Le Conseil de sécurité inquiet de l’impact du conflit au Soudan sur la stabilité du Soudan du Sud

9353e séance – après-midi 
CS/15329

Le Conseil de sécurité inquiet de l’impact du conflit au Soudan sur la stabilité du Soudan du Sud

Les conséquences politiques, sociales et économiques directes pour le Soudan du Sud des hostilités déclenchées le 15 avril dernier au Soudan ont alarmé les États membres du Conseil de sécurité réunis, cet après-midi, pour faire le point sur la situation au Soudan du Sud.  Un sentiment partagé par le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), qui note avec inquiétude la lenteur de l’application de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit au Soudan du Sud et les retards importants accusés dans la mise en œuvre des objectifs convenus dans le cadre de la feuille de route adoptée en août 2022. 

Venu présenter le rapport semestriel du Secrétaire général sur la situation au Soudan du Sud, M. Nicholas Haysom a appelé la communauté internationale à ne pas se détourner du Soudan du Sud car, comme on l’a vu avec le Soudan, « les dividendes de la paix peuvent vite disparaître ».  S’ils ne sont pas traités d’urgence, ces retards pourraient amener les parties à un point où aucune mesure corrective ne saurait être efficace, peut-on lire dans le rapport.  Il est donc demandé aux parties d’achever rapidement les tâches en suspens avant la fin de la période de transition, comme prévu dans l’Accord revitalisé.

La situation humanitaire déjà désastreuse au Soudan du Sud a encore été exacerbée par l’arrivée de Sud-Soudanais qui rentraient au pays et de réfugiés du Soudan.  Cela, associé à l’augmentation des prix des produits de base, met à rude épreuve les populations vulnérables et les ressources disponibles, a résumé le diplomate, appuyé par les délégations.  Plus de 117 000 personnes ont déjà franchi la frontière, dont 93% de rapatriés sud-soudanais.  Tout en félicitant le Gouvernement pour sa politique d’ouverture, M. Haysom s’est interrogé sur ses capacités d’absorption et sur celles des travailleurs humanitaires.   

Le Soudan du Sud ne dispose pas des capacités financières immédiates pour venir en aide à l’afflux de réfugiés et de rapatriés fuyant le conflit au Soudan, s’est plaint le représentant du Soudan du Sud.  Un appel entendu par les trois membres africains du Conseil –Gabon, Ghana et Mozambique- qui ont de nouveau demandé à la communauté internationale d’accroître son aide humanitaire, qui reste gravement sous-financée.

Par la voix du Mozambique, ces pays ont tenu à saluer les progrès « importants » réalisés par le Soudan du Sud dans la consolidation de l’État, notamment en ce qui concerne les processus constitutionnel et électoral.  Ils ont noté la réduction des incidents de violence intercommunautaire au niveau régional, en particulier dans l’État de Jongleï, tout en restant préoccupés par la vulnérabilité persistante de certaines régions du pays, exacerbée par les chocs climatiques.  Ils ont encouragé la MINUSS à renforcer les actions de développement des capacités des autorités sud-soudanaises compétentes, en particulier dans les domaines logistique, financier et judiciaire. 

Plusieurs pays, à l’instar du Brésil, n’ont pas caché leur crainte que la détérioration aiguë du niveau de vie de millions de personnes, déjà confrontées à des niveaux alarmants d’insécurité alimentaire, ne provoque des problèmes de sécurité encore plus graves.  La France, les États-Unis et l’Albanie ont pointé du doigt la situation autour de Malakal où des affrontements ethniques se sont produits dans le centre de protection des civils.  Ces affrontements auraient fait 13 morts et brûlé 4 000 maisons, selon le Royaume-Uni.

Si le rapport à l’étude fait en effet ressortir des progrès dans l’exécution du mandat de la Mission, le rythme de mise en œuvre de l’Accord revitalisé reste trop lent, ont relevé diverses délégations, une grande partie des objectifs visés après la période transitoire de trente-six mois n’ayant pas été réalisés. 

En conséquence, l’Accord revitalisé a été prolongé de vingt-quatre mois, de février 2023 à février 2025, pour permettre l’achèvement de l’unification des forces armées, l’élaboration de la constitution permanente et la préparation de la tenue d’élections crédibles, libres et équitables en décembre 2024, a expliqué M. Charles Tai Gituai, Président par intérim de la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée.  Si le responsable de l’organe chargé de superviser l’état de la mise en œuvre de l’Accord revitalisé a salué l’établissement des branches exécutive et législative du Gouvernement provisoire d’union nationale, il a en revanche déploré l’absence d’avancée dans le processus de désarmement, démobilisation et réintégration. 

Face à l’impasse politique actuelle, et ce retard dans la feuille de route, la France et Malte ont encouragé les parties à continuer d’honorer leurs engagements prévus au titre de l’Accord revitalisé.  La Fédération de Russie a, quant à elle, salué le rôle de la MINUSS dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé et demandé que la Mission accorde plus d’attention à la stabilisation durable de la situation dans le pays par un accompagnement accru du Gouvernement vers la transition.

Pour la Chine, le Soudan du Sud a progressé, en particulier sur la question du processus politique et institutionnel, et il faut contribuer aux efforts du Gouvernement et travailler avec lui pour créer les conditions favorables à la transition politique.  C’est dans cet esprit que le Président de la Communauté de Sant’Egidio s’est engagé, promettant de poursuivre un dialogue politique complémentaire dans le cadre de l’initiative de Rome avec l’intention de créer un terrain favorable à l’éradication de la violence. 

Le Soudan du Sud, en conclusion, s’est engagé à travailler plus vite dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé.  Malgré les défis, « nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir à cette fin », a promis sa délégation. 

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD - S/2023/433

Déclarations

M. NICHOLAS HAYSOM, Représentant spécial pour le Soudan du Sud et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), a signalé les répercussions de la crise au Soudan sur la mise en œuvre de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit au Soudan du Sud.  De fait, depuis mi-avril, près de 117 000 femmes, enfants et hommes ont franchi la frontière, dont 93% sont des rapatriés sud-soudanais.  Il a tenu à féliciter le Gouvernement de sa politique d’ouverture des frontières.  Cependant, a-t-il averti, les capacités d’absorption du Gouvernement et des humanitaires sont mises à rude épreuve, d’autant plus que les ressources locales limitées créent des goulots d’étranglement.

Les répercussions économiques du conflit se font durement ressentir dans un contexte déjà fragile, a expliqué M. Haysom.  L’interruption soudaine des importations venant du Soudan rend les produits de base souvent inabordables.  L’exportation de brut du Soudan du Sud et passant par Port Soudan constitue une planche de salut qui, si elle disparaissait, comme des menaces récentes l’ont laissé entendre, pourrait entraîner des effets dévastateurs pour l’économie du pays.  Sur le plan politique, a poursuivi le Représentant spécial, « le conflit au Soudan détourne l’attention du Soudan du Sud en cette phase cruciale de la transition ». Alors que les efforts déployés par l’Autorité intergouvernementale pour le développement sur le Soudan du Sud (IGAD) et le Président Salva Kiir pour mettre un terme au conflit au Soudan restent tout à fait louables, le calendrier du processus de paix au Soudan du Sud ne devrait pas pâtir de ces efforts. 

Ces facteurs aggravent les éléments moteurs du conflit, compliquant une situation sécuritaire déjà fragile dans le pays, a mis en garde M. Haysom.  L’absence d’accords locaux régissant les déplacements du bétail en dehors de la saison sèche aggrave les risques de heurt entre les éleveurs du nord et les communautés agraires sud-soudanaises.  De surcroît, il a noté des rivalités grandissantes autour des rares ressources dans les zones des nouveaux déplacements, ce qui entraîne une montée des tensions entre les communautés souvent teintées de connotation tribale dans un environnement marqué par des difficultés économiques, des tensions préexistantes et la présence d’armes à feu.  Le diplomate a cité le cas de l’accès aux points d’eau dans le Haut-Nil où ces facteurs ont mis le feu aux poudres dans une chronologie d’événements préoccupants.  La MINUSS a constaté qu’au moins 14 personnes déplacées avaient été tuées et plus de 28 blessées.  À la demande des autorités, les partenaires humanitaires ont suspendu de façon temporaire les déplacements à Malakal en provenance du Soudan.  À la suite de ces événements, le Représentant spécial s’est rendu à Malakal pour, a-t-il dit, observer la dynamique sur le terrain.

À l’heure actuelle, a rapporté le Représentant spécial, les humanitaires adaptent leur plan d’intervention pour aider les deux communautés dans les camps et à l’extérieur des camps.  Le plan de prévention de la MINUSS inclut le déploiement intensifié de patrouilles de plus de 600 Casques bleus sur le terrain.  Il est prévu un renforcement des opérations de cordon sanitaire et de recherche pour récupérer les armes à feu dans les camps.

Tout ceci, a continué M. Haysom, est assorti d’engagements et d’un dialogue avec les dirigeants politiques, locaux et nationaux qui prône la tolérance intercommunautaire et un désarmement pacifique.  Il a salué le soutien apporté par le Gouverneur du Haut-Nil, les forces populaires de défense du Soudan du Sud et des services de police.  Le diplomate s’est encore inquiété de la montée des tensions à Malakal qui ne fait qu’aggraver l’enchevêtrement de conflits intercommunautaires et intra-nationaux auxquels la Mission est confrontée.  Lors de la publication du rapport trimestriel de la MINUSS, il a fait part de son sentiment d’alarme face à la réapparition de meurtres extra-judiciaires dans l’État des Lacs, une préoccupation remontée aux autorités.  Il a dit avoir enjoint le Gouvernement à publier les conclusions de l’enquête.

Dans le même temps, le renouvellement du mandat de la MINUSS requiert des tâches supplémentaires de protection des civils, qui doivent être conformes aux capacités et aux ressources.  À cet égard, le Chef de la Mission a annoncé l’élargissement de l’empreinte de la force dans le pays tout en gardant des réserves pour tout imprévu intracommunautaire, infranational ou pré-électoral.  Pour finir, M. Haysom a dit attendre le résultat d’une étude des capacités militaires et de police qui permettra de voir si « nous sommes à la hauteur ».  Nonobstant les difficultés géographiques, il ressort d’un sondage indépendant que les Sud-Soudanais appuient la Mission et sa présence stabilisatrice.  En conclusion, il a appelé à ne pas perdre des yeux le Soudan du Sud car, comme nous l’avons appris avec le Soudan, « les dividendes de la paix peuvent vite disparaître ».

M. CHARLES TAI GITUAI, Président par intérim de la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée, l’organe chargé de superviser l’état de la mise en œuvre de l’Accord revitalisé de 2018 sur la résolution du conflit au Soudan du Sud et de soumettre des rapports trimestriels au Conseil de sécurité.  Il a noté qu’au cours des cinq dernières années, le Soudan du Sud avait connu sa plus longue période de paix et de stabilité relatives depuis son indépendance en 2011.  Il a toutefois constaté que le rythme de mise en œuvre de l’Accord revitalisé avait été lent, une grande partie des objectifs visés à la suite de la période transitoire de trente-six mois n’ayant pas été réalisés.  En conséquence, l’Accord revitalisé a été prolongé de vingt-quatre mois, de février 2023 à février 2025, pour permettre l’achèvement de l’unification des forces armées, l’élaboration de la constitution permanente et la préparation de la tenue d’élections crédibles, libres et équitables en décembre 2024.

L’intervenant a salué l’établissement des branches exécutive et législative du Gouvernement provisoire d’union nationale revitalisé au niveau national et au niveau des États, la résolution du différend sur le nombre d’États, et l’incorporation de l’Accord revitalisé dans la Constitution de transition.  Il a ajouté qu’environ 55 000 des 83 000 membres des forces unifiées ont été formés et diplômés, mais que le processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) n’avait pas commencé. M. Gituai s’est également félicité de l’ouverture de couloirs humanitaires ayant facilité le retour de certains réfugiés sud-soudanais et de déplacés internes.  Il a aussi noté des progrès dans la rédaction des projets de loi relatifs à la création de la Commission vérité, réconciliation et apaisement et de l’Autorité pour les compensations et les réparations.  Il a plaidé en faveur d’un soutien accru du Conseil de sécurité et de la communauté internationale afin d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord revitalisé, notamment grâce à un financement prévisible et adéquat.  La Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée estime que la communauté internationale pourrait financer directement le processus d’élaboration de la constitution, le désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), ainsi que la préparation et la conduite des élections, a conclu l’intervenant. 

M. MARCO IMPAGLIAZZO, Président de la Communauté de Sant’Egidio, s’est dit préoccupé par la situation au Soudan du Sud depuis les années 90, rappelant que M. John Garang, père fondateur de ce pays, s’était rendu à plusieurs reprises à Rome pour chercher des voies de dialogue, en pleine lutte pour l’indépendance.  L’initiative de Rome est née au lendemain de la signature de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud, dans la phase compliquée de la création du Gouvernement d’unité nationale.  Plusieurs entités politiques et militaires avaient rejeté cet accord et il était nécessaire de les récupérer, a encore expliqué l’intervenant. Le pape François est intervenu personnellement depuis la mémorable « Retraite spirituelle », a-t-il poursuivi.  C’est ainsi qu’ont été créées les conditions préalables à la convocation à Rome des parties non-signataires de l’Accord revitalisé, avec un mandat complet du Président Salva Kiir pour négocier avec eux. L’initiative de Rome a donc conduit à une reconnaissance mutuelle entre le Gouvernement et l’opposition non-signataire et créé un cadre de négociation pour l’engagement politique, a-t-il ajouté. 

Malgré les interruptions forcées dues à la pandémie de COVID-19, ce dialogue a permis de réduire le niveau de violence dans le pays et de créer un nouvel espoir de paix, s’est réjoui M. Impagliazzo.  L’initiative de Rome a donc permis, selon lui, de former des représentants de l’Alliance des mouvements d’opposition du Soudan du Sud (SSOMA), en vue de leur inclusion future dans le Mécanisme de vérification et de surveillance du cessez-le-feu et du suivi de l’application des dispositions transitoires de sécurité (CTSAMVM).  Le processus est aujourd’hui plus inclusif et évolue dans cette direction. L’initiative de Rome représente un dialogue politique complémentaire et en harmonie avec les institutions internationales.  C’est pourquoi, a-t-il assuré, Sant’Egidio s’engage à poursuivre dans cette voie avec l’intention de créer un terrain favorable à l’éradication de la violence. Mentionnant l’importante contribution des représentants de la société civile et des dirigeants des confessions chrétiennes et religieuses du pays, l’intervenant s’est dit convaincu que cette participation ne fera que s’accroître au cours des prochaines étapes. Ce sera un élan décisif pour appeler les dirigeants du Gouvernement et de l’opposition à assumer leurs responsabilités à l’égard du peuple du Soudan du Sud et de ses souffrances. 

M. RICHARD A. WOOD (États-Unis) a dit être préoccupé par les violences communautaires au camp de Malakal.  Il a regretté que des mesures de protection n’aient pas été prises rapidement en dépit des signes précurseurs.  Les États-Unis sont prêts à aider la MINUSS à cet égard, a assuré le représentant qui s’est également inquiété de la présence de groupes armés autour du camp et du trafic d’armes qu’ils alimentent à l’intérieur du camp.  Il a exhorté le Gouvernement à empêcher l’arrivée de ces groupes armés dans les camps et les sites de protections de civils.  Le représentant a noté que des inondations ont détruit les moyens de subsistance des populations alors que la situation humanitaire est déjà catastrophique.  Le Gouvernement doit mettre en œuvre son programme de relèvement pour trouver des réponses durables aux problèmes, a-t-il ajouté, en insistant sur l’importance de protéger la population. 

M. DARREN CAMILLERI (Malte) s’est dit préoccupé par les implications négatives de l’impasse politique actuelle et, dans ce contexte, a encouragé les parties à continuer d’honorer leurs engagements prévus au titre de l’Accord revitalisé.  Il a en outre soutenu les instruments de vérification de l’Accord, y compris la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée.  Pour le représentant, ce n’est que grâce à un espace civique inclusif que les processus électoraux et constitutionnels pourront être menés à bien d’ici à la fin de 2024.  Ainsi a-t-il souligné l’importance de l’adoption de la loi électorale nationale afin que puissent être réunies toutes les conditions nécessaires au déroulement d’élections libres, justes et crédibles. 

En outre, « Malte soutient les appels au renforcement du quota de 35% de femmes tel que prescrit par l’accord de paix, et demande instamment leur participation égale et significative à tous les processus, y compris la rédaction de la constitution ». 

Après avoir salué le rôle que le Président Salva Kiir a joué au sein de la mission de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) dans la médiation d’un cessez-le-feu au Soudan, le représentant a apporté le soutien de son pays aux mesures de protection de l’enfance prises par la MINUSS dans le contexte inquiétant de radicalisation des jeunes, signalé dans le rapport du Secrétaire général.  Par ailleurs, il s’est félicité de l’assistance humanitaire apportée par l’Union européenne au Soudan du Sud, laquelle s’élève à 81 millions d’euros en 2023.

M. PEDRO COMISSARÍO AFONSO (Mozambique), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), a salué les progrès importants réalisés par le Soudan du Sud dans la consolidation de l’État, notamment en ce qui concerne les processus constitutionnel et électoral.  Il a noté avec satisfaction la réduction des incidents de violence intercommunautaire au niveau régional, en particulier dans l’État de Jongleï, tout en restant préoccupé par la vulnérabilité persistante de certaines régions du pays, exacerbée par les chocs climatiques. 

Le représentant a encouragé la MINUSS à étendre son assistance technique et son soutien aux mécanismes de responsabilisation et à renforcer la chaîne de la justice pénale. Il a réitéré l’appel des A3 à renforcer les actions de développement des capacités des autorités sud-soudanaises compétentes, en particulier dans les domaines logistique, financier et judiciaire. 

S’inquiétant des retombées du conflit au Soudan voisin, le représentant a constaté que l’afflux de rapatriés, de réfugiés soudanais et de ressortissants de pays tiers, combiné à la réduction des flux de marchandises et de carburant en provenance du Soudan, accentuait la pression sur les communautés vulnérables et aggravait une situation humanitaire déjà désastreuse.  Il a condamné fermement les attaques contre les travailleurs humanitaires, appelant toutes les parties à respecter le droit international humanitaire et à garantir un accès sans restriction aux populations dans le besoin.  Il a réitéré l’appel des A3 à la communauté internationale pour qu’elle augmente son soutien financier à l’aide humanitaire, qui reste gravement sous-financée.

M. DAI BING (Chine) a estimé que le Soudan du Sud a progressé, en particulier, sur la question du processus politique et institutionnel.  Il a exhorté la communauté internationale à contribuer aux efforts du Gouvernement et à travailler avec lui pour créer les conditions favorables à la transition politique.  Le représentant a aussi encouragé le Gouvernement à accorder la priorité à la prospérité de la population.  Rappelant que le Soudan du Sud est la plus jeune nation au monde, il a prié ses collègues du Conseil de faire preuve de patience et de respecter la souveraineté nationale du pays.  La période à l’examen, a-t-il constaté, a été marquée par la baisse de la violence même si dans certains États, la situation demeure fragile.  Le représentant a donc prié le Gouvernement de renforcer la prévention et la cohésion nationale.  Avant de conclure, il a réclamé la levée de l’embargo sur les armes et demandé à la communauté internationale d’aider le Soudan du Sud à surmonter la crise économique et ce, sans imposer de conditions politiques. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a condamné les attaques contre les convois humanitaires, soulignant la nécessité de renforcer la protection du personnel humanitaire afin qu’il soit en mesure de s’acquitter de son travail vital au profit de ceux qui en ont le plus besoin.  Concernant le volet politique, le représentant s’est dit préoccupé par la lenteur excessive dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé.  Selon lui, le processus de paix et sa mise en œuvre nécessitent l’engagement de toutes les parties à l’Accord pour qu’enfin le pays puisse s’engager sur la voie de la transition politique.  La participation des femmes étant fondamentale pour la réussite de cette transition et celle des processus électoraux, conformément à la résolution 1325 (2020) du Conseil de sécurité, il a encouragé le Gouvernement à intensifier ses efforts pour atteindre le quota minimum de 35% de femmes dans les institutions transitoires et les organes exécutifs.  Il n’a pas manqué de saluer l’action de la MINUSS, qui continue d’assurer, dans un contexte difficile, une fonction essentielle de protection des civils. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est inquiétée des retards dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé et de la feuille de route.  Elle a appelé le Gouvernement de transition à mettre l’accent sur les réformes qui demeurent en souffrance, notamment l’adoption et la promulgation de la loi sur les élections nationales et la mise en œuvre des plans de déploiement pour les Forces unifiées nécessaires.  Le Gouvernement doit également travailler avec la MINUSS pour préparer la tenue d’élections pacifiques et inclusives.

La représentante s’est également préoccupée des affrontements ethniques qui se sont produits dans le centre de protection des civils de Malakal et du risque que l’afflux de réfugiés venant du Soudan n’attise les tensions.  Elle a appelé le Gouvernement à travailler avec la MINUSS pour renforcer la protection des civils, l’engageant par ailleurs à assurer un accès sans entrave aux partenaires humanitaires dans l’ensemble du pays.  Elle a en outre appelé à établir les responsabilités pour les crimes commis à l’encontre du personnel humanitaire.

M. ALEXANDRE OLMEDO (France) s’est dit préoccupé par le retard pris dans la mise en œuvre de la feuille de route, ajoutant que la préparation des élections prévues fin 2024 nécessitait la définition d’un cadre législatif et constitutionnel, la mise en place d’institutions et l’octroi de ressources budgétaires.  Il s’est également inquiété de l’impact du conflit au Soudan sur la stabilité du Soudan du Sud, notant qu’il avait aggravé la situation humanitaire avec plus de 100 000 réfugiés de retour dans le pays.  Il a rappelé que l’assistance humanitaire de l’Union européenne au Soudan du Sud s’élevait à 81 millions d’euros en 2023 et que la France avait mobilisé 41,3 millions d’euros pour faire face à la crise humanitaire au Soudan et répondre à son impact régional.

Le délégué a salué les efforts de médiation du Soudan du Sud et regretté la tentative du Soudan de fragiliser les efforts de paix de la région.  Il a rappelé que les États membres de l’Union européenne avaient approuvé le 24 mai un financement des mécanismes de suivi de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) à hauteur de 5,8 millions d’euros.  Appuyant l’action de la MINUSS, qui continue d’assurer une fonction essentielle de protection des civils et de renforcement des capacités du Soudan du Sud, il a ajouté que son pays y prenait sa part en soutenant des projets de réinsertion et en apportant son expertise en matière de gestion des stocks d’armes et de munition. Il a appelé les autorités sud-soudanaises à tirer le plein parti de l’assistance des Nations Unies, de la région et de la communauté internationale pour accélérer la mise en œuvre de la transition politique. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a reconnu que le Soudan du Sud connaît des temps difficiles, subissant notamment les influences délétères du conflit au Soudan, y compris l’afflux de réfugiés.  Elle a salué les efforts de médiation du Président Salva Kiir pour trouver une issue à la crise au Soudan, ajoutant que Djouba connaît mieux que quiconque les réalités profondes de la région.  La déléguée a d’autre part pris note de l’activité fructueuse du Parlement sud-soudanais pour préparer les élections prévues en 2024.  Nous convenons qu’il faut accélérer les processus politiques en cours, mais cela nécessite de soutenir davantage Djouba, a-t-elle ajouté avant d’estimer que des forces militaires unifiées au Soudan Sud sont indispensables pour garantir la poursuite du processus de paix.  La représentante a également jugé que les flambées de violence dans les régions périphériques du Soudan du Sud, lesquelles aggravent la situation humanitaire, devraient être apaisées par la prise en compte des importants efforts de médiation de l’Union africaine (UA) et des États membres de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD).  Elle a par ailleurs salué le rôle de la MINUSS dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé et demandé que la Mission accorde plus d’attention à la stabilisation durable de la situation dans le pays par le biais d’un accompagnement accru du Gouvernement vers la transition.  Enfin, la déléguée a appelé le Conseil de sécurité à aller plus loin qu’un simple assouplissement de l’embargo sur les armes, comme le demandent et Djouba et l’UA.  En conclusion, elle a rappelé l’importance de ne pas s’ingérer dans les affaires du Soudan du Sud, notamment en évitant de conditionner de quelque façon que ce soit l’acheminement de l’aide humanitaire. 

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a salué l’ensemble du personnel de la MINUSS pour le travail de protection des civils et d’atténuation de la violence dans un environnement difficile.  En tant que pays fournisseur de contingents, le Japon s’engage à poursuivre son déploiement auprès de la MINUSS, a affirmé la représentante.  Elle a jugé essentiel de mettre en œuvre l’Accord revitalisé, conformément au calendrier établi dans la feuille de route adoptée comme base d’une paix durable au Soudan du Sud. 

Dans ce contexte, elle a salué les progrès accomplis, tels que l’approbation du projet de loi 2023 sur les élections nationales et les préparatifs en cours pour le déploiement des forces unifiées nécessaires lequel doit se faire rapidement, en tenant compte de l’examen stratégique du secteur de la défense et de la sécurité.  Toutefois, elle s’est inquiétée du retard pris dans la mise en œuvre des autres aspects de l’Accord.  La déléguée, qui a constaté une réduction des violences intercommunautaires, au niveau infranational, a cependant mis en garde contre une aggravation de la situation, en raison de l’afflux de rapatriés et de réfugiés en provenance du Soudan. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) s’est dit préoccupé par les affrontements aux frontières avec le Soudan qui ont exacerbé la situation humanitaire au Soudan du Sud.  Plus de 119 000 personnes ont maintenant franchi la frontière.  « Ces déplacements vers des zones déjà confrontées à des besoins humanitaires importants aggravent les tensions politiques et intercommunautaires. »  Le représentant s’est également inquiété des affrontements intercommunautaires dans le camp de protection des civils de Malakal, qui auraient fait 13 morts et brûlé 4 000 maisons.  Pour éviter de nouvelles tragédies, il faut de toute urgence trouver des solutions aux tensions à Malakal et s’attaquer aux causes profondes de la fragilité du Soudan du Sud, a-t-il dit.  Le représentant a appelé le Gouvernement du Soudan du Sud à mettre fin à la violence infranationale, fournir des services de base à la population et réaliser des progrès dans la mise en œuvre de l’Accord de paix.  Il a regretté que les processus électoraux et constitutionnels connaissent dix et douze mois de retard.  Ainsi la Commission nationale de révision constitutionnelle attend-elle toujours d’être reconstituée.  Des lois doivent être promulguées et les institutions qu’elles créent doivent être financées.  Mais la législation à elle seule n’apportera pas une paix durable au Soudan du Sud, a averti le représentant.  Il a appelé le Gouvernement du Soudan du Sud à mettre fin à la violence et à la corruption, et à assurer la justice, les services essentiels et la tenue d’élections libres et équitables pour son peuple. 

M. NORBERTO MORETTI (Brésil) a estimé que l’afflux important de réfugiés et de rapatriés qui avaient fui le Soudan du Sud en premier lieu souligne l’ampleur de la crise au Soudan.  Il s’est dit particulièrement préoccupé par la situation dans certaines régions du Soudan du Sud qui manquent de nourriture et d’eau potable.  À ce sujet, il a regretté que le type de combats pour les ressources constatés à Malakal aient pu se propager et même susciter des tensions ethniques ailleurs.  Selon le délégué, il est crucial que la communauté internationale fournisse les fonds supplémentaires que le Secrétaire général, le HCR et OCHA ont demandés lors de récents appels.  « L’ONU, le Conseil de sécurité et la MINUSS devraient renforcer leur rôle en tant qu’acteurs essentiels au Soudan du Sud. »  Le Brésil craint en outre que la détérioration aiguë du niveau de vie de millions de personnes qui ont déjà été confrontées à des niveaux alarmants d’insécurité alimentaire ne provoque des problèmes de sécurité encore plus graves.  Déplorant les attentats qui ont tué des travailleurs humanitaires dans l’exercice de leurs fonctions, le délégué a appelé le Soudan du Sud à redoubler d’efforts pour assurer leur sécurité et veiller à ce que les auteurs soient traduits en justice.  Enfin, la violence persistante à Abyei, dans le Haut-Nil, à Jongleï et ailleurs montre clairement que les efforts actuels de maintien de la paix bénéficieraient d’initiatives supplémentaires de consolidation de la paix.

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a commencé par saluer la solidarité dont fait preuve le Soudan du Sud à l’égard de ceux qui fuient le conflit dévastateur au Soudan, ainsi que les efforts déployés par le Gouvernement pour soutenir une solution pacifique du conflit.  Elle a souligné que son pays a annoncé des fonds supplémentaires lors de la Conférence de haut niveau, tenue à Genève, sur les annonces de contributions à la réponse humanitaire au Soudan et dans la région.  Alors que l’attention de la communauté internationale se focalise sur ce pays, elle doit aussi redoubler d’efforts pour la réalisation des étapes clefs de la transition qui détermineront l’avenir du Soudan du Sud. 

