En cours au Siège de l'ONU

9417e séance - matin
CS/15409

Conseil de Sécurité: le Représentant spécial pour le Soudan met en garde contre un risque de « fragmentation » du pays, voire de « guerre civile »

M. Volker Perthes annonce qu’il a demandé à être relevé de ses fonctions

Venu, ce matin, présenter au Conseil de sécurité le dernier rapport du Secrétaire général sur la situation au Soudan, le Représentant spécial pour ce pays, également Chef de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), a appelé l’ONU et ses partenaires internationaux à continuer d’exercer des pressions sur les parties au conflit en vue d’un cessez-le feu, alors que les combats entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide sont entrés dans leur sixième mois.  Il faut mettre fin au plus vite à ce conflit d’origine militaire « avant qu’il ne se transforme en véritable guerre civile », a-t-il averti.  

À l’entame de son exposé, M. Volker Perthes a indiqué que des combats violents continuent de faire rage dans la capitale soudanaise, essentiellement autour d’installations stratégiques et dans des quartiers où les Forces armées soudanaises tentent de déloger des éléments paramilitaires.  Depuis le 15 avril, ce conflit a fait au moins 5 000 tués et plus de 12 000 blessés, a-t-il précisé, reconnaissant toutefois que les chiffres réels sont « probablement plus élevés ».  Le haut fonctionnaire a fait état d’une aggravation des violences au Darfour et dans l’ouest du pays, mais aussi dans le Kordofan méridional et le Nil-Bleu, théâtres d’affrontements entre les Forces armées soudanaises et le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (MPLS-N)-faction Abdelaziz Hélou.  Face à ces différents foyers de tension, il a mis en garde contre un risque de « fragmentation » du Soudan. 

Se disant convaincu que ce conflit aurait pu être évité si les belligérants actuels avaient tenu compte des appels à la désescalade lancés par les acteurs soudanais et internationaux et avaient poursuivi le dialogue, M. Perthes a rappelé que l’accord-cadre de décembre 2022, négocié par les dirigeants militaires et les acteurs civils, avait tracé les contours d’un accord politique pour conduire le pays vers un régime civil.  Des efforts anéantis par les deux parties, qui ont fait fi de leur engagement pour la paix, a-t-il déploré, avant de souligner la nécessité de coordonner les efforts des acteurs régionaux et internationaux, d’arrêter l’acheminement d’armes au Soudan et de tenir les auteurs de violences, notamment sexuelles, pour responsables de leurs actes. 

L’état des lieux désastreux établi par M. Perthes a été corroboré par la Directrice de la Division des opérations et du plaidoyer, qui a évoqué des mouvements massifs de population, la guerre déplaçant 1 million de personnes chaque mois.  D’ores et déjà, plus d’un million de Soudanais ont traversé la frontière vers les pays voisins, a ajouté Mme Edem Wosornu, s’alarmant de l’effondrement du système de santé et des nombreux cas de violence sexuelle.  Alors que la communauté humanitaire peine à répondre aux besoins, il importe que l’ONU parvienne à dialoguer avec les parties, a-t-elle plaidé, invitant également les donateurs à poursuivre leurs efforts en faveur du plan d’intervention révisé, qui n’est pour l’heure financé qu’à 26%. 

De son côté, Mme Mayada Adil, représentante de la société civile soudanaise, a confirmé le lourd tribut payé à ce conflit par les femmes, victimes en grand nombre de viols perpétrés par les belligérants.  « Ils traitent le corps des femmes comme leur champ de bataille personnel », a-t-elle dénoncé, regrettant que ces « prédateurs » continuent de circuler librement.  Après avoir rappelé que le Conseil de sécurité considère la violence sexuelle comme une arme de guerre, elle a demandé la mise en place d’une équipe d’experts travaillant avec les organisations soudanaises à des fins d’enquêtes et de poursuites, notamment devant la Cour pénale internationale (CPI).   

