En cours au Siège de l'ONU

Conseil de sécurité: Ukraine et Russie se renvoient à nouveau la responsabilité de l’explosion du barrage de Kakhovka sur fond d’inquiétudes nucléaires

9357e séance – matin
CS/15333

Conseil de sécurité: Ukraine et Russie se renvoient à nouveau la responsabilité de l’explosion du barrage de Kakhovka sur fond d’inquiétudes nucléaires

Réuni, ce matin, à la demande de l’Albanie et des États-Unis, porte-plume sur le dossier politique ukrainien, le Conseil de sécurité a été informé par la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix des conséquences à la fois humaines, sociales, économiques, sanitaires et environnementales de la destruction, le 6 juin, du barrage de Kakhovka.  Une destruction catastrophique dont l’Ukraine et la Fédération de Russie se sont une fois de plus renvoyé la responsabilité, tandis que plusieurs délégations s’alarmaient des risques d’escalade nucléaire, la Chine évoquant même un « scénario d’horreur ». 

À l’entame de son exposé, Mme Rosemary DiCarlo a reconnu que seize mois après le début de l’invasion russe, les perspectives de paix restent « désespérément sombres ».  Faisant état d’une intensification de la violence dirigée contre les civils, Mme DiCarlo a indiqué que les tirs de missiles russes et les attaques de drones à travers l’Ukraine ont presque triplé en mai.  Elle a aussi constaté que les infrastructures civiles ukrainiennes ont continué d’être ciblées, la destruction la plus importante étant sans conteste celle du barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka. 

Alors que les circonstances exactes restent floues, cette catastrophe aura « d’énormes conséquences néfastes », a averti Mme DiCarlo, indiquant que des dizaines d’habitants ont péri dans l’inondation de la zone et que le réservoir de Kakhovka, source d’eau potable pour au moins 700 000 personnes, a perdu 70% de sa capacité.  La haute fonctionnaire a aussi dit craindre que les eaux de crue déplacent des mines terrestres dans des zones précédemment déminées et que les dommages subis par les systèmes d’assainissement augmentent les risques de maladies. 

Dans ce contexte, la Secrétaire générale adjointe s’est déclarée profondément troublée par les informations selon lesquelles des civils évacués et du personnel d’urgence ont été bombardés.  Alors qu’il reste des personnes auxquelles les secours n’ont pas accès, en particulier dans les communautés sous contrôle russe, « la Fédération de Russie a jusqu’à présent refusé notre demande d’aller dans ces régions », a-t-elle encore déploré, avant d’exhorter ce pays à se conformer à ses obligations en vertu du droit international humanitaire. 

Indiquant que, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), la centrale nucléaire de Zaporijia prévoit de reprendre le pompage de l’eau qui reste accessible dans le réservoir de Kakhovka, Mme DiCarlo n’a pas caché que la situation en matière de sûreté et de sécurité dans cette installation reste « extrêmement fragile ».  Elle s’est d’autre part émue du déploiement annoncé d’armes nucléaires tactiques russes au Bélarus, enjoignant aux parties concernées d’agir de manière responsable. 

Ce dernier développement n’a pas manqué de faire réagir les délégations, la Chine mettant notamment en garde contre un risque de guerre nucléaire qu’elle a qualifié de « scénario d’horreur ».  Le Brésil s’est inquiété de l’implantation d’armes nucléaires dans un pays qui n’en est pas doté, tandis que la France y a vu l’aggravation d’une situation déjà instable, en plus d’une « vassalisation du Bélarus ».  Le Japon a, lui, condamné ces transferts, considérant en connaissance de cause que « la non-utilisation d’armes nucléaires, qui dure depuis soixante-dix-sept ans, ne doit pas être rompue ». 

L’inquiétude était vive également concernant la situation de la centrale de Zaporijia et la possibilité d’un « accident nucléaire aux conséquences inimaginables pour la planète », selon les mots des Émirats arabes unis.  La baisse du niveau des eaux du barrage de Kakhovka affecte l’accès à l’eau de refroidissement indispensable aux réacteurs, a averti Malte.  La Russie doit cesser de brandir la menace d’une catastrophe nucléaire, a plaidé l’Équateur, le Ghana appelant quant à lui les parties à respecter les cinq principes de base pour la protection de la centrale pendant le conflit. L’avertissement le plus marquant est toutefois venu du représentant de l’Ukraine, selon lequel la Russie réfléchirait à un attentat terroriste contre la centrale, accompagné de fuites radioactives. 

Pour le délégué ukrainien, l’explosion du barrage de Kakhovka, qui est l’œuvre du « régime criminel russe », a prouvé que Moscou était capable de « céder à la tactique de la terre brûlée » compte tenu de la détérioration de sa situation militaire.  Après avoir exhorté la communauté internationale à répondre à la menace d’attentat en imposant des restrictions à l’industrie nucléaire russe, il a dit attendre une évaluation objective du Directeur général de l’AIEA en ce qui concerne les agissements russes à Zaporijia. 

Pour sa part, le représentant de la Fédération de Russie a imputé la responsabilité de l’explosion du barrage de Kakhovka au « régime de Zelenskyy » et à ses sponsors occidentaux.  Il s’est dit déçu de la réaction de l’ONU à ce sujet, rappelant avoir averti le Secrétaire général des intentions de Kiev concernant cet ouvrage dans une lettre du 21 octobre 2022.  « Rien n’a été fait », a-t-il déploré, reprochant également à l’ONU de n’envisager aucune option valable pour acheminer l’aide humanitaire vers les Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, et aux régions de Zaporijia et de Kherson, sauf à partir de « Kiev » et en traversant les lignes de contact. 

Enfin, quelques jours après la visite à Kyïv et Moscou d’une délégation de chefs d’État et de gouvernement africains, le représentant de l’Ukraine a salué les efforts des pays souhaitant contribuer à une paix véritable.  Il a cependant constaté que la Russie n’a pas hésité à frapper la capitale ukrainienne lors de la venue de ces dirigeants, ce qu’a démenti son homologue russe.  Observant que cette tentative de médiation a été accueillie avec scepticisme, le Mozambique a plaidé pour que toutes les voies pour mettre fin à ce conflit soient explorées. 

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

Déclarations

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a constaté que les combats et les souffrances se poursuivent sans relâche en Ukraine et que, seize mois après le début de l’invasion russe à grande échelle, les perspectives de paix restent « désespérément sombres ».  Elle a ainsi noté que, depuis son dernier exposé au Conseil sur l’Ukraine, la guerre s’est intensifiée et qu’elle est devenue « plus fluide et imprévisible ». 

Faisant état d’une intensification de la violence sur les civils, Mme DiCarlo a indiqué que les tirs de missiles russes et les attaques de drones à travers l’Ukraine ont presque triplé en mai.  Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) a enregistré à ce jour 24 862 victimes civiles, dont 9 083 civils tués et 15 779 blessés, a-t-elle précisé.  Depuis son dernier exposé, 2 131 civils ont été confirmés tués, a ajouté la haute fonctionnaire, selon laquelle les chiffres réels sont probablement « beaucoup plus élevés ».  Depuis février 2022, le HCDH a également vérifié un total de 1 036 attaques touchant des établissements éducatifs et médicaux, a-t-elle ajouté, relevant que 649 attaques ont eu lieu sur un territoire contrôlé par le Gouvernement ukrainien, 301 sur un territoire occupé par la Fédération de Russie et 86 sur un territoire contesté au moment de l’attaque.  Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), plus d’un millier d’attaques ont frappé des centres de soins de santé, faisant 101 morts et 139 blessés, a-t-elle encore rapporté, observant que la plupart de ces attaques impliquaient l’utilisation d’armes lourdes.  En outre, au 19 juin 2023, l’UNESCO a vérifié des dommages sur 260 sites depuis février 2022, dont 112 sites religieux, 22 musées, 94 bâtiments d’importance historique, 19 monuments, 12 bibliothèques et une archive. 

Selon Mme DiCarlo, « la destruction la plus importante d’infrastructures civiles à ce jour a eu lieu le 6 juin lorsque le barrage de Kakhovka a été endommagé ».  Bien que les circonstances exactes restent floues, il s’agit d’une catastrophe qui aura « d’énormes conséquences néfastes », a-t-elle averti, indiquant qu’environ 80 communautés le long du fleuve Dniepr ont été inondées, avec des dizaines de milliers de personnes directement touchées.  Alors que des dizaines de personnes ont péri, a-t-elle poursuivi, le réservoir de Kakhovka, source d’eau potable pour au moins 700 000 personnes, a perdu 70% de sa capacité, selon les autorités ukrainiennes. Relayant les craintes selon lesquelles les eaux de crue pourraient déplacer des mines terrestres dans des zones précédemment déminées, la Secrétaire générale adjointe a prévenu que les dommages infligés aux systèmes d’égouts et le manque d’eau potable augmentent le risque de maladies.  De plus, l’inondation des terres agricoles porte un coup supplémentaire à un secteur agricole et alimentaire déjà au plus mal, a-t-elle expliqué, avant d’indiquer que l’ONU a engagé une évaluation des besoins environnementaux et écologiques découlant de cette catastrophe.  Comme l’a rapporté l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), la centrale nucléaire de Zaporijia prévoit de reprendre le pompage de l’eau qui reste accessible, malgré l’importante perte d’eau dans le réservoir de Kakhovka, a ajouté la haute fonctionnaire.  La situation en matière de sûreté et de sécurité dans la centrale reste « extrêmement fragile ». 

Mme DiCarlo a précisé qu’en réponse à l’incident de Kakhovka, l’ONU et ses partenaires humanitaires se sont empressés de livrer des fournitures et d’aider à l’évacuation de centaines de milliers de personnes dans la zone touchée.  L’équipe de pays des Nations Unies a été pleinement mobilisée, en étroite coopération avec les autorités ukrainiennes et les partenaires locaux, a-t-elle déclaré, se disant profondément troublée par les informations selon lesquelles des civils évacués et du personnel d’urgence ont été bombardés.  Alors qu’il reste des personnes auxquelles les secours n’ont pas accès, en particulier dans les communautés sous contrôle russe, « la Fédération de Russie a jusqu’à présent refusé notre demande d’aller dans ces régions », a regretté la Secrétaire générale adjointe, avant d’exhorter les autorités russes à se conformer à leurs obligations en vertu du droit international humanitaire. « L’aide ne peut être refusée aux personnes qui en ont besoin », a-t-elle insisté.  Elle s’est également inquiétée des dommages signalés au conduit d’ammoniac de Tolyatti-Odessa, le plus grand au monde, situé dans la région ukrainienne de Kharkiv. 

S’agissant des violations des droits humains et des efforts visant à tenir les coupables pour responsables, Mme DiCarlo a indiqué qu’à ce jour, le HCDH a documenté 158 cas de violences sexuelles liées au conflit, dont la majorité ont été commises par des membres des forces armées russes et du personnel du système pénitentiaire.  Elle s’est par ailleurs alarmée des cas de transfert forcé de personnes protégées, y compris d’enfants, vers les territoires ukrainiens sous contrôle russe et de déportation vers la Russie.  Ce grave problème, qui touche les plus vulnérables, doit être traité de toute urgence, en donnant la priorité à la réunification des familles, a-t-elle plaidé.  Elle s’est en revanche félicitée des efforts déployés par les parties pour permettre le retour des prisonniers de guerre. 

La Secrétaire générale adjointe a ensuite indiqué que, depuis sa signature en juillet 2022, l’Initiative de la mer Noire a permis le transport en toute sécurité de plus de 32 millions de tonnes de denrées alimentaires, contribuant ainsi à faire baisser les prix alimentaires mondiaux.  Plus de la moitié de ce qui a été exporté est allé aux pays en développement, a-t-elle indiqué, avant d’exprimer sa déception face au ralentissement du rythme de mise en œuvre de l’Initiative.  Les exportations alimentaires via le corridor humanitaire maritime sont passées d’un pic de 4,2 millions de tonnes en octobre à 1,3 million de tonnes en mai, soit le volume le plus bas depuis le début des opérations. Mme DiCarlo a demandé instamment que tous les obstacles soient levés pour assurer la poursuite de cet accord, ajoutant que l’ONU reste pleinement déterminée à appuyer la mise en œuvre du Mémorandum d’accord sur les exportations russes de produits alimentaires et d’engrais. 

Mme DiCarlo a d’autre part estimé que le déploiement annoncé d’armes nucléaires tactiques russes au Bélarus et la rhétorique qui l’accompagne ont encore exacerbé les tensions régionales.  Elle a par conséquent exhorté toutes les parties concernées à agir de manière responsable et conformément aux obligations internationales, réaffirmant que toute menace d’utilisation d’armes nucléaires est inacceptable.  Dans ce contexte d’intensification du conflit, les États Membres ont également intensifié leurs efforts diplomatiques et leurs initiatives en vue d’une désescalade et d’un règlement pacifique, a-t-elle relevé, avant d’affirmer que l’ONU est prête à soutenir tous les efforts significatifs visant à instaurer une paix juste et durable en Ukraine. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a dit avoir évoqué plus d’une fois la situation dramatique des enfants en Ukraine, y compris leur déportation, et que cela a toujours été nié. Aujourd’hui, le rapport annuel des Nations Unies sur les enfants et les conflits armés, qui vient d’être publié, inclut les forces militaires russes et les groupes armés mandataires sur sa « liste de la honte » pour le meurtre et la mutilation de centaines d’enfants dans sa guerre contre l’Ukraine.  Personne ne devrait être surpris, ce n’est qu’un des chapitres de la sombre réalité de cette terrible guerre, s’est lamenté le délégué. 

Le représentant s’est ensuite inquiété que la Douma d’État ait approuvé une législation qui accorderait des grâces aux condamnés qui se portent volontaires pour rejoindre les forces russes combattant en Ukraine, notant que cette pratique avait débuté avec Wagner.  Appeler des criminels, des tueurs et des violeurs sous les drapeaux indique que l’armée russe est en train d’être « wagnérisée », s’est-il alarmé.

D’un point de vue politique, moral et juridique, la Russie sera tenue responsable de la guerre qu’elle a choisie et devra payer les dommages humains et physiques causés à la population ukrainienne, a-t-il affirmé.  Après avoir fustigé l’intention de la Russie de tenir des élections dans les territoires temporairement occupés de l’Ukraine, le représentant a signalé qu’une statue de Slobodan Milošević a été inaugurée la semaine dernière à Moscou, déplorant que toute personne cherchant à glorifier un criminel de guerre puisse « aller en pèlerinage » à Moscou.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a déclaré qu’il est avéré que le Kremlin a acheté des centaines de drones d’attaques iraniens pour détruire les infrastructures ukrainiennes et terroriser des civils ukrainiens.  Alors que l’ONU doit agir avec empressement sur le terrain, car il en va de la vie des civils, la Russie empêche les agences humanitaires d’acheminer de l’aide dans les zones occupées de l’Ukraine, a-t-elle déploré.  La représentante a fustigé « l’hypocrisie victimaire » de la Russie, visible à chaque fois que des drones détruisent des villes et des vies ukrainiennes.  La Russie doit comprendre que l’Ukraine n’abandonnera jamais sa liberté, sa démocratie et sa souveraineté, s’est exclamé la représentante, qui a loué l’audace et le courage du peuple ukrainien.  La représentante a rappelé que lorsque le Président Zelenskyy a présenté son offre de paix, Moscou a déployé des missiles.  « Lorsque le Secrétaire général de l’ONU s’est rendu à Kyïv, la Russie a lancé des frappes aériennes et quand une délégation africaine est venue dans la capitale ukrainienne pour proposer sa médiation, des missiles ont frappé la ville », a-t-elle continué.  D’après les États-Unis, le Président Putin ne manifeste pas le moindre intérêt pour la paix.  « Or, plus la guerre dure, plus l’Ukraine souffre et plus le monde souffre, M. Putin ayant fait de la sécurité alimentaire une arme de guerre. » À cet égard, la représentante a appelé à la prorogation le mois prochain de l’Initiative de la mer Noire, prorogation menacée par le retrait d’une seule partie, « la partie russe », a-t-elle averti.  Le Conseil de sécurité doit exhorter la Russie à rester partie dans cette initiative, a déclaré la représentante, il doit continuer de s’assurer que la Russie répondra de ses crimes et choisira enfin la diplomatie.  La guerre ne doit pas permettre de redéfinir les frontières internationales, a-t-elle conclu. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a réaffirmé la solidarité et le soutien de son pays à l’Ukraine.  Revenant sur la destruction du barrage de Nova Kakhovka, il s’est dit préoccupé par les bombardements signalés lors de l’évacuation d’habitants et par le refus opposé par la Russie à l’accès de l’aide humanitaire de l’ONU aux zones touchées. Le représentant a indiqué que le Japon a fourni une aide d’urgence dans des domaines tels que la nourriture, l’eau et la santé par le biais du PAM, de l’UNICEF, de l’OIM et du HCR.  L’agence japonaise de coopération internationale contribuera en outre à la fourniture de purificateurs d’eau, de pompes de vidange et de réservoirs en plastique, a-t-il informé, faisant également état d’actions contre les mines terrestres par l’intermédiaire du PNUD.  Évoquant ensuite les efforts déployés par de nombreux pays, notamment africains, pour parvenir à la paix en Ukraine, le représentant a rappelé que cet objectif ne pourra se réaliser sans le retrait complet et inconditionnel des troupes et du matériel militaire russes.  « Cette demande de l’Assemblée générale devrait être incluse dans tout appel à la paix », a-t-il insisté, jugeant qu’une paix injuste défiant les principes de la Charte des Nations Unies serait une victoire pour l’agresseur.  Il a également appelé les autres États Membres à s’abstenir de soutenir l’agression, « directement ou indirectement », avant de condamner la menace de la Russie d’utiliser des armes nucléaires tactiques transférées au Bélarus.  « La non-utilisation d’armes nucléaires, qui dure depuis soixante-dix-sept ans, ne doit pas être rompue », a-t-il martelé, concluant son intervention par un appel à la justice pour les crimes de guerre et autres atrocités commises en Ukraine.   

M. MARTINS MARIANO KUMANGA (Mozambique) a déploré qu’en dépit des appels répétés à la cessation des hostilités, au compromis et au dialogue, le conflit se poursuit sans relâche.  Une « spirale descendante » s’empare de cette confrontation, marquée par une dangereuse course aux armements, des millions de réfugiés et de personnes déplacées, la destruction d’infrastructures civiles et une situation humanitaire désastreuse, s’est-il alarmé.  Dans ce contexte de pessimisme croissant quant à la capacité de l’architecture multilatérale de paix et de sécurité de faire face à ces multiples défis, plusieurs tentatives de médiation, notamment la récente initiative de plusieurs chefs d’État et de gouvernement africains, ont été accueillies avec scepticisme et rapidement rejetées car jugées « irréalisables », a regretté le représentant.  Notant la réticence des parties concernées à rechercher une solution politiquement négociée, il s’est dit convaincu que toutes les voies pour mettre fin à ce conflit doivent être explorées.  Pour cela, il est fondamental, à ses yeux, de donner une chance à la « force de la raison », plutôt qu’à la « raison de la force ».  Alors que des décisions « mal calculées » par des nations impliquées directement et indirectement dans la poursuite de la guerre peuvent avoir des conséquences désastreuses pour le monde entier, aucune solution ne portera ses fruits sans la volonté politique des parties et de leurs soutiens d’engager des négociations, a conclu le représentant. 

M. NORBERTO MORETTI (Brésil) a déploré les 9 000 morts officiellement recensés depuis février 2022 et la destruction continue des infrastructures civiles de l’Ukraine, ainsi que l’absence de dialogue entre les parties.  Il s’est dit préoccupé par l’intensification des combats le long des lignes de front et par l’implantation d’armes nucléaires dans un pays qui n’en est pas doté. À cet égard, le représentant a réitéré son inquiétude quant aux risques pour l’intégrité des installations nucléaires de Zaporijia, en particulier après la rupture du barrage de Nova Kakhovka. Ces dernières semaines, les voix des membres de la communauté internationale en faveur d’une cessation immédiate des hostilités se sont multipliées, a noté le représentant, ajoutant que le Brésil a suivi avec intérêt la visite des dirigeants africains à Kyïv et à Moscou.  Le Brésil soutient les propositions de désescalade des hostilités, d’échange de prisonniers de guerre et de négociations de paix fondées sur les principes de la Charte des Nations Unies et tenant compte des préoccupations légitimes de toutes les parties en matière de sécurité.  Il est également essentiel, a insisté le représentant, de garder à l’esprit les répercussions négatives de ce conflit sur les pays tiers, notamment l’Afrique, l’Amérique latine et les Caraïbes, en raison de l’augmentation des prix des denrées alimentaires et des intrants agricoles.  Pour finir, il a encouragé les parties à prendre dûment en considération les appels à la normalisation du commerce des céréales et des engrais. 

M. GENG SHUANG (Chine) a estimé que, vu l’état actuel du conflit en Ukraine, tous les efforts doivent être déployés pour que la situation n’échappe à tout contrôle.  Constatant une « incertitude accrue », le représentant a noté que la destruction du barrage de Kakhovka vient rappeler que si le conflit perdure, un « scénario d’horreur » risque de se matérialiser.  La communauté internationale doit s’employer à éviter une escalade des tensions et une guerre nucléaire.  Dans le même temps, tous les efforts doivent être faits pour alléger les souffrances des populations, a-t-il dit, appelant les parties à respecter le droit international humanitaire.  Des efforts doivent être déployés pour éviter un « effet domino », a insisté le représentant, qui a souligné les graves retombées de cette crise sur le relèvement des pays en développement.  Il a donc exhorté les parties à diminuer les effets négatifs de la guerre, plaidant en outre pour une stabilisation des chaînes d’approvisionnement et une levée des sanctions unilatérales imposées par certains pays. Après avoir souhaité que l’Initiative de la mer Noire continue d’être mise en œuvre de manière équilibrée, le représentant a appelé à la poursuite des efforts pour promouvoir le dialogue et les négociations.  Saluant la récente visite à Kyïv et à Moscou d’une délégation de dirigeants africains, il a souhaité que des messages « raisonnables » soient portés pour faire cesser les hostilités et permettre l’ouverture de pourparlers.  La guerre doit cesser, a-t-il martelé, avant de rappeler l’attachement de la Chine à la souveraineté et à l’intégrité territoriale des États, conformément à la Charte des Nations Unies.  Jugeant que les préoccupations légitimes en matière de sécurité doivent aussi être prises en considération, il a assuré que son pays continuera d’œuvrer de manière constructive au règlement de cette question. 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a fait part de sa préoccupation face aux conséquences humanitaires, écologiques et économiques des inondations dues à la destruction du barrage de Nova Kakhovka. Au manque d’eau potable s’ajoute une multitude d’autres défis, notamment le risque posé par des mines et des restes explosifs de guerre déplacés par l’eau qui compliquent l’acheminement de l’aide humanitaire et le déminage humanitaire, a-t-elle expliqué, saluant les efforts incessants des acteurs humanitaires, notamment de l’ONU, du CICR et des acteurs locaux, pour venir en aide à toutes les personnes touchées.  Au Gouvernement russe, la déléguée a demandé d’agir conformément à ses obligations en vertu du droit international humanitaire et d’autoriser et faciliter l’accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave aux territoires ukrainiens actuellement sous son contrôle.  La destruction du barrage illustre les risques que fait courir la poursuite de l’agression militaire russe aux infrastructures avec des conséquences désastreuses pour la population civile, a-t-elle dit.  La déléguée s’est en outre félicitée de l’engagement continu de l’AIEA pour la protection de la centrale nucléaire de Zaporijia et les autres installations nucléaires en Ukraine, réaffirmant à cet égard le soutien pratique, financier et politique de la Suisse à l’Agence. Concernant l’après-guerre, elle a salué la solidarité exprimée lors de la conférence sur la reconstruction de l’Ukraine à Londres tenue cette semaine.  « Avec le cycle des conférences, nous sommes résolus à offrir de meilleures perspectives au peuple ukrainien », a-t-elle assuré avant de juger essentiel que la reconstruction se fasse de manière participative et transparente, comme le soulignent les principes de Lugano.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déclaré que « partout où le Gouvernement de Putin a tenté de prendre le contrôle de l’Ukraine, il a montré ses valeurs en torturant, assassinant et violant les libertés fondamentales et les droits de l’homme ».  La semaine dernière, la Russie a rejeté les appels de l’ONU pour aider ceux qui en avaient désespérément besoin à la suite de la destruction du barrage de Kakhovka, a-t-elle accusé, estimant que la guerre est un choix résolu pour le Président Putin.  Il lance des missiles sur Kyïv alors même que les dirigeants mondiaux y sont en visite, cherchant à construire la paix, il approvisionne ses armées à partir d’États sanctionnés par l’ONU, comme l’Iran et la RPDC, ce qui compromet davantage la sécurité mondiale, et il continue de rançonner la nourriture mondiale en bloquant les expéditions de céréales sous pavillon de l’Initiative de la mer Noire, a énuméré la représentante.  « L’Ukraine ne connaîtra jamais la paix tant que les forces russes resteront sur son territoire. »  Appelant la Russie à retirer ses forces d’Ukraine et à mettre fin à cette guerre d’agression illégale, elle a rappelé que lors de la conférence sur la reconstruction de l’Ukraine qui s’est tenue à Londres cette semaine, le Premier Ministre britannique a rendu hommage à l’état d’esprit « extraordinaire » de l’Ukraine.  Il a promis que son pays resterait aux côtés des Ukrainiens aussi longtemps qu’il le faudra pour obtenir une paix juste et durable basée sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, conformément à la Charte des Nations Unies.  Et nous serons également à leurs côtés pour les aider à reconstruire leur pays brisé par l’agression de Putin, a-t-elle conclu. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon)a déploré la poursuite des violences meurtrières et des souffrances en dépit des initiatives de paix portées notamment par des chefs d’État africains dont l’objectif était et demeure de « frayer un chemin vers la désescalade et le dialogue entre les belligérants ».

Citant le dernier rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), le délégué a alerté sur le risque d’une aggravation de l’insécurité alimentaire entre les mois de juin et de novembre de cette année: 22 pays risquent de présenter 18 foyers de famine.  L’inflation induite par ce conflit sur les prix des denrées alimentaires contribue à fragiliser les pays à revenu faible ou intermédiaire, déjà en proie à des défis sécuritaires ou à des conflits armés, a souligné le délégué.  D’autant plus, a-t-il ajouté, que les statistiques montrent qu’il y a bien une « redirection » d’une partie de l’aide internationale vers l’Ukraine. 

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) s’est déclarée préoccupée par l’évolution de la situation dans plusieurs régions d’Ukraine, regrettant que des civils continuent d’être la cible d’attaques de missiles et de drones.  Dénonçant la destruction généralisée des infrastructures à travers l’Ukraine, elle s’est alarmée des effets humains, sociaux et environnementaux négatifs provoqués par la destruction du barrage hydroélectrique de Kakhovka.  La représentante a toutefois invité le Conseil à ne pas céder au découragement et à continuer d’œuvrer au retour de la paix en Ukraine.  Lors de la conférence sur la relance de l’Ukraine qui s’est tenue ces derniers jours au Royaume-Uni, a-t-elle noté, des manifestations massives de soutien et des promesses ont été faites en faveur de la reconstruction du pays.  À titre national, a-t-elle poursuivi, le Ghana exhorte toutes les parties à engager un dialogue constructif en vue de réduire leurs divergences.  Il les appelle à éviter la destruction délibérée des infrastructures civiles.  À cet égard, la représentante s’est associée à toutes les demandes visant à restaurer l’intégrité de la centrale nucléaire de Zaporijia et a appelé les parties à assurer le respect des cinq principes de base pour la protection de la centrale pendant le conflit militaire. Enfin, exprimant son indignation face aux informations faisant état d’abus sexuels continus et de violences sexuelles liées au conflit, elle a souhaité que les responsables répondent de leurs actes et que des ressources suffisantes soient fournies aux victimes. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a fait part de sa profonde préoccupation face au refus de la Russie d’accéder à la demande de l’ONU de fournir une assistance humanitaire à ceux qui en ont besoin après l’attaque du barrage de Kakhovka. La représentante a exhorté une fois de plus la Russie à agir conformément aux obligations qui lui incombent en vertu du droit international humanitaire et à ne ménager aucun effort pour faire en sorte que l’aide humanitaire parvienne à ceux qui souffrent de ces destructions.  Il est essentiel que les responsables rendent compte de leurs actes et qu’ils soient tenus pour responsables, a-t-elle martelé.  La baisse du niveau des eaux du barrage affecte l’accès à l’eau de refroidissement indispensable aux réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijia, a-t-elle averti.  Pour finir, la représentante a dit continuer de soutenir les efforts de l’AIEA pour trouver une solution permanente à la sécurité et à l’intégrité de la centrale nucléaire.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a regretté que la Fédération de Russie continue d’ignorer l’appel de la grande majorité des États Membres de l’ONU pour qu’elle mette fin à son occupation militaire de l’Ukraine et pour que cesse la menace d’une catastrophe nucléaire à la centrale de Zaporijia, dont les installations et le territoire doivent être restitués sans condition au peuple ukrainien.  Le délégué a insisté sur la nécessité d’arrêter « les récits et les actions corrosifs qui peuvent entraîner des interprétations erronées ou des erreurs de calcul ».  Il a rappelé que cette guerre continue de détériorer la situation humanitaire en Ukraine et d’affaiblir le reste du monde, y compris en termes de sécurité alimentaire, dans le contexte d’une augmentation « absurde » des dépenses militaires mondiales.  Enfin, il a réitéré la gravité de la fourniture d’armes en violation des résolutions du Conseil de sécurité.

Mme ISIS MARIE DORIANE JARAUD-DARNAULT (France) a reproché à la Russie de s’entêter dans sa « stratégie cynique » visant à détruire les infrastructures civiles ukrainiennes. « La Russie n’a pas hésité à viser Kyïv et sa région alors que s’y trouvait une mission de dirigeants africains venue promouvoir une initiative de paix. »  Notant que les frappes sont conduites au moyen de missiles russes et de drones iraniens, en violation de la résolution 2231 (2015) de ce Conseil, elle a jugé qu’un « nouveau seuil a été franchi avec la destruction du barrage de Kakhovka ».  Il s’agit de l’atteinte la plus grave aux infrastructures civiles ukrainiennes depuis le début du conflit et la France s’est mobilisée pour venir en aide aux populations déplacées et directement affectées par la destruction du barrage. La France appelle la Russie à respecter ses obligations au titre du droit international humanitaire et à permettre l’accès des acteurs humanitaires aux territoires sous son contrôle, a déclaré la représentante.  Elle a ensuite rappelé que le Président russe a récemment annoncé avoir transféré de premières armes nucléaires sur le territoire bélarussien, aggravant ainsi une situation déjà instable.  « La Russie poursuit par ailleurs son entreprise de vassalisation du Bélarus, autre illustration criante de son entreprise impérialiste et de ses prétentions à mettre une partie de l’Europe sous tutelle », a accusé la représentante. Nous avons aussi alerté à de nombreuses reprises sur l’aggravation de l’insécurité alimentaire pour de nombreux pays, a-t-elle rappelé.  Face aux destructions et à la menace de se retirer de l’Initiative de la mer Noire, qu’elle a qualifiée de « chantage inacceptable », la représentante a estimé qu’il faut continuer à soutenir l’Ukraine, « par tous les moyens », pour mener une contre-offensive efficace, dans le cadre de son droit à la légitime défense.  Pour la France, la paix ne peut être un cessez-le-feu qui viendrait geler la ligne de front et consacrer l’annexion des territoires occupés par la Russie. « Le 23 février dernier, 141 États se sont exprimés en soutien à une paix juste et durable dont la première étape est le respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. »  C’est dans cet esprit que la France soutient le plan de paix ukrainien, a conclu la représentante.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est étonné du contexte dans lequel se déroule cette réunion alors que « les maîtres à penser occidentaux de l’Ukraine » fournissent armes et munitions à Kiev et que les forces armées ukrainiennes continuent à mener depuis près d’un mois leur « contre-attaque suicidaire » contre sur les positions russes.  Le « régime de Kiev » a envoyé des soldats ukrainiens à une mort certaine, uniquement pour prouver aux fournisseurs d’armes occidentaux que l’Ukraine pouvait gagner, a lancé le représentant.

Maintenant, a-t-il ironisé, Kiev est confrontée à une tâche plus sérieuse, à savoir comment transformer un fiasco complet en victoire.  Pour lui, il est évident que Washington, Londres et Bruxelles se servent de l’Ukraine pour affaiblir ou du moins contenir la Russie.  Tant qu’à parler des aspects humanitaires de la situation en Ukraine, a poursuivi le représentant, il convient de souligner les conséquences catastrophiques de la destruction du barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka qui se feront sentir pendant longtemps, tant en Ukraine qu’en Russie.  Il est évident que ceux qui, à Kiev, sont derrière cet attentat terroriste ne mettent pas en avant l’intérêt de leur peuple et l’avenir de leur pays.  Le représentant a imputé la responsabilité de ce crime au « régime de Zelenskyy », mais aussi à ses sponsors occidentaux.  Il a fait part de sa déception quant à la manière dont l’ONU a agi et continue d’agir. Il a dit avoir pourtant averti le Secrétaire général des intentions de Kiev concernant Kakhovka dans une lettre du 21 octobre dernier.  Rien n’a été fait.  Pourquoi le travail préventif nécessaire n’a-t-il pas été effectué avec l’Ukraine? Au lieu de cela, l’ONU se plaint maintenant du manque d’accès humanitaire aux territoires russes touchés par la destruction de la centrale hydroélectrique. 

Selon le représentant, l’ONU n’envisage aucune option valable pour acheminer l’aide vers les Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, aux régions de Zaporijia et de Kherson, sauf à partir de Kiev et en traversant les lignes de contact.  La Russie, pour sa part, n’a cessé d’attirer l’attention des représentants de l’ONU sur le fait que les conditions de sécurité nécessaires ne sont pas réunies, notamment du fait de la présence de mines dans la zone, rendant impossible l’accès par les lignes de contact.  Toutes les options proposées par son pays ont été rejetées par l’ONU, s’est-il plaint.  S’agissant de l’Initiative de la mer Noire, le représentant a accusé l’ONU de tenter de passer sous silence l’explosion du pipeline d’ammoniac Tolyatti-Odessa, qui est la clef de l’exportation ininterrompue d’engrais russes vers le marché mondial.  Revenant aux allégations de frappes russes sur Kiev lors du passage des délégations africaines, il a souligné que les dirigeants africains ont eux-mêmes réfuté ces accusations.  De même, il a dénoncé « les inventions » concernant l’utilisation de drones iraniens en Ukraine.  Aucune preuve convaincante n’a été fournie, selon lui, par le « régime de Kiev ». Évoquant la célébration hier par la Russie de la journée marquant la guerre entre l’Union soviétique et l’Allemagne, alors que « les tanks allemands continuent de cibler son peuple », il a promis, comme il y a 80 ans, « la défaite des nazis ».

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a appelé à continuer à prendre les mesures nécessaires pour parvenir à un règlement politique de la guerre. L’urgence est de répondre aux besoins humanitaires sur le terrain, a-t-elle ajouté.  La représentante a estimé que le Conseil de sécurité doit prêter attention aux initiatives de paix des délégations africaines s’étant rendues récemment à Kyïv et à Moscou.  Après avoir appuyé les efforts en cours pour organiser des échanges de prisonniers et préconisé la prorogation de l’Initiative de la mer Noire, elle a indiqué que son pays a alloué à ce jour plus 100 millions de dollars d’aide à l’Ukraine.  Nous fournissons des groupes électrogènes et des lampes LED dans les zones sinistrées et faisons régulièrement don de produits de première nécessité pour les nouveaux nés, a-t-elle encore dit.  Nous venons de faire don de 2 500 ordinateurs portables aux enfants qui ne peuvent se rendre à l’école, a poursuivi la représentante avant de demander aux parties au conflit d’honorer leurs obligations au regard du droit international humanitaire.  Enfin, elle a salué les efforts constants de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour « éviter un accident nucléaire aux conséquences inimaginables pour la planète ».  À terme, la désescalade et le dialogue forment l’unique solution vers une paix basée sur le principes de la Charte, a conclu la représentante. 

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a fustigé l’intervention « perverse et cynique » du représentant russe, la comparant aux propos qu’il avait tenus avant le début de l’« opération militaire spéciale ».  Il a ensuite accusé le « régime criminel russe » d’avoir fait exploser le barrage de Kakhovka dans une tentative d’endiguer une contre-offensive ukrainienne le long du fleuve Dniepr, en violation de la décision de la Cour internationale de Justice (CIJ) du 16 mars 2022.  Depuis, a-t-il dit, le Gouvernement ukrainien fait tout son possible pour atténuer les conséquences néfastes de cet acte terroriste pour les populations et l’environnement.  Nous travaillons avec l’ONU et d’autres acteurs internationaux sur la rive droite du fleuve, la rive gauche étant interdite d’accès par les forces russes. Pour le représentant, il est déplorable que la Russie ait non seulement refusé de venir en aide aux populations des zones sinistrées sous son contrôle temporaire mais aussi rejeté les demandes d’accès de l’ONU.  Le Gouvernement ukrainien, a-t-il assuré, a fourni toutes les garanties sécuritaires afin que l’ONU puisse s’acquitter de ses obligations en termes d’opérations humanitaires.  Se faisant l’écho de l’appel lancé par la Coordonnatrice humanitaire en Ukraine, Mme Denise Brown, il a sommé la Russie de fournir un accès aux personnes se trouvant dans les territoires qu’elle occupe.  Alors que l’on recense pour l’instant 109 personnes disparues après la destruction du barrage, la Russie essaie également de saper les opérations humanitaires dans les zones contrôlées par l’Ukraine, s’est indigné le représentant, rappelant que, le 20 juin, une équipe de secours ukrainienne a été visée par des bombardements russes. 

De l’avis du représentant, cette destruction a d’ores et déjà provoqué l’une des pires catastrophes anthropiques enregistrées en Europe.  En effet, a-t-il détaillé, quelque 150 tonnes de polluants pétroliers s’écoulent dans les eaux du Dniepr et pourraient atteindre la Méditerranée, tandis que l’on recense 95 000 de tonnes de poissons morts, 500 kilomètres carrés de forêts inondées et 20 000 animaux sauvages menacés d’extinction. De plus, a-t-il poursuivi, « selon certaines informations, la Russie réfléchit actuellement à un attentat terroriste contre la centrale nucléaire de Zaporijia, avec la possibilité de fuites radioactives ».  À ses yeux, l’explosion du barrage de Kakhovka a prouvé que la Russie est capable de céder à la tactique de la « terre brûlée » compte tenu de la détérioration de sa situation militaire.  Il a donc exhorté la communauté internationale à prendre au sérieux cette menace nucléaire en imposant des restrictions à l’industrie nucléaire russe.  Le représentant a aussi dit attendre une évaluation objective du Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en ce qui concerne les agissements de la Russie. 

Dans ce contexte, le représentant a estimé que les options d’apaisement, comme les concessions territoriales ou le gel du conflit, ne se seraient que des « emplâtres sur une jambe de bois ».  « Si elles se concrétisaient, la situation deviendrait explosive et la Charte des Nations Unies serait jetée à la poubelle, avec des effets ricochet dans le monde entier », a-t-il prévenu, assurant qu’en dépit des fortifications érigées par la Russie, les soldats ukrainiens continueront d’aller de l’avant pour libérer tous les territoires de leur pays.  Le délégué a néanmoins salué les efforts des pays souhaitant contribuer à une paix véritable.  Rappelant à cet égard que l’Assemble générale de l’ONU a mis en avant les modalités d’un règlement de paix, il a constaté que la Russie ne montre pas la moindre volonté de mettre fin à son agression, comme en témoignent les tirs de missiles sur Kyïv lors de la récente visite de dirigeants africains. Ces frappes n’étaient qu’une infime partie des tirs de missiles russes et de drones iraniens qui ciblent quotidiennement le territoire ukrainien, a-t-il fait remarquer.  Ce faisant, la Russie et l’Iran violent la résolution 2231 (2015) du Conseil, a ajouté le représentant, qui a appelé le Secrétariat de l’ONU à faire toute la lumière sur ces faits.  Il a enfin affirmé que, malgré la poursuite de la guerre, son pays a déjà commencé son relèvement d’après conflit.  À ce sujet, il s’est félicité que la récente conférence sur l’Ukraine organisée à Londres ait envoyé au monde un « message politique fort ». 

M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanie), qui s’exprimait au nom des pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie)s’est penché sur le coût de la reconstruction pour les dommages causés par l’agression russe contre l’Ukraine, estimés par la Banque mondiale à environ 411 milliards de dollars.

Ce montant colossal met en évidence la nécessité d’investir massivement pour reconstruire le pays, a constaté le représentant. D’autant plus que ce montant, a-t-il tenu à préciser, n’intègre pas l’impact négatif de la destruction du barrage de Kakhovka par la Russie et ses conséquences humanitaires, économiques et écologiques. Le représentant s’est élevé contre le refus de la Russie de garantir l’accès humanitaire pour le franchissement de la ligne de front vers la rive gauche du fleuve Dniepr afin d’acheminer l’aide à tous les civils touchés par la destruction du barrage.  Il est impératif que la Russie prenne des mesures immédiates conformément à ses obligations en vertu du droit international humanitaire afin de permettre aux Nations Unies de fournir l’aide humanitaire indispensable aux personnes touchées par cet acte dévastateur, y compris dans la ville d’Oleshky.

Principaux donateurs d’aide bilatérale à l’Ukraine en pourcentage de leur PIB, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont déjà fourni 1,5 million d’euros d’aide immédiate pour atténuer les conséquences de la destruction du barrage de Kakhovka, sans compter les initiatives privées, a souligné le représentant.  Le coût de la lutte contre les répercussions de l’agression russe contre l’Ukraine, une nation souveraine, ne cesse d’augmenter, alors que seuls 26% des 3,9 milliards de dollars nécessaires à la réponse humanitaire en Ukraine ont été financés jusqu’à présent.  C’est pourquoi, le représentant a demandé instamment à la communauté internationale de continuer à fournir les fonds nécessaires. 

M. MATEUSZ SAKOWICZ (Pologne) a considéré que la Russie doit assumer le coût total de la destruction causée par son agression.  Avec les attaques continues de la Russie contre les infrastructures critiques et civiles de l’Ukraine, le processus de reconstruction représentera un défi immense, a-t-il dit avant d’indiquer que son pays appuie pleinement la création d’un registre répertoriant tous les dommages causés par l’invasion russe.  Le représentant a salué la conférence sur la reconstruction de l’Ukraine qui s’est tenue avec succès à Londres ces deux derniers jours, son objectif étant de préparer une base politique, juridique et financière qui permettra d’apporter une assistance globale et durable à ce pays brisé.  Le délégué polonais a demandé à la communauté internationale de garder à l’esprit que même si le processus de reconstruction de l’Ukraine sera long et coûteux, il est dans l’intérêt du monde entier.  Selon certaines estimations, au moins 600 millions de consommateurs dans le monde dépendent directement de la production agricole ukrainienne, a-t-il signalé.  Il s’est dit fermement convaincu que seul un retrait complet et inconditionnel des forces russes du territoire internationalement reconnu de l’Ukraine peut offrir une chance pour une paix juste et stable facilitant une solution à long terme pour la reprise économique mondiale et, partant, une amélioration de la situation alimentaire mondiale.  Il a conclu sur une note sombre, jugeant que si demain le bain de sang cesse et que la primauté du droit international est restaurée, « les conséquences de cette guerre se feront sentir pendant très longtemps ». 