La représentante a vivement encouragé les parties à respecter les délais fixés dans la feuille de route et à mettre en place sans tarder les organes prévus.  La protection des civils, a-t-elle insisté, reste essentielle à la réussite de la transition politique.  Malgré une baisse des violences intercommunautaires et au niveau infranational, elle s’est dite préoccupée par l’augmentation marquée des violations des droits humains et des incidents violents touchant la population.  Enfin, elle s’est inquiétée de la détérioration de la situation humanitaire qui affecte plus des trois quarts de la population.  À ce jour, seuls 30% du Plan de réponse humanitaire pour 2023 ont été financés, a-t-elle relevé, avant d’appeler la communauté internationale à faire plus.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a appelé à renforcer le dialogue intercommunautaire pour mettre fin au cycle de la violence et établir une culture de la paix au niveau local.  Elle a qualifié d’« essentiels » les efforts de l’UNMISS pour se rapprocher des chefs locaux et traditionnels. Après avoir salué l’entrée en vigueur de la loi sur les élections nationales et l’adoption du budget national pour le déploiement des Forces unifiées nécessaires, elle a appelé à respecter le calendrier de l’Accord revitalisé.  Elle a rappelé l’ampleur des défis sécuritaires au Soudan du Sud, notamment à la lumière des événements récents dans l’État du Haut-Nil, en particulier dans la ville de Malakal.  Elle a condamné les meurtres de travailleurs humanitaires, et les attaques contre leurs convois, notamment dans un contexte régional d’afflux de réfugiés. 

M. AKUEI BONA MALWAL (Soudan du Sud) a déclaré qu’au cours de la période examinée par le rapport du Secrétaire général, le Soudan du Sud a connu une paix relative, ce qui n’a en rien entamé sa détermination à faire en sorte que la vie du citoyen ordinaire redevienne normale.  C’est pourquoi il a appelé ceux qui ne l’ont pas encore fait à devenir partie à l’Accord revitalisé, son gouvernement restant pleinement engagé à travailler plus vite à sa mise en œuvre.  Malgré les défis, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir à cette fin, a-t-il assuré avant de rappeler combien les dégâts causés par les aléas climatiques continuent de faire peser la menace d’un retour des famines et leur cortège de déplacements et de migrations, autant de sources potentielles d’instabilité, d’insécurité et de tensions communautaires au Soudan du Sud et dans la région.  Le représentant a exhorté la communauté internationale et la MINUSS à aider son pays à investir dans le développement durable et le déploiement de systèmes d’alerte rapide.  Par ailleurs, il a indiqué que « le Soudan du Sud ne dispose pas des capacités financières immédiates pour venir en aide à l’afflux de réfugiés et de rapatriés fuyant le conflit au Soudan ».  La communauté internationale doit aider davantage ces déplacés et ces réfugiés, a-t-il répété.  Le représentant a ensuite remercié la MINUSS, l’Union africaine, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et tous les pays partenaires « qui nous aident à mettre en œuvre la feuille de route politique afin de permettre la tenue réussie des élections générales prévues par l’Accord revitalisé ».  Enfin, il a demandé à la communauté internationale, aux partenaires régionaux et aux amis du Soudan du Sud de ne pas renoncer à l’aider à instaurer une paix et une stabilité pérennes. 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Conférence sur la biodiversité marine achève ses travaux au lendemain de l’adoption d’un traité historique

Nouvelle reprise de la cinquième session,
73e et 74e séances plénières – matin & après-midi
MER/2182

La Conférence sur la biodiversité marine achève ses travaux au lendemain de l’adoption d’un traité historique

La Conférence intergouvernementale chargée d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (BBNJ) a clôturé, aujourd’hui, ses travaux, à l’issue de sa cinquième et dernière session, au lendemain de l’adoption d’un accord historique en lien avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. 

Au moment de « refermer le chapitre de notre aventure BBNJ », la Présidente de la Conférence, Mme Rena Lee, de Singapour, dont le travail a été chaudement salué par l’ensemble des délégations, s’est félicitée de l’adoption de l’accord qui marque un nouveau début dans nos efforts conjoints pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale.  « Nous travaillons ensemble, malgré nos différences, pour l’amélioration de nos océans, pour l’amélioration de notre planète », a-t-elle ajouté. 

Les délégations se sont ainsi donné rendez-vous à New York le 20 septembre prochain, date de l’ouverture à la signature de l’accord sur la biodiversité marine, au cours de la semaine du débat général de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale.  L’accord entrera en vigueur dès qu’il aura été signé et ratifié par 60 pays. 

Les délégations ont également adopté le rapport* de la Conférence, actualisé afin de refléter les travaux de la reprise de la cinquième session, en février et mars 2023.  Une phrase a été ajoutée au paragraphe 29 du rapport pour indiquer que la Fédération de Russie, dans son explication de vote, s’est dissociée du consensus sur le texte de l’accord préparé par la Conférence, assortie d’une note explicative en bas de page.  Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), la Jamaïque a exprimé sa vive préoccupation face à cette approche « sans précédent » qui s’écarte, selon elle, des normes applicables en cas de dissociation. 

La Conférence a été établie en 2017 par la résolution 72/249 de l’Assemblée générale afin d’examiner les recommandations du Comité préparatoire et d’élaborer, dans les plus brefs délais, un instrument international juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, en particulier les ressources génétiques marines, les outils de gestion par zone, les études d’impact sur l’environnement ainsi que le renforcement des capacités et le transfert de techniques marines.

« Le chemin n’est pas terminé », ont prévenu les Fidji, en rappelant qu’il s’est écoulé douze années entre l’adoption, en 1982, de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et son entrée en vigueur.  Fruit de négociations échelonnées sur près de vingt ans, le nouveau traité constitue le troisième accord d’exécution de la « constitution des océans », a relevé la République de Corée, après l’Accord sur les fonds marins de 1994 et l’Accord sur les stocks de poissons de 1995.  Selon la délégation, le système de gestion juridiquement contraignant pour la haute mer et les fonds marins qui en résultera permettra à la communauté internationale de « riposter de façon préventive » aux crises environnementales. 

L’accord fournira le cadre nécessaire à la mise en place d’outils de gestion des activités économiques et à la réalisation de l’engagement du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal de conserver au moins 30% des zones marines et côtières d’ici à 2030, ont considéré le Canada, la Norvège et le Royaume-Uni.  Pays hôte, en 2025, de la Conférence des Nations Unies sur les océans, la France a estimé que l’adoption de cet accord ne doit pas être interprétée comme la fin du processus, mais plutôt comme le début d’une nouvelle dynamique pour la coopération et le multilatéralisme en faveur de la protection des océans. 

Afin que ce traité acquière un caractère véritablement universel, sa mise en œuvre devra aller de pair avec la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), ont insisté tour à tour l’Algérie, l’Italie ou encore la Thaïlande, s’agissant notamment du partage équitable des ressources génétiques, du transfert des technologies marines et du renforcement des capacités.  Toutefois, a insisté le Japon, chaque État Membre devra contribuer selon ses moyens, sans placer de fardeau financier disproportionné sur certaines parties à l’accord. 

« Nous avons accompli un long voyage mais aujourd’hui, nous en entamons un nouveau », pour lequel chaque État devra établir son propre itinéraire afin de donner vie à ce texte, a conclu Tonga. 

Débat général (suite et fin)

D’emblée, les Fidji se sont félicitées de la délégation « robuste » des États du Pacifique qui a participé aux négociations en vue de l’adoption de l’accord, qui reconnaît le statut des petits États insulaires, des peuples autochtones et des communautés locales en tant que partenaires égaux de la gouvernance des océans détenteurs de savoirs traditionnels.  Toutefois, « le chemin n’est pas terminé », a prévenu la délégation, en rappelant qu’il s’est écoulé douze ans entre l’adoption, en 1982, de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et son entrée en vigueur.  Le Timor-Leste a d’ailleurs souhaité que l’accord permette de donner un nouveau souffle à la Convention, tout en renforçant la coopération entre les États en vue de la protection et de la préservation des ressources en haute mer. 

Fruit de négociations échelonnées sur près de vingt ans, l’accord « BBNJ » constitue le troisième accord d’exécution de la Convention, après l’Accord sur les fonds marins de 1994 et l’Accord sur les stocks de poissons de 1995, a noté la République de Corée, pays bordé par la mer qui a un intérêt essentiel à préserver la biodiversité et l’environnement marins.  Le système de gestion juridiquement contraignant pour la haute mer et les fonds marins qui en résultera permettra à la communauté internationale, selon la délégation, de « riposter de façon préventive » aux crises environnementales mondiales. 

Malgré la pollution et une invasion de sargasses, les littoraux de la mer des Caraïbes constituent l’un des écosystèmes possédant la plus grande biodiversité de la planète, a noté la République dominicaine, pour qui la création de zones maritimes protégées et les dispositions concernant les évaluations d’impact environnemental présentent un intérêt vital. 

Selon le Canada, appuyé par la Norvège et le Royaume-Uni, cet accord fournira le cadre nécessaire pour mettre en place des outils de gestion des activités économiques et réaliser l’engagement du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal de conserver au moins 30% des zones marines et côtières d’ici à 2030.  Pour la France, qui accueillera en 2025 la Conférence des Nations Unies sur les océans, l’adoption de l’accord sur la biodiversité ne doit pas être interprétée comme la fin du processus, mais plutôt comme le début d’une nouvelle dynamique pour la coopération et le multilatéralisme en faveur de la protection des océans. 

Nation maritime impliquée dans chaque étape du processus de négociation, le Japon a souhaité que l’ensemble des mécanismes prévus par l’accord, notamment s’agissant des outils de gestion par zones, s’articulent sur la base des plus récentes informations scientifiques.  Il est également essentiel que chaque État Membre contribue selon ses capacités financières, sans placer de fardeau disproportionné sur certaines parties à l’accord.  La Belgique a souligné à cet effet l’importance des dispositions institutionnelles figurant dans le traité, en ajoutant qu’elle serait « honorée » d’accueillir le secrétariat permanent. 

« Nous avons accompli un long voyage mais aujourd’hui, nous en entamons un nouveau », pour lequel chaque État devra établir son propre itinéraire afin de donner vie à ce texte, ont dit les Tonga, s’agissant de la signature, de la ratification et de la mise en œuvre du traité.  Comme la Thaïlande, le Sénégal a considéré que la mise en œuvre de l’accord doit aller de pair avec la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) dans les pays en développement, notamment en ce qui concerne le partage équitable des ressources génétiques marines, le transfert des technologies marines et le renforcement des capacités.  Un partage de technologies et de connaissances en faveur des pays en développement cher à l’Algérie ainsi qu’à l’Italie pour qui les transferts joueront un rôle primordial pour faire en sorte que ce projet soit véritablement universel.  Oman a également misé sur l’application de cet accord historique en s’appuyant prioritairement sur le partage et le transfert des technologies et des connaissances marines vers les pays du Sud. 

« Cet accord va aider nos pays désavantagés géographiquement pour accéder à la mer en renforçant nos capacités d’utilisation et de gestion durables des ressources marines », a fait valoir la Bolivie, pays sans littoral, en saluant la reconnaissance des océans par l’accord comme un « patrimoine commun de l’humanité ».  Un concept qui doit être interprété dans le sens le plus large possible, a-t-elle dit. Autre pays enclavé privé des avantages de « l’économie bleue », le Népal a dit attacher une grande importance au libre accès à la haute mer pour les pays en développement sans littoral (PDSL).  Il a exprimé son insatisfaction de voir que cet accord, contrairement à d’autres instruments internationaux, ignore les préoccupations et les besoins particuliers des États sans littoral, en regrettant qu’un texte plus « inclusif et équilibré » n’ait pas été adopté. 

Ayant plaidé, elle aussi, pendant les négociations, pour un instrument inclusif pour tous et à visée universelle, la Türkiye a apporté son avis en tant que pays en développement à revenu intermédiaire de la tranche supérieure.  Elle a appelé les États non parties à la Convention sur le droit de la mer à participer en toute bonne foi à la mise en œuvre de l’accord, parce qu’il est d’essence environnementale, et à œuvrer, en s’appuyant sur la coopération technique, à l’application effective de ses dispositions. 

Le Togo, le Malawi et l’Ouganda ont, de même, appelé les États Membres à honorer leurs engagements fermes en faveur d’une opérationnalisation rapide de l’accord.  Pour ces pays, l’accord, s’il est mis en œuvre rapidement, permettra de s’attaquer au défi climatique, ce qui est d’une importance capitale pour les pays en développement africains sans littoral. 

Les observateurs ont pris la parole à la suite des États Membres.  L’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN) a salué un moment historique qui ponctue un travail d’élaboration de deux décennies, l’Union ayant participé à toutes les étapes de ce processus.  Comme l’UICN, l’Autorité internationale des fonds marins a appelé à l’entrée en vigueur de l’accord au plus tard en 2025.  Les deux organismes ont rappelé qu’ils se tiennent prêts à apporter aux États Membres leur expertise en matière de gestion par zone, de recherche marine et renforcement des capacités, dans le cadre de l’application des dispositions de l’accord.  Ils ont en outre encouragé le Secrétaire général de l’ONU à mettre en place une commission préparatoire à la tenue de la première réunion des États parties à l’accord. 

Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont eux-aussi indiqué être disposés à aider les pays à appliquer l’accord sur le plan régional et à contribuer à durabiliser ces secteurs indispensables pour assurer la sécurité alimentaire mondiale que sont la pêche et l’aquaculture. 

C’est un même message de soutien à la coopération technique qu’ont tenu à faire passer les représentants de la Convention sur la diversité biologique et de l’Organisation maritime internationale (OMI).

Enfin, la société civile, par la voix notamment de Greenpeace International, de l’Alliance de la haute mer et de la Deep Sea Conservation Coalition, a rappelé avoir fait campagne sans relâche pendant deux décennies à travers le monde en faveur de l’accord.  Ces organisations ont félicité les États Membres pour avoir su mettre de côté leurs divisions pour faire d’un tel accord de sauvegarde de l’humanité une réalité. Pour ces acteurs, protéger 30% des océans d’ici à 2030 est un objectif qui se doit d’être atteint, puisque sans océans il ne peut y avoir de vie sur la Terre. 

* A/CONF.232/2023/L.2

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Décolonisation: le Comité spécial appelle l’Argentine et le Royaume-Uni à reprendre les négociations pour mettre fin à leur différend sur les Îles Falkland (Malvinas)

Reprise de la session de 2023,
7e séance plénière – Matin
AG/COL/3371

Décolonisation: le Comité spécial appelle l’Argentine et le Royaume-Uni à reprendre les négociations pour mettre fin à leur différend sur les Îles Falkland (Malvinas)

Le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (Comité spécial des Vingt-Quatre) a, ce matin, demandé à l’Argentine et au Royaume-Uni de consolider leur processus de dialogue et de coopération en cours en reprenant leurs négociations afin de trouver, « dans les meilleurs délais », une solution pacifique au conflit de souveraineté sur les Îles Falkland (Malvinas). 

Seul un règlement pacifique et négocié à ce différend territorial est en mesure de mettre fin à la situation coloniale particulière qui prévaut aux Îles Falkland (Malvinas), souligne le Comité spécial dans une résolution adoptée sans vote, et présentée par le Chili.

Ce texte déplore, comme plusieurs États Membres aujourd’hui, qu’en dépit d’un large appui international en faveur de négociations entre les Gouvernements argentin et britannique, l’application des résolutions de l’Assemblée générale sur l’avenir des Îles Falkland (Malvinas) n’ait toujours pas commencé. 

Outre les coauteurs de cette résolution -Bolivie, Chili, Cuba, Équateur, Nicaragua et Venezuela- plusieurs États Membres ont exprimé ou réitéré leur position de principe sur la souveraineté de l’Argentine sur l’archipel, qui comprend également les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et les zones maritimes environnantes. 

Parmi eux, figurent plusieurs pays d’Amérique centrale et du Sud, dont l’Uruguay, qui s’exprimait au nom du Marché commun du Sud (MERCOSUR), ou le Brésil, qui a pris la parole au nom des États membres de la zone de paix et de coopération de l’Atlantique Sud (ZPCAS), sans compter le Pérou, le Guatemala, la République dominicaine, le Honduras, le Panama ou encore le Mexique. 

Au nombre des soutiens de l’Argentine, figuraient aussi la Chine et la Fédération de Russie, qui s’est émue du déploiement par Londres sur les îles disputées de forces de sécurité « du Kosovo non reconnu », y voyant une provocation. Un point également soulevé par le Brésil et le Pérou, qui a noté que l’arrivée de ces troupes le 13 janvier constituait une violation de la résolution 31/49 de l’Assemblée générale. 

« L’implication dans le différend d’acteurs extérieurs à la région va également à l’encontre de la déclaration de l’Atlantique Sud en tant que zone de paix et de coopération », a rappelé M. Santiago Andrés Cafiero, le Ministre des affaires étrangères, du commerce international et du culte de l’Argentine, en fustigeant une militarisation disproportionnée et injustifiée. 

Il a rappelé que, pour les Argentins, les Îles Malvinas, les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et les zones maritimes environnantes « ont été, sont et seront argentines ».  Si l’engagement de l’Argentine à recouvrer l’exercice de sa souveraineté par des moyens pacifiques, en respectant le mode de vie des insulaires, est inscrit dans sa Constitution nationale, le Royaume-Uni se comporte en revanche comme si le différend n’existait pas et entendait mener une politique du fait accompli dans l’Atlantique Sud, s’est désolé le chef de la diplomatie argentine. 

Le dignitaire a ensuite fait savoir que le 2 mars, l’Argentine a présenté au Secrétaire d’État britannique un nouvel ordre du jour bilatéral sur l’Atlantique Sud qui propose d’établir un processus formel de négociation, transparent et de bonne foi, afin d’aborder les questions relatives à la reprise des négociations sur la souveraineté; la connectivité des Îles avec le continent argentin; les mesures pratiques pour garantir les intérêts et le mode de vie des habitants des Îles; la conservation des ressources naturelles; et la démilitarisation des zones faisant l’objet d’un différend. 

Le Ministre a également exprimé la volonté de l’Argentine de poursuivre les tâches humanitaires d’identification des anciens combattants.  Mais jusqu’à présent, le Gouvernement argentin n’a pas reçu de réponse favorable à la proposition présentée, a-t-il déploré. 

Deux pétitionnaires, MM. Gavin Short et John Birmingham, ont défendu aujourd’hui la souveraineté britannique sur les Îles Falkland (Malvinas), tandis que Mmes Clara Vernet et Maria Mercedes Moyano Walker ont déploré les entraves posées par les autorités britanniques aux habitants argentins. 

La prochaine séance publique du Comité spécial se tiendra jeudi 22 juin, à partir de 10 heures.  Elle sera consacrée à la situation à Porto Rico. 

QUESTION DES ÎLES FALKLAND (MALVINAS) (A/AC.109/2023/6, A/AC.109/2023/L.8)

Audition des pétitionnaires

M. GAVIN SHORT, pétitionnaire, se présentant comme représentant démocratiquement élu du Gouvernement des Îles Falkland, a déclaré que les Îles Falkland étaient un territoire d’outre-mer du Royaume-Uni par choix et a rappelé que la volonté de maintenir le statu quo a été clairement démontrée lors du référendum de mars 2013, lorsque 99,8% des votants se sont exprimés pour que cela reste ainsi.  Il a indiqué que le « pays » peut aujourd’hui se targuer d’une note de crédit A+. Son économie continue de croître et son taux d’inflation est tombé à un peu plus de 8%, s’est-il félicité. 

Rappelant que l’année dernière, il avait mis au défi la délégation argentine de prouver que sa famille avait été « transplantée », le pétitionnaire a renvoyé l’accusation de colonialisme au Gouvernement argentin, car selon leur Constitution, il ne peut y avoir qu’une seule issue à toute négociation, à savoir que nous, habitants des Îles Falkland, devenions des sujets argentins contre notre gré.  Fustigeant le manque de coopération du Gouvernement argentin, il a demandé au Comité « de soutenir notre droit à déterminer notre propre avenir ».

M. JOHN BIRMINGHAM, pétitionnaire, se présentant comme membre de la législature des Îles Falkland, a indiqué que les Îles Falkland ont célébré cette année le dixième anniversaire du référendum au cours duquel plus de 98% des votants ont exprimé leur désir de rester un territoire d’outre-mer du Royaume-Uni.  Il s’est dit convaincu que si un nouveau référendum était organisé aujourd’hui, le résultat serait le même.  Il a fait état d’une intensification de la rhétorique à l’approche des élections en Argentine.  Mais malgré cela, nous voulons toujours une relation de bon voisinage et d’égal à égal, a assuré l’intervenant qui a toutefois jugé profondément regrettable que l’Argentine refuse de coopérer sur la question de la surexploitation de l’océan Atlantique sud-ouest. 

M. CLARA VERNET, pétitionnaire, s’est présentée comme une citoyenne argentine qui réclame l’exercice souverain pour les Îles Malvinas, les Îles Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et les zones maritimes environnantes.  Elle a indiqué que ce 20 juin est une journée de commémoration du général argentin Manuel Belgrano, mort en 1820 sans savoir que son drapeau serait un jour en flammes dans les Îles Malvinas.  Elle a rappelé qu’en 1974, dans le cadre des négociations bilatérales, des propositions ont été échangées sur la possibilité d’une administration commune de ce territoire.  Or le drapeau argentin reste interdit aujourd’hui aux Malvinas, a-t-elle déploré, se disant privée du projet de pays pour lequel Manuel Belgrano a sacrifié de sa vie.  De fait, a-t-elle conclu, 190 ans après le début de l’occupation, l’heure est venue de reprendre les négociations. 

Mme MARIA MERCEDES MOYANO WALKER, pétitionnaire, a dénoncé les restrictions imposées par les autorités britanniques aux habitants se revendiquant comme argentins, notamment les restrictions en matière de nationalité.  Il a fallu attendre une résolution de l’Assemblée générale pour que le Gouvernement britannique accepte de reprendre les négociations, a poursuivi la pétitionnaire, rappelant que les discussions ont alors porté sur le bien-être des habitants.  Cela a débouché en 1971 sur un accord de communication et de mobilité, puis, en 1972 et 1974, sur un accord relatif aux services aériens et aux fournitures de pétrole.  Plus de 40 ans après le conflit de 1982, le Royaume-Uni continue d’ériger des obstacles aux habitants argentins des Malvinas, a-t-elle constaté, regrettant par exemple l’absence de vols réguliers avec l’Argentine.  Il est donc urgent, selon elle, que le Royaume-Uni reprenne les négociations pour trouver une issue pacifique à ce cas particulier de colonisation. 

Déclaration liminaire

M. SANTIAGO ANDRÉS CAFIERO, Ministre des affaires étrangères, du commerce international et du culte de l’Argentine, a rappelé que, pour les Argentins, les Îles Malvinas, les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et les zones maritimes environnantes « ont été, sont et seront argentines ».  Selon lui, les Îles auraient continué à se développer en tant que partie intégrante de l’État argentin naissant si, en 1833, par un acte de force contraire au droit international de l’époque, le Royaume-Uni n’avait pas occupé illégitimement les Îles Malvinas.  L’engagement de l’Argentine à recouvrer l’exercice de sa souveraineté par des moyens pacifiques, en respectant le mode de vie des habitants des Îles, est inscrit dans sa Constitution nationale, a-t-il poursuivi.  En revanche, le Royaume-Uni se comporte aujourd’hui comme si le différend n’existait pas et entend mener une politique du fait accompli dans l’Atlantique Sud. 

Le Ministre a notamment fustigé le refus persistant du Royaume-Uni d’accepter un vol direct entre le continent argentin et les Îles Malvinas, ainsi que l’annonce, en 2021 par le Gouvernement colonial britannique, de la prolongation des licences unilatérales de pêche dans les zones entourant les Îles Malvinas, pour vingt-cinq années supplémentaires à partir de 2031.  Un tel état de fait rend impossible le maintien d’un programme de coopération bilatérale en matière de conservation des ressources halieutiques, a-t-il déploré.  De même, Londres poursuit ses projets d’exploration et d’exploitation illégales des ressources en hydrocarbures dans la zone contestée. 

En outre, le Royaume-Uni a récemment porté sa présence militaire disproportionnée et injustifiée dans l’Atlantique Sud à un niveau supérieur avec le déploiement d’un contingent de la « Force de sécurité du Kosovo ».  L’implication dans le différend d’acteurs extérieurs à la région est contraire à la résolution 31/49 et va à l’encontre de la déclaration de l’Atlantique Sud en tant que zone de paix et de coopération, a-t-il souligné. 

Le dignitaire a ensuite fait savoir que le 2 mars, l’Argentine a présenté au Secrétaire d’État britannique un nouvel ordre du jour bilatéral sur l’Atlantique Sud qui propose d’établir un processus formel de négociation, transparent et de bonne foi, afin d’aborder les questions relatives à la reprise des négociations sur la souveraineté; la connectivité des Îles avec le continent argentin; les mesures pratiques pour garantir les intérêts et le mode de vie des habitants des Îles; la conservation des ressources naturelles; et la démilitarisation des zones faisant l’objet d’un différend.

Le Ministre a également exprimé la volonté de l’Argentine de poursuivre les tâches humanitaires d’identification des anciens combattants.  Jusqu’à présent, le Gouvernement argentin n’a pas reçu de réponse favorable à la proposition présentée, a-t-il déploré.  Il a ensuite fait part de l’engagement renouvelé de l’Argentine en faveur de la protection de l’environnement et de la biodiversité du milieu marin par le biais d’initiatives de recherche scientifique marine visant à mettre en place des pêcheries durables telles que la Pampa Azul, ainsi que le système des zones marines protégées. 

Débat général

M. YURI ARIEL GALA LÓPEZ (Cuba), s’exprimant au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a rappelé que les ministres des affaires étrangères de cette coalition ont réaffirmé, dans une déclaration adoptée le 23 septembre 2022, la nécessité pour les Gouvernements de l’Argentine et du Royaume-Uni de reprendre les négociations conformément à la Charte des Nations Unies et aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale afin de trouver, le plus rapidement possible, une solution pacifique au conflit de souveraineté sur les Îles Malvinas, les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et les zones maritimes environnantes. La déclaration, a précisé le délégué, réaffirme le principe de l’intégrité territoriale et souligne le droit de l’Argentine à intenter une action en justice contre les activités non autorisées de prospection et d’exploitation d’hydrocarbures dans la zone.  Le texte rappelle également la nécessité pour les deux parties de s’abstenir de prendre des décisions qui impliqueraient d’introduire des changements unilatéraux à la situation pendant que les Îles suivent le processus recommandé par l’Assemblée, a-t-il indiqué. 

S’exprimant ensuite en sa qualité nationale, le représentant de Cuba a exprimé son plein soutien aux droits légitimes de l’Argentine dans son conflit de souveraineté avec le Royaume-Uni.  Il a estimé que l’envoi d’une mission de visite du Comité spécial aux Îles Malvinas serait inadéquate, car il n’y a pas de peuple colonisé dans cette région.  Le représentant a indiqué que la tenue d’exercices militaires dans les Îles Malvinas va à l’encontre des aspirations pacifiques des pays de la région.  Le délégué a par ailleurs exprimé l’espoir que les bons offices du Secrétaire général contribueront à ramener les parties à la table des négociations.

S’exprimant au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), Mme NEDRA P. MIGUEL (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a demandé instamment aux Gouvernements de l’Argentine et du Royaume-Uni de s’engager à nouveau dans la reprise des négociations bilatérales sur le différend territorial des Îles Falkland (Malvinas), afin de parvenir à une solution pacifique, juste et durable. Elle a également appelé les deux gouvernements à s’abstenir d’apporter des modifications unilatérales à la situation des Îles, notant que de telles actions peuvent saper le processus de négociation et éroder la bonne volonté.  Après avoir reconnu les efforts déployés par l’Argentine et le Royaume-Uni ces dernières années pour trouver un terrain d’entente sur divers sujets de préoccupation, la déléguée a espéré que ces efforts serviront à encourager la volonté politique, à relancer un dialogue constructif et à créer une voie vers une solution définitive à ce différend de souveraineté qui dure depuis trop longtemps. 

Pour M. JOAQUÍN ALBERTO PÉREZ AYESTARÁN (Venezuela) a relevé que la question des Îles Malvinas est une question coloniale « spéciale et particulière », puisque fondée sur l’existence d’un conflit de souveraineté entre l’Argentine et le Royaume-Uni, et pour laquelle ni le principe d’autodétermination ni le déploiement de missions de visite ne s’appliquent.  Il s’est dit déterminé à continuer de soutenir activement tous les efforts internationaux qui, « tôt ou tard », permettront de déclarer l’indépendance des Îles Malvinas et de les libérer du colonialisme.

Mme CARMEN ROSA RIOS (Bolivie) a jugé urgent de reprendre le dialogue sur la base des principes consacrés par la Charte, le droit international et les résolutions pertinentes.  Elle a souhaité une solution pacifique et définitive au conflit de souveraineté entre Argentine et Royaume-Uni, et que les Îles Malvinas soient de nouveau sous l’autorité « du pays d’origine ».  Selon elle, une visite sur place du Comité spécial des Vingt-Quatre n’a pas lieu d’être, puisqu’il s’agit d’un territoire « occupé par la force et par la guerre ».  L’oratrice a par ailleurs dénoncé la volonté du Royaume-Uni d’y effectuer des essais militaires. 

