9280e séance – matin
CS/15226

Accusée de crimes de guerre, la Fédération de Russie tente de convaincre le Conseil de sécurité que sévit en Ukraine une « russophobie » d’État

Le Conseil de sécurité s’est réuni ce matin, à la demande de la Fédération de Russie, sur le thème de la « russophobie », un facteur qui, selon elle, est au cœur de « l’idéologie ukrainienne » et complique les perspectives de trouver une solution durable au conflit en Ukraine.  Le représentant russe a accusé le « nouveau Gouvernement nationaliste » ukrainien d’avoir lancé une attaque brutale contre la langue russe et contre tout ce qui est russe en général.  Plusieurs délégations ont réagi vivement à ces accusations, la russophobie étant selon elles l’une des excuses du Gouvernement russe pour « justifier l’injustifiable », à savoir sa guerre contre l’Ukraine. 

« Nous n’avons pas convoqué la réunion d’aujourd’hui pour parler des problèmes internes de l’Ukraine », a raillé le représentant russe, mais pour évoquer « la campagne russophobe » déclenchée dans le pays par « la clique de Zelenskyy », qui constitue une menace directe pour la paix et la sécurité internationales, car les relations de bon voisinage avec l’Ukraine ne sont pas possibles dans de telles conditions.  « Une paix durable et à long terme en Europe ne se construira pas sur la russophobie », a-t-il tranché.  Il s’est appuyé sur les exposés de deux intervenants ukrainiens russophones, dont les propos ont ensuite été battus en brèche par un historien de l’Université de Yale.

M. Kirill Vyshinsky, Directeur de la revue en ligne Rossiya Segodnya, a ainsi défini la russophobie comme une manifestation de haine contre la population, la culture et l’identité russes, qui trouve principalement sa place sur Internet.  Si la russophobie est vive et généralisée dans l’Union européenne, c’est en Ukraine qu’elle connaît son plus grand essor, a-t-il argumenté.  Depuis 2014, a renchéri M. Dmitry Vasilets, Directeur adjoint du Syndicat ukrainien des juristes, les lois russophobes les plus virulentes sont en vigueur en Ukraine, encore intensifiées par le Gouvernement du Président Zelenskyy, qu’il a qualifié de « dictateur ».  Les russophones d’Ukraine sont à ses yeux victimes d’un authentique « linguicide » au sens des résolutions de l’ONU, car 30% des citoyens ukrainiens sont privés de l’utilisation de leur langue maternelle.  « Une chasse à l’emploi du russe est menée jusque dans les relations privées, les citoyens, même les retraités, pouvant être mis à l’amende s’ils sont surpris en train de parler dans leur langue maternelle. »

M. Timothy Snyder, professeur d’histoire à l’Université de Yale, a retourné l’accusation de russophobie contre l’État russe.  Un pouvoir russe coupable à ses yeux de « préjudices irréparables » parce qu’il oblige ses citoyens les plus productifs à émigrer, envoie de jeunes conscrits se faire tuer en Ukraine par dizaines de milliers, et enferme le peuple russe dans une bulle de propagande.  La télévision d’État, s’est-il alarmé, décrit les Ukrainiens comme des sous-hommes, des « porcs » et des « satanistes », et lance des appels au meurtre.  Le recours au terme « russophobie » est une stratégie impérialiste, un « discours génocidaire » et un « outil » utilisé pour détruire les Ukrainiens, a résumé l’universitaire.  Le procédé n’est pas une tactique de défense mais un élément du crime.  « En demandant cette réunion, la Russie avoue ses crimes de guerre », a-t-il concluLe représentant russe a repris la parole en fin de séance pour critiquer vertement M. Snyder en lui disant que la Russie « trouverait le moyen de [lui] répondre par d’autres moyens ».

Une majorité de délégations ont encore accusé la Russie de vouloir déformer la réalité pour dissimuler ses crimes.  En premier lieu l’Ukraine, qui a fustigé le « tissu de mensonges que nous venons d’entendre ».  Le régime russe devra se retrouver dans le box des accusés du futur tribunal international que nous appelons de nos vœux, a rappelé le représentant ukrainien, souhaitant qu’un tel tribunal obtienne de la Russie qu’elle s’engage dans un « processus de rédemption morale », pour « retrouver sa place parmi les nations civilisées ». 