M. JAKUB KULHÁNEK (Tchéquie), qui s’exprimait également au nom de la Slovaquie, a relevé que la Russie a démontré, à maintes reprises, qu’elle fait peu de cas du multilatéralisme, du maintien de la paix et de la sécurité internationales ou encore du développement de relations amicales.  De fait, a-t-il étayé, les forces armées russes continuent de prendre délibérément pour cibles des civils et des infrastructures civiles.  « Il ne faut pas se bercer d’illusions quant aux véritables intentions du Gouvernement russe. »  Pour le représentant, l’attaque contre Kyïv au moment de la visite d’une délégation africaine se passe de tout commentaire.  Il s’est demandé combien de vies doivent être perdues avant que cette guerre ne cesse, sachant que pour la Russie, le nombre de mort n’est qu’un chiffre sur le papier.  Le mépris de la Russie pour le droit humanitaire international et les droits de l’homme est également évident dans la répression permanente de ses propres citoyens. 

Le représentant a fait part de son horreur après la destruction du barrage de Kakhovka et au vu des informations très inquiétantes selon lesquelles les forces russes ont bombardé les secouristes ukrainiens qui tentaient d’atteindre les zones inondées dans la région de Kherson.  Pour finir, il a de nouveau appelé la Russie à cesser immédiatement son agression contre l’Ukraine et à retirer ses troupes du territoire ukrainien à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, y compris la Crimée et les régions où la Russie a orchestré son « simulacre de référendum ».

M. BJÖRN OLOF SKOOG , de l’Union européenne (UE), a rappelé qu’il n’existe qu’une seule façon de mettre fin à l’assaut de la Russie contre l’Ukraine: la Russie doit arrêter sa guerre et retirer immédiatement et sans condition toutes ses forces de l’ensemble du territoire de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues.  Il a accusé la Russie de crimes contre l’humanité, le dernier rapport de la Commission d’enquête de l’ONU, notamment, ayant conclu que les attaques contre les infrastructures énergétiques de l’Ukraine et le recours à la torture par les autorités russes peuvent constituer de tels crimes.  Il a en outre appelé la Russie à respecter le droit international.  Sa pratique consistant à délivrer de force des passeports russes aux citoyens ukrainiens, par exemple, constitue une violation flagrante de ce droit et porte atteinte à la souveraineté de l’Ukraine. 

Comme cela a été demandé à plusieurs reprises par l’ONU, nous exhortons la Russie à assurer un accès humanitaire sûr et sans entrave aux populations ayant besoin d’assistance, en particulier dans les territoires temporairement occupés d’Ukraine, a poursuivi M. Skoog.  Il a affirmé que l’aide ne peut être refusée à ceux qui en ont besoin, ajoutant que l’impact de l’agression de la Russie sur les enfants est particulièrement horrible. 

En ce qui concerne l’application du principe de responsabilité, M. Skoog, qui a réitéré l’appui des États membres de l’Union européenne aux travaux en cours pour la création d’un tribunal pour la poursuite du crime d’agression, s’est félicité de la création du Centre international pour la poursuite des crimes d’agression contre l’Ukraine (ICPA) à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust), à La Haye.  Il a ajouté que l’UE plaide également pour la mise en place d’un mécanisme international chargé d’enregistrer la totalité des dommages infligés par la Russie à l’Ukraine et aux Ukrainiens. 

Après avoir salué les efforts de paix du Président Zelenskyy, M. Skoog a invité les membres du Conseil de sécurité à faire la distinction entre la victime et l’agresseur « dans cette guerre d’agression ».  « En vertu de la Charte des Nations Unies, l’Ukraine a le droit de se défendre contre les attaques de la Russie afin de restaurer son intégrité territoriale. »  Elle a également le droit de demander un soutien international pour de tels efforts, a-t-il assuré, rappelant que l’Union s’est engagée à soutenir l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale termine son débat sur la Stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU en appelant à sa mise en œuvre uniforme

Soixante-dix-septième session,
82e séance plénière – matin
AG/12512

L’Assemblée générale termine son débat sur la Stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU en appelant à sa mise en œuvre uniforme

L’Assemblée générale a terminé, ce matin, son débat sur la Stratégie antiterrorisme mondiale de l’ONU commencé jeudi, en entendant les déclarations d’une quinzaine de délégations centrées sur l’importance de la coopération internationale et du partenariat dans la mise en œuvre des ripostes reposant sur les quatre piliers de la Stratégie.  L’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) a assuré les États Membres de son appui:  En 2022, le partage de renseignements et des bases de données a permis l’arrestation de 250 personnes pour des actes terroristes. 

Le Paraguay, El Salvador et la République de Corée ont exhorté à une mise en œuvre uniforme des quatre piliers de la Stratégie actualisée: à savoir le pilier I: mesures visant à éliminer les conditions propices à la propagation du terrorisme; le pilier II: mesures visant à prévenir et combattre le terrorisme; le pilier III: mesures destinées à étoffer les moyens dont les États disposent pour prévenir et combattre le terrorisme et à renforcer le rôle joué en ce sens par l’Organisation des Nations Unies; le pilier IV: mesures garantissant le respect des droits humains et la primauté du droit en tant que base fondamentale de la lutte antiterroriste.

Le Maroc a vanté les mérites du partenariat avec le Bureau de lutte contre le terrorisme (BLT) et la mise en place du premier Bureau de programme du BLT pour la formation à la lutte contre le terrorisme en Afrique.  Ce partenariat a également conduit au lancement de la première plateforme africaine des chefs africains des agences de la lutte contre le terrorisme et de la sécurité.  Dans cet esprit, l’Algérie a insisté sur le rôle clef des organisations régionales comme l’Union africaine. 

Le Kenya a souligné l’efficacité des stratégies de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent lorsqu’elles sont menées aux niveaux national et communautaire.  Victime d’une série d’attaques terroristes récentes, le Viet Nam a compté sur le soutien des États Membres et des organisations internationales compétentes dans le cadre de l’enquête en cours et de la prévention d’actes similaires à l’avenir. 

L’Arménie a mis certains États en garde contre toute tentative visant à justifier les actes de terrorisme ou d’extrémisme violent et appelé à renforcer les mécanismes d’alerte rapide contre les incitations à la haine et à l’intolérance ethnique ou religieuse.  L’Azerbaïdjan a, pour sa part, estimé qu’une bonne sécurisation des frontières est la première ligne de défense contre les terroristes. 

L’Inde, pour qui le terrorisme est le « mal incarné », a accusé certains États de justifier les actes terroristes tout en se présentant comme des victimes.  Il faut leur demander des comptes, a tranché la déléguée, rappelant qu’elle s’était dissociée d’une résolution « qui nous a été imposée ». 

L’État de Palestine a estimé que la forme la plus grave de terrorisme est le terrorisme d’État et la « terreur coloniale » procédant de la négation de l’existence d’un peuple et de ses droits.  À son tour, le Liban a fait valoir que le terrorisme ne saurait être mis sur le même plan que le droit à l’autodétermination des peuples qui est un principe consacré.

Le terrorisme est l’une des plus graves atteintes à la paix et à la sécurité internationales, a résumé Sri Lanka qui a vu dans la Stratégie antiterroriste mondiale un instrument unique de renforcement des efforts antiterroristes nationaux, régionaux et internationaux. 

Tourné déjà vers le neuvième cycle d’examen, qui aura lieu dans trois ans, le Japon a demandé que soit examiné le renforcement de l’efficacité et de la transparence des éléments de la Stratégie. 

LA STRATÉGIE ANTITERRORISTE MONDIALE DES NATIONS UNIES – (A/77/266A/77/718)

Suite du débat sur la question

M. DAVID IZQUIERDO ORTIZ DE ZÁRATE (Espagne) a souligné l’importance de la coopération internationale pour venir à bout du fléau du terrorisme.  La Stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU est le cadre de référence partagée pour nous mettre en phase avec cette menace, a-t-il rappelé.  Le représentant a noté que la prévalence du consensus durant la huitième phase d’examen envoie un message politique clair sur l’unité des États Membres face au terrorisme, et ce en dépit des difficultés.  Il ne faut ménager aucun effort pour maintenir et renforcer ce consensus, a exhorté le délégué qui a salué la participation de la société civile à cet exercice. 

La Stratégie actualisée présente des nouveaux éléments remarquables, a-t-il observé, évoquant notamment les références à la conférence de lutte contre le terrorisme de Malaga qui a mis l’accent sur des réponses au terrorisme ancrées dans l’état de droit, les droits humains et l’égalité des sexes pour garantir leur efficacité.  La Stratégie actualisée fait aussi référence au congrès mondial pour les victimes du terrorisme, en septembre dernier, qui vise à encourager une véritable interaction entre les victimes du terrorisme, les associations de victimes et les États Membres sur des questions clefs telles que la protection, la mémoire et la reconnaissance, l’accès à la justice, le soutien et l’assistance.  Il a par ailleurs fait savoir que l’Espagne a inauguré le 1er janvier 2022 le musée pour la mémoire des victimes du terrorisme. 

M. FABIÁN ODDONE (Argentine) a informé que son pays dispose d’une législation antiterroriste qui répond aux normes internationales et qu’il continue de renforcer ses capacités préventives dans la lutte contre le terrorisme.  À cet égard, des contrôles sont effectués qui comparent les informations avec les bases de données internationales, pour empêcher l’introduction et la propagation du terrorisme sur le territoire. Depuis la pandémie de COVID-19, a constaté le délégué, les discours extrémistes, radicaux ou haineux prolifèrent à travers le monde.  C’est pourquoi l’Argentine promeut des politiques publiques propres à réduire l’incidence de tout facteur facilitateur de discours extrémistes dans les médias publics.  Le délégué a mentionné la création du registre public des personnes et entités liées aux actes de terrorisme et à son financement (REPET), opérationnel depuis 2019. Dans ce sens, des alertes rouges sont émises périodiquement, à la demande du pays, par INTERPOL pour demander l’arrestation internationale des individus impliqués dans l’attentat contre l’association mutuelle argentine israélienne (AMIA) en 1994.  Enfin, l’Argentine applique un programme de réparation avec des avantages économiques et une assistance globale aux victimes de l’attentat de l’AMIA. 

M. TOFIG MUSAYEV (Azerbaïdjan) a indiqué que pendant trente ans, les anciens territoires occupés de son pays ont été des foyers d’activités de terroristes infiltrés et de mercenaires et ont vu une accumulation d’armements et d’équipements militaires.  Il a estimé qu’une bonne sécurisation des frontières est la première ligne de défense contre les terroristes.  Il a déploré la poursuite des attaques terroristes contre les représentations diplomatiques, en estimant que les mesures de protection prises par les pays hôtes sont souvent insuffisantes.  Il a souligné la nécessité de ne pas accorder d’amnistie aux auteurs d’actes terroristes et fustigé toute glorification de ces derniers.  Enfin, il a estimé que la solidarité avec les victimes doit rester un impératif.

M. JOSÉ EDUARDO PEREIRA SOSA (Paraguay) s’est félicité que le rapport à l’examen met en lumière les activités du système des Nations Unies dans la mise en œuvre de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies et propose des suggestions pour son application.  Ce rapport, qui a constitué une base solide pour nos discussions, nous guidera dans nos efforts continus pour combattre et prévenir le terrorisme au niveau mondial, a assuré le représentant.  Prenant acte de la mention, dans la Stratégie, de l’utilisation des nouvelles technologies et des réseaux sociaux pour diffuser la haine et la terreur, il s’est dit fermement convaincu que la communauté internationale doit travailler et coopérer étroitement pour prévenir et contrer ces manifestations en ligne.  À cette fin, il a plaidé pour le renforcement de la capacité des États à relever ces défis et pour la promotion de la responsabilité et de la sécurité dans l’utilisation des technologies de l’information et des communications.

Dans cette tâche, la coopération internationale sous toutes ses formes est essentielle, a insisté le représentant en misant sur la diffusion des bonnes pratiques et l’échange d’expériences, des éléments clefs selon lui de l’efficacité des politiques nationales. 

M. KHALID LAHSAINI (Maroc) a déclaré que le Royaume place le multilatéralisme et la coopération internationale au cœur de ses efforts de lutte contre le terrorisme.  Il a indiqué que le partenariat avec le Bureau de lutte contre le terrorisme (BLT) a abouti à la mise en place du premier Bureau de programme du BLT pour la formation à la lutte contre le terrorisme en Afrique.  Ce partenariat a également conduit au lancement de la première plateforme africaine des chefs africains des agences de la lutte contre le terrorisme et de la sécurité. 

Le Maroc copréside aussi la coalition mondiale pour vaincre l’État islamique, a ajouté le représentant qui a alerté que la situation en Afrique est alarmante, en particulier au Sahel. 

À la lumière des changements critiques dans les méthodes et les tactiques des groupes terroristes, nous sommes confrontés à une menace évolutive qui nécessite des réponses mondiales non moins évolutives tenant en compte les nouveaux développements de ce fléau, a plaidé le représentant.  Il a regretté que les propositions du Maroc liées à l’accès des terroristes aux drones et à la montée des discours de haine avec un référentiel religieux et racial n’ont pas été reprises dans la huitième révision. De même, il a appelé à dédouaner les religions de toute liaison supposée intrinsèque avec le terrorisme.

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a regretté que toutes les propositions des États Membres n’aient pas été prises en compte durant le processus d’examen.  La représentante a en revanche salué le consensus qui a prévalu ainsi que l’inclusion de la résolution 2664 (2022) du Conseil de sécurité dans la Stratégie actualisée.  Elle s’est également réjouie des références aux sanctions qui sont un outil important pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Elle a en outre noté avec satisfaction la référence à la conférence de Kyoto (le Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale) de 2020.  Elle a fait remarquer qu’il faut constamment actualiser les politiques dans le domaine de la prévention, appelant par ailleurs à respecter l’état de droit dans la lutte contre le terrorisme.  Pour le prochain cycle d’examen, elle a suggéré d’examiner le renforcement de l’efficience et de la transparence des éléments de la Stratégie actualisée. La représentante a conclu en rappelant que pour lutter contre le terrorisme, il faut réussir la lutte contre la pauvreté et donner des moyens d’actions aux personnes pour qu’elles ne soient laissées de côté. 

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a dit que le terrorisme est le « mal incarné ».  Elle a déploré que certains États justifient les actes terroristes, sapant ainsi la détermination de la communauté internationale.  Ces États se présentent comme des victimes du terrorisme, alors que des comptes devraient leur être demandés, a tranché la déléguée.  Elle a déploré que leurs demandes aient été satisfaites au détriment de celles d’autres États.  Elle a rappelé que son pays subit depuis trois décennies un terrorisme transnational.  La déléguée s’est dite « très déçue » que les cofacilitateurs aient refusé l’appui de l’Inde lors des consultations, estimant qu’ils avaient agi de manière non transparente et non consultative.  Ils ont accommodé les préoccupations d’une délégation, en ignorant les nôtres, s’est-elle plainte. 

La représentante a regretté qu’il n’ait pas été fait mention d’un document pourtant adopté unanimement par le Conseil.  Nous nous dissocions de cette résolution, parce que ce texte nous a été imposé, a-t-elle déclaré, en soulignant la position « inconfortable » de son pays pendant les négociations.  « Cela aurait pu être évité si les cofacilitateurs avaient agi de bonne foi. »  Elle a déploré l’approche partiale consistant à ne considérer que certaines religions.  Un acte terroriste est un acte terroriste et il ne saurait y avoir aucune justification, a-t-elle dit, en ajoutant que la distinction opérée entre le bien et le mal ne cherche en réalité qu’à servir certains intérêts.  Enfin, elle a estimé que la référence à la religion dans le discours antiterroriste est une « pente glissante » qu’il convient d’éviter.

M. CARLOS EFRAÍN SEGURA ARAGÓN (El Salvador) a encouragé le renforcement des capacités en faveur des États Membres et la durabilité des ressources afin de faciliter la mise en œuvre des mesures antiterroristes dans le contexte des menaces émergentes. 

De fait, a-t-il précisé, son gouvernement a pu renforcer la mise en œuvre de la Stratégie antiterroriste mondiale, notamment à travers la formation de la police nationale dans les différents domaines d’investigation en plus de la mobilisation de ressources pour renforcer ses opérations.  L’élément central de ces efforts a été le plan de contrôle territorial mis en œuvre par El Salvador, a expliqué le délégué en se félicitant qu’ainsi, la population salvadorienne a repris confiance dans les institutions de sécurité de l’État pour dénoncer les terroristes qui tentent de se cacher dans les communautés. 

En conclusion, il a réitéré son engagement ferme à assurer le suivi des futurs cycles d’examen de la Stratégie.  Il a également saisi cette occasion pour saluer le travail entrepris par le Bureau de lutte contre le terrorisme.

M. DANG HOANG GIANG (Viet Nam) a exprimé sa gratitude au Bureau de lutte contre le terrorisme et aux autres organes onusiens compétents pour leur étroite collaboration avec le Viet Nam dans le cadre de leurs programmes de renforcement des capacités.  À cet égard, il est revenu sur un incident odieux qui s’est produit il y a dix jours dans la province de Dak Lak, où un groupe armé a utilisé des armes à feu militaires et des armes improvisées pour mener une série d’attaques terroristes sanglantes, qui ont coûté la vie à neuf innocents, dont des fonctionnaires locaux. Les auteurs ont fait preuve d’une violence impitoyable et d’un mépris total pour la vie humaine, a-t-il relaté, précisant qu’ils ont détourné des véhicules, ciblé et tué des civils et pris des otages. Les individus et les organisations responsables de ces actes odieux et ceux qui en sont à l’origine doivent être fermement condamnés et dûment punis, a martelé le représentant. 

Comme elle l’a clairement indiqué à de nombreuses reprises, sa délégation réitère la condamnation la plus ferme du terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, quels qu’en soient les auteurs, les lieux et les objectifs. Le délégué a dit compter sur le soutien et l’étroite coopération des États Membres et des organisations internationales compétentes dans le cadre de l’enquête en cours et de la prévention d’actes terroristes similaires à l’avenir.

Mme JEANNE MRAD (Liban) a salué l’apport du multilatéralisme dans la lutte antiterroriste.  Elle a constaté une mutation du terrorisme, caractérisée par une propagande bien huilée, des méthodes d’une violence inouïe et un mépris total du droit.  La lutte contre l’impunité doit être la pièce maîtresse du dispositif international, a prôné la déléguée, en appelant à traduire en justice les terroristes.  Ces derniers cherchent en effet à créer des zones de non-droit, selon elle.  La représentante a dès lors plaidé pour des partenariats robustes dans la lutte antiterrorisme.  Enfin, elle a fait valoir que le terrorisme ne saurait être mis sur le même plan que le droit à l’autodétermination des peuples qui est un principe consacré en droit.

Mme ROSALIND NYAWIRA, Directrice du Centre national contre le terrorisme du Kenya, a souligné l’efficacité des stratégies de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent lorsqu’elles sont prises aux niveaux national et communautaire.  Cette approche permet de trouver des solutions efficientes en faisant participer les communautés locales dont les besoins de développement socioéconomique et culturel sont pris en compte, a-t-elle expliqué.  La représentante a ainsi vanté le modèle décentralisé kenyan de lutte contre le terrorisme qui démontre les avantages de la participation populaire et des interventions menées par la communauté: cela permet une appropriation locale, la création de partenariats et des apprentissages par les pairs.  Il est également important, a-t-elle ajouté, de renforcer la micro-résilience et de remédier aux vulnérabilités structurelles spécifiques que ciblent les extrémistes.  Face à ce défi, le Kenya met l’accent sur l’autonomisation des communautés pour anticiper au mieux les menaces ainsi que pour lutter de l’intérieur contre les facteurs de radicalisation.  La menace du terrorisme est aujourd’hui plus prononcée sur le continent africain, a par ailleurs constaté la représentante.  À son avis, la Stratégie actualisée doit répondre à ce défi en ce qu’elle réaffirme la détermination commune à s’attaquer à cette menace dynamique et mutante. 

M. KIM HYUNSOO (République de Corée) a estimé que, compte tenu de la nature évolutive du terrorisme mondial, il convient d’adapter la Stratégie pour répondre efficacement aux nouvelles menaces, tout en soutenant simultanément les capacités nationales mobilisées par les pays, dans le respect du droit international.  Dans la mesure où la nouvelle résolution réaffirme l’importance de mettre en œuvre la Stratégie antiterroriste mondiale et ses quatre piliers de manière intégrée et équilibrée, tous les États Membres doivent accorder une plus grande attention à la mise en œuvre uniforme de ces derniers, « tout en garantissant le respect des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de l’État de droit ».  En outre, afin d’empêcher l’utilisation abusive des nouvelles technologies par les terroristes, le représentant a souligné l’importance que les États Membres travaillent en étroite collaboration avec les universités, le secteur privé et la société civile.  Dans cette optique, la participation pleine et égale des femmes et des jeunes doit également être encouragée, a-t-il ajouté. 

M. LARBI ABDELFATTAH LEBBAZ (Algérie) a appelé à une application équilibrée de la Stratégie antiterroriste mondiale, selon ses quatre piliers.  Il est important de reconnaître le rôle premier des États dans la lutte antiterroriste, a dit le délégué.  Il a rejeté la xénophobie et l’islamophobie, ainsi que les tentatives visant à mettre sur le même plan le terrorisme et le droit à l’autodétermination des peuples.  Il a appelé à se concentrer sur les défis émergents que sont le retour des combattants terroristes étrangers ou bien encore le financement des groupes terroristes.  Enfin, le représentant a souligné la cohérence des efforts antiterroristes de son pays avec les quatre piliers de la Stratégie, avant d’insister sur le rôle clef des organisations régionales comme l’Union africaine.

M. ANDRANIK GRIGORYAN (Arménie) a salué l’inclusion, dans la Stratégie actualisée, de la gestion des menaces posées par le recrutement, le financement et du transfert de combattants terroristes étrangers entre différentes régions et en particulier vers les zones de conflit.  Il a appelé à élaborer des mesures pratiques pour priver les groupes terroristes et leurs commanditaires de la capacité de recruter, de financer et de réinstaller des combattants terroristes étrangers.  Il a mis en garde contre toute tentative visant à justifier les actes de terrorisme ou d’extrémisme violent.  De même, il a appelé à renforcer les mécanismes d’alerte rapide contre les incitations à la haine et à l’intolérance ethnique ou religieuse parrainés par des États. 

Le représentant a ensuite indiqué que l’Arménie a pris un certain nombre de mesures pour empêcher la libre circulation des terroristes, lutter contre la criminalité transnationale organisée, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.  Il a souligné l’importance des comités des sanctions du Conseil de sécurité pour ce qui est d’assurer la responsabilité des entités et des individus terroristes, évaluer la menace terroriste dans le monde et surveiller le respect des régimes de sanctions.

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a estimé que la lutte antiterroriste requiert de la persévérance, des renseignements et des opérations efficaces, ainsi qu’un respect scrupuleux des droits humains.  Il a rappelé que le terrorisme est l’une des plus graves atteintes à la paix et à la sécurité internationales.  Tous les actes terroristes sont des violations flagrantes du droit international, a tranché le délégué.  Il a apprécié que la Stratégie soit un instrument unique de renforcement des efforts antiterroristes nationaux, régionaux et internationaux.  Enfin, il a salué l’appui que fournit l’ONU aux États Membres dans ce domaine.

M. RIYAD MANSOUR, Observateur permanent de l’État de Palestine, a indiqué que les forces d’occupation israéliennes et les colons continuent de tuer des Palestiniens « au moment où nous parlons ».  « Ils terrorisent les enfants, volent les terres, détruisent les maisons, brûlent les villages, profanent les mosquées et les églises tout en chantant mort aux Arabes en toute impunité. »  Il a estimé que la forme la plus grave de terrorisme est le terrorisme d’État et la terreur coloniale procédant de la négation de l’existence d’un peuple et de ses droits.  La communauté internationale doit faire en sorte que la Puissance occupante rende des comptes, a conclu le délégué.

M. HINDS, de l'Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL), a souligné l’importance de la coopération internationale dans le domaine antiterroriste.  Il a donné le témoignage d’INTERPOL qui appuie les États Membres, en facilitant notamment le partage des renseignements et des bases de données.  Ce partage est un outil essentiel, a-t-il dit, en rappelant que 250 personnes ont été arrêtées pour des actes terroristes grâce aux renseignements partagés.  « INTERPOL est fier d’être un partenaire de mise en œuvre de la Stratégie. »

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Comité spécial de la décolonisation conclut sa session 2023 en adoptant une série de résolutions portant sur les territoires non autonomes

Reprise de la session de 2023,
10e séance plénière – Matin
AG/COL/3373

Le Comité spécial de la décolonisation conclut sa session 2023 en adoptant une série de résolutions portant sur les territoires non autonomes

Au terme de dix jours de débats, le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux a achevé, ce matin, sa session de 2023 en adoptant, sans vote, une série de résolutions consacrées à la situation des territoires non autonomes.

En adoptant le projet de résolution concernant la question de la Nouvelle-Calédonie, l’Assemblée générale noterait que le Comité des signataires de l’Accord de Nouméa a demandé un audit de la décolonisation et du bilan de l’Accord suite à la tenue, le 12 décembre 2021, du troisième référendum d’autodétermination du territoire non autonome.  Par ce texte, l’Assemblée se féliciterait du dialogue politique de haut niveau mené par les parties à l’Accord et de leur engagement à trouver une voie qui permette au territoire de s’administrer pleinement lui-même.  Elle se féliciterait par ailleurs que la France, en tant que Puissance administrante, ait fait part au Comité spécial de sa volonté de faciliter l’organisation d’une nouvelle mission de visite en Nouvelle-Calédonie, et prendrait note du rapport qu’elle a présenté le 1er juin 2023 au titre de l’audit réclamé par le Comité des signataires. 

Venu présenter ce projet de résolution, le représentant de Papouasie-Nouvelle-Guinée, délégation porte-plume de ce texte avec les Fidji, a insisté sur l’importance d’un travail constructif associant l’ensemble des parties concernées afin de trouver un règlement pérenne de la question, qui demeure à son avis « extrêmement fluide ».  La prochaine mission du Comité spécial sur le territoire sera d’une grande importance, a-t-il ajouté, avant de remercier la France pour son « engagement positif » envers les parties prenantes. 

Organe subsidiaire de l’Assemblée générale chargé d’examiner la liste des territoires non autonomes auxquels s’applique la Déclaration, le Comité spécial, aussi appelé « Comité des Vingt-Quatre », a d’abord adopté des projets de résolution portant sur les Samoa américaines, Anguilla et les Bermudes.  La résolution portant sur les Îles Vierges britanniques a fait l’objet, à la demande de son premier ministre, d’un amendement oral précisant que le territoire est membre associé de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), de l’Organisation des États des Caraïbes orientales (OECO) ainsi que de l’Association des États de la Caraïbe (AEC), et non du Conseil des pays et territoires d’outre-mer des Caraïbes. 

Le Comité spécial a par ailleurs approuvé le rapport ainsi que les conclusions et recommandations du Séminaire régional pour le Pacifique, qui s’est tenu du 24 au 26 mai 2023 à Bali, en Indonésie.  Le Venezuela a ensuite proposé sa candidature en vue d’être l’hôte de l’édition 2024 du Séminaire, en espérant que le Bureau l’examinera sans délai afin qu’il puisse entamer les préparatifs nécessaires en dépit du « blocus unilatéral et illégal » auquel il est soumis.

Le Comité des Vingt-Quatre a poursuivi son examen de la situation de la territoires non autonomes en adoptant des projets de résolution concernant les questions des Îles Caïmanes, de la Polynésie française, de Guam, de Montserrat, de Pitcairn, de Sainte-Hélène et des Tokélaou.  Sur ce dernier point, l’Indonésie s’est félicitée de la mise à jour de la résolution en tenant compte des faits nouveaux survenus au cours de la dernière année aux Tokélaou, avec la coopération de la Nouvelle-Zélande, Puissance administrante.

Après avoir entériné les projets de résolution consacrés aux Îles Turques et Caïques ainsi qu’aux Îles Vierges américaines, le Comité spécial a adopté ses résolution annuelles portant sur l’application de la Déclaration par les institutions spécialisées et les organismes associés à l’ONU, les activités économiques et autres préjudiciables aux intérêts des peuples des territoires non autonomes, de même que l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.

DÉCISION CONCERNANT TOUS LES PROJETS DE RÉSOLUTION

En adoptant le texte consacré à la question des Samoa américaines, l’Assemblée générale rappellerait que, comme l’a indiqué le gouvernement du territoire, les Samoa américaines devraient demeurer sur la liste des territoires non autonomes et continuer de relever du Comité spécial en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux jusqu’à ce que la population ait exercé son droit à l’autodétermination. 

Concernant la question d’Anguilla, l’Assemblée souhaiterait vivement que la réforme constitutionnelle entreprise avec la Puissance administrante ainsi que les consultations publiques aboutissent le plus rapidement possible.  Elle demanderait en outre à celle-ci de veiller à ce que le Comité spécial envoie une mission de visite, si tel est le souhait du gouvernement du territoire.

En vertu du projet de résolution sur la question des Bermudes, l’Assemblée générale soulignerait l’importance du rapport de la Commission pour l’indépendance des Bermudes de 2005 tout en regrettant que les plans concernant l’organisation de réunions publiques et la présentation de propositions politiques en faveur de l’indépendance des Bermudes ne se soient pas encore concrétisés. 

En adoptant le projet de résolution portant sur la question des Îles Vierges britanniques, l’Assemblée générale noterait que la Commission d’examen de la Constitution a été mise en place en 2022 afin de procéder à un examen complet de la Constitution de 2007 des Îles Vierges britanniques.  Elle soulignerait l’importance de poursuivre les débats sur les questions d’ordre constitutionnel afin d’accorder au gouvernement du territoire de plus grandes responsabilités à cet égard. 

Si elle venait à adopter la résolution concernant la question des Îles Caïmanes, l’Assemblée générale se féliciterait de la participation active du territoire aux travaux de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes et soulignerait que celui-ci devrait continuer de participer aux activités du Comité spécial, notamment aux séminaires régionaux.  Elle soulignerait en outre qu’il importe que le Comité spécial comprenne mieux la nature des arrangements politiques et constitutionnels existants. 

S’agissant de la question de la Polynésie française, l’Assemblée rappellerait les demandes antérieures pour que ce territoire soit retiré de la liste des territoires non autonomes, et prendrait note de la déclaration de juin 2023 de la représentante du Président du territoire, dans laquelle elle a déclaré que le gouvernement du territoire soutenait pleinement un véritable processus de décolonisation et d’autodétermination, sous le contrôle de l’ONU. 

En ce qui concerne la question de Guam, l’Assemblée générale se féliciterait des travaux de la Commission guamienne de décolonisation pour l’exercice de l’autodétermination du peuple chamorro et inviterait une fois de plus la Puissance administrante à tenir compte de la volonté exprimée par celui-ci, soutenue par les électeurs guamiens lors du référendum de 1987 et inscrite dans le droit guamien, et encouragerait la Puissance administrante et le gouvernement du territoire à entamer des négociations sur cette question. 

Aux termes de la résolution relative à la question de Montserrat, l’Assemblée rappellerait la Constitution de 2010 et se féliciterait de la participation du territoire aux travaux de l’Organisation des États des Caraïbes orientales et de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC). 

S’agissant de la question de la Nouvelle-Calédonie, l’Assemblée générale noterait que le Comité des signataires de l’Accord de Nouméa a demandé un audit de la décolonisation.  Elle prendrait note de la tenue, le 12 décembre 2021, du troisième référendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie, ainsi que des préoccupations exprimées quant à son résultat.  Elle prendrait également note de l’engagement des parties et de la Puissance administrante à tenir un dialogue sur le statut futur du territoire, y compris les réunions organisées à Paris le 28 octobre 2022 et du 11 au 14 avril 2023, ainsi que des visites ministérielles effectuées en Nouvelle-Calédonie du 12 au 15 septembre et du 28 novembre au 4 décembre 2022, puis du 2 au 8 mars et du 1er au 5 juin 2023. 

Par ce texte, l’Assemblée se féliciterait du dialogue politique de haut niveau mené par les parties à l’Accord de Nouméa et de leur engagement à trouver une voie qui permette au territoire de s’administrer pleinement lui-même.  Elle se féliciterait par ailleurs que la Puissance administrante ait de nouveau fait part au Comité spécial de sa volonté de faciliter l’organisation d’une autre mission de visite en Nouvelle-Calédonie, et prendrait note du rapport du 1er juin 2023, présenté par la Puissance administrante sur ses activités au titre de l’audit demandé par le Comité des signataires de l’Accord sur la décolonisation. 

S’agissant de la décolonisation de Pitcairn, le projet de résolution réaffirmerait que le principe d’autodétermination est incontournable et qu’en fin de compte, c’est au peuple de Pitcairn lui-même qu’il appartient de déterminer librement son futur statut politique; de même qu’il incomberait à la Puissance administrante de promouvoir le développement économique et social du territoire et de préserver son identité culturelle.

Le projet de résolution relatif à la question de Sainte-Hélène, en cas d’adoption par l’Assemblée générale, prierait le territoire et la Puissance administrante de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger l’environnement du territoire et le préserver de toute dégradation, et demanderait de nouveau aux institutions spécialisées compétentes de continuer à surveiller l’état de l’environnement dans le territoire.

En adoptant le projet de résolution portant sur la question des Tokélaou, l’Assemblée générale, notant avec satisfaction que la Nouvelle-Zélande, Puissance administrante, continue de faire preuve d’une coopération exemplaire dans le cadre des travaux du Comité spécial, constaterait que ce pays continue de s’efforcer sans relâche de répondre aux besoins socioéconomiques du peuple des Tokélaou, notamment par la mise en place de nouveaux équipements de transport.

Le représentante de l’Indonésie a remercié la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les Fidji de leurs efforts en vue de mettre à jour la résolution concernant la question des Tokélaou en tenant compte des faits nouveaux survenus au cours de la dernière année, avec la collaboration de la Puissance administrante, la Nouvelle-Zélande. 

L’Assemblée générale, en adoptant le texte sur les Îles Turques et Caïques, exigerait d’aborder les formules d’autodétermination de façon souple et demanderait de nouveau à la Puissance administrante, entre autres, de fournir au territoire toute l’assistance nécessaire, de soutenir ses efforts de relèvement et de reconstruction et de renforcer ses capacités en matière de préparation aux situations d’urgence et de réduction des risques, en particulier à la suite du passage des ouragans Irma et Maria qui ont ravagé le territoire en 2017.

Enfin, l’Assemblée, en adoptant le projet de résolution consacré aux Îles Vierges américaines, se féliciterait qu’un projet de constitution émanant du territoire ait été présenté en 2009.  Il prierait en outre la Puissance administrante de faciliter le processus d’approbation dudit projet et son application, une fois qu’il aura été approuvé dans le territoire.

En adoptant la résolution intitulée « Application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux par les institutions spécialisées et les organismes internationaux associés à l’Organisation des Nations Unies », l’Assemblée générale recommanderait aux États d’intensifier leurs efforts, dans le cadre des institutions spécialisées des Nations Unies, afin de garantir l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.  Elle les prierait en outre de fournir des informations sur les problèmes environnementaux auxquels se heurtent les territoires non autonomes, les effets des catastrophes naturelles sur ces territoires, les moyens de les aider à lutter contre le trafic de stupéfiants, le blanchiment d’argent et d’autres activités criminelles, ainsi que l’exploitation illégale de leurs ressources, y compris la nécessité d’utiliser ces ressources au profit de la population de ces territoires.

Par la résolution intitulée « Activités économiques et autres préjudiciables aux intérêts des peuples des territoires non autonomes », l’Assemblée réaffirmerait qu’il incombe aux puissances administrantes d’assurer le progrès politique, économique et social ainsi que le développement de l’instruction dans les territoires non autonomes.  Elle demanderait également aux puissances administrantes de prendre les mesures nécessaires pour protéger les droits de propriété des peuples de ces territoires, conformément aux résolutions de l’Organisation relatives à la décolonisation.

S’agissant de la résolution intitulée « Application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux », l’Assemblée générale prierait le Comité spécial de continuer à chercher les moyens appropriés d’assurer la mise en œuvre immédiate et intégrale de la Déclaration et d’appliquer, dans tous les territoires qui n’ont pas encore exercé leur droit à l’autodétermination, les mesures qu’elle a approuvées touchant les Décennies internationales de l’élimination du colonialisme. 

Enfin, Le Comité spécial a entériné le rapport (A/AC.109/2023/CRP.2) ainsi que les conclusions et recommandations du Séminaire régional pour le Pacifique (A/AC.109/2023/CRP.1), qui s’est tenu du 24 au 26 mai 2023 à Bali, en Indonésie.

La représentante de l’Indonésie a estimé que le rapport et le projet de conclusion du Séminaire reflètent la coopération et l’esprit constructif qui ont animé les délégations à Bali.  Elle a espéré que ces activités ouvriront la voie à des progrès plus sûrs dans la promotion de notre programme commun de décolonisation. 

La représentante du Nicaragua a salué les efforts de l’Indonésie pour avoir organisé le séminaire de mai dernier et la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour avoir joué son rôle.  Elle s’est dite convaincue que la délégation ayant offert d’accueillir la manifestation l’an prochain sera à la hauteur de la tâche.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale actualise la Stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU et décide de passer à un examen triennal

Soixante-dix-septième session,
80e et 81e séances plénières – matin & après-midi
AG/12511

L’Assemblée générale actualise la Stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU et décide de passer à un examen triennal

L’Assemblée générale a adopté aujourd’hui, par consensus, une résolution sur le huitième examen de la Stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU, par laquelle elle actualise ladite Stratégie, « instrument unique, doté d’une véritable valeur transformative », selon les mots du Président de l’Assemblée, avant de débattre sur ce thème.  « Ce texte n’est pas parfait mais il reste un aboutissement positif », a déclaré la Tunisie, cofacilitatrice avec le Canada des négociations informelles. Certaines délégations n’ont en effet pas ménagé leurs critiques et ont fait part de leur déception à divers égards.

Dans cette résolution de 32 pages, l’Assemblée juge important que la Stratégie et ses quatre piliers restent d’actualité, au regard des nouvelles menaces qui apparaissent et de l’évolution du terrorisme international.  Au titre du pilier I sur les mesures visant à éliminer les conditions propices au terrorisme, elle engage les États Membres à élaborer des stratégies ciblées visant à contrer les discours extrémistes violents de nature à inciter certains à se rallier à des groupes terroristes.

Pour ce qui est du pilier II consacré aux mesures visant à prévenir et à combattre le terrorisme, l’Assemblée engage les États Membres à priver les groupes terroristes de sanctuaire, de liberté d’opération, de déplacement et de recrutement et d’appui financier, matériel ou politique.  Les auteurs d’actes terroristes et toute personne les appuyant doivent être traduits en justice ou extradés, selon le principe « extrader ou poursuivre », rappelle l’Assemblée. Préoccupée par le risque d’utilisation de technologies nouvelles à des fins terroristes, l’Assemblée invite tous les États Membres à lutter contre l’utilisation de ces technologies à des fins terroristes, y compris, l’intelligence artificielle, l’impression 3D, les actifs virtuels, les systèmes de drones aériens, ainsi que l’armement des drones commerciaux, « tout en renforçant la coopération internationale pour prévenir et combattre le terrorisme ».

Le pilier III de la Stratégie est relatif aux mesures destinées à étoffer les moyens dont les États disposent pour prévenir et combattre le terrorisme et à renforcer le rôle joué en ce sens par l’ONU.  Il importe de renforcer l’action menée par tous les organes et organismes compétents des Nations Unies pour lutter contre le terrorisme, indique l’Assemblée, en invitant le Bureau de lutte contre le terrorisme à améliorer leur coordination. Au titre du pilier IV –« mesures garantissant le respect des droits de l’homme et la primauté du droit en tant que base fondamentale de la lutte antiterroriste »- elle demande aux États Membres de s’abstenir de priver de leur nationalité les personnes présumées avoir commis des actes terroristes.  Toutes mesures ou moyens utilisés dans la lutte contre le terrorisme doivent être compatibles avec le droit international, souligne l’Assemblée. 

Si la résolution a été adoptée par consensus, les points d’achoppement ont été nombreux.  Le Canada, cofacilitateur avec la Tunisie des négociations informelles sur la résolution, a indiqué que la plupart des délégations ont obtenu ce qu’elles attendaient mais qu’il y avait encore une marge d’amélioration.  Nous avons discuté du genre et la nécessité de comprendre « les masculinités » dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, mais cela n’a pas fait l’objet d’un consensus, a concédé le délégué canadien.  « Nous avons parlé du discours de haine et de l’incitation à la haine et de ses liens avec le terrorisme, tout en débattant également de la liberté d’expression et de ses limites dans différents contextes, mais nous n’avons abouti à aucun nouvel accord », a-t-il ajouté.  Dans sa déclaration liminaire, le Président de l’Assemblée générale, M. Csaba Kőrösi, avait exhorté les délégations à s’interroger:  « Devons-nous continuer à nous diviser sur ce que sont le terrorisme et l’extrémisme violent?  Devons-nous appesantir sur les détails et oublier le tableau général? » 

Certaines délégations, à l’instar du Costa Rica, ont formulé des critiques plus acérées.  Le texte n’est pas suffisant, notamment en ce qui concerne l’intégration d’une perspective de genre, a dit la déléguée de ce pays. « Le consensus ne peut plus se limiter au plus petit dénominateur commun », a-t-elle asséné.  Pour leur part, l’Égypte et la République islamique d’Iran ont regretté que les actes islamophobes n’aient pas été pris en compte au cours des discussions. L’Organisation de la coopération islamique (OCI) a regretté le manque de consensus sur la tendance des groupes d’extrême droite à profaner l’Islam et ses symboles et à propager la haine contre les immigrés, en particulier les musulmans.  « Nous devons éviter de normaliser la violence contre les musulmans. »

« Le texte adopté aujourd’hui ressemble à une résolution technique », a, de son côté, fustigé le délégué de l’Union européenne.  Plaidant pour un consensus dont l’ambition est à la hauteur des défis, il a insisté sur le renforcement des mesures liées au quatrième pilier de la Stratégie.  « Les mesures antiterroristes ne sauraient être manipulées pour réduire au silence opposants et défenseurs des droits humains », a affirmé le délégué.

Au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, le Venezuela a estimé que le terrorisme ne peut être assimilé à la lutte légitime des peuples sous domination étrangère ou coloniale.  Il a rejeté l’instrumentalisation politique de la lutte contre le terrorisme, avant de dénoncer les sanctions qui font obstacle à l’élimination du terrorisme. « Il est nécessaire de reprendre aussi vite que possible les négociations sur une convention internationale », a-t-il plaidé.  Un élément essentiel pour combattre efficacement le terrorisme est d’adopter une approche « tolérance zéro » pour contrer le terrorisme, a rétorqué le délégué israélien en se disant, lui aussi, « très déçu ».  En début de séance, l’Inde avait pour sa part déploré l’absence de référence à la Déclaration de Delhi sur la lutte contre l’utilisation des technologies nouvelles et émergentes à des fins terroristes dans la résolution. 