S’exprimant à titre national, Mme PAULA NARVÁEZ OJEDA (Chili) a indiqué que son pays appuie le droit souverain de l’Argentine concernant les Îles Malvinas, les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et les zones maritimes environnantes.  Elle a jugé essentiel que les Gouvernements de l’Argentine et du Royaume-Uni reprennent des négociations dans l’objectif de trouver le plus rapidement possible une solution pacifique et définitive à ce conflit de souveraineté, conformément aux résolutions pertinentes des Nations Unies et d’autres instances multilatérales. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a rappelé que son pays a toujours prôné un règlement politico-diplomatique direct du différend de souveraineté sur l’archipel des Îles Falkland (Malvinas), ainsi que sur les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud, et ce, en tenant compte des résolutions de l’ONU.  Elle a salué « la position constructive » de Buenos Aires avant de dénoncer la « réticence obstinée » de Londres à engager un tel dialogue, ainsi que l’exploitation économique et la militarisation de ces îles et des eaux avoisinantes par les autorités britanniques.  Elle a ainsi pointé la décision du Royaume-Uni de déployer sur ces îles des forces de sécurité du Kosovo non reconnu, y voyant une provocation. 

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a soutenu les droits légitimes de souveraineté de l’Argentine sur les Îles Malvinas, les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et les zones maritimes environnantes.  Il a rejeté les tentatives d’application du principe d’autodétermination, incompatible avec l’intégrité territoriale de l’Argentine, ainsi que l’adoption de mesures unilatérales, alors que le processus recommandé par l’Assemblée générale est en cours. 

M. JOAQUIM JOSÉ COSTA CHAVES (Timor-Leste) a exhorté l’Argentine et le Royaume-Uni à poursuivre le dialogue pour trouver une solution pacifique et permanente au différend de souveraineté sur les Îles Malvinas, les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et les zones maritimes environnantes, conformément aux résolutions pertinentes de l’ONU. 

Mme KAREN JEAN BAIMARRO (Sierra Leone) a demandé au Comité de traiter chaque territoire en tenant compte des aspirations des habitants.  Elle a appelé à veiller à ce que les habitants des Îles Falkland (Malvinas) puissent déterminer librement leur avenir selon les principes d’autodétermination définis par la Charte des Nations Unies. Elle a appelé à un dialogue constructif, de manière que les habitants des Îles puissent s’exprimer librement. 

M. WALTON ALFONSO WEBSON (Antigua-et-Barbuda) s’est décrit comme un ami à la fois de l’Argentine et du Royaume-Uni.  Il a espéré une solution pacifique et définitive à ce différend, conformément aux résolutions pertinentes.  Regrettant que les discussions aient été interrompues voici quelques années, il a indiqué que son pays se tenait du côté du droit international et de la résolution 1514 de l’Assemblée générale (1960).

M. GENG SHUANG (Chine) a vu dans la question des Îles Malvinas un héritage du colonialisme.  Il a appuyé la souveraineté de l’Argentine et a appelé à régler les différends territoriaux par des négociations pacifiques, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies.  Il a par conséquent demandé au Royaume-Uni de s’abstenir d’initiatives qui pourraient accroître les tensions et l’a invité à répondre positivement aux demandes de l’Argentine afin de permettre une reprise du dialogue et d’arriver à une solution juste et durable. 

Mme ALIAA ALI (République arabe syrienne) a estimé que la seule façon de mettre un terme à ce différend territorial est de mener des négociations pacifiques.  Elle a appelé à respecter la souveraineté de l’Argentine sur les Îles Malvinas, les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et les zones maritimes environnantes.  Elle a fustigé le refus du Royaume-Uni de respecter les résolutions de l’Assemblée générale demandant une reprise des négociations.  Elle s’est d’autre part déclarée préoccupée par la présence militaire injustifiée du Royaume-Uni sur ces îles et par les exercices militaires qui y sont menés, en particulier le déploiement de la « Force de sécurité du Kosovo », et a exhorté Londres à y mettre un terme.

M. ARRMANATHA CHRISTIAWAN NASIR (Indonésie) a encouragé les Gouvernements de l’Argentine et du Royaume-Uni à reprendre le dialogue sur la questions des Îles Falkland (Malvinas), en tenant dûment compte des intérêts de la population des Îles, conformément aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale.  Il a dit apprécier l’approche adoptée par toutes les parties, y compris la communication continue maintenue entre le Comité, la population de l’archipel et les Gouvernements de l’Argentine et du Royaume-Uni. 

S’exprimant au nom du Marché commun du Sud (MERCOSUR), M. CARLOS AMORÍN (Uruguay) a réaffirmé son soutien aux droits légitimes de l’Argentine dans le conflit de souveraineté relatif à la question des Îles Malvinas, des Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et des zones maritimes environnantes.  Il a dénoncé l’adoption de mesures unilatérales, y compris l’exploitation des ressources naturelles, renouvelables et non renouvelables, dans la zone contestée.  Le représentant a aussi appelé le Secrétaire général à redoubler d’efforts dans le cadre de sa mission de bons offices pour appuyer le règlement du différend. 

S’exprimant ensuite en sa capacité nationale, le délégué de l’Uruguay a indiqué que la seule solution au différend territorial des Îles Malvinas est une négociation bilatérale entre les deux parties, en tenant compte des intérêts de la population des Îles, comme le prévoit la résolution 2065. 

Au nom des pays membres de la zone de paix et de coopération de l’Atlantique Sud (ZPCAS), Mme BRUNA MARA LISO GAGLIARDI (Brésil) a souhaité un règlement négocié du différend entre les deux parties et réaffirmé la nécessité de mettre un terme au colonialisme sous toutes ses formes.  Elle a dénoncé le renforcement de la présence militaire du Royaume-Uni dans la zone, en violation des résolutions de l’Assemblée générale, ainsi que l’exploitation unilatérale d’hydrocarbures par ce pays. 

À titre national, la déléguée brésilienne a réitéré son ferme soutien aux droits légitimes de l’Argentine sur les Îles Malvinas, les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et les zones maritimes environnantes.  Elle a relevé que le cas des Malvinas est une situation coloniale « spéciale et particulière »: s’agissant d’une « occupation illégale », le principe d’autodétermination des peuples ne s’y applique pas, a-t-elle soutenu.  Elle a instamment demandé au Royaume-Uni de mettre fin à ses actes unilatéraux d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles, et de s’abstenir de promouvoir des exercices militaires dans la zone.  Le déploiement de « forces tierces » dans la région des Malvinas en 2022 représente également un sujet de préoccupation.

Le Comité spécial a ensuite adopté par consensus le projet de résolution sur la question des Îles Falkland (Malvinas), l’occasion pour le Ministre des affaires étrangères, du commerce international et du culte de l’Argentine d’espérer trouver une solution le plus rapidement possible à ce conflit de souveraineté. 

Mme CARLA MARIA RODRÍGUEZ MANCIA (Guatemala) a relevé que l’Argentine ne revendique que des droits historiques sur son propre territoire, saluant sa ferme volonté de reprendre les négociations en vue de trouver une solution pacifique et définitive au différend.  Elle a rappelé que les Nations Unies, en reconnaissant la « spécificité et la particularité » de cette situation, ont expressément exclu la possibilité de chercher à appliquer le droit à l’autodétermination à la question des Îles Malvinas, des Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et des zones maritimes environnantes. 

M. LUIS UGARELLI (Pérou) a appelé à des négociations directes entre les parties, tout en indiquant que son pays continuera de défendre les droits souverains légitimes de l’Argentine sur les Îles Malvinas, les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et les zones maritimes environnantes.  Il a également jugé essentiel que le Secrétaire général poursuive ses bons offices afin d’assister les parties au litige.  Le délégué a cependant noté avec préoccupation le déploiement aux Îles Malvinas de la « Force de sécurité du Kosovo » depuis le 13 janvier dernier, en violations de la résolution 31/49 de l’Assemblée générale, et a exhorté les parties à respecter le principe d’une zone de paix et de coopération dans l’Atlantique Sud.  De même, il a invité les parties à s’abstenir d’adopter des décisions impliquant l’introduction de modifications unilatérales de la situation actuelle des Îles, parmi lesquelles l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles renouvelables et non renouvelables. 

M. JOSÉ ALFONSO BLANCO CONDE (République dominicaine) a réitéré le ferme appui de son pays aux droits souverains légitimes de l’Argentine sur les Îles Malvinas, les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et les zones maritimes environnantes.  Il a salué les efforts déployés par l’Argentine pour promouvoir une solution pacifique par la diplomatie, de même que les bons offices du Secrétaire général pour aider à la reprise des négociations.  Cet appui doit se traduire par des actions concrètes, telles que le respect des résolutions pertinentes de l’Assemblée générale et du Comité spécial, a-t-il plaidé, appelant notamment les parties à se conformer aux dispositions de la résolution 31/49, qui les exhorte à s’abstenir d’adopter des décisions entraînant l’introduction de changements unilatéraux dans la situation.  Il a enfin souligné la nécessité pour l’Argentine et le Royaume-Uni de reprendre, dès que possible, les négociations bilatérales en vue de trouver une solution rapide, pacifique, négociée et définitive à ce différend de souveraineté. 

Mme NOEMÍ RUTH ESPINOZA MADRID (Honduras) a exprimé sa solidarité avec l’Argentine dans son différend avec le Royaume-Uni sur la question des Îles Malvinas, des Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et des zones maritimes environnantes. Aussi a-t-elle demandé au Secrétaire général d’exercer ses bons offices et d’appeler les parties à reprendre le dialogue en vue de trouver une solution pacifique et définitive au conflit de souveraineté.  Le délégué a en outre réitéré l’importance de respecter la résolution 31/49 de l’Assemblée générale, qui exhorte les deux parties à s’abstenir de prendre des décisions qui impliqueraient l’introduction de modifications unilatérales de la situation.

Mme ZORAYA DEL CARMEN CANO FRANCO (Panama) a réitéré son ferme soutien aux revendications légitimes de l’Argentine concernant sa souveraineté sur les Îles Malvinas, les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et les zones maritimes environnantes.  Elle a souligné l’importance de la reprise du dialogue entre les deux parties, se félicitant de la volonté manifeste de l’Argentine d’y parvenir.  Ce n’est que par le dialogue et la négociation qu’il sera possible de mettre fin à la situation coloniale spéciale et particulière de la question des Îles Malvinas, en prenant notamment pour principe directeur le respect de l’intégrité territoriale, a-t-elle estimé.

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a estimé que l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur les effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos, rendu en 2019, contribue à orienter les débats dans la bonne direction concernant l’avenir des Îles Malvinas, des Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et des zones maritimes environnantes.  Elle s’est déclarée convaincue que ces dernières appartiennent à l’Argentine, compte tenu de la validité juridique et historique de ses droits souverains sur ces îles.

Mme LEONOR ZALABATA TORRES (Colombie) a exhorté les parties à reprendre les négociations dans le but de trouver, le plus rapidement possible, une solution pacifique, négociée et définitive au différend.  Elle a soutenu les efforts déployés par le Secrétaire général à cette fin, avant d’appeler au respect des dispositions de la résolution 31/49 (1976) exhortant les parties à s’abstenir de prendre des décisions impliquant des changements unilatéraux de la situation pendant que le processus recommandé par l’Assemblée générale est en cours. 

M. JOSÉ EDUARDO PEREIRA SOSA (Paraguay) a réaffirmé l’appui de son pays aux droits légitimes de l’Argentine dans le conflit de souveraineté concernant les Îles Malvinas, les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et les zones maritimes environnantes.  Il a plaidé pour la reprise de négociations directes en vue de déboucher sur une solution juste, pacifique définitive et mutuellement acceptable.  Il a également appelé à s’abstenir d’adopter des décisions entraînant l’introduction de modifications unilatérales à la situation des Îles.  Le représentant a encouragé le renforcement de la confiance entre les deux nations, saluant l’attitude constructive du Gouvernement argentin.

M. DUŠAN VUJAČIĆ (Serbie) a appelé les deux parties à poursuivre les négociations, y voyant la seule voie admissible vers une solution pacifique, juste et durable. De telles négociations exigent une compréhension mutuelle et un respect constant du droit international, y compris un engagement ferme envers le principe de souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les États, a-t-il souligné.

Mme SAYONARA JOALINE SARDINHA MUALUBAMBO (Angola) a encouragé l’Argentine et le Royaume-Uni à reprendre les négociations afin de parvenir dès que possible à une solution juste et durable concernant la souveraineté des Îles Malvinas.

M. TARCÍSIO BALTAZAR BUANAHAGI (Mozambique) a encouragé la reprise des négociations afin de parvenir dès que possible à une solution juste et mutuellement durable au différend.  Il a fait part de son plein appui à toute initiative de l’ONU visant à trouver une solution politique pacifique, durable et mutuellement acceptable à la question des Îles Falkland (Malvinas), des Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et des zones maritimes environnantes.

M. CARLOS EFRAÍN SEGURA ARAGÓN (El Salvador) a réitéré son plein soutien à la souveraineté de l’Argentine sur les Îles Malvinas, les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud et les zones maritimes environnantes et a regretté que ce différend n’ait toujours pas pu être résolu.  Le délégué a salué la volonté de l’Argentine de reprendre des discussions dans l’objectif de parvenir à un règlement.  Dans ce droit fil, il a appelé à la reprise des négociations, et a souligné l’importance de la mission de bons offices confiée au Secrétaire général.  Pour finir, il a dénoncé l’exploitation par le Royaume-Uni des ressources renouvelables et non renouvelables des Îles Malvinas ainsi que le déploiement sur l’île d’acteurs étrangers, en violation des résolutions pertinentes de l’Assemblée générale. 

Mme GAGLIARDI (Costa Rica) a demandé le plein respect de la résolution 41/11 (1986), qui exhorte tous les États à réduire et éliminer leur présence militaire dans la région de l’Atlantique Sud.  Elle a également insisté sur la validité de la résolution 37/9 demandant au Secrétaire général d’aider les Gouvernements de l’Argentine et du Royaume-Uni à reprendre les négociations.  Elle a aussi salué les efforts du Gouvernement argentin pour rétablir des vols réguliers entre l’Argentine continentale et les Îles Malvinas, afin de créer de nouvelles opportunités économiques, touristiques et de dialogue. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

République centrafricaine: le Conseil constate des progrès politiques mais s’inquiète des conséquences humanitaires et de sécurité du conflit au Soudan

9352e séance – matin
CS/15328

République centrafricaine: le Conseil constate des progrès politiques mais s’inquiète des conséquences humanitaires et de sécurité du conflit au Soudan

Le Conseil de sécurité a examiné, ce matin, la situation en République centrafricaine, alors que ce pays progresse dans la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine (APPR-RCA), signé à Bangui le 6 février 2019, mais est confronté à une insécurité croissante dans certaines régions frontalières et affecté par les conséquences du conflit au Soudan. Les membres africains du Conseil ont appelé celui-ci à lever les dernières contraintes imposées au Gouvernement en matière de livraisons d’armes.

La Représentante spéciale et Cheffe de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), Mme Valentine Rugwabiza, a, dans un premier temps, mis en avant les aspects positifs des derniers mois. Elle a ainsi salué l’organisation par le Gouvernement de la RCA, en mars dernier, d’une conférence sur le processus de décentralisation et de paix et la réactivation des mécanismes de mise en œuvre de l’APPR-RCA dans les différentes préfectures du pays.  Elle s’est aussi félicitée du désarmement, en avril, de deux nouveaux groupes armés signataires de l’Accord de Bangui, tout en soulignant l’importance pour les anciens membres de ces groupes armés d’intégrer le processus de désarmement, démobilisation et réintégration, récemment doté de 5 millions de dollars. 

Si les membres du Conseil se sont tous félicités de cette évolution, ils se sont en revanche montrés préoccupés, tout comme la Représentante spéciale, de la dégradation de la sécurité dans plusieurs régions frontalières, notamment avec le Tchad et le Soudan, en lien avec le conflit armé qui a éclaté à Khartoum en avril. Les implications tant humanitaires que sécuritaires de la crise au Soudan ont été mises en avant par plusieurs membres du Conseil, dont les A3, et par plusieurs voisins de la RCA ou acteurs régionaux venus en nombre participer à la séance. 

La Secrétaire d’État aux relations extérieures de l’Angola, Mme Esmeralda Mendonça, dont le pays a parrainé l’adoption, en septembre 2021, de la Feuille de route de Luanda, « mutualisée » avec l’Accord de Bangui, s’est ainsi dite préoccupée par l’augmentation des mouvements des groupes armés, le trafic d’armes et de munitions et la détérioration de la situation humanitaire due à l’afflux de réfugiés.  Le Commissaire de l’Union africaine chargé des affaires politiques, de la paix et de la sécurité́, M. Adeoye Bankole, a rappelé que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine s’était penché, la semaine dernière, sur ce sujet. 

Dans ce contexte, les représentants africains présents ont été unanimes à appuyer l’exigence du Gouvernement de la RCA de voir supprimées les dernières restrictions imposées par le Conseil de sécurité à ses achats d’armes dans le cadre de la résolution 2648 (2022) du 29 juillet 2022, qui renouvelait pour un an le régime de sanctions relatif à la RCA mais réduisait en fait l’embargo sur les armes à destination du Gouvernement à une obligation de notification d’importation. « Contributeur important aux forces multilatérales et bilatérales » présentes en RCA, le Rwanda a insisté sur la menace que représentent les défis sécuritaires pour les progrès durement acquis dans le processus de paix en RCA et estimé que la levée complète de cet embargo, « qui n’est plus nécessaire » constituerait « un puissant symbole de la force, de la solidarité et du soutien de la communauté internationale ».  Chine et Fédération de Russie ont appuyé la demande africaine. 

Au contraire, les États-Unis ont insisté sur l’importance du processus de notification actuel, rappelant que « l’embargo sur les armes n’empêche pas le Gouvernement de la RCA d’obtenir les armes nécessaires à la lutte contre les groupes armés » mais vise à empêcher que certaines armes se retrouvent aux mains de ces mêmes groupes.  À ces réticences s’est ajoutée la dénonciation par les États-Unis, le Royaume-Uni, la France ou l’Albanie, des activités « prédatrices » du groupe Wagner, accusé de déstabiliser le pays, d’en piller les richesses et de contribuer à l’aggravation des violations des droits humains.  Ce à quoi la Fédération de Russie a rétorqué que les « instructeurs russes » étaient présents dans le pays pour aider la RCA à renforcer son potentiel de défense, à la demande des autorités légitimes. 

La Ministre centrafricaine des affaires étrangères a d’ailleurs rappelé que « les partenaires bilatéraux que sont la Russie et le Rwanda » seraient les seuls impliqués dans la sécurisation du référendum constitutionnel annoncé le 30 mai par le Président Touadera, qui doit se tenir le 30 juillet et dans lequel, a-t-elle insisté, « la MINUSCA n’est pas et ne sera pas impliquée ».  Pour la RCA, le référendum doit permettre de « consolider les résultats chèrement acquis à travers une loi fondamentale solide » et est le fruit d’un processus « totalement distinct » des élections locales prévues le 16 juillet, qui « ne sont point annulées mais reportées à une date dont le chronogramme a été établi par l’agence nationale des élections ». 

L’initiative a été diversement appréciée au sein du Conseil.  Alors que la Suisse a vu dans le référendum un « outil de démocratie directe » qui lui est cher, le Royaume-Uni a estimé que la révision constitutionnelle, qui doit notamment permettre au chef de l’État de briguer un troisième mandat, risque d’anéantir des années de travail acharné pour renforcer le système démocratique du pays.  Le référendum inquiète également les États-Unis, par ailleurs déçus du report des élections locales, qui doivent être les premières depuis 1988.

En début de séance, la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, Mme Sima Sami Bahous, est venue dresser un état des lieux de la participation des femmes au processus de paix centrafricain, notant que dans ce pays comme dans de nombreux autres inscrits à l’ordre du jour du Conseil, ce ne sont pas les normes ou les plans qui manquent en la matière, mais que leur financement ou leur mise en œuvre font défaut.  Dans la perspective du référendum et des élections locales, Mme Bahous a souhaité une participation pleine, égale et significative des femmes centrafricaines, en particulier que les militantes puissent s’exprimer librement, que les candidates puissent se présenter aux élections sans risques et que les organisations de femmes disposent des ressources nécessaires. À sa suite, la Suisse a appelé le Gouvernement à mettre en œuvre la loi sur la parité, qui exige au minimum que 35% des postes politiques soient occupés par des femmes.  

LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE - S/2023/383; S/2023/442

Déclarations

Mme VALENTINE RUGWABIZA, Représentante spéciale du Secrétaire générale pour la République centrafricaine et Cheffe de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), a d’abord mis l’accent sur les points positifs du rapport du Secrétaire général en saluant l’organisation en mars de cette année par le Gouvernement de la République centrafricaine (RCA) d’une conférence sur le processus de décentralisation et de paix et la réactivation des mécanismes de mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine (APPR-RCA) dans les différentes préfectures du pays.  Le 8 avril, deux nouveaux groupes armés signataires de l’Accord ont été dissous, a annoncé la Représentante spéciale.  Des groupes résiduels doivent encore être désarmés pour qu’ils n’aient plus aucune incidence sur le processus, a-t-elle ajouté, avant de souligner l’importance pour les anciens membres de ces groupes armés d’intégrer le processus désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), qui vient d’être doté de 5 millions de dollars.  Elle a en outre informé du déblocage par le Fonds de la consolidation de la paix de 3 millions de dollars pour aider le pays à gérer le retour des réfugiés. 

Prenant note de l’annonce par le Président de la RCA de l’organisation d’un référendum constitutionnel prévu le 30 juillet 2023, Mme Rugwabiza a dit attendre l’annonce par l’Autorité nationale électorale des dates pour l’organisation des élections locales.  Ces scrutins sont importants dans le cadre de la décentralisation et de l’élargissement de l’espace politique.  Ils doivent être inclusifs, a insisté la Représentante spéciale, qui a appelé le Gouvernement et les parties prenantes au dialogue. 

S’agissant du rétablissement de l’autorité de l’État, la Cheffe de la MINUSCA s’est réjouie de la visite conjointe du Gouvernement et de la Mission dans les régions reculées contrôlées par les groupes armés, près des frontières avec le Soudan.  Elle a annoncé l’envoi d’aide humanitaire dans la région ainsi que la restauration de l’autorité de l’État.  Mme Rugwabiza a réitéré l’importance du programme de stabilisation de l’ONU en RCA mené par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) afin de mettre un terme au cercle infernal des conflits que connaît le pays.  Elle a attiré l’attention sur les efforts du Gouvernement, de l’ONU et des autres partenaires de développement pour aider à la restauration de l’autorité de l’État, le développement et le relèvement de la population locale. 

La Cheffe de la MINUSCA a également martelé la nécessité de renforcer les capacités des Forces armées centrafricaines (FACA) pour faire face à la situation sécuritaire préoccupante dans le pays, notamment aux frontières avec le Tchad, le Soudan et le Soudan du Sud.  À cet égard, elle a fait valoir que la Mission, qui doit faire preuve de mobilité et de flexibilité, a besoin de davantage de ressources pour jouer son rôle de prévention.  Elle a ajouté que le Gouvernement de la RCA devait aussi jouer un rôle d’envergure dans la gestion des frontières du pays, avant d’exhorter la RCA et les pays voisins à restaurer leur coopération bilatérale en la matière. Mme Rugwabiza a par ailleurs parlé des efforts de la MINUSCA pour juguler les menaces que posent les engins explosifs dans le pays.

Selon la Représentante spéciale, la situation humanitaire est tout aussi préoccupante, en raison du flux de migrants en provenance du Soudan.  Elle a donc encouragé de soutenir le plan d’intervention révisé pour la RCA, qui n’est financé qu’à hauteur de 28%.  Cette crise humanitaire est marquée par l’arrivée de dizaines de milliers de réfugiés du Soudan et du Tchad, ainsi que par le doublement des prix des denrées alimentaires, a-t-elle expliqué.  Elle a en outre salué les mesures prises par le Gouvernement pour éviter le défaut de paiement et a encouragé Bangui à améliorer le recouvrement de l’impôt. 

En matière de violations des droits humains, Mme Rugwabiza a assuré que la Mission travaille avec le Gouvernement dans ses enquêtes menées en toute transparence en vue de tenir des procès contre leurs auteurs.  Elle a annoncé l’arrestation de cinq personnes soupçonnées d’avoir tué un Casque bleu burundais.  Elle a en outre annoncé le rapatriement d’une unité de 60 éléments du contingent tanzanien après des allégations d’abus sexuels qu’auraient commis certains éléments de cette unité.  La Mission met tout en œuvre pour éviter la commission de tels abus et applique une politique de tolérance zéro face aux violences et abus sexuels, a insisté la Représentante spéciale, qui a encouragé les pays fournisseurs de contingents à former leurs unités à l’importance de cette question. 

Mme SIMA SAMI BAHOUS, Directrice exécutive d’ONU-Femmes, a souhaité se pencher sur la participation pleine, égale et significative des femmes en République centrafricaine à la veille du référendum constitutionnel et des premières élections locales depuis 1988.  Elle a rappelé que, depuis 2016, les femmes de la République centrafricaine bénéficient de la loi sur la parité et d’un quota de 35% dans tous les organes de décision. Cette loi restera en vigueur jusqu’en 2027, a-t-elle rappelé. 

Tout en qualifiant de remarquables, ces efforts qui doivent être applaudis et reconnus, Mme Bahous a, toutefois, relevé que, comme dans de nombreux autres pays à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, ce ne sont pas les normes ou les plans qui manquent, c’est leur mise en œuvre, leur application ou leur financement qui font défaut aux femmes.  Lors de la signature de l’accord de paix de 2019, les femmes n’étaient que 8 parmi les 78 délégués représentant les différentes parties, et seulement une parmi les 14 signataires, a rappelé la Directrice exécutive d’ONU-Femmes. Les 11 facilitateurs désignés par l’Union africaine étaient tous des hommes.  Et actuellement, il n’y a toujours aucune femme dans le mécanisme de suivi de la feuille de route de Luanda, a-t-elle déploré.  Les chiffres ne sont guère meilleurs dans les dialogues nationaux: lors du Forum de Bangui de 2015, les femmes représentaient 20% des 800 participants et, lors du dialogue républicain de 2022, 17% des 450 participants. 

Pour Mme Bahous, le seul exemple positif de la représentation des femmes est peut-être la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation (CVJRR), qui compte 5 femmes parmi ses 11 membres, dont la Présidente. Pourtant, deux ans après son lancement, la Commission ne dispose toujours pas des ressources financières nécessaires pour démarrer, a déploré la Directrice exécutive, regrettant qu’en outre, dans plusieurs des comités clefs traitant des questions de paix et de sécurité, comme le désarmement, la démobilisation et la réintégration, ou la réforme du secteur de la sécurité, la représentation des femmes reste marginale, voire inexistante.

Lors des élections de 2021, malgré la loi sur la parité, le pourcentage de femmes à l’Assemblée nationale n’a augmenté que modestement, passant de 8 à 12%, a également relevé Mme Bahous, pour qui les raisons de cette situation sont claires: sur plus de 1 500 candidats, seuls 15% étaient des femmes.  Les listes des partis ont été validées et acceptées bien qu’elles n’aient pas atteint le quota. 

Se basant sur une étude menée par ONU-Femmes l’année dernière, Mme Bahous a indiqué que 43% des candidates ont été victimes de violences physiques au cours de leur campagne, menacées par des groupes armés, voire kidnappées. 

Pire, des électrices se sont vu refuser l’entrée dans des centres de vote ou ont été refoulées parce qu’elles n’avaient pas de certificat de naissance.

Cependant, certains mécanismes ont fait la différence, a noté la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, qui a cité en exemple les lignes téléphoniques d’urgence et les salles de crise mises en place à travers tout le pays par les Nations Unies.  Grâce à une telle ligne d’urgence, une candidate menacée par des hommes armés a pu indiquer sa position aux Casques bleus de l’ONU et est aujourd’hui membre du Parlement, s’est-elle félicitée.  Tout en saluant la priorité accordée par les Nations Unies à la participation des femmes, Mme Bahous a reconnu que, dans l’ensemble, « nous ne respectons pas nos engagements ni les aspirations des femmes en République centrafricaine ».  Alors que la société civile du pays est dynamique, les femmes signalent que l’espace civique se referme sur elles, a-t-elle averti. 

C’est pourquoi, en prévision du référendum constitutionnel et des élections locales à venir, la Directrice exécutive d’ONU-Femmes a recommandé quatre conditions: que les militantes puissent s’exprimer librement, que les organisations de femmes disposent des ressources nécessaires pour instaurer la paix dans leurs communautés et apaiser les tensions, que les candidates puissent se présenter aux élections sans menaces ni harcèlement, et que les partenaires internationaux collaborent avec le Gouvernement et la société civile du pays pour faire en sorte que ces prochaines étapes contribuent à la paix et renforcent la stabilité.

M. ADEOYE BANKOLE, Commissaire chargé des affaires politiques, de la paix et de la sécurité́ de l’Union africaine (UA), a rappelé que le Conseil de paix et de sécurité de l’UA s’était penché, la semaine dernière, sur la situation en RCA, se déclarant gravement préoccupé par la détérioration de la situation sécuritaire, exacerbée par les débordements de conflits en provenance des pays voisins, notamment du Soudan, qui entraînaient une augmentation du trafic d’armes et l’exploitation des ressources minérales du pays.  Il a noté que la situation politique restait fragile et qu’un référendum constitutionnel était prévu le 30 juillet et a appelé toutes les parties prenantes transcender leurs différends pour parvenir à un consensus qui reflète les intérêts du peuple centrafricain.  Il a également souligné que les prochaines élections locales étaient essentielles pour consolider les acquis dans la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation (APPR-RCA). 

