Conseil de sécurité: au Soudan, « aucun signe de ralentissement » du conflit, malgré une série de cessez-le-feu dont le dernier date du 20 mai
Au Soudan, depuis qu’il a éclaté le 15 avril, le conflit ne montre aucun signe de ralentissement en dépit des déclarations de cessez-le-feu faites par les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide, a déploré, ce matin, au Conseil de sécurité, le Représentant spécial pour ce pays, en rappelant que ce sont les civils qui « paient un lourd tribut à cette violence insensée ».
Après cinq semaines d’affrontements, M. Volker Perthes a fait état de plus de 700 morts et de plus d’un million de personnes déplacées, dont plus de 840 000 ont trouvé refuge dans les zones rurales et les États soudanais voisins. Parmi elles, près de 8 000 sont des femmes enceintes, s’est alarmé M. Perthes. L’ONU poursuit son aide sur le terrain, alors que le plan humanitaire révisé lancé le 17 mai ambitionne de lever 2,7 milliards de dollars pour venir en aide à 18 millions de personnes – soit 15 millions de plus qu’avant le début du conflit, a souligné le haut fonctionnaire.
La Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), que dirige M. Perthes, poursuit ses efforts, alors que certains de ses entrepôts ont été pillés, des actes criminels qui s’expliquent par la remise en liberté de milliers de prisonniers, a observé le Représentant spécial. Il s’est également inquiété de l’ethnicisation du conflit, alors que les affiliations communautaires sont exploitées par les belligérants, une crainte également exprimée par la France.
Pour le Représentant spécial, les priorités sont de parvenir à un cessez-le-feu stable adossé à un mécanisme de surveillance, prévenir l’escalade ou la tribalisation du conflit, protéger les civils et la livraison de l’aide humanitaire et préparer en temps opportun un nouveau processus politique avec la participation d’un large éventail d’acteurs civils et politiques, en particulier les femmes.
Il a salué la médiation de l’Arabie saoudite et des États-Unis auprès des deux parties au conflit, qui a abouti, le 11 mai à Djedda, à la signature d’une Déclaration d’engagement, étape importance vers un cessez-le-feu stable avec un mécanisme de vérification efficace. M. Perthes a assuré les membres du Conseil que la Mission est prête à soutenir sa mise en œuvre en faisant fond sur la structure établie par le Comité du cessez-le-feu permanent pour le Darfour, présidé par la MINUATS.
De son côté, le Commissaire de l’Union africaine (UA) pour les affaires politiques, la paix et la sécurité a salué la signature par les deux parties d’un cessez-le-feu de court terme, le samedi 20 mai. M. Bankolé Adeoye a annoncé que l’UA déploierait des envoyés spéciaux dans les États voisins du Soudan, qui accueillent un nombre croissant de réfugiés. Le Secrétaire exécutif de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), M. Workneh Gebeyehou, a également qualifié de « développement positif » ce cessez-le-feu momentané et les arrangements humanitaires afférents.
Ce dernier a toutefois rappelé que les cessez-le-feu conclus au cours des cinq dernières semaines avaient systématiquement été violés. M. Gebeyehou a annoncé qu’une délégation de haut niveau de l’IGAD s’engagerait quotidiennement auprès des parties, avec pour intention aussi de se coordonner avec les acteurs régionaux et internationaux. Des efforts approuvés par la Fédération de Russie, qui les a jugés préférables aux schémas « démocratiques » douteux qu’ont tenté d’imposer au Soudan les pays occidentaux. Rejetant comme la Chine toute ingérence étrangère, la délégation russe a brandi le cas de la Libye, qu’une intervention « musclée » avait conduite au désastre, déstabilisant la moitié du continent africain.
Les A3 –Gabon, Ghana, Mozambique– se sont félicités du plan de désescalade de l’UA, de nature à contribuer selon eux aux efforts de stabilisation du Soudan. Pour les membres africains du Conseil, le mécanisme trilatéral formé de l’ONU, de l’UA et de l’IGAD constitue le cadre idoine pour parvenir à un processus politique durable et crédible au Soudan. Pour le Royaume-Uni, la Déclaration de Djedda du 11 mai et l’accord de cessez-le-feu conclu le 20 seront inutiles faute de mise en œuvre ou d’instrumentalisation par les parties à des fins militaires.
