En cours au Siège de l'ONU

Nouvelle reprise de la cinquième session,
71e & 72e séances plénières – matin & après-midi
MER/2181

La Conférence sur la biodiversité marine adopte le texte d’un traité sur la protection de la biodiversité au-delà des zones de juridiction nationale, « une avancée monumentale »

La Conférence intergouvernementale chargée d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, plus connue sous l’acronyme anglais « BBNJ », a adopté aujourd’hui, sous un tonnerre d’applaudissements, le texte d’un accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. 

Ce texte avait été approuvé le 3 mars dernier, au terme d’une cinquième session de travail de la Conférence, qui avait été entamée en août 2022 et reprise le 20 février dernier pour s’achever par un ultime marathon de 36 heures de discussions. Ces cinq cycles de négociations, très ardues et techniques, se sont étalés sur plus d’une décennie. 

La satisfaction était ainsi palpable, comme l’a d’ailleurs relevé en début de séance la Présidente singapourienne de la Conférence, Mme Rena Lee, avant de saluer la persévérance des délégations.  « Nous sommes arrivés à bon port », a-t-elle dit.  Avant l’adoption du texte, la Présidente a clarifié le libellé de son article 18 relatif à sa zone d’application, en rappelant que la Conférence des Parties peut considérer, mais sans pour autant trancher, les propositions de création d’outils de gestion par zone, y compris d’aires marines protégées.

Elle a également expliqué que les parties sont d’avis que les études d’impact sur l’environnement doivent être menées par l’État.  Afin de promouvoir la transparence, a-t-elle ajouté, il existe des dispositions qui permettent à une autre partie de faire connaître son point de vue au sujet de l’impact d’une activité prévue et à l’Organisme scientifique et technique de formuler des recommandations non contraignantes. 

« Historique », « monumentale », « force du multilatéralisme » ont été quelques-unes des expressions employées pour qualifier l’avancée que constitue l’adoption de ce texte.  Cet accord est essentiel pour assurer la durabilité des zones non couvertes par la juridiction nationale, soit plus des deux tiers des océans, a déclaré le Secrétaire général de l’ONU.  « Après deux décennies d’élaboration, l’adoption de cet accord démontre la force du multilatéralisme et l’importance de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. »

Les États Membres démontrent que les menaces mondiales méritent une action mondiale, a-t-il commenté, tout en prévenant les délégations: « Votre travail n’est pas encore terminé. »  Le Secrétaire général a ainsi appelé les États Membres à agir sans délai pour signer et ratifier cet accord.  « Nous avons rompu le statu quo », s’est félicité le Prince Albert II de Monaco, tandis que le Président de l’Assemblée générale a estimé que ce texte, « avancée monumentale », jette les bases d’une meilleure gestion des océans.

« Ce texte permet d’éviter que les pays en développement n’aient à endosser un fardeau trop lourd et revêt un caractère équitable », a appuyé le Ministre des affaires étrangères des Maldives.  Les délégations, telles que le Botswana, au nom des pays enclavés, ont été nombreuses à saluer la consécration par ce texte du principe du patrimoine commun de l’humanité. Les Palaos, au nom des petits États insulaires en développement (PEID) du Pacifique, se sont félicitées de la mention faite des connaissances des peuples autochtones, tandis que Singapour a souligné le rôle des femmes dans la conclusion du traité.

Certaines délégations n’ont néanmoins pas fait mystère des difficultés rencontrées lors des négociations, à l’instar de Cuba, qui, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a parlé de la « pression immense » et des « positions dures » de ses partenaires.  « Ce texte est loin d’être parfait », a reconnu la Barbade, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM).  Une note franchement dissonante est venue du délégué de la Fédération de Russie qui a estimé que ce texte n’apporte pas de « réponses sensées ». 

« Le texte ne comprend pas de garde-fou pour éviter la politisation des aires marines protégées », a tranché le délégué russe.  Il a aussi déploré le fait qu’un équilibre n’ait pas été trouvé entre la préservation et l’exploitation des ressources des océans.  C’est pourquoi nous nous dissocions du consensus, a dit le délégué, en jugeant que cet accord « inacceptable » sape la Convention sur le droit de la mer.