La France, comme Malte, a estimé qu’en convoquant cette réunion, la Russie tentait une nouvelle fois de faire diversion « en alléguant de prétendues discriminations afin que nous détournions le regard des exactions qu’elle continue de commettre en Ukraine ».  Dans cet esprit, les États-Unis ont dénoncé une « assertion fantaisiste » alors que les missiles pleuvent sur l’Ukraine et que la Russie commet des crimes contre l’humanité.  Le monde distingue clairement le bien du mal et les agresseurs des victimes, a scandé l’Albanie, rappelant le vote récent à l’Assemblée générale qui a condamné à une très large majorité l’agression russe. 

Pour le Royaume-Uni, ce que l’Ukraine veut, « ce que nous voulons tous », c’est la paix conformément à la Charte des Nations Unies, et quand l’État russe prononce le mot de « russophobie », ce qu’il décrit, très simplement, c’est la détermination de l’Ukraine à rester une nation indépendante, son refus de se plier à la volonté de la Russie et de lui céder son territoire. 

L’Équateur, le Japon, la Suisse et le Ghana ont appelé la Russie à retirer sans délai et sans conditions toutes ses forces militaires déployées à l’intérieur des frontières ukrainiennes, ce à quoi la Russie a répondu qu’elle n’avait toujours eu qu’une seule préoccupation à l’origine de son « opération spéciale »: protéger les Ukrainiens contre les « agissements criminels » du régime de Kiev. 

Le Brésil a exhorté les parties à garantir le renouvellement de l’Initiative céréalière de la mer Noire, qui expirera dans les prochains jours, tandis que la Chine a estimé que le dialogue et les négociations étaient la seule solution pour résoudre la crise et aider les belligérants à rétablir la paix.  Indiquant que son pays est « prêt à jouer un rôle dans ce processus », le délégué chinois a condamné toutes les phobies dirigées contre des peuples ou des religions, qui découlent parfois d’un sentiment de supériorité ou d’une étroitesse d’esprit, et sont utilisées par « certains pays » pour augmenter les tensions. 

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

M. KIRILL VYSHINSKY, Directeur exécutif de Rossiya Segodnya, s’est décrit comme un russophone né en Ukraine, rédacteur en chef d’une publication en ligne disponible en langue russe.  Il a raconté une partie de sa vie depuis 2014, où, après avoir été persécuté par les autorités ukrainiennes et avoir passé un an et demi en prison, il est parti vivre en Russie.  « Qu’est-ce que la russophobie? » a-t-il lancé aux membres du Conseil.  La russophobie est une manifestation de haine contre la population, la culture et l’identité russes, qui se manifeste principalement sur Internet.  La russophobie vise à propager une idéologie de haine contre tous ceux qui sont considérés comme Russes ou apparentés, a-t-il avancé.  L’intervenant a donné des « exemples flagrants de russophobie moderne », notamment à la télévision ukrainienne, comme lorsque ce journaliste a appelé en direct à attaquer les Russes, à détruire leur famille et éliminer leurs enfants.  Autre exemple sur les réseaux sociaux, celui d’une personne ukrainienne appelant à attaquer les prisonniers russes, qualifiés de « cafards ».  Cela se traduit, a poursuivi M. Vyshinsky, par des conséquences dans la vie réelle, telles que des représailles à l’encontre de prisonniers russes, alors que les populations du Donbass vivent sous les bombardements.  Il a aussi accusé les députés ukrainiens de racisme et leur a reproché de ne pas reconnaître aux Russes le droit d’exister. 

Dans l’Union européenne, la russophobie est « mainstream », bien ancrée, selon M. Vyshinsky.  Il a estimé que la langue russe, celle d’un tiers de la population ukrainienne avec 14 millions de locuteurs, est elle aussi en danger.  Ces 20 dernières années, son usage s’est restreint en Ukraine, notamment dans les films et l’éducation.  Toutes les écoles russophones sont passées à l’ukrainien, a-t-il déploré.  Kiev a décidé de supprimer le russe des programmes scolaire, dans l’oblast d’Odessa notamment, où des millions de livres en russe sont retirés des bibliothèques, détruits ou recyclés.  Le Ministère de la défense ukrainien sanctionne ses propres citoyens en supprimant le russe.  Dans les universités, il n’est même plus possible de parler le russe durant les pauses déjeuner, a poursuivi l’intervenant.  En 2014, après un référendum décidant de rattacher l’Ukraine à la Russie, les autorités ukrainiennes ont coupé l’arrivée d’eau en représailles dans plusieurs territoires.  Les travaux de « dé-russification » se poursuivent, avec le retrait de statues glorifiant des héros russes et ukrainiens de la Seconde Guerre mondiale.  M. Vyshinsky a aussi mentionné le déboulonnage de monuments consacrés à l’auteur Alexandre Pouchkine, dans plus de 20 villes du pays.  Sur le plan religieux, il a dénoncé des attaques contre des églises orthodoxes ukrainiennes et des prêtres, et des ordres faits aux moines de quitter leur monastère.  Toutes ces manifestations russophobes ont trouvé leur pic en 2022 et 2023, a-t-il conclu.

