Conseil de sécurité: en Libye, des désaccords autour des projets de lois électorales risquent de paralyser les institutions, prévient le Représentant spécial
En Libye, des élections réussies nécessitent non seulement un cadre juridique, mais aussi un accord politique qui garantisse l’adhésion de toutes les parties prenantes, a, ce matin, déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général dans ce pays, venu faire le point, devant le Conseil de sécurité, sur la situation au cours des trois derniers mois. « Si nous approuvons tous le principe d’une solution intralibyenne, ce mot d’ordre ne doit pas servir de slogan pour dissimuler un agenda visant à prolonger le statu quo au détriment des droits politiques du peuple libyen et de ses aspirations à des institutions légitimes et à la prospérité », a mis en garde M. Abdoulaye Bathily qui a appelé à exercer une pression accrue sur les acteurs.
S’exprimant par visioconférence, M. Bathily a fait savoir que le 6 juin, le Comité « 6+6 » issu de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État, qui forment le Parlement libyen, est parvenu à un accord sur les projets de lois pour les élections présidentielle et parlementaires prévues plus tard cette année. Mais depuis, les parties prenantes libyennes contestent certains aspects du texte adopté, la Haute Commission électorale nationale ayant par exemple exprimé des inquiétudes quant à leurs « graves lacunes et insuffisances techniques », a indiqué le Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL).
Les questions les plus contentieuses sont au nombre de cinq. Tout d’abord, les critères d’éligibilité des candidats à l’élection présidentielle. Ensuite, la disposition prévoyant un second tour obligatoire de ce scrutin même si un candidat obtient plus de 50% des voix au premier tour. En cause également, la disposition stipulant qu’en cas d’échec du premier tour de la présidentielle, les législatives n’auront pas lieu non plus. Sans compter la disposition exigeant la mise en place d’un nouveau gouvernement intérimaire avant que les élections puissent avoir lieu, qui a provoqué des remous, a précisé le Représentant spécial. Par ailleurs, si le projet de loi réserve au moins 20% de sièges aux femmes au sein de la Chambre des représentants, il n’en prévoit que 6 sur les 90 que compte le Sénat.
« Les critères d’éligibilité, le lien entre les élections présidentielle et parlementaires et la question de la formation d’un nouveau gouvernement unifié sont très controversés et nécessitent, avant tout, un accord politique entre les principales parties prenantes et les circonscriptions clefs de l’ensemble de l’échiquier politique libyen », a souligné le haut fonctionnaire. Faute de quoi, a-t-il prévenu, les dispositions législatives correspondantes resteraient inapplicables et pourraient déclencher une nouvelle crise.
« Nous devons trouver de nouvelles approches qui éviteront la répétition de conflits entre les pouvoirs et tenir compte des réserves exprimées par les différentes parties », a reconnu le représentant de la Libye qui a lui aussi appelé tous les acteurs à contribuer au règlement des questions en suspens. Ses compatriotes sont « frustrés », car le rêve que constituent ces élections semble leur échapper pour la deuxième fois, a-t-il insisté, en dénonçant le fait que différents pays interviennent directement dans les décisions politiques libyennes.
Professeure à l’Université de Benghazi et Directrice du Centre WASHM d’études sur les femmes, Mme Abeer Amnina a estimé pour sa part qu’une des priorités urgentes pour son pays est l’établissement d’un environnement propice à la liberté d’expression et la liberté de travailler, gravement menacées par plusieurs facteurs. Une nouvelle procédure à l’aéroport de Mitiga qui restreint la liberté de mouvement des femmes a d’ailleurs été condamnée par le Représentant spécial, suivi sur ce point par la Suisse.
Mme Amnina a notamment expliqué que la société civile libyenne souffre de la domination des institutions nationales sur les droits d’organisation et de travail, provoquant un rétrécissement de l’espace accordé à la liberté civile. Nous sommes exclus de tout comité décidant de l’avenir de la Libye et nos membres exposés à l’arrestation et à la torture sous prétexte de protéger les valeurs libyennes et islamiques, a-t-elle déploré, en recommandant de promulguer une loi réglementant l’établissement et le travail des organisations de la société civile.