Au vu de ces divergences, le Canada a informé que l’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale sera maintenant triennal au lieu d’être biennal.  Le prochain examen, en 2026, coïncidera ainsi avec le vingtième anniversaire de la Stratégie antiterroriste mondiale.  « Nous semblons être d’accord sur plus de 95% du texte, il est peu probable que nous parvenions à un consensus sur les questions en suspens de sitôt. » 

LA STRATÉGIE ANTITERRORISTE MONDIALE DES NATIONS UNIES (A/77/266, A/77/718)

Déclaration liminaire

M. CSABA KŐRÖSI, Président de l’Assemblée générale, a dénoncé l’attaque meurtrière perpétrée contre une école samedi dernier en Ouganda.  Cibler des enfants dans l’enceinte sacrée de leur école est un acte insidieux et haineux, a-t-il dit.  « C’est le visage même du terrorisme et un crime de guerre. »  Le Président a apparenté le terrorisme à un « feu ravageur, alimenté par la haine ».  Il a rappelé que le terreau du terrorisme est constitué par l’instabilité, les inégalités, les violations des droits ou bien encore la mauvaise gouvernance.  « Nous devons nous interroger: devons-nous continuer à nous disputer sur ce que sont le terrorisme et l’extrémisme violent?  Nous appesantir sur les détails et ne pas voir le tableau général?  Ou devons-nous plutôt nous unir et joindre nos forces pour combattre le terrorisme sous toutes ses formes? »

M. Kőrösi a déclaré que la Stratégie antiterroriste mondiale est un instrument unique, doté d’une véritable valeur transformative.  C’est un cadre pour l’action.  Ce dont nous avons besoin maintenant, a-t-il estimé, c’est de la volonté politique et morale d’agir ensemble.  Le Président a espéré que les progrès des États Membres enregistrés ces derniers mois dans la lutte contre le terrorisme seront reconnus.  Le terrorisme est une guerre livrée contre les corps et contre les esprits, a-t-il averti.  « Ne succombons pas aux divisions qu’il engendre et surmontons ce défi. »

Explication de position avant la décision sur le projet de résolution A/77/L.78

Le délégué de l’Inde, rappelant que son pays était victime du terrorisme transnational, s’est dit très préoccupé par la quatrième révision du projet de résolution.  Nous avions indiqué que supprimer la référence à la Déclaration de Dehli sur la lutte contre l’utilisation des technologies nouvelles et émergentes à des fins terroristes, adoptée à l’unanimité par tous les membres du Conseil de sécurité, n’a pas lieu d’être, a-t-il assuré, pointant notamment du doigt des raisons de procédure.  Il a déploré qu’aucune consultation des États Membres n’ait eu lieu, rappelant que les récentes délibérations prouvent que les délégations s’associent à la Déclaration de Delhi.  « Le fait d’adopter aujourd’hui une approche sélective en acceptant que certains documents soient cités ou non n’est pas acceptable », a martelé le délégué, ajoutant que l’Inde se dissociait par conséquent de cette révision du texte.

Débat sur la question

M. GERARDO PEÑALVER, Ministre adjoint des affaires étrangères de Cuba, a rappelé que, depuis plus de soixante ans, le peuple cubain a été victime d’innombrables actions terroristes qui, pour la plupart, ont été planifiées et organisées « à partir du territoire des États-Unis ».  En conséquence, Cuba a payé un lourd tribut en vies humaines et en pertes économiques, a-t-il dit, assurant que son pays n’a quant à lui jamais participé à l’organisation, au financement ou à l’exécution d’actes terroristes contre un pays et ne soutiendra jamais les actes de terrorisme international.  Notre pays est partie aux 19 conventions internationales relatives au terrorisme et a mis en place des mesures pour faire face à ce fléau, a insisté le Ministre, avant de rejeter fermement l’inscription de Cuba sur la liste du Département d’État américain des pays qui parraineraient le terrorisme.  Cette désignation est un acte « diffamatoire, hypocrite et opportuniste », a-t-il dénoncé, appelant Washington à la révoquer et invitant l’ONU à se prononcer contre ce type de certifications « unilatérales, manipulées politiquement et contraires au droit international ».  Il s’est par ailleurs déclaré préoccupé par l’utilisation abusive des technologies de l’information et des communications pour commettre, inciter, recruter, financer ou planifier des actes terroristes. 

M. SHAMENOV, Vice-Président de la Commission publique pour la sécurité nationale et Directeur du Centre international contre le terrorisme du Kirghizistan, a plaidé pour un appui au renforcement des capacités des États, arguant que toutes les organisations régionales devraient tendre vers des partenariats antiterroristes.  Il a insisté sur le renforcement des capacités contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, sous l’égide de l’ONU.  Insistant également sur le respect des droits humains et du droit international humanitaire, le haut responsable a cité comme mesure préventive, le rapatriement des combattants étrangers.  Mon gouvernement a rapatrié des enfants kirghizes d’Iraq et de la Syrie, a-t-il affirmé, avant de souligner l’importance qu’il y a à traduire en justice tous les auteurs d’actes terroristes. 

M. AL HAJRI (Qatar) est revenu sur l’engagement du Qatar dans la lutte contre le terrorisme, notamment avec l’adoption d’une stratégie nationale. Soulignant le rôle vital de l’ONU dans la lutte contre le terrorisme, il a rappelé que le Qatar est le plus grand bailleur de fonds du Bureau de lutte contre le terrorisme, avec un don annuel de 15 millions de dollars.  Affirmant que la menace terroriste ne cesse d’évoluer, le représentant a souligné l’importance des sciences du comportement qui permettent de comprendre les motifs menant au terrorisme.  Il ne faut pas associer le terrorisme à une certaine culture ou religion ni mettre sur un pied d’égalité terrorisme et lutte légitime des peuples souffrant de l’occupation, a-t-il mis en garde.  Le représentant a ainsi appelé à lutter contre la xénophobie, dénonçant les incidents récents dans lesquels le Coran a été brulé.  L’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale doit accorder de l’importance à ces questions, a-t-il estimé, appelant à adopter une approche équilibrée pour faire face à l’ensemble des menaces terroristes.

L’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale étant l’occasion de l’adapter à la lumière des progrès et des défis émergents, M. ALZAABI (Émirats arabes unis) a estimé que les nouveaux problèmes, comme l’utilisation par les terroristes de drones ou de crypto monnaie, doivent être dûment pris en compte.  Il a appelé à une intensification des efforts de prévention du terrorisme et à des dialogues pour promouvoir la coexistence pacifique et lutter contre les discours de haine.  Insistant sur l’engagement de longue date de son pays en faveur de la prévention du terrorisme et de l’extrémisme violent, le représentant a souligné qu’en déployant des efforts coordonnés, il sera possible d’éliminer les causes profondes de ces fléaux.

M. FOUAD (Égypte) a regretté que, lors des négociations sur le projet de résolution, certaines délégations aient refusé certaines actualisations qui auraient permis de renforcer l’efficacité de la Stratégie antiterroriste mondiale.  Il a par ailleurs condamné fermement le fait que certains groupes extrémistes dans le monde brûlent le Coran, avant d’appeler les autorités concernées à poursuivre pénalement ces actes qui propagent l’islamophobie.  Il est regrettable, selon lui, que des délégations aient choisi de négliger ces développements préoccupants au cours des discussions sur le texte.  Le représentant a également déploré que la résolution adoptée ne mentionne pas le racisme, la xénophobie et d’autres types d’intolérance, pourtant évoqués dans le rapport du Secrétaire général.  Tout en estimant que le consensus représente l’unité de la communauté internationale face au fléau du terrorisme, il a constaté que certaines questions imposées au texte ne sont pas pertinentes avec les quatre piliers de la Stratégie.  Il a enfin rejeté les accusations de militarisation entourant l’approche antiterroriste de son pays, assurant que les autorités égyptiennes s’emploient à faire face aux causes profondes du terrorisme et à lutter contre la propagande extrémiste, tout en participant au renforcement des capacités de plusieurs États frères et en menant des efforts conjoints avec l’Union européenne. 

M. MAHMUDZODA (Tadjikistan) indiqué que les pays d’Asie centrale ont adopté leur Plan d’action contre le terrorisme qui s’inspire de la Stratégie antiterroriste mondiale.  Mon gouvernement, a-t-il expliqué, a mis en place sa stratégie nationale 2020-2025, qui couvre également la lutte contre le financement du terrorisme et contre le recrutement dans les prisons.  Le Gouvernement a ainsi fait adopter les lois nécessaires et créé le centre de prévention de la cybercriminalité, une force interinstitutions pour enquêter sur les recrutements et rechercher les personnes impliquées dans des actes terroristes sur le territoire national.  La stratégie nationale vise également le renforcement du rôle de la société civile, a encore indiqué le représentant, avant d’annoncer que son gouvernement a assuré le retour de plus 400 enfants tadjiks d’Iraq qui ont bénéficié des mesures de réintégration mises en place.

Mme JAMAL (Bahreïn) a appelé à privilégier une approche commune, notant que les réseaux créés à l’époque de la lutte contre l’État islamique fonctionnaient aujourd’hui « en silo », les objectifs ayant divergé.  Ceci peut avoir un impact sur le public cible, a-t-elle mis en garde.  Indiquant que Bahreïn avait beaucoup fait dans la région, elle a rappelé que le pays utilise un récit niant l’idéologie criminelle des groupes extrémismes violents.  Il s’agit de remplacer les vulnérabilités par des mesures sociologiques et psychologiques d’accompagnement, a-t-elle indiqué.  Évoquant ensuite la réintégration des combattants terroristes, elle a indiqué que l’approche de Bahreïn définira le succès à cet égard en fonction de la sécurité.  L’extrémisme doit être au cœur de nos discussions, a-t-elle enfin souligné, estimant qu’il s’agissait d’un objectif à poursuivre en tant que tel, et non uniquement en lien avec la lutte contre le terrorisme.

M. FRANK (Suisse) a salué l’achèvement de l’examen de la Stratégie et les progrès obtenus.  La lutte contre le terrorisme doit continuer de faire partie du multilatéralisme, a dit le délégué.  Si le multilatéralisme est en tension, il n’est pas en faillite comme le montre l’adoption de la résolution, s’est-il réjoui.  Ce texte, a-t-il estimé, est un pas dans la bonne direction, même s’il faut aller plus loin.  Il a jugé important que les sanctions, y compris celles imposées par l’ONU, se gardent d’entraver le travail humanitaire.  Il s’est félicité de ce que le texte adopté aujourd’hui contienne des dispositions sur l’évaluation des progrès réalisés.  La mise en œuvre de cette résolution et l’évaluation de son application doivent faire partie intégrante de nos efforts, a-t-il conclu

Au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), M. ABDULAZIZ M. ALWASIL (Arabie saoudite) a déclaré que ce huitième examen de la Stratégie antiterroriste mondiale illustre l’importance du multilatéralisme, du consensus et du compromis.  Il a tout de même regretté le manque de consensus sur la tendance des groupes d’extrême droite à profaner l’Islam et ses symboles et à propager la haine contre les immigrés, en particulier les musulmans.  Le délégué a vivement dénoncé le rejet des propositions de l’OCI contre cette tendance. L’OCI, a-t-il insisté, est déçue que même la Journée mondiale contre l’islamophobie n’ait même pas été mentionnée dans le texte adopté aujourd’hui.  Nous devons, a-t-il dit, éviter de normaliser la violence contre les musulmans. 

Il a condamné l’instrumentalisation d’Internet et des technologies de l’information et des communications par les groupes antimusulmans et s’est dit préoccupé par le fait que certaines délégations cherchent à manipuler la Stratégie antiterroriste mondiale.  Une telle attitude, a-t-il prévenu, ne saurait contribuer à la réalisation des objectifs communs ni à solidifier les quatre piliers de la Stratégie.  Tôt ou tard, a averti le représentant, ce genre de comportement finira par ébranler la Stratégie dans son ensemble. Concentrons-nous sur sa mise à jour et sa pertinence, a-t-il conseillé, et retenons que le terrorisme ne saurait être associé à une religion, une culture ou une ethnie.  Le prochain examen, a insisté le représentant, doit dûment refléter les préoccupations et les priorités de tous les États Membres. 

M. ROBERT RAE (Canada), cofacilitateur avec la Tunisie des négociations informelles sur la résolution, a expliqué à quel point le paysage terroriste avait changé au fil des ans.  Alors que l’accent a été mis pendant des décennies sur certaines parties du Moyen-Orient, il existe des menaces croissantes dans certaines parties de l’Afrique et des menaces renouvelées en Asie du Sud et centrale, émanant en partie de l’Afghanistan.  L’émergence croissante de la menace terroriste provient désormais des zones de conflit, a-t-il relevé.  « Là où les terroristes ciblaient les avions pour les détourner ou les faire exploser, ils recherchent maintenant des drones pour mener des attaques ». En outre, a noté le représentant, les motivations derrière le terrorisme changent et les jeunes sont de plus en plus radicalisés et recrutés en ligne.  À mesure que les systèmes de lutte contre le terrorisme se sont développés, on reconnaît de plus en plus que les mesures antiterroristes peuvent porter atteinte aux droits de l’homme et qu’il faut respecter le droit international et atténuer l’impact humanitaire des mesures de lutte contre le terrorisme.

Revenant sur le dernier examen de la Stratégie antiterroriste mondiale, le représentant a estimé que la plupart des parties avaient obtenu ce qu’elles en attendaient mais qu’il y avait encore une marge d’amélioration et qu’il était nécessaire de refléter les réalisations importantes des deux dernières années. Nous avons donc discuté de tous ces développements et plus encore, y compris le genre, et la nécessité de comprendre « les masculinités » dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, mais cela n’a pas fait l’objet d’un consensus, a-t-il raconté. Nous avons discuté du discours de haine et de l’incitation à la haine et de ses liens avec le terrorisme, tout en débattant également de la liberté d’expression et de ses limites dans différents contextes, mais nous n’avons abouti à aucun nouvel accord.  Et, a-t-il continué, nous avons discuté de la menace émergente dans certaines parties de l’Afrique, ainsi que de la situation humanitaire désastreuse en Syrie autour du camp d’al-Hol, et des risques émanant de l’Afghanistan, mais aucun de ces aspects n’a été intégré au texte.  Nous avons réfléchi à l’importante réalisation de la résolution de l’Assemblée générale sur la Journée internationale de l’islamophobie, mais il n’y a pas eu de consensus pour l’inclure seule. 

Alors, qu’avons-nous réalisé? a demandé le représentant.  Il a mentionné une nouvelle référence à l’importance de soutenir la société civile dirigée par des femmes, ainsi qu’une référence à la résolution 2664 (2022) du Conseil de sécurité et aux exemptions humanitaires qu’elle prévoit.  De plus, a-t-il témoigné, nous avons convenu que le travail du Secrétaire général sur les attentats terroristes motivés par la xénophobie, le racisme et d’autres formes d’intolérance, ou commis au nom de la religion ou de convictions est une « première étape dans la compréhension de cette menace », et que davantage de recherches et de données sont nécessaires à ce sujet. Enfin, s’est félicité le représentant, il a été décidé que l’examen des progrès accomplis dans l’application de la Stratégie antiterroriste mondiale pouvait être fait tous les trois ans au lieu de tous les deux ans, « car nous semblons être d’accord sur plus de 95% du texte, et il est peu probable que nous parvenions à un nouveau consensus sur les questions difficiles en suspens de sitôt. »

M. TAREK LADEB (Tunisie), dont le pays était cofacilitateur avec le Canada des consultations informelles, s’est félicité de l’engagement constructif des délégations, qui a débouché sur un document qui, « s’il n’est pas parfait, reste un aboutissement positif ».  La résolution, a-t-il dit, reflète notre volonté collective de renforcer la coopération internationale pour prévenir et combattre le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations, notre détermination à assurer une mise en œuvre intégrée et équilibrée de la Stratégie dans tous ses piliers et notre vif intérêt à maintenir la Stratégie pertinente pour l’adapter au paysage mondial des menaces et aux nouvelles tendances émergentes du terrorisme international.  Malgré les divergences sur certains aspects du texte, nous sommes unis contre le terrorisme et l’extrémisme violent propice au terrorisme, a-t-il souligné, se félicitant qu’un compromis ait été trouvé sur la nécessité de renforcer les capacités nationales et de promouvoir la tolérance, le respect de la diversité, le dialogue et la compréhension interreligieuse et interculturelle entre les peuples. Nous devons aussi renforcer notre coordination avec toutes les parties prenantes pour contrer l’utilisation croissante par les terroristes des technologies de l’information et des communications et d’autres technologies émergentes qui servent à commettre, inciter, financer ou planifier des actes terroristes, a-t-il ajouté. 

M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne, a estimé qu’il faut continuer à travailler ensemble, adapter les outils disponibles et veiller à ce que les efforts soient conformes aux valeurs fondamentales communes.  Il a donc regretté que le texte adopté aujourd’hui ressemble à une résolution technique, espérant à l’avenir un consensus dont l’ambition est à la hauteur des défis.  Le représentant a, en particulier, insisté sur le renforcement des mesures liées au quatrième pilier de la Stratégie, à savoir les droits humains et l’état de droit.  Les mesures antiterroristes, s’est-il par exemple expliqué, ne sauraient être manipulées pour réduire au silence opposants et défenseurs des droits humains. Dans un espace civique qui continue de se rétrécir, il faut, a encore dit le représentant, assurer une meilleure protection des représentants de la société civile et accorder à la dimension genre l’attention qu’elle mérite.

Il faut aussi protéger l’espace humanitaire, a-t-il poursuivi, en se félicitant de la référence à la résolution 2664 du Conseil de sécurité dans la Stratégie antiterroriste mondiale, dont toute la portée n’est malheureusement pas soulignée.  Il a aussi regretté que la nécessité de mécanismes de contrôle financiers et non-financiers pour la lutte contre le financement du terrorisme n’ait pas été incluse dans le texte.  Le représentant a également estimé qu’il faut faire plus pour renforcer le dialogue avec les entreprises du secteur des technologies et de la communication.  Il a jugé crucial que le Bureau de lutte contre le terrorisme et le Pacte mondial renforce leur coordination.  Il a par ailleurs rappelé les sommes énormes que l’Union européenne consacre aux partenariats sur le renforcement des capacités car la lutte contre le terrorisme est une priorité commune que le monde ne pourra gagner que s’il travaille ensemble.

M. NASUTION (Indonésie) a constaté que l’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale a abouti à des résultats « en deçà des attentes », les derniers développements et les tendances émergentes ne figurant pas dans la résolution adoptée, en particulier les actes de haine pouvant inciter au terrorisme.  Il a néanmoins salué l’adoption du document par consensus, estimant qu’il contribuera à guider la communauté internationale face à ce fléau.  Pour le représentant, les États Membres doivent agir ensemble et être unis pour répondre à la menace que représentent le terrorisme et l’extrémisme violent.  À cette fin, il convient de promouvoir la tolérance et la coexistence pacifique en tant qu’investissement préventif, a-t-il affirmé, se disant très préoccupé par l’essor de l’islamophobie dans le monde, qui selon lui risque d’alimenter le cycle de la violence.  Après avoir appelé les pays à créer des sociétés plus justes et plus pacifiques, et à partager leurs meilleures pratiques face au terrorisme, il a estimé que la Stratégie mondiale continue d’offrir des opportunités pour coopérer aux niveaux international, régional et sous-régional pour développer des synergies et gagner en efficacité.  À cet égard, il a relevé que les États membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) ont souhaité renforcer leur coopération dans ce domaine en se dotant d’un plan d’action contre la radicalisation et l’extrémisme violent. 

M. MONWAR HOSSAIN (Bangladesh) a estimé que l’adoption de la résolution marque un jalon important dans l’histoire collective de la lutte contre le terrorisme, malgré des divergences sur les points essentiels.  Notant les nombreuses pistes d’actions issues de l’examen de cette année, le représentant a rappelé que le contact avec les organisations féminines de la société civile et les chefs des communautés, acteurs de premier plan, est nécessaire.  Le Bangladesh, a-t-il indiqué, a adopté une politique de tolérance zéro contre le terrorisme.  Aucune entité terroriste ne peut utiliser le territoire national pour perpétrer ses actes illégaux ou propager son idéologie.  Pour conclure, le représentant s’est opposé à toute politique permettant le profilage de terroristes présumés en fonction de leur identité religieuse. 

Mme MARITZA CHAN VALVERDE (Costa Rica) a reconnu que l’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale a été une tâche difficile.  Elle a estimé que le texte n’est pas suffisant, notamment en ce qui concerne l’intégration d’une perspective de genre, et s’est dite déçue. Elle a regretté que les inégalités de genre n’aient pas été une piste explorée quant aux facteurs conduisant à la commission d’actes terroristes.  La discussion ne fait que commencer, a dit la déléguée, en appelant à remédier à la fracture entre les genres.  L’obligation de rendre des comptes a également été oubliée, a-t-elle regretté, en rappelant l’importance de la Stratégie pour les victimes du terrorisme.  Elle a appelé à une mise en œuvre équilibrée des quatre piliers de la Stratégie. « Le consensus ne peut plus se limiter au plus petit dénominateur commun », a-t-elle conclu.

M. YAHYA AREF (République islamique d’Iran) a déclaré qu’en tant que nation ayant longtemps été victime du terrorisme, son pays attache une grande importance aux examens de la Stratégie antiterroriste mondiale.  Il a cependant regretté que certaines propositions de l’Iran aient été rejetées sans explication lors des négociations sur le projet de résolution.  Selon lui, il en a été de même pour plusieurs propositions de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), parmi lesquelles figurait l’importance d’une réponse efficace aux attaques terroristes contre les musulmans et aux profanations délibérées du Coran et des mosquées.  Cette proposition a été rejetée sans aucune raison concrète par certaines délégations « minoritaires », a-t-il dénoncé, souhaitant que le prochain examen de la Stratégie antiterroriste mondiale aborde plus concrètement l’incitation au terrorisme contre les musulmans ainsi que les défis persistants qui entravent les efforts des États Membres, en particulier le manque de coopération du système de gouvernance mondiale d’Internet et la politisation de cette lutte.  Malgré ces objections, le représentant a plaidé pour le maintien du consensus sur cette question afin que l’ONU dans son ensemble renforce la détermination de la communauté internationale à lutter véritablement contre le terrorisme.  Il a assuré que, pour sa part, l’Iran aide les États touchés du Moyen-Orient à combattre et à démanteler les groupes terroristes dans la région, à commencer par Daech.  Enfin, après avoir appelé à la levée des mesures coercitives unilatérales, qui entravent la coopération internationale dans cette lutte, il a condamné les attaques terroristes systématiques menées contre le peuple palestinien, ainsi que celles qui ciblent des installations nucléaires pacifiques. 

Mme MELINDA VITTAY (Hongrie) a salué l’inclusion dans le projet de résolution de la mention de la résolution 2664 (2022) du Conseil de sécurité et du rôle des organisations de la société civile dirigées par les femmes.  Elle a cependant regretté les « ratés » de l’examen, alors que celui-ci est essentiel pour rendre la Stratégie pérenne et refléter les défis actuels.  La représentante a ensuite informé de l’arrestation, cette semaine, d’un homme qui voulait commettre un attentat terroriste en Hongrie.  Cet homme a trouvé son inspiration en ligne, en visionnant des attaques terroristes précédentes, et son objectif était de tuer autant de personnes que possible, a-t-elle précisé, ajoutant qu’il avait même posté des vidéos de son projet sur les médias sociaux.  Elle s’est inquiétée de l’évolution du danger que présentent la radicalisation en ligne et les acteurs isolés.  Elle a regretté à cet égard que la question de l’utilisation des technologies nouvelles et émergentes à des fins terroristes n’ait pas été abordée depuis le précédent examen de la Stratégie antiterroriste mondiale, en dépit du développement rapide de ces technologies et de leurs incidences sur l’exercice des droits de l’homme.  Enfin, la représentante a demandé un financement durable et prévisible pour le Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies.

Au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, M. JOAQUÍN ALBERTO PÉREZ AYESTARÁN (Venezuela) a estimé que tous les actes, méthodes et pratiques terroristes sont injustifiables et violent de manière flagrante les principes de la Charte.  Cela étant dit, le terrorisme ne peut être assimilé à la lutte légitime des peuples sous domination étrangère ou coloniale, a-t-il souligné.  Il a rejeté l’instrumentalisation politique de la lutte contre le terrorisme, y compris sous la forme des listes établies arbitrairement ou unilatéralement accusant tel ou tel pays de soutenir le terrorisme.  Les efforts en la matière ne sauraient servir sous aucun prétexte à justifier l’ingérence dans les affaires intérieures d’un État, a martelé le représentant.

Saluant ensuite l’adoption à l’unanimité de la résolution, il a réaffirmé le rôle central et premier des États et institutions nationales pour agir, avec l’aide des Nations Unies.  Beaucoup a été fait depuis l’adoption de la Stratégie mondiale en 2006 mais le chemin à parcourir est encore long, a-t-il relevé.  Il ne peut pas y avoir de bons ou de mauvais terroristes, a-t-il dit, avant de dénoncer les mesures coercitives unilatérales qui font obstacle à l’élimination du terrorisme.  Il est nécessaire de reprendre aussi vite que possible les négociations sur une convention internationale, a-t-il plaidé, en conclusion.

M. ANTONIOS PAPAKOSTAS (Grèce) a noté que lors de l’examen de la Stratégie, les paragraphes pertinents de la résolution correspondant au trafic et au commerce illicites de biens culturels dont les terroristes peuvent bénéficier, ou qui peuvent être la cible d’attaques terroristes, n’ont pas été modifiés de manière significative.  Or il a tenu à souligner l’importance de renforcer concrètement les efforts de lutte contre ce type de trafic et de commerce, et d’assurer le retour des biens exportés ou importés, illicitement exhumés ou volés, vers leur pays d’origine. Selon l’UNESCO, ce pillage contribue substantiellement au financement des groupes terroristes.  Par ailleurs, a estimé le délégué, les acteurs de la société civile, en particulier les organisations dirigées par des femmes, devraient être davantage en mesure de contribuer aux objectifs de la Stratégie, dans un environnement qui respecte et promeut les droits humains.  Enfin, le délégué a rappelé l’importance de la résolution 2664 (2022) du Conseil de sécurité afin que la législation et les mesures antiterroristes n’entravent pas les activités humanitaires et médicales, conformément au droit international humanitaire.

M. LUIS UGARELLI (Pérou) a jugé essentiel de soutenir les victimes du terrorisme et de veiller à ce qu’elles soient traitées avec dignité et respect.  « Leur droit d’accès à la justice et aux mécanismes de réparation doit être garanti. »  Renforcer la capacité des États à assister les victimes est fondamental à cette fin, a-t-il ajouté, soulignant que la prise en charge des victimes du terrorisme a été l’un des objectifs prioritaires de son gouvernement avec la politique nationale multisectorielle de lutte contre le terrorisme 2019-2023. S’agissant de la lutte contre le financement du terrorisme, le travail des cellules de renseignement financier et des douanes est décisif, a dit le délégué, plaidant pour l’amélioration des mécanismes de coopération et d’échange d’informations entre ces entités au niveau national et international.  À cet égard, il a souligné que le Groupe d’action financière contre le blanchiment de capitaux et ses affiliés régionaux jouent un rôle important dans l’assistance aux États pour le renforcement de leurs systèmes financiers.

M. ARIEL RODELAS PEÑARANDA (Philippines) a souligné l’importance qu’il y a à assurer l’équilibre entre les intérêts des États et les quatre piliers de la Stratégie antiterroriste mondiale.  Six ans après l’attaque terroriste inspirée par Daech dans le sud des Philippines, le Gouvernement, a indiqué le représentant, a adopté une stratégie visant notamment à établir des partenariats avec les collectivités, lutter contre le financement du terrorisme et renforcer le contrôle aux frontières. Dans les domaines aérien et maritime, les Philippines travaillent avec le Programme de lutte des Nations Unies contre le terrorisme axé sur les déplacements.  L’incident de Marawi, a poursuivi le représentant, souligne la nécessité d’une approche globale.  Il a d’ailleurs déploré que l’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale ait été trop courte.  Insistant sur le respect des droits humains et du droit international humanitaire, le représentant a voulu que les programmes de renforcement des capacités soient conformes aux besoins des États en matière de sécurité mais aussi de développement.  La lutte contre le terrorisme doit respecter la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’indépendance et l’unité de chaque État, a-t-il martelé.

M. AKAN RAKHMETULLIN (Kazakhstan) a estimé que la Stratégie antiterroriste mondiale reste un instrument unique pour renforcer les instruments de lutte contre le terrorisme.  Elle n’envoie pas seulement un message clair mais elle permet aussi de prendre des mesures pratiques, notamment pour renforcer les capacités des États.  Rappelant la contribution du Kazakhstan aux efforts internationaux, le représentant a rappelé qu’à ce jour, 25 organisations, y compris Al-Qaida, sont reconnues comme terroristes et extrémistes.  Il a affirmé que son pays accorde une attention particulière à la réinsertion des ressortissants de retour d’Iraq et de Syrie, en particulier les femmes et les enfants, ajoutant que l’immense majorité a repris une vie normale. 

M. YONG-ERN NATHANIEL KHNG (Singapour) a salué l’adoption par consensus d’un texte important, ce qui envoie un message fort d’unité des États Membres face au terrorisme et en faveur des quatre piliers de la Stratégie antiterroriste mondiale.  Pour le délégué, il faudra en réexaminer les approches opérationnelles communes en 2026. Sur le plan national, son pays met l’accent sur la lutte contre le financement du terrorisme, l’action des autorités visant à détecter et dissuader le financement par le biais d’un régime de sanctions solide et des actions répressives.  Le délégué a souhaité que la coopération internationale débouche sur davantage d’initiatives sur ce front.  En Asie du Sud-Est, nous sommes parties à toutes les initiatives antiterroristes organisées sous les auspices de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), et nous continuerons de coopérer avec la communauté internationale au sens large pour défaire les groupes terroristes, a-t-il assuré. 

M. MATEUSZ SAKOWICZ (Pologne) a noté qu’en 2021, lors du précédent examen de la Stratégie antiterroriste mondiale, personne n’aurait pu imaginer qu’un an plus tard nous assisterions à « l’horrible guerre en Europe », due à l’agression non provoquée de la Russie contre l’Ukraine.  Cette situation, a-t-il déploré, a non seulement conduit à l’instabilité, à l’enterrement des accords existants et à la souffrance de personnes innocentes, mais a aussi inspiré de nombreuses organisations terroristes dans le monde.  Relevant à cet égard que Daech, Al-Qaida et leurs affiliés ont changé de tactique et recruté de nouveaux membres, notamment en utilisant la propagande en ligne, il a constaté que l’Afrique est également touchée par ce fléau, auquel certaines forces paramilitaires et mercenaires, comme le groupe russe Wagner, contribuent en alimentant les conflits.  Après avoir évoqué la menace croissante de l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan en Afghanistan et le débordement possible de ses activités en Asie centrale, le représentant a souligné la nécessité d’une approche globale du terrorisme et de ses causes profondes, qui implique les gouvernements, le secteur privé et la société civile.  Des progrès doivent, selon lui, être faits en matière d’échange d’informations, de partage des meilleures pratiques et de coopération sur le terrain, notamment pour contrer l’utilisation abusive des nouvelles technologies et pour tarir les sources financières du terrorisme. 

M. UHIMWEN ROBERT IMOHE (Nigéria) a salué le fait que la Stratégie antiterroriste mondiale prenne en compte des solutions lancées, menées et dirigées localement.  Il a aussi fait valoir qu’une coopération internationale axée sur la prévention et le renforcement de la résilience joue un rôle essentiel pour stopper la propagation du terrorisme.  Le Gouvernement nigérian a adopté en 2022 une loi sur la prévention, qui a créé le centre national de lutte contre le terrorisme.  La loi vise aussi à l’élaboration et à l’application des politiques et stratégies de lutte contre le terrorisme, a-t-il précisé en se prévalant de la création par cette même loi de la commission nationale des sanctions, comme recommandé par les résolutions du Conseil de sécurité dans la lutte contre le financement du terrorisme.  En outre, la loi établit un fonds d’affectation spéciale chargé d’indemniser les victimes d’actes terroristes. 

Par ailleurs, la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre renforce les capacités du Nigéria à lutter contre les trafics d’armes, a poursuivi le délégué.  Il a ajouté que le Gouvernement donne aussi la priorité à la lutte contre le financement du terrorisme, étant également déterminé à lutter contre l’utilisation abusive d’Internet et des nouvelles technologies par les groupes terroristes.  Le Nigéria poursuit par ailleurs ses efforts de lutte contre les menaces posées par Daech et Al-Qaida en Afrique, dans le cadre d’un partenariat international. Pour le représentant, le neuvième examen de la Stratégie antiterroriste mondiale devra prendre en compte les propositions qui n’ont pas été retenues, comme celles visant à affronter l’augmentation de la menace terroriste en Afrique portée par Daech, Al-Qaida et leurs groupes affiliés.  Pour le délégué, le prochain sommet africain sur la lutte contre le terrorisme, qui sera organisé à Abuja en 2024, sera l’occasion d’identifier des actions collectives visant à renforcer les efforts nationaux et les institutions régionales pour lutter efficacement contre la menace terroriste en Afrique. 

M. DZHAIANI (Ukraine) a estimé que la résolution, dans le contexte de la guerre en cours de la Russie contre l’Ukraine, réitère l’attachement de la majorité des pays au respect des principes de souveraineté, d’intégrité territoriale, d’indépendance et d’unité de la Charte des Nations Unies. « Le monde entier est témoin des méthodes de guerre terroristes de Moscou en Ukraine », a-t-il déclaré, évoquant les attaques contre des zones densément peuplées, le chantage nucléaire et l’écocide en cours dans son pays.  Le représentant a en outre accusé la Russie d’avoir miné les environs de la centrale nucléaire de Zaporijia, ce qui constitue une menace de catastrophe nucléaire non seulement pour l’Ukraine mais bien au-delà.  La communauté internationale ne doit pas tolérer l’activité terroriste d’État de Moscou dans sa guerre contre l’Ukraine, a-t-il insisté, rappelant que les actes de nature terroriste de « l’État agresseur » et de ses soutiens devront faire l’objet de poursuites judiciaires internationales. 

M. SURIYA CHINDAWONGSE (Thaïlande), rappelant que le terrorisme se joue des frontières, a noté que l’accès facile à Internet offre aux terroristes de nouveaux moyens de propager leur idéologie, de grossir leurs rangs et d’obtenir des financements.  Pour y répondre, il importe d’adopter une approche multiforme qui promeuve la coopération internationale et le respect des droits humains, a-t-il souligné, se félicitant que ces éléments figurent dans la résolution adoptée par l’Assemblée générale.  La Thaïlande, a assuré le délégué, est attachée à la prévention et à la lutte contre le terrorisme dans toutes ses manifestations, comme témoigne l’adoption de lignes directrices sur la coexistence et la diversité sociale dans le cadre du plan d’action contre l’extrémisme violent 2023-2027.  Dans ce cadre, des ressources sont allouées à l’enseignement pour encourager un esprit critique, afin de créer des sociétés inclusives et sans préjugés, a-t-il précisé.  Cet engagement va au-delà des frontières nationales, avec des échanges de renseignements et de bonnes pratiques, ainsi que des réunions au sein de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) sur la criminalité transnationale organisée et des travaux sur la communication stratégique face à l’extrémisme violent menés avec le Bureau de lutte contre le terrorisme.  Enfin, le représentant a plaidé pour le renforcement des capacités de pays comme le sien, y voyant un élément essentiel dans la lutte mondiale contre le terrorisme. 

M. PABLO ADRIÁN ARROCHA OLABUENAGA (Mexique) a fait remarquer que les défis de 2023 sont différents de ceux de 2006, lorsque la Stratégie antiterroriste mondiale a été adoptée.  L’utilisation d’Internet pour la radicalisation et la diffusion de messages de haine ainsi que les financements en ligne des activités terroristes obligent à revoir la Stratégie pour nous assurer qu’elle demeure un outil à la hauteur des défis à relever.  Le représentant a estimé que la lutte contre le terrorisme exige l’adoption d’une définition du terrorisme dans le cadre d’une convention générale sur la question.  Il a déploré le manque de souplesse et de volonté politique qui ont empêché de parvenir à une résolution actualisée.  La lutte contre le terrorisme doit respecter la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire et les droits humains, y compris le droit des réfugiés, a ajouté le délégué. 

Il a ensuite mis l’accent sur l’importance de la prévention pour lutter efficacement contre le terrorisme, notamment par le développement, l’éducation, la création d’emplois, la justice sociale et l’égalité des sexes.  Il a ensuite abordé la question du droit de légitime défense en citant l’Article 51 de la Charte et en priant de faire valoir ce droit seulement dans le cadre des limites des lois nationales, pour éviter de réveiller des sentiments de vengeance.  Il a ensuite cité la résolution « parapluie » 2664 (2022) qui prévoit de ne pas entraver l’aide humanitaire dans la mise en place de mesures nationales de lutte contre le terrorisme.  Il a aussi voulu que les mesures prises pour prévenir et combattre le terrorisme et l’extrémisme violent intègrent une véritable analyse de genre. Le fait que beaucoup des jeunes hommes décident de rejoindre des organisations extrémistes et de perpétrer des attentats terroristes nous oblige à mettre les notions de masculinité et de stéréotypes de genre au centre du débat, a conclu le délégué.

M. MITCHELL FIFIELD (Australie) s’est félicité que, lors du septième cycle d’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale, on ait reconnu l’impact parfois négatif des mesures antiterroristes sur les communautés qu’elles visent à protéger, car ces mesures exacerbent parfois les facteurs de radicalisation.  Le représentant s’est ensuite félicité de la création de l’unité chargée des questions de genre et de droits humains au sein du Bureau de lutte contre le terrorisme, espérant que cela favorise une approche fondée sur le genre dans les travaux. Il a également salué les efforts déployés lors du huitième cycle d’examen pour renforcer les cadres de compréhension et de réponse aux dimensions sensibles au genre du terrorisme, y compris la manière dont les conceptions de la masculinité jouent un rôle. Nous sommes déçus que l’Assemblée générale n’ait pas été en mesure de trouver un consensus sur ce point, a-t-il cependant déploré.  Par ailleurs, il a estimé qu’une approche globale de la société est essentielle pour prévenir efficacement l’extrémisme violent.  La société civile est en effet la mieux placée pour connaître les dynamiques locales et les meilleures solutions, adaptées aux communautés locales, a-t-il souligné.  

Enfin, se disant convaincu que le système des Nations Unies doit être transparent et responsable, le représentant s’est félicité des efforts déployés par le Bureau de lutte contre le terrorisme en vue d’élaborer des politiques stratégiques et de renforcer le suivi et l’évaluation.  Il a dit attendre avec impatience l’élaboration d’un cadre de résultats, qui pourrait être utilisé dans l’ensemble du système des Nations Unies pour aider les parties prenantes à évaluer de manière exhaustive la mise en œuvre de la Stratégie.  Cependant, a-t-il tempéré, nous aurions souhaité un contrôle indépendant de l’intégration de l’état de droit, des droits humains et de l’égalité des sexes en tant qu’éléments transversaux dans l’ensemble du travail des Nations Unies. Il a regretté qu’un consensus n’ait pas été atteint sur ce point.

Mme CECILE HILLYER (Nouvelle-Zélande) a attiré l’attention sur l’importance d’une approche inclusive et « pansociétale » de la prévention et de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, une approche « qui protège et promeuve les droits humains et qui soit sensible au genre ». La déléguée a souligné que le paysage mondial du terrorisme évoluant rapidement, la Stratégie doit s’adapter, être ambitieuse et inclusive pour refléter la nature changeante du terrorisme et de l’extrémisme violent.  Elle doit également promouvoir et défendre les droits de ceux que l’on cherche à protéger, a insisté la représentante.  Elle a répété que la Stratégie antiterroriste mondiale étant un document vivant, elle devra continuer d’être l’objet de discussions ouvertes et innovantes à l’ONU, du type de celles ayant prévalu lors des négociations sur le projet de résolution. 

M. MOHAMMED ALI AHMED AL SHEHHI (Oman) a indiqué que son pays combat de manière constante le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations. En outre, Oman respecte les buts et principes de la Charte des Nations Unies et se conforme à la Stratégie antiterroriste mondiale, a ajouté le représentant, faisant également état d’une stratégie nationale et d’un cadre scientifique pour combattre le terrorisme et son financement.  Oman s’est aussi doté d’une politique de prévention de la radicalisation afin de promouvoir les principes de tolérance et de non-recours aux discours de haine, a-t-il précisé.  Le pays s’emploie par ailleurs à promouvoir une politique neutre en matière d’informations et croit en une justice internationale non sélective et aux vertus de la tolérance pour faire face à la recrudescence de la haine, favorisée par les conflits.  Pour le délégué, une lutte efficace contre ces fléaux impose de couper les ressources alimentant les réseaux terroristes. 

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a noté que la menace est plus diffuse idéologiquement et géographiquement que jamais.  Al-Qaida et de Daech restent résilients et déterminés, en particulier en Afrique et en Afghanistan.  Les terroristes utilisent des drones, l’intelligence artificielle et des communications cryptées pour radicaliser les nouvelles recrues à la violence et commettre des actes de terrorisme.  La communauté internationale doit maintenir une pression antiterroriste efficace contre ces adversaires, a fait valoir le représentant.  Si les négociations ont été tendues, a-t-il admis, elles ont accouché d’un texte solide sur le rôle important de la société civile, de l’égalité des sexes et des droits humains.  Il s’est félicité que la résolution mentionne les attentats terroristes motivés par la xénophobie, le racisme et d’autres formes d’intolérance, ou commis au nom de la religion ou de convictions, ce que les États-Unis appellent « l’extrémisme violent à motivation raciale ou ethnique ». Par ailleurs, le représentant a appelé les États Membres à rapatrier leurs ressortissants du nord-est de la Syrie et à fournir une assistance technique à cette fin et pour leur réintégration, et demandé des poursuites judiciaires à l’encontre des combattants terroristes étrangers.  Enfin, il a regretté que la résolution soit restée muette sur la menace de l’utilisation de drones à des fins terroristes. 

M. BRETT JONATHAN MILLER (Israël) a déclaré que 28 Israéliens ont été assassinés par des terroristes palestiniens ces six derniers mois, et évoqué plus de 150 attaques terroristes palestiniennes.  Pendant ce temps, le terrorisme parrainé par l’État iranien finance, arme et entraîne en permanence des armées terroristes dans toute la région, a-t-il affirmé.  En Israël, il est difficile de trouver une seule personne qui ne connaisse pas quelqu’un qui a été tué ou blessé dans un attentat terroriste, a poursuivi le représentant, dénonçant des attaques antisémites qui prolifèrent à une vitesse vertigineuse.  Saluant l’adoption par consensus de la résolution, il a cependant estimé qu’une question cruciale ne reçoit pas l’attention qu’elle mérite.  « Je veux parler de l’incitation via les plateformes de médias sociaux - principalement parmi les enfants », a-t-il expliqué.  « Les enfants palestiniens à qui on a lavé le cerveau pour les inciter au meurtre se tournent de plus en plus vers le jihad et prennent les armes contre des Israéliens innocents », a-t-il déploré, affirmant que le nombre d’attentats perpétrés par des enfants palestiniens -dont certains n’ont que 13 ans- est en augmentation.  Enfin, le représentant s’est dit très déçu de voir que le paragraphe 43 du préambule a été, une fois de plus, inclus dans cette résolution.  Un élément essentiel pour combattre efficacement le terrorisme est d’adopter une approche de « tolérance zéro » pour contrer le terrorisme, a-t-il estimé.  Or le paragraphe 43 du préambule va tout à fait à l’encontre de cette approche et sert à justifier certains actes terroristes et le meurtre de sang-froid de civils innocents, a-t-il affirmé, indiquant donc s’en dissocier.