M. DMITRY VASILETS, Directeur adjoint du Syndicat ukrainien des juristes, a dit s’exprimer en tant que natif de Kiev et au nom de dizaines de millions d’Ukrainiens russophones victimes de discrimination.  Ces derniers subissent des persécutions commanditées par le Gouvernement criminel de M. Zelenskyy, a-t-il laissé entendre, ajoutant que les lois russophobes les plus virulentes en vigueur en Ukraine « depuis le coup d’État de 2014 » se sont encore intensifiées sous les coups portés par le Gouvernement de M. Zelenskyy.  À cet égard, il a mis l’accent sur l’application d’amendes disproportionnées frappant les Ukrainiens russophones, estimant que ces agissements relèvent d’une véritable « barbarie linguistique ».  Le droit à la langue maternelle est un droit de l’homme, or ce droit est bafoué dans les écoles et les administrations de l’Ukraine, a poursuivi M. Vasilets.  Il a raconté avoir été victime de discriminations humiliantes liées à la langue russe en plein tribunal, où un procureur lui avait intimé de s’exprimer en ukrainien, une langue qu’il avait pourtant déclaré ne pas maîtriser. 

« Dans ses apparitions publiques, le dictateur Zelenskyy affirme qu’il est russophone et que les Ukrainiens russophones ne sont l’objet d’aucun déni de droit », a indiqué l’intervenant.  Or, la réalité, a-t-il accusé, c’est qu’ils sont victimes d’un authentique « linguicide » au sens donné à ce terme par les résolutions de l’ONU.  Car 30% des citoyens ukrainiens sont privés de l’utilisation de leur langue maternelle, ce qui constitue une violation flagrante de la Constitution ukrainienne, s’est lamenté M. Vasilets.  Il a affirmé que le nombre de cours de russe ne cesse de diminuer, le régime en place s’attaquant même physiquement aux enseignants.  « Une chasse à l’emploi du russe est menée jusque dans les relations privées, les citoyens, même les retraités, pouvant être mis à l’amende s’ils sont surpris en train de parler dans leur langue maternelle. »  « Aujourd’hui, le russe en Ukraine est une langue placée hors du droit et des usages les plus quotidiens et intimes », a-t-il conclu. 

M. TIMOTHY SNYDER, professeur d’histoire à l’Université de Yale, a estimé que ce débat sur la russophobie permet d’éclaircir certains points.  Il a insisté sur les préjudices causés aux Russes et à la culture russe comme étant le fait de la politique de l’État russe.  La « russophobie » est selon lui une forme de propagande utilisée pour justifier des crimes de guerre russes en Ukraine.  Il a estimé que les torts à la culture russe sont causés par l’État russe lui-même qui oblige les Russes les plus productifs à émigrer: 750 000 personnes ont ainsi quitté leur pays depuis l’agression, un « préjudice irréparable ».  Selon l’intervenant, la destruction du journalisme indépendant enferme les Russes dans une bulle, autre préjudice créé par l’État russe.  La censure générale et la répression de la liberté d’expression en russe entraîne une situation ironique.  « En Russie, si l’on déploie un panneau contre la guerre, on peut être emprisonné.  En Ukraine, on utilise deux langues et on peut tout dire.  En Russie, on ne parle qu’une langue, mais on ne peut pas dire grand-chose. »