Cette impasse préélectorale est d’autant plus préoccupante qu’elle coexiste avec un regain de violences, alors que des affrontements armés ont eu lieu ces dernières semaines en Tripolitaine, dans la ville de Zaouiya en particulier, ont relevé plusieurs délégations, dont celle de la France pour qui ces événements soulignent l’importance d’institutions sécuritaires et militaires unifiées sur tout le territoire. Le soutien que cette délégation a apporté à la Commission militaire conjointe 5+5 en vue d’une réunification de l’armée libyenne a été partagé par la grande majorité des membres du Conseil, de même que l’exigence de retrait du sol libyen de tous les mercenaires et combattants étrangers.
Les avis ont cependant divergé au sujet des sanctions, dont la levée a été réclamée par la Libye, qui a accusé ces mesures d’être politisées. Après avoir entendu le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) présenter les dernières mises à jour du train de mesures imposées en Libye, certains membres ont eux aussi questionné leur pertinence. Là où l’Albanie et Malte ont demandé le strict respect de l’embargo sur les armes, les Émirats arabes unis ont ainsi estimé que son « application sélective » pouvait nuire au renforcement des capacités nationales de la Libye.
LA SITUATION EN LIBYE
Déclarations
Après avoir présenté ses condoléances aux familles des migrants ayant perdu la vie dans le naufrage du bateau parti de Tobrouk en Méditerranée, mercredi dernier, M. ABDOULAYE BATHILY, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye (MANUL), a fait savoir qu’entre le 22 mai et le 6 juin, le Comité « 6+6 » chargé par les deux chambres de finaliser les lois électorales s’est réuni au Maroc, avec le soutien d’une équipe technique composée d’experts de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). Le 6 juin, il a annoncé être parvenu à un accord sur les projets de lois pour les élections présidentielle et parlementaires. Depuis, les parties prenantes libyennes ont fait part de leurs réactions mitigées à l’égard du texte adopté, des questions clefs restant fortement contestées. La Haute Commission électorale nationale a notamment fait part de ses inquiétudes quant à leurs graves lacunes et insuffisances techniques, a noté M. Bathily.
Les questions les plus contestées sur le plan politique sont les suivantes: les critères d’éligibilité des candidats à l’élection présidentielle; la disposition prévoyant un second tour obligatoire de l’élection présidentielle même si un candidat obtient plus de 50% des voix au premier tour; la disposition stipulant qu’en cas d’échec du premier tour de l’élection présidentielle, les élections législatives n’auront pas lieu non plus; et la disposition exigeant la mise en place d’un nouveau gouvernement intérimaire avant que les élections puissent avoir lieu. Par ailleurs, si le projet de loi réserve au moins 20% de sièges pour les femmes au sein de la Chambre des représentants, il n’en prévoit que 6 sur les 90 que compte le Sénat.
« Les critères d’éligibilité à l’élection présidentielle, le lien entre les élections présidentielle et parlementaires et la question de la formation d’un nouveau gouvernement unifié sont très controversés et nécessitent, avant tout, un accord politique entre les principales parties prenantes et les circonscriptions clefs de l’ensemble de l’échiquier politique libyen », a résumé le Représentant spécial. Faute de quoi, les dispositions législatives correspondantes resteraient inapplicables et pourraient déclencher une nouvelle crise, a-t-il mis en garde.
Abordant la situation sur le plan sécuritaire, le Représentant spécial a indiqué que Tripoli est restée relativement calme au cours de la période à l’examen. Mais les opérations menées par le Gouvernement contre les trafics de drogue, d’armes, de carburant et d’êtres humains à Zaouiya et dans les environs ont suscité des accusations de motivations politiques. En outre, les Libyens craignent qu’en cas de prolongation du conflit au Soudan, ses retombées ne posent une nouvelle série de problèmes pour la stabilité de la Libye, dont le retrait des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires.
Dans ce contexte, le dialogue que le Représentant spécial a facilité entre les acteurs sécuritaires et militaires se poursuit, avec des réunions entre la Commission militaire conjointe 5+5 et des formations armées à Tripoli, à Sabha et à Benghazi. Ces réunions ont rassemblé les parties belligérantes pour la première fois depuis l’éclatement de la crise, et les acteurs sécuritaires et militaires se sont publiquement engagés à soutenir le processus électoral et à en accepter les résultats.
