Conseil de sécurité: briefing du Procureur de la Cour pénale internationale sur la Libye
(Le compte rendu complet de la réunion sera disponible ultérieurement.)
Ce matin, au cours d’une séance d’information du Conseil de sécurité, le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) fait le point sur les activités de la juridiction relatives à la Libye. Sa dernière intervention sur le sujet date du 19 novembre 2024.
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La situation en Libye
Exposé
M. KARIM KHAN, Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a déclaré qu’au cours des six derniers mois, une étape majeure avait été franchie avec l’émission du premier mandat d’arrêt public concernant des crimes commis dans des centres de détention en Libye. « Sur les côtes de la Méditerranée, une boîte noire de souffrances s’ouvre, que personne n’a voulu ouvrir », a-t-il déclaré. Une boîte noire qui contient les cris et la douleur persistante, à l’heure où nous parlons, de certaines des personnes les plus vulnérables, tant à l’ouest qu’à l’est du pays. Nos enquêtes méthodiques à ce sujet se sont appuyées sur de multiples sources de preuves interconnectées, fondées sur nos partenariats avec de nombreux acteurs.
Cet espoir s’est rapidement transformé en frustration dans les jours qui ont suivi, lorsque M. Osama Elmasry Njeem, qui fut responsable des établissements pénitentiaires de Tripoli, où des milliers de personnes ont été détenues pendant de longues périodes, a été renvoyé en Libye par l’Italie. « Renvoyé là où, selon nous, il a commis des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, notamment des meurtres, des actes de torture et des persécutions. » Le retour de M. Njeem sur les lieux de ses crimes suscite la consternation parmi les victimes, a relaté le Procureur.
Nous savons que l’arrestation de M. Njeem et l’émission du mandat d’arrêt le visant avaient provoqué une onde de choc au sein des milices et des auteurs de ces crimes, à travers toute la Libye. Leurs craintes sont justifiées, a assuré le Procureur: son bureau demande activement que des mandats d’arrêt soient émis contre d’autres individus liés aux crimes commis en détention dans ce pays.
En outre, la CPI a répondu à une demande d’assistance de la National Crime Agency (NCA) afin de fournir des informations à l’appui d’une enquête civile britannique sur les avoirs de M. Njeem détenus au Royaume-Uni: « grâce à cette collaboration, la NCA a obtenu des ordonnances de gel de comptes et de biens d’une valeur totale de plus de 12 millions de livres. L’enquête de la NCA est en cours », s’est félicité M. Khan. Il s’est également félicité que M. Njeem ait été démis de ses fonctions à la tête du Département des opérations et de la sécurité judiciaire de la police judiciaire. Il a cependant encouragé les autorités libyennes à remettre cet individu à la CPI afin qu’il y soit jugé pour les crimes qu’il aurait commis contre le peuple libyen.
Le Procureur a ensuite évoqué le sort de M. Ibrahim El-Dirsi, un député de l’est de la Libye, dont le crime est « d’avoir osé élever la voix au nom du peuple libyen ». Sa disparition à Benghazi est emblématique des souffrances causées par les disparitions forcées et la détention arbitraire en Libye. Il a espéré que, grâce à l’attention continue accordée par son bureau aux crimes commis dans les centres de détention en Libye, à l’émission de nouveaux mandats d’arrêt, sous scellés ou publics, et à une coopération renforcée avec les partenaires libyens, « nous parviendrons à mettre fin à de tels crimes et à percer cette boîte noire ».
Pour ce faire, la coopération des États pour appréhender les responsables est essentielle en vertu du Statut de Rome, a-t-il précisé.
S’agissant des crimes commis contre les migrants et ceux liés aux opérations de 2014-2020, l’équipe du Procureur a organisé plus de 145 réunions avec 80 organisations de la société civile, tandis que la Procureure adjointe Nazhat Shameem Khan a participé à une deuxième réunion importante avec 38 autres ONG afin de discuter de la manière dont le Bureau pourrait collaborer plus efficacement avec ses partenaires. Relayant leurs inquiétudes, il a considéré qu’il était temps d’accélérer les enquêtes et démontrer la capacité du Bureau du Procureur à remplir le mandat que lui a confié ce Conseil. « Conformément à cet impératif, je peux confirmer que les enquêtes menées dans le cadre de plusieurs axes prioritaires, conformément au mandat que vous lui avez confié, seront achevées d’ici à la fin de 2025, et que les autres axes d’enquête, conformément au mandat du Conseil, seront achevés d’ici au premier trimestre 2026. »
M. Khan a enfin annoncé qu’aujourd’hui même, le Greffier de la Cour pénale internationale avait reçu une déclaration de la Libye conformément à l’article 12(3) du Statut de Rome: « il s’agit d’une étape importante vers une plateforme renouvelée d’action collective entre la CPI et la Libye en faveur de la justice », ce dont il s’est félicité. L’engagement du Gouvernement libyen témoigne d’une nouvelle volonté de coopérer et de mettre la justice au service d’un avenir meilleur, s’est réjoui le Procureur. La présentation de cette déclaration signifie que les auteurs de crimes en Libye doivent être conscients d’un partenariat renouvelé entre la Libye et la CPI pour rendre justice aux victimes.