Le Représentant spécial a conclu son intervention en annonçant qu’il avait demandé au Secrétaire général de le relever des fonctions qu’il exerçait depuis plus de deux ans et demi.  Dans un courrier au Conseil en date du 8 juin, le Ministère des affaires étrangères du Soudan avait vainement exigé qu’il ne fasse pas d’exposé lors de cette réunion, citant la décision de Khartoum de le déclarer persona non grata.  Dans ses derniers propos, M. Perthes a estimé que les Soudanais ont « plus que jamais besoin de notre soutien et de notre solidarité » pour obliger les dirigeants militaires à mettre fin à cette guerre, les forcer à rendre des comptes et donner aux civils les moyens de parvenir à une « transition vers une gouvernance démocratique ». 

Les États-Unis ont condamné les menaces proférées à l’encontre du Représentant spécial, réaffirmant leur plein appui à son action.  Ils ont également jugé « inacceptable » que le Soudan ait contesté la participation de M. Perthes à cette réunion, tandis que la Fédération de Russie imputait l’absence de représentant soudanais au « durcissement » de certains membres de l’organe.  Regrettant que la MINUATS ait adopté une approche visant à imposer de « soi-disant modèles démocratiques universels » au Soudan, elle y a vu la raison de la décision de Khartoum de déclarer M. Perthes persona non grata .

La Fédération de Russie a par conséquent invité le Conseil de sécurité à respecter les décisions souveraines du Soudan.  Elle a été appuyée par la Chine, qui, tout en soutenant les efforts de l’Union africaine, de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et de la Ligue des États arabes pour tenter de trouver une issue négociée au conflit, a critiqué les pressions extérieures exercées sur le Soudan.  Le Brésil a, pour sa part, insisté sur la nécessité de respecter l’intégrité territoriale et la souveraineté du pays, au nom de la Charte des Nations Unies et du droit international.

Par ailleurs, alors que la Fédération de Russie qualifiait le régime de sanctions applicables au Soudan de « chantage économique », la France a exhorté les acteurs soutenant l’une ou l’autre partie belligérante à respecter l’embargo sur les armes.  À l’instar de Malte et du Ghana, qui s’exprimait au nom des trois membres africains du Conseil (A3), la France a aussi invité les acteurs soudanais à inclure la société civile dans le processus de règlement du conflit.  Les Émirats arabes unis ont quant à eux souligné le rôle essentiel des pays voisins dans l’accueil des réfugiés soudanais ; un accueil qui n’est pas sans répercussions sur la stabilité régionale, ont noté l’Albanie et l’Équateur.

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD - S/2023/644

Déclarations

M. VOLKER PERTHES, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan et Chef de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), a indiqué que de violents combats se poursuivent dans la capitale soudanaise, pour l’essentiel autour d’installations stratégiques et dans des quartiers où les Forces armées soudanaises tentent de déloger les Forces d’appui rapide.  Selon lui, ce conflit a déjà fait au moins 5 000 tués et plus de 12 000 blessés, les chiffres réels étant « probablement plus élevés ».  Faisant état d’une aggravation des violences au Darfour, notamment d’un ciblage ethnique contre la population civile de Geneina, mais aussi dans l’ouest du pays, où la mobilisation transfrontalière des tribus arabes alimente le conflit, et dans le Kordofan méridional et le Nil Bleu, théâtres de déplacements massifs en raison des combats entre les Forces armées soudanaises et le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (MPLS-N)-faction Abdelaziz Héloule Représentant spécial a mis en garde contre un risque de fragmentation du pays. Aucun des deux camps n’ayant l’avantage à ce stade, il a appelé à mettre fin à ce conflit d’origine militaire « avant qu’il ne se transforme en véritable guerre civile ».

Alors que la guerre entre dans son sixième mois, M. Perthes a estimé que les combats qui ont éclaté le 15 avril dernier auraient pu être évités si les parties belligérantes avaient tenu compte des multiples appels à la désescalade lancés par les acteurs soudanais et internationaux et avaient poursuivi le dialogue.  Il a rappelé que l’accord-cadre de décembre 2022, qui avait été négocié par les dirigeants militaires et les acteurs civils sans aucune présence extérieure, avait tracé les contours d’un accord politique pour conduire le pays vers un régime civil.  Cet accord prévoyait en outre des consultations, facilitées par le mécanisme trilatéral composé de l’Union africaine, de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et de l’ONU, sur des sujets controversés, tels que la justice transitionnelle et la réforme du secteur de la sécurité. Ces efforts ont été anéantis par les deux parties belligérantes qui ont fait fi de leur engagement pour la paix, a-t-il déploré.  Rappelant qu’avant le coup d’État de 2021, les deux parties au conflit actuel faisaient partie de la composante militaire du partenariat civilo-militaire établi en vertu de la Déclaration constitutionnelle de 2019, il les a appelées à négocier la cessation des hostilités, avant de se retirer de la gouvernance du pays.    

