République centrafricaine: le Conseil constate des progrès politiques mais s’inquiète des conséquences humanitaires et de sécurité du conflit au Soudan
Le Conseil de sécurité a examiné, ce matin, la situation en République centrafricaine, alors que ce pays progresse dans la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine (APPR-RCA), signé à Bangui le 6 février 2019, mais est confronté à une insécurité croissante dans certaines régions frontalières et affecté par les conséquences du conflit au Soudan. Les membres africains du Conseil ont appelé celui-ci à lever les dernières contraintes imposées au Gouvernement en matière de livraisons d’armes.
La Représentante spéciale et Cheffe de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), Mme Valentine Rugwabiza, a, dans un premier temps, mis en avant les aspects positifs des derniers mois. Elle a ainsi salué l’organisation par le Gouvernement de la RCA, en mars dernier, d’une conférence sur le processus de décentralisation et de paix et la réactivation des mécanismes de mise en œuvre de l’APPR-RCA dans les différentes préfectures du pays. Elle s’est aussi félicitée du désarmement, en avril, de deux nouveaux groupes armés signataires de l’Accord de Bangui, tout en soulignant l’importance pour les anciens membres de ces groupes armés d’intégrer le processus de désarmement, démobilisation et réintégration, récemment doté de 5 millions de dollars.
Si les membres du Conseil se sont tous félicités de cette évolution, ils se sont en revanche montrés préoccupés, tout comme la Représentante spéciale, de la dégradation de la sécurité dans plusieurs régions frontalières, notamment avec le Tchad et le Soudan, en lien avec le conflit armé qui a éclaté à Khartoum en avril. Les implications tant humanitaires que sécuritaires de la crise au Soudan ont été mises en avant par plusieurs membres du Conseil, dont les A3, et par plusieurs voisins de la RCA ou acteurs régionaux venus en nombre participer à la séance.
La Secrétaire d’État aux relations extérieures de l’Angola, Mme Esmeralda Mendonça, dont le pays a parrainé l’adoption, en septembre 2021, de la Feuille de route de Luanda, « mutualisée » avec l’Accord de Bangui, s’est ainsi dite préoccupée par l’augmentation des mouvements des groupes armés, le trafic d’armes et de munitions et la détérioration de la situation humanitaire due à l’afflux de réfugiés. Le Commissaire de l’Union africaine chargé des affaires politiques, de la paix et de la sécurité́, M. Adeoye Bankole, a rappelé que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine s’était penché, la semaine dernière, sur ce sujet.
Dans ce contexte, les représentants africains présents ont été unanimes à appuyer l’exigence du Gouvernement de la RCA de voir supprimées les dernières restrictions imposées par le Conseil de sécurité à ses achats d’armes dans le cadre de la résolution 2648 (2022) du 29 juillet 2022, qui renouvelait pour un an le régime de sanctions relatif à la RCA mais réduisait en fait l’embargo sur les armes à destination du Gouvernement à une obligation de notification d’importation. « Contributeur important aux forces multilatérales et bilatérales » présentes en RCA, le Rwanda a insisté sur la menace que représentent les défis sécuritaires pour les progrès durement acquis dans le processus de paix en RCA et estimé que la levée complète de cet embargo, « qui n’est plus nécessaire » constituerait « un puissant symbole de la force, de la solidarité et du soutien de la communauté internationale ». Chine et Fédération de Russie ont appuyé la demande africaine.
Au contraire, les États-Unis ont insisté sur l’importance du processus de notification actuel, rappelant que « l’embargo sur les armes n’empêche pas le Gouvernement de la RCA d’obtenir les armes nécessaires à la lutte contre les groupes armés » mais vise à empêcher que certaines armes se retrouvent aux mains de ces mêmes groupes. À ces réticences s’est ajoutée la dénonciation par les États-Unis, le Royaume-Uni, la France ou l’Albanie, des activités « prédatrices » du groupe Wagner, accusé de déstabiliser le pays, d’en piller les richesses et de contribuer à l’aggravation des violations des droits humains. Ce à quoi la Fédération de Russie a rétorqué que les « instructeurs russes » étaient présents dans le pays pour aider la RCA à renforcer son potentiel de défense, à la demande des autorités légitimes.
La Ministre centrafricaine des affaires étrangères a d’ailleurs rappelé que « les partenaires bilatéraux que sont la Russie et le Rwanda » seraient les seuls impliqués dans la sécurisation du référendum constitutionnel annoncé le 30 mai par le Président Touadera, qui doit se tenir le 30 juillet et dans lequel, a-t-elle insisté, « la MINUSCA n’est pas et ne sera pas impliquée ». Pour la RCA, le référendum doit permettre de « consolider les résultats chèrement acquis à travers une loi fondamentale solide » et est le fruit d’un processus « totalement distinct » des élections locales prévues le 16 juillet, qui « ne sont point annulées mais reportées à une date dont le chronogramme a été établi par l’agence nationale des élections ».
L’initiative a été diversement appréciée au sein du Conseil. Alors que la Suisse a vu dans le référendum un « outil de démocratie directe » qui lui est cher, le Royaume-Uni a estimé que la révision constitutionnelle, qui doit notamment permettre au chef de l’État de briguer un troisième mandat, risque d’anéantir des années de travail acharné pour renforcer le système démocratique du pays. Le référendum inquiète également les États-Unis, par ailleurs déçus du report des élections locales, qui doivent être les premières depuis 1988.
En début de séance, la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, Mme Sima Sami Bahous, est venue dresser un état des lieux de la participation des femmes au processus de paix centrafricain, notant que dans ce pays comme dans de nombreux autres inscrits à l’ordre du jour du Conseil, ce ne sont pas les normes ou les plans qui manquent en la matière, mais que leur financement ou leur mise en œuvre font défaut. Dans la perspective du référendum et des élections locales, Mme Bahous a souhaité une participation pleine, égale et significative des femmes centrafricaines, en particulier que les militantes puissent s’exprimer librement, que les candidates puissent se présenter aux élections sans risques et que les organisations de femmes disposent des ressources nécessaires. À sa suite, la Suisse a appelé le Gouvernement à mettre en œuvre la loi sur la parité, qui exige au minimum que 35% des postes politiques soient occupés par des femmes.
LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE - S/2023/383; S/2023/442
Déclarations
Mme VALENTINE RUGWABIZA, Représentante spéciale du Secrétaire générale pour la République centrafricaine et Cheffe de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), a d’abord mis l’accent sur les points positifs du rapport du Secrétaire général en saluant l’organisation en mars de cette année par le Gouvernement de la République centrafricaine (RCA) d’une conférence sur le processus de décentralisation et de paix et la réactivation des mécanismes de mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine (APPR-RCA) dans les différentes préfectures du pays. Le 8 avril, deux nouveaux groupes armés signataires de l’Accord ont été dissous, a annoncé la Représentante spéciale. Des groupes résiduels doivent encore être désarmés pour qu’ils n’aient plus aucune incidence sur le processus, a-t-elle ajouté, avant de souligner l’importance pour les anciens membres de ces groupes armés d’intégrer le processus désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), qui vient d’être doté de 5 millions de dollars. Elle a en outre informé du déblocage par le Fonds de la consolidation de la paix de 3 millions de dollars pour aider le pays à gérer le retour des réfugiés.
Prenant note de l’annonce par le Président de la RCA de l’organisation d’un référendum constitutionnel prévu le 30 juillet 2023, Mme Rugwabiza a dit attendre l’annonce par l’Autorité nationale électorale des dates pour l’organisation des élections locales. Ces scrutins sont importants dans le cadre de la décentralisation et de l’élargissement de l’espace politique. Ils doivent être inclusifs, a insisté la Représentante spéciale, qui a appelé le Gouvernement et les parties prenantes au dialogue.
S’agissant du rétablissement de l’autorité de l’État, la Cheffe de la MINUSCA s’est réjouie de la visite conjointe du Gouvernement et de la Mission dans les régions reculées contrôlées par les groupes armés, près des frontières avec le Soudan. Elle a annoncé l’envoi d’aide humanitaire dans la région ainsi que la restauration de l’autorité de l’État. Mme Rugwabiza a réitéré l’importance du programme de stabilisation de l’ONU en RCA mené par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) afin de mettre un terme au cercle infernal des conflits que connaît le pays. Elle a attiré l’attention sur les efforts du Gouvernement, de l’ONU et des autres partenaires de développement pour aider à la restauration de l’autorité de l’État, le développement et le relèvement de la population locale.
La Cheffe de la MINUSCA a également martelé la nécessité de renforcer les capacités des Forces armées centrafricaines (FACA) pour faire face à la situation sécuritaire préoccupante dans le pays, notamment aux frontières avec le Tchad, le Soudan et le Soudan du Sud. À cet égard, elle a fait valoir que la Mission, qui doit faire preuve de mobilité et de flexibilité, a besoin de davantage de ressources pour jouer son rôle de prévention. Elle a ajouté que le Gouvernement de la RCA devait aussi jouer un rôle d’envergure dans la gestion des frontières du pays, avant d’exhorter la RCA et les pays voisins à restaurer leur coopération bilatérale en la matière. Mme Rugwabiza a par ailleurs parlé des efforts de la MINUSCA pour juguler les menaces que posent les engins explosifs dans le pays.
Selon la Représentante spéciale, la situation humanitaire est tout aussi préoccupante, en raison du flux de migrants en provenance du Soudan. Elle a donc encouragé de soutenir le plan d’intervention révisé pour la RCA, qui n’est financé qu’à hauteur de 28%. Cette crise humanitaire est marquée par l’arrivée de dizaines de milliers de réfugiés du Soudan et du Tchad, ainsi que par le doublement des prix des denrées alimentaires, a-t-elle expliqué. Elle a en outre salué les mesures prises par le Gouvernement pour éviter le défaut de paiement et a encouragé Bangui à améliorer le recouvrement de l’impôt.
En matière de violations des droits humains, Mme Rugwabiza a assuré que la Mission travaille avec le Gouvernement dans ses enquêtes menées en toute transparence en vue de tenir des procès contre leurs auteurs. Elle a annoncé l’arrestation de cinq personnes soupçonnées d’avoir tué un Casque bleu burundais. Elle a en outre annoncé le rapatriement d’une unité de 60 éléments du contingent tanzanien après des allégations d’abus sexuels qu’auraient commis certains éléments de cette unité. La Mission met tout en œuvre pour éviter la commission de tels abus et applique une politique de tolérance zéro face aux violences et abus sexuels, a insisté la Représentante spéciale, qui a encouragé les pays fournisseurs de contingents à former leurs unités à l’importance de cette question.
Mme SIMA SAMI BAHOUS, Directrice exécutive d’ONU-Femmes, a souhaité se pencher sur la participation pleine, égale et significative des femmes en République centrafricaine à la veille du référendum constitutionnel et des premières élections locales depuis 1988. Elle a rappelé que, depuis 2016, les femmes de la République centrafricaine bénéficient de la loi sur la parité et d’un quota de 35% dans tous les organes de décision. Cette loi restera en vigueur jusqu’en 2027, a-t-elle rappelé.
Tout en qualifiant de remarquables, ces efforts qui doivent être applaudis et reconnus, Mme Bahous a, toutefois, relevé que, comme dans de nombreux autres pays à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, ce ne sont pas les normes ou les plans qui manquent, c’est leur mise en œuvre, leur application ou leur financement qui font défaut aux femmes. Lors de la signature de l’accord de paix de 2019, les femmes n’étaient que 8 parmi les 78 délégués représentant les différentes parties, et seulement une parmi les 14 signataires, a rappelé la Directrice exécutive d’ONU-Femmes. Les 11 facilitateurs désignés par l’Union africaine étaient tous des hommes. Et actuellement, il n’y a toujours aucune femme dans le mécanisme de suivi de la feuille de route de Luanda, a-t-elle déploré. Les chiffres ne sont guère meilleurs dans les dialogues nationaux: lors du Forum de Bangui de 2015, les femmes représentaient 20% des 800 participants et, lors du dialogue républicain de 2022, 17% des 450 participants.
Pour Mme Bahous, le seul exemple positif de la représentation des femmes est peut-être la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation (CVJRR), qui compte 5 femmes parmi ses 11 membres, dont la Présidente. Pourtant, deux ans après son lancement, la Commission ne dispose toujours pas des ressources financières nécessaires pour démarrer, a déploré la Directrice exécutive, regrettant qu’en outre, dans plusieurs des comités clefs traitant des questions de paix et de sécurité, comme le désarmement, la démobilisation et la réintégration, ou la réforme du secteur de la sécurité, la représentation des femmes reste marginale, voire inexistante.
