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Conseil de sécurité : inquiétudes face aux représailles que subissent certaines des femmes qui participent aux travaux de l’organe

8949e séance – matin
CS/14768

Conseil de sécurité : inquiétudes face aux représailles que subissent certaines des femmes qui participent aux travaux de l’organe

La Haute-Commissaire aux droits de l’homme a appelé, aujourd’hui, à redoubler d’efforts pour permettre aux femmes de participer aux travaux du Conseil de sécurité sans craintes de représailles et à repousser les attaques visant à les réduire au silence et incriminer leurs droits, avertissant que les décisions sur la paix qui ne prennent pas en compte les opinions et les droits des femmes ne sont pas pérennes. 

« Il faut investir davantage dans les femmes défenseuses des droits humains et les artisanes de la paix en leur accordant plus de soutien financier et en faisant respecter le principe de responsabilité », a déclaré Mme Michèle Bachelet qui a alerté qu’en 2020, son Bureau a pu vérifier 35  meurtres de femmes défenseuses des droits humains, journalistes ou syndicalistes dans sept pays touchés par un conflit, un chiffre qui dépasse le nombre de meurtres confirmés en  2018 et  2019. 

En outre, le niveau de représailles que subissent les personnes qui coopèrent avec l’ONU demeure également élevé, notamment dans les pays à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  Or, de telles violations des droits humains sapent les efforts de maintien de la paix et de la sécurité car elles dissuadent les femmes d’y participer, s’est inquiété la Chef des droits de l’homme.  

« Plus les femmes défendent leurs droits, plus elles sont menacées », a déploré la Directrice exécutive du Groupe de travail des ONG sur les femmes et la paix et la sécurité, une coalition qui travaille avec des femmes qui ont été victimes d’intimidations, de menaces et de représailles pour avoir pris la parole devant le Conseil.  Selon Mme Kaavya Asoka, nombre d’entre elles ont été détenues arbitrairement par les forces de sécurité à la suite de leurs interventions, accusées d’espionnage, victimes de campagnes calomnieuses et de diffamations, ou menacées.  Beaucoup d’entre elles ont déjà payé au prix fort le fait de s’être exprimées devant le Conseil de sécurité, a témoigné l’intervenante qui a indiqué que le Groupe de travail a dû relocaliser plusieurs femmes à la suite de leurs interventions auprès du Conseil. 

Mme Asoka a par ailleurs déploré que l’ONU n’ait révélé publiquement qu´une fraction des cas directement liés au Conseil de sécurité, taisant les autres par peur de répercussions ou par manque de confiance que les plaintes aboutissent. 

La réunion a également été marquée par l’intervention de la Directrice exécutive de la Women and Children Legal Research Foundation, une militante afghane qui a alerté que toute mesure visant à reconnaître les Taliban équivaudrait à une approbation de l’oppression des femmes afghanes.  Rappelant s’être adressée au Conseil de sécurité « avec fierté » à l’occasion du vingtième anniversaire de la résolution 1325 (2000), Mme Zarqa Yaftali, aujourd’hui réfugiée, a prié le Conseil de sécurité d’exprimer clairement les devoirs des Taliban en matière de protection des droits des femmes, insistant notamment sur l’accès à l’éducation, le droit au travail et la participation sans restriction à la vie politique. 

À ce sujet, la Ministre adjointe des affaires étrangères des Émirats arabes unis a recommandé d’investir dans l’éducation et de réformer les «  politiques obsolètes nuisibles  » qui entretiennent la stigmatisation, jugeant urgent de le faire dans des pays comme l’Afghanistan où on assiste à une escalade des efforts visant à « déformer la religion et la culture » pour attaquer le droit fondamental des femmes et des filles à l’éducation. 

Elle a également recommandé de déployer plus de conseillers en matière de genre et de protection des femmes dans les opérations de paix, et de travailler avec les pays hôtes à la fin d’une opération de paix pour assurer la continuité des principales capacités de protection des équipes de pays, afin que les femmes et leurs défenseurs ne soient pas abandonnés à un moment critique. 

À l’instar de la Ministre des affaires  étrangères et de l’intégration régionale  du  Ghana, plusieurs délégations ont par ailleurs proposé que les Comités des sanctions de l’ONU soient utilisés comme moyen de dissuasion et pour exercer des pressions sur les auteurs d’intimidations, de menaces et de représailles contre les femmes artisanes de la paix et défenseuses de droits. 

La Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de l’Albanie a appelé à améliorer le financement des organisations de femmes dans les pays fragiles, la Ministre des affaires étrangères de la Norvège exhortant en outre à adopter une politique de tolérance zéro face aux menaces et aux représailles que subissent les femmes qui participent aux processus de paix et de sécurité.  Dans une même veine, le Canada, au nom du Groupe des Amis des femmes de la paix et de la sécurité, a invité le Conseil de sécurité à élaborer des mesures efficaces de prévention et à intégrer la violence sexuelle comme critère de désignation dans les régimes de sanctions.  

Par la voix de la Suisse, le Groupe sur les droits de l’homme et la prévention des conflits a demandé au Conseil de condamner publiquement les intimidations, menaces et représailles contre ceux qui s’y livrent, assurant qu’une telle prise de position contribuera à prévenir l’autocensure croissante des acteurs qui décident de ne pas s’engager avec l’ONU par peur. 

LES FEMMES ET LA PAIX ET LA SÉCURITÉ

Préserver la participation – Lutter contre la violence visant les femmes dans les processus de paix et de sécurité (S/2022/22)

Déclarations

Mme MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire aux droits de l’homme, a indiqué qu’entre 1992 et 2019, seulement 13% des négociateurs, 6% des médiateurs et 6% des signataires des principaux processus de paix étaient des femmes, avant même la pandémie, l’intensification des conflits et les crises humanitaires désastreuses qui ont frappé de nombreux pays, mettant à mal les droits des femmes.  Depuis, la situation des femmes défenseuses des droits humains et les perspectives pour une pleine participation des femmes à la consolidation de la paix se sont nettement aggravées, a-t-elle alerté.  Or, la participation des femmes s’impose pourtant pour que l’on puisse assurer la cohésion des sociétés et prendre en compte les répercussions des conflits, notamment les violences sexistes et l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre.  

Mme Bachelet a ensuite souligné que la mise en œuvre de la résolution 1325 nécessite une augmentation notable du financement des organisations féminines de la société civile.  Mais le fait est qu’à peine 1% du financement dans les pays fragiles ou touchés par un conflit est destiné aux organisations de défense des droits des femmes, a-t-elle déploré.  En 2020, a-t-elle poursuivi, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) a pu vérifier 35 meurtres de femmes défenseuses des droits humains, journalistes ou syndicalistes dans sept pays touchés par un conflit.  Ce chiffre, qui sans doute représente une estimation basse, dépasse déjà le nombre de meurtres confirmés en 2018 et 2019. 

Nous avons également recensé de nombreuses attaques contre les femmes qui travaillent sur l’égalité des sexes, le droit à la santé sexuelle et procréative, la corruption, le droit du travail et des questions foncières et environnementales.  Dans toutes les régions, les femmes sont arrêtées ou détenues et font l’objet d’intimidations, de harcèlements ou encore de campagnes de diffamation, a dénoncé Mme Bachelet.  Le niveau de représailles que subissent les personnes qui coopèrent avec l’ONU demeure également élevé, notamment dans les pays à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  Or, de telles violations des droits humains sapent les efforts de maintien de la paix et de la sécurité car elles dissuadent les femmes d’y participer. 

Tournant son attention sur la situation en Afghanistan, la Haute-Commissaire a signalé que le gouvernement de facto a exclu les femmes qui n’ont plus voix au chapitre.  En outre, le déni des droits fondamentaux des femmes et des filles nuit massivement à l’économie et au pays qui est confronté à une catastrophe humanitaire d’une ampleur sans précédent.  Elle s’est également inquiétée de la situation des nombreuses Afghanes défenseuses des droits humains, journalistes, avocates ou juges qui ont dû fuir le pays ou se cacher après avoir été la cible de nombreuses menaces, perdant toute source de revenus. 

Mme Bachelet a exhorté le Conseil à veiller que les auteurs de violations des droits humains et d’atteintes aux droits humains en Afghanistan rendent des comptes afin de créer les conditions pour une paix durable.  Elle a également appelé les États à élaborer des programmes de réinstallation pour les Afghanes défenseuses des droits humains et à stopper immédiatement les déportations de femmes afghanes qui cherchent protection. 

Abordant la situation au Sahel, Mme Bachelet a indiqué que le déficit critique d’autonomisation des femmes est un facteur évident de la crise, notant que de nombreux pays de la région figurent en bas de l’Indice d’égalité de genre.  « J’ai donc été encouragée d’avoir entendu, lors de ma récente mission dans la région, de hauts responsables de la Force conjointe du G5 Sahel souligner l’importance de la participation des femmes dans l’élaboration de mesures politiques, de développement et de sécurité pour faire face à la crise. »  La présence des femmes dans les forces armées permettrait notamment d’accroître la confiance de la population, a-t-elle ajouté. 

La Haute-Commissaire s’est également inquiétée de la situation du Myanmar où de nombreuses organisations féminines de la société civile ont dû fermer depuis février 2021 et où les femmes et les filles représenteraient plus de 2 100 des plus de 10 500 personnes détenues entre février et novembre. 

En Colombie, a informé Mme Bachelet, l’Accord de paix de 2016 a, en revanche, été un document phare pour la participation des femmes.  La Commission pour la vérité et la Juridiction spéciale pour la paix ont également appuyé la participation des femmes et leur rôle crucial dans la recherche des personnes disparues a aussi été reconnu.  Cependant, a-t-elle nuancé, pour ce qui est des droits fonciers et de la participation politique des femmes, des dispositions de l’Accord doivent être renforcés.  Et la Colombie doit renforcer la lutte contre les violences sexuelles liées au conflit. 

Notant que la résolution 1325 (2000) souligne la nécessité d’une stratégie garantissant la protection des différents groupes de femmes, Mme Bachelet a appelé la communauté internationale à se montrer unie et repousser les attaques visant à réduire au silence et incriminer les femmes et leurs droits, y compris celui de participer aux processus de prise de décisions.  Elle a également appelé à redoubler d’efforts pour permettre aux femmes de participer aux travaux du Conseil de sécurité sans craintes de représailles, recommandant notamment de doter les opérations de paix de mandats incluant des dispositions pour la protection des femmes artisanes de la paix - comme c’est déjà le cas pour la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS).  La collecte de données ventilées sur la participation des femmes aux processus de paix et leur protection permettrait en outre d’assurer un meilleur suivi. 

Après avoir touché mot de la situation en Libye, où une dirigeante politique et une journaliste ont été assassinées et où les femmes éminentes sont l’objet d’incitation à la violence en ligne, Mme Bachelet a averti que les décisions sur la paix qui ne prennent pas en compte les opinions et les droits des femmes ne sont pas pérennes.  Il faut investir davantage dans les femmes défenseuses des droits humains et les artisanes de la paix en leur accordant plus de soutien financier et en faisant respecter le principe de responsabilité.  Les harcèlements, les menaces, les intimidations et les violences sexistes doivent être combattus. 

Mme ZARQA YAFTALI, Directrice exécutive de la « Women and Children Legal Research Foundation (WCLRF) », a rappelé s’être adressée au Conseil de sécurité « avec fierté » à l’occasion du vingtième anniversaire de la résolution 1325 (2000), en partageant les réalisations des femmes afghanes au cours des deux dernières décennies.  « Je vous ai parlé des centaines de milliers de femmes éduquées, qui étaient ministres, diplomates, juges, avocates, avocats de la défense, athlètes, artistes, écrivains, journalistes, professeurs, femmes d’affaires, pilotes et militantes.  Je vous ai dit tout le chemin parcouru depuis que les Taliban étaient au pouvoir.  Je vous ai dit que la société afghane était prête à voir des femmes diriger ce pays vers l’avenir. »  Mais Mme Yaftali avait aussi partagé ses peurs.  « Je vous ai dit que la paix ne peut se faire au détriment des droits des femmes et que nous avions besoin de vous, la communauté internationale, pour assumer votre responsabilité de sauvegarder nos acquis. » 

Or, le monde n’a pas écouté, a déploré Mme Yaftali, pour qui « la rhétorique du programme pour les femmes et la paix et la sécurité s’est effondrée le 15 août 2021 ».  Aujourd’hui, a-t-elle poursuivi « je m’adresse à vous en tant que réfugiée ».  Car comme tant d’autres Afghans, « j’ai perdu mon pays du jour au lendemain ».  Aujourd’hui, a-t-elle témoigné, des femmes et des filles manifestent à Kaboul et dans d’autres villes pour reconquérir le droit au travail et à l’éducation, elles font face à la violence et à de graves menaces de la part des Taliban.  Certaines manifestantes ont été emprisonnées ou ont disparu, et « nous ne savons pas si elles sont mortes ou vivantes ».  Des milliers de femmes qui travaillaient dans l’armée et les forces de sécurité afghanes craignent désormais pour leur vie.  Des centaines de médias ont été fermés et la liberté d’expression a été sévèrement limitée.  Et sous le joug des Taliban, l’oppression des femmes et civils augmente chaque jour. 

Selon l’intervenante, l’Afghanistan est un exemple de ce qui peut arriver lorsque la communauté internationale ne tient pas ses promesses.  Il est temps, a-t-elle dit, que le Conseil de sécurité brise son silence sur l’avenir des 30 millions de citoyens afghans en exprimant clairement les devoirs des Taliban en matière de protection des droits des femmes.  Elle a insisté sur l’accès à l’éducation pour toutes les femmes et les filles, le droit des femmes au travail, la garantie de leur droit à la participation politique sans restriction dans toutes les régions du pays et le droit des femmes défenseuses des droits humains à opérer librement et sans crainte de représailles.  À ses yeux, « toute mesure visant à reconnaître les Taliban est une approbation de l’oppression des femmes afghanes ». 

Jugeant le rôle de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) plus important que jamais, Mme Yaftali a demandé au Conseil de veiller à ce que la MANUA continue de surveiller la situation des droits humains, de faciliter et coordonner l’aide humanitaire, et de résoudre les conflits et construire la paix, en mettant l’accent sur l’éducation.  Elle a en outre jugé urgent de nommer le rapporteur spécial de l’ONU pour l’Afghanistan: « il est important qu’elle connaisse bien l’Afghanistan et puisse maintenir le principe de neutralité ».  Enfin, l’intervenante a appelé à un processus de paix inclusif et négocié qui bénéficie de la participation pleine, égale et significative de diverses femmes, venant de tout le pays, à toutes les étapes de la planification, de la négociation et de la mise en œuvre. 

Mme KAAVYA ASOKA, Directrice exécutive du Groupe de travail des ONG sur les femmes et la paix et la sécurité, coalition réunissant 18 organisations non gouvernementales internationales qui œuvrent pour les droits des femmes et leur participation entière, égale et significative au maintien de la paix et de la sécurité, a expliqué avoir contacté ses collègues d’Afghanistan, de Colombie, de République démocratique du Congo, d’Iraq, de Libye, du Myanmar, du Soudan du Sud, du Soudan et du Yémen en vue de cette intervention.  Ce sont des femmes qui jouent un rôle essentiel dans leurs communautés, négocient des cessez-le-feu et s’engagent dans les processus de paix, a-t-elle indiqué, ajoutant que beaucoup d’entre elles ont déjà payé au prix fort le fait de s’être exprimées devant le Conseil de sécurité.  Elle a rappelé à cet égard que, dans une lettre ouverte d’octobre dernier au Conseil, le Groupe de travail a constaté que, dans de nombreuses régions du monde, surtout dans les situations de conflit, les femmes et les personnes LGBTQI+ sont forcées de « choisir entre leurs droits et leur survie ».  Il ne devrait pas en être ainsi, a souligné Mme Asoka.  Ni en Afghanistan, où les femmes leaders et défenseuses des droits humains vivent dans la peur d’être pourchassées par les Taliban, ni au Myanmar, où les femmes activistes et les militants LGBTQI+ qui ont manifesté contre le coup d’État ont été les premières victimes des attaques militaires pour avoir défendu les droits humains et la démocratie.  Cela ne devrait pas non plus être le cas au Conseil de sécurité, a-t-elle ajouté, les représailles contre les personnes qui s’y sont exprimées reflétant, selon elle, une « tendance mondiale inquiétante », à savoir l’augmentation de l’intensité des conflits violents, associée à un espace civique menacé, à l’érosion des droits humains et à des environnement de plus en plus misogynes et militarisés. 

Tout en se réjouissant de l’adoption de la résolution 2242 (2015), qui a permis à davantage de femmes de la société civile de transmettre leur expertise au Conseil, elle a constaté une augmentation du nombre des représailles contre les femmes qui s’engagent activement dans les processus de paix et dans la politique.  « Plus les femmes défendent leurs droits, plus elles sont menacées », a-t-elle déploré, avant de préciser que sa coalition travaille avec des femmes leaders qui ont été victimes d’intimidations, de menaces et de représailles pour avoir pris la parole devant ce Conseil.  Ces femmes ont été censurées, menacées et attaquées, on leur a interdit de s’exprimer sur des problématiques clefs, telles que la violence liée au genre ou la santé et les droits sexuels et reproductifs, a-t-elle témoigné.  On a confisqué leurs ordinateurs portables et piraté leurs téléphones et comptes bancaires.  Beaucoup ont été détenues arbitrairement par les forces de sécurité à la suite de leurs interventions.  Elles ont été accusées d’espionnage pour des gouvernements étrangers, victimes de campagnes calomnieuses et de diffamations ou encore menacées avant de parler au Conseil. 

Nous avons été contraintes de relocaliser plusieurs femmes à la suite de leurs interventions auprès du Conseil, a poursuivi Mme Asoka, ajoutant que, récemment, une personne a été enlevée le lendemain de son intervention au Conseil de sécurité.  Nous avons craint qu’elle soit torturée ou tuée, ce qui nous a forcées à laisser notre travail de côté pendant plusieurs mois pour nous consacrer à ce dossier jusqu’à ce qu’elle soit libérée.  La responsable du Groupe de travail a dit n’avoir reçu que très peu d’aide malgré les appels lancés à plusieurs États Membres et agences onusiennes.  Ceci est inacceptable, a-t-elle martelé, en insistant sur le fait que le nombre et la gravité des représailles et des menaces contre toute personne engagée auprès de l’ONU ont fortement augmenté ces dernières années.  « Environ le tiers des femmes qui sont intervenues auprès du Conseil de sécurité avec notre appui depuis 2018 ont fait face à des menaces ou à des représailles et environ 67% des cas ont été commis par des acteurs étatiques », a dénoncé la militante.  Mais ce n’est, selon elle, qu’une partie du problème, l’ONU n’ayant révélé publiquement qu´une fraction des cas directement liés au Conseil de sécurité, taisant les autres par peur de répercussions ou par manque de confiance que les plaintes aboutissent.  À ses yeux, ce manque d’information démontre que « les réponses politiques ont échoué à prendre en compte les données de base qui pourraient déterminer le danger de mort d’une femme ». 

Pour Mme Asoka, ces mesures de répression blessent non seulement celles et ceux qui choisissent de s’exprimer coûte que coûte, mais dissuadent d’autres militantes et militants à poursuivre leur travail essentiel.  À ce sujet, les femmes activistes et défenseuses des droits humains interrogées par le Groupe de travail ont confié avoir besoin de fonds pour répondre à des besoin urgents, tels que leur sécurité personnelle, la relocalisation, la sécurité au bureau et au domicile et les frais juridiques.  Dans ce contexte, leur message au Conseil est clair: bien que des mesures soient prises pour les protéger temporairement, leur sécurité à long terme dépend d’un soutien politique à leur travail.  Si vous voulez sincèrement mettre fin aux attaques contre les femmes activistes et défenseuses des droits humains, il faut aussi aborder les causes à l’origine des conflits et des inégalités de genre, pas seulement leurs conséquences, a lancé la Directrice exécutive, constatant que le Conseil de sécurité n’a « pas su tenir compte du danger encouru par la société civile qu’il prétend soutenir ». 