Mme SOPHEA EAT (Cambodge) a reconnu que si les désaccords persistent quant à une définition du terrorisme, l’adoption du projet de résolution est un signe incontestable d’unité de vues sur les questions entourant ce fléau et les risques que représentent son essor mondial.  Nous sommes tous concernés par ce phénomène, c’est pourquoi les réponses doivent être collectives, impliquant les pays, le secteur privé à la société civile, a-t-elle dit.  Dans ce cadre, elle a souligné que le Bureau de lutte contre le terrorisme a un rôle vital de coordonnateur des actions antiterroristes à tous les niveaux.  Sur le plan national, à l’heure de l’intelligence artificielle, nous avons modernisé, dans le respect du droit, notre système de protection des frontières et de surveillance aérienne, a fait savoir la déléguée, qui a ajouté que le comité national antiterroriste du Cambodge a contribué, à ce jour, à plus de 300 formations à la prévention des actes terroristes sur son sol. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est félicitée que la résolution adoptée réaffirme que le terrorisme est une menace existentielle pour tous.  Elle a également estimé que, pour faire progresser la lutte contre ce fléau, chacun des quatre piliers de la Stratégie antiterroriste mondiale doit bénéficier du même poids.  La représentante a précisé que son pays accorde une attention particulière au quatrième pilier, relatif aux droits humains et à l’état de droit. Ces droits et principes doivent être au cœur de toute approche contre le terrorisme, a-t-elle fait valoir, relevant qu’enfreindre les droits en prétendant les défendre est la meilleure façon de miner la confiance des populations.  La lutte contre le terrorisme doit offrir des alternatives aux idéologies extrémistes et nous ne parviendrons à les surmonter qu’en montrant l’exemple, notamment en respectant les droits de la personne en cas de poursuites judiciaires, a professé la déléguée. 

L’Albanie, a-t-elle poursuivi, a adopté des stratégies nationales de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.  En effet, bien qu’il n’ait pas connu d’attentats terroristes sur son territoire, le pays est confronté au phénomène des combattants terroristes étrangers.  C’est pourquoi, a-t-elle expliqué, des mesures ont été prises pour permettre à ces combattants et à leurs familles un retour dans la dignité.  Ceux reconnus coupables de crimes ont été traduits en justice et d’autres ont bénéficié de dispositifs de réinsertion dans la société. Enfin, la représentante s’est alarmée de la réduction, dans de nombreux pays, de l’espace accordé à la société civile, alors que, selon elle, celle-ci devrait avoir un rôle de premier plan dans les stratégies antiterroristes. 

M. MOHAMMAD AAMIR KHAN (Pakistan) a indiqué que le pays avait perdu 80 000 vies du fait d’actes de terrorisme et qu’il continuait de subir des menaces provenant de groupes terroristes présents dans son voisinage. S’interrogeant sur les causes du terrorisme, le représentant a exhorté à faire la distinction entre la lutte pour l’indépendance et contre la domination ou l’occupation étrangère, d’un côté, et les actes de terrorisme, de l’autre.  Il a dénoncé l’absence de mention des mouvances suprémacistes blanches et d’extrême droite dans la Stratégie actualisée, y compris les profanations de mosquées, du Coran et des musulmans.  Le délégué a déploré que les préoccupations des États musulmans n’aient pas trouvé de place dans le texte de la résolution, en particulier celles relatives à la haine des immigrants.  Il s’est interrogé sur la pertinence de cette approche fragmentaire qui refuse de condamner les discours de haine.  Il a également regretté l’approche discriminatoire et biaisée relative à l’Islam, marquée par l’absence de la mention de la Journée mondiale contre l’islamophobie dans la résolution.  Le représentant a invité l’Assemblée générale à examiner les raisons de la stigmatisation de l’Islam.  Il a aussi appelé à examiner l’utilisation d’Internet par les groupes terroristes avant de demander la création d’une commission chargée de trouver l’équilibre entre les quatre piliers de la Stratégie antiterroriste mondiale.

M. DENNIS FRANCIS (Trinité-et-Tobago) a réaffirmé son appui à la mise en œuvre de la Stratégie antiterroriste mondiale qui constitue un pilier important sur lequel reposent les efforts de la communauté internationale dans ce domaine. Il a mentionné la loi de lutte contre le terrorisme de Trinité-et-Tobago, qui établit une architecture juridique solide.  Le représentant a cité, notamment, les mesures qui peuvent être prises pour poursuivre au pénal les auteurs d’actes terroristes.  Toutefois, la menace terroriste est mouvante et le contour de cette menace est aujourd’hui beaucoup plus flou, a-t-il mis en garde, citant l’éventail d’idéologies, l’émergence des loups solitaires ou encore la mauvaise utilisation des technologies émergentes.  Pour les petits États en développement, ces défis sont complexes, plus nombreux, plus directs, a-t-il témoigné.  Il a donc appelé à regrouper les expertises, les technologies et les infrastructures de lutte contre le terrorisme pour fournir une assistance technique aux autorités nationales de ces pays.

M. TOR TANKE HOLM (Norvège) s’est félicité de l’adoption par consensus de la résolution qui démontre selon lui la volonté commune des États sur la question de la lutte antiterroriste.  Il s’est inquiété des tendances inquiétantes du terrorisme, citant l’Afrique qui est le continent le plus touché.  Il a fait remarquer que, dans certains contextes, les mesures antiterroristes ont de graves incidences sur les droits humains.  En l’absence d’une définition internationalement convenue du terrorisme, certains gouvernements ont déployé des mesures antiterroristes qui violent un large éventail de droits, a-t-il en effet constaté, soulignant que de telles mesures sont parfois utilisées pour cibler l’opposition politique, tout en réduisant l’espace de la société civile.  Le représentant a conclu en plaidant pour que les quatre piliers de la Stratégie antiterroriste mondiale soient appliqués de la même manière, sans oublier de lutter contre les causes du terrorisme par le développement notamment.

Mme GABRIELE SCHEEL (Allemagne) a estimé que la Stratégie antiterroriste mondiale doit évoluer constamment pour refléter les nouveaux développements et les menaces émergentes, et fournir ainsi une base solide aux efforts communs des pays.  Elle a rappelé que sur le plan national et dans les discussions à l’ONU, l’Allemagne met l’accent sur la prévention de l’extrémisme violent, et plus particulièrement l’extrémisme violent de droite.  Nous apprécions donc l’important travail accompli pour analyser l’extrémisme violent propice au terrorisme, a-t-elle ajouté, le rapport du Secrétaire général et le récent manuel publié par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) pour lutter contre l’extrémisme violent de droite qui a apporté des contributions précieuses à ce propos.  La représentante a également estimé que la Stratégie doit continuer de refléter les principes et les valeurs des Nations Unies, toute action antiterroriste devant en effet se fonder sur le respect des droits de l’homme et de l’état de droit, le soutien aux victimes et l’implication de la société civile. 

M. NORBERTO MORETTI (Brésil) a estimé que s’il est permis de se réjouir de l’adoption aujourd’hui de cette résolution, il est également important de réfléchir aux raisons pour lesquelles nous n’avons pas été capables d’être plus ambitieux.

Pour parvenir à un consensus, il a fallu se contenter d’une révision qui est un peu plus qu’une mise à jour technique du septième cycle d’examen, s’est-il désolé.  Il est naturellement difficile de se mettre d’accord sur une stratégie de lutte contre un ennemi dont on ne connaît pas exactement l’identité, a-t-il toutefois concédé.  De fait, a-t-il constaté, malgré toutes les conventions internationales qui criminalisent certains actes terroristes, toutes les résolutions du Conseil de sécurité sur la lutte contre le terrorisme et les huit examens de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, nous ne disposons toujours pas d’une définition juridique du terrorisme qui fasse l’objet d’un accord international. Il a, dès lors, jugé qu’il est grand temps de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve depuis des décennies la Sixième Commission en ce qui concerne le projet de convention générale sur le terrorisme international.  L’adoption d’une telle convention comblerait une lacune du droit international, a fait valoir le délégué en ajoutant qu’elle permettrait également d’éviter les perceptions fréquentes de deux poids deux mesures qui affaiblissent la lutte contre cette menace.

M. TIÉMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire), après l’adoption de la résolution par consensus, a salué la réaffirmation de principes essentiels, tels que l’adaptation de la Stratégie antiterroriste mondiale à la mutation constante du phénomène, le besoin de respecter les quatre piliers de la Stratégie, l’importance de la prévention et la nécessité de promouvoir la coopération internationale en raison de la nature transfrontalière du terrorisme.  Il s’est par ailleurs déclaré favorable à l’extension à trois ans du cycle d’examen de la Stratégie afin d’améliorer l’application des mesures arrêtées à chaque révision.  Le représentant a ensuite rappelé que son pays, frappé par le terrorisme depuis 2016, a mis en place ces deux dernières années une politique de lutte contre les vulnérabilités dans les zones frontalières du nord, en proie aux incursions de groupes terroristes.  Il a ainsi indiqué qu’en partenariat avec la France, une académie internationale de lutte contre le terrorisme a été créée en 2021.  La Côte d’Ivoire, a ajouté le représentant, participe également à l’initiative d’Accra, qui vise à faciliter le partage d’informations et la conduite d’opérations militaires transfrontalières conjointes entre États Membres afin de prévenir l’extrémisme violent et de lutter contre la criminalité transnationale.  Enfin, au titre de la coopération avec l’ONU, le pays a adhéré en 2021 au Programme de lutte contre les déplacements des terroristes et a participé en 2022 à un atelier de renforcement de l’application des mesures de gel des avoirs du Comité des sanctions contre Daech, Al-Qaida et les personnes, groupes et entités qui leur sont associés. 

Saluant l’adoption à l’unanimité de la résolution, M. RICHARD CROKER (Royaume-Uni) a voulu que l’on profite des trois prochaines années pour travailler à la pérennisation de ce consensus.  En pleine évolution, la menace terroriste persiste: l’emprise de Daech s’étend et le recours des terroristes aux nouvelles technologies, tels que les systèmes de drones aériens, se confirme.  Nous devons travailler avec tous les États pour trouver un terrain d’entente face à ces menaces, a préconisé le représentant, en appelant à des mesures visant la création des sociétés que le monde veut édifier.  L’égalité des sexes et les droits humains, s’est-il expliqué, sont au cœur de l’ONU et il revient au Bureau de lutte contre le terrorisme d’en tenir compte. Cette lutte, a-t-il ajouté, va aller au-delà de la coopération entre gouvernements.  Elle exige des partenariats avec le secteur privé et la société civile. 

M. RIYAD KHADDOUR (Syrie) a estimé que la propagation des combattants terroristes étrangers dans différentes régions du monde résulte en réalité du fait que certains États n’honorent pas leurs obligations internationales en matière de lutte contre le terrorisme.  Ces pays doivent être tenus responsables pour leur rôle dans l’aggravation de ce fléau, en particulier au Moyen-Orient et en Asie centrale, a-t-il ajouté.  Le représentant a accusé les États-Unis de maintenir une présence illégitime dans le nord-est de la Syrie pour se livrer à des tentatives de sédition dans les camps de prisonniers tenus par des milices qu’ils payent.  Nous sommes prêts, a promis le représentant, à divulguer des informations sur les violations du droit international commises par les États-Unis dans cette région.  Ce qu’ils veulent, c’est que la crise perdure, en faisant fi des conséquences humanitaires.  Il est temps que les familles retenues comme de véritables otages regagnent leur pays d’origine pour que s’applique enfin le droit et que les États-Unis quittent le nord-est de la Syrie, a martelé le représentant. 

M. JORGE EDUARDO FERREIRA SILVA ARANDA (Portugal) a salué l’adoption de la résolution par consensus, y voyant le reflet de l’engagement pris par les 193 États Membres pour lutter contre le terrorisme.  Il s’est également félicité de l’absence de recul dans les libellés du texte adopté.  Cela étant, le représentant a regretté que les délégations n’aient pas été prêtes à aller plus loin et aient manqué d’ambition sur certains points d’importance, notamment la participation de la société civile et l’égalité femmes-hommes. À ses yeux, la lutte contre le terrorisme nécessite une approche globale multidimensionnelle qui repose sur la coopération aux niveaux mondial, régional et national.  Sur cette base, le délégué a assuré que son pays veille à ce que les quatre piliers de la Stratégie antiterroriste mondiale soient appliqués, en particulier le deuxième relatif aux mesures préventives.  Le Portugal, a-t-il ajouté, est partie aux 19 instruments juridiques internationaux ayant trait à la lutte contre le terrorisme et a adopté une nouvelle stratégie pour prévenir et combattre ce fléau.  Notant enfin que le terrorisme est une menace en évolution constante, il a jugé que seules des actions collectives et des solutions multilatérales inclusives permettront d’y remédier.  Ce faisant, il importe aussi de respecter les droits humains et l’état de droit, en prenant soin d’intégrer les jeunes, les femmes, les dignitaires religieux et la société civile à cette entreprise, a-t-il conclu. 

M. OLEG O. MIKHAYLOV (Fédération de Russie) a estimé qu’il était très important de préserver la nature consensuelle de la résolution sur la Stratégie antiterroriste mondiale.  Dans le même temps, il faut examiner toute une gamme de questions telles que les mesures coercitives unilatérales ou les restrictions motivées politiquement, a-t-il aussi estimé, soulignant que de telles mesures nuisent aux efforts antiterroristes.  Le représentant s’est dit inquiet de la multiplication des attentats, appelant à une attention particulière à la lutte contre le néo-nazisme et le nationalisme agressif.  Il faut réfléchir aux moyens de contrer les idéologies extrémistes, a-t-il insisté, après avoir entendu ici-même à l’ONU les propos de personnalités de haut rang équivalents à une justification du terrorisme. 

Dénonçant certaines délégations d’avoir voulu exploiter ce point à l’ordre du jour pour lancer des allégations infondées, le représentant les a accusées de vouloir placer dans tous les débats la problématique de l’Ukraine.  En écoutant ces délégations, on a presque l’impression que le seul problème au monde, c’est le sort des Ukrainiens dont le régime utilise pourtant des méthodes ouvertement terroristes contre la Fédération de Russie et les Russes.  Nous accuser de terrorisme relève tout simplement du cynisme, a conclu le représentant. 

M. ABDUL RAHMAN (Malaisie) s’est inquiété de voir la perspective d’un vote augmenter à chaque cycle d’examen de la Stratégie.  La Malaisie, a-t-il indiqué, a renforcé son cadre juridique national ainsi que sa coopération bilatérale et multilatérale pour enquêter sur les personnes suspectées d’être des terroristes.  Le Gouvernement veille plus particulièrement à la menace que constitue l’utilisation à mauvais escient des technologies de l’information et des communications, d’Internet et des réseaux sociaux par des mouvances terroristes. Il privilégie les mesures de prévention en mettant en place des programmes de déradicalisation, réhabilitation et réintégration des anciens terroristes et de combattants terroristes étrangers.  Le délégué a cité la vision « Malaysia Madani » qui met en avant les valeurs de compassion, d’équité, de respect et de gouvernance, en particulier parmi les jeunes.  Le plan d’action national a permis d’écarter les menaces que représentent les idéologies extrémistes violentes, a-t-il assuré.  Soulignant l’importance du respect et de la tolérance envers les religions, les cultures et les peuples, le délégué a rappelé que le terrorisme et l’extrémisme violent ne peuvent en aucun cas être associés à une religion, une nationalité, une civilisation ou une ethnie. 

M. ANIL KAYALAR (Türkiye) a rappelé que son pays a été durement frappé par toutes les formes de terrorisme pendant des décennies, qui ont causé la mort de dizaines de milliers de civils.  Nous connaissons bien ce phénomène qui constitue pour nous l’une des plus graves violations des droits humains.  Le terrorisme ne peut et ne doit être associé à aucune religion, civilisation, nationalité ou groupe ethnique, a insisté le représentant, en s’inquiétant de la multiplication d’actes terroristes commis par une extrême droite propageant l’islamophobie, l’idéologie de la suprématie de la race blanche, les discours de haine, le racisme et la xénophobie.  Les tensions régionales et sectaires, l’intolérance et la faiblesse des institutions publiques offrent un terrain propice à la propagande du terrorisme et du radicalisme. La Türkiye, a poursuivi le représentant, est une fervente défenseuse de la coopération internationale dans la lutte contre ces fléaux. 

Notre pays est depuis des années, à l’avant-garde de la lutte contre les organisations terroristes qui ont des idéologies très diverses, comme le démontrent Daech, Al-Qaida, le PKK, le PYD ou encore l’YPG lesquels opèrent au-delà des frontières nationales, organisent des camps d’entraînement, acquièrent des ressources financières et exploitent les médias pour diffuser leur propagande et glorifier leurs actes malveillants à l’étranger.  Malheureusement, certains auteurs d’attentats terroristes, leurs complices et leurs argentiers ont pu échapper à la justice et voyager librement.  Or, a martelé le représentant, le succès de la lutte mondiale contre le terrorisme dépend des efforts collectifs pour refuser tout refuge aux groupes concernés.  La communauté internationale ne saurait laisser ces groupes abuser des droits humains et des libertés fondamentales, et exploiter ainsi le droit d’asile.  De même toute initiative visant à sous-traiter une organisation terroriste pour lutter contre une autre est condamnable.  C’est une erreur grave et contre-productive qui ne manquera pas d’avoir un effet boomerang.

M. RAMESH KUMAR CHARMAKAR (Népal) a déclaré que son pays suit les enseignements du Bouddha et promeut l’harmonie, la paix, la compassion et la non-violence. Le Népal ne compte aucun groupe terroriste identifié sur son sol, a-t-il dit.  Nous sommes déterminés à faire en sorte qu’aucun groupe terroriste n’utilise notre territoire pour attaquer un autre pays, a promis le délégué, avant de rappeler que le Népal est partie à neuf instruments internationaux de lutte contre le terrorisme.  Il a aussi rappelé que son pays coopère avec INTERPOL et applique les sanctions onusiennes. « Ensemble, nous pouvons former un bouclier contre le terrorisme. »

M. ZHANG JUN (Chine) a constaté que le terrorisme continue de représenter un grand défi pour la paix et la sécurité internationales, comme en témoigne la menace persistante de Daech, Al-Qaida et leurs affiliés.  De plus, d’autres organisations terroristes continuent d’étendre leur emprise en Afrique, a-t-il observé, jugeant essentiel de lutter contre les causes profondes de ce phénomène, comme les conflits et les troubles sécuritaires. Pour ce faire, l’heure est venue de renforcer la coopération internationale, avec l’ONU en son cœur.  Dans ce domaine, a ajouté le représentant, il ne peut y avoir de sélectivité: « on ne peut se concentrer uniquement sur la lutte contre des groupuscules terroristes qui nous menacent en fermant les yeux sur des groupes qui s’attaquent à d’autre pays ou encore les blanchir parce qu’ils servent les intérêts de certains ».  Étant donné que les terroristes se rallient à des organisations criminelles transnationales, l’action militaire seule ne peut suffire pour les combattre, a-t-il fait valoir, jugeant que les efforts entrepris doivent respecter le rôle de premier plan des pays concernés.  Le soutien aux pays affectés doit en outre être axé sur un renforcement de leurs capacités, a soutenu le représentant, qui a invité les donateurs à ne pas en profiter pour « imposer leurs objectifs ».  L’ONU, de son côté, doit allouer davantage de ressources à l’élaboration de lois et au renforcement des forces de l’ordre dans les pays en développement, a-t-il ajouté, espérant que le sommet de l’an prochain sur la lutte contre le terrorisme en Afrique contribuera à rallier le soutien de la communauté internationale au continent africain.  Enfin, il a souhaité que davantage d’attention soit porté à la situation en Afghanistan, où des groupes terroristes mettent en péril la paix et la sécurité internationales. 

Mme CARLA MARIA RODRÍGUEZ MANCIA (Guatemala) a demandé une application de la Stratégie antiterroriste mondiale conforme à ses quatre piliers.  La résolution que nous venons d’adopter facilitera la lutte antiterroriste, a-t-elle déclaré, en se félicitant du consensus obtenu.  Elle a insisté sur le lien entre terrorisme et criminalité transnationale organisée et mentionné les efforts de son pays visant à lutter contre celle-ci.  Nous craignons que la criminalité transnationale organisée ne crée des mouvances terroristes, a-t-elle dit, en appelant à une coopération internationale renforcée afin d’y remédier.  Enfin, elle a condamné le terrorisme sous toutes ses formes.

M. SARHAD SARDAR ABDULRAHMAN FATAH (Iraq), saluant le travail important de coopération internationale mené pour vaincre Daech, a indiqué continuer à lutter contre les vestiges du groupe terroriste et ses cellules dormantes. Il est important de dire que Daech continue d’être une menace et cherche une occasion pour lancer des attaques contre des civils, des infrastructures et des forces de sécurité, a-t-il mis en garde. Le représentant a ensuite tenu à souligner une question d’urgence, celle du camp al-Hol situé en Syrie, à 13 kilomètres de la frontière iraquienne.  Ce camp compte 50 000 personnes et 10 000 combattants étrangers dont la plupart sont des femmes et des enfants, a-t-il signalé.  Il a fait valoir que ce camp représente une menace directe tant à la sécurité iraquienne qu’à la sécurité régionale, citant notamment l’extrémisme qui s’y trouve.  Il est revenu sur la décision courageuse du Gouvernement iraquien de transférer en Iraq ses ressortissants et de les enrôler dans un programme de réintégration.  En outre, a-t-il ajouté, nous avons rapatrié des anciens combattants iraquiens emprisonnés en Syrie pour qu’ils soient jugés dans leur pays.  Invitant tous les pays à s’acquitter de leurs responsabilités concernant les combattants terroristes et leurs familles en les ramenant dans leurs pays d’origine, le délégué a indiqué être en contact avec les États concernés.

Droit de réponse

La République islamique d’Iran a accusé Israël d’être la principale source d’instabilité au Moyen-Orient.  C’est un régime de terreur qui se livre à la violence, à la torture et au terrorisme et qui essaie de diffuser de fausses informations et de politiser la lutte internationale contre le terrorisme.  Le régime israélien, a-t-elle poursuivi, appuie ouvertement le terrorisme dans la région et au-delà.  Ce régime a même reconnu son implication dans les attaques terroristes contre des fonctionnaires, des scientifiques et des civils iraniens.  Il s’est vanté de ses opérations de sabotage contre nos infrastructures nucléaires civiles et dans d’autres pays.  Nous rejetons, a dit la République islamique d’Iran, les allégations infondées et fabriquées de toutes pièces d’Israël, un régime terroriste qui ne respecte aucune règle ni aucun principe et qui n’a absolument pas le droit d’accuser les autres.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Décolonisation: partisans et adversaires de l’indépendance de Porto Rico s’opposent en tous points, sauf sur la nécessité qu’évolue son statut

Reprise de la session de 2023,
8e et 9e séances plénières – Matin et après-midi
AG/COL/3372

Décolonisation: partisans et adversaires de l’indépendance de Porto Rico s’opposent en tous points, sauf sur la nécessité qu’évolue son statut

Le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (Comité spécial des Vingt-Quatre) s’est réuni aujourd’hui pour étudier la question de Porto Rico, l’occasion pour plus de 70 intervenants d’exprimer leur souhait de voir évoluer son statut avant que les membres du Comité adoptent sans vote un projet de décision sur la question qui lui été présenté par Cuba.

Alors que l’archipel bénéficie actuellement du statut d’État libre associé aux États-Unis, le Comité spécial demande une fois de plus au Gouvernement des États-Unis d’assumer la responsabilité qui lui incombe et de prendre des mesures permettant au peuple portoricain d’exercer son droit à l’autodétermination et à l’indépendance, ainsi que de prendre des décisions souveraines, afin de répondre d’urgence aux besoins économiques et sociaux du pays. 

Ils sont criants: selon le rapport du Comité spécial des Vingt-Quatre, la crise humanitaire provoquée par les effets des ouragans Irma et Maria, survenus en 2017, a exacerbé les problèmes économiques et sociaux sur l’île, avec pour conséquence un taux de pauvreté passé de 45% à environ 60%, une migration massive vers les États-Unis et la remise en cause des efforts de développement économique durable.  Davantage de Portoricains vivent désormais aux États-Unis que sur l’île. 

À cela s’ajoute la tutelle mise en place par le Congrès en juin 2016, avec l’instauration d’un Conseil de supervision et d’administration financières pour recouvrer la dette publique de Porto Rico, estimée à plus de 70 milliards de dollars. 

Au diapason du Comité spécial, les partisans de l’indépendance ont fait valoir leurs arguments avec énergie, en remarquant que plus de 40 résolutions ont été adoptées par le Comité sans que les États-Unis n’en tiennent compte, et que la Cour internationale de Justice (CIJ) avait été saisie de la question.  Du point de vue indépendantiste, transférer les pouvoirs et les institutions des États-Unis à une assemblée constituante portoricaine constitue la seule issue possible à ce contentieux, conformément à la résolution 1514 (1960) de l’Assemblée générale. 

Sans relâche, les indépendantistes ont condamné ce qu’ils considèrent comme la mainmise d’une puissance coloniale sur un territoire envahi.  Au Congrès américain est reproché la mise en place, via le Conseil de supervision et d’administration financières, d’une « administration parallèle » comparée par un pétitionnaire à une équipe de « pantins de l’empire ». 

Dans son projet de décision, le Comité spécial note d’ailleurs avec inquiétude que le régime de subordination politique et économique en place à Porto Rico a encore été réduit du fait de la création du Conseil de supervision et d’administration financières.  Le texte signale en outre que les mesures d’austérité, qui entraînent une grave détérioration des conditions sociales et économiques du peuple portoricain et la privatisation de services essentiels tels que l’électricité, sont la cause d’une augmentation du coût de la vie dans une économie déjà précaire.

Quant au secteur privé américain, il a été vivement critiqué par nombre de pétitionnaires pour son emprise sur l’île, que ce soit dans le secteur de l’agriculture ou de l’énergie, au détriment des entreprises locales. 

Si elle devenait une nation à part entière, Porto Rico deviendrait en mesure de nouer les relations commerciales et diplomatiques qu’elle souhaite avec d’autres pays, et de choisir le modèle de développement qui lui conviendrait, ont appuyé les partisans de l’indépendance. 

La population a pourtant rejeté l’indépendance à trois reprises, ont rétorqué les partisans de la libre association ou de l’octroi du statut d’État américain à l’île selon qui les possibilités de croissance de l’île seraient bien supérieures si elle devenait le 51e État de l’Union. 

Les partisans du ralliement se sont eux aussi dits insatisfaits du statu quo actuel, reprochant vivement au Congrès américain de laisser traîner la question et exigeant la fin de l’injustice qui prive les Portoricains du droit d’être représentés au Congrès américain.  Le droit à l’autodétermination devrait in fine donner aux Portoricains les mêmes droits que tout citoyen américain, tandis que les appels à l’indépendance ne donneront aucun résultat de leur point de vue. 

Le Comité spécial se réunira de nouveau demain, vendredi 23 juin, à partir de 10 heures.

DÉCISION DU COMITÉ SPÉCIAL DU 18 JUIN 2021 CONCERNANT PORTO RICO

Audition des pétitionnaires - A/AC.109/2023/L.7A/AC.109/2023/L.13

M. RAMON NENADICH, de l’Estado Nacional Soberano de Borinken, a indiqué que même après l’instauration, en 1952, d’un gouvernement constitutionnel à Porto Rico, l’autorité du Congrès des États-Unis sur l’île est demeurée inchangée.  Étant donné que plus de 40 résolutions ayant été adoptées par le Comité spécial sans que les États-Unis n’en tiennent compte, la Cour internationale de Justice (CIJ) a été saisie sur la question suivante: les États-Unis peuvent-ils maintenir ce statu quo sur l’île ou peut-elle retrouver sa souveraineté?  Il a estimé que le Comité a la possibilité aujourd’hui de retourner la situation et de sortir de l’impasse, si la CIJ donne un avis consultatif.

Mme ANA M. LOPEZ, de Frente Independentista Boricua, a appelé à l’indépendance du territoire.  Elle a indiqué que la nationalité américaine a été imposée aux Portoricains sous la soumission, faisant fi de leurs souhaits à l’indépendance.  Près de 6 millions d’habitants ont été victimes de migrations forcées depuis leur invasion par les États-Unis.  Elle a également dénoncé la stérilisation des femmes et la destruction environnementale causées par le Gouvernement américain, coupables à ses yeux de « crimes contre l’humanité ». 

M. MANUEL RIVERA, de Puertorriquenos Unidos En Acción, a déploré l’évolution très lente de cette question et a appelé le Comité spécial à la renvoyer à l’Assemblée générale, en évitant les tentatives du Gouvernement américain de torpiller le projet.  Pour faire face au maintien, par le Congrès américain, du statut colonial du pays, il faut appliquer la résolution 1514 (1960), a-t-il insisté. 

M. ÁNGEL RODRÍGUEZ LEÓN, Movimiento Independenstista Nacional Hostosiano de Puerto Rico, a affirmé que le droit à l’autodétermination de son peuple lui a été dénié, après l’invasion et l’occupation de l’archipel par les États-Unis, qui continue d’exercer une emprise coloniale. 

Mme YADIRA OFARRILL, Congressional Extended Delegation-Georgia Chapter, a déclaré que les Portoricains doivent pouvoir exercer l’autodétermination, y compris ceux qui résident à l’extérieur de l’île. 

M. ADRIAN GONZALEZ COSTA, Puerto Rican Independence Party, a déclaré que les résolutions du Comité spécial de ces 40 dernières années devaient servir de cadre de référence pour l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple portoricain. 

M. JOSE ENRIQUE MELENDEZ, LULAC, a fait observer que le Comité débat chaque année d’un projet de résolution concernant Porto Rico présenté par Cuba et d’autres pays hostiles aux États-Unis qui l’utilisent pour critiquer ce pays sans faire d’efforts pour que le texte soit mis aux voix à l’Assemblée générale.  Cuba a alors présenté une motion d’ordre, déplorant que le pétitionnaire traite de questions qui ne font pas l’objet du présent débat et niant que son pays est hostile aux États-Unis.

Reprenant la parole, le pétitionnaire a affirmé être venu à l’ONU pour faire valoir la position de la majorité des Portoricains vivant sur l’île, exprimée maintes fois de façon démocratique.  Il a déploré que les habitants du territoire ne soient pas autorisés à choisir leurs propres représentants au sein des institutions démocratiques des États-Unis, y compris le président.  Selon lui, l’objectif des indépendantistes est de réduire l’influence des États-Unis dans la région au profit de celle de la Chine, de la Fédération de Russie, de l’Iran et d’organisations terroristes comme le Hezbollah. 

M. IVÁN ELÍAS RODRÍGUEZ, Insituto Hostosiano del Norte, a appelé l’Assemblée générale à prendre les mesures qui s’imposent pour transférer les pouvoirs et les institutions des États-Unis à une assemblée constituante portoricaine. À ses yeux, la constitution d’un État libre associé sur l’île a été approuvée pour tromper la communauté internationale et le peuple de Porto Rico.  Des entreprises des États-Unis ont imposé un monopole, limitent le développement des entreprises locales et transforment Porto Rico en un paradis fiscal, a-t-il décrié. 

Mme RACHELE FRUIT, Socialist Workers Party, a réclamé l’indépendance de Porto Rico et de tous les territoires coloniaux qui subsistent en Amérique latine.  Elle a exigé que le Gouvernement américain annule les dettes du territoire et respecte les droits fondamentaux de ses habitants, notamment ceux des syndicalistes.  Elle cité en exemple la Révolution socialiste cubaine qui a « cassé », selon elle, le joug impérialiste et montré à Porto Rico le chemin de la liberté. 

Mme SARA TORRES, Equality for Puerto Rico, a témoigné de la fierté des Portoricains et de leurs racines multiraciales, et de leur langue, le « Spanglish ».  Elle a exhorté au respect de leurs droits à la liberté et à l’égalité, tout en affirmant se sentir américaine dans son cœur. Favorable à ce que Porto Rico devienne le 51e État des Etats-Unis, elle a estimé qu’il était « facile d’être socialiste ou communiste quand on vit dans un pays prospère ». 

M. CARLOS RAFAEL ALICEA NEGRON, Movimiento Ñin Negrón del Movimiento de Liberación Nacional, a affirmé que le Gouvernement américain est coupable d’une occupation illégale de l’île allant à l’encontre du droit international et constituant un crime contre l’humanité.  Les États-Unis s’imposent par une violence coloniale, personnifiée par les mesures d’austérité et la dette subies par les habitants de Porto Rico, a-t-il dénoncé. 

M. EDWIN ORTIZ, Call to Action on Puerto Rico, a comparé le Gouvernement américain à une « junte », privant Porto Rico de ses ressources, avec le soutien de « capitalistes vautours ».  Il a dénoncé les forces antisyndicales et le pillage des ressources en eau sur l’île par des sociétés privées qui entravent le renforcement des capacités de l’île face aux catastrophes naturelles.  Il a ensuite exigé le transfert immédiat des pouvoirs souverains dont l’île a été privée. 

M. GERARDO RUBEN LUGO SEGARRA, Partido Nacionalista de Puerto Rico, a demandé aux États-Unis de reconnaître l’indépendance de Porto Rico, à moins d’un an du cent-vingt-cinquième anniversaire de leur invasion de l’archipel. Mais ce pays se croit investi d’un « pouvoir divin » sur certains peuples, s’est-il exclamé, en dénonçant l’« impérialisme yankee ».

M. RAFAEL OLIVERA-CINTRÓN, Boricuas Unidos en la Diaspora, a rappelé que, depuis 2010, Porto Rico a perdu de très nombreux habitants, partis s’établir aux États-Unis, en raison des crises de gouvernance et des droits humains, de la pauvreté aussi, que cause l’occupation américaine depuis trop longtemps.  Il a exigé qu’il soit mis fin au statut colonial de l’île.

M. MANUEL E MELENDEZ, Comites de la Resistencia Boricua, a considéré que l’impérialisme américain est l’ennemi, les États-Unis ayant perpétré de nombreux attentats à travers le monde, qualifiant Washington de « gouvernement barbare et génocidaire ». 

M. IGNACIO ROS, GA for Statehood for PR, a exigé la fin de l’injustice qui prive les Portoricains du droit d’être représentés au Congrès des États-Unis, estimant que l’île devrait devenir un État américain à part entière.  Il s’agit à ses yeux d’une « honte pour la démocratie » qui doit être corrigée dans les plus brefs délais.  Aux indépendantistes portoricains, il a rappelé que la population a rejeté l’indépendance à trois reprises. 

M. ISMAEL MULLER, Frente Socialista de Puerto Rico, a exhorté les États-Unis à respecter le droit international en ce concerne Porto Rico.  Selon lui, la région des Caribes souffre depuis longtemps des conséquences néfastes du colonialisme, illustrées par les retards de développement chroniques qui continuent d’affecter de nombreux pays. « La décolonisation des Caraïbes est un impératif pour l’humanité », dont la libération de l’Amérique latine est tributaire, a-t-il conclu. 

Mme VANESSA RAMOS, American Association of Jurists (Asociación Americana de Juristas), a réaffirmé le droit inaliénable du peuple portoricain à l’autodétermination et à l’indépendance conformément à la résolution 1514 de l’Assemblée générale.  Elle a recommandé au Comité spécial de centrer son action sur le colonialisme imposé par les États-Unis depuis son invasion en 1898, aggravé par l’imposition, par le Congrès, du Conseil de supervision fiscal.  Elle a dénoncé la contamination des sols et la pollution de l’île en toute impunité par les entreprises et les forces armées américaines. 

Mme JOCELYN VELÁZQUEZ, Jornada Se Acabaron Las Promesas, a déclaré que Porto Rico est devenu une « colonie américaine », un statut totalement inacceptable selon elle, d’autant que les instances législatives américaines empêchent l’existence de tout accord confiant une autonomie à l’île.  Elle a estimé qu’un nouveau traité de libre-échange n’entraînera que davantage de dépendance.  Le seul processus viable est la décolonisation et l’indépendance du territoire, a-t-elle insisté, avant de dénoncer le « silence complice » des Nations Unies sur la question. 

M. ANTONIO CAMACHO CAMACHO, La Asociación de Abogados Puertorriqueños Soberanistas en Washington D.C., a dénoncé l’attitude du Congrès américain et du Gouvernement des États-Unis, qui a constitué une « administration parallèle » pour diriger l’île, qu’il a comparé à une équipe de « pantins de l’empire » exerçant un régime fiscal favorable aux entreprises anglo-saxonnes pour détruire la nation portoricaine.  Il a appelé à défendre l’île par tous les moyens possibles, y compris en versant le sang. 

M. OMAR MARRERO, Département d’État du Gouvernement de Porto Rico, a affirmé que le peuple de Porto Rico souhaite renforcer son association aux États-Unis et devenir un État de l’Union, regrettant que la Chambre des représentants américaine n’ait finalement pas approuvé le processus.  Il a souligné que les habitants de Porto Rico recherchent l’égalité et la pleine participation politique pour façonner le processus régissant leur vie.  Les Portoricains doivent jouir des mêmes droits que les citoyens américains et les aspirations à l’indépendance ne donneront aucun résultat, a-t-il estimé. 

M. ROBERTO LEFRANC-FORTUÑO, Gouvernement de Porto Rico, a déploré que les représentants du peuple portoricain sont privés de leurs droits, considérant qu’ils sont les victimes de la colonisation.  Il a demandé qu’une action soit engagée de la part de l’ONU pour mettre fin à ce déni d’autonomie. 

Présentant une motion d’ordre, le représentant de Cuba a déclaré que certaines des interventions dépassaient le cadre imparti, priant la présidence de rappeler les pétitionnaires à l’ordre. 

M. ANGEL JAVIER SERRANO, Congressional Extended Delegation Florida Chapter Tampa Area, a rappelé que les Portoricains n’ont pas les mêmes droits et privilèges que leurs concitoyens établis aux États-Unis.  Le statut actuel de Porto Rico limite les possibilités de croissance de l’île, qui, si elle devenait un État, seraient bien supérieures, a affirmé le pétitionnaire. 

M. WALTER ALOMAR, Organization for Culture of Hispanic Origins, a estimé qu’en tant que nation indépendante, Porto Rico serait en mesure de nouer les relations commerciales et diplomatiques qu’elle souhaite avec d’autres pays et de choisir le modèle de développement qui lui conviendrait. 

M. RAMON VAZQUEZ-ESCUDERO, Coalition for Statehood for Puerto Rico, New Jersey Chapter, a estimé que Porto Rico devrait devenir le cinquante-et-unième État des États-Unis afin de permettre une véritable représentation politique des Portoricains, qui sont présentement des citoyens américains de deuxième classe.  Un tel statut accorderait en outre à l’île l’accès aux vastes ressources économiques des États-Unis et attirerait des investissements susceptibles de l’aider à surmonter la crise financière actuelle. 

Mme VIVIAN RIVERA MORENO, Extended Delegates for Statehood for Puerto Rico, a exprimé son appui au projet de faire de Porto Rico le cinquante-et-unième État des États-Unis, affirmant que cette idée est soutenue par le peuple portoricain qui a rejeté le statut de territoire.  Elle a demandé aux Nations Unies de se prononcer en faveur d’un projet similaire à la loi sur le statut de Porto Rico approuvée en 2022 par le Congrès américain, mais qui n’a pas été adoptée au Sénat.  Elle a demandé au Congrès de « se ranger du côté de la justice » en permettant au peuple portoricain de se prononcer sur cette question par voie de référendum juridiquement contraignant. 

Mme ZORAIDA VELEZ BENIQUEZ, Statehoodprnow Inc., s’est prononcée en faveur de la décolonisation de Porto Rico, conformément au droit à l’autodétermination des peuples reconnu par les Nations Unies.  Selon elle, le Gouvernement américain doit respecter ce droit en permettant à l’île de devenir le cinquante-et-unième État des États-Unis. Elle a demandé au Comité spécial d’exercer une pression sur le Congrès américain afin que la Charte des Nations Unies soit appliquée à Porto Rico. 

Mme VANESSA MARIA GRABER, Philly Boricuas, a témoigné des migrations de masses des habitants de l’île de Porto Rico vers les États-Unis pour fuir la crise économique, la pauvreté, le harcèlement de la police et un système de santé défaillant. Pour autant, ils ne sont pas représentés au Congrès américain, ce qu’elle a estimé injuste.  Elle a aussi mentionné les catastrophes naturelles et l’élévation du niveau de la mer impactant l’archipel, et les manquements du Gouvernement américain pour y faire face.  La seule solution, selon elle, est la décolonisation. 

M. FERMIN MORALES, Ruta de la Verdad /Route of Truth, a plaidé pour le maintien d’un service public de l’électricité sur l’île de Porto Rico.  Il a dénoncé l’emprise du secteur privé dans ce domaine, emprise décidée, a-t-il affirmé par le Gouvernement américain, qui a entraîné une multiplication par 7 des prix et des coupures dans tout l’archipel, dans un contexte de catastrophes naturelles et environnementales. 

Mme MYRNA PAGÁN, Vidas Viequenses Valen, originaire de l’île de Vieques, a fait état d’une île désormais contaminée à l’agent orange et irradiée.  Elle a dénoncé l’oppression coloniale et le manque de services de santé sur l’île de Vieques.  Elle a réclamé le droit de vivre en paix et dans la dignité, de manière autonome, et dénoncé « les actions de la junte » ainsi que « les riches venant se réfugier chez nous ». 

M. CHRISTINA MOJICA, The Puerto Rican Alliance, a déclaré que Porto Rico est une nation colonisée, et que l’annexion forcée ne fera que renforcer cette situation. Il a exigé qu’il soit mis fin à cent vingt-cinq ans d’impérialisme américain. 

M. MARIO SOLANO, Delegación Congresional Extendida, Texas chapter, a défendu un projet de référendum sur la possibilité pour les Portoricains de choisir entre le caractère d’état, la libre association ou l’indépendance.  « Sans État ni capitalisme, il n’y a pas de patrie », a-t-il ensuite déclaré, avant de taper du poing sur la table.

M. RAPHAEL AGOSTO-MIRANDA, Puerto Rico Not For Sale Campaign, a exprimé son opposition à l’impérialisme des États-Unis, qui essaient de s’approprier toutes les ressources de Porto Rico. 

Mme REV CARMEN HERNANDEZ, délégation du Congrès de Porto Rico, a dit qu’en tant que membre de la communauté LGBTQ, elle comprend la lutte pour l’égalité des personnes marginalisés de Porto Rico.  Elle a dénoncé la discrimination envers les Portoricains « invisibles », privés chaque jour de leur droit à l’égalité.  La voix du peuple portoricain doit être respectée, avec dignité et honneur, comme le mérite Porto Rico, a-t-elle déclaré. 

Mme MARIANA NOGALES-MOLINELLI, Chambre des représentants de Porto Rico, a fait état d’une situation invivable à Porto Rico et de l’urgente nécessité d’engager une action au sein de l’ONU conformément à la résolution 1514.  À ses yeux, les politiques néolibérales de la métropole ont pour objectif d’exploiter le peuple portoricain « comme des laquais ».  Elle a dénoncé la privatisation, les partenariats public-privé et la destruction de la nature et des terres agricoles qui ont affaibli le secteur public de l’île au profit d’intérêts privés, avec pour conséquence de prolonger notre « esclavage colonial ». 

