La Conférence sur la biodiversité marine achève ses travaux au lendemain de l’adoption d’un traité historique
La Conférence intergouvernementale chargée d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (BBNJ) a clôturé, aujourd’hui, ses travaux, à l’issue de sa cinquième et dernière session, au lendemain de l’adoption d’un accord historique en lien avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
Au moment de « refermer le chapitre de notre aventure BBNJ », la Présidente de la Conférence, Mme Rena Lee, de Singapour, dont le travail a été chaudement salué par l’ensemble des délégations, s’est félicitée de l’adoption de l’accord qui marque un nouveau début dans nos efforts conjoints pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale. « Nous travaillons ensemble, malgré nos différences, pour l’amélioration de nos océans, pour l’amélioration de notre planète », a-t-elle ajouté.
Les délégations se sont ainsi donné rendez-vous à New York le 20 septembre prochain, date de l’ouverture à la signature de l’accord sur la biodiversité marine, au cours de la semaine du débat général de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale. L’accord entrera en vigueur dès qu’il aura été signé et ratifié par 60 pays.
Les délégations ont également adopté le rapport* de la Conférence, actualisé afin de refléter les travaux de la reprise de la cinquième session, en février et mars 2023. Une phrase a été ajoutée au paragraphe 29 du rapport pour indiquer que la Fédération de Russie, dans son explication de vote, s’est dissociée du consensus sur le texte de l’accord préparé par la Conférence, assortie d’une note explicative en bas de page. Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), la Jamaïque a exprimé sa vive préoccupation face à cette approche « sans précédent » qui s’écarte, selon elle, des normes applicables en cas de dissociation.
La Conférence a été établie en 2017 par la résolution 72/249 de l’Assemblée générale afin d’examiner les recommandations du Comité préparatoire et d’élaborer, dans les plus brefs délais, un instrument international juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, en particulier les ressources génétiques marines, les outils de gestion par zone, les études d’impact sur l’environnement ainsi que le renforcement des capacités et le transfert de techniques marines.
« Le chemin n’est pas terminé », ont prévenu les Fidji, en rappelant qu’il s’est écoulé douze années entre l’adoption, en 1982, de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et son entrée en vigueur. Fruit de négociations échelonnées sur près de vingt ans, le nouveau traité constitue le troisième accord d’exécution de la « constitution des océans », a relevé la République de Corée, après l’Accord sur les fonds marins de 1994 et l’Accord sur les stocks de poissons de 1995. Selon la délégation, le système de gestion juridiquement contraignant pour la haute mer et les fonds marins qui en résultera permettra à la communauté internationale de « riposter de façon préventive » aux crises environnementales.
L’accord fournira le cadre nécessaire à la mise en place d’outils de gestion des activités économiques et à la réalisation de l’engagement du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal de conserver au moins 30% des zones marines et côtières d’ici à 2030, ont considéré le Canada, la Norvège et le Royaume-Uni. Pays hôte, en 2025, de la Conférence des Nations Unies sur les océans, la France a estimé que l’adoption de cet accord ne doit pas être interprétée comme la fin du processus, mais plutôt comme le début d’une nouvelle dynamique pour la coopération et le multilatéralisme en faveur de la protection des océans.
Afin que ce traité acquière un caractère véritablement universel, sa mise en œuvre devra aller de pair avec la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), ont insisté tour à tour l’Algérie, l’Italie ou encore la Thaïlande, s’agissant notamment du partage équitable des ressources génétiques, du transfert des technologies marines et du renforcement des capacités. Toutefois, a insisté le Japon, chaque État Membre devra contribuer selon ses moyens, sans placer de fardeau financier disproportionné sur certaines parties à l’accord.
« Nous avons accompli un long voyage mais aujourd’hui, nous en entamons un nouveau », pour lequel chaque État devra établir son propre itinéraire afin de donner vie à ce texte, a conclu Tonga.
Débat général (suite et fin)
D’emblée, les Fidji se sont félicitées de la délégation « robuste » des États du Pacifique qui a participé aux négociations en vue de l’adoption de l’accord, qui reconnaît le statut des petits États insulaires, des peuples autochtones et des communautés locales en tant que partenaires égaux de la gouvernance des océans détenteurs de savoirs traditionnels. Toutefois, « le chemin n’est pas terminé », a prévenu la délégation, en rappelant qu’il s’est écoulé douze ans entre l’adoption, en 1982, de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et son entrée en vigueur. Le Timor-Leste a d’ailleurs souhaité que l’accord permette de donner un nouveau souffle à la Convention, tout en renforçant la coopération entre les États en vue de la protection et de la préservation des ressources en haute mer.
Fruit de négociations échelonnées sur près de vingt ans, l’accord « BBNJ » constitue le troisième accord d’exécution de la Convention, après l’Accord sur les fonds marins de 1994 et l’Accord sur les stocks de poissons de 1995, a noté la République de Corée, pays bordé par la mer qui a un intérêt essentiel à préserver la biodiversité et l’environnement marins. Le système de gestion juridiquement contraignant pour la haute mer et les fonds marins qui en résultera permettra à la communauté internationale, selon la délégation, de « riposter de façon préventive » aux crises environnementales mondiales.
Malgré la pollution et une invasion de sargasses, les littoraux de la mer des Caraïbes constituent l’un des écosystèmes possédant la plus grande biodiversité de la planète, a noté la République dominicaine, pour qui la création de zones maritimes protégées et les dispositions concernant les évaluations d’impact environnemental présentent un intérêt vital.