La négociation est la première étape pour mettre un terme aux affrontements, apporter une protection à des millions de civils au Soudan et éviter de causer des dégâts supplémentaires aux infrastructures civiles, a estimé le Brésil, suivi par le Japon. Partisans d’une négociation élargie, les États-Unis ont dit œuvrer à la fin de la violence et coopérer notamment avec l’Arabie saoudite, l’UA et l’IGAD, estimant qu’« il n’y a plus de temps à perdre ».
Les autorités du Soudan, a assuré leur représentant, comptent appliquer les principes de la Déclaration de Djedda intégrés au nouvel accord, tout en veillant à l’accès sans entrave aux secours d’urgence, en coopération notamment avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Il a ajouté que son gouvernement avait accepté les modalités du mécanisme de surveillance et de coordination, mais a rejeté l’allégation selon laquelle les Forces armées soudanaises n’auraient pas respecté la trêve humanitaire, fustigeant les « milices rebelles » qui continuent de les attaquer.
Le délégué soudanais a toutefois contesté les chiffres avancés aujourd’hui, considérant que la définition de « personne déplacée interne » ne s’applique pas à des ressortissants soudanais qui restent dans leur pays d’origine. Il en va de même, selon lui, des citoyens soudanais « aisés » qui seraient partis de leur plein gré à l’étranger. S’agissant du rôle futur de la MINUATS, le représentant a espéré que la priorité serait donnée à la consolidation de la paix.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD - S/2023/355
Déclarations
M. VOLKER PERTHES, Représentant spécial pour le Soudan et Chef de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), a rappelé que cinq semaines après le début des combats entre les Forces armées du Soudan et les Forces d’appui rapide, le 15 avril, le conflit n’a montré aucun signe de ralentissement en dépit des déclarations de cessez-le-feu faites par les deux parties. « Les civils paient un lourd tribut à cette violence insensée », a-t-il déploré, précisant que plus de 700 personnes auraient été tuées, dont 190 enfants, et 6 000 autres blessées. Le haut fonctionnaire a également fait état de disparitions. Plus d’un million de personnes sont déplacées, dont plus de 840 000 ont trouvé refuge dans les zones rurales et les États soudanais voisins, tandis que 250 000 autres ont traversé les frontières du pays. Parmi les déplacés, près de 8 000 sont des femmes enceintes, a relevé M. Perthes.
L’ONU poursuit son aide pour alléger le fardeau des États voisins, a expliqué M. Perthes. Alors que les combats se poursuivent, deux tiers des hôpitaux sont fermés, de nombreux personnels de santé ont été tués et les équipements médicaux s’amenuisent. L’utilisation des infrastructures de santé à des fins militaires est inacceptable, a protesté le Chef de la MINUATS, qui s’est dit estomaqué par la violence sexuelle perpétrée contre les femmes, les filles, et les enfants et le recrutement d’enfants soldats. Il a également fait part de pillages, notamment des locaux de la MINUATS, une criminalité exacerbée par la remise en liberté de milliers de prisonniers. Le Représentant spécial a dénoncé les menaces de mort visant les militants et les dirigeants politiques, les arrestations de volontaires soudanais et l’intimidation de journalistes. Il s’est inquiété de l’ethnicisation du conflit, en faisant part de la mobilisation de tribus dans les États du Kordofan méridional et du Nil-Bleu.
M. Perthes a rappelé l’engagement pris, avant le 15 avril, par l’ONU de persuader les deux parties de soutenir le processus de transition dirigé par des civils. Travaillant depuis Port-Soudan, la MINUATS continue de travailler avec ses partenaires soudanais, a indiqué le haut fonctionnaire, en annonçant ses priorités immédiates: parvenir à un cessez-le-feu stable adossé à un mécanisme de surveillance, en prévenant l’escalade ou la tribalisation du conflit; protéger les civils et la livraison de l’aide humanitaire; et préparer en temps voulu un nouveau processus politique avec la participation d’un large éventail d’acteurs civils et politiques, y compris les femmes. M. Perthes a d’ailleurs informé que le plan humanitaire révisé lancé le 17 mai doit permettre de mobiliser 2,7 milliards de dollars pour 18 millions de personnes, c’est-à-dire 15 millions de plus qu’avant le conflit. Il a salué la médiation entreprise par l’Arabie saoudite et les États-Unis auprès des Forces armées soudanaises et des Forces d’appui rapide qui a permis d’aboutir à la signature d’une Déclaration d’engagement à Djedda, le 11 mai, une étape importante vers un cessez-le-feu stable avec un mécanisme de vérification efficace. La MINUATS est prête à soutenir sa mise en œuvre en faisant fond sur la structure établie par le Comité du cessez-le-feu permanent pour le Darfour, présidé par la Mission, a promis le Représentant spécial. À mesure que les discussions avancent, les parties prenantes civiles et politiques doivent jouer leur rôle, a exhorté le Représentant spécial, pour lequel seule une transition menée par les civils peut ramener la paix durable au Soudan. Le représentant a encouragé la coordination des efforts régionaux et internationaux pour mettre fin aux affrontements au Soudan afin de définir une approche commune. L’ONU pour sa part continuera de travailler avec ses partenaires du mécanisme trilatéral, l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), a terminé le Représentant spécial.