Dans ce contexte, les Nations Unies et leurs partenaires internationaux continuent d’exercer des pressions sur les deux parties en vue d’un cessez-le-feu, a poursuivi M. Perthes, insistant sur la nécessité de coordonner les efforts des acteurs régionaux et internationaux, d’arrêter l’acheminement d’armes au Soudan et de tenir les parties belligérantes pour responsables de leurs actes.  À ce propos, a-t-il souligné, les « accusations crédibles » de charniers et les violences documentées par la MINUATS pourraient être constitutives de crimes de guerre, tout comme les violences sexuelles, les détentions illégales et les autres flagrantes violations des droits humains.    

Saluant l’engagement des activistes et des associations fournissant une assistante humanitaire précieuse, le Représentant spécial a appelé la communauté internationale à continuer d’exercer les pressions nécessaires pour tenir les parties responsables de leurs actes et rétablir la paix.  « Le Soudan ne peut endurer les coûts de cette guerre indéfiniment », a-t-il insisté.  

M. Perthes a conclu son intervention en annonçant qu’il s’agissait de sa dernière prise de parole devant le Conseil en sa qualité de Représentant spécial, fonction qu’il exerce depuis plus de deux ans et demi.  Il a indiqué avoir demandé au Secrétaire général de le relever de ce poste. 

Mme EDEM WOSORNU, Directrice de la Division des opérations et du plaidoyer, qui s’exprimait au nom de M. Martin Griffiths, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a indiqué qu’après cinq mois de conflit au Soudan, les hostilités s’intensifient autour de Khartoum, au Darfour et au Kordofan, et s’étendent à d’autres régions.  Estimant à plus de 5 millions le nombre des civils déplacés, elle a précisé que cette guerre déplace 1 million de personnes chaque mois. De surcroît, plus d’un million de Soudanais ont traversé la frontière vers les pays voisins, notamment l’Égypte, l’Éthiopie, la République centrafricaine, le Soudan du Sud et le Tchad, a-t-elle ajouté, faisant également état de nombreux cas de violence sexuelle.  Des civils meurent également en raison de l’effondrement presque complet du système de santé, qui rend impossible le contrôle des épidémies, a alerté la haute fonctionnaire, selon laquelle plus de 4 300 cas suspects de rougeole ont été signalés dans 12 des 18 États soudanais.  Elle a ajouté que plus de 20 millions de personnes font face à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë et que plus de 6 millions sont dans l’antichambre de la famine.  Selon elle, la poursuite des combats « rend inéluctable cette tragédie ». 

Dans ce contexte, Mme Wosornu a déploré que la communauté humanitaire ait du mal à mener ses opérations et à répondre aux besoins, quelque 110 000 tonnes d’aide seulement ayant pu être acheminées dans diverses régions du Soudan.  Plus de 3,2 millions de personnes ont reçu une aide au cours des quatre derniers mois, mais cela ne représente que 18% des 18 millions de personnes que l’ONU compte aider, a-t-elle relevé.  La Directrice de la Division des opérations et du plaidoyer a toutefois indiqué qu’après d’intenses négociations avec les groupes armés, les États du Darfour ont pu recevoir 500 tonnes de fournitures pour un total de 3 100 tonnes d’aide et de médicaments.  Malgré ces efforts, de graves problèmes d’accès continuent d’entraver l’acheminement de l’aide, a-t-elle regretté, notant qu’il faut en moyenne deux à six semaines pour acheminer des fournitures de Port-Soudan vers les États du Darfour.  L’intensification de la réponse humanitaire à l’échelle du système des Nations Unies ne pourra, selon elle, se concrétiser si des obstacles bureaucratiques subsistent et si les ressources nécessaires ne sont pas mobilisées. 