Saluant « la nouvelle dynamique entourant le processus de paix », le Commissaire s’est félicité du démantèlement réussi de plusieurs groupes armés signataires de la APPR-RCA en décembre 2022 et avril 2023, y voyant le témoignage des bonnes intentions du Gouvernement et de certains signataires de l’Accord. Il s’est aussi félicité des efforts pour la mise en commun de la feuille de route conjointe de Luanda et de l’Accord, qui a conduit à des réalisations importantes, notamment en ce qui concerne les questions transfrontalières et les commissions conjointes avec les pays voisins. 

Constatant toutefois que la situation humanitaire demeure désastreuse, le Commissaire de l’Union africaine a appelé la communauté internationale à continuer de fournir une assistance aux personnes dans le besoin.  Compte tenu de la situation sécuritaire tendue, il a jugé impératif de renforcer les Forces armées centrafricaines (FACA) et réitéré l’appel de l’UA à la levée complète de l’embargo sur les armes imposé à la République centrafricaine.

M. NGATONDANG ZALANG PHILAMYNE RHOSYNSexpert national en prévention des discours de haine susceptibles de conflits, Président et Fondateur de l’ONG AJEMADEC, République Centrafricaine, a voulu dénoncer la désinformation et rumeurs concernant la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA).  Il a salué au contraire cette « grande » Mission de l’ONU « qui a été vraiment au rendez-vous du retour de la paix, de la cohésion sociale et de la réconciliation des Centrafricains ». Il a insisté sur son importance pour la protection et la sauvegarde de la paix centrafricaine en construction dont plusieurs défis restent à relever.  L’actualité politique, sécuritaire et économique de Centrafrique, a-t-il argué, ne cessent d’encourager le peuple centrafricain à renouveler sa confiance particulière à la MINUSCA pour un nouveau mandant renforcé.

Par ma voix, a ainsi déclaré M. Rhosyns, « les Centrafricaines et Centrafricains, vulnérables et exposés encore à de hauts risques de violations des droits humains », demandent au Conseil de sécurité le renouvellement du mandat de la MINUSCA.  Cette demande, a-t-il témoigné, est un « cri du cœur » afin qu’il n’y ait plus de victimes gratuites des violations des droits humains causées habituellement par les groupes armés et/ou des hommes armés non identifiés sur toute l’étendue du territoire centrafricain, qu’il n’y ait plus la présence de tels groupes armés en Centrafrique, et que les projets à impact rapide de la MINUSCA soient réorientés dans le contexte de relance des activités agropastorales entrepreneuriales des jeunes portées par les agriculteurs, les éleveurs et les jeunes victimes des conflits armés récurrents en Centrafrique.  En conclusion, l’intervenant a souhaité que toutes les actions locales de lutte contre la désinformation et les discours de haine susceptibles de créer des conflits interreligieux et communautaires soient prises en compte par la stratégie de la MINUSCA, afin d’accélérer le processus de transformation des mentalités et des comportements de tous les Centrafricains. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a salué les progrès notables enregistrés en République centrafricaine ces derniers mois.  Grâce aux bons offices de la MINUSCA, la décentralisation du processus de paix s’est poursuivie et l’autorité de l’État s’est progressivement étendue.  Deux groupes armés supplémentaires ont déposé les armes, confirmant l’avancée du programme de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement, a-t-elle relevé. « Cette dynamique doit désormais se poursuivre avec d’autres groupes armés. »  La représentante a encouragé les autorités centrafricaines à poursuivre leurs efforts pour enraciner les progrès accomplis de manière durable.  L’Union africaine, la Communauté économique des États d’Afrique centrale, la Conférence internationale de la région des Grands Lacs et les pays de la région doivent rester des acteurs clefs pour relancer le processus de paix en République centrafricaine. 

La représentante a toutefois souligné que la situation dans ce pays demeure fragile.  Les groupes armés continuent de commettre des violences contre les populations civiles et les forces centrafricaines.  La situation humanitaire se détériore du fait de la crise au Soudan, qui a entraîné l’afflux de près de 15 000 réfugiés dans le nord-est du pays.  La France, a-t-elle précisé à cet égard, a mobilisé 41,3 millions d’euros pour faire face à la crise humanitaire en cours au Soudan et répondre à son impact dans les pays voisins.  Sur le plan politique, la représentante a pris note de la suspension temporaire de l’organisation des élections locales et de l’annonce de la tenue d’un référendum constitutionnel.  La France appelle à ce que ces scrutins puissent se tenir de manière inclusive, libre, transparente, crédible et pacifique pour que toutes les voix, y compris celles des jeunes et des femmes, puissent s’exprimer.  Enfin, la France reste très préoccupée par les violations des droits de l’homme par toutes les parties, et notamment par les membres du groupe Wagner, qui commettent des exactions contre les populations civiles.  Ces violations ne doivent pas rester impunies.  « La présence de Wagner répond à une logique de prédation des ressources naturelles du pays.  Elle n’a pas pour objectif de stabiliser durablement la République centrafricaine. » 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a mis l’accent sur le rôle des femmes centrafricaines, « piliers de la paix mais mises à l’écart », et salué l’appel de la présidence émirienne.  Rappelant que, pour que la paix s’installe et perdure, les femmes doivent être en première ligne dans tous les processus politiques, la représentante a demandé que le processus du prochain référendum constitutionnel, « outil de démocratie directe cher à la Suisse », fasse toute sa place aux femmes et que celui des élections locales à venir permette aux candidates de se présenter libres de toutes menaces et représailles.  Elle a en particulier appelé le Gouvernement à mettre en œuvre la loi sur la parité, qui exige au minimum que 35% des postes politiques soient occupés par des femmes. 

La représentante a aussi constaté la poursuite de l’action des groupes armés dans certaines régions, et parfois une augmentation des attaques contre la population civile, ainsi que les difficultés d’accès pour les acteurs humanitaires, toutes situations qui affectent particulièrement les femmes.  Tout en demandant aux autorités centrafricaines d’assurer la protection de la population civile, elle a salué les mesures du Gouvernement en faveur des quelque 13 000 réfugiés et retournés venus du Soudan.  Elle a par ailleurs demandé un renforcement de la lutte contre l’impunité, alors que les femmes victimes de violences sexuelles continuent d’être stigmatisées.  À ce titre, elle a regretté que la Cour pénale spéciale manque toujours de ressources et que la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation souffre toujours de lenteurs importantes. 

La représentante s’est également dite préoccupée par les graves allégations d’exploitation et d’abus sexuels qu’auraient commis certains Casques bleus de la MINUSCA, et a salué la politique de tolérance zéro du Secrétaire général et de sa Représentante spéciale. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), qui s’exprimait au nom des A3 (Ghana, Mozambique, Gabon), a salué la tenue de la première session ordinaire de l’Assemblée nationale du 1er mars au 31 mai 2023 et les efforts du Gouvernement dans la décentralisation du processus de paix, notamment par le biais de l’organisation d’une conférence impliquant tous les préfets et les acteurs locaux.  Notant que la sécurité de la RCA était interconnectée à celle des pays voisins, le représentant a affirmé qu’il était crucial d’entreprendre des actions coordonnées au niveau régional afin de lutter contre les groupes armés opérant dans les zones frontalières, encourageant notamment l’organisation d’opérations conjointes entre la RCA et le Tchad. 

Il s’est dit vivement préoccupé par l’utilisation d’armements de plus en plus sophistiqués par les groupes armés locaux et étrangers sur le territoire centrafricain, en dépit de l’embargo sur les armes qui leur est imposé. 

Le représentant a estimé que la protection des populations passait aussi par la traçabilité des minerais et la sécurisation des frontières afin d’assécher les sources de financement des groupes armés.  Il a salué les efforts de la RCA pour la reprise des exportations de diamants bruts dans le cadre du Processus de Kimberley et a invité la mission d’examen de ce processus à se rendre sur place afin d’évaluer la demande du Gouvernement d’étendre les zones conformes.  La levée des sanctions sur les zones proposées permettra d’améliorer les conditions de vie des artisans miniers et de leurs familles, a-t-il ajouté. 

Notant que la MINUSCA n’avait pas vocation à rester durablement en RCA, le représentant a réaffirmé la nécessité de renforcer les capacités opérationnelles des FACA pour qu’elles puissent, à terme, sécuriser leur territoire.  Dans le sillage du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine du 13 juin 2023, il a demandé la levée totale de l’embargo sur les armes imposée à la RCA.

Saluant le succès du programme de désarmement, démobilisation et réintégration, le représentant a rappelé que plus de 5 000 personnes avaient été démobilisées sur un objectif initial de 7 000 et que cinq groupes armés avaient été dissous au cours de la période concernée, portant à neuf le nombre total de groupes dissous dans le cadre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation (APPR-RCA).  Il a demandé l’appui financier de la communauté internationale pour continuer à mettre en œuvre le programme DDR.  Il a salué la décision du Gouvernement d’augmenter le budget du mécanisme national de contrôle judiciaire pour 2023 de 80% par rapport à 2022. 

Le représentant a relativisé la portée des violations des droits humains qui auraient été perpétrées par les acteurs étatiques, affirmant qu’elles consistaient principalement en détentions arbitraires et que la méthodologie utilisée pour ce recensement ne reflétait pas les efforts qualitatifs des autorités centrafricaines dans ce domaine.  Rappelant que la crise humanitaire en RCA touche 3,4 millions de personnes, soit 56% de la population, et qu’elle ne cesse de s’aggraver avec une recrudescence des violences contre les civils et l’afflux de réfugiés et de rapatriés en provenance du Soudan, il a estimé « plus qu’urgent » de soutenir le plan de réponse humanitaire qui n’est aujourd’hui financé qu’à hauteur de 28%. 

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a souligné l’importance de la stabilité en RCA non seulement pour le pays mais aussi pour les pays voisins.  Pour la représentante, le Gouvernement doit permettre l’existence d’un espace civique ouvert.  Elle a exhorté Bangui à mener des enquêtes sur les allégations d’abus et de violations des droits humains et sexuels.  Elle a aussi mis l’accent sur le programme désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) et salué le dialogue avec le Tchad.  La représentante a en outre souligné la nécessité du bon fonctionnement du système judiciaire national et par ailleurs exhorté la communauté internationale à aider la RCA à accueillir les réfugiés.  Préoccupée par les activités des groupes armés, notamment les enlèvements d’enfants, elle a demandé que soit financé le programme pour les femmes et la paix et la sécurité.  Enfin, elle a appelé à l’arrêt des violences sexuelles en RCA y compris les abus commis par des éléments de la Mission qui doivent être rapatriés dès que possible. 

M. DAI BING (Chine) s’est félicité des progrès réalisés dans le cadre du processus de paix en RCA, saluant les efforts consentis par Bangui afin de respecter ses engagements et de travailler au désarmement, à la démobilisation, à la réintégration et au rapatriement.  De fait, de nombreux groupes armés ont récemment annoncé leur intention de déposer les armes, a poursuivi le représentant, invitant ceux qui ne l’ayant pas encore fait à cesser les hostilités et à adhérer au processus de paix.  À cet égard, il a soutenu les efforts du Gouvernement pour maintenir la sécurité et protéger les civils, s’inquiétant que les groupes armés continuent de s’adonner à des activités violentes dans la région.  Rappelant l’attaque perpétrée à Bambari qui a coûté la vie à 11 citoyens chinois, le représentant a appelé à en poursuivre les auteurs.  À ce sujet, il a remercié la MINUSCA pour ses efforts visant à protéger les citoyens chinois sur le terrain.  Sur le front humanitaire et sécuritaire, il a estimé que la situation le long des frontières avec le Tchad, le Soudan et d’autres pays, méritent toute l’attention.  La MINUSCA, comme le prévoit son mandat, devrait aider les forces de sécurité à se déployer et à protéger les civils.  Pour finir, il a appelé le Conseil de sécurité à lever l’embargo sur les armes sans délai. 

M. GUSTAVO SÉNÉCHAL DE GOFFREDO JUNIOR (Brésil) a noté avec préoccupation le vide sécuritaire créé par le retrait de la force conjointe tripartite RCA-Tchad-Soudan de la zone frontalière et ses implications potentielles, notamment en ce qui concerne la protection des civils et la situation humanitaire déjà désastreuse.  Il a souligné ensuite le rôle clef joué par le programme de désarmement, démobilisation et réintégration dans la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation de 2019 et félicité les autorités centrafricaines pour les progrès accomplis dans la dissolution des groupes armés.  Puis le délégué a jugé crucial de renforcer la présence de l’autorité de l’État dans tout le pays et, ainsi, de faire respecter l’état de droit, en particulier à la lumière des rapports sur les violations des droits humains et du droit international humanitaire.  Enfin, s’agissant de la contribution des organisations régionales au processus de paix en RCA, il s’est dit encouragé de voir l’engagement renouvelé de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs en faveur de la mise en œuvre de la Feuille de route de septembre 2021. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a fait part de sa satisfaction face à l’évolution positive en RCA qui, grâce au soutien de partenaires, dont la Russie, ont permis au pays de surmonter la phase la plus difficile de la lutte contre ceux qui tentaient de renverser le pouvoir par la force des armes.

Cependant, a poursuivi le représentant, les menaces à la sécurité n’ont pas été complètement éliminées.  Il a mentionné les activités menées dans les zones frontalières avec le Tchad, le Soudan, le Cameroun et la République démocratique du Congo, qu’il a expliquées par la « porosité » des frontières, ainsi que par le manque de moyens financiers pour assurer le contrôle aux frontières.  Tout en encourageant la coordination de Bangui avec les pays voisins, il a dit avoir déjà constaté des progrès dans ce domaine, y compris sur le plan militaire.

Pour la Fédération de Russie, la situation actuelle nécessite la levée complète de l’embargo du Conseil de sécurité sur les armes imposé à la RCA, afin d’améliorer la capacité de combat des forces armées nationales et des forces de l’ordre.  Une telle approche répond pleinement aux intérêts d’un règlement et d’une réconciliation durables en RCA, a-t-il insisté.

Dans le même temps, M. Nebenzia a estimé que l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en RCA reste la base pour parvenir à la stabilité et à la sécurité dans le pays.  Il a exhorté à fournir toute l’assistance possible au pays par le biais des institutions financières internationales et de l’ONU, jugeant « inacceptable » de politiser l’aide des donateurs, puisque c’est principalement la population civile qui souffre de telles actions.

Pour sa part, la Russie continue d’aider la RCA à renforcer son potentiel de défense, a poursuivi le représentant.  Il a rappelé que des instructeurs russes travaillent avec succès dans le pays où, a-t-il insisté, ils ont été envoyés en réponse à la demande des autorités légitimes.  Il a rejeté la campagne visant à les discréditer et, d’une manière générale, les tentatives visant à attribuer la responsabilité des violations des droits humains aux Forces armées centrafricaines et à des partenaires bilatéraux, affirmant que ces accusations « faites sur mesure » n’étaient pas étayées par des faits fiables.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a souligné l’importance de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine et de la transparence des processus démocratiques.  Il a en revanche estimé que les projets de révision constitutionnelle du Président Touadera risquaient d’anéantir des années de travail acharné pour renforcer le système démocratique du pays, ajoutant que le référendum constitutionnel servait à détourner l’attention des principaux problèmes auxquels le pays était confronté, notamment des situations humanitaire, sécuritaire et économique désastreuses.  Il a notamment regretté que les projets de référendum aient retardé des élections locales importantes pour la restructuration démocratique et le processus de paix en RCA et appelé à leur tenue le plus rapidement possible.

Le représentant s’est dit préoccupé par le mépris croissant pour les droits humains en RCA, notant la mention dans le dernier rapport du Secrétaire général des violations perpétrées par des acteurs étatiques, y compris le groupe mercenaire russe Wagner.  « Comme dans d’autres contextes, Wagner continue de jouer un rôle déstabilisateur en RCA », a-t-il affirmé, appelant le Gouvernement centrafricain à contrôler les acteurs de la sécurité opérant dans le pays, à s’assurer qu’ils respectent le droit international humanitaire et des droits de l’homme, et à veiller à ce que tous les auteurs de violations soient traduits en justice. 

Le délégué s’est, enfin, inquiété des récentes allégations d’actes d’exploitation et d’abus sexuels commis par des membres du personnel de la MINUSCA, a appuyé les mesures prises par la Représentante spéciale pour rapatrier le contingent concerné et a demandé instamment une enquête approfondie sur toutes ces allégations.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a exhorté le Gouvernement à continuer de promouvoir le dialogue pour que le référendum constitutionnel se tienne dans un esprit civique et surtout dans une ambiance de paix, le 30 juillet prochain. Il a souligné l’importance du processus des élections locales pour réaliser la décentralisation.  Le représentant a notamment plaidé pour une meilleure participation des femmes à la politique nationale, dont 35% aux postes politiques. Sur le plan sécuritaire, il a noté que le contrôle du territoire est central, tant pour le renforcement de l’état de droit que pour les institutions et la décentralisation.  S’il a salué les progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation, il a néanmoins vu avec préoccupation l’augmentation de l’utilisation indiscriminée d’explosifs et de mines et appelé les pays voisins de la RCA à coopérer dans la lutte contre le trafic illégal d’armes et d’explosifs.  L’Équateur déplore en particulier la violence fondée sur le genre et l’utilisation de la violence sexuelle comme tactique de guerre, ainsi que les violations perpétrées contre des minorités ethniques et religieuses, et demande que des enquêtes soient menées sur ces violations. 

Mme SHINO MITSUKO (Japon), préoccupée par les allégations d’exploitation et d’abus sexuels commis par des Casques bleus de l’ONU, a prôné une enquête approfondie et la tolérance zéro.  Évoquant la poursuite des affrontements militaires avec les groupes armés, la représentante s’est inquiétée des informations faisant état de violences sexuelles, y compris comme tactique de guerre, ainsi que du recrutement d’enfants dans les conflits.  Elle a dénoncé les violations des droits humains et les abus commis par des groupes armés, des agents de l’État et d’autres personnels de sécurité.  Sur le plan politique, la représentante a souligné l’importance du dialogue inclusif et du processus de désarmement, démobilisation et réintégration pour parvenir à une paix durable dans le pays.  Pour lutter contre les activités des groupes armés et les flux illicites, elle a recommandé des contrôles frontaliers plus efficaces dans la région.  Enfin, la tenue d’élections locales crédibles, pacifiques et ouvertes à tous reste, à ses yeux, la clef de l’extension de l’autorité de l’État et de la promotion de l’état de droit dans les zones rurales, la MINUSCA jouant un rôle de soutien crucial à cet égard. 

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis), vivement préoccupé par les signalements d’exploitation et d’atteintes sexuelles dont se seraient rendus coupables des Casques bleus, a appuyé le rapatriement des unités concernées et le lancement d’une enquête, jugeant de tels comportements inacceptables.  Il s’est félicité des patrouilles conjointes MINUSCA-Forces armées centrafricaines et a salué la participation de la MINUSCA à l’organisation des prochaines élections locales.  A contrario, il s’est dit déçu du report des élections locales et préoccupé par la volonté du Gouvernement de modifier la Constitution et le nombre de mandats présidentiels possibles, ce qui risque selon lui de déstabiliser le pays. Concernant le régime de sanctions à l’encontre de la RCA, le délégué a insisté sur l’importance du processus de notification.  « L’embargo sur les armes n’empêche pas le Gouvernement de la RCA d’obtenir les armes nécessaires à la lutte contre les groupes armés », a-t-il martelé, ajoutant qu’il visait à empêcher que certaines armes se retrouvent aux mains de ces mêmes groupes.  Il a estimé qu’il n’y avait pas de solution militaire à la crise, regrettant que « certaines entités prédatrices » continuent de déstabiliser le pays, de menacer le processus de paix et de fouler aux pieds la souveraineté centrafricaine afin de continuer à exploiter la richesse du pays. Rappelant que le Groupe d’experts sur la RCA avait conclu que le groupe Wagner se livrait à des opérations militaires brutales et contrôlait de plus en plus de ressources naturelles, il a aussi affirmé qu’il entravait les enquêtes de la MINUSCA sur les violations des droits humains et qu’il se rendait coupable de telles violations. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est inquiétée de la situation humanitaire en RCA aggravée par le flux de réfugiés du Soudan.  Elle a dénoncé les menaces des groupes armés et souligné l’importance de la justice pour les victimes.  Des enquêtes doivent ainsi être menées sur les allégations d’abus sexuels, a demandé la déléguée.  Elle a en outre accusé le groupe Wagner de violations des droits humains et d’avoir occupé pendant une année les bureaux d’une société privée de diamants. S’agissant de la situation sécuritaire, elle a souligné l’importance du programme de désarmement, démobilisation et réintégration.  La déléguée s’est aussi dite préoccupée par l’organisation d’un référendum constitutionnel en juillet et par le report des élections locales.  Elle a demandé au Gouvernement de la RCA de dialoguer avec la société civile et les partis politiques.  Elle a aussi appelé les parties à s’abstenir des discours de haine qui pourraient envenimer la situation.  Enfin, la déléguée a salué les mesures prises par la MINUSCA contre les dernières allégations d’abus sexuels commis par certains de ses éléments. « Personne ne devrait échapper à la responsabilité de ces actes. »

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabe unis) a commencé par souligner la nécessité d’assurer la sécurité, la situation étant aujourd’hui très préoccupante, pour parvenir à une paix et une stabilité durables.  Il est dès lors indispensable de s’attaquer au problème des groupes armés pour soutenir les efforts politiques, a-t-il dit en réitérant l’importance d’un cessez-le-feu respecté par toutes les parties et d’un renforcement des mécanismes bilatéraux et multilatéraux avec les pays voisins, comme la récente opération conjointe avec le Tchad.  Ensuite, le délégué a relevé l’urgence de s’attaquer aux défis humanitaires, sachant que près des trois quarts de la population centrafricaine est confrontée à des contraintes considérables d’ordre économique et humanitaire.  Enfin, encouragé par la poursuite de la coopération constructive entre la République centrafricaine et la MINUSCA, il a appelé à en préserver les acquis.

Mme SYLVIE BAÏPO-TEMON, Ministre des affaires étrangères, de la Francophonie et des Centrafricains de l’étranger de la République centrafricaine, s’est dite satisfaite de la reconnaissance des efforts significatifs réalisés par le Gouvernement de son pays dans le dernier rapport du Secrétaire général, tout en déplorant « quelques imprécisions et incohérences ». 

Notant que l’État avait restauré son autorité sur 85% du territoire, la Ministre s’est félicitée de l’amélioration de la situation sécuritaire tout en reconnaissant qu’elle restait « imprévisible ».  Elle a dénoncé l’exploitation illicite des richesses du sous-sol centrafricain par des groupes armés disposant d’armes de plus en plus sophistiquées.  Déplorant que ces armes soient « acquises au vu et su de la communauté internationale et du Conseil de sécurité, qui peinent à s’attaquer aux réels problèmes centrafricains », elle a visé « la source d’approvisionnement » de ces armes, affirmant qu’elles n’étaient produites par aucun limitrophe de la RCA.  S’inquiétant du conflit au Soudan, elle a souligné qu’il favorisait l’activité des rebelles en RCA.  Elle a rappelé l’action conjointe menée récemment avec le Tchad pour dissoudre un mouvement armé voulant utiliser la RCA comme base arrière pour déstabiliser son voisin tchadien.

Sur le plan politique, la Ministre s’est félicitée du fait que le Comité de suivi du dialogue républicain était désormais opérationnel.  Elle a également rappelé que le programme de désarmement, démobilisation et réintégration enregistrait des progrès significatifs, neuf groupes signataires de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation ayant été désarmés et démobilisés, conformément à leur engagement.  Abordant la question des droits humains, elle a affirmé que les auteurs présumés de violations étaient poursuivis devant le tribunal militaire. 

La Ministre a expliqué que les élections locales prévues pour juillet 2023 aveint été reportées à septembre du fait d’un manque de financement de plus de 14 millions de dollars.  Elle a également affirmé que le référendum du 30 juillet prochain visait à « consolider les résultats chèrement acquis à travers une loi fondamentale solide ». Elle a en outre fait observer que ce processus référendaire était « totalement distinct » des élections locales, lesquelles « ne sont point annulées mais reportées à une date dont le chronogramme a été établi par l’agence nationale des élections ». La Ministre a rappelé que le processus est « porté par l’État centrafricain et sa sécurisation assurée par les Forces armées centrafricaines avec l’appui de ces partenaires bilatéraux que sont la Russie et le Rwanda », en insistant sur le fait que « la MINUSCA n’est point impliquée et ne sera pas impliquée dans ce processus ».

Affirmant que le Gouvernement restait attaché à la lutte contre l’impunité face aux violations des droits humains et aux crimes sexuels, la Ministre a indiqué que le renforcement des juridictions était achevé, que 66 mandats d’arrêt avaient été lancés par la Cour pénale spéciale et que les premières décisions judiciaires concernant la réparation des victimes avaient été prononcées. Elle a sollicité une meilleure coordination et collaboration de la part de la MINUSCA lors des missions d’enquêtes des experts, notamment dans les cas des violations des droits humains, ajoutant que le Gouvernement « apprécierait d’être informé » des enquêtes menées lors des allégations de violations de droits humains et de violations sexuelles commis par du personnel de la MINUSCA.  Elle a dénoncé « les allégations mensongères subies par le contingent gabonais », dont le retrait sans solution transitoire a porté préjudice à la population, attaquée après son départ. 

S’inquiétant d’une situation humanitaire alarmante du fait de la baisse conséquente de la mobilisation en faveur de la RCA, la Ministre a appelé la communauté internationale à se mobiliser.  Elle a réitéré la nécessité de doter la MINUSCA d’un mandat robuste et de lui allouer les capacités nécessaires pour faire face aux groupes armés. 

En conclusion, la Ministre a dénoncé « la persistance de sanctions injustes et improductives » concernant l’embargo sur les armes imposées aux FACA ainsi que le « verrou politique » placé dans le cadre du Processus de Kimberley à la demande d’extension de zones devenues conformes.  « Le premier devoir d’un État souverain est d’assurer la sécurité de sa population, un droit dont la RCA ne peut pleinement bénéficier à cause des sanctions injustes qui lui sont infligées », a-t-elle martelé. Elle a exhorté les pays amis et frères, à soutenir son plaidoyer en faveur de la levée totale et définitive de l’embargo sur les armes. 

Mme ESMERALDA MENDONÇA, Secrétaire d’État aux relations extérieures de l’Angola, a rappelé l’adoption, en septembre 2021, de la feuille de route de Luanda, dont la mise en œuvre par les autorités centrafricaines a créé un climat d’accalmie en RCA.  Elle a encouragé le Gouvernement centrafricain et les parties prenantes à redoubler d’efforts dans ce processus national, notamment en accélérant les réformes du secteur de la sécurité.  Mme Mendonça a dit être préoccupée par les implications de la crise au Soudan pour la stabilité en RCA, notamment l’augmentation des mouvements des groupes armés, le trafic d’armes et de munitions et la détérioration de la situation humanitaire due à l’afflux de réfugiés.  Tout cela fait peser de graves risques sur le processus de paix en cours dans le pays, a-t-elle estimé. 

La Secrétaire d’État a ensuite plaidé pour la levée totale de l’embargo sur les armes contre la RCA, en vigueur depuis 2013.  La résolution 2648 (2022) qui modifie les exceptions à l’embargo sur les armes contre la RCA ne contribue pas à la lutte contre la prolifération et l’approvisionnement illicites en armes des groupes armés, elle menace au contraire le processus de paix et la stabilité en RCA, a-t-elle affirmé. La levée totale de l’embargo sur les armes imposé à la RCA permettra aux forces de défense et de sécurité de s’équiper et de s’acquitter de leur mandat constitutionnel de défense et de protection du pays et de ses citoyens, a-t-elle plaidé. 

M. CLAVER GATETE (Rwanda) s’est réjoui du processus de paix en cours et des efforts d’édification de la nation centrafricaine, qui sont empreints d’optimisme.  Le Rwanda apprécie sincèrement les précieuses contributions de la MINUSCA et toutes les parties prenantes impliquées, y compris le Gouvernement de la RCA, les forces armées nationales, les forces bilatérales, les organisations régionales et les partenaires du développement, a-t-il ajouté.

Dans le même temps, le représentant s’est inquiété des récents rapports sur des groupes armés qui prennent pour cible des postes isolés de la défense nationale et tendent des embuscades aux patrouilles de maintien de la paix.  Plus inquiétant encore à ses yeux demeure le marché actif de matériel de guerre dans la région, alors que le Gouvernement de Bangui lutte contre les contraintes imposées par l’embargo en cours sur les armes.

Le représentant a insisté sur le fait que les défis sécuritaires constituent une menace importante pour les progrès durement acquis dans la mise en œuvre de la feuille de route pour la paix et les initiatives de consolidation de la paix.  Pour le Rwanda, il est donc essentiel de lever l’embargo sur les armes imposé au Gouvernement de la République centrafricaine pour lui permettre d’affirmer son autorité dans l’ensemble du pays. 

En tant que contributeur important aux forces multilatérales et bilatérales présentes en République centrafricaine, le Rwanda maintient que les conditions qui ont justifié l’embargo sur les armes ne s’appliquent plus. Pour le représentant, la levée complète de l’embargo constituerait un puissant symbole de la force, de la solidarité et du soutien de la communauté internationale.  Cet embargo n’est plus nécessaire, a-t-il répété en conclusion.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a concentré son intervention sur « l’impérieuse nécessité pour ce Conseil de sécurité de proclamer la levée de l’embargo sur les armes qui pèse sur la République centrafricaine depuis 2013 ».  C’est la position de l’Union africaine, une organisation régionale de 54 pays membres, dont 53 font partie des membres des Nations Unies, a-t-il tenu à rappeler.  Il est temps, a-t-il insisté, que le Conseil écoute ces voix et lève cet embargo afin que les forces armées de ce pays frère puissent se défendre contre des attaques aveugles menées avec des armes de plus en plus sophistiquées. 