À l’ouverture de la réunion, le Coordonnateur du Groupe de travail informel à composition non limitée a expliqué le travail accompli pour assurer la cohérence de la terminologie utilisée dans le texte, ainsi que pour harmoniser les versions dans les six langues officielles de l’ONU.  L’accord comprend quatre parties principales intitulées « Ressources génétiques marines et partage juste et équitable des avantages »; « Mesures telles que les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées »; « Évaluations d’impacts sur l’environnement »; et « Renforcement des capacités et transfert de technologies marines ». 

Les intervenants ont été unanimes pour saluer le brio avec lequel la Présidente a dirigé les négociations.  Enfin, certaines délégations avaient déjà en tête d’autres avancées pour sauver les océans. La délégation des Fidji, au nom du Forum des îles du Pacifique, a ainsi invité les États Membres à se pencher de toute urgence sur un instrument international juridiquement contraignant concernant la pollution plastique, y compris en milieu marin.

La Conférence intergouvernementale poursuivra son débat demain, mardi 20 juin à 10 heures, pour conclure ces deux journées de réunions dédiées à l’adoption de l’accord. 

DÉCLARATIONS D’OUVERTURE

M. CSABA KŐRÖSI, Président de l’Assemblée générale, a dit que cet accord est une avancée monumentale.  Ensemble, vous avez trouvé une solution transformatrice et jeté les bases d’une meilleure gestion des océans, a salué le Président, en soulignant le pouvoir du multilatéralisme.  « Continuons d’œuvrer pour protéger nos océans. »

« Les océans sont les forces vives de notre planète », a déclaré M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, en soulignant que l’adoption du projet d’accord permet d’insuffler vie et espoir, à un moment critique où les océans sont menacés sur plusieurs fronts: les changements climatiques réchauffent notre planète, perturbent les conditions météorologiques et les courants océaniques, et altèrent les écosystèmes marins et les espèces qui y vivent.  Ajoutant que les températures de surface de la mer dans l’Atlantique Nord ont récemment augmenté si haut qu’il a fallu en redessiner les instruments de mesure, ou encore que la biodiversité marine est menacée par la surpêche, la surexploitation et l’acidification des océans -cela dans des proportions inédites-, le Secrétaire général a rappelé en outre que nous polluons nos eaux côtières avec des produits chimiques, des plastiques et des déchets humains. 

M. Guterres a salué cette « avancée historique », la jugeant essentielle pour faire face à ces menaces et assurer la durabilité des zones non couvertes par la juridiction nationale, soit plus des deux tiers des océans.  Il a conclu qu’après deux décennies d’élaboration, « l’adoption de cet accord démontre la force du multilatéralisme » et l’importance de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Les États Membres démontrent que les menaces mondiales méritent une action mondiale, a-t-il commenté, tout en prévenant les délégations: « Votre travail n’est pas encore terminé. »  Le Secrétaire général a ainsi appelé les États Membres à agir sans délai pour signer et ratifier cet accord dans les meilleurs délais. Il a enfin salué les contributions de la société civile dans son élaboration et s’est dit prêt à continuer à travailler avec toutes les parties prenantes pour garantir des océans plus sains, plus résilients et plus productifs, cela au profit des générations actuelles et futures. « Encore une fois, félicitations pour cette réalisation historique! » 

EXAMEN ET ADOPTION DES DOCUMENTS DE LA CONFÉRENCE, DONT SON RAPPORT À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Adoption de l’accord et explications de position (A/CONF.232/2023/L.3)

Après l’adoption de l’accord, la Fédération de Russie a déclaré que des réponses sensées n’ont pas été apportées par ce texte.  S’agissant de la création d’aires marines protégées, il a rappelé que le système de financement prévu n’est pas suffisant.  Les sommes réelles à débourser seraient astronomiques selon lui. Il a ajouté que le texte ne comprend pas de garde-fou pour éviter la politisation de ces aires marines protégées. Il a aussi déploré le fait qu’un équilibre n’ait pas été trouvé entre la préservation et l’exploitation des ressources des océans.  « Les incohérences sont nombreuses. »  C’est pourquoi nous nous dissocions du consensus, a dit le délégué, en expliquant que son pays n’a pas voulu demander un vote par respect pour les pays en développement.  Enfin, il a déclaré que cet accord « inacceptable » sape notamment la Convention sur le droit de la mer.