En ce qui concerne les droits humains, M. Bathily s’est dit préoccupé par la hausse préoccupante des contrôles excessifs effectués par les agences sécuritaires. Il a notamment demandé l’abrogation d’une nouvelle procédure de l’Agence de sécurité intérieure qui restreint la liberté de mouvement des femmes en exigeant de celles qui partent seules des aéroports libyens de la région occidentale qu’elles remplissent un formulaire sur les raisons d’un voyage à l’étranger sans être accompagnées par un homme. En outre, le 22 mai, le Gouvernement d’unité nationale a décidé de former un comité chargé de réglementer les organisations de la société civile sur la base d’une loi restrictive qui affirme le contrôle de l’État sur les activités de la société civile. Il s’est dit également préoccupé par les mesures qui contreviennent aux garanties fondamentales d’un procès équitable lorsque les forces de sécurité extorquent des aveux à des personnes en garde à vue et les publient sur les réseaux sociaux.
Le Représentant spécial a ensuite souligné que des élections réussies nécessitent non seulement un cadre juridique, mais aussi un accord politique qui garantisse l’adhésion et l’inclusion de toutes les principales parties prenantes. Or, si nous approuvons tous le principe d’une solution intra-libyenne comme base de la paix et d’une stabilité durables, ce mot d’ordre ne doit pas servir de slogan pour dissimuler un agenda visant à prolonger le statu quo au détriment des droits politiques du peuple libyen et de ses aspirations à des institutions légitimes et à la prospérité, a indiqué M. Bathily qui a appelé à exercer une pression accrue sur les acteurs.
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon), Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, a présenté les travaux de cet organe de sanctions pour la période allant du 19 avril au 19 juin 2023. Il a indiqué que, s’agissant de l’embargo sur les armes, le Comité a répondu à une lettre de l’Union européenne concernant l’exception prévue au paragraphe 9 de la résolution 2095 (2013). Le Comité examine également une lettre de la Libye, soumise en réponse à une lettre précédente du Comité, concernant certains aspects de l’application de l’embargo, a-t-il précisé. Il a ensuite évoqué les mesures qui visent à prévenir les exportations illicites de pétrole, y compris de pétrole brut et de produits pétroliers raffinés, en provenance de Libye, indiquant qu’à la suite de son précédent rapport au Conseil, le Comité a envoyé une lettre à la Libye au sujet du point focal du Gouvernement libyen nommé en application de la résolution 2146 (2014).
En ce qui concerne le gel des avoirs, a-t-il poursuivi, aucune décision négative n’a été prise par le Comité concernant une notification invoquant le paragraphe 19 a) de la résolution 1970 (2011) présentée par le Royaume-Uni. Le Comité a par ailleurs fourni des éclaircissements sur la portée du gel des avoirs, comme demandé par la Belgique. Abordant les mesures d’interdiction de voyager, M. Ishikane a dit avoir reçu une notification de voyage de Mme Aisha Kadhafi, personne figurant sur la liste des sanctions, pour un voyage d’Oman vers l’Arabie saoudite, en vertu d’une exemption de voyage accordée précédemment pour un nombre illimité de voyages sur une période de six mois à des fins humanitaires. Par la suite, le Comité a reçu une lettre de l’Arabie saoudite, pays de destination, l’informant de cette question, ainsi qu’une communication de la personne confirmant son retour à Oman. Le Président du Comité a d’autre part précisé qu’au cours de la période considérée, l’organe a prolongé pour la cinquième fois l’exemption de six mois accordée à des fins humanitaires à trois personnes figurant sur la liste du Comité: Mme Safia Farkash Al-Barassi, Mme Aisha Kadhafi et M. Mohammed Kadhafi.
Pour ce qui est de liste des sanctions, a ajouté M. Ishikane, le Comité a reçu une neuvième communication du point focal en charge des demandes de radiation créé en application de la résolution 1730 (2006), concernant la demande de radiation présentée par une personne inscrite sur la liste. Parallèlement à ce processus, la Libye a également soumis une demande de radiation distincte concernant la même personne, a-t-il relevé. Le Président du Comité a également fait état d’une demande de radiation de l’interdiction de voyager, reçue par l’intermédiaire du point focal, concernant une personne actuellement inscrite sur la liste des sanctions du Comité comme faisant l’objet d’un gel de avoirs et d’une interdiction de voyager.
Enfin, M. Ishikane a informé le Conseil de la réception d’une lettre du Groupe d’experts sur la Libye concernant ses futurs voyages prévus en Libye. Cette lettre est actuellement examinée par le Comité, a-t-il dit.