Il est évident, a déploré le délégué, que l’embargo n’affecte pas les groupes armés en contact avec les trafiquants et les gangs criminels qui leur fournissent des explosifs et des drones.

M. LANDRY SIBOMANA (Burundi) s’est dit fortement préoccupé par la montée en puissance des groupes armés ainsi que la présence accrue à leurs côtés de mercenaires et criminels étrangers, citant les 6 000 éléments de groupes rebelles tchadiens, ainsi que les milices janjaouid du Darfour et les Misriya du Soudan.  Dans cette optique, le représentant a vivement dénoncé les actes terroristes perpétrés par la Coalition des patriotes pour le changement qui, dans l’application de ses nouveaux modes opératoires, commet des violations graves de plusieurs principes du droit international humanitaire.

Le Burundi, qui dispose d’un bataillon militaire sur place, dénonce fermement la recrudescence des attaques contre les forces onusiennes de maintien de la paix, les positions des Forces de défense et de sécurité centrafricaines, ainsi que les attaques indiscriminées contre la population civile et les acteurs humanitaires.  Sur ce dernier point, le représentant a plaidé en faveur d’un soutien financier au Plan de réponse humanitaire en République centrafricaine, lancé en février 2023, particulièrement en ce qui concerne l’appui direct aux réfugiés et aux communautés locales d’accueil.

Par ailleurs, le représentant s’est réjoui des progrès accomplis par les autorités centrafricaines dans la mise en œuvre des objectifs de référence énoncés dans la déclaration présidentielle en date du 9 avril 2019.  Il a salué, à cet égard, les mesures et initiatives prises par le Gouvernement centrafricain pour renforcer le système de gestion d’armes et de munitions, l’opérationnalité de la Commission nationale sur les armes légères et de petit calibre, la réforme du secteur de sécurité, ainsi que le succès du processus de désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration, qui a contribué à la démobilisation de 5 000 individus tout en réduisant de six mois le délai de réintégration.

Pour le Burundi, il est important de permettre aux Centrafricains de prendre pleinement leur destin en main, en les autorisant à renforcer souverainement les capacités de leurs forces de l’ordre.  Le représentant a donc demandé la « levée totale, directe et sans condition du régime d’embargo », y compris l’obligation de notification sur les armes, régime « imposé injustement » à la République centrafricaine. 

M. GEORGES NZONGOLA-NTALAJA (République démocratique du Congo) a salué les progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation et de la Feuille de route de Luanda, tout en estimant que la poursuite de cet élan nécessiterait un renforcement du processus de désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration (DDRR).  Il s’est également félicité des progrès de la RCA en matière de gestion des armes et des munitions, ainsi que de la réactivation de plusieurs commissions mixtes bilatérales entre la RCA et ses voisins. Le représentant a toutefois noté la montée en puissance de certains « groupes armés réfractaires », ainsi que des répercussions de la crise au Soudan, en particulier l’afflux de réfugiés et les mouvements de combattants armés, qui exacerbent les tensions humanitaires. 

Le représentant a appelé à un soutien plus accru en faveur des efforts nationaux de paix et de coopération et a plaidé pour le financement du processus de DDRR et du plan de réponse humanitaire de la RCA.  Il a ensuite appelé le Conseil de sécurité à prendre en compte les recommandations tant du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine que de la dernière session ordinaire de la conférence des chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, qui lui ont demandé de « lever totalement l’obligation de notification sur les armes » établi par la résolution 2648 (2022). 

M. LAZARE MAKAYAT SAFOUESSE (République du Congo) a fait observer que la RCA reste confrontée à des défis qui constituent autant d’urgences et témoignent de sa difficulté à construire des échelles de priorité, eu égard notamment aux chocs économiques.  Cette situation dont les répercussions sont durement ressenties dans la sous-région interpelle au plus haut point, surtout avec l’exacerbation du conflit soudanais, et l’activisme des forces négatives au Togo, dont la motivation principale reste, selon lui, la prédation.  Sur le plan régional, le représentant s’est dit convaincu que le développement intégral des pays de la sous-région ne peut se réaliser que dans un contexte général et durable de paix et de sécurité.  C’est pourquoi il a encouragé les efforts de la communauté internationale visant à promouvoir les mesures de confiance prises aux niveaux régional et sous-régional.

Le représentant a averti que « tous les efforts de la communauté internationale, tant à l’ONU qu’à travers la MINUSCA et d’autres partenaires, resteront vains s’ils n’accompagnent pas ceux du Gouvernement centrafricain, qui s’engage avec détermination à instaurer une paix durable et définitive ».  Témoin de l’évolution de la situation sociopolitique et sécuritaire en RCA, en particulier les progrès accomplis dans le cadre de la mise en œuvre du processus de paix, du processus de mutualisation de la feuille de route conjointe de Luanda et de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en RCA, le représentant a salué l’engagement de ce pays à construire une paix durable. C’est pourquoi la République du Congo réitère son appel en faveur de la levée complète de l’embargo sur les armes qui pèse sur la RCA, avec annulation de l’obligation de notification.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Conférence sur la biodiversité marine adopte le texte d’un traité sur la protection de la biodiversité au-delà des zones de juridiction nationale, « une avancée monumentale »

Nouvelle reprise de la cinquième session,
71e & 72e séances plénières – matin & après-midi
MER/2181

La Conférence sur la biodiversité marine adopte le texte d’un traité sur la protection de la biodiversité au-delà des zones de juridiction nationale, « une avancée monumentale »

La Conférence intergouvernementale chargée d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, plus connue sous l’acronyme anglais « BBNJ », a adopté aujourd’hui, sous un tonnerre d’applaudissements, le texte d’un accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. 

Ce texte avait été approuvé le 3 mars dernier, au terme d’une cinquième session de travail de la Conférence, qui avait été entamée en août 2022 et reprise le 20 février dernier pour s’achever par un ultime marathon de 36 heures de discussions. Ces cinq cycles de négociations, très ardues et techniques, se sont étalés sur plus d’une décennie. 

La satisfaction était ainsi palpable, comme l’a d’ailleurs relevé en début de séance la Présidente singapourienne de la Conférence, Mme Rena Lee, avant de saluer la persévérance des délégations.  « Nous sommes arrivés à bon port », a-t-elle dit.  Avant l’adoption du texte, la Présidente a clarifié le libellé de son article 18 relatif à sa zone d’application, en rappelant que la Conférence des Parties peut considérer, mais sans pour autant trancher, les propositions de création d’outils de gestion par zone, y compris d’aires marines protégées.

Elle a également expliqué que les parties sont d’avis que les études d’impact sur l’environnement doivent être menées par l’État.  Afin de promouvoir la transparence, a-t-elle ajouté, il existe des dispositions qui permettent à une autre partie de faire connaître son point de vue au sujet de l’impact d’une activité prévue et à l’Organisme scientifique et technique de formuler des recommandations non contraignantes. 

« Historique », « monumentale », « force du multilatéralisme » ont été quelques-unes des expressions employées pour qualifier l’avancée que constitue l’adoption de ce texte.  Cet accord est essentiel pour assurer la durabilité des zones non couvertes par la juridiction nationale, soit plus des deux tiers des océans, a déclaré le Secrétaire général de l’ONU.  « Après deux décennies d’élaboration, l’adoption de cet accord démontre la force du multilatéralisme et l’importance de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. »

Les États Membres démontrent que les menaces mondiales méritent une action mondiale, a-t-il commenté, tout en prévenant les délégations: « Votre travail n’est pas encore terminé. »  Le Secrétaire général a ainsi appelé les États Membres à agir sans délai pour signer et ratifier cet accord.  « Nous avons rompu le statu quo », s’est félicité le Prince Albert II de Monaco, tandis que le Président de l’Assemblée générale a estimé que ce texte, « avancée monumentale », jette les bases d’une meilleure gestion des océans.

« Ce texte permet d’éviter que les pays en développement n’aient à endosser un fardeau trop lourd et revêt un caractère équitable », a appuyé le Ministre des affaires étrangères des Maldives.  Les délégations, telles que le Botswana, au nom des pays enclavés, ont été nombreuses à saluer la consécration par ce texte du principe du patrimoine commun de l’humanité. Les Palaos, au nom des petits États insulaires en développement (PEID) du Pacifique, se sont félicitées de la mention faite des connaissances des peuples autochtones, tandis que Singapour a souligné le rôle des femmes dans la conclusion du traité.

Certaines délégations n’ont néanmoins pas fait mystère des difficultés rencontrées lors des négociations, à l’instar de Cuba, qui, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a parlé de la « pression immense » et des « positions dures » de ses partenaires.  « Ce texte est loin d’être parfait », a reconnu la Barbade, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM).  Une note franchement dissonante est venue du délégué de la Fédération de Russie qui a estimé que ce texte n’apporte pas de « réponses sensées ». 

« Le texte ne comprend pas de garde-fou pour éviter la politisation des aires marines protégées », a tranché le délégué russe.  Il a aussi déploré le fait qu’un équilibre n’ait pas été trouvé entre la préservation et l’exploitation des ressources des océans.  C’est pourquoi nous nous dissocions du consensus, a dit le délégué, en jugeant que cet accord « inacceptable » sape la Convention sur le droit de la mer.

À l’ouverture de la réunion, le Coordonnateur du Groupe de travail informel à composition non limitée a expliqué le travail accompli pour assurer la cohérence de la terminologie utilisée dans le texte, ainsi que pour harmoniser les versions dans les six langues officielles de l’ONU.  L’accord comprend quatre parties principales intitulées « Ressources génétiques marines et partage juste et équitable des avantages »; « Mesures telles que les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées »; « Évaluations d’impacts sur l’environnement »; et « Renforcement des capacités et transfert de technologies marines ». 

Les intervenants ont été unanimes pour saluer le brio avec lequel la Présidente a dirigé les négociations.  Enfin, certaines délégations avaient déjà en tête d’autres avancées pour sauver les océans. La délégation des Fidji, au nom du Forum des îles du Pacifique, a ainsi invité les États Membres à se pencher de toute urgence sur un instrument international juridiquement contraignant concernant la pollution plastique, y compris en milieu marin.

La Conférence intergouvernementale poursuivra son débat demain, mardi 20 juin à 10 heures, pour conclure ces deux journées de réunions dédiées à l’adoption de l’accord. 

DÉCLARATIONS D’OUVERTURE

M. CSABA KŐRÖSI, Président de l’Assemblée générale, a dit que cet accord est une avancée monumentale.  Ensemble, vous avez trouvé une solution transformatrice et jeté les bases d’une meilleure gestion des océans, a salué le Président, en soulignant le pouvoir du multilatéralisme.  « Continuons d’œuvrer pour protéger nos océans. »

« Les océans sont les forces vives de notre planète », a déclaré M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, en soulignant que l’adoption du projet d’accord permet d’insuffler vie et espoir, à un moment critique où les océans sont menacés sur plusieurs fronts: les changements climatiques réchauffent notre planète, perturbent les conditions météorologiques et les courants océaniques, et altèrent les écosystèmes marins et les espèces qui y vivent.  Ajoutant que les températures de surface de la mer dans l’Atlantique Nord ont récemment augmenté si haut qu’il a fallu en redessiner les instruments de mesure, ou encore que la biodiversité marine est menacée par la surpêche, la surexploitation et l’acidification des océans -cela dans des proportions inédites-, le Secrétaire général a rappelé en outre que nous polluons nos eaux côtières avec des produits chimiques, des plastiques et des déchets humains. 

M. Guterres a salué cette « avancée historique », la jugeant essentielle pour faire face à ces menaces et assurer la durabilité des zones non couvertes par la juridiction nationale, soit plus des deux tiers des océans.  Il a conclu qu’après deux décennies d’élaboration, « l’adoption de cet accord démontre la force du multilatéralisme » et l’importance de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Les États Membres démontrent que les menaces mondiales méritent une action mondiale, a-t-il commenté, tout en prévenant les délégations: « Votre travail n’est pas encore terminé. »  Le Secrétaire général a ainsi appelé les États Membres à agir sans délai pour signer et ratifier cet accord dans les meilleurs délais. Il a enfin salué les contributions de la société civile dans son élaboration et s’est dit prêt à continuer à travailler avec toutes les parties prenantes pour garantir des océans plus sains, plus résilients et plus productifs, cela au profit des générations actuelles et futures. « Encore une fois, félicitations pour cette réalisation historique! » 

EXAMEN ET ADOPTION DES DOCUMENTS DE LA CONFÉRENCE, DONT SON RAPPORT À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Adoption de l’accord et explications de position (A/CONF.232/2023/L.3)

Après l’adoption de l’accord, la Fédération de Russie a déclaré que des réponses sensées n’ont pas été apportées par ce texte.  S’agissant de la création d’aires marines protégées, il a rappelé que le système de financement prévu n’est pas suffisant.  Les sommes réelles à débourser seraient astronomiques selon lui. Il a ajouté que le texte ne comprend pas de garde-fou pour éviter la politisation de ces aires marines protégées. Il a aussi déploré le fait qu’un équilibre n’ait pas été trouvé entre la préservation et l’exploitation des ressources des océans.  « Les incohérences sont nombreuses. »  C’est pourquoi nous nous dissocions du consensus, a dit le délégué, en expliquant que son pays n’a pas voulu demander un vote par respect pour les pays en développement.  Enfin, il a déclaré que cet accord « inacceptable » sape notamment la Convention sur le droit de la mer.

Le Venezuela a souligné que les zones maritimes que protégera l’accord une fois entré en vigueur ont été pendant longtemps menacées par des « aventures politiques et prédatrices malheureuses », allant jusqu’à mettre en péril la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) par les pays du Sud.  Il a formé le souhait que l’accord permette de remédier à ces menaces tout en prenant en compte les besoins réels des pays en développement.  Nous espérons que le régime qu’instaurera l’accord permettra à tous de bénéficier du potentiel des ressources marines aux fins du développement durable, a-t-il expliqué.  Le représentant vénézuélien a rappelé que si son pays s’est rallié au consensus, cela ne doit pas être interprété comme un changement par rapport à sa position traditionnelle à l’égard de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, à laquelle le Venezuela n’est pas partie.  Il a expliqué que cette position autorise son pays à ne pas reconnaître la totalité de l’architecture du nouvel instrument. 

DÉBAT GÉNÉRAL

Le Prince ALBERT II de Monaco a salué cette adoption historique et rendu hommage au travail exceptionnel de la Présidente.  C’est une réussite du multilatéralisme, a-t-il dit, en saluant notamment l’esprit de compromis des délégations et en se félicitant de cette arrivée à bon port après l’engagement pris en 2012 à la Conférence Rio+20 (la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, intitulée « L’avenir que nous voulons »).  Le Prince a estimé que la Convention sur le droit de la mer se trouve renforcée par ce texte.  Nous rompons le statu quo avec cet accord, a-t-il dit, en appelant à sa mise en œuvre le plus rapidement possible.

M. VIVIAN BALAKRISHNAN, Ministre des affaires étrangères de Singapour, a salué la conclusion d’un accord « historique » rendu possible par l’engagement politique de chacun afin de trouver des solutions politiques.  Il a notamment reconnu le rôle des femmes dans la conclusion de ce traité et dans la diplomatie en général.  Il s’agit selon lui d’un « grand pas pour le droit international » permettant d’établir un cadre juridique englobant l’ensemble des activités humaines pratiquées sur les mers et les océans.  Cet accord renforce à ses yeux le cadre juridique global que procure la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et réaffirme l’état de droit pour la gouvernance des océans.  L’adoption de cet accord constitue en outre une victoire pour la gestion du bien commun que constituent les océans, du cycle de l’eau aux accords commerciaux mondiaux, et « change la donne » en ce qui concerne l’utilisation durable de la biodiversité marine.  Pour le Ministre, la conclusion d’un tel traité représente une victoire pour le multilatéralisme et les Nations Unies elles-mêmes.  « Parvenus à ce moment critique, notre travail n’est pas terminé », a poursuivi le Ministre: la communauté internationale doit maintenant aspirer à une participation universelle et à une mise en œuvre efficace de l’accord. 

À son tour, M. ALBERTO VAN KLAVEREN, Ministre des affaires étrangères du Chili, a salué une avancée majeure en matière de protection et de conservation marines, l’accord étant « équilibré et orienté vers l’avenir de tous ».  Il a jugé urgent pour l’humanité de le mettre en œuvre rapidement, signalant que son pays s’était engagé à le signer et le ratifier dans les meilleurs délais.  Tous nos peuples ont besoin des océans et nous avons tous une responsabilité à leur égard, a-t-il dit, rappelant que le Chili fut à l’origine non seulement du concept des 200 milles marins duquel découla la Convention sur le droit de la mer, mais aussi d’une organisation de pêche durable qui regroupe depuis deux décennies 17 membres de sa région.  Pour le Ministre chilien, la coopération entre États sera essentielle pour assurer la réussite de l’accord au niveau multilatéral et régional.  Le Chili serait heureux de recevoir, à Valparaiso, le Secrétariat du nouvel accord pour continuer de travailler au renforcement de la gouvernance de la haute mer pour les pays du Sud, a-t-il ensuite indiqué.  Enfin, M. Van Klaveren a assuré que son pays œuvrera activement à l’organisation de la première réunion des États parties à l’accord.

La contribution de la société civile à cette réussite majeure a été saluée par M. ABDULLA SHAHID, Ministre des affaires étrangères des Maldives, qui a souligné que nous sommes à un moment charnière de la gestion durable des océans, dont dépend la prospérité des générations futures.  Il a rappelé que la pêche est capitale pour l’économie de son pays.  Ce texte permet selon lui d’éviter que les pays en développement n’aient à endosser un fardeau trop lourd.  Le Ministre a apprécié le caractère équitable de l’accord, en ajoutant que les efforts pour le mettre en œuvre doivent être guidés par la notion de patrimoine mondial de l’humanité.  « Ce texte est le début d’un voyage transformateur. »

Cette journée « importante pour la biodiversité » est une victoire de la diplomatie et du multilatéralisme, a déclaré M. YURI ARIEL GALA LÓPEZ (Cuba), au nom du Groupe des 77 et de la Chine.  C’est avant tout celle des pays en développement qui se sont unis pour façonner un traité « ambitieux et progressiste », a-t-il précisé.  Selon lui, la force des pays émergents explique la raison pour laquelle le présent accord est « totalement différent » de la version qui a failli être conclue en août dernier.  Il a souligné en effet que le texte comprend un modèle équilibré de partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques marines, des informations sur les séquences numériques ainsi que du principe du patrimoine commun de l’humanité, concept fondamental qui représente à ses yeux une avancée pour le droit international.  De même, les questions concernant le renforcement des capacités, le financement et les questions transversales ont été formulées par les pays en développement malgré la « pression immense » et la position « dure » de leurs partenaires, a fait savoir le représentant qui a dit compter sur la communauté internationale pour soutenir la campagne de ratification de l’accord et assurer son entrée en vigueur dans les meilleurs délais, en mobilisant les ressources en faveur des pays émergents. 

Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. ABUKAR DAHIR OSMAN (Somalie) a rappelé avoir souligné, tout au long des négociations, l’importance de l’adoption d’un cadre global où pourraient être prises les mesures efficaces de conservation qui s’imposent à l’humanité, ainsi que la nécessité d’assurer l’équité dans l’utilisation durable des ressources marines.  Il a réaffirmé sa détermination à œuvrer en faveur d’un accord réalisable, pérenne, juste, équitable et universel pour que puissent être atteints ses objectifs fondamentaux de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité marine.  En cette Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable, l’accord peut fournir les outils nécessaires pour garantir la gestion et la protection communes du « plus grand écosystème du monde et l’un des plus importants fournisseurs de nourriture et de moyens de subsistance », selon le Groupe.  Sachant par ailleurs que des océans sains sont le meilleur outil pour lutter contre les changements climatiques, le représentant s’est dit convaincu que l’adoption de mesures de conservation et de gestion « non seulement protégera, préservera, restaurera et maintiendra la biodiversité et les écosystèmes qui assureront la sécurité alimentaire et d’autres objectifs socioéconomiques », mais aussi limitera la pêche illégale non durable et non réglementée en haute mer adjacente aux États côtiers, y compris les 38 États africains côtiers. 

Mme MATILDA BARTLEY (Samoa), au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), a parlé d’un « moment historique ».  Elle a salué notamment la prise en compte dans l’accord des contributions précieuses de la société civile.  Ce texte a été permis grâce à un consensus fort, a-t-elle dit, en demandant une entrée en vigueur rapide de ce nouvel instrument.  Elle a estimé que ce texte ménage un accès équitable aux ressources des océans, avant d’appeler au respect de l’intégrité de l’accord.  Elle a toutefois reconnu que des questions restent en suspens mais a estimé que cela « ne devrait pas être utilisé comme un moyen de réécrire l’histoire alors que nous avons passé de nombreuses heures à négocier pour parvenir à cet accord ».  Les principes essentiels, y compris les circonstances spéciales des petits États insulaires en développement (PEID), doivent être pris en considération dans l’application de l’instrument, a-t-elle demandé.  « Nous sommes arrivés à bon port », a-t-elle conclu en s’engageant à travailler de manière constructive pour passer de l’accord à sa mise en œuvre.

Au nom des pays en développement sans littoral (PDSL), M. ISHMAEL TSHOLOFELO DABUTHA (Botswana) s’est félicité de l’adoption de l’accord, dont l’importance « ancrée dans la gouvernance mondiale de l’océan » ne saurait être surestimée.  La protection des océans est d’autant plus importante que nous nous attaquons aux changements climatiques, dont les effets sur les PDSL sont immenses, a-t-il fait remarquer.  Le délégué a salué la reconnaissance spéciale que le traité accorde aux États en développement sans littoral, en reconnaissant les obstacles géographiques inhérents au manque d’accès à la mer, qui exacerbent les contraintes économiques.  Il a apprécié également la reconnaissance du principe du patrimoine commun.  Compte tenu des défis auxquels ils sont confrontés, les PDSL attachent en outre une grande importance au renforcement des capacités et au partage équitable des avantages, qui sont reflétés dans le projet d’accord.  « Nous ne pourrons collectivement sauvegarder la biodiversité marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale qu’en assumant nos responsabilités et en travaillant collectivement », a-t-il conclu. 

C’est une « réalisation historique », a lui aussi déclaré M. BJÖRN OLOF SKOOG, Chef de la délégation de l’Union européenne (UE) auprès des Nations Unies, en saluant l’adoption du traité ponctuant une décennie constructive de travail multilatéral.  Ce nouvel accord est un ajout bienvenu à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui fournit le cadre juridique dans lequel toutes les activités dans les océans et les mers doivent être menées, a-t-il ajouté.  Il a également salué une adoption « par consensus », affirmant que la conclusion de l’accord dans ces conditions était une priorité de l’UE et de ses États membres.  Il a jugé prioritaire d’assurer son entrée en vigueur rapide et sa mise en œuvre effective et articulée au cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal adopté en décembre dernier.  Le traité est bien une victoire majeure pour la biodiversité, un document qui devrait changer la donne en matière de protection des océans et d’utilisation durable de leurs ressources marines, a-t-il espéré.  Après avoir répété que l’UE et ses États membres se sont engagés à signer et à ratifier l’accord dès que possible, il a noté l’engagement de ces derniers à soutenir la mise en œuvre rapide du traité par le biais du programme Océan mondial de l’UE doté de 40 millions d’euros. 

M. FRANÇOIS JACKMAN (Barbade), qui parlait au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a misé sur cet accord pour remédier aux lacunes de longue date dans la gouvernance des océans.  Notre économie et notre identité sont liées aux océans, a-t-il dit.  S’il a reconnu que cet accord n’est pas parfait, « loin de là », il a estimé qu’il consacre le principe d’équité quant à l’utilisation des ressources des océans.  « C’est un succès », s’est-il exclamé.  Enfin, il a souligné le rôle important joué par la société civile dans l’obtention de ce succès.  « Travaillons maintenant à l’entrée en vigueur de l’accord. »

Au nom du Forum des îles du Pacifique, M. FILIPO TARAKINIKINI (Fidji) a vu dans l’adoption de l’accord une étape importante pour le multilatéralisme, la justice, l’équité sociale et économique, ainsi que pour « notre précieux environnement ».  En tant que gardiens de près de 20% de la surface terrestre, les pays de notre « continent du Pacifique bleu » s’engagent à faire face aux menaces associées aux changements climatiques, à la perte de biodiversité et à la pollution, a-t-il assuré.  Il a fait savoir que les dirigeants des États du Pacifique ont mis l’accent sur la responsabilité collective, l’investissement dans l’environnement ainsi que dans les partenariats susceptibles de contribuer à protéger la biodiversité de la région. Il a exhorté la communauté internationale à profiter de cet élan historique pour signer l’accord et le mettre en œuvre dans les meilleurs délais.  Dans la même veine, il a invité les États Membres à se pencher de toute urgence sur un instrument international juridiquement contraignant concernant la pollution plastique, y compris en milieu marin.  « Nos dirigeants ont déclaré une urgence climatique dans notre région », a-t-il rappelé, guidés par la Stratégie pour le continent du Pacifique bleu à l’horizon 2050.  L’adoption de ce traité présente selon lui un cadre juridique et diplomatique qui ne saura être efficace sans une action urgente et soutenue de la communauté internationale.

Mme ILANA VICTORYA SEID (Palaos), au nom des petits États insulaires en développement (PEID) du Pacifique, a notamment rappelé que la région du Pacifique avait plaidé depuis le début des négociations pour que les connaissances traditionnelles des peuples autochtones et des communautés locales soient reconnues comme une source de connaissances susceptibles d’éclairer les processus de prise de décisions dans le cadre du nouvel accord.  Les peuples autochtones possèdent de riches connaissances basées sur des millénaires d’observation et d’interaction avec la terre, et nous sommes heureux que l’accord les reconnaisse, s’est-elle réjouie.  Elle a noté avec satisfaction que l’accord reconnaît à juste titre les caractéristiques particulières des PEID de la région du Pacifique, lequel couvre plus de 20 millions de kilomètres carrés d’océan.  C’est pourquoi elle a formé le souhait que cette reconnaissance se traduise concrètement par un renforcement rapide et efficace des capacités technologiques de ces pays, afin qu’ils puissent enfin devenir des leaders en matière de protection, de conservation et de gestion durable des océans et des ressources marines. 

Au nom du Core Latin American Group (CLAM), Mme GEORGINA GUILLÉN GRILLO (Costa-Rica) a appelé à la mise en œuvre de l’accord.  Les pays développés devront honorer leurs engagements, notamment en ce qui concerne les transferts de technologies marines, a-t-elle insisté. Elle a indiqué que le CLAM est une structure latino-américaine qui a été créée spécifiquement pour ces négociations. La représentante a rendu hommage au travail de la Présidente, avant de saluer la consécration du patrimoine commun de l’humanité.  « Nous sommes fiers de l’avancée enregistrée aujourd’hui. »

Les États Membres se sont ensuite succédé individuellement pour commenter cette avancée, exprimer leur attachement au texte et présenter leurs priorités.  Antigua-et-Barbuda a estimé que l’accord, qui était une priorité pour les pays de la Communauté des Caraïbes, en particulier les PEID côtiers de la région, ne doit pas être pris à la légère tant il peut être source de bénéfices pour les générations futures en termes de protection des océans au-delà des limites nationales.  La réussite de sa mise en œuvre pourrait permettre à ces pays d’atteindre le développement durable, a relevé la délégation en saluant un traité qui a le mérite immédiat de combler des lacunes en matière de gouvernance des océans.  D’autres pays de la région ont pris la parole, comme l’Argentine et le Costa Rica, pour déclarer que cet accord historique est « empreint du sentiment de justice des pays en développement ».  Applaudissant une véritable « révolution des mers » dont la base est le principe de bien commun de l’humanité, ces pays ont souligné l’importance que la gouvernance océanique visionnaire dont l’accord est porteur devienne rapidement réalité. C’est en ce sens qu’ils ont rappelé la nécessité de financer le renforcement des capacités, et le développement et le transfert de technologies marines prévus par l’accord. 

Sur ce dernier point, les pays africains, parmi lesquels le Cameroun, le Maroc et le Kenya, ont misé sur les décisions qui seront adoptées à la première conférence des parties à l’accord pour non seulement mettre sur pied des organes subsidiaires importants mais aussi fixer le taux des contributions au Fonds de partage et des avantages et préciser le rôle du Fonds pour l’environnement mondial dans la fourniture d’un soutien financier et techniques aux parties. 

Les pays en développement d’Amérique latine et d’Afrique ont parlé d’une seule voix pour se féliciter d’un accord donnant un nouvel élan à une humanité unie, qui reconnaît la valeur intrinsèque de la biodiversité et fait juridiquement des États les gardiens des océans. 

Pour les États du Pacifique, à l’instar de la Nouvelle-Zélande, des États fédérés de Micronésie et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’une des grandes forces et nouveautés de l’accord, outre qu’en pleine complexité géopolitique il montre que le multilatéralisme peut apporter des solutions communes aux problèmes les plus urgents pour la sauvegarde de l’humanité, est qu’il appelle à l’utilisation des connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales sur les océans.  Ces pays ont par ailleurs souligné l’importance que l’accord entre rapidement en vigueur. À cet égard, ils ont suggéré de prévoir un temps fort pour les signatures lors du débat général de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale qui aura lieu en septembre prochain. Ils ont en outre plaidé pour que le secrétariat de l’accord soit installé dans un pays en développement. 