L’insécurité généralisée est un autre obstacle important, a poursuivi Mme Wosornu, recensant plus de 900 incidents depuis avril, soit six incidents par jour en moyenne.  En conséquence, seulement 4 800 tonnes de fournitures de secours sont arrivées depuis mai à Khartoum pour 280 000 personnes, soit 11% des 2,5 millions de nécessiteux.  Elle a souligné à cet égard le rôle crucial joué par la société civile soudanaise et les associations humanitaires locales.  L’urgence impose de respecter le droit international humanitaire, de protéger les civils et les infrastructures civiles, et d’assurer le passage sécurisé des civils fuyant la violence, a-t-elle insisté, rappelant que, selon un rapport publié la semaine dernière par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), plus de 103 civils ont été tués au cours d’opérations militaires menées par les deux parties à Khartoum et à Omdurman, entre autres.  Pour que l’aide continue, Mme Wosornu a demandé un dialogue direct avec les parties au conflit au niveau le plus élevé.  Elle a également sollicité l’aide du Conseil de sécurité et des États Membres pour permettre ce dialogue, tout en exhortant les autorités soudanaises à accélérer la délivrance des visas et les formalités douanières. 

Mme Wosornu a enfin rappelé que le Plan d’intervention humanitaire révisé de 2,6 milliards de dollars pour cette année n’est financé qu’à hauteur de 26%.  Or, pour répondre aux besoins du peuple soudanais, il faut plus de donateurs, a-t-elle plaidé, estimant que la réunion ministérielle du 20 septembre prochain, en marge de la Semaine de haut niveau de l’Assemblée générale, sera l’occasion de dire au peuple soudanais qu’il n’est pas oublié et que la communauté internationale est déterminée à l’aider en ces temps difficiles. « La situation peut s’aggraver et va s’aggraver de manière incommensurable si des mesures urgentes ne sont pas prises », a conclu la haute fonctionnaire. 

Mme MAYADA ADIL, représentante de la société civile, a demandé, au nom des femmes et des filles soudanaises qui luttent pour leur liberté et leur survie, qu’il soit immédiatement mis un terme au conflit au Soudan.  « Aujourd’hui, je ne suis pas seulement une jeune femme militante, je suis aussi S.A., 24 ans, victime d’un viol commis devant les membres de ma famille », a dit Mme Adil, « ou encore D.Y., agressée sexuellement dans un des camps de réfugiés du Darfour ».  En ce moment même, les prédateurs responsables de ces crimes circulent librement sans rendre de comptes, a dénoncé Mme Adil.  « Ils traitent le corps des femmes comme leur champ de bataille personnel ».  Rappelant qu’en vertu de sa résolution 1820 (2008), le Conseil de sécurité considère la violence sexuelle comme une arme de guerre et une menace directe à la paix et à la sécurité internationales, elle a demandé la mise en place d’une équipe d’experts travaillant avec les organisations soudanaises à des fins d’enquêtes et de poursuites, notamment devant la Cour pénale internationale (CPI). Selon elle, ses avocats internationaux devraient en outre fournir une aide juridique aux victimes de violences sexuelles en vertu du principe de compétence extraterritoriale.  « Aujourd’hui plus que jamais, la préservation de la dignité et des droits des femmes soudanaises doit être une priorité », a insisté la représentante. 

