initiatives multilatérales importantes telles que le dialogue interculturel, intercivilisationnel et interreligieux, la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, la gestion humaine et humanitaire des migrations, la promotion du développement durable et la protection de l’environnement. Le Maroc a fait de la paix, de la sécurité et du développement durable du continent africain ainsi que l’action multilatérale en faveur de l’Afrique une priorité absolue. En conclusion, le représentant a plaidé pour la réforme du Conseil de sécurité et la position africaine commune à cet égard, contenue dans le consensus d’Ezulwini et la Déclaration de Syrte.
Mme JEANNE MRAD (Liban) a déclaré qu’en dépit de ses imperfections, le multilatéralisme doit demeurer le cadre privilégié, car nul ne peut, à lui seul, faire face à la multitude d’enjeux globaux et souvent existentiels auxquels nous sommes confrontés: conflits armés, pandémies, insécurité alimentaire, urgence climatique pour n’en citer que quelques-uns. La représentante a souligné que la coopération internationale en ces matières doit évoluer avec son temps, être plus agile, plus efficace et plus inclusive afin d’être mieux préparée à répondre aux défis mondiaux. À cet égard, elle a estimé que la Charte des Nations Unies doit demeurer la clef de voûte du multilatéralisme, le Liban étant par conséquent favorable à toute réforme institutionnelle visant à accroître la crédibilité de l’ONU et réduire la défiance, « souvent légitime », envers les institutions internationales.
Il convient donc de soutenir la vision du Secrétaire général exprimée dans Notre Programme commun et le Nouvel Agenda pour la paix afin d’adapter l’Organisation à l’ère nouvelle qui s’ouvre. Le Liban, a souligné la représentante, est convaincu de la nécessité de réformer le Conseil de sécurité. Le pays a d’ailleurs souscrit à plusieurs initiatives pour renforcer la transparence et la responsabilité dans l’exercice du droit de veto, a précisé Mme Mrad qui a, dans ce contexte, réaffirmé l’appui de son pays à l’initiative franco-mexicaine sur la suspension du veto en cas d’atrocités criminelles de masse. Enfin, la représentante a rappelé que le multilatéralisme est un « bouclier » qui s’est révélé vital hier, lorsque son pays était en conflit et qu’il l’est tout aussi aujourd’hui face aux crises mondiales.
M. ROBERT KEITH RAE (Canada) a dit appuyer le thème de ce débat, tout en estimant que la note conceptuelle préparée par la Fédération de Russie relève de ce que George Orwell appelait un « exercice délibéré de double pensée ». En effet, a-t-il relevé, ce pays se présente comme un fidèle défenseur des principes de la Charte des Nations Unies et un garant d’un nouveau système fondé sur ses principes, et en même temps croît pouvoir s’affranchir de ses principes quand il le souhaite, que ce soit en Ukraine, en Syrie ou contre son propre peuple. Or nul n’est au-dessus des lois et les mandats d’arrêt délivrés par la CPI pour la déportation forcée massive d’enfants ukrainiens en sont une démonstration claire, a souligné le représentant. Alors que la Fédération de Russie fait état, dans sa note conceptuelle, d’une « forte détérioration de la situation de la sécurité mondiale causée par la volonté de revoir l’équilibre stratégique et d’ignorer les préoccupations sécuritaires des autres États », le délégué a fait valoir que le monde n’en serait pas là si Moscou n’avait pas lancé une invasion et une guerre d’agression à grande échelle contre l’Ukraine souverain et indépendant. De même, a-t-il ajouté, si la Fédération de Russie proteste contre l’imposition du principe selon lequel la force prime le droit, « c’est pourtant ce qu’elle fait en Ukraine ». Il s’est d’ailleurs dit heureux que ce pays se défende avec le soutien de nombreux partenaires, conformément au droit à la légitime défense individuelle et collective garanti par l’Article 51 de la Charte.
De fait, a poursuivi le représentant, s’il y a un pays qui ignore les préoccupations des autres États en matière de sécurité, qui viole de manière flagrante la Charte des Nations Unies et qui compromet le Conseil de sécurité, « c’est bien la Fédération de Russie ». Tout en affirmant qu’il faut maintenir le rôle central du Conseil en matière de paix et de sécurité, ce pays utilise son droit de veto pour bloquer l’action visant à maintenir la paix et la sécurité internationales « plus souvent que n’importe quel autre membre permanent », a-t-il dénoncé, estimant que cet abus porte gravement atteinte à la crédibilité et à la légitimité de l’organe onusien. Pour le délégué, bon nombre des problèmes aggravés par l’invasion de l’Ukraine sont néanmoins antérieurs à cette guerre d’agression. Ils sont selon lui les symptômes de problèmes plus profonds, qui nécessitent de sérieuses réformes pour rendre le système multilatéral plus équitable et plus efficace. Plaidant pour un « renouveau » du multilatéralisme, il a dit croire, contrairement à la Fédération de Russie, en un système fondé sur des règles qui s’appliquent à tous et ne pas avoir la nostalgie d’un monde divisé en sphères d’influence ou en blocs de pouvoir. « Nous voulons continuer à bâtir une ONU qui saura relever les défis d’aujourd’hui et de demain. »
M. VALENTIN RYBAKOV (Bélarus) a parlé d’un passage vers un monde nouveau, multipolaire, exigeant selon lui de renoncer aux privilèges de longue date inhérents à la préservation du monde d’avant, d’essence unipolaire. Infliger des sanctions de manière unilatérale, alimenter les tensions, déstabiliser des régions entières dans plusieurs régions du monde: tout est bon pour ceux qui sont décidés à intensifier leurs menées néocolonialistes, a accusé le représentant, qui a accusé « Washington et ses suppôts de juger que certains pays sont tout simplement indésirables sur l’échiquier international ».