M. EUGENIO MATIAS, Comite amigos de Eugenio Matias Perez, a rappelé que depuis 1961, 40 résolutions ont été adoptées par le Comité spécial pour demander aux États-Unis de reconnaître le droit des Portoricains à l’autodétermination. « Aujourd’hui, vous pouvez adopter une nouvelle résolution qui ne sera pas prise en considération », a-t-il ajouté.  Pendant ce temps, les États-Unis accroissent leur pression sur Porto Rico et la différence de traitement avec les autres États américains continue de se creuser. Des personnes non-élues contrôlent maintenant le budget de Porto Rico, au détriment de l’autonomie du territoire. « Il s’agit de colonialisme », a dénoncé le pétitionnaire. 

Mme NICOLE ALVAREZ ESPADA, de Abolish Act 60, a dénoncé la « loi 60 », coupable d’une fiscalité destructrice avantageant les plus riches au détriment de la classe moyenne, perpétuant la colonisation. 

Mme MARIA DE LOURDES GUZMAN, Movimiento Union Soberanista de Puerto Rico, a dénoncé la prise d’otage de l’économie portoricaine par le Gouvernement américain et la drogue qui saigne les rues de son pays.  La loi Promesa a profité aux actionnaires da Wall Street et aux conseillers financiers, condamnant les Portoricains à la misère et à l’exil, a-t-elle tranché. 

M. DANIEL VILA, Asamblea Nacional Soberana, s’est dit confiant quant à la tâche qui sera remplie par la CIJ.  Son avis ne pourra pas être trompé par l’impérialisme yankee, comme ce dernier a trompé l’Assemblée générale en 1952, a-t-il promis, qualifiant les États-Unis d’« empire du mal » et de « gouvernement pervers » qui a transformé les Portoricains en « rats de laboratoire ». 

M. MIGUEL ÁNGEL REYES DE JESÚS, Alianza Nacional Contra el Desplazamiento Poblacional (ANCODEPO), a déclaré que les recommandations de ce Comité au sujet de la situation à Porto Rico doivent être présentées à l’Assemblée générale, pour qu’elle contraigne les États-Unis à respecter les décisions souveraines de cet organe. 

Combien de temps va-t-il s’écouler avant que le statut de territoire autonome de Porto Rico soit enfin respecté, a lancé M. EDWIN PAGAN, Generacion 51.  Il a rappelé que la majorité de son pays s’est exprimée démocratiquement pour devenir un État fédéré. 

M. JUAN MARTINEZ-CRUZADO, Convergencia Nacional Boricua, a dénoncé les agissements du Conseil de supervision fiscale des États-Unis sur le financement de l’université dans laquelle il enseigne, où les employés ont vu leurs salaires diminuer et le coût des études a augmenté de manière exponentielle. 

Mme GABRIELA MALESPIN, New York Boricua Resistance, s’est inquiétée de la tentative du Gouvernement américain de s’accaparer les ressources de Porto Rico.  Les eaux côtières de San Juan sont vendues au plus offrant, et ce, pour les touristes et les colonisateurs.  Elle s’est également insurgée contre les tentatives de privatiser les services publics de Porto Rico, « mettant en péril notre planète et appauvrissant notre peuple pour servir les intérêts des États-Unis ». « La décolonisation n’est pas l’annexion », a martelé la pétitionnaire en mettant en garde contre l’intégration de l’île à un « empire violent qui n’a jamais aimé notre peuple ». 

M. LUIS TORO-GOYCO, Movimiento Diálogo Soberanista, a rejeté les mensonges de ceux qui souhaitent dissoudre le peuple portoricain dans la société américaine. Il a dénoncé les tentatives répétées des États-Unis de décimer le mouvement indépendantiste de Porto Rico en mettant en place un « arsenal de répression coloniale ». 

Mme XIOMARA TORRES, Party for Socialism and Liberation, a condamné la domination de Porto Rico par les « colons yankees », estimant que son peuple a le droit de déterminer son propre destin.  Chaque année, la population de Porto Rico continue de diminuer, au point où il y a maintenant plus de Portoricains vivant aux États-Unis que sur l’île.  Elle a dénoncé la « grande migration » involontaire des Portoricains, qui s’explique selon elle par des décennies de sous-développement et d’occupation militaire. « Le colonialisme et l’impérialisme américain sont notre ennemi commun qui reproduisent pour nous les mêmes terribles conditions où que nous allions », a-t-elle déploré. 

M. EDISON DIAZ, Barrio Boricua Resistance/New York Boricua Resistance, a fait part de sa volonté de voir émerger un Porto Rico « libre et anticapitaliste ».  Il a dénoncé la destruction des terres, la stérilisation des femmes, les coupures de courant, les fermetures d’écoles et d’hôpitaux par les « capitalistes ».  Il a annoncé que c’est la dernière fois qu’il participera à cette manifestation du Comité spécial, ne souhaitant pas cautionner la « politique électorale bourgeoise » ni le « pouvoir impérialiste » qui opprime Porto Rico depuis plus d’un siècle.  Les « petites cellules grises » qui pensent que l’on pourra vaincre la colonisation en se ralliant à l’État fédéral en seront pour leurs frais, a-t-il prévenu, avant de brandir puis jeter son passeport américain à terre, car celui-ci « ne changera rien à nos conditions de vie » dans les quartiers paupérisés des États-Unis, où sévit la police, le « pire gang » opprimant la diaspora.  Appelant Porto Rico à prendre le contrôle de son histoire, scandant « la révolution ou la mort », il a conclu en jugeant honteux d’avoir à respecter la bienséance pour des « idiots » qui ne respectent pas sa patrie.

Mme MARIA FERNANDEZ, Caribbean Studies Association, a évoqué la persécution politique dont son peuple est victime.  Dénonçant aussi le racisme dont les Portoricains, particulièrement les Afro-descendants et encore davantage les femmes, sont toujours victimes, elle a fait le lien entre les discriminations basées sur le genre, l’impérialisme et le « colonialisme internalisé en chacun de nous ». 

Mme RACHELLE FERNANDEZ RIVERA, The Point CDC, a expliqué avoir grandi dans le Bronx, à New York, en raison de la colonisation.  Malgré leur patriotisme sans faille, les efforts d’intégration de ses parents ont été entravés par le racisme, les transformant en citoyens de seconde zone, tandis que le lien avec leur île a été rompu dans la douleur.  Il est impossible de se loger décemment à Porto Rico et le travail manque, a-t-elle témoigné, dénonçant la façon dont le Gouvernement américain n’a pas respecté ses promesses. 

M. JOSE ROSSELLO, U.S. House Representative (Shadow) - Ricardo Rosselló, a égrené les nombreuses catastrophes naturelles essuyées par Porto Rico ces dernières années.  Ajoutées à la COVID-19, elles ont gravement impacté le développement de l’île.  Il a fait remarquer que la population de Porto Rico, dans sa majorité, souhaite que le territoire devienne un État de l’Union à part entière.  Il s’est prononcé pour l’autodétermination de l’île et donc, en toute logique, pour son ralliement plein et entier aux États-Unis. 

Mme LYDIA WALTHER RODRIGUEZ, CASA, a dénoncé les colonisateurs, qui enfreignent la souveraineté des Portoricains.  Elle a appelé au respect de leur autodétermination et de l’indépendance de leur territoire, exhortant en outre à mettre fin à la spoliation des ressources naturelles de l’île. 

Interventions des États membres du Comité

Au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), Mme NEDRA P. MIGUEL (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a noté que plus de 40 résolutions et décisions sur Porto Rico ont été approuvées par consensus au cours des dernières années.  Ces résolutions réaffirment, entre autres, « le droit inaliénable du peuple portoricain à l’autodétermination et à l’indépendance », a-t-elle rappelé.  Soulignant le caractère latino-américain et caribéen de Porto Rico, elle a appelé à l’éradication complète et rapide du colonialisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations. 

M. YURI ARIEL GALA LÓPEZ (Cuba) a rappelé que cette année marquerait la quarante et unième année consécutive pendant laquelle serait adoptée une résolution réclamant l’autodétermination pour le peuple portoricain.  Il a rappelé que son pays a un engagement historique en faveur de l’indépendance de Porto Rico et a assuré qu’il continuera à défendre l’exercice de son droit à l’autodétermination. 

M. ROBERTO BAYLEY ANGELERI (Venezuela) a appelé à mettre fin une fois pour toutes à la subordination politique de Porto Rico aux États-Unis, y compris le soi-disant Conseil de supervision fiscal, qui ne fait selon lui que perpétuer les conditions de dépendance et la pauvreté de l’île.  Il a exhorté les autorités américaines à respecter les résolutions pertinentes des Nations Unies, y compris les 30 textes adoptés par le Comité spécial, afin de mettre un terme à leur tutelle coloniale.  Le délégué a également demandé aux États-Unis de mettre fin à leurs exercices et autres « provocations » militaires menés contre son pays depuis les côtes de Porto Rico, où ils maintiennent des installations militaires. 

M. DIEGO PARY RODRÍGUEZ (Bolivie) a regretté l’absence de progrès significatif sur la question de Porto Rico, bien qu’il ne figure plus sur la liste des 17 territoires non autonomes de l’ONU.  Malgré son statut d’État libre associé, le Gouvernement de l’île continue d’être lié aux politiques de la puissance administrante des États-Unis, qui gère son territoire sans permettre son plein développement, a-t-il déploré.  Le représentant a appuyé pleinement les demandes présentées par le peuple portoricain afin qu’il obtienne au plus tôt l’indépendance et la souveraineté de son territoire. 

M. JAIME HERMIDA CASTILLO (Nicaragua) a soutenu la décolonisation complète de l’hémisphère, Porto Rico ne pouvant continuer à être l’exception au processus d’indépendance de l’Amérique latine et des Caraïbes.  Nous devons continuer à travailler pour que le peuple portoricain puisse enfin exercer son droit à l’indépendance et à l’autodétermination, conformément à la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale.  Cinq décennies se sont écoulées depuis l’adoption, par le Comité, de la première résolution sur Porto Rico, a-t-il rappelé.  Il a remercié Cuba d’avoir présenté le présent projet de résolution sur la question de Porto Rico, coparrainé, comme c’est le cas chaque année, par le Nicaragua. 

Mme NOUR ALI (République arabe syrienne) a dénoncé la dépendance politique de Porto Rico à l’égard des États-Unis, et a exprimé son inquiétude quant à la législation adoptée par le Congrès américain visant à imposer un Conseil de supervision fiscal au Gouvernement de Porto Rico, qui empiéterait effectivement sur l’autorité limitée de San Juan en matière de finances.  Les États-Unis ne peuvent pas priver le peuple portoricain de son identité et ont le devoir de permettre au territoire d’affirmer sa pleine indépendance et d’accélérer le processus qui permettra au peuple portoricain d’exercer pleinement son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance, a exhorté la représentante. 

M. VAHID GHELICH (République islamique d’Iran) a dit soutenir pleinement le droit du peuple portoricain à l’autodétermination et à l’indépendance sur la base de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.  Il a espéré que le projet de résolution à l’examen sera adopté par consensus, comme les précédents, ce qui témoignera d’un large soutien à l’indépendance de Porto Rico.  Le représentant a appelé la puissance coloniale à mettre un terme aux mesures d’austérité qui ont entraîné une grave détérioration des conditions sociales et économiques du peuple portoricain et augmenté le coût de la vie. Il a également appelé à accélérer les procédures en vue de faciliter l’exercice de son droit à l’autodétermination par le peuple portoricain.

Intervention d’un État observateur

Au nom du Mouvement des pays non alignés, Mme NIGAR BAYRAMLI-HAMIDOVA (Azerbaïdjan) a indiqué que la question de Porto Rico a été abordée lors du dix-huitième Sommet du Mouvement, tenu les 25 et 26 octobre 2019 à Bakou.  Le Mouvement s’était notamment inquiété du fait que la subordination politique actuelle du peuple portoricain l’empêche de prendre des décisions souveraines concernant de graves problèmes économiques et sociaux, notamment la crise budgétaire, l’insolvabilité du Gouvernement de Porto Rico et la nécessité de restructurer la dette publique. 

De même, les chefs d’État et de gouvernement du Mouvement ont exprimé leur inquiétude face à la législation adoptée par le Congrès américain pour imposer le Conseil de supervision et d’administration financières au Gouvernement de Porto Rico, qui empiète sur le pouvoir limité du gouvernement de San Juan en ce qui concerne ses affaires budgétaires, fiscales et autres. 

Le représentant a ensuite demandé aux États-Unis de restituer au peuple portoricain les terres et installations occupées de l’île de Vieques et de la station navale de Roosevelt Roads, l’exhortant en outre à accélérer le processus qui permettra au peuple portoricain d’exercer pleinement son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Somalie: les membres du Conseil de sécurité saluent les progrès politiques, mais s’inquiètent de la menace persistante des Chabab face au retrait de l’ATMIS

9356e séance – matin
CS/15332

Somalie: les membres du Conseil de sécurité saluent les progrès politiques, mais s’inquiètent de la menace persistante des Chabab face au retrait de l’ATMIS

Le Conseil de sécurité a examiné ce matin la situation en Somalie en présence de la nouvelle Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie (MANUSOM), Mme Catriona Laing, et du Président de la Somalie, Hassan Sheikh Mohamud, lequel a décrit les progrès politiques de son pays vers un système de gouvernance plus inclusif, vanté les progrès des forces de sécurité somaliennes dans leur lutte contre les Chabab avec l’aide de la Mission de transition de l’Union africaine (ATMIS), mais a aussi demandé la levée de l’embargo sur les armes imposé à son pays depuis plus de trente et un ans.  L’évolution politique et la réduction de la menace terroriste dans la perspective du retrait programmé de l’ATMIS ont dominé les discussions.

Venue présenter le rapport du Secrétaire général de l’ONU et les priorités qu’elle assigne à la MANUSOM pour les six prochains mois, Mme Laing a constaté des progrès significatifs dans la mise en œuvre des principales priorités nationales, notamment l’approfondissement du fédéralisme.  Elle a notamment relevé que les réunions de mars et de mai du Conseil consultatif national (CCN) avaient débouché sur trois propositions de gouvernance, dont un modèle électoral qui prévoit l’application du principe « une personne, une voix » lors des élections aux différents niveaux de gouvernement.  Cette mesure a été également saluée par le Représentant spécial pour la Somalie de la présidence de la Commission de l’Union africaine et Chef de l’ATMIS, M. Mohamed El-Amine Souef.  Celui-ci a noté à son tour que, durant les derniers mois, le pays avait continué de se concentrer sur l’obtention d’un consensus autour des questions critiques engageant son avenir, citant comme autres exemples positifs l’accord sur un modèle judiciaire fédéral et un accord, qu’il a jugé historique, sur l’architecture de sécurité nationale.

Les progrès politiques ont été largement salués par les membres du Conseil de sécurité, qui se sont également félicités, à l’image du Japon, du rétablissement de l’autorité de l’État.  Plusieurs membres occidentaux du Conseil ont néanmoins insisté sur la nécessité de faciliter l’expression de la société civile, afin de permettre la participation pleine et entière des femmes au processus électoral et constitutionnel et à la gouvernance du pays.  Un débat ouvert sur les propositions du Conseil consultatif national concernant la Constitution et les élections est essentiel pour garantir que ces changements bénéficient d’un large soutien populaire, ont ainsi déclaré les États-Unis. 

Pour plusieurs délégations, seule une politique inclusive à tous les niveaux permettra aussi de défaire une fois pour toutes les Chabab.  Même si les opérations militaires des forces de sécurité somaliennes des derniers mois ont permis de les déloger d’un certain nombre de zones et si d’autres offensives doivent encore être lancées, avec l’appui des troupes de l’ATMIS, la Représentante spéciale a rappelé que le groupe terroriste constituait toujours « une menace importante ».

Les différents intervenants se sont donc interrogés sur la question de la transition sécuritaire, qui doit permettre aux forces somaliennes d’assumer le poids de la lutte contre les Chabab après le retrait complet de l’ATMIS.  Ce dernier doit s’achever à la fin de 2024 mais doit commencer dès maintenant, avec le départ avant le 30 juin de 2 000 des quelque 18 500 soldats que le Conseil de sécurité a autorisés dans sa résolution 2628 (2022). 

Le Chef de l’ATMIS a demandé aux membres du Conseil de sécurité de se mettre d’accord collectivement, au cours des prochains mois, sur le rôle que la mission qu’il dirige devra continuer à jouer jusqu’à son retrait.  Nous devons parvenir ensemble à un consensus sur ce que la Somalie doit accomplir exactement au cours des 18 prochains mois pour garantir le succès de la transition, a-t-il insisté, alors que le Conseil de sécurité s’apprête, d’ici à la fin du mois, à renouveler l’autorisation de l’ATMIS.  La Fédération de Russie a vu dans le mandat de l’ATMIS un « facteur crucial de dissuasion » de toute activité extrémiste ou illicite en Somalie.  La France a, quant à elle, demandé que la préparation des prochaines phases de retrait soit accélérée, estimant que les objectifs fixés par la résolution 2628 (2022) devaient continuer à guider l’action du Conseil pour que les Somaliens prennent en charge leur propre sécurité à moyen terme et pour permettre le retrait définitif de l’ATMIS à la date prévue.

Le Président somalien, qui a indiqué que l’Armée nationale somalienne avait réalisé des progrès significatifs dans la lutte contre les Chabab, conjointement avec les communautés locales, a soulevé une autre question en regrettant que « notre voyage vers une Somalie pacifique et prospère se heurte à un formidable obstacle: l’embargo prolongé sur les armes imposé à notre nation depuis 1992 ». Face à cette requête appuyée également par la Chine et les membres africains du Conseil, les États-Unis ont souhaité des progrès supplémentaires, dans la perspective de l’examen du renouvellement du régime de sanctions établi par la résolution 751 (1992), en novembre prochain. 

La situation humanitaire du pays a également été évoquée, en particulier par la Représentante spéciale et par la nouvelle Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM), Mme Cindy McCain.  Mme Laing a rappelé que 8,25 millions de personnes, soit près de la moitié de la population somalienne, avaient besoin d’une aide humanitaire, alors que le Plan de réponse humanitaire 2023 pour le pays, d’un montant de 2,6 milliards de dollars, n’est actuellement financé qu’à hauteur de 29,8%. Mme McCain n’a pas écarté le risque de voir le pays perdre les précieux gains apportés par l’aide de la communauté internationale qui, en 2022, a fait sortir le pays de l’abîme de la famine.  La Suisse a appelé la communauté internationale à investir dans des programmes de réponse humanitaire et de consolidation de la paix prenant en compte l’adaptation au climat, dans un pays frappé par une sécheresse d’une durée exceptionnelle.  Sinon, a-t-il averti, le prochain choc climatique ramènera le pays de nouveau au bord de la famine, aggravera les déplacements et exacerbera le conflit. 

LA SITUATION EN SOMALIE (S/2023/443)

Déclarations

Mme CATRIONA LAING, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie (MANUSOM), a d’abord rappelé la récente visite en Somalie du Secrétaire général de l’ONU, y voyant le témoignage du fort engagement des Nations Unies aux côtés du Gouvernement et du peuple de Somalie.  Pour son premier exposé devant le Conseil, la nouvelle Représentante spéciale en Somalie a fait le point sur la situation politique, sécuritaire et humanitaire dans ce pays et dévoilé les priorités de la MANUSOM pour les six prochains mois.

Mme Laing a rendu compte de ses visites en Somalie, ainsi qu’en Éthiopie.  Elle a notamment mis en exergue la vision ambitieuse définie par le Président somalien Hassan Sheikh Mohamud, tout en reconnaissant les nombreux défis et risques qui se profilent à l’horizon, sachant que les opportunités sont également nombreuses. 

Sur le plan politique, la Représentante spéciale a relevé des progrès significatifs dans la mise en œuvre des principales priorités nationales, citant notamment la nomination de la Commission indépendante de révision et d’application de la Constitution, l’adoption de 11 textes législatifs et la réussite du principe « une personne, une voix » dans l’État du Puntland.  Elle a relevé que les réunions de mars et de mai du Conseil consultatif national (CCN) avaient débouché sur trois propositions de gouvernance, dont un modèle électoral qui prévoit l’application du principe « une personne, une voix » lors des élections aux différents niveaux de gouvernement.  En outre, après avoir déploré que l’engagement pris par les dirigeants politiques somaliens d’atteindre un quota de 30% de femmes lors des dernières élections fédérales n’ait toujours pas été respecté et que la représentation des femmes ait même baissé après les élections de districts au Puntland, la Représentante spéciale, rappelant qu’elle était la première femme à occuper ce poste en Somalie, a assuré qu’elle ferait une priorité de la mise en œuvre du programme pour les femmes et la paix et la sécurité dans le pays, 

Concernant la lutte contre les Chabab, Mme Laing a indiqué que les opérations menées par le Gouvernement fédéral avaient permis de les déloger d’un certain nombre de zones. Malgré cette « réussite notable », elle a rappelé que le groupe terroriste restait toujours « une menace importante ».  Évoquant les opérations militaires à venir, elle a notamment mentionné que devrait débuter dans les prochaines semaines l’opération Black Lion, une initiative menée par la Somalie avec les « États de la ligne de front ».  Elle a toutefois attiré l’attention sur trois défis liés aux opérations militaires à venir: une récente recrudescence de l’ampleur, du rythme et de la répartition géographique des attaques des Chabab; des défis politiques liés à des dynamiques claniques dans les régions concernées; et la coïncidence entre ces opérations et le début du retrait de la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS).

La Représentante spéciale a décrit un environnement opérationnel extrêmement difficile pour les agences humanitaires, avec quelque 430 000 personnes déplacées ces derniers mois et 580 000 personnes vivant dans des territoires contrôlés par des acteurs armés non étatiques.  Elle a rappelé que 8,25 millions de personnes, soit près de la moitié de la population, avaient besoin d’une aide humanitaire, et que le Plan de réponse humanitaire 2023 pour le pays, d’un montant de 2,6 milliards de dollars, n’était à ce jour financé qu’à hauteur de 29,8%. 

Évoquant, par ailleurs, les plans de transition de la MANUSOM, sur la base des recommandations issues de l’examen stratégique de 2022, la Représentante spéciale a fait observer que les différents aspect de la triple transition recommandée étaient interdépendants, mais que le moteur principal en était la transition sécuritaire. À cet égard, elle a indiqué que le retrait de l’ATMIS et le transfert aux forces de sécurité somaliennes se poursuit, mais que les contraintes et le rythme du processus de transition présentent des risques.  Cette transition figurera à la première place des cinq priorités de la MANUSOM que sa Cheffe a fixées pour les six prochains mois.  Pour le reste, la MANUSOM cherchera à rassembler les efforts de la communauté internationale en matière de stabilisation, soutiendra le processus de construction de l’État somalien et veillera à appuyer le Gouvernement fédéral pour qu’il achève l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Dans toutes les priorités, elle encouragera la participation et la représentation légitimes des femmes. 

M. MOHAMED EL-AMINE SOUEF, Représentant spécial pour la Somalie de la présidence de la Commission de l’Union africaine et Chef de la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie, a indiqué que, depuis son dernier exposé au Conseil de sécurité en février dernier, la Somalie a continué de se concentrer sur l’obtention d’un consensus autour des questions critiques engageant son avenir.  Il a indiqué à ce propos qu’en décembre 2022, le Conseil consultatif national (CCN) avait convenu d’un modèle judiciaire fédéral, une étape stratégique selon lui vers la mise en place d’un système judiciaire fédéral indépendant en Somalie. En mars 2023, a ajouté M. Souef, un accord historique sur l’architecture de sécurité nationale a vu le jour, tandis qu’en mai, le CCN a décidé de restaurer le principe « une personne, une voix » pour les élections.  Il a, de plus, assuré que l’Union africaine continuera d’offrir son soutien et son expertise aux autorités pour que la société somalienne devienne plus inclusive. 

M. Souef a indiqué que, depuis la formation du gouvernement en août dernier, les pouvoirs exécutif et législatif se sont activement engagés à faire en sorte que la Somalie soit gouvernée « sous la protection de la loi ».  Dans ce contexte, il a salué la promulgation de plusieurs projets de loi, des mesures encourageantes ayant en outre également été prises pour garantir l’achèvement du processus inclusif de révision de la Constitution au cours du mandat actuel du Gouvernement fédéral. 

Concernant la situation en matière de sécurité, M. Souef a noté que, sous la direction des forces de sécurité somaliennes (FSS), les Chabab ont été délogés de plus de 70 zones à travers la Somalie, les FSS ayant pu compter sur le soutien consultatif continu d’ATMIS en termes de respect du droit international humanitaire, des droits de l’homme et de protection des civils.  « Il est clair que l’offensive menée par les FSS, avec le soutien de la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS) et de partenaires internationaux a mis les Chabab sous pression opérationnelle », a-t-il poursuivi, ajoutant que cette campagne doit s’inscrire sur le long terme, nécessitant à cette fin une approche holistique.  « Il y aura des jours de grands succès, et des revers », a-t-il averti. 

M. Souef a demandé aux membres du Conseil de sécurité de se mettre d’accord collectivement, au cours des prochains mois, sur le rôle que l’ATMIS devra continuer à jouer jusqu’à son retrait du pays.  Nous devons parvenir ensemble à un consensus sur ce que la Somalie doit accomplir exactement au cours des 18 prochains mois pour garantir le succès de la transition, a-t-il insisté. 

Mme CINDY MCCAIN, Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM), a relaté son déplacement en Somalie le mois dernier.  « J’ai été horrifiée et le cœur brisé par ce dont j’ai été témoin. La violence, la peur et la famine sont la réalité quotidienne là-bas. »  Mme McCain a dit avoir parlé avec des mères dans un camp de déplacés à Dolow et avoir entendu que des troupeaux entiers de bétail ont été anéantis par les sécheresses.  Des terroristes recrutent des enfants dès l’âge de 11 ans, a-t-elle ajouté en donnant d’autres exemples d’épreuves subies par ces populations.  Des groupes armés, par exemple, ont enlevé de force des garçons à leurs familles pour rejoindre leurs rangs, tuant tous ceux qui refusaient. 

Mme McCain a alerté sur le besoin urgent d’aide et d’espoir.  Elle a averti des risques de voir le pays perdre les précieux gains apportés par l’aide de la communauté internationale qui, en 2022, a fait sortir le pays de l’abîme de la famine.  Elle a dénoncé la violence et l’instabilité qui ont détruit une grande partie de l’infrastructure nécessaire pour soutenir la production et la distribution alimentaires. Elle a aussi rappelé que la plus longue sécheresse jamais enregistrée a tué des millions de têtes de bétail et décimé les cultures, attirant l’attention sur les déplacements de personnes que cela entraîne.  Depuis le début de 2022, le conflit a provoqué plus d’un million de déplacements qui s’ajoutent aux 2,1 millions de déplacements causés par les catastrophes climatiques au cours des trois dernières années.  L’insécurité alimentaire est en plein essor en Somalie et plus de 6,6 millions de personnes, soit un tiers de la population, devraient être confrontées à une crise ou à des niveaux de faim pires, a-t-elle déclaré en se basant sur les données disponibles.  « Pire encore, 1,8 million d’enfants devraient souffrir de malnutrition aiguë en 2023. » 

La Cheffe du PAM a demandé de mettre en œuvre un plan d’action à cinq volets pour faire face à la situation d’urgence grave et croissante en Somalie.  Mme McCain a d’abord appelé les États Membres à contribuer immédiatement au Plan d’intervention humanitaire pour la Somalie, qui est gravement sous-financé.  Elle a témoigné de coupes dans les programmes d’aide vitale du PAM, « juste au moment où ils sont le plus nécessaires ».  Signalant qu’en décembre 2022 un nombre record de 4,7 millions de personnes recevaient chaque mois de l’aide alimentaire, elle a dit qu’à la fin d’avril, le PAM avait dû réduire son aide à 3 millions de personnes et que, sans injection immédiate de liquidités, il devrait réduire encore ses listes de distribution en juillet à seulement 1,8 million par mois.  Mme McCain a également demandé de travailler de concert pour veiller à ce que l’aide humanitaire vitale parvienne à la population somalienne, ce qui veut dire mener les opérations avec efficacité.  Elle a rappelé que le PAM est l’agence de l’ONU qui a la plus forte présence dans le pays, avec 13 bureaux sur place.  Enfin, elle a dit que l’aide alimentaire doit s’accompagner d’investissements visant à reconstruire les moyens de subsistance, à renforcer la résilience et à soutenir les programmes d’adaptation au climat.  Et pendant ce temps, le Conseil doit être le fer de lance des efforts visant à garantir un accès humanitaire sans entrave à toutes les communautés vulnérables en Somalie.  Elle a conclu en appelant à travailler ensemble pour trouver des solutions politiques afin de créer la stabilité et la paix en Somalie. 

M. HASSAN SHEIKH MOHAMUD, Président de la Somalie, a déclaré que, depuis son élection en mai 2022, six réunions du Conseil consultatif national ont été tenues, lesquelles ont abouti à des accords de consensus avec les États membres fédéraux sur la répartition des pouvoirs, le modèle judiciaire, le fédéralisme fiscal, l’architecture de sécurité nationale et le modèle électoral. Ces accords ouvrent la voie à un système de gouvernance plus inclusif et représentatif en Somalie, a-t-il assuré. 

S’agissant de la situation en matière de sécurité et de stabilité, le Président a indiqué que l’Armée nationale somalienne avait réalisé des progrès significatifs dans la lutte contre les Chabab, une lutte menée conjointement avec les communautés locales. Au cours de l’année écoulée, nous avons repris plus de 70 villes au groupe terroriste, entraînant l’ouverture des principales voies de transport nord-sud et de vastes zones de terres agricoles dans le pays, a-t-il expliqué.  Il a ajouté que son gouvernement avait pris des mesures importantes pour renforcer la réglementation contre le blanchiment d’argent et la lutte contre le financement du terrorisme, en fermant plus de 300 comptes qui fournissaient des revenus illicites au groupe terroriste.  Ces efforts, ainsi que le soutien obtenu des chefs religieux opposés à la stratégie idéologique des Chabab, ont porté un coup sévère à leurs opérations et remis en cause leur légitimité, s’est-il félicité. 

Le Président a affirmé que la capitale du pays, épargnée par les attaques terroristes, connaît une transformation remarquable.  Le secteur du logement de Mogadiscio connaît un boom et des entreprises des secteurs du commerce, de l’hôtellerie et de la santé ouvrent quotidiennement, a-t-il noté. Selon lui de tels progrès insufflent non seulement de l’espoir à nos citoyens, mais attirent également des investissements et favorisent un environnement propice à la croissance.

Le Président Mohamud a souligné que, parallèlement à la planification des opérations actuelles et futures contre les Chabab, les autorités du pays travaillent sur les modalités du retrait complet du pays des forces de la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS), conformément aux résolutions 2628 et 2670 du Conseil de sécurité.  La mise en œuvre du retrait des forces de l’ATMIS est exécutée en étroite collaboration avec un comité technique paritaire, a-t-il expliqué, assurant que les forces armées nationales somaliennes assument d’ores et déjà leurs responsabilités dans quatre bases d’opérations avancées.  Le Président somalien a aussi exprimé sa profonde gratitude à l’Union africaine pour le soutien remarquable que l’organisation régionale et la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) avaient apporté à son pays.  L’engagement inestimable de cette mission dans notre pays nous a permis de faire des progrès significatifs dans nos efforts de consolidation de la paix et de renforcement de l’État au cours des 15 dernières années, a-t-il salué. 

Après avoir exposé les politiques conduites pour éviter toute nouvelle famine et fournir une éducation à tous les enfants somaliens pour briser les cycles de la pauvreté, M. Mohamud a regretté que « notre voyage vers une Somalie pacifique et prospère se heurte à un formidable obstacle: l’embargo prolongé sur les armes imposé à notre nation depuis 1992 ».  C’est pourquoi, il a jugé crucial de réévaluer la situation à la lumière des progrès réalisés par la Somalie vers la mise en place de systèmes efficaces de gestion des armes et des munitions, systèmes guidés par les critères de référence proposés par l’équipe technique du Bureau du Secrétaire général et reflétés et approuvés dans les résolutions 2607 et 2662 du Conseil de sécurité.  Compte tenu des développements récents en matière de gestion des armes, le Président somalien a demandé instamment aux membres du Conseil d’entendre son appel à la levée complète de l’embargo sur les armes.  Ce faisant, vous nous donnerez les moyens d’affirmer notre souveraineté, de lutter efficacement contre le terrorisme et de construire un avenir paisible et prospère pour notre nation, a-t-il conclu.

M. SHEIKH SHAKHBOOT NAHYAN AL NAHYAN, Ministre d’État au Ministère des affaires étrangères des Émirats arabes unis, a dit apporter son soutien total à la Somalie, dans un esprit de partenariat et dans le cadre des liens de longue date avec ce pays et son peuple.  Il a salué l’engagement du Gouvernement fédéral de Somalie à mettre en place des institutions étatiques articulées autour d’une stratégie tournée vers l’avenir, en commençant par mettre l’accent sur la réconciliation et sur la refonte de son système électoral.  Il s’est dit encouragé par les mesures prises par le Gouvernement grâce à la négociation et au dialogue, pour parvenir aux accords et compromis nécessaires sur tous ces processus. 

Le Ministre a mis en exergue la recherche de l’amélioration de la coopération et des échanges entre le Gouvernement fédéral et les États membres fédéraux par l’intermédiaire du Conseil consultatif national.  Il a toutefois jugé très préoccupantes les violences qui se poursuivent à Laascaanood et les victimes civiles qui en résultent.  Les Émirats arabes unis soutiennent fermement tous les efforts visant à désamorcer les tensions par le dialogue. 

Le Ministre a appelé à apporter davantage de soutien aux efforts de lutte contre les Chabab.  Aujourd’hui, le principal obstacle à la réalisation des ambitions politiques et socioéconomiques de la Somalie est le terrorisme international qui sévit sur son sol, a-t-il déploré.  Enfin, évoquant le volet humanitaire, il a indiqué que les Émirats arabes unis s’efforcent de répondre aux besoins sur le terrain, avec une aide à la Somalie qui, au cours de la période 2018-2023, s’est élevée à 194,6 millions de dollars. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a salué les efforts du Président pour accélérer la mise en œuvre des réformes politiques, estimant que, pour que celles-ci soient couronnées de succès, il est crucial que le processus soit inclusif, consultatif et conforme à la révision constitutionnelle.  Nous encourageons toutes les parties, y compris le Puntland, à s’engager de manière constructive à cette fin, a ajouté la représentante. 

Pour le Royaume-Uni, seule une politique inclusive à tous les niveaux permettra en outre de défaire une fois pour toutes les Chabab.  À cet égard, la représentante a estimé que la durabilité des progrès militaires ne pourra se mesurer qu’à la capacité des autorités à maintenir et stabiliser les zones libérées ou reprises.  Elle a encouragé la Somalie à continuer de travailler avec l’ONU et ses partenaires pour coordonner les efforts de stabilisation et donner la priorité à l’investissement dans la réconciliation comme fondement d’un progrès à long terme. 

Concernant la transition en matière de sécurité, le Royaume-Uni estime que la communauté internationale doit continuer à soutenir la Somalie afin que le pays, une fois l’ATMIS retirée, parvienne, dès l’année prochaine, à assurer sa propre sécurité. Dans cette optique, le Conseil doit jouer son rôle, en aidant à la fois l’ATMIS à remplir ses fonctions essentielles jusqu’au bout et à planifier sa stratégie de sortie en tenant compte des besoins de la Somalie, a conclu la représentante. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a dit soutenir les efforts menés en Somalie dans la lutte contre l’extrémisme, l’édification de l’État et la réconciliation nationale.  Elle a salué les accords importants conclus récemment sur la politique fiscale fédérale, le modèle électoral du pays et le processus de révision de la Constitution, tandis que le renforcement des forces nationales de sécurité va bon train.  Elle a dit espérer que les parties prenantes au processus politique somalien, notamment les chefs du Somaliland et du Puntland, poursuivront leurs efforts conjoints pour établir un modèle pérenne de consolidation de l’État. 

Notant que la situation humanitaire demeure fragile dans tout le pays, malgré des victoires sur le nombre de personnes en situation de besoin, la représentante s’est aussi inquiétée de la situation sécuritaire.  Elle a relevé que les Chabab conservent leur influence dans le pays et continuent leurs assauts, notamment contre l’aéroport international de Mogadiscio. Elle a noté toutefois que l’offensive de l’armée nationale somalienne avait permis de repousser des positions des extrémistes.  S’agissant de Laascaanood, elle a apporté son appui à la médiation des autorités fédérales, des anciens clans et de l’Éthiopie pour régler le conflit armé.  Rappelant que la résolution 2592 (2021) a doté la MANUSOM d’un mandat « indispensable » pour soutenir les efforts de réconciliation entre les clans, elle a souhaité une résolution rapide de la situation.

La représentante a ensuite reconnu que le mandat de l’ATMIS demeure un facteur crucial de dissuasion de toute activité extrémiste ou illicite en Somalie.  En ce qui concerne son désengagement, il faut prendre en considération la situation réelle des choses en matière sécuritaire ainsi que les priorités des autorités fédérales et des États de la région, a-t-elle recommandé.  Elle a aussi salué les activités du Bureau d’appui des Nations Unies (BANUS), qui accorde une assistance matérielle, technique et logistique à la MANUSOM, à l’ATMIS et à l’armée nationale somalienne.  La priorité maintenant est de mutualiser les efforts de la communauté internationale pour améliorer l’efficacité des autorités fédérales en vue de la sortie de l’ATMIS et pour que les autorités du pays puissent endosser pleinement la responsabilité de la sécurité sur tout le territoire du pays, a conclu la représentante.

M. ZHANG JUN (Chine) s’est félicité de la présence du Président de la Somalie, estimant qu’elle permettrait au Conseil de mieux cerner la réalité et les préoccupations de ce pays afin d’apporter une aide plus ciblée sur la voie de la sécurité, de la stabilité et du développement. 

Le représentant a appelé à continuer à faire avancer le processus politique, insistant sur l’importance du dialogue avec les États membres fédérés pour trouver une solution en faveur de la paix et la stabilité durable dans le pays.  À ce propos, il a insisté sur le respect de l’intégrité et souveraineté de la Somalie, se disant opposé à toute action qui compromettrait ces principes.  Il a en outre fait part de sa préoccupation face aux affrontements à Laascaanood entre les forces de sécurité des autorités du Somaliland et les milices locales, enjoignant aux parties au conflit de cesser immédiatement les hostilités, retirer leurs forces, nouer un dialogue et à protéger la population.

Le représentant s’est inquiété de la menace terroriste posée par les Chabab qui est loin d’être éliminée, citant la récente attaque contre un hôtel de Mogadiscio.  La transition sécuritaire est donc à une phase cruciale, a-t-il estimé, avant de conseiller au Gouvernement de renforcer les capacités de ses forces et de se doter de capacités antiterroristes indépendantes. Il s’est félicité, à cet égard, de l’initiative des États de la ligne de front et du renforcement de la coopération régionale pour assurer la sécurité.

À la lumière de l’évolution de la situation, le représentant a appelé le Conseil à revoir et adapter l’embargo sur les armes afin d’aider le pays à renforcer ses capacités de défense.  Il s’est, enfin, félicité de l’excellente contribution de l’ATMIS à la paix et à la sécurité de la Somalie.  Alors que le Conseil discute de la transition de l’ATMIS, il a souhaité que le Gouvernement augmente sa coopération avec la Mission, afin de mettre en œuvre peu à peu le plan de réduction progressive de sa présence et assurer le transfert des responsabilités.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), a salué les efforts du Gouvernement somalien pour combattre les Chabab et restaurer la paix et la stabilité dans tout le pays.  Les succès obtenus jusqu’à présent dans la lutte contre le groupe terroriste témoignent de l’engagement du Gouvernement somalien à assurer la sûreté et la sécurité de ses citoyens, a-t-il estimé.  Compte tenu des incidents récents, il a exhorté le Conseil et la communauté internationale à continuer de soutenir la Somalie pour s’assurer que le Gouvernement somalien sera en mesure de lutter efficacement contre la menace terroriste à l’intérieur de ses frontières et de promouvoir la paix, la sécurité, la stabilité et le développement dans le pays.  Pour les A3, le mandat de l’ATMIS, qui est actuellement renégocié, doit être clair, réaliste et adapté aux besoins de sécurité de la Somalie.  Se félicitant ensuite des progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’accord de réconciliation de l’État du Sud-Ouest, le représentant a exhorté toutes les parties à continuer d’œuvrer à sa mise en œuvre intégrale pour stabiliser durablement la région. 

En ce qui concerne l’ATMIS, les A3 jugent que, la situation sécuritaire actuelle dans le pays restant une source de préoccupation importante, le retrait des troupes de la Mission doit être mené de manière coordonnée, proportionnellement au déploiement des forces de sécurité somaliennes, afin « d’éviter l’apparition de nouveaux défis sécuritaires ».  Dans ce contexte, les A3 soutiennent pleinement les appels du Gouvernement somalien à la levée totale de l’embargo sur les armes, considérant qu’il est essentiel que la Somalie soit en mesure de lever une armée robuste pour assumer les responsabilités en matière de sécurité, ce qui « ne peut être réalisé que si l’embargo sur les armes est levé ».  Le droit souverain de légitime défense contre une attaque terroriste ne doit pas être refusé au peuple et au Gouvernement somaliens, a encore affirmé le représentant, qui a exhorté le Conseil à ne pas ignorer les appels répétés du Président somalien et à soutenir ses efforts « pour libérer des territoires et assurer la sûreté et la sécurité du peuple somalien ». 

M. NORBERTO MORETTI (Brésil) a salué les efforts déployés par la Somalie et ses voisins pour mettre en place l’initiative des États de la ligne de front.  À cet égard, il a salué l’engagement de Djibouti, de l’Éthiopie, du Kenya et de la Somalie à étendre les opérations contre les Chabab et à coordonner les efforts pour consolider les acquis en matière de sécurité.  Le représentant a, en outre, condamné avec la plus grande fermeté l’attaque « épouvantable » perpétrée contre la base avancée d’opérations de l’ATMIS que les troupes ougandaises occupaient dans le Bas-Chébéli.  Il a réitéré sa reconnaissance pour le travail courageux accompli par le personnel de l’ATMIS à l’appui de la paix et de la sécurité en Somalie et pris acte des efforts déployés par la Somalie pour faire progresser la mise en œuvre de son architecture de sécurité nationale, parallèlement aux phases actuelles de retrait de l’ATMIS.

Le Brésil, qui partage avec d’autres membres du Conseil les graves préoccupations que suscite la violence à Laascaanood, appelle toutes les parties à conclure d’urgence un accord de cessez-le-feu, a lancé le représentant.  Pour finir, il a encouragé la MANUSOM à redoubler d’efforts dans le cadre de son mandat pour favoriser un dialogue inclusif, promouvoir un règlement pacifique des différends et s’engager auprès de toutes les parties au conflit.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a salué les efforts déployés par la Somalie pour faire progresser la mise en œuvre de ses principales priorités nationales depuis l’entrée en fonctions du Président Mohamud l’année dernière.  Pour l’Albanie, ces progrès devraient être suivis d’un processus de révision constitutionnelle plus inclusif pour les femmes, les jeunes et les groupes marginalisés, et d’un élargissement de l’espace civique. 