Pour M. Snyder, la « perversion de la mémoire » et une « réécriture de l’histoire » portent préjudice à la culture russe.  C’est encore la Russie qui décide d’envoyer tous ces jeunes Russes se faire tuer au front, a-t-il fait remarquer.  Le plus grave est le fait de dire aux Russes que le génocide en cours est « normal » et que l’Ukraine n’existe pas.  Sur la télévision publique, chaque jour, les Ukrainiens sont présentés comme des « porcs », des « vers de terre », des « parasites », des « satanistes » ou des « loups ».  On y entend que les enfants ukrainiens devraient être noyés, et leurs maisons brûlées, avec leurs habitants brûlés vifs à l’intérieur, a poursuivi le professeur.  Il est dit à la télévision russe que les Ukrainiens doivent être exterminés parce qu’ils sont « russophobes ».  M. Snyder a jugé très dangereuse l’idée que les Ukrainiens devraient mourir car ils seraient atteints d’une maladie mentale nommée « russophobie ».  Lorsqu’un empire attaque, il prétend être la victime.  La russophobie est montée en épingle pour justifier des crimes, a estimé le professeur, énumérant toutes les destructions et les crimes d’agression commis depuis plus d’un an.  Lorsque la victime s’oppose à cette colonisation, l’empire prétend que c’est une maladie et une phobie, or ce processus vise à déshumaniser la victime et à nier l’agression.  Le terme « russophobie » est une stratégie impérialiste, un « discours génocidaire » et un « outil » utilisé pour détruire les Ukrainiens, a résumé l’universitaire.  Le procédé n’est pas une tactique de défense mais un élément du crime.  « En demandant cette réunion, la Russie avoue ses crimes de guerre », a-t-il conclu.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a vivement critiqué l’intervenant précédent, le professeur Snyder, « connu depuis longtemps pour ses canulars historiques », dont le but est de prouver que les Russes n’ont jamais vécu en Ukraine et que cet État a toujours été un État russophobe.  De son point de vue, les principes du nationalisme ukrainien sont fondés, comme dans la doctrine nazie allemande, sur « la supériorité de la nation ukrainienne sur les autres », c’est pourquoi la russophobie est devenue si facilement le cœur de l’idéologie de l’Ukraine indépendante, processus qui s’est sensiblement accéléré après la « révolution orange » de 2004 et surtout après le « coup d’État anticonstitutionnel » de 2014.  Le représentant a cité une statistique selon laquelle 95% de tous les livres publiés en Ukraine étaient en russe en 2004, afin de montrer à quel point le russe était répandu en Ukraine à l’époque des événements susmentionnés.  M. Nebenzia a accusé le « nouveau Gouvernement nationaliste » ukrainien d’avoir lancé une attaque brutale contre la langue russe et tout ce qui est russe en général.  À travers l’école, l’éducation, le cinéma et la télévision, l’idée a été répandue que tout ce qui est russe est étranger.  À partir de 2014, la russophobie a été élevée au rang de politique d’État, selon lui. 

L’une des premières décisions du nouveau régime a été d’essayer d’abroger la loi sur les fondements de la politique linguistique de l’État, qui donnait au russe le statut de langue régionale dans 13 des 24 régions de l’Ukraine.  C’est cette mesure qui a déclenché la sécession de la Crimée de l’Ukraine, « dont la grande majorité de la population se considère comme russe », a encore affirmé M. Nebenzia.  Depuis neuf ans, les autorités ukrainiennes détruisent systématiquement tout ce qui peut être lié de près ou de loin à la Russie.  Ce faisant, elles ont sapé les fondements d’une société qui était culturellement et civilement unie à la Russie depuis des siècles.  La langue russe a été évincée de toutes les sphères de la vie publique et des quotas linguistiques stricts ont été introduits dans les médias.  En septembre 2021, le Président ukrainien Zelenskyy a appelé tous les résidents de l’Ukraine qui se considèrent comme Russes à quitter le pays, a poursuivi le représentant, pour qui la lutte contre la langue russe en Ukraine a pris « un aspect grotesque » depuis février 2022.  Il a ensuite fustigé « la lutte permanente du régime de Kiev » contre l’Église orthodoxe d’Ukraine, qui n’a pourtant aucune relation formelle avec la Russie proprement dite.  « Nous n’avons pas convoqué la réunion d’aujourd’hui pour parler des problèmes internes de l’Ukraine », a raillé le représentant, mais pour évoquer « la campagne russophobe » déclenchée dans le pays par « la clique de Zelenskyy », qui constitue une menace directe pour la paix et la sécurité internationales, car la paix et les relations de bon voisinage avec l’Ukraine ne sont pas possibles dans de telles conditions.  « Une paix durable et à long terme en Europe ne se construira pas sur la russophobie. »