Notre pays est visé par des pressions sans précédent, qui contredisent pleinement nos engagements en faveur d’une ONU multilatérale fondée sur les principes fondamentaux de la Charte, a encore assuré le représentant, avant d’expliquer « la triste réalité d’aujourd’hui » par le remplacement de ces principes par d’obscures règles élaborées dans l’intérêt de quelques-uns au détriment du sort du plus grand nombre. Il a également rejeté la volonté affichée par de grandes puissances d’instaurer des blocs, une volonté qui se heurte de plus en plus à la prise de conscience de pays qui n’aspirent qu’au développement d’un monde multipolaire par la voie du consensus.
Pour le représentant, la recherche conjointe de solutions à nos problèmes communs nécessite une ONU forte, en mesure de tenir son rôle clef d’instance universelle capable de répondre aux défis actuels en matière de développement, de sécurité et de respect de l’état de droit.
M. MONWAR HOSSAIN (Bangladesh) a dit qu’un multilatéralisme efficace est la meilleure solution pour surmonter les défis actuels qui se posent à la Charte des Nations Unies. À cet égard, l’ONU doit incarner l’espoir des peuples dans ce monde happé par la tristesse, la misère et les conflits, a-t-il souhaité. Le représentant a fait remarquer que l’accueil de 1,2 million de Rohingya par le Bangladesh, en vertu de ses obligations découlant de la Charte des Nations Unies, a sauvé la région de la déstabilisation. Le multilatéralisme, pour être efficace, doit être revigoré par une ligne directrice et une stratégie visionnaire qui anticipent les crises potentielles futures, ainsi que par la solidarité et la coopération internationale, a prôné le délégué. Dans ce moment critique, il a estimé que le temps de l’unité et de l’engagement est venu pour les États Membres, afin de faire face aux réalités et de répondre aux aspirations des générations actuelles et futures. Le Conseil de sécurité en est le premier responsable, a rappelé le représentant.
M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a souligné que dans sa quête d’un multilatéralisme efficace et d’une diplomatie pour la paix, la communauté mondiale doit réaffirmer son attachement indéfectible à un multilatéralisme respectueux de l’état de droit et à la gouvernance mondiale. Les pères fondateurs ont créé l’ONU dans le but de maintenir la paix et la sécurité internationales, de développer des relations amicales entre les nations et de prendre d’autres mesures appropriées pour renforcer la paix universelle, a-t-il martelé. Ils ont également souhaité instaurer une coopération internationale pour régler les problèmes économiques, socioculturels et humanitaires, et promouvoir le respect des droits humains et des libertés fondamentales pour tous. Mais, a concédé le représentant, l’environnement politique, militaire, économique, environnemental et socioculturel dans lequel les Nations Unies opèrent a considérablement changé au fil des ans et continue d’évoluer. Soulevant la question de savoir si le Conseil de sécurité peut faire davantage pour promouvoir la paix et la sécurité dans le monde, le délégué a répondu que oui, notamment en adoptant une approche proactive de la prévention des conflits, plutôt que de se contenter de répondre aux conflits en cours. Cela pourrait entraîner des mécanismes d’alerte précoce et une diplomatie préventive pour traiter les conflits avant qu’ils ne dégénèrent, a-t-il estimé. Par ailleurs, il a appelé à tenir compte de ce qu’il se passe actuellement au sein du système des Nations Unies, où les objectifs et les priorités politiques de nombreux États modernes font l’objet de modifications qualitatives à grande échelle. Il a conclu en martelant que « le monde a besoin de paix ».
M. AHMAD FAISAL MUHAMAD (Malaisie) a estimé que ce débat arrive à point nommé alors que le monde continue d’être divisé en raison de la prolifération des conflits en Palestine, au Myanmar, en Ukraine et ailleurs. Ces crises démontrent selon lui que le multilatéralisme est gravement menacé. Pour préserver le rôle des Nations Unies en tant que fondement de la coopération internationale, il a estimé nécessaire de renforcer l’Organisation afin qu’elle soit en mesure de faire face à des défis mondiaux de plus en plus complexes. Il en va de l’intérêt collectif des États Membres de travailler ensemble pour défendre le système multilatéral ainsi que les principes de la Charte des Nation Unies, a-t-il déclaré. Le délégué a fait sienne la Déclaration des dirigeants de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) sur le maintien du multilatéralisme et réaffirmé sa conviction que le régionalisme et le multilatéralisme constituent des éléments essentiels d’une coopération internationale fondée sur des règles ainsi que sur le bénéfice et le respect mutuels. À cet égard, il a considéré que le rapport du Secrétaire général intitulé « Notre Programme commun » présente une vision et des stratégies utiles pour faire en sorte que le système multilatéral fonctionne de manière cohérente pour assurer la réalisation des ODD.