De fait, « le silence vous rend complices », a renchéri Mme Asoka, avant d’appeler tous les États Membres, les dirigeants de l’ONU et les membres du Conseil de sécurité à faire cesser les menaces, les attaques et les représailles contre tous les défenseurs et défenseuses des droits humains, les activistes pour la paix et les leaders de la société civile, à mettre fin à l’impunité et à assurer que les auteurs de tels actes soient poursuivis.  Elle a également invité le Secrétaire général à mettre en œuvre ses propres engagements en garantissant que tous les membres du personnel onusien défendent publiquement le travail essentiel des femmes activistes et des défenseuses des droits humains.  Elle a d’autre part souhaité que le HCDH reçoive les fonds nécessaires pour accomplir son travail sur les représailles et apporter son soutien à la société civile en danger en suivant chaque cas de manière préventive.  Il faut également garantir le financement et le suivi de toutes les opérations de maintien de la paix pour qu’elles puissent fournir un soutien pratique et axé sur le genre à tous les défenseurs et défenseuses des droits humains et les activistes en danger.  Enfin, Mme Asoka a souligné que les risques encourus par les femmes ne devraient en aucun cas servir d’excuse pour les exclure.  Au contraire, a-t-elle affirmé, les États Membres et l’ONU se doivent de mettre en avant et de soutenir pleinement le leadership et la participation entière, égale et significative des femmes à tous les niveaux du maintien de la paix et de la sécurité, ce qui passe par un soutien financier et politique aux femmes de la société civile afin qu’elles puissent intervenir régulièrement et sans danger auprès du Conseil. 

Mme SHIRLEY AYORKOR BOTCHWEY, Ministre des affaires étrangères et de lintégration régionale du Ghana, s’est dite réconfortée de voir que le premier débat public de 2022 au Conseil de sécurité soit marqué par une volonté collective de veiller à ce que les femmes prennent la place qui leur revient dans les efforts nationaux, régionaux et mondiaux de consolidation de la paix, dans une atmosphère dépourvue de peur et de panique.  En effet, face à l’augmentation continue et progressive des intimidations, menaces et représailles contre ces femmes agent de changements positifs, la Ministre a rappelé que dans de nombreux cas, les menaces ciblant les femmes artisanes de la paix se traduisent par une violence indescriptible, coûtant la vie à beaucoup d’entre-elles.  Reprenant le chiffre de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme qui a vérifié 35 cas de meurtres de femmes impliquées dans la paix et la sécurité, rien qu’en 2021, Mme Botchwey a mis en exergue le besoin pressant pour l’ONU et les États Membres de créer un environnement sûr pour permettre aux femmes d’effectuer leur travail indépendamment et sans ingérence indue conformément aux principes des résolutions 1325, 2467 et 2493 du Conseil de sécurité. 

Passant ensuite à ce que le Ghana fait dans le cadre du programme pour les femmes et la paix et la sécurité, la Ministre a passé en revue une série de structures formelles visant à augmenter les divers rôles des femmes dans la paix et la sécurité.  C’est le Ministère ghanéen du genre, des enfants et de la protection sociale qui est l’organisme gouvernemental chargé de coordonner la mise en œuvre de la résolution 1325 et des autres résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, a-t-elle expliqué.  Le premier Plan d’action national sur la résolution 1325, pour la période 2012-2014, a misé sur des programmes et ateliers de sensibilisation pour les agences de sécurité, les autorités traditionnelles et les organisations de la société civile sur le rôle crucial des femmes dans la paix et la sécurité à travers tout le pays.  La deuxième édition du plan d’action fait fond sur les lacunes et leçons du premier, a expliqué la Ministre.  Ce plan, pour 2020-2025, inclut la formation d’activistes de genre dans les questions de paix et de sécurité, la formation de femmes en tant que médiatrices et la sensibilisation des femmes au niveau local sur leur rôle dans une société pacifique.  Les forces armées ghanéennes, ainsi que d’autres forces de sécurité sont également en train de revoir leur réglementation dans le but de mettre en place des politiques favorables aux femmes et qui garantissent qu’elles soient adéquatement protégées, a encore précisé la Ministre.  Elle a également rappelé que son pays est le neuvième plus grand contributeur de personnel aux missions de l’ONU, et que depuis avril 2020, les femmes ghanéennes représentent 14% des effectifs militaires et 25,6% des effectifs de police qu’il déploie dans les missions de l’ONU et de l’UA.  

Mme Botchwey a ensuite fait des propositions sur la manière dont l’ONU peut contribuer à assurer une meilleure protection des femmes dans les processus de paix.  Tout d’abord, elle a estimé que le Conseil de sécurité devrait instamment prier le Secrétaire général d’assurer une allocation de ressources ciblées, pratiques et rapides pour faciliter les réponses aux menaces contre les femmes artisanes de la paix, y compris au niveau des opérations de paix.  Le Conseil devrait également solliciter les bons offices du Secrétaire général pour renforcer les capacités du personnel de l’ONU dans les zones de conflit, pour accroître leur compréhension du travail des femmes dans les processus de paix, et des représailles et menaces auxquelles elles s’exposent.  En outre, elle a proposé que les Comités des sanctions des Nations Unies soient utilisés comme des outils pour traduire en justice les coupables d’intimidation, de menaces et de représailles contre les femmes dans la consolidation de la paix et servir de moyen de dissuasion.  Elle a donc encouragé la participation active de femmes au sein du panel d'experts.  En dernier lieu, Mme Botchwey a estimé que le Conseil de sécurité, les États Membres et l’ONU dans son ensemble doivent être sans équivoque et cohérents dans leur défense des femmes qui sont invitées à intervenir dans les enceintes de l’ONU et continuer de condamner toute attaque contre elles.  

Mme OLTA XHAÇKA, Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de l’Albanie, précisant être « la première Ministre des affaires étrangères albanaise » à s’adresser au Conseil de sécurité en tant que membre non permanent, a aussi indiqué être une défenseuse du droit des femmes depuis longtemps.  « Comment se fait-il que les femmes doivent encore lutter pour les mêmes droits que l’autre moitié de la population »? a-t-elle lancé en constatant que l’égalité n’est pas un acquis.  « La triste réalité de l’histoire, la triste vérité », a-t-elle poursuivi, c’est que les hommes sont le plus au combat tandis que les femmes en paient le plus le prix.  Nous l’avons vu au Kosovo: les femmes ont été laissées pour compte, ont été violées, torturées, tuées, prises pour cible dans une « campagne criminelle de nettoyage ethnique », a-t-elle rappelé avant de citer aussi les cas en Afghanistan, au Yémen, au Myanmar, en Éthiopie, en Syrie et encore au Bélarus.  Elle a déploré que des femmes militantes soient victimes de menaces, dénonçant une certaine résistance de la part de certains qui ne souhaitent pas que les femmes aient leur mot à dire lorsque la paix est établie. 

La Ministre a témoigné qu’il y a 30 ans, son pays a entamé un chemin difficile de reconstruction et a fait la même erreur.  Nous n’avons pas donné aux femmes le rôle qui leur revenait dans la reconstruction et la réconciliation, a-t-elle regretté, avant de se féliciter que l’égalité soit aujourd’hui une grande priorité du Gouvernement albanais et une réalité: « nous sommes passés de la parole aux actes ».  Elle s’est prévalue du fait que 75% des postes ministériels sont occupés par des femmes, avec un pourcentage semblable dans les postes de haut niveau.  L’Albanie a signé, avec la Norvège, les Émirats arabes unis et le Niger, la Déclaration des engagements communs pour que le programme pour les femmes et la paix et la sécurité soit la priorité de nos présidences respectives au Conseil, a informé la Ministre. 

Elle a ensuite détaillé les quatre éléments clefs dans ce domaine: soutenir les entités pertinentes des Nations Unies pour qu’elles soutiennent les défenseuses et les représentantes de la société civile qui sont menacées parce qu’elles sont intervenues devant le Conseil; mettre en place des mécanismes de financement souples pour agir rapidement lorsque des femmes dirigeantes sont visées par des représailles; améliorer le financement des organisations de femmes dans les pays fragiles; renforcer la reddition de la justice.  Le Conseil a un rôle décisif à jouer à cet égard, a-t-elle conclu. 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH, Ministre adjointe des affaires étrangères et de la coopération internationale pour les affaires politiques des Émirats arabes unis, a formulé trois recommandations à l’intention des États Membres et de l’ONU afin de prévenir et de répondre aux représailles dans les situations de conflit et d’après-conflit.  Premièrement, a-t-elle dit, les États doivent prendre des mesures sérieuses pour s’attaquer aux inégalités structurelles entre les sexes en tant que principale cause de la violence à l’égard des femmes.  La représentante a proposé à cette fin d’investir dans l’éducation et de réformer les « politiques obsolètes nuisibles » qui entretiennent la stigmatisation.  Cela est urgent dans des pays comme l’Afghanistan où nous assistons à une escalade des efforts visant à « déformer la religion et la culture » pour attaquer le droit fondamental des femmes et des filles à l’éducation. 

Ensuite, a poursuivi Mme Nusseibeh, l’ONU doit développer des outils efficaces pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, y compris les représailles, dans les contextes de conflit armé.  Elle a évoqué un déploiement plus systématique de conseillers en matière de genre et de protection des femmes dans les opérations de paix, ainsi qu’une collecte et une analyse accrues des données pour appuyer les stratégies qui fonctionnent.  À la fin d’une opération de paix, il faut travailler avec les pays hôtes pour assurer la continuité des principales capacités de protection des équipes de pays, afin que les femmes et leurs défenseurs ne soient pas abandonnés à un moment critique.  Enfin, la représentante a demandé au Conseil de sécurité de rester ouvert aux contributions des intervenants de la société civile, en particulier des femmes.  Selon elle, les menaces visant à décourager la participation de la société civile aux réunions du Conseil constituent une tentative d’obstruction aux travaux de cet organe.  En conséquence, les Émirats arabes unis, aux côtés de la Norvège, du Niger et de l’Albanie, se sont engagés à rester vigilants avec les informateurs du Conseil concernant les intimidations et les représailles. 

Mme UZRA ZEYA, Sous-Secrétaire dÉtat à la sécurité civile, à la démocratie et aux droits de l’homme des États-Unis, s’est félicitée de ce coup de projecteur sur le rôle des artisanes de la paix, alors que les femmes sont en première ligne dans les processus de paix et de consolidation de la paix. Cependant, leur plaidoyer en fait souvent des victimes dans le cadre des conflits, a déploré la responsable américaine, en évoquant les cas récents d’une femme attaquée par quatre officiers et d’une journaliste placée en détention parce qu’elle enquêtait sur cette agression.  Pour Mme Zeya, le Conseil de sécurité doit faire davantage pour protéger ces femmes.  Elle a relevé à cet égard que les menaces contre les artisanes de la paix exploitent les normes en vigueur contre ces femmes.  Les attaques dont elles sont victimes surviennent aussi en ligne, via la désinformation sur le genre et le harcèlement sur Internet, a-t-elle constaté, avant d’appeler tous les gouvernements et les organisations internationales à adopter une tolérance zéro en matière de violence et d’exploitation sexuelles, et à garantir que des comptes soient rendus. 

De plus, a poursuivi la Sous-Secrétaire d’État, il importe qu’il y ait plus de femmes Casques bleus et négociatrices dans les situations de conflit.  Il faut redoubler d’efforts pour garantir que leurs droits soient respectés et qu’elles participent pleinement aux processus de paix et de sécurité.  Souvent décrites à tort comme vulnérables, ces femmes permettent d’instaurer la confiance avec les communautés locales, nouent des dialogues qui permettent de faciliter l’accès de l’aide humanitaire, de lutter contre l’extrémisme et d’engager des mesures de réconciliation, a-t-elle fait valoir. 

Mme Zeya a indiqué que, pour venir en aide aux femmes conduisant des efforts de paix, les États-Unis garantissent des processus qui veillent à garantir leur participation aux prises de décision.  En Colombie, par exemple, ils soutiennent l’inclusion de femmes au sein des institutions de consolidation de la paix.  Cela ne les empêche toutefois pas d’être la cible de menaces, ce qui est inadmissible, a-t-elle relevé, avant d’indiquer que son pays est favorable à des programmes de financement ciblés permettant une plus grande participation des femmes aux processus de paix.  Nous appuyons également l’autonomisation des femmes, notamment par le biais d’une aide technique aux organisations dirigées par des femmes, aux femmes leaders et aux représentantes de la communauté LGBTQI+.  Réaffirmant en conclusion l’engagement des États-Unis à appliquer les résolutions « femmes, paix et sécurité » du Conseil, elle a averti que « la paix ne pourra être édifiée si la moitié de la population mondiale est sans cesse ignorée ou est l’objet d’atteintes ». 

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) est revenue sur les témoignages faits, devant le Conseil de sécurité par des femmes afghanes défenseuses des droits humains ou artisanes de la paix, qui avaient tiré la sonnette d’alarme face aux violences et au harcèlement auxquels elles ont à faire face.  Aujourd’hui en Afghanistan, ces femmes paient le prix de notre incapacité à tenir compte de leurs avertissements, s’est indignée la représentante, alarmée du fait que les femmes que la communauté internationale a autrefois défendues se cachent dans leurs maisons ou ont été contraintes de fuir. 

Elle a relevé que dans le monde entier, les femmes politiquement actives sont la cible de menaces et de violences – en ligne et hors ligne.  « La participation pleine, égale et significative n’est tout simplement pas possible tant que les femmes ne peuvent pas participer à la vie publique en toute sécurité », a martelé la représentante ajoutant que cela s’applique aussi au Conseil de sécurité.  En effet, lorsque des femmes de la société civiles ont été invitées à venir s’exprimer au Conseil sous la présidence irlandaise en septembre, certaines ont décliné l’invitation par peur de représailles, a rappelé la représentante qui a exigé du Conseil qu’il fasse son possible pour leur offrir une plateforme sûre dans cette enceinte.  Rien ne saurait remplacer la présence des femmes dans la salle du Conseil, « et cela vaut pour tout processus de paix et politique », a-t-elle estimé.   

La représentante a ensuite indiqué que l’Irlande s'engage à maximiser l’impact et la portée politique du groupe informel d’experts sur « Les femmes et la paix et la sécurité », et que toutes les ambassades irlandaises dans le monde sont prêtes à soutenir les défenseuses des droits humains en danger, notamment en Afghanistan où l’ambassade a accordé à titre prioritaire des visas humanitaires aux femmes défenseuses des droits humains. 

M. JUN ZHANG (Chine) relevant être le premier homme à s’exprimer ce matin au Conseil de sécurité, a assuré que la Chine n’a jamais cessé de promouvoir le rôle des femmes dans le règlement des conflits armés et leur participation au processus de paix.  Pour y parvenir, le Conseil doit renforcer la protection des femmes dans les zones en conflit, sans exception, a-t-il recommandé, notant que les femmes touchées par les conflits armés ont toutes droit à la protection et à la sécurité.  Qu’elles participent au processus de paix ou non, elles doivent être traitées sur un pied d’égalité sans faire d’exception, a aussi conseillé le représentant.  Il a ensuite attiré l’attention de la communauté internationale sur « les filles du Sahel qui refusent d’abandonner leur éducation alors qu’elles pourraient être enlevées et tuées par des forces extrémistes ».  Pour leur protection, il a demandé aux parties au conflit de respecter le droit international humanitaire et de renoncer à toute violence à leur encontre notamment les violences sexuelles.  La Chine, a dit le délégué, appuie les organismes des Nations Unies qui s’attèlent à la tâche.  Il a ajouté que les pays ayant une responsabilité historique dans « les points chauds d’aujourd’hui » doivent fournir un soutien financier et en nature. 

M. Zhang a poursuivi que seule une approche holistique en matière de prévention et de règlement des conflits permettrait de protéger les femmes.  La paix et la stabilité ne pourront être rétablies que par le dialogue, a-t-il ajouté, soulignant que les consultations entre les parties concernées et la société civile peuvent jouer un rôle constructif en favorisant une culture de paix.  Le représentant a plaidé pour les femmes aient une chance égale de participer aux négociations de paix, faisant observer qu’elles parlent au nom de la population, promeuvent la confiance mutuelle et prodiguent des conseils précieux.  « Toutes les parties devraient lever les obstacles en matière d’égalité des sexes dans les processus politiques. »  Le délégué a appelé le Conseil de sécurité à travailler d’arrache-pied en matière de règlement pacifique des différends par le dialogue, la médiation, les consultations afin que toutes les femmes, toutes les filles, puissent vivre dans la paix et la tranquillité. 

La Chine appuie l’autonomisation des femmes, a réitéré le représentant insistant sur la résolution 1325 (2000), une résolution phare qui énonce que l’autonomisation et le développement des femmes permettent de veiller à ce que le programme les femmes et la paix et la sécurité donne des résultats tangibles.  L’éducation peut aussi changer la donne car elle peut aider les femmes à trouver un emploi, sortir de la pauvreté et être autonomes sur le plan économique.  Il faut en outre aider les femmes à surmonter les difficultés liées à la pandémie et garantir la distribution de vaccins dans les zones en conflit, a conclu le représentant en soulignant la nécessité de protéger les droits des femmes de vivre en bonne santé. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a condamné les violences ciblées, les intimidations et les représailles dont sont victimes des femmes, « simplement parce qu’elles font leur travail ».  Ces attaques entravent leur participation pleine et entière aux processus de paix et de sécurité.  Or, a souligné le délégué, le Conseil de sécurité doit pouvoir entendre les exposés des représentantes de la société civile, qu’il se doit de protéger afin qu’elles ne soient pas réduites au silence.  Il a redit en particulier l’importance pour le Conseil de garantir que les femmes afghanes puissent participer en toute sécurité à la vie de leur pays dans le cadre des processus de prise de décisions.  De façon générale, a-t-il reconnu, « il faut protéger les femmes dans nos politiques et nos pratiques », réagir aux menaces de représailles et fournir les ressources financières et politiques nécessaires à cette fin.  Pour sa part, le Royaume-Uni a contribué plus de 300 000 dollars dans le cadre du fonds d’urgence.  Le message envoyé aujourd’hui est clair, a conclu M. Kariuki: il faut tout mettre en œuvre pour protéger la participation des femmes aux processus de paix et de sécurité. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a indiqué que son gouvernement a inscrit la reconnaissance du rôle des femmes comme « matrice » de son action.  Il s’est félicité à cet égard que le plaidoyer international pour l’inclusion des femmes comme actrices des processus de paix ait permis des avancées déterminantes, notamment dans le cadre des missions de paix.  Cependant, il s’est dit préoccupé par le fait que les femmes continuent de payer un lourd tribut, en particulier celles vivant dans des zones de conflit.  Cette situation alarmante doit, selon lui, interpeller la communauté internationale et particulièrement le Conseil de sécurité, lequel doit veiller à la pleine participation des femmes aux sphères publiques et sécuritaires.  De l’avis du représentant, il convient de reconnaître leur rôle d’agents de changement en leur permettant d’occuper la place centrale qui leur est due afin qu’elles puissent participer pleinement aux processus de règlement des crises, en période de conflit comme en temps de paix. 

Le Gabon, a-t-il ajouté, est pionnier en Afrique en matière d’inclusion des femmes dans ses forces armées.  Il a ainsi ouvert une nouvelle ère permettant aux femmes d’occuper des postes à haute responsabilité et d’inspirer des générations de jeunes filles.  Pour contribuer à la durabilité de la paix, il faut un changement radical dans la prise en compte du rôle des femmes, qui leur garantisse une participation à toutes les étapes des processus de paix, conformément à la résolution 1325 (2000) et aux résolutions suivantes sur les femmes et la paix et la sécurité, a encore souligné le délégué, plaidant pour une meilleure intégration des questions de genre dans les situations de paix.  Dans le contexte actuel, exacerbé par la pandémie de COVID-19, l’histoire jugera notre engagement à l’aune de la place accordée à « l’autre moitié de l’humanité », a-t-il conclu. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a déclaré que le programme sur les femmes et la paix et la sécurité fait désormais partie intégrante du règlement des conflits et de la consolidation de la paix, la résolution 1325 restant la principale boussole à cet égard.  Pour s’assurer que les prérogatives du Conseil de sécurité soient utilisées à bon escient, il faut toutefois respecter scrupuleusement le mandat de cette résolution qui ne porte que sur des situations inscrites à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, a insisté le représentant.  Afin d’appuyer la contribution et la participation des femmes aux processus de paix, le représentant a appelé à faciliter l’accès des femmes aux formations et outils technologiques, mais aussi au secteur bancaire afin de les autonomiser davantage.  Il a ensuite appelé à ne pas faire de la participation des femmes un but en soi ou une chasse aux statistiques.  Cela doit répondre aux exigences de chaque situation, a-t-il estimé.  Il a condamné les violences, menaces et intimidations à l’encontre des femmes engagées et exigé que ces incidents fassent systématiquement l’objet d’enquêtes et que leurs auteurs soient traduits en justice.  Il est impératif de réunir les conditions propices à la sécurité des femmes dans les processus de paix, a-t-il souligné. 