M. BANKOLE ADEOYE, Commissaire de l’Union africaine pour les affaires politiques, la paix et la sécurité, a jugé préoccupante la situation qui prévaut au Soudan. Il a rappelé la médiation de l’UA en 2019, qui a favorisé une transition inclusive. Malheureusement, a-t-il déploré, les contradictions internes et la polarisation des acteurs politiques et militaires soudanais, combinées aux ingérences extérieures multiples, ont mené au coup d’État « irresponsable et insensé » du 25 octobre 2021. En conséquence, l’UA a suspendu le Soudan, tout en continuant à œuvrer avec ses partenaires pour un rétablissement rapide de l’ordre constitutionnel, notamment en établissant le mécanisme trilatéral en collaboration avec l’ONU et l’IGAD. Toutefois, le déclenchement des hostilités militaires, le 15 avril dernier, entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide ont anéanti tout espoir que l’accord-cadre puisse mener à la reprise du processus de transition politique vers un régime démocratique dirigé par des civils, a constaté le Commissaire.
Après le déclenchement des hostilités, le Conseil de paix et de sécurité de l’UA a condamné les combats et appelé à un cessez-le-feu immédiat, a-t-il rappelé. Le 20 avril 2023, le Président de la Commission de l’UA a réuni les acteurs clefs de la communauté internationale afin de coordonner les efforts en vue d’un cessez-le-feu immédiat, l’organisation de l’aide humanitaire et la reprise du processus politique. L’UA a élaboré un plan de désescalade reposant sur six piliers, à savoir une action internationale coordonnée, un cessez-le-feu immédiat, une aide humanitaire d’urgence, la protection des civils et des infrastructures, un soutien aux pays voisins et la reprise d’un processus politique inclusif. Les dirigeants africains doivent en outre se réunir cette semaine afin d’approuver le plan de désescalade de l’UA, a-t-il ajouté.
Pendant ce temps, la situation au Soudan reste désastreuse, a observé le Commissaire, dénonçant la destruction systématique des institutions sanitaires, économiques, financières et sociales du pays ainsi que les violations « endémiques » des droits humains. Il a demandé au Conseil de sécurité d’assumer ses responsabilités face à ce conflit « intolérable et inutile ». M. Adeoye a cependant salué la signature par les deux parties belligérantes d’un cessez-le-feu de court terme, tout en réclamant des efforts concertés en vue d’une cessation durable des hostilités. « Un silence complet et permanent des armes est désormais le seul remède pour le peuple soudanais », a-t-il argué.
Considérant que les désaccords sur la réforme du secteur de la sécurité ont été le déclencheur du conflit, le Commissaire a estimé qu’il incombe aux Soudanais de définir le pays auquel ils aspirent, avec la pleine représentation de la société civile et des partis politiques. De son côté, l’UA déploiera des envoyés spéciaux dans les États voisins du Soudan, qui accueillent un nombre croissant de réfugiés, a-t-il indiqué. Selon lui, un effondrement complet du Soudan aurait « des conséquences insupportables pour la région, le continent africain et le monde ».