Les représentants du Viet Nam et du Pakistan ont considéré que le principe d’un héritage commun de l’humanité n’était pas que des mots mais pouvait donner aux pays du Sud une base solide pour qu’ils puissent bénéficier d’un régime juste et équitable permettant à tous et sans exclusive de profiter du potentiel que représentent les ressources marines en termes de sécurité alimentaire et de développement durable.  Pour ces États d’Asie, la coopération technique, qui ne saurait être assortie d’aucune condition, doit s’appuyer sur un financement adéquat afin que l’accord, produit du multilatéralisme et nouveau jalon dans l’histoire du droit international, serve les intérêts des pays en développement et les consacre comme agents du développement durable.  C’est dans cet esprit que le représentant de l’Indonésie, plus grand État archipélagique du monde, a souligné la nécessité que le transfert des technologies bio-marines s’effectue en fonction des besoins des pays côtiers en premier lieu et contribue à la réalisation des ODD à l’horizon 2030. 

D’autre part, les pays non parties à la Convention sur le droit de la mer, dans le cadre de laquelle l’accord a été négocié, le Guatemala et El Salvador notamment, ont demandé que l’accord soit interprété de manière compatible avec les efforts entrepris dans d’autres organismes de protection et de conservation des océans et d’une manière telle que l’on respecte la souveraineté de tous les États sur leurs propres ressources naturelles. 

Si la « constitution des océans » (la Convention sur le droit de la mer) reflète le droit international coutumier et établit un cadre juridique pour l’ensemble des activités menées dans les océans, l’accord établit quant à lui des règles fondées sur les besoins spécifiques en matière de conservation et d’utilisation durables dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale, a fait valoir la Grèce, notamment l’obligation de mener des évaluations d’impact sur l’environnement.  Cet accord permet en outre, selon l’Irlande, de palier l’un des objectifs qui manquaient à la Convention, soit la protection de l’environnement marin, qui demeure menacé par la destruction des habitats, la pollution et la pêche illicite. 

« Nous disposons aujourd’hui d’un cadre clef pour appuyer notre objectif collectif de renforcer la gouvernance internationale des océans en matière de protection de la biodiversité marine en haute mer, en phase avec la Convention et le droit de la mer », a renchéri le Portugal, rejoint par le Gabon, en se félicitant d’un « succès du multilatéralisme ». 

Cet accord, a ajouté l’Allemagne, fera la différence en ce qui concerne la santé de notre planète et sera un allié important dans la lutte contre la perte de la biodiversité et les changements climatiques.  Dans le cadre de cet accord, le Tribunal international du droit de la mer sera appelé à émettre des avis consultatifs afin de veiller à l’application effective de ses dispositions relatives aux ressources génétiques marines et au renforcement des capacités, a souligné la Chine

« La traversée n’a pas été facile; nous avons été confrontés à des vents contraires et des tempêtes », a reconnu Kiribati, petit État insulaire en développement dont les habitants dépendent fortement des ressources halieutiques pour leur alimentation. Nous devons aujourd’hui joindre le geste à la parole en mettant fin à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée de la part de « grands États océaniques » avant qu’il ne soit trop tard, a insisté la délégation. 

« En adoptant ce traité, nous reconnaissons l’importance vitale de traiter des conditions uniques et des vulnérabilités des PEID », a déclaré Maurice, avec l’aval des Tuvalu, pour qui ces États, souvent isolés et disposant de ressources limitées, supportent un fardeau disproportionné dans la gestion des écosystème marins. 

Les dispositions de l’accord portant sur le patrimoine commun de l’humanité ont reçu l’aval de nombreux pays émergents, dont l’Érythrée et la Colombie, qui a prôné un accès équitable aux ressources de la mer dans les pays en développement, en tenant compte des connaissances des populations autochtones et des communautés locales.  Engagé en faveur de la « justice océanique », l’État de Palestine a demandé aux États Membres d’apporter des contributions dans les meilleurs délais afin d’enclencher la restauration de la biodiversité. 

À cet égard, l’Égypte s’est félicitée du rôle de premier plan joué par les pays en développement lors des négociations en vue de de parvenir à un accord équitable pour l’ensemble des États Membres, et non seulement des plus développés.  L’Afrique du Sud a souhaité pour sa part que les pays émergents soient soutenus dans la mise en œuvre de l’accord grâce à des activités de renforcement des capacités et à des transferts de technologies, ainsi que par la mise en place d’un mécanisme équitable de partage des avantages découlant des ressources génétiques marines. 

Enfin, des possibilités infinies de coopération bilatérale et multilatérale pour tous les États ont été identifiées par l’Inde, notamment dans la protection de la biodiversité marine, l’accès aux ressources génétiques marines, la transparence dans la gouvernance de la diversité marine, le renforcement des capacités des pays en développement et le partage de la technologie marine, ainsi que l’exploration de la biodiversité marine. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: en Libye, des désaccords autour des projets de lois électorales risquent de paralyser les institutions, prévient le Représentant spécial

9351e séance – matin
CS/15327

Conseil de sécurité: en Libye, des désaccords autour des projets de lois électorales risquent de paralyser les institutions, prévient le Représentant spécial

En Libye, des élections réussies nécessitent non seulement un cadre juridique, mais aussi un accord politique qui garantisse l’adhésion de toutes les parties prenantes, a, ce matin, déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général dans ce pays, venu faire le point, devant le Conseil de sécurité, sur la situation au cours des trois derniers mois.  « Si nous approuvons tous le principe d’une solution intralibyenne, ce mot d’ordre ne doit pas servir de slogan pour dissimuler un agenda visant à prolonger le statu quo au détriment des droits politiques du peuple libyen et de ses aspirations à des institutions légitimes et à la prospérité », a mis en garde M. Abdoulaye Bathily qui a appelé à exercer une pression accrue sur les acteurs. 

S’exprimant par visioconférence, M. Bathily a fait savoir que le 6 juin, le Comité « 6+6 » issu de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État, qui forment le Parlement libyen, est parvenu à un accord sur les projets de lois pour les élections présidentielle et parlementaires prévues plus tard cette année.  Mais depuis, les parties prenantes libyennes contestent certains aspects du texte adopté, la Haute Commission électorale nationale ayant par exemple exprimé des inquiétudes quant à leurs « graves lacunes et insuffisances techniques », a indiqué le Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). 

Les questions les plus contentieuses sont au nombre de cinq.  Tout d’abord, les critères d’éligibilité des candidats à l’élection présidentielle.  Ensuite, la disposition prévoyant un second tour obligatoire de ce scrutin même si un candidat obtient plus de 50% des voix au premier tour.  En cause également, la disposition stipulant qu’en cas d’échec du premier tour de la présidentielle, les législatives n’auront pas lieu non plus. Sans compter la disposition exigeant la mise en place d’un nouveau gouvernement intérimaire avant que les élections puissent avoir lieu, qui a provoqué des remous, a précisé le Représentant spécial.  Par ailleurs, si le projet de loi réserve au moins 20% de sièges aux femmes au sein de la Chambre des représentants, il n’en prévoit que 6 sur les 90 que compte le Sénat. 

« Les critères d’éligibilité, le lien entre les élections présidentielle et parlementaires et la question de la formation d’un nouveau gouvernement unifié sont très controversés et nécessitent, avant tout, un accord politique entre les principales parties prenantes et les circonscriptions clefs de l’ensemble de l’échiquier politique libyen », a souligné le haut fonctionnaire.  Faute de quoi, a-t-il prévenu, les dispositions législatives correspondantes resteraient inapplicables et pourraient déclencher une nouvelle crise. 

« Nous devons trouver de nouvelles approches qui éviteront la répétition de conflits entre les pouvoirs et tenir compte des réserves exprimées par les différentes parties », a reconnu le représentant de la Libye qui a lui aussi appelé tous les acteurs à contribuer au règlement des questions en suspens.  Ses compatriotes sont « frustrés », car le rêve que constituent ces élections semble leur échapper pour la deuxième fois, a-t-il insisté, en dénonçant le fait que différents pays interviennent directement dans les décisions politiques libyennes. 

Professeure à l’Université de Benghazi et Directrice du Centre WASHM d’études sur les femmes, Mme Abeer Amnina a estimé pour sa part qu’une des priorités urgentes pour son pays est l’établissement d’un environnement propice à la liberté d’expression et la liberté de travailler, gravement menacées par plusieurs facteurs.  Une nouvelle procédure à l’aéroport de Mitiga qui restreint la liberté de mouvement des femmes a d’ailleurs été condamnée par le Représentant spécial, suivi sur ce point par la Suisse. 

Mme Amnina a notamment expliqué que la société civile libyenne souffre de la domination des institutions nationales sur les droits d’organisation et de travail, provoquant un rétrécissement de l’espace accordé à la liberté civile.  Nous sommes exclus de tout comité décidant de l’avenir de la Libye et nos membres exposés à l’arrestation et à la torture sous prétexte de protéger les valeurs libyennes et islamiques, a-t-elle déploré, en recommandant de promulguer une loi réglementant l’établissement et le travail des organisations de la société civile. 

Cette impasse préélectorale est d’autant plus préoccupante qu’elle coexiste avec un regain de violences, alors que des affrontements armés ont eu lieu ces dernières semaines en Tripolitaine, dans la ville de Zaouiya en particulier, ont relevé plusieurs délégations, dont celle de la France pour qui ces événements soulignent l’importance d’institutions sécuritaires et militaires unifiées sur tout le territoire.  Le soutien que cette délégation a apporté à la Commission militaire conjointe 5+5 en vue d’une réunification de l’armée libyenne a été partagé par la grande majorité des membres du Conseil, de même que l’exigence de retrait du sol libyen de tous les mercenaires et combattants étrangers. 

Les avis ont cependant divergé au sujet des sanctions, dont la levée a été réclamée par la Libye, qui a accusé ces mesures d’être politisées.  Après avoir entendu le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) présenter les dernières mises à jour du train de mesures imposées en Libye, certains membres ont eux aussi questionné leur pertinence.  Là où l’Albanie et Malte ont demandé le strict respect de l’embargo sur les armes, les Émirats arabes unis ont ainsi estimé que son « application sélective » pouvait nuire au renforcement des capacités nationales de la Libye. 

LA SITUATION EN LIBYE

Déclarations

Après avoir présenté ses condoléances aux familles des migrants ayant perdu la vie dans le naufrage du bateau parti de Tobrouk en Méditerranée, mercredi dernier, M. ABDOULAYE BATHILY, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye (MANUL), a fait savoir qu’entre le 22 mai et le 6 juin, le Comité « 6+6 » chargé par les deux chambres de finaliser les lois électorales s’est réuni au Maroc, avec le soutien d’une équipe technique composée d’experts de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). Le 6 juin, il a annoncé être parvenu à un accord sur les projets de lois pour les élections présidentielle et parlementaires.  Depuis, les parties prenantes libyennes ont fait part de leurs réactions mitigées à l’égard du texte adopté, des questions clefs restant fortement contestées.  La Haute Commission électorale nationale a notamment fait part de ses inquiétudes quant à leurs graves lacunes et insuffisances techniques, a noté M. Bathily. 

Les questions les plus contestées sur le plan politique sont les suivantes: les critères d’éligibilité des candidats à l’élection présidentielle; la disposition prévoyant un second tour obligatoire de l’élection présidentielle même si un candidat obtient plus de 50% des voix au premier tour; la disposition stipulant qu’en cas d’échec du premier tour de l’élection présidentielle, les élections législatives n’auront pas lieu non plus; et la disposition exigeant la mise en place d’un nouveau gouvernement intérimaire avant que les élections puissent avoir lieu.  Par ailleurs, si le projet de loi réserve au moins 20% de sièges pour les femmes au sein de la Chambre des représentants, il n’en prévoit que 6 sur les 90 que compte le Sénat. 

« Les critères d’éligibilité à l’élection présidentielle, le lien entre les élections présidentielle et parlementaires et la question de la formation d’un nouveau gouvernement unifié sont très controversés et nécessitent, avant tout, un accord politique entre les principales parties prenantes et les circonscriptions clefs de l’ensemble de l’échiquier politique libyen », a résumé le Représentant spécial.  Faute de quoi, les dispositions législatives correspondantes resteraient inapplicables et pourraient déclencher une nouvelle crise, a-t-il mis en garde. 

Abordant la situation sur le plan sécuritaire, le Représentant spécial a indiqué que Tripoli est restée relativement calme au cours de la période à l’examen.  Mais les opérations menées par le Gouvernement contre les trafics de drogue, d’armes, de carburant et d’êtres humains à Zaouiya et dans les environs ont suscité des accusations de motivations politiques.  En outre, les Libyens craignent qu’en cas de prolongation du conflit au Soudan, ses retombées ne posent une nouvelle série de problèmes pour la stabilité de la Libye, dont le retrait des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires. 

Dans ce contexte, le dialogue que le Représentant spécial a facilité entre les acteurs sécuritaires et militaires se poursuit, avec des réunions entre la Commission militaire conjointe 5+5 et des formations armées à Tripoli, à Sabha et à Benghazi.  Ces réunions ont rassemblé les parties belligérantes pour la première fois depuis l’éclatement de la crise, et les acteurs sécuritaires et militaires se sont publiquement engagés à soutenir le processus électoral et à en accepter les résultats. 

En ce qui concerne les droits humains, M. Bathily s’est dit préoccupé par la hausse préoccupante des contrôles excessifs effectués par les agences sécuritaires.  Il a notamment demandé l’abrogation d’une nouvelle procédure de l’Agence de sécurité intérieure qui restreint la liberté de mouvement des femmes en exigeant de celles qui partent seules des aéroports libyens de la région occidentale qu’elles remplissent un formulaire sur les raisons d’un voyage à l’étranger sans être accompagnées par un homme.  En outre, le 22 mai, le Gouvernement d’unité nationale a décidé de former un comité chargé de réglementer les organisations de la société civile sur la base d’une loi restrictive qui affirme le contrôle de l’État sur les activités de la société civile.  Il s’est dit également préoccupé par les mesures qui contreviennent aux garanties fondamentales d’un procès équitable lorsque les forces de sécurité extorquent des aveux à des personnes en garde à vue et les publient sur les réseaux sociaux. 

Le Représentant spécial a ensuite souligné que des élections réussies nécessitent non seulement un cadre juridique, mais aussi un accord politique qui garantisse l’adhésion et l’inclusion de toutes les principales parties prenantes.  Or, si nous approuvons tous le principe d’une solution intra-libyenne comme base de la paix et d’une stabilité durables, ce mot d’ordre ne doit pas servir de slogan pour dissimuler un agenda visant à prolonger le statu quo au détriment des droits politiques du peuple libyen et de ses aspirations à des institutions légitimes et à la prospérité, a indiqué M. Bathily qui a appelé à exercer une pression accrue sur les acteurs.

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon), Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, a présenté les travaux de cet organe de sanctions pour la période allant du 19 avril au 19 juin 2023. Il a indiqué que, s’agissant de l’embargo sur les armes, le Comité a répondu à une lettre de l’Union européenne concernant l’exception prévue au paragraphe 9 de la résolution 2095 (2013). Le Comité examine également une lettre de la Libye, soumise en réponse à une lettre précédente du Comité, concernant certains aspects de l’application de l’embargo, a-t-il précisé.  Il a ensuite évoqué les mesures qui visent à prévenir les exportations illicites de pétrole, y compris de pétrole brut et de produits pétroliers raffinés, en provenance de Libye, indiquant qu’à la suite de son précédent rapport au Conseil, le Comité a envoyé une lettre à la Libye au sujet du point focal du Gouvernement libyen nommé en application de la résolution 2146 (2014). 

En ce qui concerne le gel des avoirs, a-t-il poursuivi, aucune décision négative n’a été prise par le Comité concernant une notification invoquant le paragraphe 19 a) de la résolution 1970 (2011) présentée par le Royaume-Uni.  Le Comité a par ailleurs fourni des éclaircissements sur la portée du gel des avoirs, comme demandé par la Belgique.  Abordant les mesures d’interdiction de voyager, M. Ishikane a dit avoir reçu une notification de voyage de Mme Aisha Kadhafi, personne figurant sur la liste des sanctions, pour un voyage d’Oman vers l’Arabie saoudite, en vertu d’une exemption de voyage accordée précédemment pour un nombre illimité de voyages sur une période de six mois à des fins humanitaires.  Par la suite, le Comité a reçu une lettre de l’Arabie saoudite, pays de destination, l’informant de cette question, ainsi qu’une communication de la personne confirmant son retour à Oman.  Le Président du Comité a d’autre part précisé qu’au cours de la période considérée, l’organe a prolongé pour la cinquième fois l’exemption de six mois accordée à des fins humanitaires à trois personnes figurant sur la liste du Comité: Mme Safia Farkash Al-Barassi, Mme Aisha Kadhafi et M. Mohammed Kadhafi. 

Pour ce qui est de liste des sanctions, a ajouté M. Ishikane, le Comité a reçu une neuvième communication du point focal en charge des demandes de radiation créé en application de la résolution 1730 (2006), concernant la demande de radiation présentée par une personne inscrite sur la liste.  Parallèlement à ce processus, la Libye a également soumis une demande de radiation distincte concernant la même personne, a-t-il relevé.  Le Président du Comité a également fait état d’une demande de radiation de l’interdiction de voyager, reçue par l’intermédiaire du point focal, concernant une personne actuellement inscrite sur la liste des sanctions du Comité comme faisant l’objet d’un gel de avoirs et d’une interdiction de voyager. 

Enfin, M. Ishikane a informé le Conseil de la réception d’une lettre du Groupe d’experts sur la Libye concernant ses futurs voyages prévus en Libye. Cette lettre est actuellement examinée par le Comité, a-t-il dit.

Mme ABEER AMNINA, professeure à l’Université de Benghazi et Directrice du Centre WASHM d’études sur les femmes, a déclaré qu’une des priorités urgentes pour la société civile est l’établissement d’une véritable stabilité en Libye, notamment en créant un environnement propice à la liberté d’expression et la liberté de travailler.  Elle a expliqué que la société civile libyenne souffre de la domination des institutions nationales sur les droits d’organisation et de travail, provoquant un rétrécissement de l’espace accordé à la liberté civile.  La société civile est exclue de tout comité décidant de l’avenir de la Libye et ses membres sont exposés à l’arrestation et à la torture sous prétexte de protéger les valeurs libyennes et islamiques, a déploré l’intervenant.  De même, les femmes sont l’objet de violences systématiques en ligne pour les dissuader de participer à l’espace public.  Elles sont notamment injustement empêchées de se déplacer si elles s’abstiennent de remplir des formulaires expliquant les raisons de leur déplacement.  Ces mesures arbitraires représentent les pires formes de discrimination et de confiscation des droits de citoyenneté et des libertés publiques, a accusé la professeure, déplorant une violation de l’article 14 de la Déclaration constitutionnelle provisoire.  Elle a également décrié le refus de la Chambre des représentants d’adopter une loi de lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violation de leur droit à vivre en sécurité et dans la dignité dans les sphères publique et privée. 

De ce qui précède, Mme Amnina a recommandé de promulguer une loi réglementant l’établissement et le travail des organisations de la société civile qui, a-t-elle ajouté, doivent participer aux processus de l’ONU visant à discuter des futurs arrangements politiques.  Elle a appelé à assurer la participation des femmes dans les processus électoraux, de même qu’à l’adoption d’une loi de lutte contre la violence à l’égard des femmes, et d’une loi portant création d’un conseil national chargé de l’autonomisation des femmes.  L’intervenante a aussi préconisé l’élaboration d’une stratégie nationale pour mettre en œuvre la résolution 1325 (2000), avant d’appeler à renforcer la confiance dans le rôle de la société civile.  Elle a enfin souligné l’importance de voter une loi pour combattre l’impunité des auteurs de violation des droits des personnes et organisations qui travaillent dans l’espace civique.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a indiqué qu’elle s’était rendue en Libye et que ce déplacement lui avait permis de mieux comprendre les préoccupations de la population.  Leur message est que le processus politique doit aller de l’avant et que le leadership politique doit assurer la stabilité et la sécurité, a-t-elle témoigné.  Elle s’est inquiétée des effets de l’impasse politique et du blocage des investissements à long terme sur le système de santé.  Elle a ensuite insisté sur l’importance pour le Conseil de soutenir le Représentant spécial dans son travail pour faciliter un processus politique efficace pour un changement positif, grâce à une feuille de route claire pour des élections réussies. 

La représentante a pris note du travail du Comité « 6+6 » pour adopter des projets de loi électorale.  Cependant, a-t-elle poursuivi, l’accueil réservé à leur annonce démontre la nécessité d’un accord politique plus large entre les détenteurs du pouvoir libyen.  Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons surmonter les problèmes qui empêchent les élections et progresser vers la stabilité à long terme, a-t-elle souligné.  Le peuple libyen veut s’engager activement, librement et en toute sécurité dans la sphère politique, et désire exercer son droit démocratique de vote et d’œuvrer en faveur d’un avenir meilleur pour tous, a-t-elle dit. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a commencé par souligner l’importance d’organiser en Libye des élections « transparentes et crédibles » avant la fin de l’année 2023.  À cet égard, il a salué les efforts récents du Comité « 6+6 » de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État afin de faciliter l’introduction rapide d’une loi électorale pour ouvrir la voie à la tenue rapide d’élections. Sur le plan sécuritaire, le délégué s’est félicité de la réunion du groupe de travail du Comité international de suivi du processus de Berlin, qui s’est tenue pour la première fois sur le sol libyen le 24 mai.  Il a également approuvé la poursuite des dialogues sur le retrait des combattants étrangers, des forces étrangères et des mercenaires.  Le représentant a enfin exprimé sa préoccupation devant la détérioration de la situation au Soudan, de nature selon lui à constituer une menace sécuritaire et humanitaire pour la Libye, sous la forme d’activités illicites, comme la contrebande et le trafic d’êtres humains. 

M. DAI BING (Chine) a exhorté la communauté internationale à continuer de fournir des ressources et un soutien pour parvenir à la paix et la sécurité en Libye, notant que le chemin est encore long.  Il a salué le rôle de l’Égypte, du Maroc et de l’Union africaine pour faire avancer le processus électoral.  Les solutions aux problèmes africains doivent être trouvées en Afrique, a insisté le délégué.  Le représentant a dit être préoccupé par les risques de débordement du conflit au Soudan, avant d’appeler au départ des forces étrangères et les mercenaires de la Libye.  Le représentant a demandé à l’ONU de continuer de soutenir les parties libyennes qui, a-t-il ajouté, doivent résoudre leurs différends pour veiller à ce que les bénéfices des hydrocarbures profitent au peuple libyen. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a salué les progrès accomplis sur la loi électorale par le Comité « 6+6 » et le Conseil d’État libyens, avant d’appuyer la pleine mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu d’octobre 2020.  Évoquant les affrontements armés qui ont eu lieu ces dernières semaines en Tripolitaine, dans la ville de Zaouiya en particulier, elle a appelé les autorités libyennes à prévenir toute escalade et rappelé leur responsabilité à assurer la sécurité des populations.  Ces événements soulignent l’importance d’institutions sécuritaires et militaires unifiées sur tout le territoire, a-t-elle dit.  La représentante a annoncé que Paris continuerait à appuyer, en coordination avec l’ONU, la Commission militaire conjointe 5+5 et les deux chefs d’état-major en vue d’une réunification de l’armée libyenne.  La France a d’ailleurs alloué 100 000 dollars au financement des efforts de l’ONU pour soutenir les travaux de la Commission militaire conjointe 5+5, a indiqué la représentante qui a également exigé le respect de l’embargo sur les armes et le retrait de l’ensemble des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires du territoire libyen, en coopération avec les pays voisins de la Libye.  Préoccupée par les violations des droits humains en Libye, dont les premières victimes sont les migrants, la déléguée a demandé que la légitimité politique soit restaurée en Libye, tout comme la souveraineté et l’unité du pays. « Une transition politique sans fin en Libye est insoutenable.  La tenue d’élections est essentielle », a-t-elle souligné.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a constaté qu’en dépit des promesses d’évolution, la situation politique est toujours dans l’impasse en Libye, notamment en ce qui concerne la tenue d’élections.  Il a toutefois pris note du travail du Comité « 6+6 » qui s’emploie à faire en sorte que des élections présidentielle et législatives aient lieu en 2023.  Pour le représentant, il est essentiel que le droit électoral permette de répondre aux aspirations de toutes les parties prenantes grâce à un large accord politique débouchant sur l’organisation d’élections.  Mais « le temps nous est compté », a-t-il déclaré, avertissant que la poursuite du statu quo ne produira pas de solution pérenne et que les manœuvres d’obstruction ne font que repousser l’instauration de la démocratie dans le pays.  C’est pourtant la seule voie pour restaurer les institutions libyennes et rétablir la stabilité de la Libye, a insisté le délégué. 

Évoquant ensuite la situation sécuritaire, il a observé que le respect du cessez-le-feu demeure fragile.  Il s’est néanmoins félicité de la réunion du groupe de travail sur la sécurité, le 24 mai, formant le vœu que la Commission militaire conjointe 5+5 puisse également se réunir régulièrement.  Selon lui, une réforme du secteur de la sécurité est essentielle pour permettre au pays de résoudre ce problème sécuritaire, d’autant plus que les événements au Soudan et la circulation d’armes entre les pays de la région sont inquiétants.  Après avoir appelé à un strict respect de l’embargo sur les armes, il a souhaité que la société civile libyenne puisse pleinement jouer son rôle afin de créer un environnement propice à la tenue d’élections libres dans le pays. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a regretté l’absence de perspective de sortie de crise et de normalisation de la situation en Libye. Pour sortir de cette impasse, il faut passer par les élections présidentielle et parlementaires, a-t-il souligné.  Le délégué a salué à cet égard le travail du Comité « 6+6 » qui a rendu des compromis possibles.  Si les conditions sont maintenues, les élections pourraient avoir lieu bientôt et les Libyens pourraient passer à la phase suivante, a espéré le représentant selon qui les élections doivent être transparentes, inclusives et ouvertes, y compris aux candidats de l’ancien Gouvernement.  Le délégué a aussi appelé à limiter les ingérences externes et donner aux Libyens le premier rôle.  Pour un règlement complet du conflit, il faut liquider la présence militaire étrangère en Libye, a également conseillé le délégué qui a dénoncé les politiques de deux poids, deux mesures des Occidentaux en ce qui concerne les hydrocarbures qui, a-t-il souligné, sont essentielles au relèvement de la Libye. Il a aussi fait part de sa préoccupation au sujet des migrations illégales en provenance de Libye. 

M. ADRIAN HAURI (Suisse) a pris acte du travail effectué par le Comité « 6+6 » à Buznika pour parvenir à un accord sur des projets de lois électorales en Libye.  « Celles-ci représentent certes une étape primordiale du processus politique, mais il est clair que des lois électorales, à elles seules, n’ouvriront pas la voie vers les élections », a mis en garde le représentant.  Pour lui, un accord préélectoral inclusif est nécessaire afin de garantir l’environnement propice de ces élections et l’acceptation de leurs résultats.  Dans le cadre de cet accord, les acteurs libyens devront prendre des engagements fermes pour garantir la sécurité du processus, le respect de la liberté d’expression et d’association et la pleine participation de la société civile.  Aussi le délégué a-t-il exhorté les parties à travailler avec la médiation du Représentant spécial pour esquisser les contours de ce « pacte préélectoral ». 

Il a ensuite observé avec inquiétude que, progressivement, un discours populiste est invoqué par les agences de sécurité et d’autres acteurs pour justifier un contrôle excessif qui restreint les droits fondamentaux.  Ainsi a-t-il condamné la récente introduction d’une nouvelle procédure à l’aéroport de Mitiga, qui entrave la liberté de mouvement des femmes.  Il a également regretté que des restrictions bureaucratiques continuent de criminaliser le travail des organisations de la société civile libyennes et internationales.  Enfin, en ce qui concerne la situation sécuritaire, nous avons suivi avec inquiétude les rapports faisant état de l’utilisation de la force, y compris dans des zones habitées, comme récemment à Zaouiya.  Le délégué a donc demandé à tous les acteurs de prendre les mesures nécessaires pour garantir la protection de la population civile, en particulier les personnes déplacées.

Au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) a salué les efforts du Représentant spécial visant à trouver des voies consensuelles en vue de la tenue d’élections présidentielle et législatives crédibles en Libye.  Il s’est également félicité des progrès réalisés par le Comité « 6+6 » dans l’élaboration de projets de loi électorale pour ces scrutins, avant d’appeler les parties à s’engager à ce que les élections puissent avoir lieu en 2023.  Le représentant a ensuite réitéré l’appel des A3 en faveur d’un processus de paix dirigé et pris en charge par les Libyens, facilité par les Nations Unies et soutenu par la communauté internationale.  Dans ce cadre, les A3 souhaitent qu’un processus de réconciliation nationale fasse partie de tout arrangement politique, a-t-il ajouté.