Après avoir reconnu les progrès accomplis par la Somalie dans la prise en charge des responsabilités en matière de sécurité, ainsi que les efforts consentis pour renforcer ses capacités de gestion des armes et des munitions, la représentante a réitéré l’appel urgent de la Somalie et du Secrétaire général pour combler sans délai le déficit de financement du Plan de réponse humanitaire 2023 et celui des initiatives de développement et de consolidation de la résilience des communautés locales. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a reconnu que le Plan de transition des Nations Unies pour la Somalie est une entreprise à long terme qui nécessite des efforts constants pour parvenir à une bonne gouvernance par le biais notamment du renforcement des capacités institutionnelles.  Le représentant a dès lors misé sur l’affermissement de l’autorité de l’État, qui doit permettre l’amélioration de la fourniture des services sociaux de base auprès des populations.  Ainsi, l’État pourrait regagner la confiance de celles-ci et lutter d’autant mieux contre les Chabab, a-t-il considéré.  Par ailleurs, le représentant a souligné que l’ONU et les organisations humanitaires doivent promouvoir ensemble une assistance holistique et coordonnée basée sur le lien entre l’humanitaire, le développement et la paix.

Le Japon, pour sa part, a-t-il indiqué, a contribué au développement des capacités des fonctionnaires des administrations locales par le biais de programmes de formation.  Il fournit en outre une aide alimentaire d’urgence par l’intermédiaire du Programme alimentaire mondial (PAM) pour atténuer l’insécurité alimentaire.  Selon lui, la Commission de consolidation de la paix (CCP), aux côtés de l’ATMIS, peut également jouer un rôle important pour accompagner l’État dans la phase de transition politique.  S’agissant de la situation en matière de sécurité, il a condamné les violences en cours à Laascaanood, avant de saluer le dialogue national entre les parties instauré et dirigé par la Somalie.  Une transition réussie en Somalie est essentielle pour la paix et la stabilité dans toute la région, ce qui nécessite un soutien continu de la communauté internationale, a conclu le délégué japonais. 

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a félicité la Somalie pour sa volonté manifeste de lutter contre les Chabab et de rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays.  Pour surmonter les défis qui subsistent en Somalie, il a recommandé le maintien d’une dynamique positive en matière de sécurité, de réconciliation politique et de développement économique.  De plus, a-t-il insisté, il est essentiel de libérer les territoires encore tenus par les Chabab dans le centre de la Somalie et de veiller à ce que les communautés locales reçoivent le soutien dont elles ont besoin pour se rétablir, afin de créer les conditions nécessaires à la réussite des opérations menées plus au sud.  Pour lui, un débat ouvert sur les propositions du Conseil consultatif national concernant la Constitution et les élections est essentiel pour garantir que ces changements bénéficient d’un large soutien populaire.

Bien qu’il mesure les difficultés pour parvenir à un cessez-le-feu afin de mettre un terme à la violence dans le Laascaanood, le délégué a salué les efforts déployés récemment par le Gouvernement fédéral de Somalie à cet égard.  Il s’est dit particulièrement encouragé par l’engagement de la Somalie à mener des efforts pour restaurer la sécurité et la stabilité dans le pays, faisant part de la détermination des États-Unis à travailler en partenariat avec la Somalie pour atteindre ces objectifs communs.  Enfin, tout en saluant les progrès continus de la Somalie en ce qui concerne les critères énoncés dans le rapport du Secrétaire général de septembre 2022 pour évaluer sa demande de levée totale de l’embargo sur les armes, le représentant a souhaité des progrès supplémentaires, promettant de travailler en étroite collaboration avec ses partenaires du Conseil de sécurité sur cette question lors de l’examen du renouvellement du régime de sanctions 751 en novembre prochain.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a déclaré que, face à la menace persistante des Chabab pour la paix, la sécurité et à stabilité en Somalie et dans la région, tout doit être entrepris pour assurer un cessez-le-feu sur tout le territoire et maintenir un dialogue national qui favorise la stabilité, la mise en œuvre des processus politiques et la reprise économique.  À cette fin, les efforts et les initiatives du Gouvernement fédéral de la Somalie, du Gouvernement de l’Éthiopie et des chefs communautaires sont essentiels, a affirmé le représentant, qui a en outre appelé la communauté internationale à aider le pays à renforcer son système national de sécurité. 

Le représentant a également appelé la communauté internationale à continuer de soutenir les efforts de protection des civils en Somalie, y compris dans le cadre du processus de transition porté par l’ATMIS.  Il a en outre salué les efforts essentiels de l’Union africaine en ce sens, ainsi que ceux des organisations sous-régionales et des mécanismes régionaux inclus dans les opérations de paix.

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) s’est dite encouragée par l’engagement positif de la Somalie, citant les récents accords conclus, sous la houlette du Conseil consultatif national, pour arriver à un modèle de fédéralisme fiscal et à la modification de l’architecture de sécurité nationale.  Elle a demandé la participation pleine et entière des femmes dans le processus électoral et constitutionnel.  Se disant préoccupée toutefois par la situation en matière de sécurité dans le pays, notamment à Laascaanood, elle a salué les efforts du Gouvernement de la Somalie, de l’Éthiopie et des clans pour parvenir à un cessez-le-feu, et a condamné les offensives menées par les Chabab.  La déléguée a salué la détermination des pays voisins, notamment l’initiative des États de la ligne de front qui engage Djibouti, l’Éthiopie et le Kenya.  Elle a misé sur ces efforts pour faciliter la transition de l’ATMIS, mission pour laquelle elle a demandé un soutien financier diversifié.  L’Union européenne la soutient depuis sa création à hauteur de plus de 2,2 milliards d’euros, a-t-elle rappelé. 

Inquiète aussi de la vulnérabilité du pays aux chocs climatiques, la représentante a salué le rôle du Conseiller climatique à la MANUSOM, avant de se féliciter que la famine ait été évitée.  Cependant, elle a alerté sur les 6,6 millions de personnes qui vont probablement rester en situation d’insécurité alimentaire, sachant qu’environ 1,8 million d’enfants de moins de 5 ans seront probablement confrontés à une malnutrition aiguë et à des maladies d’origine hydrique, telles que le choléra.  Elle a apprécié l’appui de la MANUSOM également pour lutter contre la violence basée sur le sexe et a appelé à la coordination avec les partenaires humanitaires pour mieux protéger la population.  Elle a conclu en plaidant pour la protection des enfants par l’application des plans et feuilles de routes pertinents.

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a déclaré que le respect du droit international doit être au cœur de la réponse à l’insécurité dans l’ensemble du pays.  Il a déploré la poursuite des attaques des Chabab et d’autres groupes armés et a reconnu les efforts déployés par le Gouvernement et l’ATMIS pour y faire face, appelant tous les acteurs à respecter les droits humains et le droit international humanitaire, et à assurer la protection des civils, y compris des enfants.  Pour le représentant, une approche coordonnée, holistique et inclusive doit guider les efforts de rétablissement précoce, de restauration de la présence de l’État et de consolidation de la paix dans les zones récupérées des Chabab.  « Cela est essentiel pour restaurer et consolider le contrat social », a-t-il dit. 

Le représentant a ensuite indiqué que son pays promeut un engagement actif de l’ensemble de la société somalienne afin de renforcer la gouvernance locale inclusive et de donner une voix aux femmes, aux jeunes et aux clans minoritaires.  Celle-ci doit en effet être entendue et intégrée dans les processus décisionnels, a-t-il souligné.  En outre, il a appelé la communauté internationale à investir dans des programmes de réponse humanitaire et de consolidation de la paix prenant en compte l’adaptation au climat.  Sinon, le prochain choc climatique ramènera le pays de nouveau au bord de la famine, aggravera les déplacements et exacerbera le conflit, a-t-il averti. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a déclaré que les réformes institutionnelles et la lutte contre les Chabab doivent se poursuivre.  Elle a salué la nouvelle dynamique impulsée depuis un an pour mettre en œuvre plusieurs priorités nationales, citant notamment l’approfondissement du fédéralisme par un dialogue renouvelé entre le Gouvernement fédéral et les États fédérés.  Le renforcement des institutions et la finalisation de la Constitution doivent aboutir, a-t-elle ajouté.  Et il est essentiel que la participation des femmes et des jeunes soit assurée dans l’ensemble de ces processus.

La représentante a ensuite appelé le Gouvernement somalien à poursuivre ses efforts de lutte contre les Chabab.  Préoccupée par les violences qui se poursuivent à Laascaanood, elle a salué les efforts du Gouvernement somalien en vue de restaurer le dialogue et de permettre une désescalade, avant de l’appeler à poursuivre ses efforts de mise en œuvre du plan d’action pour prévenir le recrutement et l’emploi d’enfants.  Elle a par ailleurs encouragé l’établissement d’un espace civique qui donne voix aux acteurs de la société civile et qui permette la participation pleine et entière des femmes à la gouvernance du pays. 

Notant enfin que le Conseil de sécurité s’apprête à renouveler le mandat de l’ATMIS, elle a estimé que les objectifs de la résolution 2628 (2022) doivent continuer à guider l’action du Conseil pour que les Somaliens prennent en charge leur propre sécurité à moyen terme et pour permettre le retrait définitif de l’ATMIS au 31 décembre 2024.  Pour cela, la préparation des prochaines phases de retrait doit s’accélérer, a-t-elle indiqué.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: appels pour un renforcement de l’architecture de sécurité maritime du golfe de Guinée pour les dix ans du Code de conduite de Yaoundé

9355e séance – après-midi
CS/15331

Conseil de sécurité: appels pour un renforcement de l’architecture de sécurité maritime du golfe de Guinée pour les dix ans du Code de conduite de Yaoundé

Réuni, cet après-midi, à la demande du Ghana pour marquer le dixième anniversaire du Code de conduite de Yaoundé, qui a créé en 2013 l’architecture de sécurité maritime du golfe de Guinée, le Conseil de sécurité s’est félicité de la baisse régulière du nombre de cas de piraterie et de vols à main armée en mer dans cette région, fruit des efforts de coordination régionaux et de l’appui de partenaires internationaux.  Les membres africains du Conseil ont cependant appelé les États signataires du Code de conduite ainsi que les organisations régionales à procéder à un examen de l’architecture régionale pour identifier les défis, parvenir à une utilisation optimale des ressources disponibles et définir une vision stratégique pour la prochaine décennie. 

Première intervenante à s’exprimer, la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique a imputé la diminution des incidents dans le golfe de Guinée, qui avait débuté en avril 2021, aux efforts importants des autorités nationales et au soutien des partenaires régionaux et internationaux.  Les patrouilles navales régulières effectuées par les États côtiers du golfe de Guinée et le déploiement systématique de moyens navals par les partenaires internationaux ont, ensemble, continué à servir de moyen de dissuasion efficace contre les actions des groupes criminels, s’est félicitée Mme Martha Ama Akyaa Pobee.  Un autre facteur positif est, selon elle, l’opérationnalisation en cours du mécanisme interrégional de sécurité maritime, également appelé « architecture de Yaoundé », qui a été mis en place à la suite de la signature du Code de conduite de Yaoundé. 

Bien qu’inachevée, cette architecture a accru la coopération en matière de sécurité maritime, aboutissant à un meilleur partage d’informations entre les parties concernées, et a facilité la formation de groupes de travail navals conjoints, a salué Mme Pobee.  À l’aune de ces progrès, la Sous-Secrétaire générale a demandé un soutien accru pour lever les obstacles à la pleine opérationnalisation de ce mécanisme, parmi lesquels l’insuffisance en personnel, en équipements appropriés et en soutien logistique, et le manque de financement prévisible et durable. « Il est essentiel de relever rapidement ces défis car les incidents de piraterie continuent de menacer la sécurité du trafic maritime dans la région », a-t-elle averti, avant d’encourager la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), la Communauté économiques des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Commission du golfe de Guinée (CGG) et le Centre interrégional de coordination à redoubler d’efforts en vue de l’examen de l’état d’opérationnalisation de l’architecture de Yaoundé, conformément à la résolution 2634 (2022) du Conseil. 

En écho à cet appel, le Président de la Commission de la CEDEAO, M. Omar Alieu Touray, a jugé essentiel que l’ONU et d’autres parties prenantes revoient en profondeur la planification et l’organisation de cette architecture de sécurité maritime, en révisant notamment le Code de conduite de Yaoundé en vue de le transformer en un cadre « juridiquement contraignant ». Plus mesuré, son homologue de la CEEAC, M. Gilberto da Piedade Verissimo, a préféré applaudir la mise en place du Centre interrégional de coordination, facilité par le processus de Yaoundé, ajoutant que la première conférence maritime de la CEEAC, organisée cette année à Kinshasa, a permis l’adoption d’un protocole révisé relatif à la stratégie de sécurisation des intérêts vitaux en mer des États de la Communauté. 

De son côté, après s’être réjoui du récent accord conclu entre 11 pays de la région sur la création d’une force opérationnelle maritime combinée, le Secrétaire exécutif de la Commission du golfe de Guinée s’est ému de la mise en œuvre « limitée » du Code de conduite de Yaoundé par les États Membres. « Certains pays ont été lents à adopter et à incorporer les dispositions du Code dans leur législation nationale », a déploré M. Jose Mba Abeso, regrettant à son tour que le Centre interrégional de coordination pâtisse d’un manque de ressources (financement, équipement et personnel).  Il a d’autre part estimé qu’une évaluation et un examen réguliers des dispositions et des stratégies du Code sont essentiels pour s’adapter aux menaces émergentes. 

À l’initiative de cette séance d’informations, le Ghana a invité les États de la région à renouveler leur engagement à mettre en œuvre le Code de conduite, malgré ses lacunes opérationnelles, logistiques, financières et techniques, tout en approuvant, lui aussi, la recommandation du Secrétaire général d’entreprendre un examen complet de la mise en œuvre de l’architecture de Yaoundé afin de définir une vision stratégique pour la prochaine décennie. Tout en reconnaissant la responsabilité première des États dans la lutte contre l’insécurité maritime, le Mozambique a argué que la piraterie constitue une menace pour la paix et la sécurité mondiales nécessitant une coordination multilatérale renforcée.  Il a donc exhorté le Conseil et la communauté internationale à continuer d’appuyer activement l’opérationnalisation de l’architecture de Yaoundé. 

Faisant état d’une « mutation » des activités criminelles dans le golfe de Guinée, désormais centrées sur les enlèvements contre rançons, plus lucratifs, alors qu’elles prenaient la forme, ces dernières années, d’attaques contre des navires pétroliers et de prise de cargaisons de marchandises, le Gabon a quant à lui mis l’accent sur le nécessaire renforcement des matériels et capacités techniques des États de la CEEAC et de la CEDEAO, « dont les moyens opérationnels en mer sont très limités ».  Il a aussi appelé à s’attaquer aux causes profondes de la piraterie, à l’instar de Mme Pobee, qui a mis en exergue les défis sociaux, économiques et environnementaux auxquels fait face la région. Cet avis a été partagé par la majorité des délégations, la Suisse plaidant notamment pour le développement d’une économie bleue durable dans le golfe de Guinée, ce qui permettrait d’offrir des opportunités économiques à la jeunesse et de reconnaître le rôle croissant des femmes dans le domaine de la pêche. 

PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE

Déclarations

Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE, Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix et Département des opérations de paix, a indiqué que, depuis avril 2021, les cas de piraterie et de vols à main armée en mer dans le golfe de Guinée ont continué de diminuer, grâce aux efforts importants des autorités nationales et au soutien des partenaires régionaux et internationaux.  Elle a salué la dissuasion efficace des patrouilles navales régulières effectuées par les États côtiers et des moyens navals déployés systématiquement par les partenaires internationaux.  Elle a aussi imputé ce succès à l’opérationnalisation en cours du mécanisme interrégional de sécurité maritime, l’architecture de Yaoundé, qui a été mis en place à la suite de la signature du Code de conduite de Yaoundé en 2013.  Saluant les progrès constants réalisés à cet égard par les États du golfe de Guinée et les organisations sous-régionales, notamment la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Commission du golfe de Guinée (CGG), avec le soutien des partenaires internationaux, elle s’est réjouie de l’activation réussie de quatre centres multinationaux de coordination maritime. 

Pour Mme Pobee, l’opérationnalisation de l’architecture de Yaoundé, bien qu’elle ne soit pas totalement achevée, a aussi accru la coopération en matière de sécurité maritime dans le golfe.  Cela a notamment abouti à un meilleur partage d’informations entre toutes les parties concernées, tout en facilitant l’utilisation efficace de moyens navals limités.  La Sous-Secrétaire générale a donc demandé un soutien accru pour relever les nombreux défis qui entravent la pleine opérationnalisation de l’architecture de Yaoundé, parmi lesquels l’insuffisance en personnel, un manque d’équipements appropriés et de soutien logistique, et un manque de financement prévisible et durable. Relevant l’urgence de relever rapidement ces défis, elle a signalé que les incidents se déplacent progressivement des eaux de la CEDEAO vers le domaine maritime de la CEEAC.  À la lumière de ces développements et conformément à la résolution 2634 (2022), elle a encouragé la CEEAC, la CEDEAO, la CGG et le Centre de coordination interrégional à redoubler d’efforts en vue de l’examen de l’état d’opérationnalisation de l’architecture de Yaoundé. 

Mme Pobee a aussi assuré de l’assistance prévue par le système des Nations Unies sur les plans politique et technique pour opérationnaliser pleinement cette architecture, par exemple l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) qui continue d’aider à la mise en œuvre des dispositions du Code de conduite.  Parallèlement, a-t-elle encore indiqué, le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) et le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) ont, à la demande du Centre de coordination interrégional, élaboré un projet interrégional visant à soutenir le Centre dans la conduite de la révision du Code de conduite.  En conclusion, Mme Pobee a recommandé de se pencher sur le cadre juridique du Code de conduite en faisant valoir que l’incrimination des actes de piraterie et l’établissement d’une compétence universelle à l’égard de ces actes en vertu du droit national, conformément aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, restent nécessaires pour faire face à la piraterie.  Elle a donc incité toutes les parties signataires à mettre à jour leurs cadres juridiques.  Elle a enfin jugé essentiel de s’attaquer aux causes profondes de la piraterie, en relevant les défis sociaux, économiques et environnementaux, avant de prôner une coordination renforcée entre les parties signataires, le Centre de coordination interrégional, la CGG, la CEDEAO et la CEEAC pour définir une perspective stratégique et une feuille de route pour la prochaine décennie, et ainsi achever l’opérationnalisation de l’architecture de Yaoundé. 

M. GILBERTO DA PIEDADE VERISSIMO, Président de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), a déclaré que l’espace du golfe de Guinée situé en Afrique centrale fait face à de nombreux défis liés à la surveillance maritime, à la protection des écosystèmes marins, aux changements climatiques, à l’érosion côtière, ainsi qu’à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.  Au total, cet espace a enregistré 55 incidents de sécurité maritime au cours du premier semestre 2023, bien que les cas de piraterie et de prises d’otages aient diminué depuis 2021.  Cette tendance à la baisse s’explique notamment par la présence accrue des marines nationales et de navires internationaux, a-t-il expliqué, dans le cadre de la présence maritime coordonnée pour la lutte contre la piraterie en haute mer et du fait de l’intensification des échanges d’informations entre les États dans le cadre du Forum de collaboration maritime du golfe de Guinée. 

Depuis 2009, a poursuivi M. Da Piedade Verissimo, les États membres de la CEEAC se sont engagés à coordonner leurs efforts en matière de lutte contre l’insécurité suite à l’adoption du Protocole relatif à la stratégie de sécurisation des intérêts vitaux en mer des États de la CEEAC du golfe de Guinée.  En outre, le Centre régional de sécurité maritime d’Afrique centrale est chargé d’assurer la coordination stratégique maritime de la CEEAC, en coordination avec la CEDEAO et la Commission du golfe de Guinée.  Le processus de Yaoundé a ensuite favorisé la mise en place du Centre interrégional de coordination pour la mise en œuvre de la stratégie régionale de sécurité maritime de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’Ouest, a ajouté M. Da Piedade Verissimo.  La première conférence maritime de la CEEAC, en 2022-2023 à Kinshasa, a permis l’adoption d’un protocole révisé relatif à la stratégie de sécurisation des intérêts vitaux en mer des États de la CEEAC du golfe de Guinée fondé sur six piliers, tels que l’échange d’informations, la surveillance de l’espace maritime des États membres de la CEEAC et la création d’un mécanisme de financement pérenne.  Ce protocole révisé réaffirme la souveraineté des États membres de la CEEAC sur leurs espaces maritimes et dans les eaux continentales partagées, et reflète leur engagement à renforcer leur coopération avec leurs partenaires bilatéraux et multilatéraux, a assuré le Président de la CEEAC. 

M. OMAR ALIEU TOURAY, Président de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a retracé l’historique des actes de piraterie dans la région au cours de la dernière décennie, qui avaient considérablement augmenté, passant de 45 en 2010 à 64 en 2011, avec le plus grand nombre d’attaques (8) dans les voies navigables du Nigéria.  M. Touray, qui participait à la réunion en visioconférence, a cependant fait observer que les efforts concertés de la marine nigériane avaient entraîné une « tendance migratoire » avec une augmentation des attaques de piraterie dans les eaux territoriales du Bénin voisin.  Cela avait entraîné une baisse de plus de 40% des revenus des opérations portuaires constituant l’épine dorsale de l’activité économique du pays, a déploré M. Touray. C’est cette situation, a-t-il rappelé, qui avait incité l’ancien Président du Bénin à demander, en octobre 2011, l’aide du Secrétaire général de l’ONU, et à lancer une opération maritime bilatérale conjointe entre le Bénin et le Nigéria.  Il a cité les résolutions historiques adoptées ensuite par le Conseil de sécurité –la 2018 (2011) et la 2039 (2012)- sur la sécurité et la sûreté maritimes dans le golfe de Guinée.

Après avoir fait un rappel historique des étapes suivantes, qui ont conduit à l’adoption, en juin 2013 à Yaoundé, par les dirigeants de la CEDEAO, de la CEEAC ainsi que de la CGG, d’une stratégie régionale commune relative à la prévention et la répression des actes illicites perpétrés dans l’espace maritime du golfe de Guinée, M. Touray a détaillé les trois instruments signés à cette occasion, à savoir, le Code de conduite, la Déclaration des chefs d’État et de gouvernement et le Mémorandum d’entente entre les organisations régionales.  Il a également cité l’adoption par l’Union africaine en 2014 de la « Stratégie africaine intégrée pour les mers et les océans - horizon 2050 » et, en 2016, de la Charte africaine sur la sûreté et la sécurité maritimes et le développement en Afrique.  Quant à la CEDEAO, elle a adopté en 2014 la stratégie maritime intégrée avant la mise en place, en 2022 à Abidjan (Côte d’Ivoire), d’un centre régional de sécurité maritime et d’un centre multinational de coordination maritime (CMCM) en 2015 à Cotonou (Bénin).  L’intervenant a en outre annoncé l’inauguration, cette année, d’un CMCM à Accra (Ghana) et d’un autre à Praia (Cabo Verde).  Il a également parlé de l’architecture de sécurité maritime de la CEEAC qui a établi le Centre régional de sécurisation maritime de l’Afrique centrale (CRESMAC) à Pointe Noire (République du Congo), ainsi que des CMCM à Douala (Cameroun) et à Luanda (Angola). 

M. Touray s’est, en outre, réjoui, d’annoncer que l’établissement de réseaux de partage d’informations maritimes entre la CEDEAO et la CEEAC a amélioré la connaissance de la situation maritime, la conduite et la planification d’opérations et d’exercices maritimes conjoints avec divers CMCM et centres opérationnels maritimes nationaux.  Cela a permis une première arrestation par le Nigéria et l’engagement de poursuites judiciaires en 2020 contre 10 pirates présumés qui avaient attaqué et arraisonné un navire de pêche chinois, le Hailufeng 11, dans la zone économique exclusive de la Côte d’Ivoire.  De même, au Togo, en juillet 2021, huit pirates présumés ont été arrêtés par les autorités de ce pays.  À l’approche du dixième anniversaire du processus de Yaoundé, M. Touray a estimé important que l’ONU et d’autres parties prenantes revoient en profondeur la planification et l’organisation du processus, en revoyant notamment le Code de conduite de Yaoundé, en vue de le transformer en un cadre juridiquement contraignant.  Pour finir, il a exhorté les parties prenantes, tel que le Groupe du G7 des Amis du golfe de Guinée, sous la coprésidence de la Côte d’Ivoire et de l’Allemagne, à s’impliquer dans l’organisation du dixième anniversaire du processus de Yaoundé dans la sous-région de l’Afrique de l’Ouest.

M. JOSE MBA ABESO, Secrétaire exécutif de la Commission du golfe de Guinée, a rappelé que la piraterie dans cette région entrave les activités économiques liées au transport, à l’exploration et à l’exploitation des ressources, citant en exemple la récente capture d’un transporteur de produits au large de Pointe Noire (République du Congo), dont les six membres d’équipage ont été enlevés.  Rappelant la création de l’architecture de Yaoundé, il a estimé que celle-ci a été raisonnablement efficace, comme en témoigne le déclin des activités criminelles en mer ces dernières années: au premier trimestre de 2023, par exemple, seulement 5 incidents ont été signalés, contre 8 en 2022 et 16 en 2021.  Il a salué les fruits de la coopération et de la collaboration entre les pays de la région, à savoir une présence accrue et un renforcement des capacités de riposte. Il a cité le cas du navire Heroic Idun qui, alors qu’il tentait de charger illégalement du pétrole brut dans les eaux territoriales nigérianes, a été arrêté en Guinée équatoriale à la demande des autorités nigérianes.  M. Mba Abeso a aussi salué le fait que les pays du golfe de Guinée continuent de renforcer leurs cadres juridiques et leur législation liés à la sécurité maritime, comme le Nigéria qui a adopté en 2019 une loi sur l’élimination de la piraterie et autres crimes commis en mer.

Le Secrétaire exécutif a ensuite fait part des efforts des pays de la région en vue de la création d’une force opérationnelle maritime multinationale, citant la signature par 11 pays, le 22 mai 2023, du concept d’opérations (CONOPS) pour la mise en place de cette force.  Il a saisi cette occasion pour demander au Conseil de sécurité de bien vouloir examiner, approuver et mobiliser l’appui international en faveur de l’Équipe spéciale multinationale maritime dans le golfe de Guinée. M. Mba Abeso a cité les défis rencontrés dans les efforts, comme le fait que certains pays aient tardé à adopter et à incorporer les dispositions du code dans leur législation nationale. De plus, le Centre interrégional de coordination est entravé par le manque de ressources, de financements, d’équipements et de personnel, a-t-il ajouté.  En conclusion, il a demandé d’encourager les pays de la région à ratifier le Code et à en mettre pleinement en œuvre les dispositions, tandis que les parties prenantes régionales et internationales devraient s’engager à aider les pays à surmonter les obstacles à la ratification et à la mise en œuvre du Code.  Cela signifie qu’il faut fournir des programmes de formation, une assistance technique et des ressources aux forces navales, aux garde-côtes et aux organismes d’application de la loi, et renforcer leurs capacités à entreprendre des patrouilles de routine, des interventions en cas d’incident et des enquêtes.  La Commission organisera de temps à autre des ateliers de sensibilisation sur des questions d’actualité relatives à la sûreté et à la sécurité maritimes dans la région du golfe de Guinée, a assuré le Secrétaire exécutif.

Mme CAROLYN OPPONG-NTIRI (Ghana) a profité du dixième anniversaire du Code de conduite de Yaoundé pour saluer les progrès réalisés par la région dans la lutte contre la piraterie et les vols à main armée dans le golfe de Guinée. Ce recul de l’insécurité maritime est attribuable, selon elle, à l’intensification de la coopération aux niveaux national, régional et international, à une présence navale accrue, au partage d’informations et au renforcement du processus judiciaire. Malgré ces gains « modestes », la piraterie, les vols à main armée et la pêche illégale continuent cependant de menacer l’espace maritime de la région, a rappelé la déléguée.  Pour surmonter ces défis, elle a recommandé de donner la priorité à la mise en œuvre d’instruments régionaux destinés à lutter contre l’insécurité maritime, de s’attaquer aux causes profondes de la piraterie et d’adopter une approche globale impliquant la société civile et le secteur privé, tout en tirant parti de partenariats régionaux et internationaux tels que la Stratégie africaine intégrée pour les mers et les océans à l’horizon 2050, l’Organisation maritime internationale (OMI) ou encore l’ONUDC. Elle a invité à cet effet les États de la région à renouveler leur engagement à mettre en œuvre le Code de conduite de Yaoundé, malgré les lacunes opérationnelles, logistiques, financières et techniques qui entravent sa réalisation.  La représentante a fait sienne la recommandation du Secrétaire général d’entreprendre un examen complet de la mise en œuvre de l’architecture de Yaoundé afin de définir une vision stratégique pour la prochaine décennie. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a insisté sur l’importance de l’appropriation nationale et des partenariats, ainsi que sur la nécessité de répondre non seulement à l’insécurité maritime, mais aussi à ses causes profondes.  Il a appelé les États côtiers à continuer de s’approprier les efforts qu’ils déploient pour criminaliser les actes de piraterie et les autres formes de criminalité maritime dans leurs législations nationales respectives.  Il les a également engagés à mettre en place des procédures de poursuite, et à améliorer les capacités d’application de la loi.  Il a ensuite rappelé que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer constitue le cadre juridique dans lequel s’inscrivent toutes les activités menées dans les océans et les mers.  Le représentant a par ailleurs souligné l’importance des partenariats, notamment avec les organisations régionales et sous-régionales, ainsi que dans le cadre du Programme mondial de lutte contre la criminalité maritime.

M. NORBERTO MORETTI (Brésil) a recommandé la vigilance face à la récente recrudescence de la criminalité maritime, dont les actes de piraterie et de vols à main armée dans le golfe de Guinée.  Une telle situation montre que les efforts conjoints des pays et organisations de la région doivent se poursuivre pour que les gains durement acquis ne soient pas réduits à néant.  Le représentant a donc appelé au renforcement des capacités de sécurité maritime des États de la région et en a profité pour réaffirmer le ferme attachement de son pays à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

S’attaquer à la piraterie et à la criminalité maritime, a-t-il estimé, c’est commencer par éliminer leurs causes profondes, par des investissements dans les capacités de production et par une lutte acharnée contre la pauvreté, la faim et le sous-développement.  La piraterie et les vols à main armée dans le golfe de Guinée, au-delà de leur impact direct sur la sécurité des marins et des pêcheurs, affectent aussi l’économie de l’ensemble de la région, étant donné qu’ils perturbent le transport maritime et en conséquence, le commerce et les recettes publiques.  Le représentant a insisté sur le lien entre sécurité maritime et développement socioéconomique des régions côtières.

M. ALEXANDRE OLMEDO (France) s’est félicité de la baisse significative des actes de piraterie dans le golfe de Guinée.  Il a appelé à poursuivre et à renforcer les efforts qui ont concouru à ce résultat, citant notamment les actions des pays de la région, à la fois sur le plan sécuritaire, légal et judiciaire, pour criminaliser les actes de piraterie, mener les enquêtes et permettre les poursuites.  Il a également appelé à poursuivre l’opérationnalisation de l’architecture de Yaoundé.  De même, le délégué a engagé le Conseil de sécurité à suivre avec attention les enjeux de sécurité maritime dans le golfe de Guinée.  Nous devons faire preuve de vigilance vis-à-vis de tout lien entre criminalité organisée et terrorisme, a-t-il indiqué, notant que cette question est particulièrement urgente alors que les pays côtiers sont sous une pression sécuritaire et humanitaire croissante du fait des groupes terroristes sahéliens.  Notant enfin que le rapport du Secrétaire général souligne les liens entre piraterie, changements climatiques et pêche illicite, le représentant a appelé à aborder la question avec une approche large, en intégrant aussi les questions de gouvernance, de développement, de soutien aux communautés locales et à la préservation des écosystèmes.

Mme LILLY STELLA NGYEMA NDONG (Gabon) a relevé qu’en dépit de progrès notables, les risques liés à la piraterie maritime demeurent, et leur impact sur les modes de fonctionnement des populations côtières ne cessent de s’accroître. Cette situation est d’autant plus inquiétante qu’elle s’accompagne très souvent par la montée de l’extrémisme violent, du terrorisme et des effets néfastes des changements climatiques sur les modes et moyens de subsistance des communautés locales, a-t-elle indiqué.

Alors que ces dernières années les activités de piraterie se limitaient à des attaques contre des navires pétroliers et la prise des cargaisons de marchandise, elle a noté une mutation de ces activités criminelles, désormais recentrées sur les enlèvements contre rançons, plus lucratifs.  Elle a fait savoir que le Gabon est depuis quelques temps victime d’actes de piraterie, évoquant l’assaut subi, le 2 mai dernier, par un navire qui était à moins de 8 kilomètres des côtes gabonaises.  Pour maintenir les acquis de ces dix dernières années, la représentante a appelé à déployer des efforts additionnels en matière de renforcement des capacités techniques et matériels des États de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dont les capacités opérationnelles en mer sont très limitées.  Elle a aussi appelé à s’attaquer aux causes profondes de la piraterie.

La déléguée a par ailleurs indiqué que le Gabon dispose d’une plateforme interne et d’une connexion à l’ensemble du réseau des centres des opérations maritimes du golfe de Guinée et des partenaires stratégiques.  Cet outil, équipé de senseurs de surveillance, permet de percevoir les activités en mer en temps réel, s’est-elle enorgueilli.

M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) s’est inquiété du coût humain et de la menace à la sécurité régionale que font peser la piraterie et les vols à main armée dans le golfe de Guinée.  Il s’est félicité des répercussions positives des efforts internationaux déployés dans la région, qui ont mené à une diminution progressive des cas de piraterie, notamment du fait d’une coopération régionale renforcée.  À cet égard, le Code de conduite de Yaoundé a constitué un cadre crucial pour l’intégration régionale.  Selon le représentant, il est vital que tous ces efforts s’effectuent dans le strict respect de la Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. Il a en revanche jugé regrettable que la Commission de consolidation de la paix n’ait pas été en mesure de parvenir à un consensus sur un avis écrit sur cette question.  Tout en reconnaissant que les causes de la piraterie sont complexes et multiples, le délégué a souligné l’importance de s’attaquer aux causes profondes des activités criminelles et de l’insécurité dans le golfe de Guinée, notamment au niveau communautaire. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a encouragé les pays du golfe de Guinée à poursuivre leurs efforts pour lutter contre la piraterie et la criminalité maritime, recommandant une approche holistique pour s’attaquer aux causes profondes de ces fléaux.  Parmi celles-ci, elle a énuméré les effets néfastes des changements climatiques, les possibilités restreintes d’emploi pour les jeunes et les déficits de gouvernance. Dès lors, la représentante a exhorté tous les acteurs à s’impliquer dans cette lutte, en particulier les communautés locales et la société civile.  L’architecture de Yaoundé, qui est dirigée et prise en charge par les États de la région, a permis de lutter efficacement contre l’insécurité maritime, a-t-elle salué tout en suggérant que les États de la région fournissent des orientations stratégiques supplémentaires et renforcent la coopération afin de perturber et démanteler les réseaux criminels.  Enfin, la déléguée a estimé que les efforts en matière de sécurité maritime doivent être menés dans le respect de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer qui fournit un cadre global pour établir la paix, le bon ordre et la sécurité des États côtiers.  C’est pourquoi elle a exhorté à rester résolument engagé dans cette cause pour renforcer la sécurité maritime, favoriser la stabilité régionale et promouvoir la prospérité de la région.

Mme MARIA ZABOLOTSKAYA (Fédération de Russie) a relevé l’« entreprise criminelle florissante » que représentent les activités de piraterie dans le golfe de Guinée, avant de souligner les spécificités des attaques contre des navires dans cette région.  La plupart se produisent à une petite distance de la côte et souvent même dans les eaux territoriales des États côtiers, ce qui relève dès lors du vol à main armée en mer, a-t-elle noté en soulignant l’importance d’une bonne qualification juridique pour une réponse efficace.  Ainsi, en matière de prévention et de répression des vols à main armée en mer, ce sont les États côtiers et les organisations régionales qui sont appelés à jouer le rôle principal, a-t-elle fait valoir, saluant les mécanismes de coordination efficaces, comme le forum de collaboration maritime du golfe de Guinée créé en 2021.  Elle a plaidé pour que la communauté internationale fournisse une assistance aux États côtiers, à leur demande et en tenant compte de leurs spécificités nationales, afin de renforcer les services de garde-côtes.  Elle a suggéré que l’ONU aide à coordonner les efforts et à mobiliser les ressources financières nécessaires.

La représentante a ensuite indiqué que son pays a accru sa contribution à la lutte contre la piraterie et les vols à main armée en mer au large des côtes occidentales de l’Afrique.  Grâce à la contribution volontaire annuelle russe au fonds du Programme mondial de lutte contre la criminalité maritime de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), une assistance technique est fournie aux États de la région pour renforcer le potentiel de leurs structures maritimes nationales, a-t-elle précisé.  La déléguée a d’autre part assuré que la Fédération de Russie est prête à partager sa vaste expérience en matière de sécurité maritime si le forum de collaboration maritime du golfe de Guinée l’y invite.  Enfin, après avoir rappelé que la piraterie et les vols à main armée en mer sont souvent associés à d’autres types d’activités criminelles, elle a préconisé la création d’une structure spécialisée, sous l’égide de l’ONU, pour coordonner l’ensemble des questions de lutte contre la criminalité maritime.

Mme DARREN CAMILLERI (Malte) a salué le travail effectué par les États côtiers du golfe de Guinée et de l’Union africaine (UA) pour résoudre le problème de la piraterie, de la criminalité organisée et de la sécurité maritime dans la région.  Au moment où nous entrons dans la deuxième décennie de cette coopération, elle a souhaité que l’ambition soit renforcée, prônant à cet égard que soit mené au niveau régional un examen complet du Code de conduite de Yaoundé, avec la participation de partenaires internationaux, de la société civile et du secteur privé. Pour la représentante, l’échange d’informations et le partage de stratégies sont essentiels pour aider les États côtiers à protéger leurs eaux nationales.  Il importe aussi, selon elle, que l’architecture de Yaoundé bénéficie d’un financement durable de la part des États Membres et des structures régionales, ainsi que des partenaires internationaux.  De leur côté, les pays du golfe de Guinée devraient renforcer leurs cadres juridiques afin de poursuivre les auteurs de piraterie, de vol à main armée, de pêche illégale, non déclarée et non réglementée, et d’autres crimes qui entravent la sécurité maritime dans la région, a-t-elle ajouté, avant de saluer l’aide fournie dans ce domaine par l’ONUDC.  Notant par ailleurs que les facteurs favorisant la piraterie en mer sont complexes et liés à la situation sur terre, elle a plaidé pour une réponse multidimensionnelle, à travers la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Elle a enfin rappelé que l’Union européenne (UE) a adopté une stratégie pour le golfe de Guinée, qui traite du développement socioéconomique et des questions de défense et de sécurité, et a renforcé sa présence navale à raison d’au moins un navire dans le golfe de Guinée tout au long de l’année. 

M. ANDRÉS MONTALVO (Équateur) s’est félicité des progrès réalisés depuis l’adoption du Code de conduite de Yaoundé, tout en s’inquiétant de la persistance d’incidents qui appellent à renforcer les capacités de protection et de pénalisation des actes de piraterie, ainsi qu’à l’établissement d’une compétence universelle.  Il a également insisté sur l’importance de la coopération internationale.  Le représentant a apprécié que la troisième réunion extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de la Commission du golfe de Guinée, qui s’est tenue le 25 avril, ait débouché sur un appel à mettre en place, dans un délai de trois mois, un cadre stratégique d’évaluation et de renforcement des systèmes et structures actuels.  Il a ensuite appelé à améliorer la coopération entre les entités de l’ONU, notamment l’UNOWAS, le BRENUAC et l’ONUDC, de même qu’à la mobilisation des ressources nécessaires pour consolider l’architecture de Yaoundé.

Mme RICCARDA CHRISTIANA CHANDA (Suisse) s’est félicitée que le dernier rapport du Secrétaire général sur la situation dans le golfe du Guinée ait constaté un recul des incidents de piraterie, notamment grâce à l’engagement important des États de la région.  Afin de consolider ces gains « durement acquis », elle a appelé à poursuivre l’opérationnalisation du Code de conduite de Yaoundé afin de renforcer la sécurité maritime dans le golfe de Guinée.  À cette fin, la représentante a encouragé les pays de la région à étendre leur collaboration dans les domaines de la justice et du partage d’informations, avec le soutien des organisations régionales, des bureaux régionaux des Nations Unies et de l’ONUDC.  Elle a d’autre part estimé que, pour s’attaquer aux causes profondes de la piraterie et de la criminalité maritime, le développement d’une économie bleue durable est de mise.  Cela implique d’offrir des opportunités économiques à la jeunesse et de reconnaître le rôle croissant des femmes dans le domaine de la pêche, a-t-elle relevé, avant de rappeler que toutes les activités maritimes doivent s’inscrire dans le cadre juridique de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Elle a donc invité tous les États de la région à adopter des lois criminalisant la piraterie, tout en plaidant pour une mise en conformité de la navigation avec les règles internationales en vue de garantir une logistique maritime sûre, efficace et durable. 

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) a souligné l’importance de s’attaquer à la piraterie maritime et au terrorisme qui menacent le canal du Mozambique, voie navigable de 1 800 kilomètres entre Madagascar et l’Afrique de l’Est qui voit passer chaque année près de 30% du trafic mondial de pétroliers.  La défense du territoire mozambicain implique également celle du canal du Mozambique, du golfe d’Aden et du golfe de Guinée en tant que zones exemptes de piraterie, a-t-il expliqué.  Il s’est félicité de la baisse des cas de piraterie enregistrée au cours des dernières années dans le golfe de Guinée, grâce aux efforts combinés du Code de conduite de Yaoundé et de la coopération régionale et internationale.  Selon le délégué, les menaces à la sécurité maritime exigent une réponse collective adaptée, dans le respect de la souveraineté des États et du droit international, assortie d’un soutien financier, logistique et juridique. 

Tout en reconnaissant la responsabilité première des États dans la lutte contre l’insécurité maritime, le représentant a argué que la piraterie constitue une menace pour la paix et la sécurité mondiales nécessitant une coordination multilatérale renforcée.  Il a exhorté le Conseil et la communauté internationale à continuer de soutenir la stratégie régionale de lutte contre la piraterie, les vols à main armée et la criminalité transnationale organisée dans le golfe, qui présentent des risques importants pour la navigation internationale, la sécurité et le développement durable de la région, notamment en appuyant l’opérationnalisation de l’architecture de Yaoundé. 

M. DAI BING (Chine) a félicité les pays de la région pour leurs efforts communs qui ont débouché, d’année en année, sur une diminution des actes de piraterie et une amélioration de la sécurité maritime dans le golfe de Guinée. Il a encouragé le Conseil de sécurité à accorder une attention toute particulière aux difficultés et défis auxquels ces pays côtiers se heurtent.  Il a également appelé à renforcer la coopération régionale dans cette zone très vaste, relevant que des incidents sporadiques de piraterie se sont multipliés ces derniers temps.  De même, il a recommandé aux pays de la région de promouvoir le développement d’une stratégie de lutte contre la piraterie au niveau régional.  Le représentant a jugé essentiel d’opérationnaliser le Code de conduite de Yaoundé en se concentrant sur les réseaux logistiques et les questions techniques et financières liés à l’architecture de la sécurité maritime.  Il a ensuite indiqué que la Chine est disposée à réfléchir, avec les États côtiers, à des façons de coopérer, notamment en menant des opérations d’escorte commune pour éliminer et prévenir la piraterie.