Or, a poursuivi Mme Adil, depuis que la guerre a éclaté, l’espace politique soudanais a été considérablement réduit.  Les groupes contre l’oppression des femmes ont été pris pour cible par les forces de sécurité et les femmes ont été interdites de toute manifestation.  Dans ce contexte, elle a demandé au Conseil de sécurité de faire de la participation politique des femmes une priorité, tout en s’assurant qu’elles puissent prendre part à tous les processus décisionnels.  Qui plus est, pendant que l’aide est concentrée sur les pays du Nord, la crise humanitaire à laquelle est confrontée le peuple soudanais demeure négligée, a-t-elle regretté.  « Que faudra-t-il pour que la communauté internationale fasse pression efficacement sur les deux parties pour mettre fin à la guerre »? s’est interrogée la représentante en conclusion. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a noté que le conflit au Soudan est entré dans son sixième mois.  Durant cette période, aucune des forces en présence, qu’il s’agisse des Forces armées soudanaises ou des Forces d’appui rapide, n’a agi dans l’intérêt du peuple soudanais, a-t-il déploré.  Le représentant a constaté que, dans les zones urbaines, les civils sont pris au piège de bombardements aériens continus, tandis qu’au Darfour, plusieurs rapports font état de violences généralisées et de crimes odieux de la part des Forces d’appui rapide et des milices qui leur sont alliées.  L’effusion de sang doit cesser, a plaidé le délégué, en appelant à la négociation de bonne foi entre les belligérants et en insistant sur le rôle essentiel que peuvent jouer les groupes civils soudanais, avec le soutien des Nations Unies.  L’action internationale collective est nécessaire pour mettre fin à la violence, garantir l’accès de l’aide humanitaire et mettre en place un processus politique crédible, a-t-il conclu, non sans réitérer son soutien aux initiatives d’acteurs régionaux, notamment l’IGAD, l’UA et les pays voisins du Soudan. 

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a d’abord condamné les violences incessantes au Soudan depuis cinq mois, exhortant les deux parties à initier sans plus tarder un cessez-le-feu.  Alors que le conflit a fait tache d’huile jusqu’au Darfour, faisant écho aux violences ethniques perpétrées il y a 20 ans dans cet État, la représentante a déploré les attaques ciblant les personnels et les infrastructures humanitaires, en violation du droit international.  Elle a également dénoncé les violences sexuelles et sexistes, qui touchent potentiellement plus de 4,2 millions de femmes, ainsi que les exactions contre les enfants, qui ont presque été décuplées, sans compter le déplacement de plus de 5 millions de personnes.  Le système de santé soudanais étant en train de s’effondrer, la déléguée a appelé à renforcer le soutien médical et psychosocial aux populations civiles et à lever les obstacles à l’aide humanitaire. Elle a ensuite félicité l’OCHA et les partenaires humanitaires pour les distributions de rations alimentaires en cours, complétées par les contributions financières importantes de l’Union européenne, dont Malte.  La représentante a plaidé pour des efforts de médiation unifiés entre les divers acteurs -Union africaine, IGAD, Ligue des États arabes–, et l’inclusion des organisations de défense des femmes dans les négociations de paix. 

S’exprimant au nom des A3 (Ghana, Gabon et Mozambique), M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) s’est inquiété des répercussions de la crise humanitaire et sécuritaire au Darfour sur les pays voisins comme le Tchad, la République centrafricaine et, dans une moindre mesure, le Soudan du Sud. Les A3 soutiennent, a-t-il indiqué, la feuille de route proposée le 12 juin 2023 par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) pour la paix au Soudan.  Le représentant a ensuite exprimé sa préoccupation quant à l’intensification des combats à Geneina et au Darfour occidental, notamment les attaques délibérées contre des camps de personnes déplacées et une population civile dépourvue de protection. Il a également fait part de son inquiétude quant à la situation à Kadougli, la capitale de l’État du Kordofan méridional, où le blocage des axes routiers avec Khartoum et le Darfour entraverait l’acheminement des articles de première nécessité.  Le délégué a par ailleurs appelé l’Union africaine à associer aux négociations de paix des représentants de la société civile, et à faire montre de coordination dans les différents processus engagés, sous peine d’exacerber les frustrations et d’empêcher l’avènement d’une paix durable au Soudan. Enfin, il a appelé la MINUATS à continuer d’apporter son soutien au peuple soudanais. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a tout d’abord jugé « inacceptable » que le délégué du Soudan ait contesté la participation du Représentant spécial du Secrétaire général. Elle a réaffirmé le plein appui de son pays à l’action de la MINUATS et à son chef, tout en indiquant qu’aucun État ne peut menacer la capacité du Conseil de sécurité à s’acquitter de ses responsabilités de préserver la paix et la sécurité internationales. La représentante a ensuite relaté sa visite, la semaine dernière, d’un camp de réfugiés soudanais au Tchad, qui lui a permis de mesurer les conséquences dévastatrices du conflit au Soudan.  Parlant de « l’un des jours les plus tristes » de sa vie, elle a dit avoir rencontré des réfugiés plongés dans un conflit qu’ils n’ont pas commencé et auquel ils ne peuvent mettre un terme, y compris des victimes de violences sexuelles. La déléguée s’est émue du silence qui régnait dans un hôpital pour enfants, ceux-ci étant trop faibles pour parler ou même pour pleurer.  Elle a par ailleurs remercié le peuple et le Gouvernement du Tchad pour leur générosité à l’égard des réfugiés soudanais. 