M. WORKNEH GEBEYEHOU, Secrétaire exécutif de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), a salué le cessez-le-feu de court terme et les arrangements humanitaires agréés hier en Arabie saoudite. Il a indiqué que ce développement positif permet de nourrir un « optimisme prudent » quant à une cessation définitive des hostilités. Il a néanmoins rappelé que les cessez-le-feu antérieurs ont été systématiquement violés au cours des cinq dernières semaines. Le Secrétaire exécutif a toutefois noté que le dernier accord a été signé par les parties et verra sa mise en œuvre placée sous la surveillance des États-Unis et de l’Arabie saoudite. Détaillant le bilan des affrontements, le haut fonctionnaire a fait état de la mort de 850 civils, tandis que 700 000 personnes sont déplacées et 150 000 autres ont gagné les pays voisins, a-t-il affirmé, avant de souligner les conséquences du conflit pour le Soudan du Sud. La délégation de haut niveau de l’IGAD, emmenée par le Président Salva Kiir, engage les parties quotidiennement et se coordonne avec les acteurs régionaux et internationaux, a précisé M. Gebeyehou, en appelant à un soutien international.
Il a estimé que l’élément essentiel pour mettre un terme à la violence au Soudan tient à une plus grande efficacité et coordination des efforts déployés. « Nous devons poursuivre un seul objectif au Soudan, qui est de faire taire les armes et d’entamer un processus politique dirigé et contrôlé par les Soudanais eux-mêmes en vue de la formation d’un gouvernement de transition dirigé par les civils. » Le Secrétaire exécutif a indiqué que les chances d’un règlement pacifique sont plus élevées si les pays voisins sont impliqués, en évoquant les situations en Éthiopie, en Somalie ou encore au Soudan du Sud. Enfin, M. Gebeyehou a souligné l’engagement inébranlable de l’IGAD en vue d’un cessez-le-feu permanent et d’un processus politique inclusif au Soudan.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a qualifié le conflit au Soudan de « tragédie » à l’impact dévastateur sur le peuple soudanais. Il a exhorté les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide à cesser immédiatement les combats, à protéger les civils et à accorder un accès humanitaire sûr et immédiat. S’agissant des efforts diplomatiques en cours, il a souligné l’importance d’une action coordonnée des partenaires internationaux et régionaux. Saluant à cet égard la Déclaration de Djedda du 11 mai et l’accord de cessez-le-feu conclu le 20 mai, il a averti que ces engagements seront inutiles s’ils ne sont pas mis en œuvre ou utilisés pour obtenir un avantage militaire. Le représentant a appelé les parties à respecter pleinement leurs engagements.
Le délégué a ensuite jugé essentiel que les voix des civils soudanais soient entendues. La société civile doit être incluse à chaque étape du processus, en particulier dans les efforts de médiation visant à mettre fin aux combats et à assurer une transition démocratique avec un gouvernement civil, a-t-il plaidé. Il s’est par ailleurs alarmé des violations des droits humains et de la dégradation de la situation humanitaire, avant de saluer l’aide des pays voisins qui ont accueilli des réfugiés. Enfin, après avoir appelé à la cessation immédiate des attaques contre les infrastructures civiles, y compris les maisons, les établissements de santé, les écoles et les lieux de culte, il a estimé que le pillage des biens humanitaires est tout simplement inacceptable et a demandé que les auteurs de ces actes répondent de leurs actes.
Au nom des A3 (Gabon, Ghana, Mozambique), M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) s’est félicité du travail effectué par la MINUATS pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire ainsi que l’évacuation des civils, du personnel diplomatique et des travailleurs humanitaires des zones de combats. Il a déploré la détérioration de la situation dans le pays qui sape à ses yeux les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord de paix de Djouba. Selon lui, le mécanisme trilatéral est crucial pour parvenir à un processus politique durable et crédible, axé sur le dialogue entre les parties. Le représentant s’est en outre félicité du plan de désescalade de l’UA, qui contribuera selon lui aux efforts de stabilisation du pays. À cet égard, il a souligné l’importance de la coordination entre les différentes initiatives de désescalade. La détérioration de la situation sécuritaire au Soudan crée à ses yeux un environnement propice à l’exacerbation des affrontements intercommunautaires dans certaines régions du pays, en particulier au Darfour, au Nil Bleu et dans les États du Kordofan du Sud et de l’Ouest, en plus de constituer une menace à la sécurité des sept États voisins.