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a vu dans le Code de conduite de Yaoundé un exemple important d’architecture maritime régionale.  Il a insisté sur l’importance de la coopération des pays de région pour lutter contre la piraterie et les vols à main armée en mer, et poursuivre en justice les auteurs.  Il a affirmé que les États-Unis sont déterminés à aider leurs partenaires à conjurer les menaces posées par la piraterie et la criminalité organisée dans le golfe de Guinée, soulignant en outre la nécessité d’appuyer les efforts régionaux pour ce faire.  Les défis que sont la piraterie, la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, ainsi que les changements climatiques représentent des menaces graves qui pèsent sur les moyens de subsistance et la sécurité commune, a-t-il indiqué.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a incité la communauté internationale et le Conseil de sécurité à soutenir les initiatives régionales destinées à renforcer la sécurité maritime dans le golfe de Guinée.  Elle a salué les progrès réalisés dans la lutte contre la piraterie et le renforcement de la sécurité maritime depuis l’adoption, il y a dix ans, de l’architecture de Yaoundé, qui a marqué un tournant dans la coopération entre les États du golfe de Guinée.  Selon la représentante, le maintien de la sécurité dans les espaces maritimes communs du golfe contribuera à soutenir la stabilité et le développement des États de la région.  Elle a toutefois exprimé sa préoccupation face aux conséquences des activités criminelles sur les moyens de subsistance et les conditions socioéconomiques de la population locale et des gens de mer, qui continuent d’être exploités par les pirates et les réseaux criminels.  Il s’agit à ses yeux d’un défi d’autant plus urgent que des groupes terroristes transnationaux mènent des activités criminelles dans le golfe de Guinée afin de financer leurs opérations, en exploitant la porosité des frontières. Elle a en outre appelé à rechercher des solutions durables à la dégradation de l’environnement dans la région, exacerbée par les changements climatiques et la pêche illégale, non réglementée et non déclarée.  Considérant que les États de la région ont fait preuve d’un engagement clair en faveur du renforcement de la sécurité maritime dans le golfe de Guinée, la représentante a encouragé la communauté internationale à appuyer ces efforts en contribuant au renforcement des capacités des États côtiers. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Afghanistan: les interdictions imposées aux femmes perturbent le travail des Nations Unies mais aussi les chances des Taliban de sortir de leur isolement

9354e séance – matin
CS/15330

Afghanistan: les interdictions imposées aux femmes perturbent le travail des Nations Unies mais aussi les chances des Taliban de sortir de leur isolement

L’interdiction faite, le 5 avril dernier par les Taliban aux femmes afghanes de travailler pour les organes des Nations Unies en Afghanistan remet en question nos activités à travers le pays, a déclaré ce matin devant le Conseil de sécurité la Représentante spéciale du Secrétaire général, Mme Roza Otunbayeva. L’examen trimestriel de la situation a été dominé par les multiples restrictions que les Taliban continuent d’imposer aux Afghanes et qui amènent la communauté internationale à refuser de reconnaître les « autorités de fait », lesquelles ont en outre été accusées par plusieurs délégations de ne pas respecter leur promesse de lutter contre le terrorisme. 

Mme Otunbayeva, qui est également Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) a expliqué que, pour éviter de le mettre en danger, la Mission avait demandé de ne plus venir au bureau à son personnel national féminin, mais aussi, au nom du principe de non-discrimination, à son personnel masculin.  Elle a précisé avoir décliné la suggestion des Taliban de remplacer les employées nationales par des hommes.  Suivie par les membres du Conseil, la Représentante spéciale a déclaré que les Taliban devaient abroger les différentes restrictions imposées aux femmes depuis leur prise de pouvoir à Kaboul il y a bientôt deux ans, comme l’a exigé le Conseil dans sa résolution 2681 (2023), adoptée le 27 avril dernier et dont les États-Unis ont rappelé qu’elle avait été coparrainée par plus de 90 États Membres, signe d’un message clair adressé aux Taliban et au peuple afghan par le monde entier.  Les membres du Conseil ont répété aujourd’hui cette exigence. 

Mme Otunbayeva a aussi mis en avant les contradictions des Taliban, qui demandent à être reconnus par l’Organisation des Nations Unies et ses membres, mais, en même temps, agissent contre les valeurs fondamentales de la Charte des Nations Unies, comme l’a noté également le Brésil.  La Cheffe de la MANUA a estimé que les Taliban sont pris au piège des restrictions qu’ils ont imposées aux femmes et filles et qui, a-t-elle affirmé, sont très impopulaires, infligent des souffrances à la moitié de la population et nuisent aussi à l’économie.  La Suisse a elle aussi mis l’accent sur les conséquences dramatiques des mesures imposées aux femmes et filles pour des familles et des communautés entières, dont les enfants.  L’Équateur a suggéré d’identifier les domaines dans lesquels les femmes peuvent contribuer et fournir des ressources pour stimuler la croissance et leur autonomisation. 

La répression des droits des femmes dissimule en outre certaines conséquences positives d’autres mesures prises par les Taliban, a fait observer la Représentante spéciale, qui a cité la diminution de la culture de l’opium, la réduction de la corruption de haut niveau, une relative stabilité de l’économie marquée par un ralentissement de l’inflation et des taux de change stables, et des rentrées fiscales suffisantes pour payer les salaires des 500 000 fonctionnaires.  Plusieurs de ces points ont été salués également par des membres du Conseil, comme les A3, ainsi que par plusieurs des voisins de l’Afghanistan, désireux de réintégrer ce pays dans l’économie régionale.  Ainsi, le Pakistan s’est félicité de la reprise des échanges et du commerce afghans, parlant en outre d’un pays doté d’un gouvernement stable sans menaces internes avérées.  Le Kazakhstan, tout en disant se conformer strictement à la position du Conseil de sécurité s’agissant de la reconnaissance internationale des Taliban, a néanmoins fait valoir que la nouvelle Administration de l’Afghanistan œuvre depuis deux ans à la construction de l’État et que le pays « doit survivre et construire des relations normales avec ses voisins et d’autres partenaires, y compris les organisations internationales ».  Le Kirghizistan a expliqué qu’il entretient des relations de bon voisinage avec l’Afghanistan et que les relations diplomatiques entre les deux pays se sont poursuivies après l’arrivée au pouvoir des Taliban en août 2021.  Il a suggéré d’intégrer l’économie afghane aux processus régionaux, y compris les projets énergétiques permettant l’exportation de l’électricité en Afghanistan depuis l’Asie du Sud. 

Pour ces différents pays, la meilleure solution consiste à négocier avec les Taliban, y compris pour obtenir d’eux l’abandon des mesures prises contre les femmes.  Le Kazakhstan, qui a accrédité des représentants de la nouvelle Administration afghane, « sans leur accorder le statut diplomatique », a ainsi estimé que la rencontre tenue en mai à Doha, au Qatar, entre le Secrétaire général et les représentants spéciaux pour l’Afghanistan d’un certain nombre de pays avait confirmé l’importance d’une coopération accrue entre la communauté internationale et les Taliban, principalement en matière commerciale, économique et humanitaire. Une opinion partagée par le Kirghizistan, alors que l’Ouzbékistan disait avoir toujours préconisé d’élaborer des mesures concrètes susceptibles de favoriser le redressement de l’économie nationale et de ne pas se contenter d’apporter une aide humanitaire, toutefois indispensable. 

Beaucoup des intervenants ont en effet mis l’accent sur l’extrême pauvreté des ménages afghans, dont 58% ont du mal à satisfaire leurs besoins fondamentaux.  L’ONU répond aux besoins de près de 20 millions de personnes en Afghanistan, a rappelé Mme Otunbayeva, qui a averti que la diminution du financement des donateurs commence à avoir des effets négatifs sur la stabilité monétaire. La Fédération de Russie a estimé que, sans une assistance internationale et régionale et dans des conditions de famine et de pauvreté à grande échelle, il serait difficile pour l’Afghanistan de faire face, seul, à tous ses défis.  C’est pourquoi la Chine, mais aussi l’Iran, ont demandé que soient restitués à l’Afghanistan quelque 7 milliards de dollars d’avoir gelés, en particulier aux États-Unis. 

La fin de l’isolement des Taliban est aussi soumise par beaucoup de pays à la démonstration de leur réelle volonté de lutter contre le terrorisme.  À cet égard, la Cheffe de la MANUA a fait état de résultats mitigés.  D’une part, les Taliban combattent l’État islamique d’Iraq et du Levant-Province du Khorassan (EIIL-K) mais subissent aussi des attaques de la part de ce groupe. D’autre part, certains membres du Conseil estiment que les Taliban continuent d’entretenir des liens avec certains groupes comme Al-Qaida.  Le Royaume-Uni et le Japon ont demandé que ces liens soient rompus.  D’autres pays, des Émirats arabes unis à la Chine et de l’Inde à l’Albanie, ont surtout exprimé la crainte que le pays ne redevienne un havre pour certains groupes terroristes. 

LA SITUATION EN AFGHANISTAN

Déclarations

Mme ROZA OTUNBAYEVA, Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Afghanistan et Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), a déclaré que l’ONU vit une situation compliquée en Afghanistan.  Les restrictions imposées le 5 avril par les autorités de fait aux femmes afghanes travaillant pour les Nations Unies remettent en question nos activités à travers le pays, a-t-elle rappelé.  Or, les autorités n’ont donné aucune explication à leur geste et aucune assurance que ces mesures seront levées un jour. 

La MANUA, qui ne veut pas mettre en danger son personnel féminin, a demandé à ses employées de ne pas se présenter dans ses bureaux, a expliqué la Représentante spéciale. Pour respecter le principe de non-discrimination, la Mission a fait de même avec le personnel masculin et ne remplacera pas non plus le personnel national féminin avec du personnel national masculin, comme l’ont suggéré les Taliban, a assuré Mme Otunbayeva, qui a salué la résolution 2681 (2023) du Conseil de sécurité qui condamne ces restrictions. 

Pour la Cheffe de la MANUA, les Taliban demandent à être reconnus par l’Organisation des Nations Unies et ses membres, mais en même temps ils agissent contre les valeurs fondamentales de la Charte des Nations Unies.  L’interdiction faite aux femmes afghanes de travailler pour l’ONU fait suite à celle de travailler pour des ONG et des missions diplomatiques et à l’interdiction faite aux filles et femmes de se rendre dans les parcs publics, les bains et les salles de sports.  Les Taliban doivent abroger ces interdictions pour que l’ONU puisse poursuivre son appui au peuple afghan.  Citant un rapport d’ONU-Femmes et de l’Organisation internationale pour les migrations, la Représentante spéciale a dénoncé le fardeau que ces interdictions représentent pour la santé physique et mentale des femmes et leur sécurité.

Pour Mme Otunbayeva, ces interdictions cachent les conséquences positives d’autres mesures prises par les Taliban, comme la diminution de la culture de l’opium.  Ainsi, l’économie reste stable, l’inflation a ralenti et les taux de change restent stables.  La Représentante spéciale a salué la réduction de la corruption de haut niveau et noté que les recettes fiscales sont suffisantes pour payer les salaires des 500 000 fonctionnaires.  Mais elle a dans le même temps pointé du doigt la pauvreté extrême des ménages afghans, dont 58% ont du mal à satisfaire leurs besoins fondamentaux.  L’ONU répond aux besoins de près de 20 millions de personnes en Afghanistan, a rappelé Mme Otunbayeva, qui a averti que la diminution du financement des donateurs commence à avoir des effets négatifs sur la stabilité monétaire.

Le cadre d’engagement transitoire pour l’Afghanistan mis à jour décrit les activités que l’ONU entend mener d’ici à 2025 si les Taliban créent un environnement favorable comme la transparence et la responsabilisation, a poursuivi la Représentante spéciale.  Elle a décrit un régime taliban qui reste isolé politiquement et autocratique, dénonçant un gouvernement composé uniquement d’hommes issus de la base politique pachtoune et rurale des Taliban ainsi qu’un centralisation du pouvoir par une autorité centrale irresponsable.  Mme Otunbayeva a réclamé une gouvernance inclusive, sans quoi, a-t-elle averti, le pays risque de plonger dans l’instabilité. 

La Cheffe de la MANUA a jugé mitigés les résultats en matière de lutte contre le terrorisme. Elle a pris note de la lutte menée contre l’État islamique d’Iraq et du Levant-Province du Khorassan (EIIL-K) et des attaques de ce groupe visant les Taliban et la population civile.  Elle a apporté son appui à l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions du Comité créé par la résolution 1988 (2011), pour qui les procédures de sanctions actuelles sont obsolètes et devraient être mises à jour afin de refléter les nouvelles réalités de l’Afghanistan. 

Mme Otunbayeva a dit être préoccupée par la vulnérabilité de l’Afghanistan aux changements climatiques.  Elle a fait observer que, pour remédier au manque d’eau et à l’insécurité alimentaire, les Taliban ont construit un canal qui détournera les eaux du nord de l’Amou-Daria, suscitant l’inquiétude des pays voisins.  Elle a plaidé pour un dialogue entre les Taliban et la communauté internationale pour atténuer les effets des changements climatiques.

La Représentante spéciale a estimé que les Taliban sont pris au piège des décrets et des restrictions qu’ils ont promulgués, en particulier à l’encontre des femmes et des filles.  Tant que ces décrets sont en place, il est impossible que leur gouvernement soit reconnu par la communauté internationale.  Ces décrets sont aussi très impopulaires car ils infligent des souffrances à la moitié de la population et nuisent à l’économie.  Le prix à payer pour les Taliban est leur légitimité nationale et internationale, a-t-elle relevé. En dépit de ces défis, la MANUA a établi des voies de communication fiables avec les Taliban et dressé une liste des possibilités de coopération pour améliorer les conditions de vie du peuple afghan, si les Taliban abrogent les restrictions punitives imposées aux femmes afghanes, a-t-elle conclu.

Mme SHABANA BASIJ-RASIKH, Présidente de la School of Leadership, Afghanistan (SOLA), un établissement réinstallé au Rwanda depuis août 2021 et le retour des Taliban au pouvoir dans son pays, a expliqué qu’il s’agissait de la seule école où les filles afghanes étaient éduquées au niveau secondaire, jusqu’au lycée. « Je ne pensais pas devoir faire une telle déclaration de mon vivant », a-t-elle déclaré, ajoutant qu’elle était « l’héritière de la bravoure des Afghanes, et des Afghans aussi, qui ont allumé des feux dans l’obscurité de notre nation alors que le monde détournait son attention de nous ».

Ces feux brûlent encore aujourd’hui, a poursuivi l’intervenante.  Des écoles secrètes ont rouvert leurs portes à Kaboul et dans les provinces.  La sienne, contrainte à l’exil, prospère au Rwanda, un pays hôte extraordinaire.  Nous venons de terminer les admissions pour la nouvelle année scolaire qui débutera cet automne, a-t-elle expliqué.  Historiquement, nous n’avons jamais reçu plus de 300 demandes d’admission au cours d’une année donnée, mais pas cette année.  Cette année, nous avons reçu près de 2 000 candidatures d’élèves de communautés afghanes réparties dans le monde entier, s’est enorgueillie la Présidente de l’école.  Ce qu’elles veulent?  La stabilité. Et ce qui la rend possible, c’est l’éducation, a-t-elle résumé, affirmant que « tout part de l’école ». 

Mme Basij-Rasikh a ensuite fait deux recommandations.  La première, c’est que la communauté internationale veille à ce qu’Internet reste ouvert et accessible en Afghanistan.  Lorsque les filles ne peuvent pas aller à l’école, nous, en tant qu’éducateurs, pouvons leur apporter l’école - et nos classes ne sont qu’à un smartphone et à une connexion en ligne près, a-t-elle expliqué.  Personne ne devrait ignorer qu’il existe des moyens rentables d’assurer un accès fiable à Internet partout dans le monde, y compris en Afghanistan, et que ces moyens doivent être mis en œuvre. 

En second lieu, Mme Basij-Rasikh a également recommandé que la communauté internationale veille à ce que les réfugiés afghans, en particulier les femmes, aient accès à une éducation de qualité dans leur pays de résidence.  Il faut que les communautés de la diaspora puissent bénéficier d’opportunités, et que ces opportunités soient portées par des institutions qualifiées, autorisées par les nations d’accueil à opérer au sein de ces communautés.  « C’est ce qu’a fait SOLA au Rwanda, et notre modèle peut être suivi par d’autres », a-t-elle assuré, en citant en conclusion le hadith du prophète Mahomet qui dit: « Cherchez la connaissance, même jusqu’en Chine! »

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a appelé le Conseil à rester uni sur le dossier afghan.  Elle a appelé au respect des droits des femmes et des filles, en dénonçant la révision des programmes scolaires annoncée par les Taliban.  Elle a également souligné que les filles doivent avoir accès à Internet, notant que c’est leur seul espace de liberté.  La représentante a aussi alerté qu’en empêchant les femmes de participer au travail humanitaire, les Taliban entravent la capacité de prévenir et de répondre aux abus sexuels.  Elle a ensuite déploré les entraves apportées par les Taliban au bon acheminement de l’aide humanitaire, avant de demander une totale dépolitisation de l’aide humanitaire.  Les travailleurs humanitaires ne doivent pas devenir des pions, a-t-elle insisté.  Elle a aussi appelé à veiller à ce que l’Afghanistan ne devienne pas un sanctuaire pour les terrorises, avant d’insister sur l’importance de revitaliser l’économie afghane qui, a-t-elle ajouté, ne peut dépendre de la seule aide humanitaire. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a regretté que l’avenir de l’Afghanistan reste sombre, notant que les besoins humanitaires sont énormes et la pauvreté quasi universelle.  En outre, l’accès humanitaire a été entravé par une série de restrictions à la capacité des femmes de travailler, a dénoncé le représentant.  Après avoir engagé les Taliban à prendre des mesures contre le terrorisme, le délégué a constaté que l’espoir diminue, en particulier pour les femmes et les filles en Afghanistan.  Il a exhorté les Taliban à lever rapidement les restrictions imposées à ces dernières et à permettre leur participation pleine, égale, significative et sûre à la société.  Cela garantira non seulement le bien-être et la dignité des femmes et des filles, mais permettra à l’Afghanistan de réaliser son potentiel et d’atteindre la stabilité et une prospérité à long terme, a-t-il dit.  Le représentant a ensuite appelé la communauté internationale à poursuivre un engagement patient, pragmatique et fondé sur des principes avec les Taliban afin de les encourager à aligner leurs politiques aux souhaits du peuple afghan. 

M. ZHANG JUN (Chine) a estimé que le dialogue et les interactions doivent se poursuivre avec le gouvernement intérimaire afghan, jugeant essentiel de renforcer la confiance mutuelle.  À cet égard, il s’est félicité du rôle de chef de fil joué par les pays de la région. Il a fait savoir que le 6 mai, la Chine, l’Afghanistan et le Pakistan ont relancé le dialogue entre leurs ministres des affaires étrangères, avant de revenir sur la réunion des envoyés spéciaux tenue le 2 mai, sous les auspices du Secrétaire général.  Cela témoigne de la volonté de la communauté internationale d’édifier un Afghanistan prospère et pacifique, s’est félicité le représentant qui a appelé à appuyer le Gouvernement afghan pour assurer l’inclusivité, la modération et la mise en place un dispositif politique pérenne.  Il a également exhorté le gouvernement intérimaire à préserver le droit des femmes et des filles à l’éducation et l’emploi.

Poursuivant, le délégué a relevé que les activités terroristes demeurent un problème majeur pour le pays, la région et le monde entier, pressant les autorités afghanes à adopter des mesures robustes pour lutter contre ce fléau et éviter que le pays ne devienne, une fois encore, un épicentre du terrorisme.  Soucieux de promouvoir le dialogue et l’interaction, il a appelé le Comité des sanctions du Conseil de sécurité à adopter des dérogations pour les voyages des représentants du gouvernement intérimaire. Enfin, il a appelé les États-Unis à restituer à l’Afghanistan ses avoirs gelés, estimés à 7 milliards de dollars.

M. NORBERTO MORETTI (Brésil) a demandé aux Taliban de renoncer à leurs politiques d’exclusion à l’égard des femmes et des jeunes filles, qui entrent en contradiction flagrante avec la Charte des Nations Unies et le cadre multilatéral des droits humains. 

Le représentant s’est ensuite dit profondément préoccupé par la situation humanitaire en Afghanistan, jugeant alarmant que le nombre de nécessiteux dans le pays ait augmenté d’un demi-million au cours du seul premier semestre 2023, atteignant le chiffre stupéfiant de 28,8 millions à la fin du mois de mai.  Face à une telle adversité, la promotion de la sécurité alimentaire devient primordiale, surtout si l’on considère que le pays est aux prises avec sa troisième année consécutive de sécheresse et la menace imminente d’une infestation dévastatrice de criquets pèlerins, a-t-il prévenu. 

Sur le plan économique, un secteur privé robuste est la clef de l’avenir de l’Afghanistan, a estimé le représentant, ajoutant que son pays apporterait sa contribution aux investissements cruciaux dans les infrastructures et aiderait à relever les défis du système bancaire pour faciliter le crédit, comme le soulignent les perspectives socioéconomiques de l’Afghanistan pour 2023 du PNUD.  C’est aussi pourquoi le représentant a souligné l’importance de restituer les actifs afghans détenus à l’étranger. 

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a dénoncé les restrictions à l’exercice par les femmes de leurs droits humains.  Le représentant a demandé l’abrogation immédiate de ces mesures, conformément aux exigences de la résolution 2681 (2023) qui, a-t-il rappelé, a été coparrainée par plus de 90 États Membres, signe d’un message clair aux Taliban et au peuple afghan de la part du monde entier.  Les États-Unis n’accepteront pas que les Taliban oppriment les femmes et les jeunes filles, a-t-il martelé.  En choisissant de compliquer la vie de millions d’Afghans qui dépendent de l’aide d’urgence, les Taliban ne font qu’exacerber le fardeau des ménages, souvent dirigés par les femmes, a-t-il ajouté, avant de saluer la décision de l’ONU de rester présente en Afghanistan tout en faisant une priorité de la sûreté et la sécurité de son personnel.  Le peuple afghan ne mérite pas de souffrir davantage du fait des décisions honteuses des Taliban, a-t-il insisté. 

Les États-Unis sont opposés aux discriminations et défendent la sûreté, la sécurité et l’inclusion des femmes et jeunes filles, a affirmé le représentant, pour qui les restrictions que leur imposent les Taliban doivent faire l’objet d’une réponse robuste de la part des pays voisins et de l’ensemble de la communauté internationale. 

Le représentant a attribué la détérioration de la situation monétaire en Afghanistan à l’interférence des Taliban dans les interventions humanitaires.  Il a également accusé les Taliban d’avoir, par leurs agissements, provoqué une hausse des flux de migrants et de déplacés vers les pays voisins.  Les dérogations d’ordre humanitaire prévues par la résolution 2615 (2023) ont évité la famine, a-t-il encore estimé.  Face à la diminution de l’aide, les États-Unis continueront d’appuyer le peuple afghan, a assuré le représentant, qui a aussi exigé que les Taliban garantissent l’accès et la sécurité des travailleurs de l’humanitaire, quel que soit leur sexe.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), s’exprimant au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), a souhaité que tous les Afghans puissent s’engager dans le processus politique et exhorté les autorités de facto à permettre aux femmes fonctionnaires de reprendre leur travail.  S’agissant de l’éducation, un facteur majeur de développement, il a souligné que les filles et les femmes doivent pouvoir réaliser pleinement leur potentiel en étant en mesure de reprendre leurs études.  Abordant la situation en matière de sécurité, le représentant a évoqué les atteintes aux droits humains et les violations commises à l’encontre d’anciens fonctionnaires et membres des forces de sécurité, tout en notant que le trafic de stupéfiants et la présence de forces étrangères accroissent la volatilité de la situation sur le terrain.  Préoccupé par les tensions sous-régionales entre l’Iran et l’Afghanistan au sujet de l’approvisionnement en eau, le délégué a appelé à une désescalade. Sur le plan économique, il a salué l’augmentation de la collecte des recettes, les résultats commerciaux positifs, le recul de la corruption et l’éradication accrue des champs de pavot à opium, tout en soulignant les perspectives limitées de croissance et de réduction de la pauvreté.  Le délégué s’est aussi félicité du déminage réussi de 9,2 kilomètres carrés de terres et de la campagne de sensibilisation menée à ce sujet auprès de 39 000 personnes, dont 14 000 femmes et jeunes filles.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a noté que, près de deux ans après la « fuite précipitée » des troupes américaines et de l’OTAN et le retour des Taliban au pouvoir, l’Afghanistan et son peuple vivent dans une nouvelle réalité, faisant face presque seuls à d’anciens problèmes et à de nouveaux défis.  Le représentant a tancé les pays occidentaux et leurs promesses creuses, qui en vingt ans ont détruit le pays et abandonné son peuple à son sort au moment le plus crucial. Il a trouvé une explication à cet abandon par le fait que toutes les forces de « nos collègues occidentaux » ont été lancées dans la lutte contre la Russie sur le « terrain ukrainien ». 

Le représentant a dit partager l’évaluation faite par le Secrétaire général quant à la difficile situation politique intérieure en Afghanistan, se disant particulièrement préoccupé par les risques sécuritaires posés par l’activité terroriste de l’EIIL-K.  De toute évidence, a-t-il estimé, l’État islamique cherche à se positionner comme une force alternative dans le pays, soupçonnant même un soutien de forces extérieures.

Tout en notant les efforts des autorités de facto, le représentant a ensuite estimé que, sans une assistance internationale et régionale globale et dans des conditions de famine et de pauvreté à grande échelle, il sera difficile pour l’Afghanistan de faire face, seul, aux défis.

Le représentant a également dit continuer à suivre la dynamique de la situation dans le domaine des droits de tous les Afghans, y compris les femmes et les filles.  Construire une paix à long terme et durable en Afghanistan est impossible sans un engagement patient et pragmatique continu avec les nouvelles autorités sur un large éventail de questions urgentes, a-t-il estimé.  La Russie est toujours favorable au développement de la coopération avec l’Afghanistan sur les questions d’un règlement global.  Le « format de Moscou » sert également cet objectif, a-t-il conclu.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a indiqué que les Taliban ont pris une cinquantaine de mesures visant à restreindre les droits des femmes et des filles et à entraver l’acheminement de l’aide humanitaire.  « La trajectoire est négative et les options à disposition sont limitées », a ajouté la représentante, qui a exhorté la communauté internationale à fournir de l’aide humanitaire et déploré que l’appel humanitaire pour 2023 n’est actuellement financé qu’à hauteur de 13%. 

Nous devons rester unis dans les messages envoyés aux Taliban, à savoir couper les liens avec les terroristes; garantir un accès humanitaire et promouvoir les droits humains, ainsi qu’une gouvernance inclusive, a poursuivi la représentante. Ignorer les demandes de la communauté internationale ne doit pas rester sans conséquence, a-t-elle ajouté.  Si les Taliban persévèrent dans cette voie, alors il n’y aura aucun progrès s’agissant d’une reconnaissance internationale et il n’y aura pas d’allégement des sanctions, a-t-elle averti.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a salué la décision de la MANUA de ne pas remplacer son personnel féminin avec du personnel masculin, condamnant les restrictions et les mesures discriminatoires à l’égard des femmes.  Il a appelé à renforcer la coordination des travaux entre les organismes de l’ONU, les organisations régionales et les pays voisins, afin de prévenir l’escalade de la violence aux frontières et soutenir la lutte contre le terrorisme, l’extrémisme violent et le trafic de drogue.  Il a par ailleurs condamné les exécutions arbitraires, les détentions extrajudiciaires, les persécutions et les tortures des membres de l’opposition et des anciens responsables de l’Afghanistan. 

En ce qui concerne la situation humanitaire, le représentant a dénoncé la restriction des opérations humanitaires pour les femmes veuves, les déplacés, les handicapés, les malades et les enfants.  Il a encouragé les donateurs à maintenir le financement de l’aide humanitaire.  Face aux restrictions imposées aux femmes afghanes, le représentant a suggéré d’identifier les domaines dans lesquels elles peuvent contribuer et fournir des ressources pour stimuler la croissance et leur autonomisation.  Il a également appelé les pays voisins de l’Afghanistan à donner la priorité à la participation des femmes dans leurs échanges. 

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a déploré les efforts continus des Taliban pour codifier la ségrégation entre les sexes au sein de la société afghane, ainsi que de l’ONU et du système humanitaire actif dans le pays.  Les autorités de facto ont signé plus de 520 décrets restrictifs depuis juillet 2022, au détriment de millions de femmes et d’enfants afghans, s’est-elle émue.  Ils doivent être annulés et les droits fondamentaux des femmes en Afghanistan respectés, a tranché la déléguée, en faisant valoir en particulier le droit à l’éducation des femmes et des jeunes filles.  Elle a appelé le Conseil à exiger une révocation immédiate et inconditionnelle des dictats régressifs des Taliban et entreprendre des actions qui bénéficieront à la population afghane en cette période de défis humanitaires majeurs.

M. FERIT HOXHA (Albanie) s’est inquiété de la situation humanitaire catastrophique en Afghanistan.  Il s’est également alarmé des activités terroristes, craignant que ce pays ne devienne de nouveau un havre pour le terrorisme.  Les Taliban, qui ont méthodiquement réduit à néant les progrès des dernières décennies poussant à la fermeture de médias, d’écoles et d’organisations intergouvernementales censées protéger et promouvoir les droits humains, sont en voie de faire de l’Afghanistan un « trou noir », s’est-il alarmé, avertissant que cela ne fera qu’accroître l’isolement et l’exclusion du pays.  De même, le représentant s’est élevé contre la campagne de répression et de misogynie des autorités de facto à l’encontre des femmes et des jeunes filles.  Il a ensuite réitéré son soutien à la MANUA qui s’acquitte de son mandat dans un environnement éminemment complexe. 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a estimé que les interventions d’aujourd’hui confirment l’étendue de la crise multidimensionnelle en Afghanistan, dont l’oppression des femmes et des filles est l’élément le plus criant.  La représentante a noté qu’aucune des mesures qui excluent les femmes et les filles de la vie publique, politique, économique, culturelle et sociale et dont le Conseil de sécurité a demandé l’abandon n’a été officiellement révoquée.  Le mépris flagrant des droits humains par les Taliban entraîne des conséquences dramatiques non seulement sur les femmes, mais aussi sur des familles et des communautés entières, dont les enfants, a-t-elle ajouté, avant de se dire consternée par la décision récente de la Cour suprême, contrôlée par les Taliban, d’imposer la peine de mort, qu’elle a jugée incompatible avec le respect des droits humains et de la dignité humaine. 

Sur le plan économique, un soutien humanitaire et la fourniture des besoins fondamentaux resteront donc nécessaires, a noté la représentante, qui a souligné que les Taliban ont la responsabilité de subvenir aux besoins de la population afghane, sans discrimination aucune, et doivent s’assurer que l’aide humanitaire et les services de base parviennent à toutes les personnes dans le besoin. 

Par ailleurs, la Suisse juge urgent d’atténuer les effets négatifs des changements climatiques pour améliorer durablement la sécurité alimentaire en Afghanistan.  Dans ce cadre, la représentante a salué le travail de la MANUA auprès des communautés locales pour renforcer leur gestion des risques liés aux changements climatiques ainsi que leur résilience.  Elle a insisté en conclusion sur la nécessité de garantir la participation active de la société civile et des organisations de femmes dans tous les domaines, y compris dans l’évaluation indépendante prévue par la résolution 2679 (2023).

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a déclaré que la situation en Afghanistan demeure très préoccupante, les Taliban continuant de fouler aux pieds les exigences de la communauté internationale et les résolutions de ce Conseil.  Les Taliban poursuivent leur politique d’oppression systématique à l’encontre des Afghanes, a rappelé la représentante, avant de condamner la décision prise, en avril dernier, d’interdire aux femmes afghanes de travailler pour les Nations Unies.  Elle a exhorté la communauté internationale à continuer d’exiger que les Taliban reviennent sur les décisions qui entravent la vie quotidienne des femmes, violent leurs droits et restreignent leurs libertés fondamentales. 

L’aide humanitaire au service de la population afghane est inconditionnelle et doit le rester, a poursuivi la représentante, qui a rappelé que la France a versé plus de 140 millions d’euros depuis août 2021.  « Il nous faut continuer, collectivement, à souligner que nous attendons des gestes concrets de la part des Taliban, sur la base des exigences que nous leur avons posées », a-t-elle insisté.

M. NASEER AHMED FAIQ (Afghanistan), qui est un opposant aux autorités de facto de son pays, a salué l’engagement du Conseil pour les droits fondamentaux du peuple afghan, en particulier des femmes et des filles, ainsi que les efforts visant à assurer la paix, la stabilité et la sécurité en Afghanistan. Dressant un sombre bilan depuis l’arrivée au pouvoir des Taliban, il y a bientôt deux ans, le représentant a affirmé que l’espoir s’est évanoui.  Les Taliban n’ont pas répondu aux attentes internationales mais ont justifié leurs actions en déformant la religion et la culture, a-t-il accusé.  Sur la scène internationale, ils ont eu recours à une politique de chantage et d’extorsion avec l’ONU et les ONG.  Au niveau national, ils sont revenus aux politiques draconiennes des années 1990 en consolidant leur pouvoir par des actes d’intimidation et de répression, imposant des restrictions et isolant le peuple afghan.  En deux ans, la situation humanitaire, des droits de l’homme, sécuritaire et la politique s’est aggravée, a-t-il accusé.  Selon lui, le peuple afghan attend de la communauté internationale qu’elle adopte une approche unie et cohérente face à cette érosion des droits de l’homme. 

Affirmant que les Taliban avaient aussi failli à leurs promesses d’inclusion, de rupture avec les groupes terroristes, de respect des droits de l’homme et de ne pas menacer la sécurité d’autres pays, le représentant a demandé une stratégie antiterroriste à la fois mondiale et régionale, unifiée et cohérente contre les groupes terroristes. Sur le plan politique, il a assuré que le peuple afghan est déterminé à surmonter la crise et atteindre la stabilité, saluant le travail de la société civile, des groupes de femmes et de jeunes et des partis politiques dont l’objectif principal est de converger vers un agenda national basé sur l’unité. 

Le représentant a appelé la communauté internationale à adopter une nouvelle approche, unifiée et cohérente, pour l’Afghanistan.  À cet égard, il a dit attendre avec intérêt l’évaluation intégrée et indépendante de la situation demandée par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2679 (2023), qui doit être présentée d’ici à novembre.  Il a aussi demandé la participation des représentants du peuple afghan au suivi de la réunion de Doha et de sa « feuille de route ».  Pour lui, le règlement politique de la situation repose sur un dialogue national.  La communauté internationale doit quant à elle structurer les forces politiques démocratiques pour leur donner l’occasion d’améliorer et de stabiliser la situation du pays, sur la base de la volonté du peuple afghan.

M. JONIBEK ISMOIL HIKMAT (Tadjikistan) a déploré la dégradation de la situation des femmes en Afghanistan et condamné la décision d’interdire aux femmes afghanes de travailler pour des organisations internationales.  Contrairement à ce que déclarent les Taliban, des groupes terroristes étrangers, autres que Daech, sont présents dans le pays, a dit le délégué, en citant notamment Al-Qaida, le Mouvement islamique du Turkestan oriental ou bien encore le Mouvement islamique d’Ouzbékistan.  Ces mouvements font peser de réelles menaces sur les pays voisins, a averti le délégué.  Il a rappelé la proposition du Président de son pays visant à établir un « cordon sécuritaire » autour de l’Afghanistan en vue de remédier aux menaces en émanant. Enfin, il a réaffirmé l’engagement de son pays à continuer de fournir une aide humanitaire. 

M. AMIR SAEID IRAVANI (République islamique d’Iran) a estimé que les autorités de facto ont maintenu la stabilité en Afghanistan et géré l’économie, même si les besoins demeurent considérables.  Les sanctions unilatérales ont aggravé la situation actuelle et entravent la réponse humanitaire.  L’aide humanitaire doit être impartiale et inconditionnelle et les engagements pris à ce titre doivent être honorés, a ajouté le représentant, qui a également demandé la restitution des avoirs afghans gelés ainsi que la levée des sanctions. 

Le représentant a dénoncé les restrictions toujours plus sévères imposées aux femmes et aux filles par les Taliban, ainsi que les mesures prises visant à affaiblir le farsi et les tentatives d’imposition d’une domination pachtoune.  Toutefois, et tout en reconnaissant que les Taliban ne se sont pas acquittés de leurs engagements, il a appelé à un maintien du dialogue avec ces derniers par l’entremise de la MANUA.

Mme AIDA KASYMALIEVA (Kirghizistan) a estimé que la réunion des envoyés spéciaux sur l’Afghanistan qui s’est tenue début mai à Doha représente un grand pas en avant.  Elle a jugé important d’organiser des consultations régulièrement avec les pays de la région pour promouvoir la paix et la sécurité en Afghanistan.  La crise ne sera résolue que par le biais de négociations, a-t-elle souligné, insistant sur l’importance de la sécurité régionale et de la paix et de la stabilité en Afghanistan.  Elle a indiqué que le Kirghizistan entretient des relations de bon voisinage avec l’Afghanistan, et que les relations diplomatiques entre les deux pays continuent depuis l’arrivée au pouvoir des Taliban en août 2021.  Le Kirghizistan accueille en outre près de 500 étudiants afghans dans ses universités.  La représentante a ensuite appelé à assurer la participation des femmes à tous les domaines de la vie publique ainsi que leur accès à l’éducation, dénonçant les restrictions dont elles font l’objet en Afghanistan.  Elle a ensuite souligné l’importance d’intégrer l’économie afghane aux processus régionaux, y compris les projets énergétiques permettant l’exportation de l’électricité en Afghanistan depuis l’Asie du Sud. 

M. PRAKASH GUPTA (Inde) a exprimé, « en tant que voisin contigu et partenaire de longue date de l’Afghanistan », un intérêt direct à assurer le retour de la paix et de la stabilité dans ce pays.  Il a notamment rappelé la livraison de 40 000 tonnes de blé et 150 tonnes d’aide médicale, précisant que l’Inde travaille notamment en partenariat avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).  Le représentant a aussi annoncé que ce mois-ci avait débuté l’expédition de 20 000 tonnes d’aide en blé en partenariat avec le Programme alimentaire mondial (PAM) via le port de Chabahar.  « À l’heure où nous parlons, la première tranche de 2 500 tonnes de blé a déjà été remise à l’entrepôt du PAM à Hérat en vue d’une distribution ultérieure, et la prochaine, de 2 500 tonnes supplémentaires, est en route », s’est-il félicité.

Le représentant a jugé important qu’il existe un consensus international sur les questions liées à l’Afghanistan, et a noté que cette approche collective a été formulée dans la résolution 2593 (2021) du Conseil.  Nos priorités communes et immédiates comprennent la fourniture d’une aide humanitaire au peuple afghan, la formation d’une structure gouvernementale inclusive et représentative, la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue et la préservation des droits des femmes, des enfants, et des minorités, a-t-il rappelé.

L’Inde apprécie et soutient le travail accompli par l’ONU en Afghanistan et est prête à travailler avec le Secrétaire général pour faire évoluer la situation, a affirmé le représentant, pour qui la paix et la stabilité en Afghanistan sont « des impératifs cruciaux que nous devons tous atteindre collectivement ». 

M. MUNIR AKRAM  (Pakistan) a déclaré qu’il existe des raisons pour être à la fois optimiste et pessimiste.  Il est vrai que la situation a avancé sur la bonne voie, a-t-il constaté, énumérant la reprise des échanges et du commerce, un gouvernement stable sans menaces internes avérées, une diminution de l’économie de l’opium, ainsi que l’interaction des autorités de facto avec leurs voisins et d’autres pays de la région.  Il s’est cependant inquiété de la situation humanitaire catastrophique et de l’effet intolérable des restrictions imposées aux femmes et aux filles qui n’ont fait qu’augmenter.  Sur le plan politique, il a déploré le peu de progrès réalisés pour promouvoir l’inclusion.  De plus, les organisations terroristes qui opèrent dans ce pays et la région, constituent une véritable menace et doivent être empêchées de nuire, a-t-il souligné, citant notamment Daech. 

Le représentant a ensuite rappelé, à cet égard, la récente visite du Ministre en exercice des affaires étrangères afghan à Islamabad, pour des entretiens avec le Pakistan et la Chine.  À cette occasion, plusieurs questions ont été abordées, notamment la coopération concernant tout l’éventail des sujets qui « nous préoccupent », a-t-il indiqué, invitant la communauté internationale à apporter un concours constructif au gouvernement intérimaire.  Il a souhaité, pour finir, que cette rencontre et celle de Samarkand fassent des émules, invitant d’autres pays de la région, dont ceux membres de l’Organisation de la coopération islamique à jouer un rôle de premier plan. 

M. AKAN RAKHMETULLIN (Kazakhstan) a indiqué que son pays se conforme strictement à la position du Conseil de sécurité s’agissant de la reconnaissance internationale des Taliban.  Il a cependant fait valoir que la nouvelle Administration de l’Afghanistan œuvre depuis deux ans à la construction de l’État.  « Le pays doit survivre et construire des relations normales avec ses voisins et d’autres partenaires, y compris les organisations internationales », a-t-il dit, estimant que l’intégration de l’Afghanistan dans le système économique régional répond aux intérêts de toute l’Asie centrale. 

C’est pourquoi, a expliqué le représentant, le Kazakhstan a accrédité des représentants de la nouvelle Administration afghane, sans leur accorder le statut diplomatique. Il a estimé à cet égard que la rencontre tenue en mai à Doha, au Qatar, entre le Secrétaire général et les représentants spéciaux pour l’Afghanistan d’un certain nombre de pays a confirmé l’importance d’une coopération accrue entre la communauté internationale et les Taliban, principalement en matière commerciale, économique et humanitaire. 

C’est dans cet esprit que le Kazakhstan s’est engagé à coopérer avec la communauté internationale pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme de forces extérieures opérant dans ce pays, a précisé le représentant, qui a formulé l’espoir que les autorités de facto de l’Afghanistan prendront les mesures appropriées pour mettre en place un gouvernement inclusif et représentatif, défendre les droits humains et promouvoir la participation des femmes à tous les aspects de la société. Dans l’immédiat, a-t-il conclu, le Kazakhstan entend établir une coopération entre son agence de développement international KazAID et les entités des Nations Unies dans la mise en œuvre de projets pertinents pour la stabilisation économique de l’Afghanistan. 