Le Venezuela a souligné que les zones maritimes que protégera l’accord une fois entré en vigueur ont été pendant longtemps menacées par des « aventures politiques et prédatrices malheureuses », allant jusqu’à mettre en péril la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) par les pays du Sud.  Il a formé le souhait que l’accord permette de remédier à ces menaces tout en prenant en compte les besoins réels des pays en développement.  Nous espérons que le régime qu’instaurera l’accord permettra à tous de bénéficier du potentiel des ressources marines aux fins du développement durable, a-t-il expliqué.  Le représentant vénézuélien a rappelé que si son pays s’est rallié au consensus, cela ne doit pas être interprété comme un changement par rapport à sa position traditionnelle à l’égard de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, à laquelle le Venezuela n’est pas partie.  Il a expliqué que cette position autorise son pays à ne pas reconnaître la totalité de l’architecture du nouvel instrument. 

DÉBAT GÉNÉRAL

Le Prince ALBERT II de Monaco a salué cette adoption historique et rendu hommage au travail exceptionnel de la Présidente.  C’est une réussite du multilatéralisme, a-t-il dit, en saluant notamment l’esprit de compromis des délégations et en se félicitant de cette arrivée à bon port après l’engagement pris en 2012 à la Conférence Rio+20 (la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, intitulée « L’avenir que nous voulons »).  Le Prince a estimé que la Convention sur le droit de la mer se trouve renforcée par ce texte.  Nous rompons le statu quo avec cet accord, a-t-il dit, en appelant à sa mise en œuvre le plus rapidement possible.

M. VIVIAN BALAKRISHNAN, Ministre des affaires étrangères de Singapour, a salué la conclusion d’un accord « historique » rendu possible par l’engagement politique de chacun afin de trouver des solutions politiques.  Il a notamment reconnu le rôle des femmes dans la conclusion de ce traité et dans la diplomatie en général.  Il s’agit selon lui d’un « grand pas pour le droit international » permettant d’établir un cadre juridique englobant l’ensemble des activités humaines pratiquées sur les mers et les océans.  Cet accord renforce à ses yeux le cadre juridique global que procure la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et réaffirme l’état de droit pour la gouvernance des océans.  L’adoption de cet accord constitue en outre une victoire pour la gestion du bien commun que constituent les océans, du cycle de l’eau aux accords commerciaux mondiaux, et « change la donne » en ce qui concerne l’utilisation durable de la biodiversité marine.  Pour le Ministre, la conclusion d’un tel traité représente une victoire pour le multilatéralisme et les Nations Unies elles-mêmes.  « Parvenus à ce moment critique, notre travail n’est pas terminé », a poursuivi le Ministre: la communauté internationale doit maintenant aspirer à une participation universelle et à une mise en œuvre efficace de l’accord. 

À son tour, M. ALBERTO VAN KLAVEREN, Ministre des affaires étrangères du Chili, a salué une avancée majeure en matière de protection et de conservation marines, l’accord étant « équilibré et orienté vers l’avenir de tous ».  Il a jugé urgent pour l’humanité de le mettre en œuvre rapidement, signalant que son pays s’était engagé à le signer et le ratifier dans les meilleurs délais.  Tous nos peuples ont besoin des océans et nous avons tous une responsabilité à leur égard, a-t-il dit, rappelant que le Chili fut à l’origine non seulement du concept des 200 milles marins duquel découla la Convention sur le droit de la mer, mais aussi d’une organisation de pêche durable qui regroupe depuis deux décennies 17 membres de sa région.  Pour le Ministre chilien, la coopération entre États sera essentielle pour assurer la réussite de l’accord au niveau multilatéral et régional.  Le Chili serait heureux de recevoir, à Valparaiso, le Secrétariat du nouvel accord pour continuer de travailler au renforcement de la gouvernance de la haute mer pour les pays du Sud, a-t-il ensuite indiqué.  Enfin, M. Van Klaveren a assuré que son pays œuvrera activement à l’organisation de la première réunion des États parties à l’accord.