Après avoir exhorté les parties à respecter pleinement l’accord de cessez-le-feu de 2020, le délégué a condamné la présence de forces étrangères sur le sol libyen, jugeant que leur départ immédiat est essentiel pour faire progresser le processus politique devant conduire à la tenue d’élections cette année. À cet égard, il a applaudi les efforts déployés par la Commission militaire conjointe 5+5 et les comités de liaison pour faciliter le retrait complet des forces et des combattants étrangers de Libye, qui contribuent à la propagation du terrorisme et à la prolifération des armes légères et de petit calibre au Sahel. 

Le représentant s’est d’autre part alarmé du fait que le conflit prolongé et la crise politique en cours continuent d’avoir un impact sur les indicateurs macroéconomiques et affectent négativement l’accès aux services essentiels, en particulier pour les plus vulnérables.  Il a également rappelé que les avoirs gelés de la Libye appartiennent aux Libyens et doivent être préservés.  Enfin, après avoir déploré le naufrage d’un bateau de migrants au large des côtes grecques, il a souligné que le traitement humain des réfugiés, des migrants et des demandeurs d’asile est une exigence fondamentale du droit international et des conventions associées.  Il s’est aussi fait l’écho de l’appel lancé par le Secrétaire général en faveur d’alternatives à la détention afin de gérer les migrations conformément au droit international. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a pris note des travaux du Comité « 6+6 » pour surmonter l’impasse politique.  Les acteurs politiques libyens doivent s’engager de manière constructive et transparente pour régler toutes les questions en suspens, y compris la finalisation de la loi électorale.  Et la Haute Commission électorale nationale doit disposer des ressources nécessaires pour mener à bien les tâches qui lui ont été confiées.  La représentante a insisté sur l’importance de l’égalité des sexes et la participation pleine, égale et significative des femmes à tous les processus politiques et aux élections.  Elle a aussi plaidé pour un rôle accru de la société civile et des jeunes. Préoccupée par la situation sécuritaire en Libye, la déléguée a ensuite appelé les États Membres à respecter l’embargo sur les armes.  Elle a aussi demandé le retrait des combattants étrangers, de forces étrangères et de mercenaires en Libye.  La sécurité, la stabilité et la protection des Libyens doivent être une priorité. 

M. GUSTAVO SÉNÉCHAL DE GOFFREDO JUNIOR (Brésil) s’est félicité de l’annonce faite par les membres du Comité « 6+6 », au début du mois, au sujet de l’accord auquel ils sont parvenus sur les lois électorales.  Il a encouragé la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État à donner suite aux résultats, le cas échéant, en adoptant la législation pertinente.  Pour le représentant, la réconciliation nationale et les mesures visant à instaurer la confiance devraient aller de pair avec les efforts déployés pour assurer la transition politique.  En outre, une approche globale de la consolidation de la paix contribuerait à la viabilité de tout règlement politique en Libye, a estimé le délégué, encourageant les autorités libyennes à envisager de collaborer avec la Commission de consolidation de la paix pour mobiliser le soutien international en faveur de leurs priorités nationales. 

En ce qui concerne l’aide étrangère fournie aux autorités libyennes en dehors du cadre des institutions onusiennes, il a souligné qu’elle risque de déstabiliser davantage la situation sur le terrain.  « Nous rappelons en particulier que la fourniture d’une formation militaire peut constituer une violation de l’embargo sur les armes, quelles que soient les parties prenantes libyennes qui en bénéficient », a-t-il dit.  Il s’est également dit favorable à ce que les États Membres envisagent d’exempter les actifs libyens des politiques bancaires de taux d’intérêt négatifs, « qui contribuent à leur épuisement ».  Enfin, le délégué a partagé les préoccupations exprimées par la MANUL au sujet de la situation des demandeurs d’asile en Libye, insistant sur la nécessité de travailler ensemble pour assurer la centralité des droits humains à tous les stades du processus politique en Libye. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a pris acte des travaux du Comité « 6+6 » et de l’accord sur les lois qui serviront de base à la tenue d’élections présidentielle et législatives à la fin de cette année.  Il a souhaité que les acteurs libyens parviennent à résoudre les problèmes en suspens et trouvent un accord politique permettant l’organisation d’élections équitables, transparentes et inclusives.  Le délégué a également encouragé le Représentant spécial à promouvoir des mécanismes alternatifs pour garantir la tenue de ces scrutins le plus vite possible et assurer la participation de tous les secteurs de la société civile libyenne au processus politique.  À cet égard, il a jugé impératif que la campagne électorale se déroule dans un environnement sûr et pacifique, exempt de discours de haine et de violence, et qu’à cette fin l’espace civique soit protégé. 

S’agissant de la situation sécuritaire, le délégué a salué le travail de la Commission militaire conjointe 5+5 concernant la réunification des institutions de sécurité et la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu.  Il s’est aussi félicité des progrès accomplis dans le cadre du dialogue sur le retrait des forces et des combattants étrangers et la réactivation des comités de liaison avec les pays voisins, avant d’inviter les autorités libyennes à adopter des mesures efficaces pour répondre à la grave situation des migrants et des réfugiés.  Se disant préoccupé par les informations faisant état de détention arbitraire des migrants et des demandeurs d’asile, il a estimé que le soutien de la communauté internationale est nécessaire pour permettre le démantèlement des réseaux criminels de traite des personnes qui opèrent dans la région. 

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a pris note des progrès réalisés par le Comité « 6+6 » sur la loi électorale qui permettront d’organiser les élections en temps voulu, en toute sécurité et dans un environnement politique nécessaire favorable.  Les dirigeants libyens doivent permettre la tenue de ces élections qui donneront un cachet de légitimité aux institutions politiques, a insisté le délégué.  Il a salué les travaux de la Commission militaire conjointe 5+5 et demandé d’appliquer l’accord de cessez-le-feu notamment le retrait des combattants étrangers et des mercenaires et l’identification des groupes armées. 

Le délégué s’est ensuite inquiété des affrontements à Zaouiya, ainsi que du risque que des armes puissent être transférées de la Libye vers le Soudan. Il a aussi dit être très préoccupé par la détention du point focal sur le transport illicite de pétrole, Mr. Imad Ben Rajeb, et exhorté les autorités libyennes à fournir des informations sur les circonstances de son arrestation depuis laquelle, a-t-il noté, le trafic de pétrole aurait augmenté.  Il a ensuite appelé à la fin des ingérences étrangères qui font durer l’impasse politique en Libye. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a appelé à maintenir le processus politique libyen sur les rails, en se concentrant sur la réconciliation nationale et le dialogue.  À cet égard, il a appuyé les efforts déployés par le Conseil présidentiel, l’Union africaine et la Ligue des États arabes pour garantir le succès des efforts au bénéfice de tous les Libyens.  L’instauration de la sécurité en Libye est également essentielle à la construction d’un État stable, a-t-il poursuivi, en se félicitant de la détermination des chefs militaires à soutenir la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu.  Des mesures concrètes doivent également être prises sur le terrain, notamment le retrait des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires, a ajouté le délégué qui a ensuite appelé à la poursuite de l’unification des institutions militaires et de sécurité. Le représentant s’est par ailleurs préoccupé de l’efficacité des mécanismes de mise en œuvre de l’embargo sur les armes, et du degré de respect de cet embargo.  Ignorer les positions et les interprétations juridiques des États Membres concernant l’embargo sur les armes et son application sélective peut nuire au renforcement des capacités nationales de la Libye, a-t-il mis en garde. 

M. TAHER M. T. ELSONNI (Libye) a dit avoir bon espoir que les consultations devant conduire à la tenue d’élections d’ici à la fin de cette année en Libye prendront fin prochainement.  Dans ce cadre, il a salué les travaux du Comité « 6+6 » visant à créer un environnement propice à des élections libres et transparentes.  « C’est possible », a-t-il assuré, précisant que ces élections n’ont pas pour objet de marginaliser qui que ce soit mais de permettre d’effectuer une transition démocratique.  Il a également jugé essentiel de gérer la situation de manière responsable pour ne pas répéter les erreurs du passé.  Pour ce faire, nous devons trouver de nouvelles approches qui éviteront la répétition de conflits entre les pouvoirs et nous devons tenir compte des réserves exprimées par les différentes parties, a expliqué le représentant, avant d’appeler tous les acteurs libyens à contribuer au règlement des questions en suspens.  À ses yeux, les Libyens sont « frustrés » car le rêve que constituent ces élections semble leur échapper pour la deuxième fois.  « Il ne faut pas les abandonner », a-t-il lancé aux membres du Conseil, en dénonçant le fait que différents pays interviennent directement dans les décisions politiques libyennes.  À cet égard, il a souhaité que le Représentant spécial travaille avec les institutions libyennes, le Conseil présidentiel et d’autres parties prenantes pour résoudre les questions en suspens et aboutir à des lois qui fassent consensus et permettent l’organisation d’élections.  Notre Gouvernement soutient les efforts de l’ONU et fera tout son possible pour assurer la tenue de ces scrutins, a insisté le représentant, non sans saluer les travaux de la Commission militaire conjointe 5+5 destinés à préserver l’accord de cessez-le-feu et mettre fin à la présence de forces et de combattants étrangers sur le sol libyen. 

Abordant ensuite la question des sanctions, le délégué a rappelé que le gel des avoir libyens, décidé en 2011, avait initialement pour objectif de les protéger. Or, a-t-il dénoncé, différents pays ont pris des mesures qui ont contribué à la politisation de cette question, ce qui a entraîné des pertes majeures pour la Libye et une érosion de ses ressources.  Un certain nombre de pays ont considéré qu’ils pouvaient continuer de geler ces avoirs pour bénéficier des taux d’intérêt, s’est-il indigné, regrettant que le Comité des sanctions et le Groupe d’experts aient désormais un rôle relevant du contrôle du travail des institutions libyennes d’investissement.  En effet, a-t-il expliqué, il est demandé à ces institutions d’adopter des stratégies dans la définition de leurs programmes, « ce qui ne correspond pourtant pas au mandat du Comité ».  Malgré cela, les institutions libyennes ont répondu à toutes les demandes concernant leurs plans d’action et ont pu constater une érosion des sommes gelées, a assuré le représentant.  Selon lui, la situation est encore compliquée par le fait que certains pays utilisent des termes du rapport du Groupe d’experts pour poursuivre le gel des avoirs libyens « sans justification ».  Il a donc appelé le Comité à réexaminer ce régime et à autoriser les institutions d’investissement libyennes à gérer leurs propres avoirs. 

Évoquant par ailleurs les demandes de radiation formulées par la Libye pour raisons humanitaires, il a regretté que le Comité n’y ait pas donné suite, au risque d’ « envenimer la situation ».  Pour finir, le représentant a exhorté le Conseil à ne pas faire de la Libye une « scène d’affrontement politique » mais à tout mettre en œuvre pour permettre aux Libyens de s’approprier le processus politique en cours. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le Mali demande le retrait sans délai de la MINUSMA

9350e séance – matin
CS/15325

Conseil de sécurité: le Mali demande le retrait sans délai de la MINUSMA

Le Ministre des affaires étrangères du Mali a demandé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, le retrait sans délai de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), arguant notamment d’une crise de confiance entre les autorités maliennes et la Mission.

La MINUSMA semble devenir une partie du problème en alimentant les tensions communautaires exacerbées par des allégations d’une extrême gravité, a accusé M. Aboulaye Diop qui a de plus constaté qu’après plusieurs années de déploiement des forces de la MINUSMA sur le terrain, la situation sécuritaire, qui concernait jadis le nord du pays, s’est progressivement dégradée dans les autres régions du Mali, notamment le centre.  Pour le Gouvernement du Mali, le constat est clair: la MINUSMA n’a pas atteint son objectif fondamental, a-t-il affirmé. 

Insistant sur le caractère fondamental que revêt la coopération de l’État hôte, le Chef de la Mission et Représentant spécial du Secrétaire général pour la Mali, a assuré au contraire que malgré l’environnement complexe dans lequel elle opère et les restrictions à sa liberté de mouvement, la MINUSMA s’est employée à mettre en œuvre son mandat de la manière la plus efficace qui soit, évoquant notamment son soutien au processus de transition en cours. 

Selon M. El-Ghassim Wane, la Mission a d’indéniables avantages comparatifs « qui peuvent et doivent » être mis plus effectivement à contribution pour appuyer l’État malien.  Il a plaidé pour un engagement encore plus soutenu du Gouvernement malien à travers un dialogue régulier avec la Mission « pour élargir le champ des possibilités et saisir les multiples opportunités qui existent, au bénéfice des populations »  

L’examen stratégique interne effectué par l’ONU avec toutes les parties prenantes a confirmé que la MINUSMA reste le principal instrument international pour soutenir la paix au Mali, a souligné la France qui a relevé qu’il importe que la MINUSMA soit en mesure de mettre en œuvre son mandat, « ce qui n’est pas le cas actuellement ».  Dénonçant l’augmentation de restrictions depuis l’arrivée du groupe paramilitaire russe Wagner au Mali, la France a souligné que les troupes de la MINUSMA ont besoin d’un soutien sans réserve et d’une pleine liberté de mouvement.  Elle a ensuite invité le Conseil à se fonder sur plusieurs des recommandations du Secrétaire général pour adapter le déploiement de la MINUSMA à ces réalités.

Dans son dernier rapport sur le Mali, le Secrétaire général établit quatre paramètres déterminant l’efficacité de l’engagement de la Mission: avancement de la transition politique; progrès accomplis dans l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation; liberté de circulation de la Mission, y compris pour les moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance essentiels à la sûreté et à la sécurité des soldats de la paix; et enfin, capacité d’exécuter l’intégralité du mandat confié par le Conseil de sécurité, y compris les dispositions relatives aux droits humains.  Au nom des A3, le Mozambique a également proposé plusieurs pistes pour améliorer l’efficacité de la Mission, dont la protection des civils, le rétablissement de l’autorité de l’État dans les zones vulnérables, et le renforcement de la présence de la MINUSMA dans les zones critiques.  Le Conseil de sécurité doit se prononcer le 29 juin sur le renouvellement du mandat de la MINUSMA. 

Au cours de cette séance, de nombreux appels ont par ailleurs été lancés en faveur de l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation, et de l’achèvement de la transition politique.  Nombre de délégations ont en outre salué la tenue prochaine, le 18 juin, du référendum constitutionnel, première étape, a rappelé le Représentant spécial, du processus devant aboutir à la restauration de l’ordre constitutionnel dans le pays.

Précisant qu’une expertise internationale a conclu que rien dans le projet de Constitution ne s’oppose à la mise en œuvre de l’Accord, y compris la prise des dispositions législatives et réglementaires relatives au cadre institutionnel et à la réorganisation territoriale, M. Wane a encouragé les parties à rechercher un consensus sur les questions qui les divisent, notant que la Coalition des Mouvements de l’Azawad, la Plateforme et une partie des Mouvements de l’Inclusivité, regroupés au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP/PSD), ont indiqué ne pas se reconnaître dans le projet de Constitution.

Si tous les intervenants se sont inquiétés de la progression du terrorisme au Mali, certaines délégations se sont plus particulièrement alarmées de la situation des droits humains, notamment dans le cadre des opérations menées par les Forces armées maliennes et le groupe Wagner, à Moura en mars 2022.

De fait, pour l’Albanie, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, l’action déstabilisatrice du groupe et la menace qu’il représente pour le peuple malien et la souveraineté du pays n’ont jamais été aussi évidentes. 

La Fédération de Russie a dénoncé la réaction négative au renforcement de la coopération russo-malienne, manifestation selon elle d’approches néocoloniales et du « deux poids, deux mesures », soulignant que grâce à son soutien, les Forces armées maliennes ont obtenu des résultats tangibles contre des organisations terroristes dans le centre du pays.  Décriant les « conclusions hâtives » du rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme sur l’incident de Moura, le Ministre malien a décrié pour sa part la volonté de certains États d’instrumentaliser l’ONU pour « nuire et punir le Mali pour ses choix souverains ».

LA SITUATION AU MALI (S/2023/402)

Déclarations

M. EL-GHASSIM WANE, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a rappelé qu’après-demain, se tiendra le référendum constitutionnel, initialement prévu le 19 mars, qui marquera la première étape du processus devant aboutir à la restauration de l’ordre constitutionnel. Il a expliqué que l’une des questions qui a surgi dans le cours des débats sur le projet de Constitution a porté sur la mesure dans laquelle le texte prend en compte l’Accord pour la paix et la réconciliation.  Le 28 mars 2023, la Coalition des Mouvements de l’Azawad, la Plateforme et une partie des Mouvements de l’Inclusivité, regroupés au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP/PSD), ont diffusé un communiqué dans lequel ils ont indiqué ne pas se reconnaître dans le projet de Constitution.  M. Wane a également fait savoir qu’une expertise internationale a conclu que rien dans le projet de Constitution ne s’oppose à la mise en œuvre de l’Accord, y compris la prise des dispositions législatives et réglementaires relatives au cadre institutionnel et à la réorganisation territoriale.  Le Représentant spécial a jugé regrettable que l’appel pour le vote des membres des Forces de défense et de sécurité maliennes (FDSM) dans la région Kidal n’ait pas été entendu.  Il a encouragé les parties à rechercher un consensus sur les questions qui les divisent, et ce sur la base du communiqué de la médiation du 11 juin. 

Il a relevé que la reprise du cours normal du processus de paix permettra de s’attaquer plus efficacement à la situation sécuritaire qui reste « préoccupante », marquée par la pression que continue d’exercer l’État islamique dans le nord-est du Mali et dans les régions de Gao et de Menaka. Dans le centre du pays, les groupes terroristes et les milices d’autodéfense communautaires continuent d’être actifs, et la MINUSMA a également été la cible d’attaque, la plus récente étant celle intervenue le 9 juin dernier à côté de la localité de Ber, qui a fait 2 tués parmi les soldats burkinabé et 7 blessés.  Depuis janvier 2023, 5 Casques bleus ont trouvé la mort et 31 blessés lors d’actes hostiles, a-t-il encore déploré. 

Sur le plan humanitaire, le Représentant spécial a indiqué qu’à la date de mai 2023, le nombre de déplacés s’élevait à 375 539 personnes, et que cette année, 8,8 millions de personnes auront besoin d’assistance dans l’ensemble du pays.  Il s’est préoccupé du fait que le plan de réponse humanitaire n’est financé qu’à hauteur de 11% des 751 millions de dollars requis.  Il a ensuite indiqué que les enquêtes de la MINUSMA sur les allégations de violations des droits humains se poursuivent « ex situ » du fait de difficultés d’accès et/ou d’absence d’autorisations de la part des autorités.  Il a ajouté que les conclusions du rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme sur l’incident de Moura ont suscité une forte réaction de la part des autorités maliennes qui ont annoncé l’ouverture d’une enquête. 

M. Wane a ensuite indiqué que malgré l’environnement complexe dans lequel elle opère et les restrictions à sa liberté de mouvement, la MINUSMA s’est employée à mettre en œuvre son mandat de la manière la plus efficace qui soit, évoquant notamment son soutien au processus de transition en cours.  Il a insisté sur le caractère fondamental que revêt la coopération de l’État hôte et la relation de confiance à bâtir avec lui. Selon lui, la Mission a d’indéniables avantages comparatifs, qui peuvent et doivent plus effectivement être mis à contribution pour appuyer l’État malien.  Il a plaidé pour un engagement encore plus soutenu du Gouvernement malien à travers un dialogue régulier avec la Mission « pour élargir le champ des possibilités et saisir les multiples opportunités qui existent, au bénéfice des populations ». 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a estimé que le renouvellement du mandat de la MINUSMA, sur lequel se penchera prochainement le Conseil de sécurité, constitue un enjeu important pour le Mali et la stabilité régionale.  À cet égard, l’examen stratégique interne effectué par l’ONU avec toutes les parties prenantes a confirmé que la MINUSMA reste le principal instrument international pour soutenir la paix au Mali, a-t-il souligné, avant d’appeler au respect des paramètres fixés par le Secrétaire général. Dans ce cadre, a précisé le représentant, les processus politiques que la MINUSMA est chargée de soutenir doivent pleinement être mis en œuvre, « ce qui n’est actuellement pas le cas ».  Selon lui, la première priorité est l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation afin que des progrès se matérialisent sur le terrain, avec l’appui de la médiation internationale menée par l’Algérie.  La seconde priorité est l’achèvement de la transition politique dans le cadre agréé entre le Mali et la CEDEAO, avec un retour à l’ordre constitutionnel en mars 2024, a-t-il ajouté, rappelant que la MINUSMA est prête à contribuer à l’organisation des élections. 

Pour le représentant, il importe également que la MINUSMA soit en mesure de mettre en œuvre son mandat, « ce qui n’est pas non plus le cas actuellement ».  Constatant que, malgré le dialogue qu’elle poursuit avec les autorités maliennes, la Mission reste entravée, il a dénoncé le fait que, depuis l’arrivée du groupe paramilitaire russe Wagner au Mali, ces restrictions n’ont fait que s’accroître, de même que les graves violations des droits humains du droit international humanitaire, comme cela a été documenté dans le rapport sur Moura.  C’est pourquoi, a-t-il dit, les troupes de la MINUSMA ont besoin d’un soutien sans réserve et d’une pleine liberté de mouvement, conformément à l’accord sur le statut des forces.  Il a donc invité le Conseil à se fonder sur plusieurs des recommandations du Secrétaire général pour adapter le déploiement de la MINUSMA à ces réalités et faire un bilan régulier de ce déploiement. 

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), s’est félicité des progrès réalisés dans le pays, citant notamment l’annonce d’une date pour la tenue du référendum et la détermination des autorités maliennes à mettre en œuvre l’Accord pour la paix. Il s’est cependant inquiété des lacunes consécutives au retrait des pays fournisseurs de contingents, de même que de la détérioration de la situation humanitaire.  Il a condamné les actes terroristes perpétrés dans l’ensemble du pays et s’est félicité des importants investissements consacrés au renforcement des capacités de l’armée, appelant à un plus grand appui des donateurs.  Il a de plus décrié les contraintes imposées aux vols de renseignement, de surveillance et de reconnaissance de la MINUSMA qui entravent son efficacité.

S’agissant de l’amélioration de l’efficacité de la Mission, le représentant a appelé à mettre l’accent sur plusieurs domaines, dont la protection des civils, le rétablissement de l’autorité de l’État dans les zones vulnérables, la coopération avec l’État, le renforcement de la présence de la MINUSMA dans les zones critiques et le soutien à la feuille de route pour des élections pacifiques.  La Mission peut également aider les parties signataires de reprendre le dialogue en vue de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix.  Et il conviendrait de l’aider à se positionner pour mieux appuyer les mécanismes régionaux de lutte contre le terrorisme.  Il a ensuite engagé les autorités de transition à intensifier leur coopération avec la Mission, notamment en facilitant ses mouvements terrestres et aériens.  Une action coordonnée des acteurs nationaux, régionaux et internationaux s’impose également pour éviter le retour des combattants terroristes étrangers et la prolifération des armes légères et de petit calibre. 

Sur le plan politique, le représentant a encouragé les autorités à maintenir le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes afin de répondre aux différends liés à la constitution et au rétablissement de l’ordre constitutionnel. Les processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR), y compris la mise en œuvre du plan stratégique national pour 2022-2024, permettraient également de renforcer le processus de réconciliation.  Il a appelé à ce que tous les incidents de violation des droits humains et du droit international humanitaire, tels que les enlèvements, les violences sexuelles et les attaques contre les écoles et les hôpitaux, fassent l’objet d’enquêtes et que les auteurs répondent de leurs actes.  Le représentant a enfin mis l’accent sur la nécessité de combler les déficits de gouvernance et de développement qui sont au cœur de la lutte contre les causes profondes de l’instabilité au Mali. 

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) s’est dit heureux de constater que le Secrétaire général continue de suivre les progrès enregistrés par le Gouvernement de transition concernant les quatre critères de référence dans le cadre de l’examen interne de la MINUSMA.  Selon lui, ces paramètres sont clairement définis et facilement atteignables.  Il a demandé aux autorités maliennes de respecter leurs obligations au titre de l’Accord sur le statut des forces, en vertu de l’Accord d’Alger de 2015 et du calendrier fixé par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour la transition.  Le délégué a toutefois exprimé sa déception face à l’adoption de mesures d’obstruction par le Gouvernement malien, notamment les entraves à la liberté d’accès et de circulation de la MINUSMA alors que 117 demandes d’autorisation de vol ont été refusées au cours des trois derniers mois. Les autorités de transition ont également refusé quatre demandes de la MINUSMA sur cinq pour mener des enquêtes concernant des violations des droits humains. 

Malgré ces restrictions, la MINUSMA a mené avec diligence des dizaines d’enquêtes en utilisant des outils de police scientifique à distance, s’est félicité le délégué, y compris, en mars dernier, concernant des violations commises par les Forces armées maliennes et le groupe Wagner à Moura.  Accuser la MINUSMA d’espionnage alors qu’elle mène une enquête prévue dans le cadre de son mandat est à ses yeux inacceptable et met en péril la sécurité des Casques bleus autorisés par le Conseil de sécurité. Les États-Unis, a-t-il rappelé, ont imposé des restrictions de visas à deux officiers maliens impliqués dans des violations de droits humains à Moura.  Le représentant s’est dit consterné par le mépris de ces droits dont a fait preuve l’armée malienne dans cette localité, avec la coopération du groupe Wagner, appuyé par le Kremlin.  Selon lui, l’action déstabilisatrice de Wagner et la menace qu’il représente pour le peuple malien et la souveraineté du pays n’ont jamais été aussi évidentes. 

S’agissant des élections, le délégué s’est félicité des préparations « robustes » entreprises par le Gouvernement de transition en vue de la tenue du référendum constitutionnel du 18 juin prochain et des élections prévues en février 2024.  Il a encouragé les autorités de transition et les groupes armés signataires à démontrer un engagement du même ordre envers l’accord de paix en répondant de façon constructive aux propositions présentées par l’équipe de médiation internationale. Pour le représentant, il est clair que la MINUSMA ne pourra s’acquitter de son mandat dans les conditions actuelles et, par conséquent, que le statu quo est intenable. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a déclaré soutenir le renouvellement du mandat de la MINUSMA, estimant que l’examen stratégique partagé plus tôt cette année offre de solides perspectives à cet effet.  Elle s’est par ailleurs félicitée de la tenue du référendum constitutionnel au Mali, avant de remercier la CEDEAO et l’Union africaine pour leurs efforts en faveur d’un processus inclusif.  Elle s’est dite convaincue qu’un retour assuré à l’ordre démocratique et constitutionnel est essentiel et a exhorté les autorités maliennes et toutes les parties à créer un environnement propice aux droits des femmes et à leur protection.  La représentante a ensuite salué la rencontre, à Kidal, entre le Ministre malien de la réconciliation, de la paix et de la cohésion nationale avec des représentants de la Coordination des mouvements de l’Azawad et de la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d’Alger. 

Elle a d’autre part exhorté toutes les parties à faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et à respecter leurs obligations en vertu du droit international, tout en exprimant son inquiétude face aux attaques extrémistes signalées dans l’ouest et le sud du pays.  La déléguée s’est en outre alarmée de la forte progression de la violence sexuelle et sexiste ainsi que des violations graves à l’encontre d’enfants. Les capacités de protection de l’enfance au sein de la MINUSMA doivent être renforcées, a-t-elle plaidé, avant d’appeler à une plus grande coopération des autorités maliennes pour garantir la liberté de mouvement de la MINUSMA. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a constaté que la capacité de la MINUSMA à accomplir de manière efficace et prévisible son mandat est entravée.  À ses yeux, la complexité du contexte opérationnel, l’immensité de la zone d’intervention et le manque de personnel rendent cette mission particulièrement ardue.  Des ajustements sont donc nécessaires afin de concilier les tâches de la mission avec les réalités actuelles, a estimé le représentant, pour qui l’efficacité de la MINUSMA dépendra également d’une meilleure coopération avec les autorités maliennes et de leurs avancements sur les quatre paramètres identifiés par le Secrétaire général en janvier dernier, parmi lesquels figure la liberté de mouvement.  Or, la mission continue d’être confrontée à des restrictions, y compris la non-autorisation des vols de reconnaissance, a-t-il relevé. 

Le délégué s’est également alarmé de la persistance des allégations de violations et abus des droits humains et du droit international humanitaire sur tout le territoire malien.  Évoquant les événements de Moura, qui ont eu lieu en mars 2022 dans le cadre d’une opération militaire, il a souhaité que ces violations fassent l’objet d’enquêtes impartiales, indépendantes et efficaces et de poursuites pénales. Enfin, après avoir invité toutes les parties à reprendre le dialogue, avec l’appui de la médiation internationale, il a rappelé l’importance d’une transition politique pacifique, en vue de la tenue d’élections crédibles et transparentes dans les délais impartis, et s’est félicité de l’organisation d’un référendum constitutionnel ce dimanche. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a estimé que pour que la MINUSMA fonctionne correctement, les quatre paramètres définis dans l’examen interne de la mission doivent être respectés.  « Ces paramètres ne sont pas déraisonnables et ne sont pas imposés au Mali de l’extérieur », a-t-il plaidé, en rappelant qu’il s’agit d’engagements pris par les autorités maliennes de transition envers leur peuple, les États voisins et la communauté internationale.  Le délégué a donc demandé instamment des progrès en vue d’une transition pacifique et rapide vers l’ordre constitutionnel d’ici à mars 2024, ce qui suppose la pleine participation de la société civile au référendum constitutionnel de dimanche et à l’élection présidentielle de février prochain. 