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a jugé qu’il serait plus productif de discuter de moyens pragmatiques pour parvenir à la paix, « un concept qui a été largement absent de nos récents débats ».  Afin non seulement de parvenir à la paix, mais aussi de la maintenir, nous pensons qu’une solution implique nécessairement de s’attaquer aux causes du conflit, a précisé le représentant, pour qui les préoccupations en termes de sécurité des deux parties devront être abordées dans le cadre d’une vision pragmatique et de pourparlers de paix réguliers.  Il s’est réjoui de constater qu’un nombre croissant d’États Membres appellent à une solution pacifique, assurant que son pays se tient prêt à contribuer à tout processus de médiation en vue de parvenir à une paix durable.  Il a ensuite exhorté les parties à garantir le renouvellement de l’Initiative céréalière de la mer Noire, qui expirera dans les prochains jours.  Il a à ce sujet attiré l’attention sur le fait que les sanctions contre les exportations de nourriture et d’engrais, « quelle que soit leur origine », sont inacceptables et contredisent la lettre et l’esprit de l’initiative d’Istanbul, affectant de manière disproportionnée les pays vulnérables, souvent dans des régions éloignées du conflit.

M. MAGOSAKI KAORU (Japon) a déclaré qu’aucune forme de discrimination à l’égard de qui que ce soit ne doit être tolérée car cela porte atteinte à la dignité des personnes en tant qu’êtres humains et peut créer ou exacerber les divisions au sein d’une société donnée.  En outre, a-t-il ajouté, « une allégation de discrimination ne pourra jamais justifier le recours à la force ».  Condamnant l’agression injustifiable de l’Ukraine par la Russie, le représentant a réitéré ses demandes d’une protection immédiate, complète et inconditionnelle au peuple ukrainien.  Il a exhorté la Russie à retirer sans délai et sans condition toutes ses forces militaires déployées à l’intérieur des frontières ukrainiennes internationalement reconnues et appelé à la cessation des hostilités.

M. CHRISTOPHE NANGA (Gabon) a condamné les discours de haine et l’escalade verbale qui, dans la crise ukrainienne, semblent n’avoir aucune limite, les combats « se projetant » depuis le début sur les réseaux sociaux, attisés par l’absence de perspective d’une fin de la guerre.  Le représentant a mis en garde contre le risque que les blessures invisibles de cette guerre meurtrière ne pèsent sur les générations à venir: elles pourraient, a-t-il averti, nourrir les violences à long terme.  C’est pourquoi il a appelé les parties à la mesure et à la retenue en s’abstenant d’exacerber la haine, laquelle éloigne toute perspective de paix fondée sur la cohabitation des peuples.  Les parties doivent selon lui se conformer aux principes de la Charte et ne pas oublier que la célébration, en juin dernier, de la Journée internationale contre les discours de haine ainsi que les résolutions de l’Assemblée générale sur la tolérance sont autant de rappels de la primauté du droit international.  Enfin, le Gabon exhorte les parties à convenir rapidement d’une issue politique à la guerre. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a considéré que le Conseil doit donner la priorité à la résolution du conflit et à la cessation des hostilités en Ukraine, afin de parvenir à une paix juste et durable.  Saluant les efforts déployés par toutes les parties en vue de l’extension de l’Initiative céréalière de la mer Noire, il a déclaré qu’au-delà de l’impact positif que l’Initiative a eu sur la sécurité alimentaire mondiale, son existence même montre la promesse d’un développement durable.  Une vision du monde qui soutient la xénophobie ne servant personne, le délégué a appelé à rester vigilant face à toutes ses manifestations, dans l’intérêt de la construction et du maintien de la paix.

M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a réagi vivement aux accusations de russophobie de la Russie, la russophobie étant selon elle « l’une des excuses du Gouvernement russe pour justifier sa guerre en Ukraine ».  Si les Russes inventent tant de cas de russophobie, c’est parce qu’ils savent qu’aucun d’entre eux ne résiste à un examen approfondi, a-t-il renchéri.  Le représentant a assuré que les Occidentaux ne veulent pas d’un effondrement de l’État russe.  Nous voulons au contraire que la Russie soit une nation prospère et stable, c’est-à-dire une nation qui n’envahit pas et n’essaie pas d’annexer ses voisins, a-t-il martelé.  Pour le représentant, ce que l’Ukraine veut, « ce que nous voulons tous », c’est la paix conformément à la Charte des Nations Unies, et quand l’État russe prononce le mot de russophobie, ce qu’il décrit, très simplement, c’est la détermination de l’Ukraine à rester une nation indépendante, son refus de se plier à la volonté de la Russie et de lui céder son territoire.  « La crise ukrainienne est causée par la volonté du Président Putin d’annexer une nation souveraine, en violation des principes les plus fondamentaux de la Charte. »  Le représentant a laissé au Gouvernement russe la liberté de croire que sa propagande aidera à justifier chez lui le sacrifice de dizaines de milliers de vies de soldats russes sur le terrain.  Mais, a-t-il ajouté, les conséquences pour les civils innocents, pour l’Ukraine en tant qu’État-nation et pour le reste du monde sont bel et bien catastrophiques.  Il n’y a qu’un seul agresseur ici, a-t-il conclu: la Russie qui doit stopper sa machine de guerre en mettant fin à l’invasion, aux tueries et à la propagande.