La contribution de la société civile à cette réussite majeure a été saluée par M. ABDULLA SHAHID, Ministre des affaires étrangères des Maldives, qui a souligné que nous sommes à un moment charnière de la gestion durable des océans, dont dépend la prospérité des générations futures.  Il a rappelé que la pêche est capitale pour l’économie de son pays.  Ce texte permet selon lui d’éviter que les pays en développement n’aient à endosser un fardeau trop lourd.  Le Ministre a apprécié le caractère équitable de l’accord, en ajoutant que les efforts pour le mettre en œuvre doivent être guidés par la notion de patrimoine mondial de l’humanité.  « Ce texte est le début d’un voyage transformateur. »

Cette journée « importante pour la biodiversité » est une victoire de la diplomatie et du multilatéralisme, a déclaré M. YURI ARIEL GALA LÓPEZ (Cuba), au nom du Groupe des 77 et de la Chine.  C’est avant tout celle des pays en développement qui se sont unis pour façonner un traité « ambitieux et progressiste », a-t-il précisé.  Selon lui, la force des pays émergents explique la raison pour laquelle le présent accord est « totalement différent » de la version qui a failli être conclue en août dernier.  Il a souligné en effet que le texte comprend un modèle équilibré de partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques marines, des informations sur les séquences numériques ainsi que du principe du patrimoine commun de l’humanité, concept fondamental qui représente à ses yeux une avancée pour le droit international.  De même, les questions concernant le renforcement des capacités, le financement et les questions transversales ont été formulées par les pays en développement malgré la « pression immense » et la position « dure » de leurs partenaires, a fait savoir le représentant qui a dit compter sur la communauté internationale pour soutenir la campagne de ratification de l’accord et assurer son entrée en vigueur dans les meilleurs délais, en mobilisant les ressources en faveur des pays émergents. 

Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. ABUKAR DAHIR OSMAN (Somalie) a rappelé avoir souligné, tout au long des négociations, l’importance de l’adoption d’un cadre global où pourraient être prises les mesures efficaces de conservation qui s’imposent à l’humanité, ainsi que la nécessité d’assurer l’équité dans l’utilisation durable des ressources marines.  Il a réaffirmé sa détermination à œuvrer en faveur d’un accord réalisable, pérenne, juste, équitable et universel pour que puissent être atteints ses objectifs fondamentaux de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité marine.  En cette Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable, l’accord peut fournir les outils nécessaires pour garantir la gestion et la protection communes du « plus grand écosystème du monde et l’un des plus importants fournisseurs de nourriture et de moyens de subsistance », selon le Groupe.  Sachant par ailleurs que des océans sains sont le meilleur outil pour lutter contre les changements climatiques, le représentant s’est dit convaincu que l’adoption de mesures de conservation et de gestion « non seulement protégera, préservera, restaurera et maintiendra la biodiversité et les écosystèmes qui assureront la sécurité alimentaire et d’autres objectifs socioéconomiques », mais aussi limitera la pêche illégale non durable et non réglementée en haute mer adjacente aux États côtiers, y compris les 38 États africains côtiers. 

Mme MATILDA BARTLEY (Samoa), au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), a parlé d’un « moment historique ».  Elle a salué notamment la prise en compte dans l’accord des contributions précieuses de la société civile.  Ce texte a été permis grâce à un consensus fort, a-t-elle dit, en demandant une entrée en vigueur rapide de ce nouvel instrument.  Elle a estimé que ce texte ménage un accès équitable aux ressources des océans, avant d’appeler au respect de l’intégrité de l’accord.  Elle a toutefois reconnu que des questions restent en suspens mais a estimé que cela « ne devrait pas être utilisé comme un moyen de réécrire l’histoire alors que nous avons passé de nombreuses heures à négocier pour parvenir à cet accord ».  Les principes essentiels, y compris les circonstances spéciales des petits États insulaires en développement (PEID), doivent être pris en considération dans l’application de l’instrument, a-t-elle demandé.  « Nous sommes arrivés à bon port », a-t-elle conclu en s’engageant à travailler de manière constructive pour passer de l’accord à sa mise en œuvre.

Au nom des pays en développement sans littoral (PDSL), M. ISHMAEL TSHOLOFELO DABUTHA (Botswana) s’est félicité de l’adoption de l’accord, dont l’importance « ancrée dans la gouvernance mondiale de l’océan » ne saurait être surestimée.  La protection des océans est d’autant plus importante que nous nous attaquons aux changements climatiques, dont les effets sur les PDSL sont immenses, a-t-il fait remarquer.  Le délégué a salué la reconnaissance spéciale que le traité accorde aux États en développement sans littoral, en reconnaissant les obstacles géographiques inhérents au manque d’accès à la mer, qui exacerbent les contraintes économiques.  Il a apprécié également la reconnaissance du principe du patrimoine commun.  Compte tenu des défis auxquels ils sont confrontés, les PDSL attachent en outre une grande importance au renforcement des capacités et au partage équitable des avantages, qui sont reflétés dans le projet d’accord.  « Nous ne pourrons collectivement sauvegarder la biodiversité marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale qu’en assumant nos responsabilités et en travaillant collectivement », a-t-il conclu. 