Mme ABEER AMNINA, professeure à l’Université de Benghazi et Directrice du Centre WASHM d’études sur les femmes, a déclaré qu’une des priorités urgentes pour la société civile est l’établissement d’une véritable stabilité en Libye, notamment en créant un environnement propice à la liberté d’expression et la liberté de travailler. Elle a expliqué que la société civile libyenne souffre de la domination des institutions nationales sur les droits d’organisation et de travail, provoquant un rétrécissement de l’espace accordé à la liberté civile. La société civile est exclue de tout comité décidant de l’avenir de la Libye et ses membres sont exposés à l’arrestation et à la torture sous prétexte de protéger les valeurs libyennes et islamiques, a déploré l’intervenant. De même, les femmes sont l’objet de violences systématiques en ligne pour les dissuader de participer à l’espace public. Elles sont notamment injustement empêchées de se déplacer si elles s’abstiennent de remplir des formulaires expliquant les raisons de leur déplacement. Ces mesures arbitraires représentent les pires formes de discrimination et de confiscation des droits de citoyenneté et des libertés publiques, a accusé la professeure, déplorant une violation de l’article 14 de la Déclaration constitutionnelle provisoire. Elle a également décrié le refus de la Chambre des représentants d’adopter une loi de lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violation de leur droit à vivre en sécurité et dans la dignité dans les sphères publique et privée.
De ce qui précède, Mme Amnina a recommandé de promulguer une loi réglementant l’établissement et le travail des organisations de la société civile qui, a-t-elle ajouté, doivent participer aux processus de l’ONU visant à discuter des futurs arrangements politiques. Elle a appelé à assurer la participation des femmes dans les processus électoraux, de même qu’à l’adoption d’une loi de lutte contre la violence à l’égard des femmes, et d’une loi portant création d’un conseil national chargé de l’autonomisation des femmes. L’intervenante a aussi préconisé l’élaboration d’une stratégie nationale pour mettre en œuvre la résolution 1325 (2000), avant d’appeler à renforcer la confiance dans le rôle de la société civile. Elle a enfin souligné l’importance de voter une loi pour combattre l’impunité des auteurs de violation des droits des personnes et organisations qui travaillent dans l’espace civique.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a indiqué qu’elle s’était rendue en Libye et que ce déplacement lui avait permis de mieux comprendre les préoccupations de la population. Leur message est que le processus politique doit aller de l’avant et que le leadership politique doit assurer la stabilité et la sécurité, a-t-elle témoigné. Elle s’est inquiétée des effets de l’impasse politique et du blocage des investissements à long terme sur le système de santé. Elle a ensuite insisté sur l’importance pour le Conseil de soutenir le Représentant spécial dans son travail pour faciliter un processus politique efficace pour un changement positif, grâce à une feuille de route claire pour des élections réussies.
La représentante a pris note du travail du Comité « 6+6 » pour adopter des projets de loi électorale. Cependant, a-t-elle poursuivi, l’accueil réservé à leur annonce démontre la nécessité d’un accord politique plus large entre les détenteurs du pouvoir libyen. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons surmonter les problèmes qui empêchent les élections et progresser vers la stabilité à long terme, a-t-elle souligné. Le peuple libyen veut s’engager activement, librement et en toute sécurité dans la sphère politique, et désire exercer son droit démocratique de vote et d’œuvrer en faveur d’un avenir meilleur pour tous, a-t-elle dit.
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a commencé par souligner l’importance d’organiser en Libye des élections « transparentes et crédibles » avant la fin de l’année 2023. À cet égard, il a salué les efforts récents du Comité « 6+6 » de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État afin de faciliter l’introduction rapide d’une loi électorale pour ouvrir la voie à la tenue rapide d’élections. Sur le plan sécuritaire, le délégué s’est félicité de la réunion du groupe de travail du Comité international de suivi du processus de Berlin, qui s’est tenue pour la première fois sur le sol libyen le 24 mai. Il a également approuvé la poursuite des dialogues sur le retrait des combattants étrangers, des forces étrangères et des mercenaires. Le représentant a enfin exprimé sa préoccupation devant la détérioration de la situation au Soudan, de nature selon lui à constituer une menace sécuritaire et humanitaire pour la Libye, sous la forme d’activités illicites, comme la contrebande et le trafic d’êtres humains.