Lors des élections de 2021, malgré la loi sur la parité, le pourcentage de femmes à l’Assemblée nationale n’a augmenté que modestement, passant de 8 à 12%, a également relevé Mme Bahous, pour qui les raisons de cette situation sont claires: sur plus de 1 500 candidats, seuls 15% étaient des femmes. Les listes des partis ont été validées et acceptées bien qu’elles n’aient pas atteint le quota.
Se basant sur une étude menée par ONU-Femmes l’année dernière, Mme Bahous a indiqué que 43% des candidates ont été victimes de violences physiques au cours de leur campagne, menacées par des groupes armés, voire kidnappées.
Pire, des électrices se sont vu refuser l’entrée dans des centres de vote ou ont été refoulées parce qu’elles n’avaient pas de certificat de naissance.
Cependant, certains mécanismes ont fait la différence, a noté la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, qui a cité en exemple les lignes téléphoniques d’urgence et les salles de crise mises en place à travers tout le pays par les Nations Unies. Grâce à une telle ligne d’urgence, une candidate menacée par des hommes armés a pu indiquer sa position aux Casques bleus de l’ONU et est aujourd’hui membre du Parlement, s’est-elle félicitée. Tout en saluant la priorité accordée par les Nations Unies à la participation des femmes, Mme Bahous a reconnu que, dans l’ensemble, « nous ne respectons pas nos engagements ni les aspirations des femmes en République centrafricaine ». Alors que la société civile du pays est dynamique, les femmes signalent que l’espace civique se referme sur elles, a-t-elle averti.
C’est pourquoi, en prévision du référendum constitutionnel et des élections locales à venir, la Directrice exécutive d’ONU-Femmes a recommandé quatre conditions: que les militantes puissent s’exprimer librement, que les organisations de femmes disposent des ressources nécessaires pour instaurer la paix dans leurs communautés et apaiser les tensions, que les candidates puissent se présenter aux élections sans menaces ni harcèlement, et que les partenaires internationaux collaborent avec le Gouvernement et la société civile du pays pour faire en sorte que ces prochaines étapes contribuent à la paix et renforcent la stabilité.
M. ADEOYE BANKOLE, Commissaire chargé des affaires politiques, de la paix et de la sécurité́ de l’Union africaine (UA), a rappelé que le Conseil de paix et de sécurité de l’UA s’était penché, la semaine dernière, sur la situation en RCA, se déclarant gravement préoccupé par la détérioration de la situation sécuritaire, exacerbée par les débordements de conflits en provenance des pays voisins, notamment du Soudan, qui entraînaient une augmentation du trafic d’armes et l’exploitation des ressources minérales du pays. Il a noté que la situation politique restait fragile et qu’un référendum constitutionnel était prévu le 30 juillet et a appelé toutes les parties prenantes transcender leurs différends pour parvenir à un consensus qui reflète les intérêts du peuple centrafricain. Il a également souligné que les prochaines élections locales étaient essentielles pour consolider les acquis dans la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation (APPR-RCA).
Saluant « la nouvelle dynamique entourant le processus de paix », le Commissaire s’est félicité du démantèlement réussi de plusieurs groupes armés signataires de la APPR-RCA en décembre 2022 et avril 2023, y voyant le témoignage des bonnes intentions du Gouvernement et de certains signataires de l’Accord. Il s’est aussi félicité des efforts pour la mise en commun de la feuille de route conjointe de Luanda et de l’Accord, qui a conduit à des réalisations importantes, notamment en ce qui concerne les questions transfrontalières et les commissions conjointes avec les pays voisins.
Constatant toutefois que la situation humanitaire demeure désastreuse, le Commissaire de l’Union africaine a appelé la communauté internationale à continuer de fournir une assistance aux personnes dans le besoin. Compte tenu de la situation sécuritaire tendue, il a jugé impératif de renforcer les Forces armées centrafricaines (FACA) et réitéré l’appel de l’UA à la levée complète de l’embargo sur les armes imposé à la République centrafricaine.
M. NGATONDANG ZALANG PHILAMYNE RHOSYNS, expert national en prévention des discours de haine susceptibles de conflits, Président et Fondateur de l’ONG AJEMADEC, République Centrafricaine, a voulu dénoncer la désinformation et rumeurs concernant la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA). Il a salué au contraire cette « grande » Mission de l’ONU « qui a été vraiment au rendez-vous du retour de la paix, de la cohésion sociale et de la réconciliation des Centrafricains ». Il a insisté sur son importance pour la protection et la sauvegarde de la paix centrafricaine en construction dont plusieurs défis restent à relever. L’actualité politique, sécuritaire et économique de Centrafrique, a-t-il argué, ne cessent d’encourager le peuple centrafricain à renouveler sa confiance particulière à la MINUSCA pour un nouveau mandant renforcé.
Par ma voix, a ainsi déclaré M. Rhosyns, « les Centrafricaines et Centrafricains, vulnérables et exposés encore à de hauts risques de violations des droits humains », demandent au Conseil de sécurité le renouvellement du mandat de la MINUSCA. Cette demande, a-t-il témoigné, est un « cri du cœur » afin qu’il n’y ait plus de victimes gratuites des violations des droits humains causées habituellement par les groupes armés et/ou des hommes armés non identifiés sur toute l’étendue du territoire centrafricain, qu’il n’y ait plus la présence de tels groupes armés en Centrafrique, et que les projets à impact rapide de la MINUSCA soient réorientés dans le contexte de relance des activités agropastorales entrepreneuriales des jeunes portées par les agriculteurs, les éleveurs et les jeunes victimes des conflits armés récurrents en Centrafrique. En conclusion, l’intervenant a souhaité que toutes les actions locales de lutte contre la désinformation et les discours de haine susceptibles de créer des conflits interreligieux et communautaires soient prises en compte par la stratégie de la MINUSCA, afin d’accélérer le processus de transformation des mentalités et des comportements de tous les Centrafricains.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a salué les progrès notables enregistrés en République centrafricaine ces derniers mois. Grâce aux bons offices de la MINUSCA, la décentralisation du processus de paix s’est poursuivie et l’autorité de l’État s’est progressivement étendue. Deux groupes armés supplémentaires ont déposé les armes, confirmant l’avancée du programme de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement, a-t-elle relevé. « Cette dynamique doit désormais se poursuivre avec d’autres groupes armés. » La représentante a encouragé les autorités centrafricaines à poursuivre leurs efforts pour enraciner les progrès accomplis de manière durable. L’Union africaine, la Communauté économique des États d’Afrique centrale, la Conférence internationale de la région des Grands Lacs et les pays de la région doivent rester des acteurs clefs pour relancer le processus de paix en République centrafricaine.