C’est une « réalisation historique », a lui aussi déclaré M. BJÖRN OLOF SKOOG, Chef de la délégation de l’Union européenne (UE) auprès des Nations Unies, en saluant l’adoption du traité ponctuant une décennie constructive de travail multilatéral.  Ce nouvel accord est un ajout bienvenu à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui fournit le cadre juridique dans lequel toutes les activités dans les océans et les mers doivent être menées, a-t-il ajouté.  Il a également salué une adoption « par consensus », affirmant que la conclusion de l’accord dans ces conditions était une priorité de l’UE et de ses États membres.  Il a jugé prioritaire d’assurer son entrée en vigueur rapide et sa mise en œuvre effective et articulée au cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal adopté en décembre dernier.  Le traité est bien une victoire majeure pour la biodiversité, un document qui devrait changer la donne en matière de protection des océans et d’utilisation durable de leurs ressources marines, a-t-il espéré.  Après avoir répété que l’UE et ses États membres se sont engagés à signer et à ratifier l’accord dès que possible, il a noté l’engagement de ces derniers à soutenir la mise en œuvre rapide du traité par le biais du programme Océan mondial de l’UE doté de 40 millions d’euros. 

M. FRANÇOIS JACKMAN (Barbade), qui parlait au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a misé sur cet accord pour remédier aux lacunes de longue date dans la gouvernance des océans.  Notre économie et notre identité sont liées aux océans, a-t-il dit.  S’il a reconnu que cet accord n’est pas parfait, « loin de là », il a estimé qu’il consacre le principe d’équité quant à l’utilisation des ressources des océans.  « C’est un succès », s’est-il exclamé.  Enfin, il a souligné le rôle important joué par la société civile dans l’obtention de ce succès.  « Travaillons maintenant à l’entrée en vigueur de l’accord. »

Au nom du Forum des îles du Pacifique, M. FILIPO TARAKINIKINI (Fidji) a vu dans l’adoption de l’accord une étape importante pour le multilatéralisme, la justice, l’équité sociale et économique, ainsi que pour « notre précieux environnement ».  En tant que gardiens de près de 20% de la surface terrestre, les pays de notre « continent du Pacifique bleu » s’engagent à faire face aux menaces associées aux changements climatiques, à la perte de biodiversité et à la pollution, a-t-il assuré.  Il a fait savoir que les dirigeants des États du Pacifique ont mis l’accent sur la responsabilité collective, l’investissement dans l’environnement ainsi que dans les partenariats susceptibles de contribuer à protéger la biodiversité de la région. Il a exhorté la communauté internationale à profiter de cet élan historique pour signer l’accord et le mettre en œuvre dans les meilleurs délais.  Dans la même veine, il a invité les États Membres à se pencher de toute urgence sur un instrument international juridiquement contraignant concernant la pollution plastique, y compris en milieu marin.  « Nos dirigeants ont déclaré une urgence climatique dans notre région », a-t-il rappelé, guidés par la Stratégie pour le continent du Pacifique bleu à l’horizon 2050.  L’adoption de ce traité présente selon lui un cadre juridique et diplomatique qui ne saura être efficace sans une action urgente et soutenue de la communauté internationale.

Mme ILANA VICTORYA SEID (Palaos), au nom des petits États insulaires en développement (PEID) du Pacifique, a notamment rappelé que la région du Pacifique avait plaidé depuis le début des négociations pour que les connaissances traditionnelles des peuples autochtones et des communautés locales soient reconnues comme une source de connaissances susceptibles d’éclairer les processus de prise de décisions dans le cadre du nouvel accord.  Les peuples autochtones possèdent de riches connaissances basées sur des millénaires d’observation et d’interaction avec la terre, et nous sommes heureux que l’accord les reconnaisse, s’est-elle réjouie.  Elle a noté avec satisfaction que l’accord reconnaît à juste titre les caractéristiques particulières des PEID de la région du Pacifique, lequel couvre plus de 20 millions de kilomètres carrés d’océan.  C’est pourquoi elle a formé le souhait que cette reconnaissance se traduise concrètement par un renforcement rapide et efficace des capacités technologiques de ces pays, afin qu’ils puissent enfin devenir des leaders en matière de protection, de conservation et de gestion durable des océans et des ressources marines. 