M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a dit que son pays est passé d’un développement des femmes à un développement mené par les femmes.   Aujourd’hui, plus de  1 300 000 femmes sont des représentantes élues au niveau local, a-t-il fait valoir en se félicitant qu’elles assument des rôles de direction de leurs communautés locales.  Il a signalé que 50% des sièges des organes législatifs locaux  sont réservés aux femmes.   Lors de notre lutte pour la liberté, les femmes étaient sur le devant de la scène pratiquement sur tous les plans, a rappelé le représentant en se réjouissant que cette  tradition perdure.  Il a aussi rappelé qu’en 2007, l’Inde a marqué l’histoire en déployant la première unité de police constituée exclusivement de femmes dans une mission de maintien de la paix, au Libéria.  Cette unité, qui a travaillé au Liberia pendant 10 ans, a montré comment le déploiement de davantage de femmes en uniformes pouvait aider l'ONU dans la lutte contre l’exploitation des femmes. 

Pour renforcer la participation des femmes au processus de paix, M. Tirumurti a recommandé que les États Membres lèvent les obstacles à leur participation dans la prévention et le règlement des conflits et dans les programmes de consolidation de la paix: il faut pour cela mettre en place un cadre judiciaire et législatif, assurer l’égalité des chances, renforcer les capacités, garantir le principe de responsabilité des violences contre les femmes.  Il faut en outre permettre la participation et l’inclusion des femmes dans les processus politiques et la prise de décision, dans un environnement politique  fondé  sur les principes de la  démocratie, du  pluralisme, de  l’état  de droit, a ajouté le représentant.  Il a souligné à cet égard l’importance d’une gouvernance représentative et inclusive en Afghanistan, avec la participation significative des femmes conformément à la résolution de 1593 (2021).  

Le délégué indien a aussi plaidé pour l’autonomisation socioéconomique des femmes, y compris leur accès au crédit, au financement, à la technologie.   L’Inde a non seulement lancé différentes initiatives numériques axées sur les citoyens, mais elle a également mis l’accent sur les femmes pour ouvrir des comptes bancaires en ligne pour plus de 440 000 000 de personnes dont 55% de femmes, a-t-il témoigné en informant que, durant la pandémie, cette initiative a aidé à faire des virements pour près de 200 000 000 de femmes.  Il a également abordé la question de la violence contre les femmes et les filles perpétrés par les terroristes, demandant que le Conseil mette l’accent sur les conséquences du terrorisme et les droits des femmes.  Enfin, réitérant le rôle indispensable des femmes Casques bleus pour promouvoir le programme les femmes, la paix et la sécurité, le représentant a demandé davantage de femmes dans les missions de maintien de la paix.  Il a appuyé la création du poste de Conseillère pour la protection des femmes. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil)s’est inquiété de la situation des femmes et des filles afghanes.  « Si c’était grave avant que les Taliban ne prennent le pouvoir, c’est encore pire maintenant. »  Le Gouvernement brésilien a lancé un programme de visa humanitaire et de permis de séjour, a expliqué le délégué.  Des juges afghanes et leurs familles ont ainsi été accueillies récemment dans le cadre d’une initiative entreprise conjointement avec la société civile au Brésil.  Néanmoins, a averti M. Costa Filho, les mesures de solidarité ne suffisent pas.  « Nous devons condamner toutes les actions qui entravent la participation significative et utile des femmes aux processus de paix et à la société en général. »  En protégeant les femmes qui travaillent sur le terrain, le Conseil indique clairement que, sans la participation de la population féminine, il n’y a pas de perspective de paix durable, et encore moins de développement économique. 

Le délégué a suggéré une autre action concrète importante, à la lumière des objectifs fixés par la Stratégie uniforme pour la parité entre les sexes 2018-2028: une évaluation approfondie de la situation des soldates et des artisanes de la paix dans le cadre de tout examen d’un pays ou d’une région à l’ordre du jour du Conseil.  L’idée est de fixer des objectifs précis, de travailler non seulement à l’augmentation du nombre de femmes dans les missions sur le terrain, mais aussi de s’assurer que ces femmes sont capables de faire la différence, dans divers rôles et fonctions, et d’agir comme des moteurs du changement. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a condamné toutes les atteintes visant à faire obstacle à la participation pleine, égale, substantielle et effective des femmes dans les processus de paix.  Il a jugé inadmissible que quiconque puisse être pris pour cible dans le cadre de son engagement pour la paix.  Ces atteintes contraires à toutes les valeurs et principes de la Charte de l’ONU nous obligent à agir, a-t-il affirmé, estimant que « la peur doit changer de camp ».  Pour le représentant, les auteurs de ces actes doivent être tenus responsables et répondre devant la justice.  Ensuite, les États doivent mettre en place des conditions de sécurité permettant aux femmes engagées de mener leurs activités à l’abri, notamment de toute ingérence indue.  Pour cela, des mécanismes de prévention et d’alerte précoce doivent être mis en place, avec le soutien des Nations Unies lorsque cela est pertinent, a-t-il plaidé, avant d’appeler le Haut-Commissariat aux droits de l’homme à poursuivre son travail de documentation et à rassembler les bonnes pratiques en la matière. 

Enfin, il importe de poursuivre la pleine mise en œuvre de toutes les résolutions sur les femmes et la paix et la sécurité, a ajouté le délégué en vantant la « diplomatie féministe ambitieuse » mise en œuvre par son pays.  La France a ainsi accueilli à Paris en juin 2021 le Forum Génération Égalité, en partenariat avec le Mexique, ONU-Femmes, la société civile et la jeunesse, a-t-il rappelé, non sans souligner les efforts menés à titre national.  La France a ainsi publié son troisième plan national d’action « Femmes, paix et sécurité » en juin 2021.  Au Conseil de sécurité comme dans l’ensemble des enceintes onusiennes, la France continuera de veiller à ce que les intervenants et intervenantes de la société civile puissent participer à l’ensemble des discussions pertinentes et qu’ils et elles puissent intervenir sans craindre pour leur sécurité, a assuré M. de Rivière. 

M. MARTIN KIMANI (Kenya) a plaidé pour que des efforts soient menés d’abord au niveau national pour garantir la sécurité des défenseuses des droits humains, des avocates de l’égalité de genre et des représentantes de la société civile.  Il a appelé les États à poursuivre davantage en justice les auteurs des violences basées sur le sexe et les crimes qui y sont liés, avant de demander au Conseil de sécurité de faire payer le prix des intimidations, des menaces ou des représailles exercées contre des femmes qui lui ont fait un exposé.  Il a recommandé aux États Membres de prévoir des formations et des structure spécifiques pour que les enquêtes et les poursuites pénales soient sensibles au genre.  Le Conseil devrait prendre des mesures fortes pour les cas de représailles lorsque la Haute-Commissaire les confirme, a-t-il ajouté. 

Le représentant a ensuite appelé à soutenir les efforts régionaux dans le domaine « les femmes et la paix et la sécurité » destinés à protéger les piliers de protection et de participation, souhaitant que soient soutenus les résultats de la réunion ministérielle du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine du 22 mars 2021, qui était présidée par le Kenya.  Il a cité, parmi les recommandations de cette réunion, la nécessité de former les garçons et les hommes pour protéger la participation et la sécurité des femmes.  De même, les opérations des Nations Unies doivent déployer des troupes formées dans ce domaine, a-t-il ajouté.  Enfin, le représentant a appelé à établir un lien entre le programme pour les femmes et la paix et la sécurité et les mécanismes de lutte contre la radicalisation relatifs à la violence sexuelle et sexiste qui se reflète dans les actions et l’idéologie des groupes terroristes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique.  Il a notamment salué le déploiement d’une cellule genre par le Bureau de lutte contre le terrorisme. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a rendu hommage à Almaas Elman, militante somalienne assassinée à Mogadiscio fin 2019, à Hanane Al-Barassi, avocate libyenne de renom, assassinée en 2020, aux journalistes afghanes assassinées à Jalalabad, en mars 2021 et à toutes les militantes, artisanes de la paix, courageuses défenseuses des droits humains qui ont été victimes de menaces, de violences ou de représailles.  Leur absence nous interpelle car nous avons échoué à garantir leur sécurité pour qu’elles puissent participer à la vie publique et politique de tous les pays, a déploré le délégué.  M.  de la Fuente Ramírez a exhorté le Conseil à accorder une attention particulière aux artisanes de la paix qui interviennent devant lui « au péril de leur vie et de la vie de leur famille ».  Il a salué le travail du HCDH pour protéger les intervenantes au Conseil et l’a encouragé à se coordonner avec d’autres entités du système des Nations Unies pour assurer une meilleure articulation des protocoles de protection et le suivi des cas individuels. 

Le représentant a ensuite appelé à éradiquer la misogynie, les stéréotypes et des préjugés sociaux qui nourrissent toutes les formes de violence à l’encontre des femmes militantes, artisanes de la paix et défenseuses des droits humains.  Des mécanismes de protection plus efficaces et préventifs sont nécessaires au niveau national et local, a-t-il estimé, pour ensuite décrier la persistance de l’impunité.  Chaque État doit garantir l’accès à la justice et la fourniture de services de santé sexuelle et reproductive, de santé mentale et des mesures efficaces de protection et de soutien psychosocial, a-t-il insisté.  Il a en outre jugé urgent de veiller à ce que toutes les opérations de paix soient dotées des ressources matérielles et humaines nécessaires pour surveiller et assurer la protection de tous les participants aux processus de paix. 

Mme ANNIKEN HUITFELDT, Ministre des affaires étrangères de la Norvège, a expliqué pourquoi la paix dure plus longtemps lorsque les femmes participent: ce n’est pas parce qu’elles ont une solution magique pour mettre fin aux guerres, mais parce qu’elles ont des perspectives et des expériences uniques dans leurs communautés.  Mais lorsqu’elles parlent, les femmes prennent plus de risques que les hommes, a-t-elle fait remarquer, notant aussi qu’au lieu de recevoir la reconnaissance qu’elles méritent, elles reçoivent des menaces et de la violence. La Ministre a dès lors appelé à trouver de meilleures façons de renforcer la prévention et d’améliorer les réponses, de protéger et d’autonomiser les femmes, de promouvoir leur droit à participer. 

La Ministre a fait trois recommandations.  La première, que la participation des femmes devienne la norme, car elle est un bon moyen de changer la donne sur le long terme.  La deuxième, c’est qu’il faut des ressources pour soutenir les femmes artisanes de la paix et défenseuses des droits humains à tous les niveaux de la société, les entités de l’ONU devant faire de mème.  La troisième, c’est la tolérance zéro pour les menaces et les représailles contre les femmes dans les processus de paix et de sécurité, y compris pour celles qui s’engagent avec le Conseil de sécurité.  Consciente que les femmes vont continuer à participer malgré les risques qu’elles encourent, comme on le voit en Afghanistan, au Soudan du Sud, au Myanmar, au Yémen ou au Mali, elle a appelé à prendre des mesures appropriées si le pire arrive, comme des sanctions ou des mesures dissuasives.  Nous devons aussi agir sur le plan de la responsabilité, a-t-elle ajouté. 

Avant de conclure, la Ministre a indiqué avoir participé aujourd’hui au lancement d’un nouveau mécanisme de financement qui vise à offrir une protection, un filet de sécurité.  Ce mécanisme pourra offrir une assistance en cas de besoin, a-t-elle précisé.  « Si protéger les femmes est le but, leur participation est la seule voie. » 

M. KIMIHIRO ISHIKANE (Japon) a appuyé l’objectif énoncé dans le rapport 2021 du Secrétaire général sur les femmes et la paix et la sécurité en faveur d’une inversion de la hausse des dépenses militaires mondiales et d’une augmentation des investissements dans la sécurité humaine, notamment « dans tout ce dont nous avons besoin pour la prévention des conflits, la consolidation et le maintien de la paix ».  À court terme et dans les situations d’urgence, le représentant a souhaité que les agences des Nations Unies et les ONG locales jouent un rôle clef dans le soutien et la protection des femmes engagées dans les processus de paix et de sécurité.  Il a précisé que son pays soutient activement le renforcement des capacités locales des femmes artisanes de la paix par le biais d’un certain nombre de projets spécifiques.  C’est ainsi que pour faire face aux menaces et à la violence persistantes contre les femmes afghanes, notamment les défenseuses des droits humains, le Japon a décidé de financer un nouveau projet d’ONU-Femmes qui appuie les organisations de la société civiles en charge de refuges et de centres communautaires pour les survivantes. 

Le délégué a cependant concédé qu’à long terme, il n’existe pas de « solution miracle » pour créer un environnement sûr et durable pour les femmes, si ce n’est l’édification d’institutions efficaces, responsables et inclusives qui appartiennent au pays et permettent de protéger et d’autonomiser les personnes tout en favorisant la confiance dans la société.  À ses yeux, la pandémie de COVID-19 a mis au premier plan la violence en ligne en tant que nouvelle forme de menace ciblant les femmes défenseuses des droits humains.  Pour y répondre, le Japon soutient notamment l’étude menée par ONU-Femmes dans 21 pays arabes, avec un accent particulier mis sur la violence en ligne contre les femmes, y compris les militantes et les défenseuses des droits de l’homme.  Ce projet, a précisé M. Ishikane, vise à clarifier les lacunes des systèmes juridiques pour empêcher la violence et identifier les défis liés au signalement et à l’accès aux services.  Il a formé le vœu que les résultats de cette étude contribuent à renforcer les capacités institutionnelles de la région pour faire face à cette nouvelle menace.

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) s’est indignée du fait que les défenseuses des droits humains, les artisanes de la paix et les militantes de la société civile subissent des attaques constantes en raison du travail qu’elles accomplissent.  Elle a appelé à condamner fermement ces actes d’intimidation et de menace qui visent les femmes, estimant que de nouvelles actions concrètes s’imposent.  L’objectif commun d’une pleine participation des femmes à toutes les étapes des processus de paix passe par leur protection, a-t-elle martelé.  « Pas de participation sans protection », a-t-elle postulé.  La représentante a dès lors appelé les États, qui sont responsables au premier chef, à réunir les conditions propices à la participation des femmes, ajoutant que les opérations de paix doivent veiller également à leur protection.  Pour cela, il faut respecter les cadres existants et allouer des ressources à la promotion et à la protection des actrices du programmes pour les femmes et la paix et la sécurité, a-t-elle recommandé.  Ce n’est qu’ainsi qu’on donnera une meilleure chance à une paix pérenne, a conclu la représentante, arguant que « sans femmes, pas de paix ». 

M. BOŠTJAN MALOVRH (Slovénie) a déclaré que pour que les processus de paix et de sécurité soient véritablement inclusifs et durables, il faut lever les obstacles à une participation pleine et entière des femmes au processus de prise de décisions et prévenir toute violence à leur égard. 

Le représentant a ensuite apporté son appui aux femmes et aux filles afghanes, notant que leur participation et la protection de leurs droits humains constituent des conditions préalables à l’édification d’une société afghane durable et robuste.  Face à ces actes d’intimidation et de violence, le Conseil de sécurité doit protéger la marge de manœuvre de la société civile, des artisanes de la paix et des défenseuses des droits humains. 

Le délégué a aussi condamné toutes les attaques contre les membres de la société civile qui coopèrent avec l’ONU ou qui font des exposés devant le Conseil de sécurité.  Ces attaques ne doivent pas rester sans conséquence car il ne doit pas y avoir d’impunité pour les violences, notamment contre les femmes.  M.  Malovrh a par ailleurs déploré qu’il n’y a pas assez de femmes dans les missions de maintien de la paix ou à des postes de direction.  Il est temps de former les « Casques bleus femmes » à l’instar de projets financés par la Slovénie qui portent sur les violences sexistes et sexuelles dans les Balkans, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. 

Au nom du Groupe des Amis des femmes et de la paix et de la sécurité, réseau informel de 65 États Membres représentant les cinq groupes régionaux des Nations Unies et de l’Union européenne, M. ROBERT KEITH RAE (Canada) a tout d’abord condamné les menaces, le harcèlement, les attaques et les représailles qui ciblent les femmes artisanes de la paix et les défenseuses des droits de la personne et de l’égalité de genre.  Conformément à la résolution 2493 (2019), il a exhorté tous les États Membres à lutter contre le harcèlement, en ligne et hors ligne, ainsi que contre toutes les formes de violence sexuelle et sexiste à l’endroit des femmes, et à demander des comptes aux auteurs de tels actes.  Se disant profondément préoccupé par le fait que certaines femmes aient subi des représailles pour avoir informé le Conseil de sécurité, il a invité ce dernier et le système des Nations Unies dans son ensemble à élaborer des mesures efficaces pour prévenir ces représailles et y réagir.  En deuxième lieu, il a appelé tous les États Membres à créer des environnements sûrs et favorables aux femmes artisanes de la paix afin qu’elles puissent effectuer leur travail en toute sécurité, de manière indépendante et sans ingérence.  Ce soutien, a-t-il souligné, comprend la promotion des droits de la personne des femmes et des filles, le renforcement de la capacité des institutions nationales à assurer la protection des artisanes de la paix, l’élaboration de mécanismes locaux d’alerte précoce et le soutien aux personnes à risque. 

Le représentant a ensuite réitéré son soutien au Conseil de sécurité pour qu’il intègre la violence sexuelle comme critère de désignation dans les régimes de sanctions des Nations Unies.  Il a ajouté que le Groupe encourage également le Conseil de sécurité à veiller à ce que les opérations de paix soient mandatées pour favoriser l’égalité de genre à l’égard des femmes artisanes de la paix et des défenseures des droits de la personne et en rendre compte.  Enfin, a-t-il précisé, le Groupe encourage les États Membres, les Nations Unies, les institutions financières internationales et les autres parties prenantes concernées à fournir un financement rapide et souple pour la protection des femmes artisanes de la paix, des défenseuses des droits de la personne et des femmes défenseuses de l’égalité de genre, en particulier celles qui ont besoin d’une aide d’urgence, notamment d’un soutien psychosocial. 

Mme CAROLYN JANE WEATHERALL SCHWALGER (Nouvelle-Zélande) a proposé des initiatives pour améliorer l’efficacité opérationnelle des soldats de la paix.  Selon elle l’analyse de la dimension de genre est fondamentale dès le début de tout processus.  Comprendre les dynamiques culturelles sexospécifiques aide à identifier les défis et les solutions potentielles aux problèmes complexes de consolidation de la paix.  Pour sa part, a poursuivi la déléguée, la Nouvelle-Zélande a vu tout l’intérêt de promouvoir un personnel de maintien de la paix sensible au genre et à l’environnement local lors de son expérience de soutien aux efforts de paix dans le Pacifique Sud, y compris les opérations récentes aux Îles Salomon.  De même, son programme de leadership Wāhine Toa, conçu pour accroître la participation des femmes à la défense, y compris les opérations de maintien de la paix, fournit un modèle éprouvé.  La Nouvelle-Zélande siégera au Comité d’organisation de la Commission de consolidation de la paix en 2022 et continue de soutenir le Fonds de consolidation de la paix des Nations Unies, a indiqué Mme  Schwalger.  Elle s’est engagée à faire progresser la stratégie de genre de ladite Commission car l’inclusion est fondamentale pour une paix durable.  

M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne, a déploré que journalistes, militantes ou travailleuses humanitaires se heurtent à des violences dans l’exercice de leurs activités.  Il s’est dit particulièrement préoccupé par l’utilisation de la violence sexuelle et sexiste comme arme de guerre dans la région du Tigré, en Éthiopie, et dans d’autres pays.  L’Union européenne, a-t-il en outre affirmé, appuie les femmes afghanes avec un programme sur la défense des droits humains, une priorité politique selon lui, et elle a répondu généreusement à l’appel humanitaire pour l’Afghanistan. 