M. DAI BING (Chine) a exhorté la communauté internationale à continuer de fournir des ressources et un soutien pour parvenir à la paix et la sécurité en Libye, notant que le chemin est encore long. Il a salué le rôle de l’Égypte, du Maroc et de l’Union africaine pour faire avancer le processus électoral. Les solutions aux problèmes africains doivent être trouvées en Afrique, a insisté le délégué. Le représentant a dit être préoccupé par les risques de débordement du conflit au Soudan, avant d’appeler au départ des forces étrangères et les mercenaires de la Libye. Le représentant a demandé à l’ONU de continuer de soutenir les parties libyennes qui, a-t-il ajouté, doivent résoudre leurs différends pour veiller à ce que les bénéfices des hydrocarbures profitent au peuple libyen.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a salué les progrès accomplis sur la loi électorale par le Comité « 6+6 » et le Conseil d’État libyens, avant d’appuyer la pleine mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu d’octobre 2020. Évoquant les affrontements armés qui ont eu lieu ces dernières semaines en Tripolitaine, dans la ville de Zaouiya en particulier, elle a appelé les autorités libyennes à prévenir toute escalade et rappelé leur responsabilité à assurer la sécurité des populations. Ces événements soulignent l’importance d’institutions sécuritaires et militaires unifiées sur tout le territoire, a-t-elle dit. La représentante a annoncé que Paris continuerait à appuyer, en coordination avec l’ONU, la Commission militaire conjointe 5+5 et les deux chefs d’état-major en vue d’une réunification de l’armée libyenne. La France a d’ailleurs alloué 100 000 dollars au financement des efforts de l’ONU pour soutenir les travaux de la Commission militaire conjointe 5+5, a indiqué la représentante qui a également exigé le respect de l’embargo sur les armes et le retrait de l’ensemble des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires du territoire libyen, en coopération avec les pays voisins de la Libye. Préoccupée par les violations des droits humains en Libye, dont les premières victimes sont les migrants, la déléguée a demandé que la légitimité politique soit restaurée en Libye, tout comme la souveraineté et l’unité du pays. « Une transition politique sans fin en Libye est insoutenable. La tenue d’élections est essentielle », a-t-elle souligné.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a constaté qu’en dépit des promesses d’évolution, la situation politique est toujours dans l’impasse en Libye, notamment en ce qui concerne la tenue d’élections. Il a toutefois pris note du travail du Comité « 6+6 » qui s’emploie à faire en sorte que des élections présidentielle et législatives aient lieu en 2023. Pour le représentant, il est essentiel que le droit électoral permette de répondre aux aspirations de toutes les parties prenantes grâce à un large accord politique débouchant sur l’organisation d’élections. Mais « le temps nous est compté », a-t-il déclaré, avertissant que la poursuite du statu quo ne produira pas de solution pérenne et que les manœuvres d’obstruction ne font que repousser l’instauration de la démocratie dans le pays. C’est pourtant la seule voie pour restaurer les institutions libyennes et rétablir la stabilité de la Libye, a insisté le délégué.
Évoquant ensuite la situation sécuritaire, il a observé que le respect du cessez-le-feu demeure fragile. Il s’est néanmoins félicité de la réunion du groupe de travail sur la sécurité, le 24 mai, formant le vœu que la Commission militaire conjointe 5+5 puisse également se réunir régulièrement. Selon lui, une réforme du secteur de la sécurité est essentielle pour permettre au pays de résoudre ce problème sécuritaire, d’autant plus que les événements au Soudan et la circulation d’armes entre les pays de la région sont inquiétants. Après avoir appelé à un strict respect de l’embargo sur les armes, il a souhaité que la société civile libyenne puisse pleinement jouer son rôle afin de créer un environnement propice à la tenue d’élections libres dans le pays.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a regretté l’absence de perspective de sortie de crise et de normalisation de la situation en Libye. Pour sortir de cette impasse, il faut passer par les élections présidentielle et parlementaires, a-t-il souligné. Le délégué a salué à cet égard le travail du Comité « 6+6 » qui a rendu des compromis possibles. Si les conditions sont maintenues, les élections pourraient avoir lieu bientôt et les Libyens pourraient passer à la phase suivante, a espéré le représentant selon qui les élections doivent être transparentes, inclusives et ouvertes, y compris aux candidats de l’ancien Gouvernement. Le délégué a aussi appelé à limiter les ingérences externes et donner aux Libyens le premier rôle. Pour un règlement complet du conflit, il faut liquider la présence militaire étrangère en Libye, a également conseillé le délégué qui a dénoncé les politiques de deux poids, deux mesures des Occidentaux en ce qui concerne les hydrocarbures qui, a-t-il souligné, sont essentielles au relèvement de la Libye. Il a aussi fait part de sa préoccupation au sujet des migrations illégales en provenance de Libye.