La représentante a toutefois souligné que la situation dans ce pays demeure fragile. Les groupes armés continuent de commettre des violences contre les populations civiles et les forces centrafricaines. La situation humanitaire se détériore du fait de la crise au Soudan, qui a entraîné l’afflux de près de 15 000 réfugiés dans le nord-est du pays. La France, a-t-elle précisé à cet égard, a mobilisé 41,3 millions d’euros pour faire face à la crise humanitaire en cours au Soudan et répondre à son impact dans les pays voisins. Sur le plan politique, la représentante a pris note de la suspension temporaire de l’organisation des élections locales et de l’annonce de la tenue d’un référendum constitutionnel. La France appelle à ce que ces scrutins puissent se tenir de manière inclusive, libre, transparente, crédible et pacifique pour que toutes les voix, y compris celles des jeunes et des femmes, puissent s’exprimer. Enfin, la France reste très préoccupée par les violations des droits de l’homme par toutes les parties, et notamment par les membres du groupe Wagner, qui commettent des exactions contre les populations civiles. Ces violations ne doivent pas rester impunies. « La présence de Wagner répond à une logique de prédation des ressources naturelles du pays. Elle n’a pas pour objectif de stabiliser durablement la République centrafricaine. »
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a mis l’accent sur le rôle des femmes centrafricaines, « piliers de la paix mais mises à l’écart », et salué l’appel de la présidence émirienne. Rappelant que, pour que la paix s’installe et perdure, les femmes doivent être en première ligne dans tous les processus politiques, la représentante a demandé que le processus du prochain référendum constitutionnel, « outil de démocratie directe cher à la Suisse », fasse toute sa place aux femmes et que celui des élections locales à venir permette aux candidates de se présenter libres de toutes menaces et représailles. Elle a en particulier appelé le Gouvernement à mettre en œuvre la loi sur la parité, qui exige au minimum que 35% des postes politiques soient occupés par des femmes.
La représentante a aussi constaté la poursuite de l’action des groupes armés dans certaines régions, et parfois une augmentation des attaques contre la population civile, ainsi que les difficultés d’accès pour les acteurs humanitaires, toutes situations qui affectent particulièrement les femmes. Tout en demandant aux autorités centrafricaines d’assurer la protection de la population civile, elle a salué les mesures du Gouvernement en faveur des quelque 13 000 réfugiés et retournés venus du Soudan. Elle a par ailleurs demandé un renforcement de la lutte contre l’impunité, alors que les femmes victimes de violences sexuelles continuent d’être stigmatisées. À ce titre, elle a regretté que la Cour pénale spéciale manque toujours de ressources et que la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation souffre toujours de lenteurs importantes.
La représentante s’est également dite préoccupée par les graves allégations d’exploitation et d’abus sexuels qu’auraient commis certains Casques bleus de la MINUSCA, et a salué la politique de tolérance zéro du Secrétaire général et de sa Représentante spéciale.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), qui s’exprimait au nom des A3 (Ghana, Mozambique, Gabon), a salué la tenue de la première session ordinaire de l’Assemblée nationale du 1er mars au 31 mai 2023 et les efforts du Gouvernement dans la décentralisation du processus de paix, notamment par le biais de l’organisation d’une conférence impliquant tous les préfets et les acteurs locaux. Notant que la sécurité de la RCA était interconnectée à celle des pays voisins, le représentant a affirmé qu’il était crucial d’entreprendre des actions coordonnées au niveau régional afin de lutter contre les groupes armés opérant dans les zones frontalières, encourageant notamment l’organisation d’opérations conjointes entre la RCA et le Tchad.
Il s’est dit vivement préoccupé par l’utilisation d’armements de plus en plus sophistiqués par les groupes armés locaux et étrangers sur le territoire centrafricain, en dépit de l’embargo sur les armes qui leur est imposé.
Le représentant a estimé que la protection des populations passait aussi par la traçabilité des minerais et la sécurisation des frontières afin d’assécher les sources de financement des groupes armés. Il a salué les efforts de la RCA pour la reprise des exportations de diamants bruts dans le cadre du Processus de Kimberley et a invité la mission d’examen de ce processus à se rendre sur place afin d’évaluer la demande du Gouvernement d’étendre les zones conformes. La levée des sanctions sur les zones proposées permettra d’améliorer les conditions de vie des artisans miniers et de leurs familles, a-t-il ajouté.
Notant que la MINUSCA n’avait pas vocation à rester durablement en RCA, le représentant a réaffirmé la nécessité de renforcer les capacités opérationnelles des FACA pour qu’elles puissent, à terme, sécuriser leur territoire. Dans le sillage du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine du 13 juin 2023, il a demandé la levée totale de l’embargo sur les armes imposée à la RCA.
Saluant le succès du programme de désarmement, démobilisation et réintégration, le représentant a rappelé que plus de 5 000 personnes avaient été démobilisées sur un objectif initial de 7 000 et que cinq groupes armés avaient été dissous au cours de la période concernée, portant à neuf le nombre total de groupes dissous dans le cadre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation (APPR-RCA). Il a demandé l’appui financier de la communauté internationale pour continuer à mettre en œuvre le programme DDR. Il a salué la décision du Gouvernement d’augmenter le budget du mécanisme national de contrôle judiciaire pour 2023 de 80% par rapport à 2022.
Le représentant a relativisé la portée des violations des droits humains qui auraient été perpétrées par les acteurs étatiques, affirmant qu’elles consistaient principalement en détentions arbitraires et que la méthodologie utilisée pour ce recensement ne reflétait pas les efforts qualitatifs des autorités centrafricaines dans ce domaine. Rappelant que la crise humanitaire en RCA touche 3,4 millions de personnes, soit 56% de la population, et qu’elle ne cesse de s’aggraver avec une recrudescence des violences contre les civils et l’afflux de réfugiés et de rapatriés en provenance du Soudan, il a estimé « plus qu’urgent » de soutenir le plan de réponse humanitaire qui n’est aujourd’hui financé qu’à hauteur de 28%.
Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a souligné l’importance de la stabilité en RCA non seulement pour le pays mais aussi pour les pays voisins. Pour la représentante, le Gouvernement doit permettre l’existence d’un espace civique ouvert. Elle a exhorté Bangui à mener des enquêtes sur les allégations d’abus et de violations des droits humains et sexuels. Elle a aussi mis l’accent sur le programme désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) et salué le dialogue avec le Tchad. La représentante a en outre souligné la nécessité du bon fonctionnement du système judiciaire national et par ailleurs exhorté la communauté internationale à aider la RCA à accueillir les réfugiés. Préoccupée par les activités des groupes armés, notamment les enlèvements d’enfants, elle a demandé que soit financé le programme pour les femmes et la paix et la sécurité. Enfin, elle a appelé à l’arrêt des violences sexuelles en RCA y compris les abus commis par des éléments de la Mission qui doivent être rapatriés dès que possible.
M. DAI BING (Chine) s’est félicité des progrès réalisés dans le cadre du processus de paix en RCA, saluant les efforts consentis par Bangui afin de respecter ses engagements et de travailler au désarmement, à la démobilisation, à la réintégration et au rapatriement. De fait, de nombreux groupes armés ont récemment annoncé leur intention de déposer les armes, a poursuivi le représentant, invitant ceux qui ne l’ayant pas encore fait à cesser les hostilités et à adhérer au processus de paix. À cet égard, il a soutenu les efforts du Gouvernement pour maintenir la sécurité et protéger les civils, s’inquiétant que les groupes armés continuent de s’adonner à des activités violentes dans la région. Rappelant l’attaque perpétrée à Bambari qui a coûté la vie à 11 citoyens chinois, le représentant a appelé à en poursuivre les auteurs. À ce sujet, il a remercié la MINUSCA pour ses efforts visant à protéger les citoyens chinois sur le terrain. Sur le front humanitaire et sécuritaire, il a estimé que la situation le long des frontières avec le Tchad, le Soudan et d’autres pays, méritent toute l’attention. La MINUSCA, comme le prévoit son mandat, devrait aider les forces de sécurité à se déployer et à protéger les civils. Pour finir, il a appelé le Conseil de sécurité à lever l’embargo sur les armes sans délai.
M. GUSTAVO SÉNÉCHAL DE GOFFREDO JUNIOR (Brésil) a noté avec préoccupation le vide sécuritaire créé par le retrait de la force conjointe tripartite RCA-Tchad-Soudan de la zone frontalière et ses implications potentielles, notamment en ce qui concerne la protection des civils et la situation humanitaire déjà désastreuse. Il a souligné ensuite le rôle clef joué par le programme de désarmement, démobilisation et réintégration dans la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation de 2019 et félicité les autorités centrafricaines pour les progrès accomplis dans la dissolution des groupes armés. Puis le délégué a jugé crucial de renforcer la présence de l’autorité de l’État dans tout le pays et, ainsi, de faire respecter l’état de droit, en particulier à la lumière des rapports sur les violations des droits humains et du droit international humanitaire. Enfin, s’agissant de la contribution des organisations régionales au processus de paix en RCA, il s’est dit encouragé de voir l’engagement renouvelé de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs en faveur de la mise en œuvre de la Feuille de route de septembre 2021.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a fait part de sa satisfaction face à l’évolution positive en RCA qui, grâce au soutien de partenaires, dont la Russie, ont permis au pays de surmonter la phase la plus difficile de la lutte contre ceux qui tentaient de renverser le pouvoir par la force des armes.
Cependant, a poursuivi le représentant, les menaces à la sécurité n’ont pas été complètement éliminées. Il a mentionné les activités menées dans les zones frontalières avec le Tchad, le Soudan, le Cameroun et la République démocratique du Congo, qu’il a expliquées par la « porosité » des frontières, ainsi que par le manque de moyens financiers pour assurer le contrôle aux frontières. Tout en encourageant la coordination de Bangui avec les pays voisins, il a dit avoir déjà constaté des progrès dans ce domaine, y compris sur le plan militaire.
Pour la Fédération de Russie, la situation actuelle nécessite la levée complète de l’embargo du Conseil de sécurité sur les armes imposé à la RCA, afin d’améliorer la capacité de combat des forces armées nationales et des forces de l’ordre. Une telle approche répond pleinement aux intérêts d’un règlement et d’une réconciliation durables en RCA, a-t-il insisté.
Dans le même temps, M. Nebenzia a estimé que l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en RCA reste la base pour parvenir à la stabilité et à la sécurité dans le pays. Il a exhorté à fournir toute l’assistance possible au pays par le biais des institutions financières internationales et de l’ONU, jugeant « inacceptable » de politiser l’aide des donateurs, puisque c’est principalement la population civile qui souffre de telles actions.
Pour sa part, la Russie continue d’aider la RCA à renforcer son potentiel de défense, a poursuivi le représentant. Il a rappelé que des instructeurs russes travaillent avec succès dans le pays où, a-t-il insisté, ils ont été envoyés en réponse à la demande des autorités légitimes. Il a rejeté la campagne visant à les discréditer et, d’une manière générale, les tentatives visant à attribuer la responsabilité des violations des droits humains aux Forces armées centrafricaines et à des partenaires bilatéraux, affirmant que ces accusations « faites sur mesure » n’étaient pas étayées par des faits fiables.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a souligné l’importance de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine et de la transparence des processus démocratiques. Il a en revanche estimé que les projets de révision constitutionnelle du Président Touadera risquaient d’anéantir des années de travail acharné pour renforcer le système démocratique du pays, ajoutant que le référendum constitutionnel servait à détourner l’attention des principaux problèmes auxquels le pays était confronté, notamment des situations humanitaire, sécuritaire et économique désastreuses. Il a notamment regretté que les projets de référendum aient retardé des élections locales importantes pour la restructuration démocratique et le processus de paix en RCA et appelé à leur tenue le plus rapidement possible.
Le représentant s’est dit préoccupé par le mépris croissant pour les droits humains en RCA, notant la mention dans le dernier rapport du Secrétaire général des violations perpétrées par des acteurs étatiques, y compris le groupe mercenaire russe Wagner. « Comme dans d’autres contextes, Wagner continue de jouer un rôle déstabilisateur en RCA », a-t-il affirmé, appelant le Gouvernement centrafricain à contrôler les acteurs de la sécurité opérant dans le pays, à s’assurer qu’ils respectent le droit international humanitaire et des droits de l’homme, et à veiller à ce que tous les auteurs de violations soient traduits en justice.