Si ces personnes ont pu échapper au conflit, des millions d’autres sont toujours prises au piège, privées de nourriture et de services essentiels, a déploré la représentante, précisant que quelque 80% des hôpitaux du pays ne fonctionnent plus.  Tandis que les morgues débordent, la crise sanitaire est exacerbée par un manque d’électricité et de traitement des eaux usées, a-t-elle ajouté, avant d’exhorter les autorités soudanaises à permettre la circulation sans entrave du personnel et du matériel humanitaires, tout en accélérant la délivrance de visas pour le personnel humanitaire international. Selon elle, la communauté internationale ne répond pas suffisamment aux attentes du peuple soudanais.  Elle a rappelé à cet égard que le plan de réponse humanitaire n’est financé qu’à 30%, « un chiffre honteux qui entache notre humanité commune ».

M. ALEXANDRE OLMEDO (France) a souligné qu’après cinq mois de conflit, aucun succès militaire n’est à portée de main ni pour les Forces armées soudanaises ni pour les Forces d’appui rapide et que le conflit risque de basculer dans la guerre civile, avec des répercussions régionales.  Une cessation des hostilités doit aller de pair avec la garantie d’un accès humanitaire sûr et sans entrave et la participation des civils à un processus politique inclusif, a plaidé le représentant.  Les acteurs qui soutiennent l’un ou l’autre des belligérants doivent cesser d’alimenter le conflit, a ensuite exigé le représentant. Il a prévenu que la livraison d’équipements militaires au Darfour était soumise à un embargo, encourageant les pays de la région à le respecter.  Le délégué a également appelé les autorités soudanaises à délivrer, dans les délais, l’ensemble des visas nécessaires aux membres de la MINUATS et à faciliter la réponse humanitaire.  La Mission a un rôle à jouer pour renforcer la convergence des efforts diplomatiques ainsi que ceux de la société civile, mais aussi pour établir les responsabilités des violations des droits humains et du droit international humanitaire, a ajouté le représentant en conclusion.

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a tout d’abord appelé les parties au conflit à cesser les combats et à renoncer à rechercher une victoire militaire. Après avoir condamné les violences contre les civils, elle a réitéré son appel aux parties, notamment aux Forces armées soudanaises et aux Forces d’appui rapide, à respecter le droit international humanitaire et les droits humains.  Alors que des meurtres à caractère ethnique, des exécutions sommaires et des violences sexuelles et basées sur le genre continuent d’être signalés au Darfour, la représentante a jugé impératif, pour briser ce cycle, de poursuivre et traduire en justice les responsables.  Saluant ceux qui risquent leur vie pour documenter les faits sur le terrain, elle a encouragé la MINUATS à poursuivre son soutien à ces activités. 

La représentante a ensuite rappelé aux parties leurs obligations, en vertu du droit international humanitaire, de faciliter un accès sûr, rapide et sans entrave aux civils dans le besoin et de protéger le personnel et les infrastructures médicaux.  Applaudissant l’accueil généreux par les pays de la région des personnes fuyant le conflit, elle a souhaité que ces pays bénéficient de ressources supplémentaires et qu’ils maintiennent leurs frontières ouvertes.  À ses yeux, le retour à un processus politique inclusif constitue la seule solution crédible et durable à ce conflit.  Elle a donc exhorté les parties au conflit à reprendre de bonne foi les négociations en vue d’un cessez-le-feu durable, avant de saluer les efforts diplomatiques actuellement déployés. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a regretté l’absence de représentant du Soudan à cette réunion, résultat selon elle du « durcissement » de plusieurs membres du Conseil de sécurité.  Elle a ensuite rappelé que les combats au Soudan ont fait énormément de victimes et de dégâts sur les infrastructures, avant de rappeler que son pays prône un règlement pacifique du conflit et soutient à cette fin les initiatives de médiation internationales et régionales.  La représentante a souligné le « potentiel » de l’une de ces initiatives, le mécanisme ministériel de travail créé au Caire le 13 juillet dernier, qui a permis de fixer plusieurs orientations clefs, comme la cessation des combats, le lancement d’un dialogue élargi ou encore le règlement des problèmes humanitaires. 