Le représentant a condamné avec la plus grande fermeté les attaques visant des locaux diplomatiques, notamment ceux des Nations Unies à Khartoum et au Darfour. Il s’est de même inquiété des retombées de la crise sur les pays voisins, estimant qu’elles pourraient conduire à une augmentation de la violence. Dans ce contexte, il a jugé nécessaire de renforcer la collaboration entre la MINUATS et les autres entités onusiennes. Le délégué s’est également inquiété de l’aggravation de la situation humanitaire déjà « désastreuse » au Soudan, caractérisée par la perturbation des chaînes d’approvisionnement, exacerbant les vulnérabilités socioéconomiques. Plus de 700 000 personnes sont présentement déplacées à l’intérieur du pays, a-t-il noté, et plus de 150 000 autres ont quitté le Soudan. Il a appelé en terminant à la conclusion d’une trêve humanitaire et à la mise en place de couloirs humanitaires.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) s’est dit préoccupé par les affrontements militaires qui continuent de se dérouler au Soudan, qualifiant cette situation de « terrible retour en arrière ». Un autre revers serait de vouloir régler ce conflit par des moyens militaires, a dit le représentant, avant de saluer le cessez-le-feu de court terme et les arrangements humanitaires agréés hier en Arabie saoudite. Il a appelé les deux parties à faire preuve de la plus grande retenue et à privilégier la médiation et le dialogue. Négocier n’est pas se rendre, a dit le délégué, en s’adressant aux deux parties. « La négociation est au contraire la première étape pour mettre un terme aux affrontements actuels, apporter une protection pour des millions de civils au Soudan et éviter des dégâts supplémentaires aux infrastructures essentielles civiles. » En conclusion, il a souhaité que les parties prenantes se rendent compte des conséquences graves des affrontements actuels pour le Soudan.
M. DAI BING (Chine) s’est dit attristé par le conflit armé au Soudan et a prié les parties de mettre un terme aux hostilités. Saluant la signature d’un accord de cessez-le-feu, il a exhorté les parties à tenir les engagements pris en matière de protection des civils et à faciliter leur évacuation. Le représentant a exhorté les belligérants à saisir cette occasion pour engager un dialogue. Il a demandé à l’ONU de fournir l’espace nécessaire à la médiation, tout en affirmant que la solution au conflit ne peut être trouvée qu’à l’intérieur du pays. Les solutions externes et les sanctions unilatérales sont « contreproductives », a-t-il fait valoir. Le délégué s’est par ailleurs félicité de l’aide des pays voisins qui ont accueilli des réfugiés et a demandé à la communauté internationale de les soutenir. Il importe selon lui d’éviter que l’afflux de réfugiés fasse tache d’huile. S’agissant enfin du renouvellement du mandat de la MINUATS, il a recommandé de tenir compte des opinions du Soudan pour assurer la pérennité de la coopération entre l’ONU et ce pays.
M. HERNAN PEREZ LOOSE (Équateur) a estimé que le Conseil de sécurité ne peut et ne doit rester immobile face à la reprise des hostilités au Soudan, avant d’appeler les parties à cesser immédiatement les actes de violence. Selon lui, la MINUATS a un rôle critique à jouer afin de permettre le retour au calme ainsi qu’un accès sûr et sans entrave à l’aide humanitaire. Le Conseil devra tenir compte de ces événements et renforcer les capacités de la MINUATS lors du renouvellement de son mandat, a-t-il plaidé, soulignant également le travail de la Mission au sein du mécanisme trilatéral, ainsi que son lien avec la réforme du secteur de la sécurité. Dans le contexte actuel, le délégué s’est inquiété du déplacement de près d’un million de personnes à l’intérieur du pays, qui s’ajoutent aux 250 000 personnes qui ont fui vers les pays voisins. Il est à ses yeux indispensable que les agences des Nations Unies disposent des moyens nécessaires pour surmonter cette crise humanitaire et protéger les civils, en particulier les femmes et les filles vulnérables à la violence fondée sur le genre. Le représentant a exprimé l’espoir que le cessez-le-feu d’une semaine conclu entre les parties permettra d’assurer le libre accès à l’aide humanitaire ainsi que la protection des civils et des travailleurs humanitaires.