Par ailleurs, des efforts urgents sont nécessaires pour relancer le dialogue entre les signataires de l’Accord de paix chancelant, en s’appuyant sur les propositions de la médiation internationale.  De plus, a poursuivi le représentant, les restrictions sur les mouvements de la MINUSMA –pour lesquelles il n’y a pas eu d’amélioration– doivent être levées.  Enfin, l’obstruction aux tâches de la MINUSMA en matière de droits humains doit cesser, a tranché le délégué, qui a demandé que les responsables du massacre tragique de plus de 500 personnes à Moura par les Forces armées maliennes et le groupe Wagner rendent des comptes.  C’est aux autorités maliennes de transition qu’il appartient de choisir leurs partenaires, a concédé le représentant.  « Mais soyons clairs: le groupe Wagner –qu’il opère de manière autonome ou sous le contrôle direct de Moscou– n’est pas la solution.  Au Mali ou ailleurs. » 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a insisté sur l’importance de garantir la liberté de mouvement de la MINUSMA, déplorant qu’aucune solution n’ait été trouvée au sujet des vols de renseignement, de surveillance et de reconnaissance malgré l’adoption, par la Mission, des mesures agréées avec le Gouvernement de transition malien.  Il a appelé à doter la MINUSMA de toutes les capacités nécessaires pour lui permettre d’appuyer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix ainsi que la transition politique, protéger les civils et soutenir le rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du pays.  Il a estimé que la coopération régionale est un facteur clef pour aider le Mali à ouvrir la voie à un processus de transition réussi.  À cet égard, il a réitéré son soutien à l’engagement actuel avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), tout en espérant que le dialogue avec les autorités maliennes de transition conduira à une collaboration plus poussée sur le développement et la mise en œuvre d’un plan de transition propice au rétablissement de l’ordre constitutionnel. 

Poursuivant, le représentant a souligné que le retour à la normalité démocratique doit inclure les femmes, les jeunes et les minorités ethniques et religieuses.  À cet égard, il a espéré la tenue d’un référendum constitutionnel plus inclusif et pacifique le 18 juin.  Le délégué a ensuite salué la coopération entre la MINUSMA et l’Autorité indépendante de gestion des élections en vue de coordonner le soutien technique et logistique et de renforcer les capacités des organisations de la société civile en matière de promotion du genre dans les processus électoraux.  Il s’agit là, a-t-il relevé, de mesures concrètes encourageantes en faveur d’une plus grande inclusion et d’une meilleure participation aux élections. 

M. ZHANG JUN (Chine) a estimé que le Mali a accompli des progrès considérables et que la coopération avec l’ONU et les autres partenaires est entrée dans une phase cruciale.  Le référendum constitutionnel, qui aura lieu dimanche, permettra au Mali d’aller encore plus de l’avant et d’accomplir des progrès durables, a pronostiqué le représentant.  À cet égard, il a appelé les parties à régler leurs divergences par le moyen du dialogue. Pour lui, la MINUSMA doit se limiter à apporter un appui technique au Mali pour l’organisation du référendum. Réagissant aux appels d’autres membres du Conseil sur l’importance de respecter les droits humains dans la lutte contre le terrorisme, le représentant a demandé que les opérations antiterroristes maliennes ne soient pas stigmatisées.  Quant aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, elles doivent respecter le principe de consentement des parties concernées, a rappelé le délégué, en jugeant nécessaire d’ajuster le mandat de la MINUSMA pour qu’elle respecte la souveraineté du pays hôte, tout en s’accordant sur son calendrier de sortie.  Les inquiétudes du Mali doivent être entendues et il faut maintenant prendre une décision axée sur le consensus s’agissant du renouvellement du mandat de la MINUSMA, a insisté le représentant.

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a considéré que la stabilité à long terme ne peut être atteinte sans un retour à l’ordre constitutionnel, saluant le référendum constitutionnel qui doit se tenir ce dimanche et les efforts déployés par les autorités maliennes de transition.  Il a ensuite rappelé que l’Accord de paix est le seul cadre existant pour parvenir à une paix et une réconciliation durables, demandant aux autorités de transition et aux parties signataires de reprendre rapidement les pourparlers.  Le représentant a salué le travail de la médiation internationale, l’encourageant à accélérer ses efforts pour renforcer la confiance dans le processus.  Par ailleurs, les opérations militaires de lutte contre l’insécurité, qu’elles soient menées par les Forces de défense et de sécurité maliennes ou des forces de sécurité étrangères, doivent respecter les droits humains, a-t-il souligné.  Le délégué s’est fait l’écho de l’appel lancé par le Secrétaire général aux autorités de transition pour qu’elles mènent rapidement une enquête crédible et transparente et publient rapidement ses résultats afin que les auteurs des crimes de Moura soient tenus responsables. Le Japon estime que le Conseil de sécurité doit doter la MINUSMA d’un mandat clair et réaliste, a ajouté le représentant en conclusion.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a constaté que, par le biais de la désinformation, de l’utilisation d’engins explosifs improvisés et d’attentats-suicides, le terrorisme continue de progresser au Mali.  Lutter contre ce fléau, surtout quand il met en danger la sécurité du personnel de la MINUSMA et l’empêche de remplir son mandat de protection des civils, doit être une priorité, a souligné le représentant. Par ailleurs, après avoir appelé le Gouvernement de transition malien à diligenter une enquête indépendante sur le massacre de Moura, il a souhaité que toutes les restrictions de mouvement imposées à la Mission soient levées et l’accord sur le statut des forces respecté. Le délégué s’est ensuite déclaré préoccupé par le blocage du processus de paix, avant de saluer les efforts de la médiation internationale, lesquels ont débouché sur l’engagement renouvelé du Gouvernement de transition à promouvoir la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali.  Il s’est également réjoui de la poursuite des processus électoral et constitutionnel, en vue d’une transition politique, avant d’applaudir les efforts déployés par la MINUSMA pour accroître la participation des femmes.  S’agissant enfin de l’avenir de la Mission, il a jugé que les préférences exprimées par le Mali doivent aller de pair avec une coopération en matière de renforcement des capacités et un respect du mandat qui lui a été confié.  Cela permettrait, selon lui, de garantir un apport continu de troupes et la poursuite de la mise en œuvre de l’Accord.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a déclaré que la transition politique doit être transparente et inclusive, regrettant que les points de vue de certaines parties prenantes et de la société civile n’aient pas été pris en compte dans le projet de constitution.  Elle a également relevé que les progrès dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix stagnent et a appelé les autorités de transition à faire preuve de volonté politique pour coopérer et appliquer ledit accord, tout en s’abstenant de contribuer à l’escalade des tensions. 

La situation sécuritaire pose de plus en plus de défis, a enchaîné la représentante, s’inquiétant notamment de l’escalade des tensions entre les groupes terroristes dans les régions de Goa et de Ménaka.  Elle s’est aussi préoccupée de l’augmentation dramatique des violations des droits humains et a appelé les autorités de transition à appliquer les recommandations du HCDH à la suite des atrocités commises à Moura en coopération avec le groupe Wagner.  La déléguée a ensuite dénoncé les restrictions imposées à la liberté de mouvement de la MINUSMA, et a regretté le peu de progrès réalisés pour appliquer les quatre paramètres identifiés par le Secrétaire général pour assurer la poursuite du fonctionnement de la mission.  Alors que le Mali se prépare à rétablir l’ordre constitutionnel d’ici à mars 2024, plusieurs étapes cruciales doivent être franchies pour assurer la tenue d’élections crédibles, a-t-elle ajouté. 

M. VASILLY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est alarmé de la situation au Mali qui reste, « sans exagération », difficile.  L’État islamique dans le Grand Sahara et Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM) ont nettement intensifié leurs activités meurtrières, s’est-il inquiété.  En outre, a-t-il ajouté, la multiplication des attaques terroristes entraîne une nouvelle détérioration de la situation humanitaire, relevant que près de 9 millions de personnes ont besoin d’une forme d’aide au Mali.  La gravité de la crise est encore exacerbée par le sous-financement chronique de l’appel lancé en faveur du pays, a-t-il observé, appelant les partenaires internationaux de Bamako à s’abstenir de politiser les questions liées à l’aide des donateurs. 

Le représentant russe a ensuite rappelé que dans le contexte du « vide » sécuritaire qui s’est installé à la suite du retrait « honteux », entre autres, de l’opération française Barkhane, le Gouvernement malien développe une coopération avec des partenaires internationaux capables de contribuer à la sécurisation et à la protection de sa population.  Grâce notamment au soutien de la Russie, les forces armées maliennes ont obtenu des résultats tangibles « sur le terrain », dont 59 opérations réussies menées, entre février et mars de cette année, contre des terroristes dans le centre du pays.  D’ailleurs, s’est-il enorgueilli, le dernier rapport en date du Secrétaire général note que les efforts de l’armée malienne ont permis de réduire le nombre de victimes civiles.  Aussi a-t-il dénoncé la réaction négative d’un certain nombre de pays au renforcement de la coopération russo-malienne, manifestation selon lui d’approches néocoloniales et de « deux poids, deux mesures ».  Il est nécessaire d’apporter une aide efficace aux autorités maliennes, plutôt que de leur « mettre des bâtons dans les roues », ce que, malheureusement, Paris continue de faire avec ses alliés, y compris en usant de son influence au sein des structures multilatérales, a déploré le représentant en conclusion. 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a appelé à rester concentré sur une transition politique durable au Mali, estimant à cet égard que le calendrier électoral des 12 prochains mois sera crucial.  Considérant que, dans ce contexte, la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation reste essentielle, elle a encouragé les parties à s’engager dans le dialogue facilité par la médiation internationale. Évoquant ensuite la menace terroriste qui s’étend à présent aux pays voisins du Mali, la représentante a souhaité voir les efforts nationaux complétés par des approches bilatérales et régionales, avec le concours des communautés concernées.  Les problèmes sécuritaires, notamment dans le centre du Mali, alimentent la crise humanitaire catastrophique que connaît le pays, a-t-elle relevé, avant d’appeler la communauté internationale à continuer de soutenir collectivement les efforts du Gouvernement malien pour accroître la présence de l’État et assurer la protection des civils. 

La représentante a par ailleurs noté que les changements climatiques agissent comme un « multiplicateur de risques ».  Rappelant l’intérêt qu’accorde son pays à cette question, elle s’est alarmée de la désertification croissante et de la réduction des précipitations au Mali, qui amenuisent encore les ressources et entravent le travail agricole saisonnier.  Cette situation livre des Maliens sans nourriture ni emploi au recrutement par des groupes armés, a-t-elle averti, souhaitant qu’à l’avenir, le rapport du Secrétaire général inclue des données sur la contribution des changements climatiques à l’instabilité dans le pays.  S’agissant enfin du mandat de la MINUSMA, la déléguée a jugé impératif de le renouveler et de favoriser une coopération accrue avec les autorités maliennes.  Ce rapprochement permettrait de lutter contre le problème de la désinformation, a-t-elle souligné, non sans rappeler que le Conseil a récemment adopté la résolution 2686 (2023) qui condamne ce fléau et l’incitation à la violence contre les opérations de maintien de la paix de l’ONU. 

M. ABOULAYE DIOP, Ministre des affaires étrangères du Mali, a déclaré que le Gouvernement de transition a pris des mesures fortes et irréversibles pour le retour à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé, dans les délais convenus, précisant que le scrutin référendaire, prévu le 18 juin 2023, vise à doter le Mali d’une nouvelle Constitution.  Le bon déroulement du processus de vulgarisation du projet de Constitution et la campagne électorale y relative augurent un scrutin référendaire apaisé et crédible, a-t-il assuré.

Le Ministre a ensuite estimé que les prescriptions internationales prodiguées par la MINUSMA depuis sa création en 2013, ont montré leur limite.  Sinon comment expliquer le fait que la situation sécuritaire du Mali en 2013 soit bien meilleure à celle d’aujourd’hui?  Le réalisme impose le constat de l’échec de la MINUSMA dont le mandat ne répond pas au défi sécuritaire, a-t-il tranché. Il a indiqué que le Gouvernement de transition a donné une place de choix au renforcement des capacités des Forces de défense et de sécurité maliennes qui, a-t-il affirmé, continuent de remporter contre les groupes armés terroristes des victoires décisives. 

Concernant le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) sur les événements de Moura, M. Diop a expliqué que c’est sur la base de renseignements fiables faisant état de la présence dans cette localité de principaux chefs terroristes pour planifier des attaques d’envergue, que les Forces de défense et de sécurité maliennes ont pris la décision de mener une opération à la hauteur de cette menace au cours de laquelle 203 combattants terroristes ont été neutralisés.  Il a rejeté vigoureusement « les conclusions hâtives du rapport biaisé » du HCDH, y voyant l’expression d’une volonté réelle de certains États d’instrumentaliser l’ONU pour nuire et punir le Mali pour ses choix souverains. De plus, ce rapport comporte des images obtenues par l’usage satellite à l’insu des autorités nationales ce qui constitue de l’espionnage, a accusé le Ministre qui a signalé que la teneur de ce rapport a également été démenti par de nombreux habitants de Moura. 

Après avoir réaffirmé l’engagement du Gouvernement à poursuivre la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, le Ministre a constaté qu’après plusieurs années de déploiement des forces de la MINUSMA sur le terrain, la situation sécuritaire, qui concernait jadis le nord du pays, s’est progressivement dégradée dans les autres régions du Mali, notamment le centre. Pour le Gouvernement du Mali, le constat est clair: la MINUSMA n’a pas atteint son objectif fondamental, a-t-il affirmé.  En outre, ni les propositions du Secrétaire général et encore moins le projet de résolution en cours de négociation n’apportent des réponses appropriées aux attentes des Maliens.  Ce projet de résolution conforte d’ailleurs la récusation de la France en tant que porte-plume, tant son contenu est hostile à l’égard du Mali, a-t-il ajouté.

Pour le Ministre, la Mission semble devenir une partie du problème en alimentant les tensions communautaires exacerbées par des allégations d’une extrême gravité et qui sont fortement préjudiciables à la paix, à la réconciliation et à la cohésion nationale du Mali.  Cette situation engendre un sentiment de méfiance des populations à l’égard de la MINUSMA et une crise de confiance entre les autorités maliennes et la Mission.  De ce qui précède, a terminé M. Diop, le Gouvernement du Mali demande le retrait sans délai de la MINUSMA. 

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La Quatrième Commission adopte une résolution sur l’étude d’ensemble des opérations de maintien de la paix et approuve le rapport du Comité des 34

Soixante-dix-septième session,
28e séance plénière – après-midi
CPSD/772

La Quatrième Commission adopte une résolution sur l’étude d’ensemble des opérations de maintien de la paix et approuve le rapport du Comité des 34

La Quatrième Commission, chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, a adopté, cet après-midi, par consensus, un projet de résolution portant sur l’étude d’ensemble de toute la question des opérations de maintien de la paix des Nations Unies sous tous leurs aspects, ainsi que le rapport de la session 2023 du Comité spécial des opérations de maintien de la paix, aussi appelé « Comité des 34 ». 

En entérinant cette résolution, l’Assemblée générale accueillerait avec satisfaction le rapport de la session de fond du Comité spécial, qui s’est tenue du 20 février au 17 mars 2023, à New York.  Elle ferait siennes les propositions, recommandations et conclusions énoncées au chapitre V du rapport, et prierait les États Membres et les organes compétents de l’ONU de prendre les mesures nécessaires pour les mettre en œuvre. 

Par ce texte, coparrainé par l’Argentine, le Canada, l’Égypte, le Japon, le Nigéria et la Pologne, la Commission recommande en outre à l’Assemblée de réaffirmer que les États Membres qui fourniront du personnel aux opérations de maintien de la paix dans les années à venir, ou qui participeront aux travaux du Comité spécial en qualité d’observateurs pendant trois années consécutives, deviendront membres du Comité des 34 à la session suivante. 

L’Assemblée générale déciderait par ailleurs que le Comité spécial, composé de 157 États Membres et de 7 États et organisations observateurs, poursuivra son examen de la question des opérations de maintien de la paix, en s’attardant sur toute proposition nouvelle ou ancienne susceptible de renforcer les moyens dont dispose l’Organisation pour s’acquitter des responsabilités qui lui incombent en la matière. 

Ce projet de résolution est largement basé sur ceux des années précédentes, a expliqué le Rapporteur du Comité spécial, M. Wael Eldahshan, de l’Égypte, et tient compte des conclusions et recommandations contenues dans le présent rapport du Comité.  Pour sa part, la Quatrième Commission a examiné ce point à son ordre du jour, qui est sans incidence sur le budget-programme de l’ONU, lors de la partie principale de la session de l’Assemblée générale, en novembre 2022. 

Le Canada, qui présidait le Groupe de travail plénier, s’est félicité de l’adoption consensuelle du rapport, qui contient, selon son représentant, des progrès notables sur des questions clefs relevant du maintien de la paix.  Réuni du 27 février au 17 mars 2023, le Groupe de travail plénier a également examiné les questions de procédure et les moyens d’améliorer les méthodes de travail du Comité des 34.  Une liste de possibilités découlant des suggestions formulées par les délégations a été établie et sera soumise au Comité spécial pour examen. 

La prochaine réunion de la Commission sera annoncée dans le Journal des Nations Unies

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L’ECOSOC convoque une réunion extraordinaire pour « sauver des vies » en Haïti, où la moitié de la population souffre de la faim

Réunion extraordinaire sur Haïti - matin
ECOSOC/7132

L’ECOSOC convoque une réunion extraordinaire pour « sauver des vies » en Haïti, où la moitié de la population souffre de la faim

Le Conseil économique et social (ECOSOC) a tenu ce matin une réunion extraordinaire sur le thème « Sauver des vies en répondant aux besoins urgents d’Haïti en matière de sécurité alimentaire ».  La situation en Haïti se détériore rapidement - près de la moitié de la population haïtienne souffre de la faim et une action urgente s’impose. 

Consacrée à la sévère crise alimentaire frappant Haïti, la réunion a permis aux États Membres, observateurs et partenaires des Nations Unies, ainsi qu’aux représentants de la société civile, du secteur privé et des institutions financières internationales de mettre en lumière la situation sécuritaire catastrophique du pays.  Des gangs armés défient l’État, renforcent leur emprise sur la capitale et de nombreux territoires, et contrôlent des axes routiers primordiaux, bloquant ou subtilisant la nourriture destinée à la population. 

Le Ministre de la planification et de la coopération externe d’Haïti, M. Ricard Pierre, et plusieurs dirigeants de la région des Caraïbes ont participé à l’événement.  Tous ont établi un lien clair entre situation alimentaire et situation sécuritaire: l’acheminement entravé de l’aide humanitaire et de la production agricole locale des campagnes vers les villes entraîne un cercle vicieux de hausse de la faim et de la criminalité, empêchant le pays de développer son plein potentiel économique et agricole. 

Le résultat est que cette année, en Haïti, 5,2 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire et de protection, dont 4,9 millions -soit près de la moitié de la population- connaissent des niveaux élevés d’insécurité alimentaire.  La malnutrition aiguë sévère atteint 5% dans certaines zones de Port-au-Prince, a précisé la Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC).  Mme Lachezara Stoeva a pris la parole la première, après la diffusion d’une vidéo où de jeunes Haïtiens ont témoigné de la faim et de l’insécurité qui impactent leur scolarité et leur vie au quotidien.  Chaque jour, ils se demandent ce qu’ils vont bien « pouvoir manger ». 

Le Plan d’action humanitaire 2023 exige des donateurs une enveloppe de 719 millions de dollars, soit le plus grand appel de fonds lancé depuis le séisme 2010.  Or seulement 22,6% de cette somme a été déboursée à ce jour, et aucun engagement conséquent n’a été annoncé aujourd’hui.  « Un trou financier géant doit être comblé », ont reconnu les États-Unis. Appelant la communauté internationale à relever le défi, ils ont rappelé qu’ils sont déjà le plus grand donateur d’aide humanitaire à Haïti et ont demandé à leurs partenaires d’apporter la leur. 

Initiateur de la réunion, le Président canadien du Groupe consultatif ad hoc de l’ECOSOC sur Haïti, M. Bob Rae, a confirmé que le niveau d’insécurité alimentaire en Haïti est devenu l’un des plus élevés au monde alors que le potentiel agricole est « immense », dans une péninsule où normalement, « tout pousse ».  Si la violence a atteint des niveaux insoutenables, la vulnérabilité alimentaire est « enracinée », structurelle, en raison notamment des catastrophes naturelles à répétition et du déficit chronique de développement.  Les moyens débloqués devraient être dédiés à bâtir un système agricole plus résilient, mais tant que les grands enjeux sécuritaires ne seront pas réglés, le pays ne pourra pas se consacrer à son développement, a analysé M. Rae. 

Cet avis a été partagé par le Ministre haïtien qui a insisté sur le problème fondamental de l’accès à l’alimentation entravé par les gangs.  Des gangs issus des bidonvilles, eux-mêmes nés de l’exode rural et de la misère des campagnes, a déploré M. Pierre.  Des gangs qui tirent leurs revenus des enlèvements, de la vente de drogue et du braquage de camions de marchandises.  Pour leur faire face, le Ministre a réclamé de toute urgence une assistance internationale, « une force armée robuste avec un mandat clair, en support de la Police nationale d’Haïti (PNH) », sans quoi « le risque d’une guerre civile est presque sûr ».  Il a aussi mentionné les inondations et les tremblements de terre meurtriers, dont le dernier en date est survenu la semaine dernière. 

Malgré ce sombre tableau, M. Pierre a promis devant l’ECOSOC un nouveau budget 2023-2024 « ambitieux », envisageant de faire du développement agricole le levier du développement haïtien. Quant à l’aide alimentaire extérieure assurant la survie des plus vulnérables, M. Pierre a jugé impératif qu’elle soit acheminée de façon à ne pas nuire à la production nationale en entraînant, entre autres effets pervers, une fluctuation des prix délétère pour les paysans haïtiens. 

Plusieurs dirigeants de la région ont lancé un appel urgent à la communauté internationale.  Dans une allocution vidéo préenregistrée, M. Ralph Gonsalves, Premier Ministre de Saint-Vincent-et-les Grenadines et Président de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a réclamé davantage d’appui au plan d’action humanitaire.  M. Andrew Holness, Premier Ministre de la Jamaïque, intervenant par vidéoconférence, a fait part de consultations menées à Kingston le 11 juin dernier avec ses homologues des Bahamas et d’Haïti.  Il a souligné que si l’appui des voisins et des partenaires était déterminant, la communauté internationale devrait faire davantage pour éviter que la crise ne s’aggrave et pour épauler une PNH « débordée ». 

Du côté des agences onusiennes, la Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM), Mme Cindy McCain, a annoncé, dans une déclaration préenregistrée, son intention d’aider 2,3 millions d’Haïtiens cette année.  « Sans aide supplémentaire, il y aura des carences », a-t-elle averti.  La Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Mme Catherine Russell, a quant à elle pointé la grande proportion d’enfants souffrant de cette crise alimentaire puisque plus de 243 000 enfants de moins de 5 ans sont aujourd’hui en état de malnutrition aiguë. Elle a aussi insisté sur les carences en eau et assainissement, avant d’appeler à son tour à financer entièrement le plan d’action humanitaire. 

Lors de la table ronde dédiée au renforcement de la résilience des systèmes alimentaires en Haïti, M. José Julio Gómez, Vice-Ministre des affaires bilatérales de la République dominicaine, a rappelé que les enjeux d’Haïti concernent de très près son pays.  Il a parlé du « processus de pacification » comme d’une priorité face aux gangs qui ont précipité l’effondrement de la production agricole, en rappelant que 83% du riz consommé en Haïti était désormais importé.  La Directrice de la Division des opérations et du plaidoyer du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), Mme Edem Wosornu, a pointé que l’aide devait désormais être acheminée « par hélicoptère », les routes étant coupées.

Le pays est aussi régulièrement frappé par des catastrophes naturelles, a souligné M. Guangzhou Qu, Directeur du Bureau de liaison de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).  Il a indiqué que la FAO avait besoin d’une enveloppe de 62 millions de dollars pour soutenir la transformation des systèmes alimentaires haïtiens afin de les rendre plus résilients.  Or, 5% seulement de cette somme a été décaissée, a-t-il déploré.  Du côté du Fonds monétaire international (FMI), Mme Patrizia Tumbarello, Cheffe de mission pour Haïti, a indiqué que le FMI avait approuvé un financement d’urgence de 110 millions de dollars pour répondre à la crise alimentaire, même si les besoins restent immenses. 

Les producteurs de riz américains ont été mis en cause par un expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Haïti désigné par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. William O’Neill: selon lui, ils ont « inondé le marché local »  et « détruit » le système de production haïtien.    

Lors du débat qui a suivi avec près d’une trentaine de délégations, Cuba a estimé qu’Haïti était avant tout victime des différents impérialismes qui ont voulu punir ce pays d’avoir été la première république noire indépendante.  L’Équateur, membre du Conseil de sécurité, a indiqué qu’il veillera à ce que la situation en Haïti reste tout en haut de l’ordre du jour international, appuyé par son homologue de Malte.  Également membre de cet organe, le Brésil a appelé à mettre en œuvre la résolution 2417 (2018) du Conseil de sécurité, afin de remédier à la violence, tandis que l’Italie a, elle, mentionné l’appui apporté à la formation des policiers haïtiens. 

La Barbade, au nom de la Communauté des Caraïbes, a estimé qu’il fallait passer à l’action en opérationnalisant le plan d’aide humanitaire et en finançant les 719 millions de dollars nécessaires en totalité.  Le Chili a appelé à une réponse holistique en Haïti, qui passe par la restauration de la confiance des Haïtiens dans la transition politique et la lutte contre l’insécurité.  La moitié de la population haïtienne est employée dans l’agriculture mais la productivité est extrêmement basse, a noté le Japon, qui a suggéré d’épauler Haïti dans ce domaine.  La Slovénie a plaidé à son tour pour renforcer la résilience, en investissant dans l’agriculture locale et un « avenir stable et sûr ».  L’Argentine ou encore l’Indonésie ont aussi préconisé des solutions agricoles à long terme, via la formation et l’aide à la production.  « Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur un pays qui brûle », a résumé l’Allemagne.

La Présidente de l’ECOSOC a clos les discussions en espérant que la réunion apporterait des « résultats concrets sur le terrain ».  Elle a d’ores et déjà annoncé une réunion de suivi, qui se déroulera le 20 juin, à Genève.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: Le Soudan affirme que l’embargo sur les armes l’empêche de mettre fin aux atteintes à sa souveraineté et à son intégrité territoriale

9348e séance – matin
CS/15322

Conseil de sécurité: Le Soudan affirme que l’embargo sur les armes l’empêche de mettre fin aux atteintes à sa souveraineté et à son intégrité territoriale

Le Ghana, qui préside le Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1591 (2005), chargé de surveiller l’application des sanctions applicables au Soudan a, ce matin, brièvement présenté au Conseil le rapport couvrant les activités de cet organe subsidiaire depuis le 21 mars dernier.  Le représentant soudanais a saisi l’occasion pour dénoncer l’embargo sur les armes imposé à son gouvernement et blâmer les agissements criminels des milices et des rebelles dans son pays. 

Le 12 mai dernier, le Comité a écouté son groupe d’experts lui présenter son programme de travail pour 2023 et 2024 ainsi que la situation au Darfour, a indiqué le Ghana.  À cette occasion, il a été informé des domaines dans lesquels le Groupe souhaite mener des enquêtes et réaliser un suivi, conformément au mandat qui lui a été conféré en vertu de la résolution 2676 (2023).  Le 6 juin, le Groupe d’experts a présenté son premier rapport trimestriel sur les dynamiques régionales ainsi que sur l’escalade de la violence dans certaines parties du Darfour, a encore précisé la présidence du Comité. 

À la lumière des derniers événements dans son pays, le représentant soudanais a assuré que les relations entre Khartoum et les pays voisins n’ont pas été affectées par la crise humanitaire ni par les affrontements militaires en cours.  Son gouvernement, a-t-il dit, n’a pas été informé de problèmes de sécurité nationale causés par les personnes déplacées et les réfugiés ayant traversé les frontières vers d’autres pays.  Le Gouvernement soudanais est venu à la rescousse des populations à la frontière nord-ouest du pays, aux prises avec les rebelles, auxquels l’opposition tchadienne aurait prêté main-forte, a fustigé le délégué.  Ces rebelles ont aussi envahi des zones à la frontière avec la République centrafricaine, a-t-il affirmé, fustigeant également les milices qui ont fait main basse sur des régions entières et détruit des infrastructures. 

Le délégué a demandé de faire pression sur les rebelles et les milices afin qu’elles cessent leurs crimes et permettent l’ouverture de couloirs humanitaires.  Pour lui, aucun doute, la souveraineté et l’intégrité territoriale du Soudan ont été mises à mal par l’embargo sur les armes qui empêche le Gouvernement d’assurer correctement la sécurité.  Le représentant soudanais a également accusé la communauté internationale d’avoir manqué à sa promesse d’apporter un soutien financier au désarmement et au démantèlement des milices et à la réintégration des groupes armés.

Alors qu’elles se livrent au Darfour à des trafics d’armes dans les camps, détruisent les infrastructures et les bâtiments publics, les marchés, les hôpitaux, les écoles, les stocks de médicaments, et prennent pour cible les casernes militaires et les Forces armées soudanaises, les milices doivent rendre des comptes pour leurs actes criminels dans les meilleurs délais, a exhorté le délégué, en exprimant sa crainte que ne s’installe une culture d’impunité.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.