Selon le Canada, appuyé par la Norvège et le Royaume-Uni, cet accord fournira le cadre nécessaire pour mettre en place des outils de gestion des activités économiques et réaliser l’engagement du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal de conserver au moins 30% des zones marines et côtières d’ici à 2030. Pour la France, qui accueillera en 2025 la Conférence des Nations Unies sur les océans, l’adoption de l’accord sur la biodiversité ne doit pas être interprétée comme la fin du processus, mais plutôt comme le début d’une nouvelle dynamique pour la coopération et le multilatéralisme en faveur de la protection des océans.
Nation maritime impliquée dans chaque étape du processus de négociation, le Japon a souhaité que l’ensemble des mécanismes prévus par l’accord, notamment s’agissant des outils de gestion par zones, s’articulent sur la base des plus récentes informations scientifiques. Il est également essentiel que chaque État Membre contribue selon ses capacités financières, sans placer de fardeau disproportionné sur certaines parties à l’accord. La Belgique a souligné à cet effet l’importance des dispositions institutionnelles figurant dans le traité, en ajoutant qu’elle serait « honorée » d’accueillir le secrétariat permanent.
« Nous avons accompli un long voyage mais aujourd’hui, nous en entamons un nouveau », pour lequel chaque État devra établir son propre itinéraire afin de donner vie à ce texte, ont dit les Tonga, s’agissant de la signature, de la ratification et de la mise en œuvre du traité. Comme la Thaïlande, le Sénégal a considéré que la mise en œuvre de l’accord doit aller de pair avec la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) dans les pays en développement, notamment en ce qui concerne le partage équitable des ressources génétiques marines, le transfert des technologies marines et le renforcement des capacités. Un partage de technologies et de connaissances en faveur des pays en développement cher à l’Algérie ainsi qu’à l’Italie pour qui les transferts joueront un rôle primordial pour faire en sorte que ce projet soit véritablement universel. Oman a également misé sur l’application de cet accord historique en s’appuyant prioritairement sur le partage et le transfert des technologies et des connaissances marines vers les pays du Sud.
« Cet accord va aider nos pays désavantagés géographiquement pour accéder à la mer en renforçant nos capacités d’utilisation et de gestion durables des ressources marines », a fait valoir la Bolivie, pays sans littoral, en saluant la reconnaissance des océans par l’accord comme un « patrimoine commun de l’humanité ». Un concept qui doit être interprété dans le sens le plus large possible, a-t-elle dit. Autre pays enclavé privé des avantages de « l’économie bleue », le Népal a dit attacher une grande importance au libre accès à la haute mer pour les pays en développement sans littoral (PDSL). Il a exprimé son insatisfaction de voir que cet accord, contrairement à d’autres instruments internationaux, ignore les préoccupations et les besoins particuliers des États sans littoral, en regrettant qu’un texte plus « inclusif et équilibré » n’ait pas été adopté.
Ayant plaidé, elle aussi, pendant les négociations, pour un instrument inclusif pour tous et à visée universelle, la Türkiye a apporté son avis en tant que pays en développement à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Elle a appelé les États non parties à la Convention sur le droit de la mer à participer en toute bonne foi à la mise en œuvre de l’accord, parce qu’il est d’essence environnementale, et à œuvrer, en s’appuyant sur la coopération technique, à l’application effective de ses dispositions.
Le Togo, le Malawi et l’Ouganda ont, de même, appelé les États Membres à honorer leurs engagements fermes en faveur d’une opérationnalisation rapide de l’accord. Pour ces pays, l’accord, s’il est mis en œuvre rapidement, permettra de s’attaquer au défi climatique, ce qui est d’une importance capitale pour les pays en développement africains sans littoral.
Les observateurs ont pris la parole à la suite des États Membres. L’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN) a salué un moment historique qui ponctue un travail d’élaboration de deux décennies, l’Union ayant participé à toutes les étapes de ce processus. Comme l’UICN, l’Autorité internationale des fonds marins a appelé à l’entrée en vigueur de l’accord au plus tard en 2025. Les deux organismes ont rappelé qu’ils se tiennent prêts à apporter aux États Membres leur expertise en matière de gestion par zone, de recherche marine et renforcement des capacités, dans le cadre de l’application des dispositions de l’accord. Ils ont en outre encouragé le Secrétaire général de l’ONU à mettre en place une commission préparatoire à la tenue de la première réunion des États parties à l’accord.
Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont eux-aussi indiqué être disposés à aider les pays à appliquer l’accord sur le plan régional et à contribuer à durabiliser ces secteurs indispensables pour assurer la sécurité alimentaire mondiale que sont la pêche et l’aquaculture.
C’est un même message de soutien à la coopération technique qu’ont tenu à faire passer les représentants de la Convention sur la diversité biologique et de l’Organisation maritime internationale (OMI).
Enfin, la société civile, par la voix notamment de Greenpeace International, de l’Alliance de la haute mer et de la Deep Sea Conservation Coalition, a rappelé avoir fait campagne sans relâche pendant deux décennies à travers le monde en faveur de l’accord. Ces organisations ont félicité les États Membres pour avoir su mettre de côté leurs divisions pour faire d’un tel accord de sauvegarde de l’humanité une réalité. Pour ces acteurs, protéger 30% des océans d’ici à 2030 est un objectif qui se doit d’être atteint, puisque sans océans il ne peut y avoir de vie sur la Terre.
* A/CONF.232/2023/L.2