Le délégué a mis l’accent sur six axes d’intervention spécifiques: l’intégration systémique des questions sexospécifiques; la protection des femmes concernées; la nécessité d’accorder une attention particulière à celles qui souffrent de la discrimination, notamment dans les communautés autochtones ou LGBT; l’importance de faire de la violence sexuelle et sexiste un critère dans l’application de sanctions; la promotion du dialogue diplomatique; le déboursement de fonds pour activer des mesures de protection.  M.  Skoog a estimé que les cadres pertinents du Conseil de sécurité doivent pouvoir bénéficier des ressources nécessaires pour être mis en œuvre.  Enfin, il a encouragé une plus grande coopération avec la société civile et préconisé d’écouter davantage les militantes tout en prenant les précautions nécessaires pour garantir leur sécurité.  À cet égard, il a salué des « pas politiques dans la bonne direction ». 

M. STEFANO STEFANILE (Italie) a exhorté à redoubler d’efforts pour endiguer la vague de violence contre les femmes dirigeantes et les défenseuses des droits humains, notant que l’éradication de fléau nécessite de combattre la violence sexiste et sexuelle.  Il a appelé à inclure les femmes et les membres de la société civile dans les négociations de paix.   Le représentant a ensuite indiqué que l’Italie a élaboré un quatrième plan d’action national sur le programme pour les femmes et la paix et la sécurité  et dirige aussi le Réseau des femmes médiatrices de la Méditerranée qui offre à toutes participantes une formation ciblée sur les questions liées au genre.    Par ailleurs préoccupé par le recours à la violence sexuelle contre les femmes et des filles en Afghanistan, M. Stefanile a déclaré que ces dernières doivent faire partie intégrante de l’avenir du pays. 

M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a noté que la violence à l’encontre des femmes artisanes de la paix est en hausse dans le monde, ce qui entrave la participation des femmes à la vie publique des pays concernés et nuit à la reprise post-COVID-19.  Le maintien de la paix jouant un rôle essentiel dans ces contextes, il est donc indispensable d’intégrer la violence à l’égard des femmes dans les mandats des missions de paix, a estimé le représentant, pour qui il convient en outre de prévoir des mécanismes de protection adéquats qui permettent de lutter contre l’impunité et d’appuyer les victimes de violences sexistes et sexuelles.  Plaidant en outre pour que l’apport des femmes dirigeantes aux processus de paix et de sécurité soit reconnu, il a souhaité que toutes les enceintes disponibles soient utilisées pour promouvoir les droits des femmes et leur intégration à toutes les étapes des processus de paix et de prévention des conflits. 

Dans le cadre de l’ONU, il convient, selon lui, d’encourager les femmes artisanes de la paix et de leur fournir un soutien financier.  Sur le terrain, a-t-il poursuivi, les Casques bleus devraient davantage consulter les représentants de la société civile, y compris les organisations de femmes.  De même, lors des opérations de retrait, les missions de paix devraient avoir les capacités requises pour détecter les cas de violences faites aux femmes.  Enfin, il importe que la protection des défenseuses des droits humains soit une priorité pour le Conseil de sécurité, lequel doit « passer de la parole aux actes » en considérant le programme pour les femmes et la paix et la sécurité comme un cadre pour relever les multiples défis auxquels sont confrontées les femmes travaillant à une paix durable. 

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a dénoncé les menaces qui ciblent les femmes qui s’adressent au Conseil de sécurité.  « Nous ne pouvons pas nous permettre leur silence, qui saperait les travaux du Conseil sur la paix et la sécurité. »  L’Afghanistan, a-t-il relevé, est un exemple révélateur de l’impact de l’exclusion des femmes du processus politique et de paix.  Le Conseil, comme le reste de l’ONU, a été lent à faire face à ces risques, a-t-il regretté.  M. Jürgenson a souhaité que tous les États s’engagent à protéger la liberté d’expression et d’association et la vie des femmes défenseuses des droits humains et artisanes de la paix.  Selon lui, le Conseil doit condamner les attaques dirigées contre les femmes défenseuses des droits humains, et continuer de sanctionner la violence sexuelle et sexiste.  Nous avons besoin de procédures largement établies, d’échange d’informations et de lignes directrices au niveau des Nations Unies, a poursuivi le représentant.  « Nous avons également besoin d’une voix forte de l’ONU - au plus haut niveau. »  Il a demandé des rapports systématiques par les missions de l’ONU sur les menaces contre les femmes engagées dans les processus politiques et de paix. 

Enfin, il a mis l’accent sur le financement dans le cadre du Fonds pour la paix et l’aide humanitaire des femmes et le travail d’ONU-Femmes. 

Mme MARIA THEOFILI (Grèce) a assuré que la représentation et le leadership des femmes dans les processus de paix peuvent rendre plus durables les accords de paix et faciliter leur participation aux phases de transition politique.  Pourtant, a-t-elle déploré, la participation paritaire est souvent entravée par des obstacles persistants, notamment des normes et des attitudes sociétales, auxquelles s’ajoutent des niveaux d’éducation relativement inférieurs et de multiples charges familiales et professionnelles, singulièrement pour les femmes vivant dans des zones de conflit.  La représentante a ainsi noté que, selon le dernier rapport du Secrétaire général sur les femmes et la paix et la sécurité, le pourcentage de femmes impliquées dans des processus de paix reste trop faible ‑23% en 2020‑ tandis que les violences sexistes et sexuelles liées aux conflits et dirigées contre les femmes en raison de leur engagement dans les processus de paix et de sécurité se maintiennent à un niveau alarmant.  Dans ce contexte, il est urgent, à ses yeux, de créer un environnement sûr et propice pour les femmes, en particulier pour celles qui œuvrent localement pour la paix, pour les défenseuses des droits humains et pour les représentantes de la société civile.  Elle a recommandé pour cela une action politique internationale holistique et cohérente, qui intègre systématiquement une perspective de genre. 

Une réponse internationale adéquate devrait donc inclure une approche de la sécurité humaine qui se concentre sur les défis spécifiques auxquels les femmes et les filles sont confrontés, a plaidé la déléguée, selon laquelle une protection efficace des femmes contre les violences liées aux conflits et fondées sur le genre renforce leur participation substantielle aux processus de paix.  À cet égard, a-t-elle indiqué, la Grèce appuie pleinement la mise en œuvre des programmes du Conseil de sécurité sur la protection des civils, sur le dossier « femmes et paix et sécurité », ainsi que sur la question des enfants dans les conflits armés.  Pour sa part, a ajouté Mme Theofili, la Grèce accorde la priorité à la représentation, à la participation et au leadership paritaires en tant que question transversale, laquelle guide sa politique intérieure et extérieure, comme en attestent son plan d’action national sur l’égalité des sexes, renouvelé pour la période 2021-2025, et son premier plan d’action national sur les femmes, la paix et la sécurité, qui doit être adopté prochainement. 

Au nom du Groupe sur les droits de l’homme et la prévention des conflits, Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a reconnu la contribution essentielle des femmes défenseuses des droits humains, des femmes artisanes de la paix et des femmes défenseuses de l’égalité, qui fournissent au Conseil de sécurité des informations cruciales pour la prise de décisions.  Jugeant que les représailles à leur encontre compromettent le travail du Conseil et les principes de la Charte des Nations Unies, elle a condamné toutes les menaces, intimidations et violences visant des représentants de la société civile, y compris dans le cadre de l’engagement avec l’ONU.  Selon elle, il est de la plus haute importance de créer un environnement sûr et propice, en ligne et hors ligne, pour que les femmes contribuent à la prévention des conflits et à la consolidation de la paix, sans peur d’intimidation ou de violence.  À cette fin, la déléguée a demandé instamment à tous les États Membres de garantir une protection contre tout acte d’intimidation et de représailles, et de renforcer leur réponse si elles se produisent.  Elle a également appelé à la mise en œuvre intégrale de toutes les résolutions du Conseil sur les femmes et la paix et la sécurité, ainsi que de toutes les résolutions sur les défenseurs des droits humains et sur les représailles contre ceux qui coopèrent avec l’ONU. 

La représentante a par ailleurs estimé que le système des Nations Unies a le devoir de prévenir et de répondre aux cas présumés d’intimidation et de représailles contre ceux qui fournissent des informations ou chercher à s’y engager, et d’assurer la responsabilité lorsque ces actes se produisent.  Elle a encouragé la Commission de consolidation de la paix à utiliser son rôle de conseil, de liaison et de convocation afin de renforcer les réponses et les mesures préventives à l’échelle du système cet effet.  Le Groupe demande en outre au Conseil de condamner publiquement les intimidations, menaces et représailles contre ceux qui s’y livrent, a-t-elle ajouté, assurant qu’une telle prise de position enverra un message de fermeté et contribuera à prévenir l’autocensure croissante des acteurs qui décident de ne pas s’engager avec l’ONU par peur.  Enfin, saluant le travail du Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme en tant que point focal pour les représailles au sein du système de l’ONU, elle a exhorté les États Membres à garantir son financement. 

M. ROBERT KAYINAMURA (Rwanda) a constaté que, bien que des progrès considérables aient été réalisés ces 20 dernières années, le monde continue d’être un lieu très dangereux pour les femmes et les filles, qui se retrouvent piégées dans des conflits et des guerres sans fin.  Il a estimé qu’un plus grand effort reste nécessaire pour sauvegarder et protéger les innombrables femmes qui continuent de souffrir de manière disproportionnée, avec des conséquences durables.  Pour le délégué, il est temps que les États Membres renouvellent leur engagement à promouvoir et protéger les droits des femmes, notamment en renforçant leurs politiques et leur cadre juridique afférents.  Il importe également, à ses yeux, que les États Membres réitèrent leur engagement à mettre en œuvre la résolution 1325  (2000), dont un des piliers est justement la protection. 

Le cas échéant, les résultats seraient sûrement positifs, a-t-il commenté, avant d’en appeler à la mobilisation des efforts pour prévenir et répondre à la violence sexiste comme une menace à la paix et à la prévention des conflits.  De plus, ces deux processus devraient être inclusifs pour permettre aux femmes de contribuer aux décisions stratégiques qui les concernent, a plaidé le représentant.  Soucieux de la protection des femmes et des filles contre toutes les formes de violence basée sur le genre, y compris le viol, il a appelé les États Membres et le Conseil de sécurité à coopérer pour traduire en justice les auteurs de ces crimes.  Avant de conclure, il a invité l’ONU et les États Membres à renforcer les cadres de coopération internationale et régionale existants pour promouvoir la protection et les droits des femmes artisanes de la paix, tout en assurant que son pays reste déterminé à poursuivre son ambitieux plan national d’autonomisation des femmes et d’intégration de la dimension de genre. 

Mme AYSE INANÇ ÖRNEKOL (Turquie) a déclaré que 20 ans après l’adoption de la résolution 1325, « sa mise en œuvre n’a pas été à la hauteur ».  Tous les jours, de nouveaux cas de violence à l’égard des femmes et des filles sont signalés, s’est inquiété le représentant.  Il a souligné que c’est aux États Membres d’assurer la participation pleine, égale et significative des femmes à la prise de décision à tous les niveaux et a appelé à soutenir les femmes artisanes de la paix, les défenseuses des droits humains et les représentantes de la société civile afin qu’elles puissent participer de manière significative à tous les aspects de la vie publique et politique.  Ce n'est qu’alors que nous pourrons atteindre des sociétés véritablement inclusives qui permettent de progresser dans le maintien de la paix et de la sécurité, le respect des droits humains et la mise en œuvre des objectifs de développement durable, a fait valoir le délégué. 

La représentante a ensuite indiqué que la Turquie a activement contribué à l’élaboration des politiques récemment adoptées par l’OTAN concernant les femmes et la paix et la sécurité.  En Afghanistan, la Turquie gère actuellement 45 écoles à travers le pays - dont 14 sont des écoles de filles.  Elle a insisté sur l’importance de l’inclusivité politique, appelant le « gouvernement intérimaire » à assurer la protection et la promotion des droits humains et des libertés fondamentales.  Les droits fondamentaux des femmes et des filles en Afghanistan doivent être respectés, y compris le droit de chaque femme et fille à accéder respectivement à l’emploi et à l’éducation.  « Ces droits ne sont pas négociables. » La représentante a par ailleurs indiqué que son gouvernement fournit depuis 2014 un soutien psychologique et social à plus de 400 000 réfugiés syriens en Turquie et que toutes les mesures juridiques nécessaires sont prises pour protéger les femmes réfugiées qui ont subi des violences.  Elle a espéré que ces efforts permettront aux femmes syriennes de participer à la reconstruction de la Syrie. 

Mme ANTJE LEENDERTSE (Allemagne) a relevé que depuis la prise de pouvoir par les Taliban, en Afghanistan, les femmes afghanes sont confrontées à la violence, et marginalisées.  Il faut dès lors créer des contextes propices qui leur permettraient de participer à la consolidation de la paix, et protéger les défenseuses des droits humains, a-t-elle recommandé.  Pour ce faire, la représentante a plaidé pour la réalisation du programme pour les femmes et la paix et la sécurité, un bon moyen de garantir la participation des femmes à tous les niveaux du processus.  Rappelant l’initiative de financement des projets des femmes afghanes sur la question de la santé, la représentante a indiqué que 18  millions d’euros avaient été mobilisés à cet effet en 2021.  De concert avec la Norvège, l’Allemagne a lancé un nouveau cycle de financement du Fond des femmes pour la paix et l’action humanitaire en faveur des défenseuses des droits humains, a signalé la déléguée.  Elle a indiqué que l’Allemagne a annoncé mettre à la disposition des femmes défenseuses de la paix afghanes 2  millions d’euros pour leur protection au niveau national et à l’étranger. 

Mme LACHEZARA STOEVA (Bulgarie) a appelé à déterminer quel sont les modes de participation des femmes artisanes de la paix et comment assurer leur sécurité - hors ligne et en ligne.  Elle a aussi demandé une réflexion sur des mesures immédiates à prendre pour assurer la participation pleine, égale et significative des femmes à toutes les étapes et à tous niveaux des processus de paix, notant que les statistiques mondiales pour 2021 restent « inquiétantes » et que la pandémie demeure un obstacle à l’intégration systématique des perspectives de genre dans les sphères politique, économique, sociale et technologique.  Non seulement les inégalités structurelles persistent, a-t-elle noté, mais elles sont souvent institutionnalisées et interprétées comme faisant partie de la culture organisationnelle ou professionnelle.  Ces résultats se répercutent sur l’ensemble du programme pour les femmes et la paix et la sécurité et appellent à des actions collectives immédiates, a-t-elle tranché. 

La représentante a ensuite indiqué que la Bulgarie recherche des solutions originales et innovantes pour créer un environnement propice à l’inclusion et la participation des femmes, évoquant notamment les travaux du Centre d’excellence de gestion des crises et des réponses aux catastrophes qui est basé à Sofia.  Elle a souligné que l’inclusion de la société civile est cruciale pour avoir des mesures de protection et de prévention efficaces en place.  Uniquement par un contact direct avec les gens sur le terrain est-il possible de leur faire comprendre les risques imminents auxquels les femmes sont confrontées au quotidien et identifier les moyens de renforcer efficacement leur protection, a-t-elle estimé. 

M. FRANCISCO DUARTE LOPES (Portugal) a observé que, plus de 20 après l’adoption de la résolution 1325  (2000), on est encore témoins de situations critiques pour les femmes artisanes de la paix et défenseuses des droits humains, dont trop souvent la voix n’est pas entendue.  C’est notamment le cas en Afghanistan, au Yémen et au Myanmar, a noté le représentant, avant de condamner le harcèlement, les menaces et les attaques menées en ligne et hors ligne à l’encontre des femmes engagées dans la défense des droits de la personne et des représentantes de la société civile.  À cet égard, il s’est déclaré particulièrement préoccupé par les représailles visant les femmes qui dialoguent avec le Conseil de sécurité.  Face à ces atteintes, les États Membres doivent agir et surveiller la mise en œuvre du programme pour les femmes et la paix et la sécurité au niveau international, lequel nécessite un financement adéquat, a poursuivi le délégué en appelant à la création d’un contexte dans lequel les femmes peuvent s’engager sans crainte de représailles.  À cette même fin, il a préconisé l’intégration de la protection des femmes dans le mandat des missions de paix de l’ONU. 

M. KARL LAGATIE (Belgique), au nom du Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), a appuyé le travail du HCDH et d’ONU-Femmes.  La société civile du Benelux, a-t-il relevé, a fait des recommandations aux États Membres et à la communauté diplomatique pour réduire les risques de représailles, telles que les lignes directrices sur la protection des femmes défenseurs des droits humains élaborées par PBI et Cordaid et la plateforme néerlandaise WO=MEN (Women Equals Men).  Le délégué a fait une série de recommandations: continuer à plaider pour un environnement plus propice à la société civile; appliquer une perspective de genre dans les processus de paix et de sécurité; accroître la visibilité du travail de membres spécifiques de la société; ouvrir des voies pour le signalement de cas individuels, la collecte de données et le renforcement des mécanismes de suivi; soutenir les autorités nationales par le renforcement des capacités pour reconnaître et traiter les menaces pesant sur la société civile et assurer le principe de responsabilité.  Il faut en outre, a précisé le délégué, garder à l’esprit que « le simple fait de recevoir un soutien diplomatique ou d’être en contact avec des diplomates peut mettre en danger les femmes défenseures des droits humains ».  Toute action entreprise pour protéger ces dernières ou les autonomiser doit donc être conforme à leur volonté afin de minimiser la possibilité de représailles. 

M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran) a appelé de ses vœux une approche ancrée dans le droit pour permettre l’émancipation sociale, économique et politique des femmes afin d’appuyer leur rôle et leur capacité à promouvoir la paix et sa consolidation.  Il a dénoncé l’impact sur les femmes des sanctions américaines qui visent l’Iran, tout en notant que cela n’a pas empêché l’émancipation des femmes iraniennes qui jouent un rôle actif dans la vie quotidienne et politique du pays.  L’Iran a mis en place une charte des droits de femmes, a-t-il fait savoir avant de s’inquiéter de la situation des femmes en Afghanistan et appeler à y faire respecter leurs droits.  Le représentant a, par ailleurs, estimé que les questions liées au programme pour les femmes et la paix et la sécurité doivent être traitées par l’Assemblée générale et ONU-Femmes et qu’elles ne concernent le Conseil de sécurité que dans des situations inscrites à son ordre du jour. 

M. CRISTIAN ESPINOSA CAÑIZARES (Équateur) a rappelé qu’à la commémoration de l’anniversaire de l’adoption de la résolution 1325 en octobre 2021, il a souligné l’importance de la participation des femmes au maintien et à la consolidation de la paix.  Déplorant ensuite l’augmentation des violences sexuelles dans les conflits, le représentant a demandé d’accroître le rôle des femmes dans les processus de paix et de renforcer pour cela leur sécurité.  Il a aussi jugé essentiel de respecter la politique de tolérance zéro vis-à-vis de ceux qui commettraient des crimes contre les femmes y compris les violences sexuelles.  Le délégué a rappelé la résolution 2493 (2019) qui vise à mettre en place des contextes propices à la participation de la société civile pour lutter contre le discours de haine.  Cette responsabilité incombe non seulement au Conseil de sécurité mais également au système des Nations Unies dans son ensemble, a-t-il commenté.  Il a apprécié à cet égard que le Secrétaire général, dans son rapport sur son agenda « Notre Programme commun », mette l’accent sur les femmes et les filles, et donne une analyse des incidences que peut avoir la participation des femmes aux activités de maintien de la paix, notamment en termes d’efficacité. 

M. OMAR KADIRI (Maroc) a déclaré que la perspective de genre intégrée en amont et en aval des processus de paix conduit à un véritable état de droit protégeant les femmes contre les violences et augmentant en outre les chances de règlement des conflits.  À cette aune, le Maroc a organisé en 2016 une conférence internationale sur les femmes et la paix et la sécurité, laquelle a permis d’identifier les bonnes pratiques en matière de participation et d’inclusion des femmes.  En 2018, a-t-il ajouté, Marrakech a accueilli la treizième Conférence internationale de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme, avec un accent spécifique placé sur l’action des femmes dans la protection des droits humains.  Dans ce contexte, le Maroc demeure attaché à la promotion et à la protection des droits humains et au renforcement des partenariats avec la société civile.  Il appuie également la participation pleine et effective des femmes à toutes étapes des processus de paix et de consolidation de la paix.  De surcroît, a indiqué le délégué, le Maroc tient compte des droits des femmes et de la parité entre les sexes au sein de ses forces armées et s’emploie à déployer des femmes dans le cadre des missions de paix de l’ONU, qu’il s’agisse de la MONUSCO, de la MINUSCA ou de la MINUSS. 