La représentante a précisé que l’objectif principal est de stabiliser la situation dans le pays.  Dans cette perspective, toute ingérence étrangère visant à imposer de « soi-disant modèles démocratiques universels » est « intolérable ».  Regrettant que cette approche ait pourtant été retenue par les responsables de la MINUATS, elle y a vu la raison de la décision des autorités du Soudan de déclarer M. Perthes « persona non grata ».  La déléguée a par conséquent invité le Conseil de sécurité à respecter les décisions souveraines du Soudan, ajoutant que la perte de confiance de ce pays à l’égard de la Mission empêchait l’ONU de remplir son mandat.  Elle a conclu son intervention en appelant au renforcement des efforts d’assistance humanitaire des Nations Unies, quelle que soit l’évolution à l’avenir, et en s’élevant contre l’élargissement du régime de sanctions, qui constitue selon elle un « chantage à l’aide économique ».

M. DAI BING (Chine) a d’abord exprimé sa préoccupation face à l’escalade de la violence au Soudan, en particulier la multiplication du nombre de victimes civiles causées par le conflit.  Il a soutenu les efforts de l’UA, de l’IGAD et de la Ligue des États arabes pour tenter de trouver une issue négociée au conflit, tout en critiquant les pressions extérieures exercées sur le pays.  Il faut tirer les leçons du passé et respecter l’intégrité territoriale et la souveraineté du Soudan, a-t-il insisté.  Rappelant que 25 millions de Soudanais ont besoin d’aide humanitaire, le représentant a salué les organisations et les pays impliqués dans ces efforts, dont la Chine, qui y achemine une assistance médicale.  Il s’est toutefois inquiété du manque de financement, appelant la communauté internationale à se mobiliser davantage, ainsi que des restrictions d’accès imposées par les belligérants au personnel sur le terrain. Le délégué a par ailleurs demandé aux deux parties de coopérer avec la MINUATS, confrontée à des difficultés opérationnelles.  Pour finir, il a souligné la nécessité de prendre en compte pleinement les perspectives de Khartoum pour parvenir à la paix et à la stabilité.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a insisté sur la nécessité d’intensifier les secours d’urgence dans une crise qui a entraîné le déplacement de millions de personnes et vu l’effondrement des services.  Dans ce but, elle a évoqué une initiative menée sous l’égide de l’Arabie saoudite, du Qatar, de l’Égypte et d’autres partenaires internationaux et régionaux, qui vise à renforcer la réponse humanitaire au Soudan. Face aux violences menaçant les populations civiles, la représentante a souligné l’importance de la complémentarité des efforts internationaux et des initiatives locales, qui contribuent à réduire les tensions au niveau communautaire.  Pour illustrer son propos, elle a fait mention du Comité du cessez-le-feu permanent pour le Darfour qui, par le passé, a contribué à réduire les violences et à protéger les civils. 

La représentante s’est ensuite félicitée qu’une dynamique diplomatique positive se soit mise en mouvement ces derniers mois, en particulier au niveau régional.  Elle a insisté sur le rôle important des pays voisins, avant de saluer les mesures prises par l’Égypte pour faciliter la coopération et la stabilité au Soudan et de réitérer le soutien de son pays aux initiatives de l’Union africaine, de l’IGAD et de la Ligue des États arabes. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a condamné les violences armées et leurs effets désastreux sur la population civile, avant d’exiger que les auteurs de ces crimes fassent l’objet d’enquêtes et soient traduits en justice.  À cet égard, le représentant a dit soutenir le travail de la Cour pénale internationale (CPI), y compris les éventuelles poursuites qui lui seraient présentées.  L’impunité ne doit pas être permise, a-t-il souligné.  Il a ensuite estimé que la situation des 24 millions de personnes dans le besoin impose l’appui de la communauté internationale, saluant le travail incessant des membres du personnel humanitaire et la présence sur le terrain du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR). 