M. ADRIAN HAURI (Suisse) a pris acte du travail effectué par le Comité « 6+6 » à Buznika pour parvenir à un accord sur des projets de lois électorales en Libye. « Celles-ci représentent certes une étape primordiale du processus politique, mais il est clair que des lois électorales, à elles seules, n’ouvriront pas la voie vers les élections », a mis en garde le représentant. Pour lui, un accord préélectoral inclusif est nécessaire afin de garantir l’environnement propice de ces élections et l’acceptation de leurs résultats. Dans le cadre de cet accord, les acteurs libyens devront prendre des engagements fermes pour garantir la sécurité du processus, le respect de la liberté d’expression et d’association et la pleine participation de la société civile. Aussi le délégué a-t-il exhorté les parties à travailler avec la médiation du Représentant spécial pour esquisser les contours de ce « pacte préélectoral ».
Il a ensuite observé avec inquiétude que, progressivement, un discours populiste est invoqué par les agences de sécurité et d’autres acteurs pour justifier un contrôle excessif qui restreint les droits fondamentaux. Ainsi a-t-il condamné la récente introduction d’une nouvelle procédure à l’aéroport de Mitiga, qui entrave la liberté de mouvement des femmes. Il a également regretté que des restrictions bureaucratiques continuent de criminaliser le travail des organisations de la société civile libyennes et internationales. Enfin, en ce qui concerne la situation sécuritaire, nous avons suivi avec inquiétude les rapports faisant état de l’utilisation de la force, y compris dans des zones habitées, comme récemment à Zaouiya. Le délégué a donc demandé à tous les acteurs de prendre les mesures nécessaires pour garantir la protection de la population civile, en particulier les personnes déplacées.
Au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) a salué les efforts du Représentant spécial visant à trouver des voies consensuelles en vue de la tenue d’élections présidentielle et législatives crédibles en Libye. Il s’est également félicité des progrès réalisés par le Comité « 6+6 » dans l’élaboration de projets de loi électorale pour ces scrutins, avant d’appeler les parties à s’engager à ce que les élections puissent avoir lieu en 2023. Le représentant a ensuite réitéré l’appel des A3 en faveur d’un processus de paix dirigé et pris en charge par les Libyens, facilité par les Nations Unies et soutenu par la communauté internationale. Dans ce cadre, les A3 souhaitent qu’un processus de réconciliation nationale fasse partie de tout arrangement politique, a-t-il ajouté.
Après avoir exhorté les parties à respecter pleinement l’accord de cessez-le-feu de 2020, le délégué a condamné la présence de forces étrangères sur le sol libyen, jugeant que leur départ immédiat est essentiel pour faire progresser le processus politique devant conduire à la tenue d’élections cette année. À cet égard, il a applaudi les efforts déployés par la Commission militaire conjointe 5+5 et les comités de liaison pour faciliter le retrait complet des forces et des combattants étrangers de Libye, qui contribuent à la propagation du terrorisme et à la prolifération des armes légères et de petit calibre au Sahel.
Le représentant s’est d’autre part alarmé du fait que le conflit prolongé et la crise politique en cours continuent d’avoir un impact sur les indicateurs macroéconomiques et affectent négativement l’accès aux services essentiels, en particulier pour les plus vulnérables. Il a également rappelé que les avoirs gelés de la Libye appartiennent aux Libyens et doivent être préservés. Enfin, après avoir déploré le naufrage d’un bateau de migrants au large des côtes grecques, il a souligné que le traitement humain des réfugiés, des migrants et des demandeurs d’asile est une exigence fondamentale du droit international et des conventions associées. Il s’est aussi fait l’écho de l’appel lancé par le Secrétaire général en faveur d’alternatives à la détention afin de gérer les migrations conformément au droit international.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a pris note des travaux du Comité « 6+6 » pour surmonter l’impasse politique. Les acteurs politiques libyens doivent s’engager de manière constructive et transparente pour régler toutes les questions en suspens, y compris la finalisation de la loi électorale. Et la Haute Commission électorale nationale doit disposer des ressources nécessaires pour mener à bien les tâches qui lui ont été confiées. La représentante a insisté sur l’importance de l’égalité des sexes et la participation pleine, égale et significative des femmes à tous les processus politiques et aux élections. Elle a aussi plaidé pour un rôle accru de la société civile et des jeunes. Préoccupée par la situation sécuritaire en Libye, la déléguée a ensuite appelé les États Membres à respecter l’embargo sur les armes. Elle a aussi demandé le retrait des combattants étrangers, de forces étrangères et de mercenaires en Libye. La sécurité, la stabilité et la protection des Libyens doivent être une priorité.