M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a plaidé pour la participation pleine et égale des femmes à toutes les étapes de la résolution des conflits, soulignant leur rôle en tant que moteur de changement.  Or, elles font souvent l’objet de violences du fait du travail qu’elles réalisent, a-t-il déploré en évoquant notamment le sort des journalistes tuées dans les conflits.  Il convient, a insisté le délégué, d’assurer le respect de leurs droits en tout temps, dans des théâtres sûrs, et de disposer de systèmes psychosociaux et juridiques pour les survivantes et pour juger les responsables.  M.  Wenaweser s’est inquiété de la situation au Yémen, au Myanmar ou encore en Éthiopie.  En Afghanistan, où la crise politique et sécuritaire a eu des répercussions disproportionnées sur les femmes et les enfants, il a appelé au respect et à la protection de tous les droits humains.  Les personnes au pouvoir doivent honorer leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et des résolutions pertinentes du Conseil.  « Il faut répondre aux aspirations des Afghans à se fonder sur les progrès réalisés ces dernières années. »  Au Bélarus, a encore regretté le délégué, le Conseil est resté silencieux or les femmes y sont un exemple, a-t-il poursuivi en condamnant le recours à la violence contre les manifestantes. 

M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie) a jugé inacceptable le niveau de violence que connaissent toujours les femmes et a salué l’engagement robuste du Secrétaire général en faveur de la promotion du rôle des femmes dans tous les processus de prise de décisions, y compris les processus de paix et de sécurité.  Il est impératif pour cela de donner aux femmes les compétences et formations nécessaires et d’assurer leur pleine participation à ces processus.  Pour y arriver, le représentant a plaidé en faveur de l’élaboration de plans d’action nationaux, comme l’a fait la Slovaquie qui a notamment pris des mesures ciblées pour accroître le pourcentage de femmes dans les forces armées, la police et d’autres structures de prise de décisions.  En ce qui concerne la création d’un environnement sûr pour la participation et l’implication des femmes, le délégué a souhaité un appui médiatique plus marqué, la défense du programme pour les femmes et la paix et la sécurité ainsi que la sensibilisation au niveau local.  Il faut également agir sur les réseaux sociaux et mener des campagnes d’information volontaristes sur le rôle des femmes, a-t-il ajouté, avant d’appeler à une coopération accrue entre le Secrétaire général et le HCDH sur cette question. 

M. KAHA IMNADZE (Géorgie) a reconnu qu’il faut travailler davantage pour atteindre les objectifs fixés par les résolutions du Conseil.  S’inquiétant des inégalités touchant les femmes qui ont été creusées par la COVID-19 et de l’augmentation des cas de féminicides chez les défenseuses des droits humains, les femmes journalistes et syndicalistes, elle a assuré que ce dossier constitue une haute priorité pour son pays.  Son gouvernement met en œuvre le programme pour les femmes, la paix et la sécurité depuis 2011, avec des plans d’action nationaux, son quatrième plan étant en cours d’élaboration, a indiqué le représentant en précisant que des groupes de la société civile et des organisations internationales sont impliqués dans ces travaux.  La Géorgie tente de maintenir la question des femmes touchées par les conflits, y compris des femmes déplacées, à l’ordre du jour des discussions de Genève, qui est le seul format de négociations entre la Géorgie et la Fédération de Russie sur les questions de sécurité et humanitaire résultant de l’agression de la Russie et de son occupation de deux régions géorgiennes, a aussi signalé le représentant. 

M. MITCHELL FIFIELD (Australie) a appelé à protéger et soutenir les défenseuses de droits humains, les militantes de la société civile, les artisanes de la paix et les médiatrices.  Il a indiqué que l’Australie accorde la priorité à la participation pleine et égale des femmes aux processus de paix, pour ensuite s’inquiéter de l’escalade de la violence à l’égard des femmes impliquées dans ces processus.  L’Australie travaillera avec ses partenaires pour promouvoir la participation des femmes et s’assurer que les voix des femmes soient entendues, a assuré le représentant qui s’est dit favorable à un financement accru et à des partenariats locaux allant dans ce sens.  Le délégué a fait observer que les mécanismes qui permettent d’assurer la participation pleine et égale des femmes à la prise de décisions et la vie publique permettent également de renforcer la lutte contre les violations des droits humains.  À ses yeux, le Conseil de sécurité a un rôle à jouer pour s’attaquer aux causes sous-jacentes de la violence à l’encontre des négociatrices, des militantes et des défenseuses de droits humains. 

Même si le monde comprend à quel point la participation des femmes est cruciale, l’exclusion reste une constante qui mine la viabilité des processus de paix, a regretté M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine).  Il a noté que « des groupes armés ont fait de l’inégalité des sexes une stratégie et de la misogynie un pilier idéologique ».  Défenseuses des droits humains, journalistes ou syndicalistes, les femmes continuent de faire l’objet de harcèlement et d’attaques, y compris sexuelles. Or, a plaidé le délégué, leur rôle doit être protégé par les États, sachant que leur droit de participer aux processus de paix dépend de leur capacité à le faire en toute sécurité.  Il a insisté sur la nécessité de mettre en place des mesures préventives pour lutter contre l’impunité.  Dans le cadre des opérations de maintien de la paix, il est critique d’augmenter la participation des femmes et de renforcer la surveillance et les signalements.  Les obstacles à la participation des femmes sont des obstacles structurels, a rappelé le délégué, qui viennent exacerber les situations de conflit.  « Faire de la participation des femmes au processus de paix quelque chose de normal est fondamental.  Ce doit être une priorité non seulement du Conseil mais de l’ONU dans son ensemble. » 

M. MILENKO ESTEBAN SKOKNIC TAPIA (Chili)a déploré les accords de cessez-le-feu récents qui ne font pas de place aux femmes.  La situation en matière de représentation des femmes n’est pas brillante dans les processus de paix, a-t-il déploré.  Il a évoqué le groupe de travail de son pays sur la résolution 1325 (2000) appuyé par deux plans nationaux pour sa mise en œuvre, ainsi qu’un réseau régional de femmes médiatrices en Amérique latine.  Le Chili, a-t-il assuré, entend œuvrer dans un contexte propice qui leur permettra de mener à bien leur travail important. 

M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanie) a relevé que la part des femmes qui participent aux processus et négociations de paix est insuffisante et que même lorsqu’elles sont impliquées, elles sont l’objet de violence sexiste et sexuelle, sont harcelées voire même assassinées.  « Nous devons continuer à œuvrer pour que les gains obtenus en la matière ne soient pas balayés. »  Le représentant a indiqué à cet égard que le Plan national 2020 de la Lituanie a été élaboré et mis en œuvre avec les organisations de femmes.  Nous réfléchissons en outre à la nomination d’un conseiller sur la problématique homme-femme, a-t-il ajouté.  Il a exhorté les États Membres à protéger les femmes et à s’acquitter de leurs obligations de protection.  Nous engageons les membres du Conseil à prendre des mesures pour défendre le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, a-t-il lancé.  Ce n’est qu’en favorisant la participation des femmes que nous pourrons garantir la participation des femmes aux processus de paix, a-t-il conclu. 

M. ARRMANATHA CHRISTIAWAN NASIR (Indonésie) a appelé la communauté internationale à mettre pleinement en œuvre le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, jugeant prioritaire de lutter contre l’impunité.  Il a souligné à cet égard que la responsabilité en matière de prévention des violences contre les femmes incombe aux autorités nationales, ce qui exige de renforcer la capacité des États à protéger les femmes, afin notamment de permettre aux victimes de bénéficier d’un soutien allant au-delà du simple accompagnement judiciaire.  Pour le représentant, il est aussi nécessaire de renforcer le rôle des soldates de la paix, qui représentent une forte proportion des contingents déployés par l’Indonésie.  Accroître leur participation est fondamental pour lutter contre les violences à leur encontre, a-t-il affirmé, ajoutant que son pays est fier d’avoir été l’artisan de la résolution 2538 (2020) concernant le personnel féminin dans les missions de maintien de la paix des Nations Unies.  Il a d’autre part jugé essentiel d’augmenter le rôle des femmes négociatrices dans les phases de maintien et de consolidation de la paix, non sans constater que ces dernières restent dominées par les hommes.  C’est pourquoi l’Indonésie a lancé en 2020 un réseau régional de femmes médiatrices dans le cadre des processus de paix.  Avant de conclure, le délégué a assuré que son pays continuera à défendre la cause des femmes afghanes et leur nécessaire émancipation. 

M. JOCHEN HANS-JOACHIM ALMOSLECHNER (Autriche) s’est dit alarmé par les représailles à l’encontre des femmes qui ont pris la parole au Conseil de sécurité.  Il a demandé aux États Membres de respecter et de défendre les droits de leurs citoyens, et en particulier la liberté d’expression.  Il a fait savoir que l’Autriche travaille de concert avec des femmes en Afrique de l’Ouest et en Libye pour renforcer leur participation aux processus de paix, ainsi que pour les former à être des médiatrices et négociatrices.  Elle contribue également au Fonds pour les victimes de la torture, a précisé le représentant avant de saluer le rôle de premier plan d’ONU-Femmes qui défend les femmes et les filles à tous les niveaux.  Il a aussi fait part de la contribution financière de l’Autriche au Bureau d’ONU-Femmes en Afghanistan. 

Davantage doit être fait pour mettre en œuvre la résolution 1325 (2000), a martelé M.  SATYENDRA PRASAD (Fidji).  Il a évoqué les diverses menaces à la paix et à la sécurité internationales, à commencer par les changements climatiques et l’élaboration de nouvelles armes technologiques, car l’incidence des conflits est toujours disproportionnée et « beaucoup plus dévastatrice » pour les femmes et les filles.  Pour sa part, a rapporté le délégué, Fidji a augmenté le nombre de femmes dans les postes de l’administration publique, dans l’armée et la police, et dans les opérations de maintien de la paix.  Ainsi le pays a-t-il déployé une section féminine au sein de la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) entre Israël et la Syrie.  En tant que pays contributeur de troupes depuis 40  ans, Fidji a appris que les soldates de la paix peuvent mieux désamorcer les tensions, lors des contrôles par exemple.  Il a vanté leur rôle en Papouasie-Nouvelle-Guinée, avec la transition pacifique à Bougainville, ou encore aux Îles Salomon.  Selon le délégué, avec l’implication des femmes, « les règlements ont plus de chance de tenir et la paix de durer ».  À cette fin, leur protection et leur sûreté sont essentielles. 

M. AZRIL BIN ABD AZIZ (Malaisie) s’est d’autant plus inquiété des violences, intimidations et représailles à l’encontre des femmes artisanes de la paix, des représentantes de la société civile et des défenseuses des droits humains, que la pandémie de COVID-19 a un impact négatif sur les femmes.  Il a constaté que les attaques contre celles qui se consacrent à la cause de la paix sapent les objectifs de la résolution 1325 (2000) et des résolutions ultérieures qui visent à assurer la participation des femmes aux processus de paix et de sécurité.  Appelant les États Membres à appuyer le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, le délégué a indiqué que son pays soutient financièrement les efforts déployés par ONU-Femmes pour promouvoir une participation significative des femmes à ces processus. 

La Malaisie, a-t-il ajouté, a également coparrainé la résolution 2538 (2020), convaincue que la présence de soldates de la paix dans les zones de conflit peut contribuer à promouvoir l’inclusivité en vue d’une paix et d’un développement durables.  À ce titre, le pays augmente chaque année le nombre de soldates de la paix et espère atteindre les objectifs de femmes Casques bleus définis par l’ONU à l’horizon 2028, comme le reflète son dernier déploiement au Liban, qui compte 85 femmes.  Dans le même temps, la Malaisie collabore avec d’autres États de sa région pour faire avancer le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, notamment en améliorant le rôle des femmes dans la prévention et le règlement des conflits, ainsi que dans la reconstruction et la réhabilitation postconflit, a encore précisé le représentant, rappelant que l’Association des États de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) finalise actuellement son plan d’action régional sur les femmes et la paix et la sécurité.

M. MAHMOUD DAIFALLAH HMOUD (Jordanie) a indiqué que, pour mettre en œuvre la résolution 1325, son pays est en train d’élaborer un deuxième plan d’action, pour la période 2022-2024, de concert avec tous les secteurs de la société civile, en fixant des priorités nationales.  Il s’appuie aussi sur les objectifs de développement durable, en particulier l’Objectif 5, relatif aux femmes et aux filles, et l’Objectif 16, qui prône des sociétés inclusives et justes, la Jordanie étant soucieuse de lutter contre l’impunité.  Le représentant a également fait valoir l’importance de la culture pour favoriser l’égalité entre les sexes, sans oublier le rôle de l’éducation et de la formation.  Il a assuré que son pays a toujours œuvré pour la paix au Moyen Orient, malgré les difficultés comme l’afflux de réfugiés en Jordanie, dont la plupart sont des femmes, des enfants et des filles.  Cela pèse sur les communautés locales, a-t-il témoigné avant de parler des mécanismes mis en place pour sensibiliser les communautés locales à ces problèmes et des programmes qui encouragent les réfugiés à rentrer chez eux.  Le représentant a jugé également important de bien financer les plans nationaux et de prévoir un soutien psychologique aux victimes des violences. 

M. IVARS LIEPNIEKS (Lettonie) s’est dit profondément préoccupé par la recrudescence des meurtres de femmes défenseuses des droits humains et de journalistes en 2020, ainsi que par le phénomène « alarmant » des sous-signalements et de l’autocensure qui font que la majorité des cas ne sont pas signalés.  Il a appelé à unir les efforts pour contrer ces menaces et le harcèlement qui visent à réduire les femmes au silence et les empêcher de participer à la vie publique et aux processus de paix.  Le silence équivaut à l’impuissance, a estimé le représentant, parce que lorsqu’on permet que les femmes soient réduites au silence, on leur laisse entendre qu’elles n’ont aucun droit, aucune valeur, aucune voix.  La communauté internationale, y compris le Conseil de sécurité, doit redoubler d’efforts et utiliser tous les moyens disponibles pour affirmer que ce n’est pas vrai.  Et il devrait y avoir une tolérance zéro vis à vis des cas de menaces et de persécution dont ont été la cible des femmes venues s’exprimer au Conseil de sécurité, a poursuivi la représentante qui a regretté que les comités de sanctions compétents continuent d’être sous-utilisés pour tenir pour responsables les responsables de violations des droits des femmes. 

Le représentant a ensuite indiqué qu’en tant que Vice-Présidente du Bureau de la Commission de la condition de la femme, la Lettonie s’est engagée à continuer de jouer un rôle actif pour renforcer le rôle des femmes, durant la période post-conflit notamment.  Il a aussi souligné que des mesures efficaces menant à l’autonomisation mondiale des femmes commencent par l’adoption de politiques réactives et responsables au niveau national.  C’est dans cet esprit que le Gouvernement letton a approuvé en juillet 2020, le plan d’action national letton sur les femmes et la paix et la sécurité pour la période 2020-2025.  

M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a rappelé que son pays préside la Commission de consolidation de la paix, laquelle œuvre à la pleine participation des femmes aux processus post-conflit.  Il a également relevé que, le mois dernier, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a organisé un débat sur la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000).  À titre national, a-t-il ajouté, l’Égypte est en train d’élaborer un plan d’action sur l’application du programme pour les femmes et la paix et la sécurité, en soulignant les obstacles que présentent à cet égard la pandémie de COVID-19.  Pour y répondre au mieux, a-t-il précisé, le Centre international du Caire pour le règlement des conflits et le maintien de la paix a organisé un dialogue virtuel qui a permis d’aborder les défis posés par la crise sanitaire et les difficultés rencontrées par les femmes dans le cadre des processus de paix.  Les recommandations de ce dialogue ont alimenté la deuxième édition du Forum d’Assouan, où elles ont été présentées à des décideurs africains, des responsables d’organisations régionales et des représentants de la société civile.  Par ailleurs, a poursuivi le délégué, le Président de la République égyptienne a été l’un des premiers dirigeants à se joindre à l’initiative internationale de lutte contre les violences et l’exploitation sexuelles au sein des opérations de paix de l’ONU.  À cette même aune, l’Égypte est fière d’avoir parrainé les résolutions de l’Assemblée générale sur l’action de l’ONU contre l’exploitation et les abus sexuels, dont la dernière en date, adoptée en septembre dernier, préconise une politique de tolérance zéro pour éliminer ces actes de haine.  Avant de conclure, le représentant a appelé à davantage d’engagement moral et politique pour soutenir les femmes dans les situations de conflit et post-conflit.  Elles sont, a-t-il dit, des artisanes du changement dans les phases de transition menant du conflit au développement. 

Au nom des pays nordiques, Norvège, Finlande, Suède, M.  MARTIN BILLE HERMANN (Danemark) a dit qu’il incombe à la communauté internationale et aux États Membres de garantir un environnement sûr permettant aux femmes de participer à tous les aspects de la vie publique.  C’est la condition d’une paix pérenne et inclusive, a ajouté le représentant pour qui le rôle des défenseuses des droits humains est essentiel pour les quatre piliers du programme pour les femmes et la paix et la sécurité.  Le nombre croissant de représailles à leur encontre est alarmant, a estimé M.  Hermann en assurant que les pays nordiques sont favorables à la création d’un service disponible 24  heures sur 24 pour répondre aux besoins des défenseuses des droits humains confrontées à des risques immédiats.  Le représentant a en outre recommandé de combler les lacunes en matière de protection par le biais de consultations avec les bâtisseuses de la paix et les défenseuses des droits de l’homme en tenant compte de l’évaluation des risques et des besoins. 

Il a à cet égard exhorté le Conseil à continuer d’inviter des bâtisseuses de la paix et des défenseuses des droits humains et de créer un environnement propice à leur participation.  Mais il ne suffit pas de les entendre, il convient également d’agir sur la base de leurs recommandations, a prévenu le délégué qui a appelé les États Membres à adopter une politique de tolérance zéro afin de lutter contre les représailles et assurer le principe de responsabilité pour tous les auteurs de crimes.  Le Secrétaire général, le Conseil des droits de l’homme, le Conseil de sécurité et tous les organes de l’ONU doivent être informés des tentatives d’intimidation, de représailles ou d’obstacles à la participation des femmes à l’ONU, a-t-il réclamé.  M. Hermann a souhaité que le Secrétaire général soumette un rapport annuel sur les représailles à l’Assemblée générale dès la soixante-seizième session, afin de permettre aux États Membres de faire un suivi de ces représailles. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Darfour: le Soudan n’est pas un adversaire mais un partenaire de la Cour pénale internationale, rappelle le Procureur devant le Conseil de sécurité

8948e séance – matin
CS/14766

Darfour: le Soudan n’est pas un adversaire mais un partenaire de la Cour pénale internationale, rappelle le Procureur devant le Conseil de sécurité

Présentant ce matin au Conseil de sécurité le trente-quatrième rapport de la Cour pénale internationale (CPI) sur la situation du Soudan, son Procureur, M. Karim Khan, a appelé le Gouvernement soudanais à traduire en actes concrets ses engagements à coopérer, 17 ans après l’adoption de la résolution 1593 (2005) qui a déféré la situation au Darfour à la CPI. 

« Dix-sept ans sans rendre des comptes, c’est trop long, et cette saisine ne peut pas être une histoire sans fin pour les victimes ni pour ce Conseil », a insisté M. Khan, avant de regretter que les espoirs de justice ne se soient traduits par « aucune réalité » depuis l’adoption de la résolution 1593.  Or, comme il l’a constaté lors de son déplacement à Khartoum en août 2021, la population a soif de justice. 