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a appelé les deux parties à cesser immédiatement les combats et à revenir à la table des négociations. Il a rejeté tout usage de la force susceptible de saper le processus de transition vers un gouvernement civil tel qu’envisagé par la Déclaration constitutionnelle de 2019. Le représentant s’est dit sérieusement préoccupé par la situation humanitaire au Soudan et dans les pays voisins, avant de saluer le cessez-le-feu de court terme et les arrangements humanitaires agréés hier en Arabie saoudite. Enfin, il a souligné l’importance du maintien de la MINUATS nonobstant les circonstances difficiles. Ce Conseil doit parler d’une seule voix et appuyer les efforts de la Mission, a conclu le délégué.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a jugé essentiel que le Conseil de sécurité appuie pleinement la MINUATS. Elle a salué le cessez-le-feu de court terme et les arrangements humanitaires agréés hier en Arabie saoudite, en exhortant les parties à respecter cet accord. Les États-Unis continuent d’œuvrer pour mettre fin à la violence et coopèrent notamment avec l’Arabie saoudite, l’Union africaine ou encore l’IGAD, a dit la représentante, pour qui « il n’y a plus de temps à perdre ». Elle a indiqué que son pays est également engagé dans la réponse humanitaire au Soudan, avant de demander un accès sans entraves de l’aide aux personnes dans le besoin. Soulignant à cet égard le rôle de chef de file joué par l’ONU, elle a souhaité que ne soient pas oubliés les besoins des quelque 1, 1 million de réfugiés qui se trouvaient au Soudan avant le début des affrontements actuels. Enfin, la déléguée a appelé à la poursuite du processus de transition en vue de la formation d’un gouvernement civil au Soudan.
Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a salué le cessez-le-feu humanitaire signé samedi dernier et a souhaité qu’il soit suivi d’actes. La représentante a regretté que le conflit actuel ait compromis les progrès réalisés ces dernières années, avant d’attirer l’attention du Conseil sur les risques de grave confrontation au Soudan. Elle s’est aussi déclarée préoccupée par le nombre élevé de personnes déplacées, enjoignant aux parties de protéger les populations et les infrastructures civiles. Elle les a en outre appelées à cesser toute violence à l’encontre du personnel de l’ONU et des travailleurs humanitaires. Avant de conclure, la déléguée a souligné l’importance de l’accès à l’aide et aux ressources essentielles comme l’eau et les médicaments.
Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a salué le cessez-le-feu de sept jours et les modalités humanitaires convenues entre les parties. Elle a demandé la poursuite des négociations afin de parvenir à une solution pacifique à la crise. Malgré des circonstances extrêmement difficiles, la représentante a jugé exceptionnel le travail de l’ONU sur le terrain, tout en condamnant le pillage de certains de ses centres dans le pays. Depuis le début du conflit, les Émirats arabes unis ont évacué 1 000 personnes de plusieurs nationalités sur neuf avions. En vertu de la déclaration de Djedda, les parties ont accepté de faciliter le passage sûr des travailleurs humanitaires, de l’aide et des biens humanitaires, a-t-elle rappelé, en espérant qu’elles sauront donner suite à ces engagements. La fuite de plus de 200 000 personnes vers les pays voisins aggrave également la crise humanitaire alors que ceux-ci sont déjà sous pression extrême. La déléguée a demandé que des mesures exceptionnelles soient prises pour protéger les enfants. Selon elle, la solution à ce conflit doit reposer sur une approche régionale, avec un appui international robuste.
M. DARREN CAMILLERI (Malte) a salué le cessez-le-feu de court terme et les arrangements humanitaires sur lesquels les parties se sont entendues hier en Arabie saoudite. Alor que des informations font état d’une recrudescence de la violence sexuelle au Soudan, le représentant a demandé la mise en place de mesures de protections spécifiques pour les femmes et les filles. Il a également rappelé aux parties au conflit leurs obligations au regard du droit international et a demandé un accès humanitaire sans entraves. À ce propos, le délégué a déploré la perte de plus de 14 millions de dollars de denrées alimentaires destinées aux plus démunis en raison des pillages. Il a enfin assuré que Malte continuera d’appuyer un règlement politique au Soudan, « y compris par le biais de messages d’unité de ce Conseil ».