Au nom du Core Latin American Group (CLAM), Mme GEORGINA GUILLÉN GRILLO (Costa-Rica) a appelé à la mise en œuvre de l’accord.  Les pays développés devront honorer leurs engagements, notamment en ce qui concerne les transferts de technologies marines, a-t-elle insisté. Elle a indiqué que le CLAM est une structure latino-américaine qui a été créée spécifiquement pour ces négociations. La représentante a rendu hommage au travail de la Présidente, avant de saluer la consécration du patrimoine commun de l’humanité.  « Nous sommes fiers de l’avancée enregistrée aujourd’hui. »

Les États Membres se sont ensuite succédé individuellement pour commenter cette avancée, exprimer leur attachement au texte et présenter leurs priorités.  Antigua-et-Barbuda a estimé que l’accord, qui était une priorité pour les pays de la Communauté des Caraïbes, en particulier les PEID côtiers de la région, ne doit pas être pris à la légère tant il peut être source de bénéfices pour les générations futures en termes de protection des océans au-delà des limites nationales.  La réussite de sa mise en œuvre pourrait permettre à ces pays d’atteindre le développement durable, a relevé la délégation en saluant un traité qui a le mérite immédiat de combler des lacunes en matière de gouvernance des océans.  D’autres pays de la région ont pris la parole, comme l’Argentine et le Costa Rica, pour déclarer que cet accord historique est « empreint du sentiment de justice des pays en développement ».  Applaudissant une véritable « révolution des mers » dont la base est le principe de bien commun de l’humanité, ces pays ont souligné l’importance que la gouvernance océanique visionnaire dont l’accord est porteur devienne rapidement réalité. C’est en ce sens qu’ils ont rappelé la nécessité de financer le renforcement des capacités, et le développement et le transfert de technologies marines prévus par l’accord. 

Sur ce dernier point, les pays africains, parmi lesquels le Cameroun, le Maroc et le Kenya, ont misé sur les décisions qui seront adoptées à la première conférence des parties à l’accord pour non seulement mettre sur pied des organes subsidiaires importants mais aussi fixer le taux des contributions au Fonds de partage et des avantages et préciser le rôle du Fonds pour l’environnement mondial dans la fourniture d’un soutien financier et techniques aux parties. 

Les pays en développement d’Amérique latine et d’Afrique ont parlé d’une seule voix pour se féliciter d’un accord donnant un nouvel élan à une humanité unie, qui reconnaît la valeur intrinsèque de la biodiversité et fait juridiquement des États les gardiens des océans. 

Pour les États du Pacifique, à l’instar de la Nouvelle-Zélande, des États fédérés de Micronésie et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’une des grandes forces et nouveautés de l’accord, outre qu’en pleine complexité géopolitique il montre que le multilatéralisme peut apporter des solutions communes aux problèmes les plus urgents pour la sauvegarde de l’humanité, est qu’il appelle à l’utilisation des connaissances traditionnelles pertinentes des peuples autochtones et des communautés locales sur les océans.  Ces pays ont par ailleurs souligné l’importance que l’accord entre rapidement en vigueur. À cet égard, ils ont suggéré de prévoir un temps fort pour les signatures lors du débat général de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale qui aura lieu en septembre prochain. Ils ont en outre plaidé pour que le secrétariat de l’accord soit installé dans un pays en développement. 

Les représentants du Viet Nam et du Pakistan ont considéré que le principe d’un héritage commun de l’humanité n’était pas que des mots mais pouvait donner aux pays du Sud une base solide pour qu’ils puissent bénéficier d’un régime juste et équitable permettant à tous et sans exclusive de profiter du potentiel que représentent les ressources marines en termes de sécurité alimentaire et de développement durable.  Pour ces États d’Asie, la coopération technique, qui ne saurait être assortie d’aucune condition, doit s’appuyer sur un financement adéquat afin que l’accord, produit du multilatéralisme et nouveau jalon dans l’histoire du droit international, serve les intérêts des pays en développement et les consacre comme agents du développement durable.  C’est dans cet esprit que le représentant de l’Indonésie, plus grand État archipélagique du monde, a souligné la nécessité que le transfert des technologies bio-marines s’effectue en fonction des besoins des pays côtiers en premier lieu et contribue à la réalisation des ODD à l’horizon 2030. 