Certes, le Procureur s’est félicité de la signature, le 12 août 2021, d’un mémorandum d’accord qui, pour la première fois, élargit la coopération du Gouvernement soudanais avec son Bureau aux affaires concernant quatre suspects objets de mandats d’arrêt – dont l’ancien Président Omar Al-Bashir et l’ancien Ministre de l’intérieur Abdel Raheem Muhammad Hussein.  Mais il a regretté que les événements -le coup d’État du 25 octobre 2021 et l’instabilité qui en a résulté- constituent un revers pour le travail de la CPI.  « Mon Bureau a été contraint de suspendre le déploiement de l’équipe à plein temps dans le pays et de suspendre immédiatement toutes les activités d’enquête au Soudan », a expliqué le Procureur avant de regretter que bon nombre des principaux interlocuteurs et points focaux du Bureau n’occupent plus leurs postes au sein du Gouvernement soudanais, ce qui ne facilite pas la coopération avec la Cour. 

Malgré les difficultés, le Procureur s’est félicité des avancées dans les travaux de la CPI, en citant la confirmation, le 9 juillet 2021, des 31 chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité retenus contre Ali Kushayb, haut responsable de la milice janjaouid au Darfour en 2003 et 2004.  Des crimes qui comprennent le meurtre, le viol, la torture, les attaques contre la population civile et d’autres crimes graves relevant du Statut de Rome.  Le procès de M. Kushayb, qui devrait commencer le 5 avril 2022, sera une première occasion de traduire en actes les promesses du Conseil de sécurité: ce sera la première présentation d’un accusé devant les juges de la CPI dans ce dossier concernant le Soudan. 

Le Procureur a en outre signalé avoir étoffé l’équipe de son Bureau chargée du Darfour, avec l’ajout d’enquêteurs, d’avocats et d’analystes maîtrisant la langue arabe, et nommé une conseillère spéciale pro bono, en la personne de l’avocate Amal Clooney.  Celle-ci se consacrera à l’amélioration des efforts d’enquête et de coopération de l’équipe. 

Encouragé également par le fait que son équipe a pu se rendre au Soudan en décembre 2021, et qu’une autre mission est prévue fin janvier, le Procureur a rappelé que ce n’est pas le Soudan qui est au banc des accusés, mais des individus, et que « le Soudan n’est pas un adversaire mais un partenaire de la CPI ». 

Appuyant l’appel du Procureur Khan, la France a exhorté les autorités soudanaises à honorer l’intégralité de leurs engagements « au titre de la résolution 1593, des Accords de paix de Djouba et des mémorandums conclus avec le Bureau du Procureur ».  La délégation française a plaidé non seulement pour le rétablissement sans délai des canaux d’échanges avec la Cour, mais aussi pour que soit fournie toute l’assistance nécessaire aux enquêteurs.  Ces derniers, a-t-elle précisé, doivent bénéficier d’un accès sûr au territoire soudanais -et notamment aux scènes de crimes au Darfour-, aux archives et aux éléments de preuve, ainsi qu’aux témoins, y compris lorsque ceux-ci sont détenus dans des centres pénitentiaires. 

Un appel lancé par d’autres membres du Conseil dont le Mexique et la Norvège, cette dernière s’adressant directement aux militaires pour qu’ils respectent les engagements du Soudan envers la Cour.  Le Ghana a aussi demandé de transférer les fugitifs à la CPI dès que possible, pour mettre fin à des décennies d’impunité. 

La délégation russe a estimé, pour sa part, que la CPI a failli depuis 15 ans à sa mission de promotion de la justice et de la réconciliation parce qu’elle se livre à « une pratique inacceptable d’interprétation des normes du droit international et des textes du Conseil de sécurité ».  La Fédération de Russie a insisté sur un point: la CPI est un organe créé sur la base d’un accord entre un nombre limité d’États et la décision du Conseil de sécurité de déférer des situations à la CPI n’arroge pas le droit à celle-ci d’interpréter la volonté du Conseil.  La priorité au Soudan, c’est la normalisation de la situation politique et la réconciliation nationale, a plaidé la Russie. 

La France, le Royaume-Uni et les États-Unis se sont également inquiétés de l’impasse politique actuelle au Soudan qui remet en cause les nombreux acquis des deux dernières années alors que les conflits intercommunautaires reprennent ou se poursuivent.  La délégation américaine a condamné la violence sexuelle au Darfour et les attaques ayant visé les entrepôts du Programme alimentaire mondial (PAM) avant d’exhorter les autorités soudanaises à faire davantage pour combler le vide sécuritaire, assurer la protection des civils et s’attaquer aux causes profondes de la violence. 

En écho aux appels de coopération du Procureur, le représentant du Soudan a déclaré que la justice est un des trois grands piliers de la Révolution du 2 décembre 2018 au Soudan, faisant valoir la détermination de son pays à assurer le principe de responsabilité s’agissant des crimes internationaux.  « Lutter contre l’impunité, assurer la responsabilité et les réparations pour les victimes sont essentiels dans ce processus de justice », a-t-il insisté avant de préciser que la création de la Commission pour la justice transitionnelle est une étape sur la voie de la justice dans les cas où la justice ordinaire ne suffit pas. 

« Chaque vie compte », a déclaré en conclusion le Procureur de la CPI en réaffirmant la détermination de son Bureau à faire en sorte que les enquêtes soient menées et que la vérité soit connue.  En écho à une intervention du Kenya, il a formé le vœu que le prochain sommet des Chefs d’État de l’Union africaine soit l’occasion d’aborder les moyens de promouvoir la coopération entre les États africains et la CPI. 

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD

Déclarations

Présentant le trente-quatrième rapport de la Cour pénale internationale (CPI) sur la situation du Soudan, M.  KARIM KHAN, Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a expliqué avoir constaté lors de son dernier déplacement à Khartoum, en août 2021, la volonté de la population d’obtenir la justice.  Il a néanmoins regretté que ces espoirs ne se soient traduits par aucune réalité depuis l’adoption de la résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité renvoyant pour la première fois une situation au Procureur de la CPI.  Il a estimé que « 17 ans sans rendre des comptes, c’est trop long » et que cela ne peut pas être une histoire sans fin pour les victimes ni pour ce Conseil. 

Malgré les difficultés, le Procureur s’est félicité des avancées, en citant la confirmation, le 9  juillet 2021, des 31  chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité retenus contre Ali  Kushayb, haut responsable de la milice janjaouid des localités de Wadi  Salih et Mukjar au Darfour en 2003 et  2004.  Précisant que les crimes confirmés comprennent le meurtre, le viol, la torture, les attaques contre la population civile et d’autres crimes graves relevant du Statut de Rome, M.  Karim Khan a dit que le procès de M.  Kushayb, qui devrait commencer le 5 avril 2022, sera une première occasion de traduire les promesses du Conseil de sécurité en actes puisque nous verrons pour la première fois un accusé présenté devant les juges.  Dans ce contexte, le Procureur a dit sa volonté de travailler avec le Greffe pour assurer une bonne communication, afin que la population puisse suivre le déroulement du procès. 

« Bien que l’affaire Ali Kushayb soit importante, il ne s’agit que d’un cas, et la responsabilité des crimes au Darfour ne s’arrêtent pas là », a indiqué le Procureur Khan avant de citer quatre autres individus objets de mandats d’arrêt de la CPI dont trois –l’ancien président Omar Al-Bashir, l’ancien Ministre de l’intérieur Abdel Raheem Muhammad Hussein et l’ancien Gouverneur du Kordofan méridional  Ahmed Harun- sont détenus au Soudan.  Il a précisé que seul le quatrième individu, ancien commandant du Mouvement pour la justice et l’égalité, Abdallah Banda, reste en liberté. 

Le Procureur a rappelé qu’en raison de l’hostilité à la CPI de l’ancien Président Omar Al-Bashir, il avait fallu attendre octobre 2020 pour voir le Bureau du Procureur de la CPI mener sa première coopération au Soudan, puis, il y a moins d’un an, sa première enquête complète.  Néanmoins, il a jugé indispensable que les preuves dans les affaires du Darfour soient renforcées, en particulier en ce qui concerne les affaires contre M.  Al-Bashir et M.  Hussein. 

M. Khan a expliqué que son examen des dossiers du Darfour l’a incité à prendre deux mesures immédiates avec, d’abord, l’augmentation des ressources de son équipe du Darfour, avec l’ajout d’enquêteurs, d’avocats et d’analystes maîtrisant la langue arabe, puis son déplacement au Soudan pour rencontrer le Gouvernement et d’autres parties prenantes.  Le Procureur a indiqué avoir nommé une conseillère spéciale pro bono, en la personne de l’avocate Amal  Clooney, qui se consacrera exclusivement au Darfour afin d’améliorer les efforts d’enquête et de coopération de l’équipe du Darfour. 

Il a précisé que sa première mission officielle au Soudan en tant que Procureur de la CPI, en août 2021, a été l’occasion de rencontrer des membres du Conseil souverain, dont son Président, le général Al-Burhan, le Premier Ministre, M.  Abdalla Hamdok, et des représentants du Gouvernement, dont des représentants du Darfour au Conseil souverain, et le Chef de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), M. Volker Perthes.  

Il a indiqué qu’il a, au cours de ce déplacement, souligné son engagement à travailler inlassablement pour la justice au nom des Darfourais, en mettant l’accent sur l’indispensable amélioration de la coopération avec le Gouvernement pour faire avancer les enquêtes et garantir leur indépendance et leur impartialité.  Il s’est dit persuadé qu’une véritable coopération entre son Bureau et le Gouvernement du Soudan accélérerait l’enquête et le jugement des affaires existantes. 

Tout en se félicitant de la signature d’un mémorandum d’accord qui, pour la première fois, élargit la coopération du Gouvernement soudanais avec son Bureau aux cas des quatre suspects objets de mandats d’arrêt, le Procureur a regretté que les événements du 25 octobre 2021 et l’insécurité et l’instabilité qui en ont résulté au Soudan constituent un revers pour le travail de la CPI.  « Mon Bureau a été contraint de suspendre le déploiement de l’équipe à plein temps dans le pays et de suspendre immédiatement toutes les activités d’enquête au Soudan », a expliqué le Procureur avant de regretter que bon nombre des principaux interlocuteurs et points focaux du Bureau au sein du Gouvernement soudanais n’occupent plus leurs postes. 

Encouragé par le fait que son équipe a pu se rendre au Soudan en décembre 2021, et qu’une autre mission est prévue fin janvier, le Procureur a jugé urgent que l’engagement récent du général Al Burhan de continuer à coopérer et à soutenir le travail de la CPI au Soudan se transforme en résultats tangibles.  Après avoir cité une rencontre vendredi dernier avec le Représentant permanent adjoint de la Mission du Soudan à l’ONU, le Procureur Karim Khan a rappelé que ce n’est pas le Soudan qui est au banc des accusés, mais des individus et que le Soudan n’est pas un adversaire mais un partenaire de la CPI.  C’est pourquoi le Procureur a réitéré sa demande au Gouvernement soudanais de veiller à ce que son Bureau ait un accès sûr et sécurisé au Soudan, y compris aux archives, aux scènes de crime et aux témoins.  Il a expliqué que son Bureau a soumis plusieurs demandes d’assistance spécifiques auxquelles il doit être répondu sans plus tarder, conformément aux obligations du Soudan envers le Conseil en vertu de la résolution 1593, de l’Accord de paix de Djouba et des engagements pris dans le Protocole d’accord d’août 2021 avec le Bureau de la CPI.

Après s’être félicité d’interactions constructives, à Khartoum, avec des États parties et des États non parties, dont l’Union européenne et les États membres de l’UE, ainsi que la Norvège, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Chine, le Procureur s’est dit reconnaissant de l’engagement du Soudan de faciliter sa visite prévue dans les prochains mois, y compris cette fois au Darfour. 

S’adressant directement aux victimes, il a assuré que la CPI restera fidèle à son engagement et fera en sorte que la décision historique prise en  2005 soit honorée et respectée.  « Nous ne renoncerons jamais aux enquêtes rigoureuses indispensables pour présenter la vérité aux juges. »  Il a prévenu qu’à défaut de faire éclater la vérité et de rendre la justice, le Soudan risquait de rester défini par des événements du passé.  Au contraire, « si nous refermons ce chapitre, le Soudan sera libéré du poids du passé et aura enfin la liberté d’écrire un nouveau chapitre pour un avenir plus sûr et plus prospère », a-t-il conclu. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) s’est félicité de la confirmation des charges dans l’affaire Kushayb, y voyant un progrès concret de la Cour sur le dossier du Soudan.  Il a également salué la visite du Procureur de la CPI au Soudan, l’année dernière, qui s’était conclue par la signature d’un Protocole d’accord.  Cependant, a noté M. de la Fuente Ramírez, compte tenu de l’impact que le coup d’État d’octobre dernier a eu sur la coopération avec la Cour, il est essentiel que l’équipe du Bureau du Procureur ait des points focaux au sein du Gouvernement, qu’elle ait accès à la documentation et aux preuves, et qu’elle puisse se rendre sur le territoire pour poursuivre ses enquêtes et rencontrer des témoins, tout en garantissant leur sécurité. 

Toute tendance visant à saper cette coopération serait un affront aux victimes et aurait un impact négatif sur la reddition de la justice et la consolidation de l’état de droit, a prévenu le représentant en rappelant l’obligation de respecter les mandats d’arrêt de la CPI.  Avant de conclure, il a réitéré le soutien du Mexique au travail du Bureau du Procureur et de la CPI en général, en mettant l’accent sur les cas déférés par le Conseil, qui doit faciliter la prise en charge par l’ONU des dépenses encourues par la Cour résultant de ces saisines. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil), qui a réitéré son soutien à la CPI, a estimé que les résolutions renvoyant des affaires à la CPI doivent renforcer l’intégrité du Statut de Rome et promouvoir la justice pénale internationale d’une façon non sélective.  Il a appuyé l’appel du Procureur à fournir des fonds à la Cour pour l’aider à gérer les affaires qui ont été renvoyées par le Conseil de sécurité.  La situation actuelle qui est de réserver aux seuls États parties de couvrir les frais entraînés par les saisines du Conseil n’est ni équitable ni viable. 

M. Costa Filho a ensuite insisté sur les concepts de complémentarité, de coopération et d’achèvement, qui sont des pierres angulaires du Statut de Rome.  Saluant le fait que le Procureur est prêt à réfléchir au moyen d’accélérer la responsabilité pour les crimes commis au Darfour, le représentant a aussi salué les efforts déployés pour rapprocher les procédures non seulement des victimes mais également des lieux où se trouvent les éléments de preuve.  Il a souhaité que les efforts de complémentarité permettent de renforcer les institutions locales afin que les États puissent s’acquitter de leur responsabilité première d’enquêter sur les crimes commis sur leur territoire.  M. Costa Filho a d’ailleurs encouragé le Soudan à ratifier le Statut de Rome. 

Le représentant a salué la visite du Procureur au Soudan en août dernier y compris la signature d’un protocole d’accord avec le Gouvernement, y voyant un pas important dans le sens du renforcement de la coopération.  Il a apprécié la proposition de déployer une équipe d’enquêteurs à temps plein au Soudan lorsque les conditions sur le terrain le permettront, avec le consentement de l’État hôte.  M. Costa Filho a souligné à cette occasion l’importance d’assurer l’accès de la Cour aux documents et aux autres éléments de preuve au Soudan ainsi qu’une protection adéquate aux témoins.  Il a conclu en saluant la confirmation des charges dans l’affaire « Ali Kushaib » et en félicitant le Procureur pour son projet d’élaborer une feuille de route pour l’achèvement des saisines de la Cour pénale internationale par le Conseil de sécurité, y compris au Darfour. 

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a appelé à préserver les gains importants réalisés par le Soudan au cours des deux dernières années, avant d’exhorter le Conseil de sécurité à encourager les parties soudanaises à poursuivre le dialogue afin de faire avancer le processus de transition, conformément à la Déclaration constitutionnelle et à l’Accord de paix de Djouba.  « Les Émirats arabes unis restent un fervent partisan du droit du peuple soudanais à vivre dans un pays sûr, stable et prospère », a déclaré la représentante avant d’appeler à un processus de transition dirigé par les Soudanais qui jette les bases d’une paix juste, durable et inclusive dans le pays.  Elle a salué la conclusion d’un protocole d’accord en août 2021, qui officialise les canaux de coopération entre le Soudan et la Cour, ainsi que les visites ultérieures organisées par le Soudan pour l’équipe du Bureau du Procureur, dont celle de décembre 2021.  Elle a appelé à des efforts qui reflètent un véritable dialogue entre la CPI et le Soudan, un dialogue fondé sur le principe de complémentarité de la Cour et conforme aux lois nationales du Soudan.  En outre, elle a salué les mesures prises par le Soudan, conformément aux termes de l’Accord de paix de Djouba, pour mettre en œuvre des mécanismes de justice transitionnelle, y compris les travaux en cours pour établir une commission de justice transitionnelle et l’opérationnalisation de la Commission vérité et réconciliation qui aidera à rendre justice aux victimes au Darfour et à créer les conditions d’une paix durable au Soudan. 

M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a indiqué d’emblée que la position de son pays pour ce qui est des activités de la CPI demeure inchangée en reprochant à la Cour de ne toujours pas répondre aux critères exigés par la Fédération de Russie.  Il lui a notamment reproché de se livrer à une « pratique inacceptable d’interprétation des normes du droit international et des textes du Conseil de sécurité », et ce en contradiction avec les normes de transparence, d’impartialité, de dépolitisation qui s’imposent à un organe judiciaire.  Illustrant son propos, il a regretté que la CPI ait présumé qu’elle avait le pouvoir d’interpréter les dispositions de la résolution  1593 du Conseil de sécurité s’agissant de l’affaire concernant l’accusé A. Kushaib.  Rappelant que la CPI est un organe créé sur la base d’un accord entre un nombre limité d’États, le représentant russe a déclaré que la décision du Conseil de sécurité de déférer des situations à la CPI n’arroge pas à celle-ci le droit d’interpréter la volonté du Conseil.  Selon lui, cette responsabilité n’incombe qu’aux membres du Conseil de sécurité et de ses structures dont la CPI ne fait pas partie.  Il serait donc à son avis « absurde » qu’une structure comprenant un nombre limité d’États Membres puisse imposer à l’ONU sa propre lecture.  Le représentant a rappelé que les États qui ne sont pas membre du Statut de Rome n’ont pas d’engagements à son titre.  La CPI n’a pas la compétence d’interpréter les documents du Conseil de sécurité, a-t-il insisté. 

Au sujet du Soudan, le représentant russe a appelé à la normalisation de la situation politique dans le pays en rappelant que l’objectif principal doit être de parvenir à la réconciliation nationale.  Il a estimé qu’en 15 ans de travaux sur le dossier du Soudan, la CPI n’a rien fait en ce sens. 

M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) a regretté les reculs enregistrés depuis le coup d’État militaire du 25 octobre qui a interrompu les « progrès majeurs » accomplis dans le cadre des enquêtes du Procureur.  Il s’est inquiété de la détérioration de la situation sécuritaire au Darfour, estimant que celle-ci pourrait relever de la compétence de la Cour.  Il a notamment déploré les informations faisant état d’allégations de violations graves du droit international humanitaire et de violences sexuelles ainsi que des attaques contre le personnel et les infrastructures médicales. 

Saluant les consultations visant à régler la crise constitutionnelle, M. Flynn a espéré que cela débouchera sur une feuille de route permettant de relancer la transition démocratique.  L’important est de ne pas perdre les acquis obtenus depuis 2019 en matière de responsabilité et de justice, a-t-il insisté.  Il a salué la visite du Procureur à Khartoum en octobre  2021, la conclusion d’un mémorandum d’accord avec le Gouvernement civil et le projet de déployer une équipe d’enquête permanente au Soudan.  Il a aussi salué les progrès accomplis pour ce qui est des poursuites contre M. Abd-al-Rahman, notant que son procès débute 17 ans après l’adoption de la résolution 1593 (2005).  Le représentant de l’Irlande a ensuite exhorté M. Banda à se rendre à la Cour et appelé les autorités soudanaises à rendre les autres trois fugitifs.  Il a aussi demandé au Soudan de nommer des points focaux pour faciliter le travail avec la Cour et garantir la sûreté et la sécurité des témoins. 