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) s’est dite profondément préoccupée par la dynamique dangereuse de la situation au Soudan, où l’insécurité aggrave la crise humanitaire, posant un danger au niveau régional, à des pays voisins eux-mêmes en proie à des difficultés. Afin de répondre efficacement à la crise actuelle au Soudan, il est nécessaire selon le représentant d’en comprendre les causes. Elle a considéré que le conflit est largement le résultat d’une mauvaise gestion du règlement politique au Soudan, dont une grande responsabilité incombe aux pays occidentaux qui, pendant longtemps, se sont crus en droit de s’immiscer dans les affaires intérieures de ce pays. « Au lieu de permettre au processus politique d’être véritablement national et dirigé par les Soudanais, des décisions hâtives non fondées sur la culture politique nationale et rejetées par la population ont été imposées de l’extérieur », a accusé la représentante. Sa délégation a pourtant assuré à plusieurs reprises que des efforts insuffisants avaient été déployés pour mobiliser une aide financière internationale pourtant nécessaire pour stabiliser le pays. Au contraire, a-t-elle poursuivi, il a été privé d’une telle assistance, le rendant dépendant du respect de délais artificiels et de l’obtention d’un consentement à des schémas « démocratiques » douteux.
Aussi s’est-elle félicitée des efforts régionaux déployés pour aider le Soudan. « Il est important d’empêcher une répétition de l’expérience en Libye, qu’une intervention musclée qui a conduit au désastre, déstabilisant la moitié du continent », a insisté la représentante. Elle a enfin estimé que, compte tenu de la situation actuelle sur le terrain, le moment n’est pas venu de compliquer les paramètres de l’assistance fournie par la MINUATS sur le terrain. « Le mandat actuel pourrait être techniquement étendu, avec un rôle majeur donné aux efforts déployés au niveau national et régional. Puis, après avoir surmonté la phase la plus aigüe, il sera possible de discuter à nouveau. La fourniture d’une aide humanitaire à la population soudanaise et aux pays voisins, qui ont généreusement ouvert leurs frontières, sera de la plus haute importance, a ajouté la représentante.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a estimé que la situation n’a cessé de se détériorer depuis le 15 avril, non seulement à Khartoum mais aussi au Darfour occidental. Elle a condamné les violences aveugles, qui violent le droit international et les engagements pris par les deux parties le 11 mai dernier à Djedda, ainsi que la poursuite de la mobilisation des groupes armés selon des affiliations communautaires. La crise soudanaise, a-t-elle mis en garde, menace de déstabiliser la région, avec un afflux massif de personnes déplacées, de réfugiés, et de populations en situation d’insécurité alimentaire. Après avoir salué l’action de l’ONU sur le terrain et la solidarité des pays voisins, la représentante a indiqué que le soutien de l’Union européenne s’élève déjà à plus de 150 millions d’euros pour l’année 2023.
Les parties au conflit doivent maintenant mettre en œuvre les engagements pris à Djedda en ouvrant des couloirs humanitaires et en cessant les hostilités, a insisté la déléguée. Elle a ensuite jugé inacceptable qu’« aucune expression » du Conseil de sécurité n’ait pu être adoptée depuis le premier jour des hostilités, alors que son action est complémentaire des efforts régionaux, et notamment de l’Union africaine. Action d’autant plus nécessaire que les parties n’ont pas répondu, jusqu’à présent, à ces efforts et se sont enfermées dans la poursuite des combats. La représentante a en conclusion encouragé la MINUATS à appuyer les forces politiques du pays qui prônent l’apaisement, en particulier au sein de la société civile soudanaise qui, le moment venu, devra prendre part aux discussions pour parvenir à un cessez-le-feu durable et à une résolution politique de la crise.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a tout d’abord regretté que les conditions actuelles n’aient pas permis à la société civile soudanaise de participer en toute sécurité à la séance d’aujourd’hui. Elle s’est ensuite déclarée préoccupée par la poursuite des combats, qui aggravent encore la crise humanitaire dans le pays. Les infrastructures essentielles continuent d’être prises pour cible et les pillages à grande échelle menacent la sécurité et les moyens de subsistance des civils, a-t-elle dénoncé, faisant également état de locaux diplomatiques et d’organisations humanitaires pillés ou détruits. Ces hostilités menacent d’accentuer les conflits déjà existants, en particulier au Darfour et dans l’État du Nil-Bleu, ce qui pourrait entraîner une nouvelle escalade, a averti la représentante, avant d’appeler les deux parties au conflit à respecter le droit international humanitaire. Félicitant les pays de la région qui accueillent des réfugiés et des rapatriés, elle a également salué la signature à Djedda, en Arabie saoudite, de l’accord de cessez-le-feu à court terme par les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide. Le respect d’un cessez-le-feu à long terme doit selon elle être associé à un retour aux négociations. À cet égard, elle a appuyé les efforts diplomatiques en cours, en particulier ceux de l’Union africaine, de l’IGAD, de la Ligue des États arabes, de la MINUATS, des pays voisins et des partenaires bilatéraux. Enfin, la déléguée a souligné que, dans la perspective d’un éventuel retour à un processus politique, les acteurs civils soudanais restent au cœur de toute solution durable.