Le délégué s’est, enfin, inquiété des récentes allégations d’actes d’exploitation et d’abus sexuels commis par des membres du personnel de la MINUSCA, a appuyé les mesures prises par la Représentante spéciale pour rapatrier le contingent concerné et a demandé instamment une enquête approfondie sur toutes ces allégations.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a exhorté le Gouvernement à continuer de promouvoir le dialogue pour que le référendum constitutionnel se tienne dans un esprit civique et surtout dans une ambiance de paix, le 30 juillet prochain. Il a souligné l’importance du processus des élections locales pour réaliser la décentralisation. Le représentant a notamment plaidé pour une meilleure participation des femmes à la politique nationale, dont 35% aux postes politiques. Sur le plan sécuritaire, il a noté que le contrôle du territoire est central, tant pour le renforcement de l’état de droit que pour les institutions et la décentralisation. S’il a salué les progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation, il a néanmoins vu avec préoccupation l’augmentation de l’utilisation indiscriminée d’explosifs et de mines et appelé les pays voisins de la RCA à coopérer dans la lutte contre le trafic illégal d’armes et d’explosifs. L’Équateur déplore en particulier la violence fondée sur le genre et l’utilisation de la violence sexuelle comme tactique de guerre, ainsi que les violations perpétrées contre des minorités ethniques et religieuses, et demande que des enquêtes soient menées sur ces violations.
Mme SHINO MITSUKO (Japon), préoccupée par les allégations d’exploitation et d’abus sexuels commis par des Casques bleus de l’ONU, a prôné une enquête approfondie et la tolérance zéro. Évoquant la poursuite des affrontements militaires avec les groupes armés, la représentante s’est inquiétée des informations faisant état de violences sexuelles, y compris comme tactique de guerre, ainsi que du recrutement d’enfants dans les conflits. Elle a dénoncé les violations des droits humains et les abus commis par des groupes armés, des agents de l’État et d’autres personnels de sécurité. Sur le plan politique, la représentante a souligné l’importance du dialogue inclusif et du processus de désarmement, démobilisation et réintégration pour parvenir à une paix durable dans le pays. Pour lutter contre les activités des groupes armés et les flux illicites, elle a recommandé des contrôles frontaliers plus efficaces dans la région. Enfin, la tenue d’élections locales crédibles, pacifiques et ouvertes à tous reste, à ses yeux, la clef de l’extension de l’autorité de l’État et de la promotion de l’état de droit dans les zones rurales, la MINUSCA jouant un rôle de soutien crucial à cet égard.
M. ROBERT A. WOOD (États-Unis), vivement préoccupé par les signalements d’exploitation et d’atteintes sexuelles dont se seraient rendus coupables des Casques bleus, a appuyé le rapatriement des unités concernées et le lancement d’une enquête, jugeant de tels comportements inacceptables. Il s’est félicité des patrouilles conjointes MINUSCA-Forces armées centrafricaines et a salué la participation de la MINUSCA à l’organisation des prochaines élections locales. A contrario, il s’est dit déçu du report des élections locales et préoccupé par la volonté du Gouvernement de modifier la Constitution et le nombre de mandats présidentiels possibles, ce qui risque selon lui de déstabiliser le pays. Concernant le régime de sanctions à l’encontre de la RCA, le délégué a insisté sur l’importance du processus de notification. « L’embargo sur les armes n’empêche pas le Gouvernement de la RCA d’obtenir les armes nécessaires à la lutte contre les groupes armés », a-t-il martelé, ajoutant qu’il visait à empêcher que certaines armes se retrouvent aux mains de ces mêmes groupes. Il a estimé qu’il n’y avait pas de solution militaire à la crise, regrettant que « certaines entités prédatrices » continuent de déstabiliser le pays, de menacer le processus de paix et de fouler aux pieds la souveraineté centrafricaine afin de continuer à exploiter la richesse du pays. Rappelant que le Groupe d’experts sur la RCA avait conclu que le groupe Wagner se livrait à des opérations militaires brutales et contrôlait de plus en plus de ressources naturelles, il a aussi affirmé qu’il entravait les enquêtes de la MINUSCA sur les violations des droits humains et qu’il se rendait coupable de telles violations.
Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est inquiétée de la situation humanitaire en RCA aggravée par le flux de réfugiés du Soudan. Elle a dénoncé les menaces des groupes armés et souligné l’importance de la justice pour les victimes. Des enquêtes doivent ainsi être menées sur les allégations d’abus sexuels, a demandé la déléguée. Elle a en outre accusé le groupe Wagner de violations des droits humains et d’avoir occupé pendant une année les bureaux d’une société privée de diamants. S’agissant de la situation sécuritaire, elle a souligné l’importance du programme de désarmement, démobilisation et réintégration. La déléguée s’est aussi dite préoccupée par l’organisation d’un référendum constitutionnel en juillet et par le report des élections locales. Elle a demandé au Gouvernement de la RCA de dialoguer avec la société civile et les partis politiques. Elle a aussi appelé les parties à s’abstenir des discours de haine qui pourraient envenimer la situation. Enfin, la déléguée a salué les mesures prises par la MINUSCA contre les dernières allégations d’abus sexuels commis par certains de ses éléments. « Personne ne devrait échapper à la responsabilité de ces actes. »
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabe unis) a commencé par souligner la nécessité d’assurer la sécurité, la situation étant aujourd’hui très préoccupante, pour parvenir à une paix et une stabilité durables. Il est dès lors indispensable de s’attaquer au problème des groupes armés pour soutenir les efforts politiques, a-t-il dit en réitérant l’importance d’un cessez-le-feu respecté par toutes les parties et d’un renforcement des mécanismes bilatéraux et multilatéraux avec les pays voisins, comme la récente opération conjointe avec le Tchad. Ensuite, le délégué a relevé l’urgence de s’attaquer aux défis humanitaires, sachant que près des trois quarts de la population centrafricaine est confrontée à des contraintes considérables d’ordre économique et humanitaire. Enfin, encouragé par la poursuite de la coopération constructive entre la République centrafricaine et la MINUSCA, il a appelé à en préserver les acquis.
Mme SYLVIE BAÏPO-TEMON, Ministre des affaires étrangères, de la Francophonie et des Centrafricains de l’étranger de la République centrafricaine, s’est dite satisfaite de la reconnaissance des efforts significatifs réalisés par le Gouvernement de son pays dans le dernier rapport du Secrétaire général, tout en déplorant « quelques imprécisions et incohérences ».