Mme DIARRA DIME-LABILLE (France) a estimé qu’en convoquant cette réunion, la Russie tente une nouvelle fois de faire diversion en alléguant de prétendues discriminations « afin que nous détournions le regard des atrocités et exactions qu’elle continue de commettre en Ukraine ».  Cette stratégie n’est pas nouvelle, a-t-elle rappelé, la Russie n’ayant cessé depuis le début de sa guerre d’agression de chercher à déformer la réalité.  « Cette stratégie de propagande ne fonctionne pas. »  La Russie ne parviendra pas à justifier sa guerre injustifiable en cultivant son mythe d’une prétendue russophobie, a réagi la déléguée.  La réalité, a-t-elle ajouté, c’est que la Russie mène une agression illégale et injustifiée contre un État souverain, l’Ukraine, et ce, en violation flagrante du droit international et de la Charte des Nations Unies.  La réalité, c’est qu’il y a un agresseur, la Russie, qui nie ses responsabilités, et un agressé, l’Ukraine, qui se défend et qui cherche à tracer un chemin vers une paix juste et durable et qui a proposé un plan de paix, que soutient la France.  La déléguée a souligné que cette agression s’accompagne d’exactions massives, constitutives de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité: bombardements indiscriminés, exécutions sommaires, actes de torture, violences sexuelles utilisées comme une arme de guerre, enlèvements et déportations d’enfants ukrainiens.  Elle a assuré qu’il n’y aura pas d’impunité pour les crimes commis par les forces russes et leurs supplétifs de Wagner en Ukraine et que la communauté internationale continuera à veiller à ce que justice soit rendue et à soutenir les efforts des juridictions ukrainiennes et de la Cour pénale internationale (CPI) en ce sens pour les victimes.  La Russie doit retirer toutes ses troupes de l’ensemble du territoire de l’Ukraine et respecter pleinement l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues, a conclu la déléguée. 

Mme MONICA SOLEDAD SANCHEZ IZQUIERDO (Équateur) est intervenue brièvement pour rejeter tout discours justifiant les coups de force et l’emploi de la violence armée.  Pour que le sang ne coule plus en Ukraine, la Russie doit retirer ses forces armées du territoire ukrainien aux frontières internationalement reconnues, a-t-elle dit. 

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a critiqué les appels à la « désukrainisation » et dénoncé les atrocités commises par la Russie en Ukraine.  « La Russie tente en fait de justifier une guerre injustifiable. »  Or le monde distingue clairement le bien du mal et les agresseurs des victimes, a scandé le délégué, rappelant le vote récent à l’Assemblée générale qui a condamné à une très large majorité l’agression russe.  D’après lui, la Russie impose à son peuple une réalité parallèle mais la propagande russe ne convainc plus personne quant à cette guerre: elle échoue déjà à faire croire à son peuple qu’elle la gagne.

Mme KHALILAH HACKMAN (Ghana) a exhorté tous les membres du Conseil à rester concentrés sur les efforts visant à résoudre l’agression contre l’Ukraine et à répondre aux préoccupations du peuple ukrainien, qui continue de subir une guerre qu’il n’a pas recherchée et qu’il ne peut cesser de combattre.  Sans sous-estimer le fait que les préoccupations perçues de « russophobie » puissent être un moteur sous-jacent des actions de certaines parties dans la guerre contre l’Ukraine, le Ghana ne peut pas conclure qu’il existe une action étatique systématique et généralisée contre les citoyens russophones d’Ukraine ou qu’il existe un ensemble de problèmes qui pourraient collectivement être qualifiés de « russophobie » et constituer une menace pour la paix et la sécurité internationales.  La déléguée a dit qu’elle reste préoccupée par le cours de la guerre et l’intensification des hostilités qui nous éloignent davantage de l’aspiration commune à la paix en Ukraine.  Tout en réitérant son appel à la cessation immédiate des hostilités et au retrait inconditionnel des troupes russes, elle a souligné les principes du droit relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire et l’obligation des parties belligérantes de les respecter pleinement.