M. BAKHTIYOR IBRAGIMOV (Ouzbékistan) a déclaré que son pays avait toujours préconisé de ne pas se contenter d’apporter une aide humanitaire en Afghanistan, mais d’élaborer des mesures concrètes susceptibles de favoriser le redressement de l’économie nationale.  Il a jugé important de ne pas isoler l’Afghanistan sur le plan international, car cela ne ferait qu’exacerber la crise humanitaire qui y sévit.  Le représentant s’est dit convaincu que la révocation rapide de l’interdiction de l’éducation des filles et de l’emploi des femmes deviendrait un facteur clef pour parvenir à un consensus national, à un développement durable et à l’intégration de l’Afghanistan dans la communauté internationale en tant que membre responsable.  Pour lui, les conditions fondamentales pour une paix à long terme dans ce pays restent la formation d’un gouvernement inclusif et la garantie des droits et libertés fondamentaux des personnes, en particulier des femmes et des minorités nationales.  L’Ouzbékistan s’en tient strictement à cette position dans ses contacts avec les Taliban, a affirmé le délégué.  L’initiative du Président de l’Ouzbékistan, M. Shavkat Mirziyoyev, concernant la formation d’un groupe de négociation international de haut niveau sous les auspices des Nations Unies, visant à préparer et à convenir avec les autorités afghanes de la mise en œuvre progressive des obligations des parties, répond à cet objectif.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité inquiet de l’impact du conflit au Soudan sur la stabilité du Soudan du Sud

9353e séance – après-midi 
CS/15329

Le Conseil de sécurité inquiet de l’impact du conflit au Soudan sur la stabilité du Soudan du Sud

Les conséquences politiques, sociales et économiques directes pour le Soudan du Sud des hostilités déclenchées le 15 avril dernier au Soudan ont alarmé les États membres du Conseil de sécurité réunis, cet après-midi, pour faire le point sur la situation au Soudan du Sud.  Un sentiment partagé par le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), qui note avec inquiétude la lenteur de l’application de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit au Soudan du Sud et les retards importants accusés dans la mise en œuvre des objectifs convenus dans le cadre de la feuille de route adoptée en août 2022. 

Venu présenter le rapport semestriel du Secrétaire général sur la situation au Soudan du Sud, M. Nicholas Haysom a appelé la communauté internationale à ne pas se détourner du Soudan du Sud car, comme on l’a vu avec le Soudan, « les dividendes de la paix peuvent vite disparaître ».  S’ils ne sont pas traités d’urgence, ces retards pourraient amener les parties à un point où aucune mesure corrective ne saurait être efficace, peut-on lire dans le rapport.  Il est donc demandé aux parties d’achever rapidement les tâches en suspens avant la fin de la période de transition, comme prévu dans l’Accord revitalisé.

La situation humanitaire déjà désastreuse au Soudan du Sud a encore été exacerbée par l’arrivée de Sud-Soudanais qui rentraient au pays et de réfugiés du Soudan.  Cela, associé à l’augmentation des prix des produits de base, met à rude épreuve les populations vulnérables et les ressources disponibles, a résumé le diplomate, appuyé par les délégations.  Plus de 117 000 personnes ont déjà franchi la frontière, dont 93% de rapatriés sud-soudanais.  Tout en félicitant le Gouvernement pour sa politique d’ouverture, M. Haysom s’est interrogé sur ses capacités d’absorption et sur celles des travailleurs humanitaires.   

Le Soudan du Sud ne dispose pas des capacités financières immédiates pour venir en aide à l’afflux de réfugiés et de rapatriés fuyant le conflit au Soudan, s’est plaint le représentant du Soudan du Sud.  Un appel entendu par les trois membres africains du Conseil –Gabon, Ghana et Mozambique- qui ont de nouveau demandé à la communauté internationale d’accroître son aide humanitaire, qui reste gravement sous-financée.

Par la voix du Mozambique, ces pays ont tenu à saluer les progrès « importants » réalisés par le Soudan du Sud dans la consolidation de l’État, notamment en ce qui concerne les processus constitutionnel et électoral.  Ils ont noté la réduction des incidents de violence intercommunautaire au niveau régional, en particulier dans l’État de Jongleï, tout en restant préoccupés par la vulnérabilité persistante de certaines régions du pays, exacerbée par les chocs climatiques.  Ils ont encouragé la MINUSS à renforcer les actions de développement des capacités des autorités sud-soudanaises compétentes, en particulier dans les domaines logistique, financier et judiciaire. 

Plusieurs pays, à l’instar du Brésil, n’ont pas caché leur crainte que la détérioration aiguë du niveau de vie de millions de personnes, déjà confrontées à des niveaux alarmants d’insécurité alimentaire, ne provoque des problèmes de sécurité encore plus graves.  La France, les États-Unis et l’Albanie ont pointé du doigt la situation autour de Malakal où des affrontements ethniques se sont produits dans le centre de protection des civils.  Ces affrontements auraient fait 13 morts et brûlé 4 000 maisons, selon le Royaume-Uni.

Si le rapport à l’étude fait en effet ressortir des progrès dans l’exécution du mandat de la Mission, le rythme de mise en œuvre de l’Accord revitalisé reste trop lent, ont relevé diverses délégations, une grande partie des objectifs visés après la période transitoire de trente-six mois n’ayant pas été réalisés. 

En conséquence, l’Accord revitalisé a été prolongé de vingt-quatre mois, de février 2023 à février 2025, pour permettre l’achèvement de l’unification des forces armées, l’élaboration de la constitution permanente et la préparation de la tenue d’élections crédibles, libres et équitables en décembre 2024, a expliqué M. Charles Tai Gituai, Président par intérim de la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée.  Si le responsable de l’organe chargé de superviser l’état de la mise en œuvre de l’Accord revitalisé a salué l’établissement des branches exécutive et législative du Gouvernement provisoire d’union nationale, il a en revanche déploré l’absence d’avancée dans le processus de désarmement, démobilisation et réintégration. 

Face à l’impasse politique actuelle, et ce retard dans la feuille de route, la France et Malte ont encouragé les parties à continuer d’honorer leurs engagements prévus au titre de l’Accord revitalisé.  La Fédération de Russie a, quant à elle, salué le rôle de la MINUSS dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé et demandé que la Mission accorde plus d’attention à la stabilisation durable de la situation dans le pays par un accompagnement accru du Gouvernement vers la transition.

Pour la Chine, le Soudan du Sud a progressé, en particulier sur la question du processus politique et institutionnel, et il faut contribuer aux efforts du Gouvernement et travailler avec lui pour créer les conditions favorables à la transition politique.  C’est dans cet esprit que le Président de la Communauté de Sant’Egidio s’est engagé, promettant de poursuivre un dialogue politique complémentaire dans le cadre de l’initiative de Rome avec l’intention de créer un terrain favorable à l’éradication de la violence. 

Le Soudan du Sud, en conclusion, s’est engagé à travailler plus vite dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé.  Malgré les défis, « nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir à cette fin », a promis sa délégation. 

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD - S/2023/433

Déclarations

M. NICHOLAS HAYSOM, Représentant spécial pour le Soudan du Sud et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), a signalé les répercussions de la crise au Soudan sur la mise en œuvre de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit au Soudan du Sud.  De fait, depuis mi-avril, près de 117 000 femmes, enfants et hommes ont franchi la frontière, dont 93% sont des rapatriés sud-soudanais.  Il a tenu à féliciter le Gouvernement de sa politique d’ouverture des frontières.  Cependant, a-t-il averti, les capacités d’absorption du Gouvernement et des humanitaires sont mises à rude épreuve, d’autant plus que les ressources locales limitées créent des goulots d’étranglement.

Les répercussions économiques du conflit se font durement ressentir dans un contexte déjà fragile, a expliqué M. Haysom.  L’interruption soudaine des importations venant du Soudan rend les produits de base souvent inabordables.  L’exportation de brut du Soudan du Sud et passant par Port Soudan constitue une planche de salut qui, si elle disparaissait, comme des menaces récentes l’ont laissé entendre, pourrait entraîner des effets dévastateurs pour l’économie du pays.  Sur le plan politique, a poursuivi le Représentant spécial, « le conflit au Soudan détourne l’attention du Soudan du Sud en cette phase cruciale de la transition ». Alors que les efforts déployés par l’Autorité intergouvernementale pour le développement sur le Soudan du Sud (IGAD) et le Président Salva Kiir pour mettre un terme au conflit au Soudan restent tout à fait louables, le calendrier du processus de paix au Soudan du Sud ne devrait pas pâtir de ces efforts. 

Ces facteurs aggravent les éléments moteurs du conflit, compliquant une situation sécuritaire déjà fragile dans le pays, a mis en garde M. Haysom.  L’absence d’accords locaux régissant les déplacements du bétail en dehors de la saison sèche aggrave les risques de heurt entre les éleveurs du nord et les communautés agraires sud-soudanaises.  De surcroît, il a noté des rivalités grandissantes autour des rares ressources dans les zones des nouveaux déplacements, ce qui entraîne une montée des tensions entre les communautés souvent teintées de connotation tribale dans un environnement marqué par des difficultés économiques, des tensions préexistantes et la présence d’armes à feu.  Le diplomate a cité le cas de l’accès aux points d’eau dans le Haut-Nil où ces facteurs ont mis le feu aux poudres dans une chronologie d’événements préoccupants.  La MINUSS a constaté qu’au moins 14 personnes déplacées avaient été tuées et plus de 28 blessées.  À la demande des autorités, les partenaires humanitaires ont suspendu de façon temporaire les déplacements à Malakal en provenance du Soudan.  À la suite de ces événements, le Représentant spécial s’est rendu à Malakal pour, a-t-il dit, observer la dynamique sur le terrain.

À l’heure actuelle, a rapporté le Représentant spécial, les humanitaires adaptent leur plan d’intervention pour aider les deux communautés dans les camps et à l’extérieur des camps.  Le plan de prévention de la MINUSS inclut le déploiement intensifié de patrouilles de plus de 600 Casques bleus sur le terrain.  Il est prévu un renforcement des opérations de cordon sanitaire et de recherche pour récupérer les armes à feu dans les camps.

Tout ceci, a continué M. Haysom, est assorti d’engagements et d’un dialogue avec les dirigeants politiques, locaux et nationaux qui prône la tolérance intercommunautaire et un désarmement pacifique.  Il a salué le soutien apporté par le Gouverneur du Haut-Nil, les forces populaires de défense du Soudan du Sud et des services de police.  Le diplomate s’est encore inquiété de la montée des tensions à Malakal qui ne fait qu’aggraver l’enchevêtrement de conflits intercommunautaires et intra-nationaux auxquels la Mission est confrontée.  Lors de la publication du rapport trimestriel de la MINUSS, il a fait part de son sentiment d’alarme face à la réapparition de meurtres extra-judiciaires dans l’État des Lacs, une préoccupation remontée aux autorités.  Il a dit avoir enjoint le Gouvernement à publier les conclusions de l’enquête.

Dans le même temps, le renouvellement du mandat de la MINUSS requiert des tâches supplémentaires de protection des civils, qui doivent être conformes aux capacités et aux ressources.  À cet égard, le Chef de la Mission a annoncé l’élargissement de l’empreinte de la force dans le pays tout en gardant des réserves pour tout imprévu intracommunautaire, infranational ou pré-électoral.  Pour finir, M. Haysom a dit attendre le résultat d’une étude des capacités militaires et de police qui permettra de voir si « nous sommes à la hauteur ».  Nonobstant les difficultés géographiques, il ressort d’un sondage indépendant que les Sud-Soudanais appuient la Mission et sa présence stabilisatrice.  En conclusion, il a appelé à ne pas perdre des yeux le Soudan du Sud car, comme nous l’avons appris avec le Soudan, « les dividendes de la paix peuvent vite disparaître ».

M. CHARLES TAI GITUAI, Président par intérim de la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée, l’organe chargé de superviser l’état de la mise en œuvre de l’Accord revitalisé de 2018 sur la résolution du conflit au Soudan du Sud et de soumettre des rapports trimestriels au Conseil de sécurité.  Il a noté qu’au cours des cinq dernières années, le Soudan du Sud avait connu sa plus longue période de paix et de stabilité relatives depuis son indépendance en 2011.  Il a toutefois constaté que le rythme de mise en œuvre de l’Accord revitalisé avait été lent, une grande partie des objectifs visés à la suite de la période transitoire de trente-six mois n’ayant pas été réalisés.  En conséquence, l’Accord revitalisé a été prolongé de vingt-quatre mois, de février 2023 à février 2025, pour permettre l’achèvement de l’unification des forces armées, l’élaboration de la constitution permanente et la préparation de la tenue d’élections crédibles, libres et équitables en décembre 2024.

L’intervenant a salué l’établissement des branches exécutive et législative du Gouvernement provisoire d’union nationale revitalisé au niveau national et au niveau des États, la résolution du différend sur le nombre d’États, et l’incorporation de l’Accord revitalisé dans la Constitution de transition.  Il a ajouté qu’environ 55 000 des 83 000 membres des forces unifiées ont été formés et diplômés, mais que le processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) n’avait pas commencé. M. Gituai s’est également félicité de l’ouverture de couloirs humanitaires ayant facilité le retour de certains réfugiés sud-soudanais et de déplacés internes.  Il a aussi noté des progrès dans la rédaction des projets de loi relatifs à la création de la Commission vérité, réconciliation et apaisement et de l’Autorité pour les compensations et les réparations.  Il a plaidé en faveur d’un soutien accru du Conseil de sécurité et de la communauté internationale afin d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord revitalisé, notamment grâce à un financement prévisible et adéquat.  La Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée estime que la communauté internationale pourrait financer directement le processus d’élaboration de la constitution, le désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), ainsi que la préparation et la conduite des élections, a conclu l’intervenant. 

M. MARCO IMPAGLIAZZO, Président de la Communauté de Sant’Egidio, s’est dit préoccupé par la situation au Soudan du Sud depuis les années 90, rappelant que M. John Garang, père fondateur de ce pays, s’était rendu à plusieurs reprises à Rome pour chercher des voies de dialogue, en pleine lutte pour l’indépendance.  L’initiative de Rome est née au lendemain de la signature de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud, dans la phase compliquée de la création du Gouvernement d’unité nationale.  Plusieurs entités politiques et militaires avaient rejeté cet accord et il était nécessaire de les récupérer, a encore expliqué l’intervenant. Le pape François est intervenu personnellement depuis la mémorable « Retraite spirituelle », a-t-il poursuivi.  C’est ainsi qu’ont été créées les conditions préalables à la convocation à Rome des parties non-signataires de l’Accord revitalisé, avec un mandat complet du Président Salva Kiir pour négocier avec eux. L’initiative de Rome a donc conduit à une reconnaissance mutuelle entre le Gouvernement et l’opposition non-signataire et créé un cadre de négociation pour l’engagement politique, a-t-il ajouté. 

Malgré les interruptions forcées dues à la pandémie de COVID-19, ce dialogue a permis de réduire le niveau de violence dans le pays et de créer un nouvel espoir de paix, s’est réjoui M. Impagliazzo.  L’initiative de Rome a donc permis, selon lui, de former des représentants de l’Alliance des mouvements d’opposition du Soudan du Sud (SSOMA), en vue de leur inclusion future dans le Mécanisme de vérification et de surveillance du cessez-le-feu et du suivi de l’application des dispositions transitoires de sécurité (CTSAMVM).  Le processus est aujourd’hui plus inclusif et évolue dans cette direction. L’initiative de Rome représente un dialogue politique complémentaire et en harmonie avec les institutions internationales.  C’est pourquoi, a-t-il assuré, Sant’Egidio s’engage à poursuivre dans cette voie avec l’intention de créer un terrain favorable à l’éradication de la violence. Mentionnant l’importante contribution des représentants de la société civile et des dirigeants des confessions chrétiennes et religieuses du pays, l’intervenant s’est dit convaincu que cette participation ne fera que s’accroître au cours des prochaines étapes. Ce sera un élan décisif pour appeler les dirigeants du Gouvernement et de l’opposition à assumer leurs responsabilités à l’égard du peuple du Soudan du Sud et de ses souffrances. 

M. RICHARD A. WOOD (États-Unis) a dit être préoccupé par les violences communautaires au camp de Malakal.  Il a regretté que des mesures de protection n’aient pas été prises rapidement en dépit des signes précurseurs.  Les États-Unis sont prêts à aider la MINUSS à cet égard, a assuré le représentant qui s’est également inquiété de la présence de groupes armés autour du camp et du trafic d’armes qu’ils alimentent à l’intérieur du camp.  Il a exhorté le Gouvernement à empêcher l’arrivée de ces groupes armés dans les camps et les sites de protections de civils.  Le représentant a noté que des inondations ont détruit les moyens de subsistance des populations alors que la situation humanitaire est déjà catastrophique.  Le Gouvernement doit mettre en œuvre son programme de relèvement pour trouver des réponses durables aux problèmes, a-t-il ajouté, en insistant sur l’importance de protéger la population. 

M. DARREN CAMILLERI (Malte) s’est dit préoccupé par les implications négatives de l’impasse politique actuelle et, dans ce contexte, a encouragé les parties à continuer d’honorer leurs engagements prévus au titre de l’Accord revitalisé.  Il a en outre soutenu les instruments de vérification de l’Accord, y compris la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée.  Pour le représentant, ce n’est que grâce à un espace civique inclusif que les processus électoraux et constitutionnels pourront être menés à bien d’ici à la fin de 2024.  Ainsi a-t-il souligné l’importance de l’adoption de la loi électorale nationale afin que puissent être réunies toutes les conditions nécessaires au déroulement d’élections libres, justes et crédibles. 

En outre, « Malte soutient les appels au renforcement du quota de 35% de femmes tel que prescrit par l’accord de paix, et demande instamment leur participation égale et significative à tous les processus, y compris la rédaction de la constitution ». 

Après avoir salué le rôle que le Président Salva Kiir a joué au sein de la mission de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) dans la médiation d’un cessez-le-feu au Soudan, le représentant a apporté le soutien de son pays aux mesures de protection de l’enfance prises par la MINUSS dans le contexte inquiétant de radicalisation des jeunes, signalé dans le rapport du Secrétaire général.  Par ailleurs, il s’est félicité de l’assistance humanitaire apportée par l’Union européenne au Soudan du Sud, laquelle s’élève à 81 millions d’euros en 2023.

M. PEDRO COMISSARÍO AFONSO (Mozambique), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), a salué les progrès importants réalisés par le Soudan du Sud dans la consolidation de l’État, notamment en ce qui concerne les processus constitutionnel et électoral.  Il a noté avec satisfaction la réduction des incidents de violence intercommunautaire au niveau régional, en particulier dans l’État de Jongleï, tout en restant préoccupé par la vulnérabilité persistante de certaines régions du pays, exacerbée par les chocs climatiques. 

Le représentant a encouragé la MINUSS à étendre son assistance technique et son soutien aux mécanismes de responsabilisation et à renforcer la chaîne de la justice pénale. Il a réitéré l’appel des A3 à renforcer les actions de développement des capacités des autorités sud-soudanaises compétentes, en particulier dans les domaines logistique, financier et judiciaire. 

S’inquiétant des retombées du conflit au Soudan voisin, le représentant a constaté que l’afflux de rapatriés, de réfugiés soudanais et de ressortissants de pays tiers, combiné à la réduction des flux de marchandises et de carburant en provenance du Soudan, accentuait la pression sur les communautés vulnérables et aggravait une situation humanitaire déjà désastreuse.  Il a condamné fermement les attaques contre les travailleurs humanitaires, appelant toutes les parties à respecter le droit international humanitaire et à garantir un accès sans restriction aux populations dans le besoin.  Il a réitéré l’appel des A3 à la communauté internationale pour qu’elle augmente son soutien financier à l’aide humanitaire, qui reste gravement sous-financée.

M. DAI BING (Chine) a estimé que le Soudan du Sud a progressé, en particulier, sur la question du processus politique et institutionnel.  Il a exhorté la communauté internationale à contribuer aux efforts du Gouvernement et à travailler avec lui pour créer les conditions favorables à la transition politique.  Le représentant a aussi encouragé le Gouvernement à accorder la priorité à la prospérité de la population.  Rappelant que le Soudan du Sud est la plus jeune nation au monde, il a prié ses collègues du Conseil de faire preuve de patience et de respecter la souveraineté nationale du pays.  La période à l’examen, a-t-il constaté, a été marquée par la baisse de la violence même si dans certains États, la situation demeure fragile.  Le représentant a donc prié le Gouvernement de renforcer la prévention et la cohésion nationale.  Avant de conclure, il a réclamé la levée de l’embargo sur les armes et demandé à la communauté internationale d’aider le Soudan du Sud à surmonter la crise économique et ce, sans imposer de conditions politiques. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a condamné les attaques contre les convois humanitaires, soulignant la nécessité de renforcer la protection du personnel humanitaire afin qu’il soit en mesure de s’acquitter de son travail vital au profit de ceux qui en ont le plus besoin.  Concernant le volet politique, le représentant s’est dit préoccupé par la lenteur excessive dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé.  Selon lui, le processus de paix et sa mise en œuvre nécessitent l’engagement de toutes les parties à l’Accord pour qu’enfin le pays puisse s’engager sur la voie de la transition politique.  La participation des femmes étant fondamentale pour la réussite de cette transition et celle des processus électoraux, conformément à la résolution 1325 (2020) du Conseil de sécurité, il a encouragé le Gouvernement à intensifier ses efforts pour atteindre le quota minimum de 35% de femmes dans les institutions transitoires et les organes exécutifs.  Il n’a pas manqué de saluer l’action de la MINUSS, qui continue d’assurer, dans un contexte difficile, une fonction essentielle de protection des civils. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est inquiétée des retards dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé et de la feuille de route.  Elle a appelé le Gouvernement de transition à mettre l’accent sur les réformes qui demeurent en souffrance, notamment l’adoption et la promulgation de la loi sur les élections nationales et la mise en œuvre des plans de déploiement pour les Forces unifiées nécessaires.  Le Gouvernement doit également travailler avec la MINUSS pour préparer la tenue d’élections pacifiques et inclusives.

La représentante s’est également préoccupée des affrontements ethniques qui se sont produits dans le centre de protection des civils de Malakal et du risque que l’afflux de réfugiés venant du Soudan n’attise les tensions.  Elle a appelé le Gouvernement à travailler avec la MINUSS pour renforcer la protection des civils, l’engageant par ailleurs à assurer un accès sans entrave aux partenaires humanitaires dans l’ensemble du pays.  Elle a en outre appelé à établir les responsabilités pour les crimes commis à l’encontre du personnel humanitaire.

M. ALEXANDRE OLMEDO (France) s’est dit préoccupé par le retard pris dans la mise en œuvre de la feuille de route, ajoutant que la préparation des élections prévues fin 2024 nécessitait la définition d’un cadre législatif et constitutionnel, la mise en place d’institutions et l’octroi de ressources budgétaires.  Il s’est également inquiété de l’impact du conflit au Soudan sur la stabilité du Soudan du Sud, notant qu’il avait aggravé la situation humanitaire avec plus de 100 000 réfugiés de retour dans le pays.  Il a rappelé que l’assistance humanitaire de l’Union européenne au Soudan du Sud s’élevait à 81 millions d’euros en 2023 et que la France avait mobilisé 41,3 millions d’euros pour faire face à la crise humanitaire au Soudan et répondre à son impact régional.

Le délégué a salué les efforts de médiation du Soudan du Sud et regretté la tentative du Soudan de fragiliser les efforts de paix de la région.  Il a rappelé que les États membres de l’Union européenne avaient approuvé le 24 mai un financement des mécanismes de suivi de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) à hauteur de 5,8 millions d’euros.  Appuyant l’action de la MINUSS, qui continue d’assurer une fonction essentielle de protection des civils et de renforcement des capacités du Soudan du Sud, il a ajouté que son pays y prenait sa part en soutenant des projets de réinsertion et en apportant son expertise en matière de gestion des stocks d’armes et de munition. Il a appelé les autorités sud-soudanaises à tirer le plein parti de l’assistance des Nations Unies, de la région et de la communauté internationale pour accélérer la mise en œuvre de la transition politique. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a reconnu que le Soudan du Sud connaît des temps difficiles, subissant notamment les influences délétères du conflit au Soudan, y compris l’afflux de réfugiés.  Elle a salué les efforts de médiation du Président Salva Kiir pour trouver une issue à la crise au Soudan, ajoutant que Djouba connaît mieux que quiconque les réalités profondes de la région.  La déléguée a d’autre part pris note de l’activité fructueuse du Parlement sud-soudanais pour préparer les élections prévues en 2024.  Nous convenons qu’il faut accélérer les processus politiques en cours, mais cela nécessite de soutenir davantage Djouba, a-t-elle ajouté avant d’estimer que des forces militaires unifiées au Soudan Sud sont indispensables pour garantir la poursuite du processus de paix.  La représentante a également jugé que les flambées de violence dans les régions périphériques du Soudan du Sud, lesquelles aggravent la situation humanitaire, devraient être apaisées par la prise en compte des importants efforts de médiation de l’Union africaine (UA) et des États membres de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD).  Elle a par ailleurs salué le rôle de la MINUSS dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé et demandé que la Mission accorde plus d’attention à la stabilisation durable de la situation dans le pays par le biais d’un accompagnement accru du Gouvernement vers la transition.  Enfin, la déléguée a appelé le Conseil de sécurité à aller plus loin qu’un simple assouplissement de l’embargo sur les armes, comme le demandent et Djouba et l’UA.  En conclusion, elle a rappelé l’importance de ne pas s’ingérer dans les affaires du Soudan du Sud, notamment en évitant de conditionner de quelque façon que ce soit l’acheminement de l’aide humanitaire. 

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a salué l’ensemble du personnel de la MINUSS pour le travail de protection des civils et d’atténuation de la violence dans un environnement difficile.  En tant que pays fournisseur de contingents, le Japon s’engage à poursuivre son déploiement auprès de la MINUSS, a affirmé la représentante.  Elle a jugé essentiel de mettre en œuvre l’Accord revitalisé, conformément au calendrier établi dans la feuille de route adoptée comme base d’une paix durable au Soudan du Sud. 

Dans ce contexte, elle a salué les progrès accomplis, tels que l’approbation du projet de loi 2023 sur les élections nationales et les préparatifs en cours pour le déploiement des forces unifiées nécessaires lequel doit se faire rapidement, en tenant compte de l’examen stratégique du secteur de la défense et de la sécurité.  Toutefois, elle s’est inquiétée du retard pris dans la mise en œuvre des autres aspects de l’Accord.  La déléguée, qui a constaté une réduction des violences intercommunautaires, au niveau infranational, a cependant mis en garde contre une aggravation de la situation, en raison de l’afflux de rapatriés et de réfugiés en provenance du Soudan. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) s’est dit préoccupé par les affrontements aux frontières avec le Soudan qui ont exacerbé la situation humanitaire au Soudan du Sud.  Plus de 119 000 personnes ont maintenant franchi la frontière.  « Ces déplacements vers des zones déjà confrontées à des besoins humanitaires importants aggravent les tensions politiques et intercommunautaires. »  Le représentant s’est également inquiété des affrontements intercommunautaires dans le camp de protection des civils de Malakal, qui auraient fait 13 morts et brûlé 4 000 maisons.  Pour éviter de nouvelles tragédies, il faut de toute urgence trouver des solutions aux tensions à Malakal et s’attaquer aux causes profondes de la fragilité du Soudan du Sud, a-t-il dit.  Le représentant a appelé le Gouvernement du Soudan du Sud à mettre fin à la violence infranationale, fournir des services de base à la population et réaliser des progrès dans la mise en œuvre de l’Accord de paix.  Il a regretté que les processus électoraux et constitutionnels connaissent dix et douze mois de retard.  Ainsi la Commission nationale de révision constitutionnelle attend-elle toujours d’être reconstituée.  Des lois doivent être promulguées et les institutions qu’elles créent doivent être financées.  Mais la législation à elle seule n’apportera pas une paix durable au Soudan du Sud, a averti le représentant.  Il a appelé le Gouvernement du Soudan du Sud à mettre fin à la violence et à la corruption, et à assurer la justice, les services essentiels et la tenue d’élections libres et équitables pour son peuple. 

M. NORBERTO MORETTI (Brésil) a estimé que l’afflux important de réfugiés et de rapatriés qui avaient fui le Soudan du Sud en premier lieu souligne l’ampleur de la crise au Soudan.  Il s’est dit particulièrement préoccupé par la situation dans certaines régions du Soudan du Sud qui manquent de nourriture et d’eau potable.  À ce sujet, il a regretté que le type de combats pour les ressources constatés à Malakal aient pu se propager et même susciter des tensions ethniques ailleurs.  Selon le délégué, il est crucial que la communauté internationale fournisse les fonds supplémentaires que le Secrétaire général, le HCR et OCHA ont demandés lors de récents appels.  « L’ONU, le Conseil de sécurité et la MINUSS devraient renforcer leur rôle en tant qu’acteurs essentiels au Soudan du Sud. »  Le Brésil craint en outre que la détérioration aiguë du niveau de vie de millions de personnes qui ont déjà été confrontées à des niveaux alarmants d’insécurité alimentaire ne provoque des problèmes de sécurité encore plus graves.  Déplorant les attentats qui ont tué des travailleurs humanitaires dans l’exercice de leurs fonctions, le délégué a appelé le Soudan du Sud à redoubler d’efforts pour assurer leur sécurité et veiller à ce que les auteurs soient traduits en justice.  Enfin, la violence persistante à Abyei, dans le Haut-Nil, à Jongleï et ailleurs montre clairement que les efforts actuels de maintien de la paix bénéficieraient d’initiatives supplémentaires de consolidation de la paix.

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a commencé par saluer la solidarité dont fait preuve le Soudan du Sud à l’égard de ceux qui fuient le conflit dévastateur au Soudan, ainsi que les efforts déployés par le Gouvernement pour soutenir une solution pacifique du conflit.  Elle a souligné que son pays a annoncé des fonds supplémentaires lors de la Conférence de haut niveau, tenue à Genève, sur les annonces de contributions à la réponse humanitaire au Soudan et dans la région.  Alors que l’attention de la communauté internationale se focalise sur ce pays, elle doit aussi redoubler d’efforts pour la réalisation des étapes clefs de la transition qui détermineront l’avenir du Soudan du Sud. 

La représentante a vivement encouragé les parties à respecter les délais fixés dans la feuille de route et à mettre en place sans tarder les organes prévus.  La protection des civils, a-t-elle insisté, reste essentielle à la réussite de la transition politique.  Malgré une baisse des violences intercommunautaires et au niveau infranational, elle s’est dite préoccupée par l’augmentation marquée des violations des droits humains et des incidents violents touchant la population.  Enfin, elle s’est inquiétée de la détérioration de la situation humanitaire qui affecte plus des trois quarts de la population.  À ce jour, seuls 30% du Plan de réponse humanitaire pour 2023 ont été financés, a-t-elle relevé, avant d’appeler la communauté internationale à faire plus.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a appelé à renforcer le dialogue intercommunautaire pour mettre fin au cycle de la violence et établir une culture de la paix au niveau local.  Elle a qualifié d’« essentiels » les efforts de l’UNMISS pour se rapprocher des chefs locaux et traditionnels. Après avoir salué l’entrée en vigueur de la loi sur les élections nationales et l’adoption du budget national pour le déploiement des Forces unifiées nécessaires, elle a appelé à respecter le calendrier de l’Accord revitalisé.  Elle a rappelé l’ampleur des défis sécuritaires au Soudan du Sud, notamment à la lumière des événements récents dans l’État du Haut-Nil, en particulier dans la ville de Malakal.  Elle a condamné les meurtres de travailleurs humanitaires, et les attaques contre leurs convois, notamment dans un contexte régional d’afflux de réfugiés. 

M. AKUEI BONA MALWAL (Soudan du Sud) a déclaré qu’au cours de la période examinée par le rapport du Secrétaire général, le Soudan du Sud a connu une paix relative, ce qui n’a en rien entamé sa détermination à faire en sorte que la vie du citoyen ordinaire redevienne normale.  C’est pourquoi il a appelé ceux qui ne l’ont pas encore fait à devenir partie à l’Accord revitalisé, son gouvernement restant pleinement engagé à travailler plus vite à sa mise en œuvre.  Malgré les défis, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir à cette fin, a-t-il assuré avant de rappeler combien les dégâts causés par les aléas climatiques continuent de faire peser la menace d’un retour des famines et leur cortège de déplacements et de migrations, autant de sources potentielles d’instabilité, d’insécurité et de tensions communautaires au Soudan du Sud et dans la région.  Le représentant a exhorté la communauté internationale et la MINUSS à aider son pays à investir dans le développement durable et le déploiement de systèmes d’alerte rapide.  Par ailleurs, il a indiqué que « le Soudan du Sud ne dispose pas des capacités financières immédiates pour venir en aide à l’afflux de réfugiés et de rapatriés fuyant le conflit au Soudan ».  La communauté internationale doit aider davantage ces déplacés et ces réfugiés, a-t-il répété.  Le représentant a ensuite remercié la MINUSS, l’Union africaine, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et tous les pays partenaires « qui nous aident à mettre en œuvre la feuille de route politique afin de permettre la tenue réussie des élections générales prévues par l’Accord revitalisé ».  Enfin, il a demandé à la communauté internationale, aux partenaires régionaux et aux amis du Soudan du Sud de ne pas renoncer à l’aider à instaurer une paix et une stabilité pérennes. 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Conférence sur la biodiversité marine achève ses travaux au lendemain de l’adoption d’un traité historique

Nouvelle reprise de la cinquième session,
73e et 74e séances plénières – matin & après-midi
MER/2182

La Conférence sur la biodiversité marine achève ses travaux au lendemain de l’adoption d’un traité historique

La Conférence intergouvernementale chargée d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (BBNJ) a clôturé, aujourd’hui, ses travaux, à l’issue de sa cinquième et dernière session, au lendemain de l’adoption d’un accord historique en lien avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. 

Au moment de « refermer le chapitre de notre aventure BBNJ », la Présidente de la Conférence, Mme Rena Lee, de Singapour, dont le travail a été chaudement salué par l’ensemble des délégations, s’est félicitée de l’adoption de l’accord qui marque un nouveau début dans nos efforts conjoints pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale.  « Nous travaillons ensemble, malgré nos différences, pour l’amélioration de nos océans, pour l’amélioration de notre planète », a-t-elle ajouté. 

Les délégations se sont ainsi donné rendez-vous à New York le 20 septembre prochain, date de l’ouverture à la signature de l’accord sur la biodiversité marine, au cours de la semaine du débat général de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale.  L’accord entrera en vigueur dès qu’il aura été signé et ratifié par 60 pays. 

Les délégations ont également adopté le rapport* de la Conférence, actualisé afin de refléter les travaux de la reprise de la cinquième session, en février et mars 2023.  Une phrase a été ajoutée au paragraphe 29 du rapport pour indiquer que la Fédération de Russie, dans son explication de vote, s’est dissociée du consensus sur le texte de l’accord préparé par la Conférence, assortie d’une note explicative en bas de page.  Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), la Jamaïque a exprimé sa vive préoccupation face à cette approche « sans précédent » qui s’écarte, selon elle, des normes applicables en cas de dissociation. 

La Conférence a été établie en 2017 par la résolution 72/249 de l’Assemblée générale afin d’examiner les recommandations du Comité préparatoire et d’élaborer, dans les plus brefs délais, un instrument international juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, en particulier les ressources génétiques marines, les outils de gestion par zone, les études d’impact sur l’environnement ainsi que le renforcement des capacités et le transfert de techniques marines.

« Le chemin n’est pas terminé », ont prévenu les Fidji, en rappelant qu’il s’est écoulé douze années entre l’adoption, en 1982, de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et son entrée en vigueur.  Fruit de négociations échelonnées sur près de vingt ans, le nouveau traité constitue le troisième accord d’exécution de la « constitution des océans », a relevé la République de Corée, après l’Accord sur les fonds marins de 1994 et l’Accord sur les stocks de poissons de 1995.  Selon la délégation, le système de gestion juridiquement contraignant pour la haute mer et les fonds marins qui en résultera permettra à la communauté internationale de « riposter de façon préventive » aux crises environnementales. 

L’accord fournira le cadre nécessaire à la mise en place d’outils de gestion des activités économiques et à la réalisation de l’engagement du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal de conserver au moins 30% des zones marines et côtières d’ici à 2030, ont considéré le Canada, la Norvège et le Royaume-Uni.  Pays hôte, en 2025, de la Conférence des Nations Unies sur les océans, la France a estimé que l’adoption de cet accord ne doit pas être interprétée comme la fin du processus, mais plutôt comme le début d’une nouvelle dynamique pour la coopération et le multilatéralisme en faveur de la protection des océans. 

Afin que ce traité acquière un caractère véritablement universel, sa mise en œuvre devra aller de pair avec la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), ont insisté tour à tour l’Algérie, l’Italie ou encore la Thaïlande, s’agissant notamment du partage équitable des ressources génétiques, du transfert des technologies marines et du renforcement des capacités.  Toutefois, a insisté le Japon, chaque État Membre devra contribuer selon ses moyens, sans placer de fardeau financier disproportionné sur certaines parties à l’accord. 

« Nous avons accompli un long voyage mais aujourd’hui, nous en entamons un nouveau », pour lequel chaque État devra établir son propre itinéraire afin de donner vie à ce texte, a conclu Tonga. 

Débat général (suite et fin)

D’emblée, les Fidji se sont félicitées de la délégation « robuste » des États du Pacifique qui a participé aux négociations en vue de l’adoption de l’accord, qui reconnaît le statut des petits États insulaires, des peuples autochtones et des communautés locales en tant que partenaires égaux de la gouvernance des océans détenteurs de savoirs traditionnels.  Toutefois, « le chemin n’est pas terminé », a prévenu la délégation, en rappelant qu’il s’est écoulé douze ans entre l’adoption, en 1982, de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et son entrée en vigueur.  Le Timor-Leste a d’ailleurs souhaité que l’accord permette de donner un nouveau souffle à la Convention, tout en renforçant la coopération entre les États en vue de la protection et de la préservation des ressources en haute mer. 

Fruit de négociations échelonnées sur près de vingt ans, l’accord « BBNJ » constitue le troisième accord d’exécution de la Convention, après l’Accord sur les fonds marins de 1994 et l’Accord sur les stocks de poissons de 1995, a noté la République de Corée, pays bordé par la mer qui a un intérêt essentiel à préserver la biodiversité et l’environnement marins.  Le système de gestion juridiquement contraignant pour la haute mer et les fonds marins qui en résultera permettra à la communauté internationale, selon la délégation, de « riposter de façon préventive » aux crises environnementales mondiales. 

Malgré la pollution et une invasion de sargasses, les littoraux de la mer des Caraïbes constituent l’un des écosystèmes possédant la plus grande biodiversité de la planète, a noté la République dominicaine, pour qui la création de zones maritimes protégées et les dispositions concernant les évaluations d’impact environnemental présentent un intérêt vital. 

Selon le Canada, appuyé par la Norvège et le Royaume-Uni, cet accord fournira le cadre nécessaire pour mettre en place des outils de gestion des activités économiques et réaliser l’engagement du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal de conserver au moins 30% des zones marines et côtières d’ici à 2030.  Pour la France, qui accueillera en 2025 la Conférence des Nations Unies sur les océans, l’adoption de l’accord sur la biodiversité ne doit pas être interprétée comme la fin du processus, mais plutôt comme le début d’une nouvelle dynamique pour la coopération et le multilatéralisme en faveur de la protection des océans. 

Nation maritime impliquée dans chaque étape du processus de négociation, le Japon a souhaité que l’ensemble des mécanismes prévus par l’accord, notamment s’agissant des outils de gestion par zones, s’articulent sur la base des plus récentes informations scientifiques.  Il est également essentiel que chaque État Membre contribue selon ses capacités financières, sans placer de fardeau disproportionné sur certaines parties à l’accord.  La Belgique a souligné à cet effet l’importance des dispositions institutionnelles figurant dans le traité, en ajoutant qu’elle serait « honorée » d’accueillir le secrétariat permanent. 

« Nous avons accompli un long voyage mais aujourd’hui, nous en entamons un nouveau », pour lequel chaque État devra établir son propre itinéraire afin de donner vie à ce texte, ont dit les Tonga, s’agissant de la signature, de la ratification et de la mise en œuvre du traité.  Comme la Thaïlande, le Sénégal a considéré que la mise en œuvre de l’accord doit aller de pair avec la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) dans les pays en développement, notamment en ce qui concerne le partage équitable des ressources génétiques marines, le transfert des technologies marines et le renforcement des capacités.  Un partage de technologies et de connaissances en faveur des pays en développement cher à l’Algérie ainsi qu’à l’Italie pour qui les transferts joueront un rôle primordial pour faire en sorte que ce projet soit véritablement universel.  Oman a également misé sur l’application de cet accord historique en s’appuyant prioritairement sur le partage et le transfert des technologies et des connaissances marines vers les pays du Sud. 

« Cet accord va aider nos pays désavantagés géographiquement pour accéder à la mer en renforçant nos capacités d’utilisation et de gestion durables des ressources marines », a fait valoir la Bolivie, pays sans littoral, en saluant la reconnaissance des océans par l’accord comme un « patrimoine commun de l’humanité ».  Un concept qui doit être interprété dans le sens le plus large possible, a-t-elle dit. Autre pays enclavé privé des avantages de « l’économie bleue », le Népal a dit attacher une grande importance au libre accès à la haute mer pour les pays en développement sans littoral (PDSL).  Il a exprimé son insatisfaction de voir que cet accord, contrairement à d’autres instruments internationaux, ignore les préoccupations et les besoins particuliers des États sans littoral, en regrettant qu’un texte plus « inclusif et équilibré » n’ait pas été adopté. 

Ayant plaidé, elle aussi, pendant les négociations, pour un instrument inclusif pour tous et à visée universelle, la Türkiye a apporté son avis en tant que pays en développement à revenu intermédiaire de la tranche supérieure.  Elle a appelé les États non parties à la Convention sur le droit de la mer à participer en toute bonne foi à la mise en œuvre de l’accord, parce qu’il est d’essence environnementale, et à œuvrer, en s’appuyant sur la coopération technique, à l’application effective de ses dispositions. 

Le Togo, le Malawi et l’Ouganda ont, de même, appelé les États Membres à honorer leurs engagements fermes en faveur d’une opérationnalisation rapide de l’accord.  Pour ces pays, l’accord, s’il est mis en œuvre rapidement, permettra de s’attaquer au défi climatique, ce qui est d’une importance capitale pour les pays en développement africains sans littoral. 

Les observateurs ont pris la parole à la suite des États Membres.  L’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN) a salué un moment historique qui ponctue un travail d’élaboration de deux décennies, l’Union ayant participé à toutes les étapes de ce processus.  Comme l’UICN, l’Autorité internationale des fonds marins a appelé à l’entrée en vigueur de l’accord au plus tard en 2025.  Les deux organismes ont rappelé qu’ils se tiennent prêts à apporter aux États Membres leur expertise en matière de gestion par zone, de recherche marine et renforcement des capacités, dans le cadre de l’application des dispositions de l’accord.  Ils ont en outre encouragé le Secrétaire général de l’ONU à mettre en place une commission préparatoire à la tenue de la première réunion des États parties à l’accord. 

Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont eux-aussi indiqué être disposés à aider les pays à appliquer l’accord sur le plan régional et à contribuer à durabiliser ces secteurs indispensables pour assurer la sécurité alimentaire mondiale que sont la pêche et l’aquaculture. 

C’est un même message de soutien à la coopération technique qu’ont tenu à faire passer les représentants de la Convention sur la diversité biologique et de l’Organisation maritime internationale (OMI).

Enfin, la société civile, par la voix notamment de Greenpeace International, de l’Alliance de la haute mer et de la Deep Sea Conservation Coalition, a rappelé avoir fait campagne sans relâche pendant deux décennies à travers le monde en faveur de l’accord.  Ces organisations ont félicité les États Membres pour avoir su mettre de côté leurs divisions pour faire d’un tel accord de sauvegarde de l’humanité une réalité. Pour ces acteurs, protéger 30% des océans d’ici à 2030 est un objectif qui se doit d’être atteint, puisque sans océans il ne peut y avoir de vie sur la Terre. 

* A/CONF.232/2023/L.2

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.