Notant que l’État avait restauré son autorité sur 85% du territoire, la Ministre s’est félicitée de l’amélioration de la situation sécuritaire tout en reconnaissant qu’elle restait « imprévisible ». Elle a dénoncé l’exploitation illicite des richesses du sous-sol centrafricain par des groupes armés disposant d’armes de plus en plus sophistiquées. Déplorant que ces armes soient « acquises au vu et su de la communauté internationale et du Conseil de sécurité, qui peinent à s’attaquer aux réels problèmes centrafricains », elle a visé « la source d’approvisionnement » de ces armes, affirmant qu’elles n’étaient produites par aucun limitrophe de la RCA. S’inquiétant du conflit au Soudan, elle a souligné qu’il favorisait l’activité des rebelles en RCA. Elle a rappelé l’action conjointe menée récemment avec le Tchad pour dissoudre un mouvement armé voulant utiliser la RCA comme base arrière pour déstabiliser son voisin tchadien.
Sur le plan politique, la Ministre s’est félicitée du fait que le Comité de suivi du dialogue républicain était désormais opérationnel. Elle a également rappelé que le programme de désarmement, démobilisation et réintégration enregistrait des progrès significatifs, neuf groupes signataires de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation ayant été désarmés et démobilisés, conformément à leur engagement. Abordant la question des droits humains, elle a affirmé que les auteurs présumés de violations étaient poursuivis devant le tribunal militaire.
La Ministre a expliqué que les élections locales prévues pour juillet 2023 aveint été reportées à septembre du fait d’un manque de financement de plus de 14 millions de dollars. Elle a également affirmé que le référendum du 30 juillet prochain visait à « consolider les résultats chèrement acquis à travers une loi fondamentale solide ». Elle a en outre fait observer que ce processus référendaire était « totalement distinct » des élections locales, lesquelles « ne sont point annulées mais reportées à une date dont le chronogramme a été établi par l’agence nationale des élections ». La Ministre a rappelé que le processus est « porté par l’État centrafricain et sa sécurisation assurée par les Forces armées centrafricaines avec l’appui de ces partenaires bilatéraux que sont la Russie et le Rwanda », en insistant sur le fait que « la MINUSCA n’est point impliquée et ne sera pas impliquée dans ce processus ».
Affirmant que le Gouvernement restait attaché à la lutte contre l’impunité face aux violations des droits humains et aux crimes sexuels, la Ministre a indiqué que le renforcement des juridictions était achevé, que 66 mandats d’arrêt avaient été lancés par la Cour pénale spéciale et que les premières décisions judiciaires concernant la réparation des victimes avaient été prononcées. Elle a sollicité une meilleure coordination et collaboration de la part de la MINUSCA lors des missions d’enquêtes des experts, notamment dans les cas des violations des droits humains, ajoutant que le Gouvernement « apprécierait d’être informé » des enquêtes menées lors des allégations de violations de droits humains et de violations sexuelles commis par du personnel de la MINUSCA. Elle a dénoncé « les allégations mensongères subies par le contingent gabonais », dont le retrait sans solution transitoire a porté préjudice à la population, attaquée après son départ.
S’inquiétant d’une situation humanitaire alarmante du fait de la baisse conséquente de la mobilisation en faveur de la RCA, la Ministre a appelé la communauté internationale à se mobiliser. Elle a réitéré la nécessité de doter la MINUSCA d’un mandat robuste et de lui allouer les capacités nécessaires pour faire face aux groupes armés.
En conclusion, la Ministre a dénoncé « la persistance de sanctions injustes et improductives » concernant l’embargo sur les armes imposées aux FACA ainsi que le « verrou politique » placé dans le cadre du Processus de Kimberley à la demande d’extension de zones devenues conformes. « Le premier devoir d’un État souverain est d’assurer la sécurité de sa population, un droit dont la RCA ne peut pleinement bénéficier à cause des sanctions injustes qui lui sont infligées », a-t-elle martelé. Elle a exhorté les pays amis et frères, à soutenir son plaidoyer en faveur de la levée totale et définitive de l’embargo sur les armes.
Mme ESMERALDA MENDONÇA, Secrétaire d’État aux relations extérieures de l’Angola, a rappelé l’adoption, en septembre 2021, de la feuille de route de Luanda, dont la mise en œuvre par les autorités centrafricaines a créé un climat d’accalmie en RCA. Elle a encouragé le Gouvernement centrafricain et les parties prenantes à redoubler d’efforts dans ce processus national, notamment en accélérant les réformes du secteur de la sécurité. Mme Mendonça a dit être préoccupée par les implications de la crise au Soudan pour la stabilité en RCA, notamment l’augmentation des mouvements des groupes armés, le trafic d’armes et de munitions et la détérioration de la situation humanitaire due à l’afflux de réfugiés. Tout cela fait peser de graves risques sur le processus de paix en cours dans le pays, a-t-elle estimé.
La Secrétaire d’État a ensuite plaidé pour la levée totale de l’embargo sur les armes contre la RCA, en vigueur depuis 2013. La résolution 2648 (2022) qui modifie les exceptions à l’embargo sur les armes contre la RCA ne contribue pas à la lutte contre la prolifération et l’approvisionnement illicites en armes des groupes armés, elle menace au contraire le processus de paix et la stabilité en RCA, a-t-elle affirmé. La levée totale de l’embargo sur les armes imposé à la RCA permettra aux forces de défense et de sécurité de s’équiper et de s’acquitter de leur mandat constitutionnel de défense et de protection du pays et de ses citoyens, a-t-elle plaidé.
M. CLAVER GATETE (Rwanda) s’est réjoui du processus de paix en cours et des efforts d’édification de la nation centrafricaine, qui sont empreints d’optimisme. Le Rwanda apprécie sincèrement les précieuses contributions de la MINUSCA et toutes les parties prenantes impliquées, y compris le Gouvernement de la RCA, les forces armées nationales, les forces bilatérales, les organisations régionales et les partenaires du développement, a-t-il ajouté.
Dans le même temps, le représentant s’est inquiété des récents rapports sur des groupes armés qui prennent pour cible des postes isolés de la défense nationale et tendent des embuscades aux patrouilles de maintien de la paix. Plus inquiétant encore à ses yeux demeure le marché actif de matériel de guerre dans la région, alors que le Gouvernement de Bangui lutte contre les contraintes imposées par l’embargo en cours sur les armes.