M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a rappelé que lors de la récente réunion de l'Assemblée des États parties au Statut de Rome, les États-Unis, qui y participaient en tant qu’État observateur, ont dit être prêts à s'engager avec la CPI pour faire avancer l’objectif commun d'assurer la reddition de comptes pour les crimes les plus graves.  Regrettant que ces derniers mois aient mis en évidence les défis de taille auxquels le Soudan est confronté, le représentant a souligné que la reddition de comptes dans la situation au Darfour est essentielle pour toute paix et stabilité durables dans le pays.  M. Mills a souligné que le Soudan ne peut pas se permettre d’attendre pour résoudre sa crise politique actuelle et qu’une fois la transition rétablie, les autorités devront se mettre immédiatement au travail pour tenir les engagements de la Déclaration constitutionnelle et la mise en œuvre l’Accord de Djouba.  Condamnant tour à tour la violence sexuelle au Darfour, et les attaques ayant visé les entrepôts du PAM, M. Mills a exigé des enquêtes sur ces faits et que leurs auteurs soient traduits en justice. 

Les autorités soudanaises doivent faire davantage pour combler le vide sécuritaire, assurer la protection des civils et, plus fondamentalement, s'attaquer aux causes profondes de la violence dans ces régions, a-t-il poursuivi, rappelant que la justice et la reddition de comptes sont des éléments essentiels de l'Accord de Djouba qui reconnaît que la CPI a un rôle central à jouer pour rendre justice aux victimes.  Après avoir salué  le mémorandum d’accord signé entre le Procureur Khan et les autorités soudanaises en août dernier, le délégué a exhorté les autorités à continuer de se conformer à leurs obligations juridiques internationales conformément à la résolution 1593 du Conseil de sécurité et à coopérer avec la CPI.  Concrètement, cela signifie qu’elles doivent continuer à autoriser les équipes de la CPI à se déplacer dans le pays, répondre aux demandes de preuves et autres informations et assistance, et nommer des points focaux pour le Bureau du Procureur.  De plus, a demandé M. Mills, ceux qui font l’objet de mandats d’arrêt de la CPI doivent faire face à la justice et être transférés pour être jugés. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a estimé que la CPI joue un rôle crucial pour mettre un terme à l’impunité et assurer la justice pour les victimes de crimes contre l’humanité, notamment au Darfour.  La reddition de comptes est un puissant moyen de dissuasion contre les abus actuels et futurs et rappelle également aux auteurs que tôt ou tard, la justice viendra frapper à leur porte, a-t-il déclaré. 

Le représentant a salué la confirmation des charges dans l’affaire Kushayb, et a appelé le Gouvernement soudanais, en vertu de la résolution 1593 (2005), à coopérer pleinement et de manière significative avec le Bureau du Procureur.  Il a notamment insisté sur l’impératif pour l’équipe de la CPI d’avoir accès au territoire, aux archives, aux témoins, aux scènes de crimes et, sur la base du protocole d’accord signé le 12 août 2021, de pouvoir enquêter et traduire les coupables en justice. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a promis au Procureur de la CPI la coopération de sa délégation avant de déclarer ne pas tolérer l’impunité, notamment pour l’ancien Président Omar Al-Bachir et les autres personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI pour des allégations de crimes commis au Darfour.  Il a souhaité que le Soudan donne au Procureur l’accès aux documents, aux archives et autres preuves ainsi qu’aux victimes et aux personnes détenues au Soudan, en précisant un accès « sûr », y compris pour les scènes des crimes.  Prenant note des efforts du Gouvernement de transition, M.  Adlai Agyeman a appelé ce dernier à s’acquitter de ses engagements pour mettre fin à des décennies d’impunité et à transférer les fugitifs à la CPI dès que possible.  Il convient d’entendre les voix des victimes, a également insisté le délégué qui a appelé tous les États abritant des personnes inculpées à coopérer avec la CPI.  Le principe de complémentarité est un outil majeur pour ce qui est de la compétence de la Cour, a-t-il fait valoir, arguant que c’est aussi un moyen de réduire la charge de travail de la CPI. 

Après tout, a relevé le représentant, ce sont les États qui sont les premiers responsables de la protection de leurs citoyens.  Il a encouragé la Cour à travailler avec les systèmes judiciaires nationaux dans le domaine du renforcement des capacités, notamment sur le continent africain, mettant l’accent sur l’importance cruciale de l’indépendance des tribunaux.  Il a terminé en soulignant l’importance de la protection des témoins avant, pendant et après les procès.  Alors que la CPI poursuit ses enquêtes au Darfour et dans d’autres régions, il a noté que certains témoins sont revenus sur leur témoignage et ont mis ainsi en péril les efforts du Procureur et de la Cour.  Il a donc appelé la Cour à garantir la protection des témoins et des victimes, espérant que cela donne aux victimes la possibilité de témoigner en toute confiance pendant les procès.  

M. CHANAKA LIAM WICKREMASINGHE (Royaume-Uni) a salué la signature d’un mémorandum d’accord entre la Cour et le Gouvernement en août 2021 et l’engagement du Gouvernement à renforcer la coopération avec le Bureau du Procureur.  Préoccupé par la détérioration de la situation au Soudan suite aux événements d’octobre 2021, il a exhorté les autorités du pays à s’appuyer sur les progrès réalisés précédemment aux côtés de la Cour et à continuer d’accorder au Bureau du Procureur l’accès au territoire soudanais, aux documents pertinents et à d’autres éléments de preuve.  Le Royaume-Uni est prêt à aider à faciliter les quatre mandats d’arrêt en suspens délivrés par la Cour contre quatre individus liés à des crimes commis au Darfour, a-t-il indiqué, appelant en particulier à la remise de M. Banda, qui reste un fugitif en fuite. 

M. BRICE FODDA (France) s’est félicité du nouveau mémorandum d’accord conclu lors de de la visite du Procureur à Khartoum en août 2021, notant que cet instrument vient compléter le cadre de coopération avec le Gouvernement soudanais, et l’étendre à chacun des quatre suspects qui n’ont pas encore été remis à la Cour.  Le temps est à présent à la mise en œuvre, a-t-il ajouté, se déclarant convaincu que la mission confiée par le Conseil à la CPI est d’autant plus essentielle en cette période de transition au Soudan.  La lutte contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves participe du rétablissement de la vie démocratique et de la réconciliation, a-t-il dit. 

Le représentant a relevé que les récents évènements au Soudan ont eu des conséquences très préoccupantes sur la conduite des activités d’enquête, la coopération ayant notamment accusé des reculs importants depuis octobre.  Il a exhorté les autorités soudanaises à honorer l’intégralité de leurs engagements au titre de la résolution 1593, des accords de paix de Djouba et des mémorandums conclus avec le Bureau du Procureur.  Il s’agit non seulement de rétablir sans délai les canaux d’échanges avec la Cour, mais aussi de fournir toute l’assistance nécessaire aux enquêteurs, a-t-il souligné.  Après s’être félicité des avancées concrètes dans l’affaire contre M. Abd-Al-Rahman, ou Ali Kushayb, M. Fodda a appelé le Soudan à la remise rapide à la Cour de M. Harun.  Il a aussi exhorté M. Banda à se rendre immédiatement à la Cour, afin qu’il puisse y être jugé. 

Mme LILLY STELLA NGYEMA NDONG (Gabon) a jugé important d’assurer une pleine application de la résolution 1593 du Conseil de sécurité et de rendre justice aux victimes et survivants du conflit au Darfour.  Elle s’est félicitée de l’engagement pris par les autorités soudanaises de coopérer pleinement avec la Cour en autorisant notamment une présence permanente du Bureau du Procureur au Soudan.  Le fait que les autorités soudanaises aient accepté, le 12  août 2021 de signer un mémorandum d’accord, qui établit les modalités de la coopération entre le Soudan et le Bureau du Procureur, est une avancée considérable, a-t-elle fait valoir, tout en relevant que l’efficience des mesures prises ou à prendre reste tributaire de l’amélioration de la situation politique et sécuritaire au Soudan. 

À cet égard, la représentante a déploré l’interruption des activités d’enquêtes en raison de l’insécurité persistante, notamment au Darfour.  Elle a appelé les autorités compétentes soudanaises à y faire cesser le climat de violence, et assurer que justice soit rendue à toutes les victimes.  Il va de soi que pour ce faire, le retour rapide à l’ordre constitutionnel serait de nature à favoriser une coopération plus accrue entre la Cour et les autorités soudanaises, a-t-elle indiqué.  Elle a espéré que les autorités soudanaises répondront favorablement et diligemment à la désignation de points focaux et que l’appareil judiciaire répondra sans entrave aux sollicitations de coopération afférentes à l’application de la justice pénale internationale.  Ce sont là des maillons indispensables pour la poursuite d’une coopération fructueuse visant la lutte contre l’impunité, a souligné Mme Ngyema Ndong. 

M. SHUANG GENG (Chine) a appelé à la mise en œuvre de l’Accord de Djouba et demandé aux factions au Darfour qui ne l’ont pas encore signé à s’y rallier le plus rapidement possible.  Les violences intercommunautaires récentes au Darfour témoignent du fait que la situation sécuritaire dans la région reste instable, a constaté le représentant qui a appelé la communauté internationale à aider le Soudan à renforcer ses capacités de sécurité pour lui donner les moyens d’exercer sa responsabilité première de protection des civils. 

Le délégué a souligné que l’Accord de Djouba contient des dispositions claires en matière de justice, de lutte contre l’impunité et de création de commissions de vérité et de réconciliation.  Au vu des multiples défis auxquels est confronté le pays, M. Geng a estimé peu surprenant que l’application de l’Accord de Djouba connaisse des difficultés.  La communauté internationale devrait donc rester patiente et apporter son concours au Soudan dans l’application de cet accord, a-t-il dit. 

M. PRATIK MATHUR (Inde) a tenu à rappeler que son pays n’est pas signataire du Statut de Rome ni membre de la CPI.  Soulignant que la démission du Premier Ministre, M.  Abdllah Hamdock, reflète les défis inhérents au processus de transition, il a souhaité que le processus politique soit mené et dirigé par les Soudanais de façon constructive.  « La Déclaration constitutionnelle signée en août 2019 devrait être le moteur du processus. »  Toutes les parties prenantes doivent faire preuve de souplesse, de confiance mutuelle et de compréhension, a conseillé M. Mathur.  Il est important, à son avis, que les militaires et les responsables civils trouvent une solution amiable pour faire avancer le processus de transition, lequel devrait répondre aux soucis de justice et de responsabilité. 

Selon le délégué indien, le Gouvernement de transition a montré qu’il était prêt à résoudre les questions de justice transitionnelle y compris pour établir les responsabilités des violations des droits humains à travers un processus de vérité et de réconciliation.  Les signataires de l’Accord de paix de Djouba ont convenu de créer une commission vérité et réconciliation au Darfour, et un tribunal spécial pour les crimes qui y étaient commis, a-t-il rappelé.  Il a estimé que la compétence de ce Tribunal, qui comprend les questions de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, est une étape dans la bonne direction.  Il a également souhaité que le Procureur puisse se rendre au Darfour.  La poursuite de la justice pour les victimes des crimes atroces au Darfour est reflétée par la coopération des autorités soudanaises, a-t-il constaté.  Le représentant a conclu qu’il est important que toutes les parties continuent de coopérer sur les questions en suspens afin de trouver des solutions mutuellement acceptables par tous. 

Mme CATHERINE NYABOKE NYAKOE (Kenya) a appelé la CPI à appuyer les aspirations du peuple soudanais en matière de justice et de responsabilité et à redoubler d’efforts pour soutenir le principe de subsidiarité en investissant dans le renforcement des capacités judiciaires et juridiques du Soudan.  Elle a estimé que le Soudan, qui s’emploie à renforcer son cadre institutionnel et juridique national, devrait bénéficier du soutien international prévu par la résolution 1593 (2005).  Ce soutien, a-t-elle ajouté, doit être conforme à l’appel de l’Union africaine engageant ses États membres à partager leçons et meilleures pratiques en matière de justice transitionnelle à travers un processus de vérité et de réconciliation. 

Notant que la résolution 1593 invite la CPI et l’UA à discuter des modalités pratiques pour faciliter le travail de la Cour, notamment la possibilité de mener des procédures dans la région, la représentante a demandé au Procureur de fournir des précisions sur l’état d’avancement de ces arrangements avec l’UA. 

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège), prenant note de la grave crise politique au Soudan où les forces de sécurité continuent de recourir à la force létale contre des manifestants pacifiques, a condamné toutes les atteintes aux droits humains y compris la violence sexuelle, les attaques contre les médias, les ambulances et les hôpitaux, ainsi que les restrictions à l’accès aux services et à la libre communication.  La violence doit cesser, a-t-elle martelé. 

Pour ce qui est du travail de la CPI, la représentante a salué l’engagement du Procureur à donner la priorité aux situations renvoyées à la Cour par le Conseil de sécurité, tout en rappelant que cela doit s’accompagner d’un suivi et d’un soutien du Conseil.  Saluant la visite de M. Khan au Soudan avant le coup d’État et le protocole d’accord signé à cette occasion, Mme Heimerback s’est dite encouragée d’apprendre que ce texte semble rester en vigueur, insistant sur l’importance de sa mise en œuvre.  Il aura fallu près de deux décennies -depuis que le Conseil de sécurité a renvoyé la situation au Darfour à la CPI- pour obtenir la coopération des autorités soudanaises, a-t-elle rappelé.  Demandant ensuite un accès adéquat aux preuves par la CPI, elle a exhorté les militaires à respecter les engagements du Soudan envers la CPI, et les a appelés à pleinement coopérer avec la Cour.  Avant de conclure, Mme Heimerback a exhorté toutes les parties à coopérer avec la CPI afin qu’elle puisse mener à bien son mandat « vital » et que justice puisse enfin être rendue aux victimes et survivants. 

M. MOHAMED IBRAHIM MOHAMED ELBAHI (Soudan) a déclaré que parvenir à la justice au Darfour est un pas essentiel dans les efforts menés par les autorités soudanaises pour rétablir la sécurité et la stabilité.  « La justice est un des trois grands piliers de la Révolution du 2 décembre 2018 au Soudan », a rappelé le représentant en assurant que le pays restera déterminé à assurer le principe de responsabilité s’agissant des crimes internationaux.  « Lutter contre l’impunité, assurer la responsabilité et les réparations pour les victimes sont essentiels dans ce processus de justice. »  Le Soudan continuera de s’efforcer à rendre la justice au Darfour, a promis M.  Elbahi.  Il a fait remarquer que les autorités soudanaises ont adopté une approche globale afin d’améliorer les conditions de vie de la population au Darfour, l’Accord de paix de Djouba allant dans ce sens.  Les autorités travaillent avec toutes les parties à l’Accord afin d’en assurer l’application de manière à rétablir la stabilité et une paix durable, a-t-il encore expliqué. 

Rappelant les termes de l’Accord de Djouba qui portent sur la création de modalités de justice transitionnelle, il a signalé l’adoption d’une loi sur la justice transitionnelle et la mise en place d’un plan de protection des civils avec la participation des parties à l’Accord.  Assurer la justice pour les crimes commis est une priorité du Gouvernement de transition, a réitéré le délégué; c’est dans cet esprit que le Gouvernement coopère avec la CPI et a signé un protocole d’accord en août dernier.  Ce protocole définit le cadre de la coopération et est destiné à faciliter le travail des délégations de la CPI ainsi que des enquêteurs, a-t-il précisé.

Le représentant a fait valoir que les autorités soudanaises ont facilité la visite du nouveau Procureur à Khartoum, il y a cinq mois, et notamment sa rencontre avec des représentants du Gouvernement, qui lui a permis de discuter de la façon d’améliorer la coopération avec la CPI.  Plusieurs délégations de la CPI ont été reçues, la dernière fois en décembre dernier, a-t-il ajouté.  Il a redit que les autorités travaillent à changer et à améliorer la situation au Darfour, qui passe d’une situation de guerre et de conflit à une situation de paix.  La création de la Commission pour la justice transitionnelle est une étape sur la voie de la justice dans les cas où la justice ordinaire ne suffit pas, a encore précisé le représentant en expliquant que la Commission engagera un dialogue global pour répondre aux aspirations des victimes.  Si la lutte contre l’impunité est une priorité pour le Gouvernement de transition, c’est également un élément clef pour assurer la paix, a-t-il conclu. 

Réagissant aux interventions des membres du Conseil de sécurité, le Procureur de la Cour Pénale internationale a assuré que la soif de justice ne va pas disparaître et que la détermination de son Bureau sera à la hauteur des attentes des justiciables soudanais.  Après avoir martelé qu’il ne pourra y avoir de réconciliation sans justice, le Procureur s’est fait l’écho de l’intervention de la délégation du Kenya sur les moyens de faire mieux coopérer la CPI et l’Union africaine.  Notant que cette dernière a fait récemment preuve d’un « leadership de classe mondiale » pour trouver des solutions de reddition de la justice, le Procureur a espéré que le prochain sommet des chefs d’État de l’Union africaine sera l’occasion d’aborder les moyens de promouvoir la coopération entre les États africains et la CPI.  En conclusion, le Procureur de la CPI a souhaité que soit respectée la promesse que « chaque vie compte » et que les victimes aient droit à ce que les enquêtes soient menées et que la vérité soit connue. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Yémen: l’Envoyé spécial expose au Conseil une escalade des tensions sur fond de situation humanitaire désastreuse et de difficultés de relance du dialogue

8946e séance – matin
CS/14764

Yémen: l’Envoyé spécial expose au Conseil une escalade des tensions sur fond de situation humanitaire désastreuse et de difficultés de relance du dialogue

L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen a témoigné, ce matin, devant le Conseil de sécurité, d’une escalade de l’option militaire au Yémen et de ses difficiles efforts pour mettre sur pied un dialogue politique entre les parties prenantes à ce conflit.  Il n’y a pourtant aucune solution sur le long terme qui soit durable sur le champ de bataille, a fait valoir M.  Hans Grunberg en appelant les parties à revenir au dialogue, « même si elles ne sont pas prêtes à déposer les armes encore ». 

Face à un contexte marqué par la poursuite de l’offensive des houthistes sur Mareb et Chaboua, mais aussi sur Sanaa, Taëz et Hodeïda, M. Grunberg a dit craindre que les combats ne s’intensifient aussi le long des autres lignes de front, en citant à titre d’exemple la saisie par les houthistes d’un navire battant pavillon émirati au large des côtes du Yémen.  L’Envoyé spécial s’est aussi inquiété des accusations de militarisation des ports de Hodeïda, « planche de salut pour de nombreux yéménites », ainsi que des menaces d’attaque à leur encontre, précisant que la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda (MINUAAH) a demandé l’autorisation de les inspecter. 

M. Grundberg a dit poursuivre son travail en essayant de dégager un cessez-le-feu national, mais a concédé s’être confronté aux mêmes obstacles que par le passé, notamment les désaccords entre les parties au sujet de l’échelonnement, des priorités en compétition et le manque de confiance.  Notant que les préconditions des parties sont liées à des questions politiques et de gouvernance, il a souligné que seule une solution politique permettra d’obtenir des résultats durables, souhaitant par ailleurs voir un vrai leadership yéménite se dégager en vue de créer un processus politique inclusif épaulé par la communauté internationale. 

L’Envoyé spécial a également regretté que les femmes yéménites soient toujours écartées des négociations de paix et de la vie publique et politique.  L’intention qu’il ait exprimée de poursuivre ses consultations avec un large éventail de groupes de femmes a notamment été saluée par l’Irlande qui a toutefois souligné que ce processus ne doit pas se substituer à une participation significative des femmes yéménites aux négociations. 

« Les femmes du Yémen ont fait la preuve de leur rôle crucial que ce soit dans la négociation de cessez-le-feu locaux, la libération de prisonniers, l’accès humanitaire, ou la médiation des conflits relatifs aux ressources en eau et en terre », a constaté la délégation irlandaise qui a prévenu que l’exclusion persistante des femmes yéménites des pourparlers de paix et de la vie politique est « injustifiable et préjudiciable à la réalisation de la paix ». 

Intervenant par visioconférence depuis Aden, la Présidente de la « Sheba Youth Foundation for development » a insisté pour sa part sur l’importance de soutenir les organisations de la société civile au Yémen, déplorant notamment que les efforts des jeunes et des femmes sur le terrain ne sont pas reconnus par les médias qui s’intéressent davantage aux affres de la guerre.  Or à Taëz, « ville à l’agonie abandonnée par les organisations humanitaires », les femmes et les jeunes ne ménagent aucun effort pour mener des actions communautaires comme la réouverture de routes fermées depuis 2015 ou encore la réhabilitation de puits d’eau, a témoigné Mme  Ola Al-Aghbary. 