M. GUSTAVO SÉNÉCHAL DE GOFFREDO JUNIOR (Brésil) s’est félicité de l’annonce faite par les membres du Comité « 6+6 », au début du mois, au sujet de l’accord auquel ils sont parvenus sur les lois électorales. Il a encouragé la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État à donner suite aux résultats, le cas échéant, en adoptant la législation pertinente. Pour le représentant, la réconciliation nationale et les mesures visant à instaurer la confiance devraient aller de pair avec les efforts déployés pour assurer la transition politique. En outre, une approche globale de la consolidation de la paix contribuerait à la viabilité de tout règlement politique en Libye, a estimé le délégué, encourageant les autorités libyennes à envisager de collaborer avec la Commission de consolidation de la paix pour mobiliser le soutien international en faveur de leurs priorités nationales.
En ce qui concerne l’aide étrangère fournie aux autorités libyennes en dehors du cadre des institutions onusiennes, il a souligné qu’elle risque de déstabiliser davantage la situation sur le terrain. « Nous rappelons en particulier que la fourniture d’une formation militaire peut constituer une violation de l’embargo sur les armes, quelles que soient les parties prenantes libyennes qui en bénéficient », a-t-il dit. Il s’est également dit favorable à ce que les États Membres envisagent d’exempter les actifs libyens des politiques bancaires de taux d’intérêt négatifs, « qui contribuent à leur épuisement ». Enfin, le délégué a partagé les préoccupations exprimées par la MANUL au sujet de la situation des demandeurs d’asile en Libye, insistant sur la nécessité de travailler ensemble pour assurer la centralité des droits humains à tous les stades du processus politique en Libye.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a pris acte des travaux du Comité « 6+6 » et de l’accord sur les lois qui serviront de base à la tenue d’élections présidentielle et législatives à la fin de cette année. Il a souhaité que les acteurs libyens parviennent à résoudre les problèmes en suspens et trouvent un accord politique permettant l’organisation d’élections équitables, transparentes et inclusives. Le délégué a également encouragé le Représentant spécial à promouvoir des mécanismes alternatifs pour garantir la tenue de ces scrutins le plus vite possible et assurer la participation de tous les secteurs de la société civile libyenne au processus politique. À cet égard, il a jugé impératif que la campagne électorale se déroule dans un environnement sûr et pacifique, exempt de discours de haine et de violence, et qu’à cette fin l’espace civique soit protégé.
S’agissant de la situation sécuritaire, le délégué a salué le travail de la Commission militaire conjointe 5+5 concernant la réunification des institutions de sécurité et la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu. Il s’est aussi félicité des progrès accomplis dans le cadre du dialogue sur le retrait des forces et des combattants étrangers et la réactivation des comités de liaison avec les pays voisins, avant d’inviter les autorités libyennes à adopter des mesures efficaces pour répondre à la grave situation des migrants et des réfugiés. Se disant préoccupé par les informations faisant état de détention arbitraire des migrants et des demandeurs d’asile, il a estimé que le soutien de la communauté internationale est nécessaire pour permettre le démantèlement des réseaux criminels de traite des personnes qui opèrent dans la région.
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a pris note des progrès réalisés par le Comité « 6+6 » sur la loi électorale qui permettront d’organiser les élections en temps voulu, en toute sécurité et dans un environnement politique nécessaire favorable. Les dirigeants libyens doivent permettre la tenue de ces élections qui donneront un cachet de légitimité aux institutions politiques, a insisté le délégué. Il a salué les travaux de la Commission militaire conjointe 5+5 et demandé d’appliquer l’accord de cessez-le-feu notamment le retrait des combattants étrangers et des mercenaires et l’identification des groupes armées.