M. DARREN CAMILLERI (Malte) a vu dans la réunion d’aujourd’hui une nouvelle tentative de la part de la Fédération de Russie de détourner l’attention des événements épouvantables qui se déroulent en Ukraine et de cyniquement « justifier l’injustifiable ».  Malte condamne une fois de plus cette guerre brutale et non provoquée qui viole la Charte des Nations Unies.  Aujourd’hui, a regretté le délégué, nous avons entendu davantage de récits visant à présenter les victimes comme l’agresseur et l’agresseur comme la victime.  Il a déploré la désinformation utilisée par les médias et les dirigeants russes pour justifier la guerre en Ukraine.  Soyons clairs, a-t-il recadré, toutes les idéologies qui encouragent le racisme, la discrimination, la xénophobie et toutes les autres formes d’intolérance ont toutes reçu de notre part la plus sévère condamnation à plusieurs reprises.  Nous soulignons que notre position découle uniquement de notre ferme conviction de principe qu’il n’y a pas d’alternative au multilatéralisme et à l’ordre international fondé sur des règles dans le monde contemporain.  En outre, le délégué a demandé instamment la pleine mise en œuvre de la Convention internationale sur l’élimination de la discrimination raciale et des autres traités pertinents relatifs aux droits de l’homme.

Mme ANDREA BARBARA BAUMANN-BRESOLIN (Suisse) a souligné l’importance d’éviter en toutes circonstances la propagande, les discours de haine ainsi qu’un langage qui divise délibérément et crée de la défiance entre populations et gouvernants.  La désinformation et la propagande qui accompagnent la guerre contre l’Ukraine renforcent la méfiance, accentuent les divisions et font croître l’hostilité, a insisté la déléguée, ajoutant que la Suisse s’oppose à toutes les tentatives de justifier l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine.  Sur ce dernier point, elle a rappelé que la condamnation « claire » de cette agression repose sur les principes de la Charte des Nations Unies et de l’ordre juridique international en vigueur « et n’est pas dirigée contre le peuple russe ».  En ce qui concerne les perspectives de trouver une solution pacifique, juste et durable, la représentante a insisté sur le fait que la Russie doit cesser toutes les opérations de combat et retirer sans délai ses troupes du territoire ukrainien.  Le respect du droit international, la recherche de solutions diplomatiques et l’obligation de rendre des comptes pour toutes les violations du droit international sont essentiels pour atteindre cet objectif, a-t-elle conclu. 

M. GENG SHUANG (Chine) a estimé que le dialogue et les négociations étaient la seule solution pour résoudre la crise et aider les belligérants à rétablir la paix.  Se disant « prêt à jouer un rôle » dans ce processus, il a appelé à éliminer les préjugés, ainsi que les sentiments de haine, pour semer plutôt les graines de l’amitié entre les peuples.  Condamnant toutes les phobies dirigées contre des peuples ou des religions, qui découlent parfois d’un sentiment de supériorité ou d’une étroitesse d’esprit, le délégué a estimé que ces phobies étaient utilisées par « certains pays » pour augmenter les tensions.  Les politiques de certains pays semblent être habitées par un esprit xénophobe vis-à-vis de la Chine, a-t-il par ailleurs ajouté, accusant lesdits pays de vouloir « engendrer la confrontation » et de menacer la paix du monde. 

M. JOHN KELLEY (États-Unis) a regretté que la Russie prétende que la russophobie est l’un des aspects les plus effroyables de la crise ukrainienne, une « assertion fantaisiste », alors que les missiles pleuvent sur l’Ukraine et que la Russie commet des crimes contre l’humanité, dont la torture, le viol et le meurtre de civils.  Il s’agit là d’une « modification de la réalité » et d’une tentative de la Russie de faire oublier qu’elle est en réalité l’agresseur.  La Russie devra expliquer au Conseil de sécurité pourquoi ses forces ont déporté des centaines de milliers d’Ukrainiens, et pourquoi l’armée russe a exécuté des femmes, des hommes et des enfants ukrainiens, a tancé le délégué.  La théorie de la russophobie masque l’objectif russe de rayer l’Ukraine de la carte et de transformer les Ukrainiens en vassaux de la Russie, a-t-il alerté.  Les arguments russes ne convainquent personne: la Russie s’attaque à un membre de la communauté internationale, et les États-Unis demeureront aux côtés de l’Ukraine autant qu’il le faudra, a-t-il assuré. 