D’autre part, les pays non parties à la Convention sur le droit de la mer, dans le cadre de laquelle l’accord a été négocié, le Guatemala et El Salvador notamment, ont demandé que l’accord soit interprété de manière compatible avec les efforts entrepris dans d’autres organismes de protection et de conservation des océans et d’une manière telle que l’on respecte la souveraineté de tous les États sur leurs propres ressources naturelles. 

Si la « constitution des océans » (la Convention sur le droit de la mer) reflète le droit international coutumier et établit un cadre juridique pour l’ensemble des activités menées dans les océans, l’accord établit quant à lui des règles fondées sur les besoins spécifiques en matière de conservation et d’utilisation durables dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale, a fait valoir la Grèce, notamment l’obligation de mener des évaluations d’impact sur l’environnement.  Cet accord permet en outre, selon l’Irlande, de palier l’un des objectifs qui manquaient à la Convention, soit la protection de l’environnement marin, qui demeure menacé par la destruction des habitats, la pollution et la pêche illicite. 

« Nous disposons aujourd’hui d’un cadre clef pour appuyer notre objectif collectif de renforcer la gouvernance internationale des océans en matière de protection de la biodiversité marine en haute mer, en phase avec la Convention et le droit de la mer », a renchéri le Portugal, rejoint par le Gabon, en se félicitant d’un « succès du multilatéralisme ». 

Cet accord, a ajouté l’Allemagne, fera la différence en ce qui concerne la santé de notre planète et sera un allié important dans la lutte contre la perte de la biodiversité et les changements climatiques.  Dans le cadre de cet accord, le Tribunal international du droit de la mer sera appelé à émettre des avis consultatifs afin de veiller à l’application effective de ses dispositions relatives aux ressources génétiques marines et au renforcement des capacités, a souligné la Chine

« La traversée n’a pas été facile; nous avons été confrontés à des vents contraires et des tempêtes », a reconnu Kiribati, petit État insulaire en développement dont les habitants dépendent fortement des ressources halieutiques pour leur alimentation. Nous devons aujourd’hui joindre le geste à la parole en mettant fin à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée de la part de « grands États océaniques » avant qu’il ne soit trop tard, a insisté la délégation. 

« En adoptant ce traité, nous reconnaissons l’importance vitale de traiter des conditions uniques et des vulnérabilités des PEID », a déclaré Maurice, avec l’aval des Tuvalu, pour qui ces États, souvent isolés et disposant de ressources limitées, supportent un fardeau disproportionné dans la gestion des écosystème marins. 

Les dispositions de l’accord portant sur le patrimoine commun de l’humanité ont reçu l’aval de nombreux pays émergents, dont l’Érythrée et la Colombie, qui a prôné un accès équitable aux ressources de la mer dans les pays en développement, en tenant compte des connaissances des populations autochtones et des communautés locales.  Engagé en faveur de la « justice océanique », l’État de Palestine a demandé aux États Membres d’apporter des contributions dans les meilleurs délais afin d’enclencher la restauration de la biodiversité. 

À cet égard, l’Égypte s’est félicitée du rôle de premier plan joué par les pays en développement lors des négociations en vue de de parvenir à un accord équitable pour l’ensemble des États Membres, et non seulement des plus développés.  L’Afrique du Sud a souhaité pour sa part que les pays émergents soient soutenus dans la mise en œuvre de l’accord grâce à des activités de renforcement des capacités et à des transferts de technologies, ainsi que par la mise en place d’un mécanisme équitable de partage des avantages découlant des ressources génétiques marines. 

Enfin, des possibilités infinies de coopération bilatérale et multilatérale pour tous les États ont été identifiées par l’Inde, notamment dans la protection de la biodiversité marine, l’accès aux ressources génétiques marines, la transparence dans la gouvernance de la diversité marine, le renforcement des capacités des pays en développement et le partage de la technologie marine, ainsi que l’exploration de la biodiversité marine. 

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