Le délégué s’est ensuite inquiété des affrontements à Zaouiya, ainsi que du risque que des armes puissent être transférées de la Libye vers le Soudan. Il a aussi dit être très préoccupé par la détention du point focal sur le transport illicite de pétrole, Mr. Imad Ben Rajeb, et exhorté les autorités libyennes à fournir des informations sur les circonstances de son arrestation depuis laquelle, a-t-il noté, le trafic de pétrole aurait augmenté. Il a ensuite appelé à la fin des ingérences étrangères qui font durer l’impasse politique en Libye.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a appelé à maintenir le processus politique libyen sur les rails, en se concentrant sur la réconciliation nationale et le dialogue. À cet égard, il a appuyé les efforts déployés par le Conseil présidentiel, l’Union africaine et la Ligue des États arabes pour garantir le succès des efforts au bénéfice de tous les Libyens. L’instauration de la sécurité en Libye est également essentielle à la construction d’un État stable, a-t-il poursuivi, en se félicitant de la détermination des chefs militaires à soutenir la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu. Des mesures concrètes doivent également être prises sur le terrain, notamment le retrait des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires, a ajouté le délégué qui a ensuite appelé à la poursuite de l’unification des institutions militaires et de sécurité. Le représentant s’est par ailleurs préoccupé de l’efficacité des mécanismes de mise en œuvre de l’embargo sur les armes, et du degré de respect de cet embargo. Ignorer les positions et les interprétations juridiques des États Membres concernant l’embargo sur les armes et son application sélective peut nuire au renforcement des capacités nationales de la Libye, a-t-il mis en garde.
M. TAHER M. T. ELSONNI (Libye) a dit avoir bon espoir que les consultations devant conduire à la tenue d’élections d’ici à la fin de cette année en Libye prendront fin prochainement. Dans ce cadre, il a salué les travaux du Comité « 6+6 » visant à créer un environnement propice à des élections libres et transparentes. « C’est possible », a-t-il assuré, précisant que ces élections n’ont pas pour objet de marginaliser qui que ce soit mais de permettre d’effectuer une transition démocratique. Il a également jugé essentiel de gérer la situation de manière responsable pour ne pas répéter les erreurs du passé. Pour ce faire, nous devons trouver de nouvelles approches qui éviteront la répétition de conflits entre les pouvoirs et nous devons tenir compte des réserves exprimées par les différentes parties, a expliqué le représentant, avant d’appeler tous les acteurs libyens à contribuer au règlement des questions en suspens. À ses yeux, les Libyens sont « frustrés » car le rêve que constituent ces élections semble leur échapper pour la deuxième fois. « Il ne faut pas les abandonner », a-t-il lancé aux membres du Conseil, en dénonçant le fait que différents pays interviennent directement dans les décisions politiques libyennes. À cet égard, il a souhaité que le Représentant spécial travaille avec les institutions libyennes, le Conseil présidentiel et d’autres parties prenantes pour résoudre les questions en suspens et aboutir à des lois qui fassent consensus et permettent l’organisation d’élections. Notre Gouvernement soutient les efforts de l’ONU et fera tout son possible pour assurer la tenue de ces scrutins, a insisté le représentant, non sans saluer les travaux de la Commission militaire conjointe 5+5 destinés à préserver l’accord de cessez-le-feu et mettre fin à la présence de forces et de combattants étrangers sur le sol libyen.
Abordant ensuite la question des sanctions, le délégué a rappelé que le gel des avoir libyens, décidé en 2011, avait initialement pour objectif de les protéger. Or, a-t-il dénoncé, différents pays ont pris des mesures qui ont contribué à la politisation de cette question, ce qui a entraîné des pertes majeures pour la Libye et une érosion de ses ressources. Un certain nombre de pays ont considéré qu’ils pouvaient continuer de geler ces avoirs pour bénéficier des taux d’intérêt, s’est-il indigné, regrettant que le Comité des sanctions et le Groupe d’experts aient désormais un rôle relevant du contrôle du travail des institutions libyennes d’investissement. En effet, a-t-il expliqué, il est demandé à ces institutions d’adopter des stratégies dans la définition de leurs programmes, « ce qui ne correspond pourtant pas au mandat du Comité ». Malgré cela, les institutions libyennes ont répondu à toutes les demandes concernant leurs plans d’action et ont pu constater une érosion des sommes gelées, a assuré le représentant. Selon lui, la situation est encore compliquée par le fait que certains pays utilisent des termes du rapport du Groupe d’experts pour poursuivre le gel des avoirs libyens « sans justification ». Il a donc appelé le Comité à réexaminer ce régime et à autoriser les institutions d’investissement libyennes à gérer leurs propres avoirs.
Évoquant par ailleurs les demandes de radiation formulées par la Libye pour raisons humanitaires, il a regretté que le Comité n’y ait pas donné suite, au risque d’ « envenimer la situation ». Pour finir, le représentant a exhorté le Conseil à ne pas faire de la Libye une « scène d’affrontement politique » mais à tout mettre en œuvre pour permettre aux Libyens de s’approprier le processus politique en cours.