Le représentant a d’autre part souligné l’importance de l’appui des pays de la région, avant d’applaudir l’accueil accordé par le Tchad à 400 000 réfugiés soudanais.  À ses yeux, le temps est venu d’unir les efforts dans un processus de paix unique, inclusif et consolidé, qui mettra un terme à ce conflit.  Il a ainsi exhorté les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide à faire cesser l’effusion de sang et les souffrances du peuple soudanais, insistant sur le fait qu’il n’y a pas de solution militaire à ce conflit.  Dans l’immédiat, a-t-il conclu, les autorités doivent lever les restrictions bureaucratiques et sécuritaires qui entravent l’acheminement de l’aide, accorder des visas aux travailleurs humanitaires et donner aux populations touchées par le conflit la liberté de chercher la sécurité.

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a appelé les parties au conflit à retirer sans délai leurs forces des zones civiles, à cesser les hostilités et à engager des négociations de bonne foi.  Une solution politique au conflit fondée sur le plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Soudan est, à ses yeux, la seule voie possible vers une transition pacifique et la stabilité de la région.  Il a salué les efforts déployés par l’Union africaine, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), la Ligue des États arabes ainsi que par les États voisins du Soudan afin de résoudre le conflit de manière pacifique, tout en soulignant l’importance d’une coordination étroite entre les initiatives de paix.  Pendant ce temps, a-t-il constaté, le conflit continue de causer de nombreux morts et des déplacements, aggravant une situation humanitaire « catastrophique ». Les civils, en particulier les femmes et les filles, sont confrontés à des conditions désastreuses à Khartoum et dans les zones rurales. Le représentant s’est notamment inquiété des affrontements interethniques au Darfour et de la mobilisation tribale au Kordofan, avant de réitérer que les responsables de violations du droit international humanitaire doivent être traduits en justice.  Dans ce contexte, il a exhorté les parties au conflit à assumer leurs responsabilités envers la population soudanaise et à s’engager sur le chemin de la transition politique, avec l’appui du Conseil de sécurité.

M. HAMAMOTO YUKIYA (Japon) a déploré l’étendue des pertes civiles provoquées par les affrontements entre Forces armées soudanaises et Forces d’appui rapide, se disant préoccupé du fait que les deux parties continuent à rechercher la victoire militaire à tout prix.  Il les a appelées à cesser les combats et à autoriser un accès humanitaire sans entrave et à privilégier un processus politique pacifique et inclusif, dans le respect du droit humanitaire international et de la sécurité des civils. Le délégué s’est ensuite félicité du rôle de la MINUATS, d’autant plus important selon lui depuis le début des hostilités entre les belligérants.  Le Japon contribuera, a-t-il ajouté, aux discussions à venir sur la meilleure façon pour la Mission de s’adapter à l’évolution de la situation sur le terrain.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a observé que le conflit, qui dure depuis bientôt six mois, a engendré une crise humanitaire grave, exacerbant les tensions intercommunautaires et risquant d’évoluer vers une guerre civile, notamment au Darfour.  Il est désormais clair qu’il n’y pas de solution militaire à cette crise, a-t-il affirmé, avant d’exhorter les deux parties au conflit à cesser leurs hostilités. Déplorant l’impact dévastateur du conflit sur les civils, qui manquent notamment d’eau, de nourriture et d’électricité, le représentant a spécifiquement dénoncé les pillages et les violences sexuelles, dont les responsables, a-t-il insisté, devront être jugés.  Il a également critiqué le recours des parties belligérantes à l’artillerie lourde, qui résulte dans la destruction d’infrastructures essentielles comme les hôpitaux.  Le représentant a par ailleurs appelé le Gouvernement soudanais à accélérer la délivrance de visas pour les organisations humanitaires et les membres du personnel de l’ONU, notant en outre que la stabilité régionale est mise en péril par le flux de réfugiés soudanais dans les pays voisins.  En conclusion, il a enjoint la communauté internationale à ne pas abandonner le peuple soudanais et a remercié les partenaires engagés dans les efforts de médiation, affirmant qu’il s’agit de la seule voie pour sortir de l’impasse.

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