M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) a rappelé à toutes les parties que l’utilisation d’une rhétorique haineuse viole non seulement le droit international mais enfreint également diverses résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité.  Elle conduit à des actes violents, à des discriminations et des persécutions frappant des individus ou des groupes en raison de leur race, de leur origine ethnique, de leur religion ou encore de leur sexe, a-t-il déploré.  Le délégué a fait siennes les déclarations du Secrétaire général, qui, de retour d’Ukraine, a appelé à rejeter les discours de haine et les manipulations de la vérité qui sous-tendent tant de divisions dans le monde.  En conclusion, il a demandé aux dirigeants des deux parties à s’engager sérieusement en faveur d’une solution pacifique conforme aux principes de la Charte.

M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dénoncé les propos de certains homologues tendant à accuser son pays de mener une campagne contre les Ukrainiens russophobes, à commencer par les dirigeants du régime de Kiev.  Nous n’avons jamais appelé à la « désukrainisation » de l’Ukraine, s’est-il défendu.  « La Fédération de Russie n’a qu’une préoccupation à l’origine de son opération spéciale: protéger les Ukrainiens contre les agissements criminels du régime de Kiev depuis 2014. »  

M. SERHII DVORNYK (Ukraine) a condamné l’exécution brutale et sommaire d’un soldat ukrainien la semaine dernière, exécution « filmée par ses bourreaux et mise en ligne sur Internet ».  Il a demandé au Conseil de sécurité de rendre hommage à la victime, qui incarnait la dignité ukrainienne.  Le représentant a poursuivi en fustigeant la haine russe, qui a conduit à la guerre contre son pays et ses horreurs mais aussi « au tissu de mensonges que nous venons d’entendre ».  Selon lui, le comportement de la Russie montre la faiblesse de sa crédibilité et sa peur d’avoir à répondre de ses actes inhumains et privés de tout garde-fou moral en Ukraine.  Lorsqu’une nation est empoisonnée par les propagandes de haine, elle mène des guerres de destruction aveugles en tentant d’embrigader son peuple dans la commission de crimes odieux, comme cela fut le cas avec l’Allemagne nazie.  Le régime russe devra se retrouver dans le box des accusés du futur tribunal international que nous appelons de nos vœux, a demandé le représentant.  Il a également souhaité que cette juridiction obtienne de la Russie qu’elle s’engage dans un « processus de rédemption morale », « pour que ce pays puisse retrouver sa place parmi les nations civilisées ».  Enfin, il exhorté les États Membres à œuvrer à ce que la justice soit rendue pour chaque victime de l’agression russe.

M. SNYDER, professeur d’histoire à l’Université de Yale, citant ses sources, a renvoyé le représentant de la Fédération de Russie aux archives de la télévision d’État russe, qui représentent les intérêts nationaux russes et sont une expression de la politique nationale.  Concernant les atrocités perpétrées en Ukraine, le plus simple selon lui serait de laisser les journalistes russes effectuer leur travail en Ukraine et d’interroger les Ukrainiens au sujet de la guerre.  Il a regretté que les meilleurs historiens russes soient interdits d’exercer, que l’association Memorial soit dissoute, et que le terme « Ukraine » soit interdit dans les manuels d’histoire russe.  Il a qualifié les allégations de russophobie de « coloniales », et réitéré ses accusations de génocide envers la Russie.

M. NEBENZIA (Fédération Russie), rétorquant qu’il avait bien lu les livres du professeur Snyder, a fait remarquer que celui-ci avait refusé de répondre à certaines de ses questions.  « Nous trouverons le moyen de vous répondre par d’autres moyens », a-t-il tempêté.

M. VASILETS, du Syndicat ukrainien des juristes, a accusé à son tour M. Snyder de « représenter et de défendre les pays de l’OTAN parties au conflit en Ukraine ».  M. Snyder a cité certaines villes et populations prétendument victimes de crimes de guerre, a-t-il relevé, ajoutant qu’à son sens, ce sont surtout les tirs de mortiers fournis par l’OTAN à l’Ukraine, au motif que des forces russes se trouvaient dans ces zones bombardées, qui ont causé le plus de pertes en vies humaines innocentes. 

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