Le représentant a insisté sur le fait que les défis sécuritaires constituent une menace importante pour les progrès durement acquis dans la mise en œuvre de la feuille de route pour la paix et les initiatives de consolidation de la paix. Pour le Rwanda, il est donc essentiel de lever l’embargo sur les armes imposé au Gouvernement de la République centrafricaine pour lui permettre d’affirmer son autorité dans l’ensemble du pays.
En tant que contributeur important aux forces multilatérales et bilatérales présentes en République centrafricaine, le Rwanda maintient que les conditions qui ont justifié l’embargo sur les armes ne s’appliquent plus. Pour le représentant, la levée complète de l’embargo constituerait un puissant symbole de la force, de la solidarité et du soutien de la communauté internationale. Cet embargo n’est plus nécessaire, a-t-il répété en conclusion.
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a concentré son intervention sur « l’impérieuse nécessité pour ce Conseil de sécurité de proclamer la levée de l’embargo sur les armes qui pèse sur la République centrafricaine depuis 2013 ». C’est la position de l’Union africaine, une organisation régionale de 54 pays membres, dont 53 font partie des membres des Nations Unies, a-t-il tenu à rappeler. Il est temps, a-t-il insisté, que le Conseil écoute ces voix et lève cet embargo afin que les forces armées de ce pays frère puissent se défendre contre des attaques aveugles menées avec des armes de plus en plus sophistiquées.
Il est évident, a déploré le délégué, que l’embargo n’affecte pas les groupes armés en contact avec les trafiquants et les gangs criminels qui leur fournissent des explosifs et des drones.
M. LANDRY SIBOMANA (Burundi) s’est dit fortement préoccupé par la montée en puissance des groupes armés ainsi que la présence accrue à leurs côtés de mercenaires et criminels étrangers, citant les 6 000 éléments de groupes rebelles tchadiens, ainsi que les milices janjaouid du Darfour et les Misriya du Soudan. Dans cette optique, le représentant a vivement dénoncé les actes terroristes perpétrés par la Coalition des patriotes pour le changement qui, dans l’application de ses nouveaux modes opératoires, commet des violations graves de plusieurs principes du droit international humanitaire.
Le Burundi, qui dispose d’un bataillon militaire sur place, dénonce fermement la recrudescence des attaques contre les forces onusiennes de maintien de la paix, les positions des Forces de défense et de sécurité centrafricaines, ainsi que les attaques indiscriminées contre la population civile et les acteurs humanitaires. Sur ce dernier point, le représentant a plaidé en faveur d’un soutien financier au Plan de réponse humanitaire en République centrafricaine, lancé en février 2023, particulièrement en ce qui concerne l’appui direct aux réfugiés et aux communautés locales d’accueil.
Par ailleurs, le représentant s’est réjoui des progrès accomplis par les autorités centrafricaines dans la mise en œuvre des objectifs de référence énoncés dans la déclaration présidentielle en date du 9 avril 2019. Il a salué, à cet égard, les mesures et initiatives prises par le Gouvernement centrafricain pour renforcer le système de gestion d’armes et de munitions, l’opérationnalité de la Commission nationale sur les armes légères et de petit calibre, la réforme du secteur de sécurité, ainsi que le succès du processus de désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration, qui a contribué à la démobilisation de 5 000 individus tout en réduisant de six mois le délai de réintégration.
Pour le Burundi, il est important de permettre aux Centrafricains de prendre pleinement leur destin en main, en les autorisant à renforcer souverainement les capacités de leurs forces de l’ordre. Le représentant a donc demandé la « levée totale, directe et sans condition du régime d’embargo », y compris l’obligation de notification sur les armes, régime « imposé injustement » à la République centrafricaine.
M. GEORGES NZONGOLA-NTALAJA (République démocratique du Congo) a salué les progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation et de la Feuille de route de Luanda, tout en estimant que la poursuite de cet élan nécessiterait un renforcement du processus de désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration (DDRR). Il s’est également félicité des progrès de la RCA en matière de gestion des armes et des munitions, ainsi que de la réactivation de plusieurs commissions mixtes bilatérales entre la RCA et ses voisins. Le représentant a toutefois noté la montée en puissance de certains « groupes armés réfractaires », ainsi que des répercussions de la crise au Soudan, en particulier l’afflux de réfugiés et les mouvements de combattants armés, qui exacerbent les tensions humanitaires.
Le représentant a appelé à un soutien plus accru en faveur des efforts nationaux de paix et de coopération et a plaidé pour le financement du processus de DDRR et du plan de réponse humanitaire de la RCA. Il a ensuite appelé le Conseil de sécurité à prendre en compte les recommandations tant du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine que de la dernière session ordinaire de la conférence des chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, qui lui ont demandé de « lever totalement l’obligation de notification sur les armes » établi par la résolution 2648 (2022).
M. LAZARE MAKAYAT SAFOUESSE (République du Congo) a fait observer que la RCA reste confrontée à des défis qui constituent autant d’urgences et témoignent de sa difficulté à construire des échelles de priorité, eu égard notamment aux chocs économiques. Cette situation dont les répercussions sont durement ressenties dans la sous-région interpelle au plus haut point, surtout avec l’exacerbation du conflit soudanais, et l’activisme des forces négatives au Togo, dont la motivation principale reste, selon lui, la prédation. Sur le plan régional, le représentant s’est dit convaincu que le développement intégral des pays de la sous-région ne peut se réaliser que dans un contexte général et durable de paix et de sécurité. C’est pourquoi il a encouragé les efforts de la communauté internationale visant à promouvoir les mesures de confiance prises aux niveaux régional et sous-régional.
Le représentant a averti que « tous les efforts de la communauté internationale, tant à l’ONU qu’à travers la MINUSCA et d’autres partenaires, resteront vains s’ils n’accompagnent pas ceux du Gouvernement centrafricain, qui s’engage avec détermination à instaurer une paix durable et définitive ». Témoin de l’évolution de la situation sociopolitique et sécuritaire en RCA, en particulier les progrès accomplis dans le cadre de la mise en œuvre du processus de paix, du processus de mutualisation de la feuille de route conjointe de Luanda et de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en RCA, le représentant a salué l’engagement de ce pays à construire une paix durable. C’est pourquoi la République du Congo réitère son appel en faveur de la levée complète de l’embargo sur les armes qui pèse sur la RCA, avec annulation de l’obligation de notification.