Reprenant la parole, Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a estimé que la déclaration de la France est une nouvelle preuve de ce qu’elle a évoqué dans sa propre intervention. « La communauté internationale, selon nos collègues occidentaux, n’est responsable de rien », a-t-elle observé. « Ils ne font que contribuer à la démocratie et à la paix, mais cela ne débouche jamais sur la stabilité », a dénoncé la représentante, pour qui cela s’est vérifié en Libye, en Somalie et dans de nombreuses autres régions du monde. Quant aux efforts de paix et économiques déployés par la France en Afrique, « on sait ce qu’il en est », a-t-elle conclu.
M. AL-HARITH IDRISS AL-HARITH MOHAMED (Soudan) s’est félicité de la conclusion de l’accord de cessez-le-feu de court terme et d’arrangements humanitaires entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide dans le but de mettre fin aux affrontements armés. Cet accord, qui vient renforcer la déclaration de Djedda, a pour objectif principal de protéger les civils, l’économie ainsi que le respect du droit international humanitaire et des droits humains. Un mécanisme de surveillance et de coordination supervise son renouvellement. Pour sa part, le Gouvernement soudanais compte appliquer les principes de la déclaration de Djedda intégrés au nouvel accord, tout en veillant à l’accès sans entrave aux secours d’urgence, en coopération notamment avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Le Gouvernement a en outre accepté les modalités du mécanisme de surveillance et de coordination afin d’assurer la coordination avec les acteurs humanitaires ainsi que la protection des civils, a assuré le représentant.
Dans ce contexte, les autorités soudanaises ont demandé l’appui de la communauté internationale et des donateurs au financement de l’aide humanitaire, et mis à disposition le port de Port Soudan ainsi que les aéroports de Port Soudan, Dongola et Ouadi Sayyedna. La Commission soudanaise d’aide humanitaire a ainsi achevé sa coordination avec les organisations internationales et régionales afin d’aider les personnes touchées. Selon le représentant, les Forces armées soudanaises font preuve de retenue et s’efforcent de minimiser les pertes et de faire un usage de la force proportionnel alors qu’elles repoussent les renforts militaires rebelles et les tentatives de réapprovisionner leurs forces de l’extérieur du Soudan. Les rebelles ont notamment attaqué la ville d’El-Obeid à deux reprises dans le but de contrôler son aéroport pour mener des opérations de ravitaillement. Il a accusé ceux-ci de cibler systématiquement les missions et le personnel diplomatiques dans le but de saboter les relations avec la communauté internationale. Le délégué a également dénoncé la destruction et le vol de registres de l’administration foncière, de musées et d’écoles, ainsi que les exactions commises à l’encontre des civils, en particulier les femmes et les filles. Dans ce contexte, il a demandé à la communauté internationale et au Conseil de sécurité de condamner ces « agressions » avec la plus grande fermeté.
Malgré les déplacements de milliers de personnes, le représentant a estimé que la définition de « personne déplacée interne » ne s’applique pas et qu’elles ne peuvent donc pas être considérées comme telles tant qu’elles restent dans leur pays d’origine dont elles sont ressortissantes. Il en va de même, a-t-il ajouté, des personnes aisées qui ont quitté selon lui le Soudan en tant que citoyens et non en tant que réfugiés. S’agissant du rôle de la MINUATS, le délégué a considéré que le rétablissement de la paix n’est pas seulement lié au cadre politique démocratique, mais qu’il implique aussi une communication renouvelée avec les donateurs afin d’aller au-delà de l’aide humanitaire de base pour accroître les ressources disponibles. Il a ainsi espéré que la priorité serait donnée à la consolidation de la paix par le biais de l’aide au développement, de la reconstruction, du renforcement des capacités, ainsi que de la mobilisation des ressources afin de favoriser l’intégration sociale et économique des personnes déplacées. Le délégué a par ailleurs rejeté l’allégation selon laquelle les Forces armées soudanaises n’auraient pas respecté la trêve humanitaire, fustigeant plutôt les milices rebelles qui continuent de les attaquer.