Déplorant qu’après sept ans de conflit, l’espace réservé aux femmes a diminué au Yémen, la Norvège a encouragé le Gouvernement du Yémen à opérationnaliser sa stratégie sur les femmes et la paix et la sécurité et à intégrer ces dernières au processus de prise de décisions, déplorant dans la foulée le manque de financement pour les organisations locales de femmes « qui sont pourtant essentielles pour bâtir la paix au Yémen ».  Le représentant du Yémen a affirmé de son côté que les femmes comptaient parmi les membres permanents de toutes les délégations officielles des négociations de paix et que ce sont les houthistes qui les mettent à l’écart.  Il a aussi appelé le Conseil de sécurité à exercer davantage de pressions sur ces derniers pour les faire revenir à la table de négociation. 

Face au risque de déstabilisation régionale, la grande majorité des délégations ont appelé les parties à parvenir sans délai à un cessez-le-feu à l’échelle nationale et à assurer la protection des civils, dont les personnels humanitaires et médicaux, et des infrastructures civiles. 

Les attaques menées par les houthistes en direction du territoire saoudien ont été jugées inacceptables par de nombreuses délégations, dont celle de la France.  La saisie la semaine dernière par Ansar Allah du navire RWABEE battant pavillon émirati a été un autre motif de préoccupation, l’Inde alertant notamment que cet acte a le potentiel de compromettre profondément la sécurité maritime dans la région.  Aujourd’hui la priorité doit être de parvenir à une solution permettant la libération du navire et de son équipage, ont insisté les États-Unis, appuyés par la Chine, la Fédération de Russie rappelant pour sa part le concept russe de sécurité collective. 

Les houthistes ont également été exhortés une fois de plus à autoriser l’accès immédiat et sans préconditions des experts de l’ONU au pétrolier Safer, ancré au large du port de Hodeïda et décrit à maintes reprises comme « une bombe à retardement sur le plan écologique ». 

Les membres du Conseil ont par ailleurs entendu le Coordonnateur adjoint par intérim des secours d’urgence exhorter les donateurs à augmenter leur soutien, notant qu’en 2022 l’opération humanitaire aura besoin de 3,9  milliards de dollars pour venir en aide à 16  millions de personnes.  Or le plan de réponse humanitaire de 2021 qui était du même montant n’a été financé qu’à 58%, a indiqué M.  Ramesh Rajasingham selon lequel « les récents évènements au Yémen ne laissent guère de place à l’optimisme ». 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. HANS GRUNDBERG, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, a noté que 2022 commence sur une note difficile, marquée par l’escalade de l’option militaire.  Il n’y a pourtant aucune solution sur le long terme qui soit durable sur le champ de bataille, a tranché l’Envoyé spécial en appelant les parties à revenir au dialogue, « même si elles ne sont pas prêtes à déposer les armes ».  Ansar Allah continue d’attaquer Mareb, et il y a une augmentation des combats à Chaboua et des frappes aériennes à Sanaa ainsi que des bombardements et attaques dans le sud de Hodeïda, Taëz et en Arabie saoudite.  Suite à ce constat, l’Envoyé spécial a appelé les parties à la retenue et à la désescalade ainsi qu’au respect de leurs obligations en termes de protection des civils et des infrastructures civiles.  Il a dit craindre que les combats ne s’intensifient le long des autres lignes de front, en citant à titre d’exemple la saisie par les houthistes d’un navire battant pavillon émirati. Il s’est aussi dit préoccupé par la détention continue de certains membres du personnel de l’ONU à Sanaa et Mareb. 

Face à l’intensification du conflit, M. Grundberg s’est inquiété des accusations de militarisation des ports de Hodeïda, « planche de salut pour de nombreux yéménites », ainsi que des menaces d’attaque à leur encontre, précisant que la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda (MINUAAH) a demandé l’autorisation de les inspecter.  Il a également dénoncé les restrictions de circulation de biens et de personnes ce qui met à mal la population de façon injustifiable, en rappelant à titre d’exemple que la dernière livraison de carburant remonte au 20 novembre. 

L’Envoyé spécial a dit avoir observé de ses propres yeux les graves conséquences des bouclages à Taëz, lors de sa visite en novembre, et a mis en garde contre les défis importants posés aux opérations de l’aéroport de Sanaa, ce qui a un impact sur l’action de l’ONU sur place. Il a rappelé à toutes les parties yéménites leurs responsabilités en la matière.  Par ailleurs M. Grundberg a regretté que les femmes yéménites soient toujours écartées des négociations de paix et de la vie publique et politique, en annonçant vouloir poursuivre ses consultations avec elles.  Il a ensuite exhorté les parties à respecter le travail des femmes défenseuses de droits humains et militantes pour la paix. 

M. Grundberg a dit poursuivre son travail en essayant de dégager un cessez-le-feu national, mais, a-t-il concédé, il s’est confronté aux mêmes obstacles que par le passé, notamment les désaccords entre les parties au sujet de l’échelonnement, des priorités en compétition et le manque de confiance.  Notant que les préconditions des parties sont liées à des questions politiques et de gouvernance, il a souligné que seule une solution politique permettra d’obtenir des résultats durables.  Il faudra mener des discussions difficiles entre et avec les parties au conflit ainsi qu’avec ceux qui ont été exclus par la guerre, a-t-il estimé, s’engageant en outre à poursuivre son approche inclusive sur les volets politique, économique et sécuritaire en vue d’accélérer la désescalade et la relance du processus politique. Conscient du contexte politique et militaire dans lequel son Bureau doit opérer, M. Grundberg a souhaité voir un vrai leadership yéménite se dégager en vue de créer un processus politique inclusif épaulé par la communauté internationale.  

M. RAMESH RAJASINGHAM, Sous-Secrétaire général aux affaires humanitaires et Coordonnateur adjoint des secours d’urgence par intérim, a déclaré que les récents évènements au Yémen ne laissent guère de place à l’optimisme.  Il a indiqué que les affrontements à Jaouf, Mareb et Chaboua ont déplacé plus de 15 000 personnes en décembre.  « Les hostilités ont également repris à Beïda, tandis que les frappes aériennes se sont intensifiées à Sanaa et dans d’autres parties du pays » a-t-il regretté, avant de citer 358  civils tués ou blessés en décembre. 

M. Rajasingham a noté que la guerre a particulièrement aggravé la situation des femmes et des filles, en raison du manque d’accès à l’éducation et aux soins de santé, en partie à cause d’une pénurie d’agents de santé féminins dans les zones de conflit et de l’éloignement des établissements de santé.  « L’accès aux soins de santé reproductive est particulièrement précaire, une femme mourant toutes les deux heures pendant l’accouchement de causes presque entièrement évitables », a déploré le Coordonnateur adjoint par intérim.  Il s’est également inquiété de l’augmentation des risques d’exposition à la violence sexuelle et sexiste, notamment parmi les membres de la communauté des Muhamasheen. 

Après avoir indiqué que les agences humanitaires ont aidé plus de 11 millions de personnes par mois en 2021, M.  Rajasingham a regretté que la réponse humanitaire au Yémen est confrontée à trop de contraintes, à commencer par le financement.  Il a indiqué que le plan de réponse 2021 était financé à 58%, en faisant de l’appel pour le Yémen le moins financé depuis 2015.  En décembre, le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé des réductions de l’aide alimentaire pour 8 millions de personnes en raison de pénuries de financement.  Et les services d’approvisionnement en eau, de protection et de santé reproductive ont également été contraints de réduire ou de fermer ces dernières semaines par manque de fonds.  Prévoyant que l’opération d’aide 2022 aura besoin de 3,9  milliards de dollars pour aider 16 millions de personnes, M.  Rajasingham a appelé tous les donateurs à maintenir –et si possible à augmenter– leur soutien cette année.  

Le haut fonctionnaire s’est ensuite plaint des contraintes imposées à l’accès humanitaire, fustigeant notamment les obstacles bureaucratiques qui entrainent des retards importants dans l’approbation des projets d’aide, la délivrance des visas et la facilitation des déplacements.  L’importation de l’équipement nécessaire est également plus difficile qu’elle ne devrait l’être. Il a aussi décrié les nombreuses tentatives d’ingérence, principalement de la part des autorités locales dans les régions d’Ansar Allah, qui incluent des tentatives de modifier les listes de bénéficiaires et les emplacements géographiques des livraisons. 

Le représentant du Bureau de la coordination de l’aide humanitaire (OCHA) a aussi regretté que malgré les assurances, les autorités d’Ansar Allah n’ont pas accordé l’accès aux deux membres du personnel de l’ONU détenus à Sanaa en novembre, ajoutant que l’accès à un troisième employé de l’ONU détenu depuis décembre, est actuellement en cours d’arrangement avec le Gouvernement. 

Poursuivant, M. Rajasingham a regretté que les autorités d’Ansar Allah aient suspendu les vols humanitaires via l’aéroport de Sanaa le 19 décembre, en invoquant des problèmes techniques liés aux équipements de communication de l’aéroport, tout en notant que les vols ont repris le 27 décembre. Relevant que ces types de perturbations risquent de compromettre l’opération d’aide et la sécurité du personnel, il a appelé les autorités d’Ansar Allah à éviter les annulations unilatérales de vols à l’avenir. Il a également demandé au Gouvernement d’autoriser l’importation d’équipements pour réparer l’infrastructure de communication défectueuse de l’aéroport.  En ce qui concerne le pétrolier SAFER, il a noté que l’ONU continue de mobiliser toutes les parties prenantes pour trouver une solution pragmatique et réalisable. 

M. Rajasingham a ensuite indiqué qu’une évaluation interinstitutions de la réponse humanitaire au Yémen est actuellement en cours, précisant que l’un des objectifs est d’assurer une réponse plus inclusive et plus favorable pour les travailleuses humanitaires. Il a rappelé que l’effondrement économique, accéléré par le conflit, est le principal moteur des besoins de la population.  Il a appelé à prendre des engagements financiers et politiques pour réduire l’ampleur des besoins humanitaires, à commencer par la reprise urgente des injections de devises par l’intermédiaire de la Banque centrale, afin de protéger le taux de change du rial yéménite.  Il a aussi demandé la levée des restrictions à l’importation et à recommandé d’utiliser les recettes des importations pour payer les services de base fournis par les institutions publiques. 

Intervenant par visioconférence depuis Aden, Mme OLA AL-AGHBARY, Fondatrice et Présidente Directrice générale de la «Sheba Youth Foundation for development», a indiqué qu’elle est également médiatrice locale dans la ville de Taëz.  Elle a expliqué que face au manque d’actions des autorités qui sont « débordées », les Yéménites ont mis en place des conseils consultatifs de la jeunesse afin de veiller à la participation des jeunes et des femmes aux pourparlers de paix.  Elle a déploré le fait que les efforts des jeunes et femmes sur le terrain ne sont pas reconnus et encore moins vulgarisés par les médias qui s’intéressent davantage aux affres de la guerre. 

Pour mettre en perspective les difficultés auxquelles se heurtent les populations locales, elle a témoigné de son voyage de ce jour, racontant avec force détails comment elle a parcouru 120 km entre Taëz et Aden en près de 8 heures.  Il était question d’éviter les barrages des combattants et de contourner les routes endommagées par le conflit.  « Taëz est une ville à l’agonie qui est abandonnée par les organisations humanitaires », a-t-elle regretté, assurant que les femmes et les jeunes en revanche ne ménagent aucun effort pour mener des actions communautaires comme la réouverture de routes fermées depuis 2015 ou encore la réhabilitation de puits d’eau.  Malheureusement ces actions sont peu utiles dans le contexte d’une ville assiégée depuis longtemps, a-t-elle déploré.  Mme Al-Aghbary a enfin insisté sur l’importance de soutenir les organisations de la société civile au Yémen, notamment les jeunes et les femmes qui doivent travailler avec le Bureau de l’Envoyé spécial dans le contexte des pourparlers de paix au Yémen. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a réitéré le plein appui de son pays aux efforts de l’Envoyé spécial Grundberg en vue d’une solution durable et à long terme au conflit au Yémen.  Partageant « son réalisme » quant aux défis à venir, elle a soutenu son approche inclusive qui implique un large éventail de Yéménites.  Constatant l’escalade du conflit ces dernières semaines, la représentante a notamment évoqué la situation autour de Mareb, Chaboua, Hodeïda et Sanaa, et l’augmentation des attaques de drones houthistes.  Concrètement, décembre a vu une augmentation significative du nombre de victimes civiles, a-t-elle regretté.  À un moment où la désescalade est cruciale, la représentante du Royaume-Uni a souhaité la bienvenue au général de division Michael Beary, qui prend la direction de la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda (MINUAAH). 

Le conflit continue d'aggraver la situation humanitaire, a-t-elle poursuivi, en rappelant que le Programme alimentaire mondial (PAM) a émis un nouvel avertissement.  Elle a, dès lors, plaidé pour que les travailleurs humanitaires puissent opérer sans menace de détention et pour que les vols humanitaires puissent utiliser l’aéroport de Sanaa.  Constatant que la détérioration de la situation humanitaire a un impact disproportionné sur les femmes, la représentante a demandé à toutes les parties au conflit et la communauté internationale à œuvrer à une solution à long terme qui soutienne l’égalité entre femmes et hommes.  En dernier lieu, elle est revenue sur la saisie par les houthistes, au début du mois, d’un navire battant pavillon émirati, y voyant une escalade inquiétante à un moment où les Yéménites ont désespérément besoin que les parties se concentrent sur le chemin de la paix.  Le Royaume-Uni appelle toutes les parties à veiller au respect du droit de passage et de la liberté de navigation en mer, a conclu l’intervenante. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a appelé les parties, face au risque de déstabilisation régionale, à parvenir sans délai à un cessez-le-feu à l’échelle nationale.  « Les discussions au sein du comité de coordination du redéploiement prévues dans les accords de Stockholm doivent également reprendre » a insisté M. de Rivière avant de saluer la nomination du général Beary à la tête de la MINUAAH. Il a jugé inacceptables les attaques houthistes en direction du territoire saoudien et condamné la capture par les houthistes d’un navire émirien au large de la côte ouest du Yémen.  Il a appelé l’ensemble des parties prenantes à parvenir à une solution permettant la libération du navire et de son équipage et rappelé son attachement à la liberté de navigation, ainsi qu’à la sécurité et à la stabilité régionales. 

Le représentant a rappelé que la protection des civils, dont les personnels humanitaires et médicaux, ainsi que des infrastructures civiles, est une obligation qui s’impose à toutes les parties. Alors que les besoins humanitaires, notamment à Mareb, continuent à augmenter et que le risque de famine s’accroit dans le pays, le représentant a jugé indispensable de permettre aux personnels onusiens et humanitaires de circuler sans peur d’être pris pour cible ou arrêtés. À cet égard, il a condamné avec fermeté l’arrestation arbitraire de trois membres du personnel de l’ONU et appelé à leur libération immédiate et sans préconditions.  Il a aussi jugé essentiel de lever l’ensemble des obstacles bureaucratiques et d’accélérer la délivrance des visas aux personnels onusiens et humanitaires pour un acheminement sans entrave de l’aide aux personnes dans le besoin. S’inquiétant aussi de la situation économique, M. de Rivière a salué les récentes décisions du Gouvernement yéménite de reprendre en main la Banque centrale yéménite. 

Il a conclu en disant appuyer les efforts de l’Envoyé spécial pour maintenir la dynamique d’un processus politique, avant d’exhorter toutes les parties prenantes à s’engager sans délai et de façon constructive dans un processus politique de sortie de crise.  Enfin, s’agissant du pétrolier Safer qui « continue d’être une bombe à retardement au plan écologique », il a exhorté les houthistes à cesser leur chantage et autoriser l’accès immédiat et sans préconditions à ce pétrolier. 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a appelé les houthistes à comprendre que seule une solution politique agrée par le peuple et libre de toute aspiration hégémonique régionale pourra mettre un terme à la crise au Yémen.  Elle a condamné les tentatives répétées des milices houthistes de saisir des territoires par la force, les exhortant notamment à cesser leurs attaques contre Mareb.  Elle les a aussi engagés à autoriser la MINUAAH à inspecter les ports de Hodeïda, pour ensuite condamner « l’acte de piraterie » commis par les houthistes contre le navire civil « RWABEE », ainsi que leur tentatives de cibler le territoire de l’Arabie saoudite à l’aide de drones et des missiles balistiques. 

La représentante a appelé les Yéménites à parvenir au consensus et à se rassembler dans le cadre de l’Accord de Riyad, en accordant notamment la priorité aux aspirations de la population.  Elle a aussi exhorté les parties à veiller à la pleine participation des femmes aux processus politiques facilités par l’ONU.  Il existe encore une fenêtre d’opportunité pour mettre un terme à la crise grâce à des initiatives « authentiques », notamment l’initiative de paix de l’Arabie saoudite et les propositions sur lesquelles travaille l’Envoyé spécial, a estimé la déléguée qui a appelé à la mise en œuvre des Accords de Riyad et sur Hodeïda.  Les efforts internationaux doivent par ailleurs être intensifiés pour répondre aux besoins humanitaires de la population, a-t-elle ajouté, précisant que les Émirats arabes unis ont fourni, depuis 2015, plus de 6  milliards de dollars en aide humanitaire et appui au développement. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a exprimé son inquiétude face à l’escalade militaire continue à Sanaa, Mareb et dans la mer Rouge, ce qui aggrave la situation humanitaire et menace les perspectives d’une solution pacifique à la crise.  Soulignant la nécessité d’un processus de paix inclusif, elle a appelé les parties à dialoguer avec l’Envoyé spécial de bonne foi et sans conditions préalables.  Elle a condamné l’escalade houthiste qui porte atteinte à la paix, avant d’appeler le groupe à libérer le personnel local yéménite employé par l’ambassade des États-Unis à Sanaa, à restituer les biens saisis et à abandonner le contrôle de l’ancienne enceinte de l’ambassade.  Condamnant également la saisie du navire émirati la semaine dernière, elle a demandé que le navire et son équipage soient libérés. 

S’agissant de la poursuite de l’offensive à Mareb, la représentante a souligné qu’elle est alimentée par le flux illégal d’armes en provenance d’Iran, notant que leur contrebande constitue une violation de l’embargo sur les armes.  Elle a déploré les actes des houthistes, notamment l’assassinat ciblé de femmes politiques et professionnelles qu’elle a qualifié d’« inadmissible », avant de condamner toutes les violations des droits humains commises par toutes les parties.  Elle a salué la reprise des vols humanitaires de l’ONU depuis l’aéroport de Sanaa, se préoccupant cependant des menaces des houthistes d’entraver les vols futurs, malgré les inspections de l’ONU jugeant l’équipement de l’aéroport opérationnel.  Elle a ensuite appelé toutes les parties à faciliter la libre circulation de l’aide humanitaire et à trouver une solution durable pour réglementer les importations de carburant.  Elle a par ailleurs appelé les houthistes à permettre une solution sûre, viable et prompte face à la situation préoccupante du pétrolier Safer, « bombe à retardement écologique, environnementale et humanitaire menaçant le peuple yéménite, les écosystèmes fragiles et la chaîne d’approvisionnement mondiale ». 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a constaté que l’offensive des houthistes qui a duré des mois à Mareb et dans les provinces voisines a eu des conséquences humanitaires désastreuses, en particulier pour les déplacés.  La saisie par Ansar Allah d’un navire battant pavillon émirati la semaine dernière est également un motif de préoccupation et risque d’aggraver encore le conflit.  Le délégué a appelé les parties à faire preuve de retenue et à prendre des mesures pour apaiser les tensions, notamment la libération du navire et de son équipage.  Il a aussi relevé que la guerre économique en cours entre les parties a généré une inflation massive, des besoins humanitaires accrus et la création de zones économiques divergentes à l’intérieur du pays.  Parmi les mesures immédiates qui pourraient atténuer la crise, il a évoqué la levée des restrictions sur les importations de produits essentiels, ainsi que des injections de devises par l’intermédiaire de la Banque centrale. 

Le représentant a souligné l’importance de mécanismes capables d’amplifier la voix des femmes, notant que « sans leur participation, il n’y aura pas de paix durable ».  M. Costa a également marqué sa préoccupation devant la question des enfants, en particulier avec l’augmentation de l’utilisation d’enfants soldats par les houthistes et d’autres acteurs.  En matière d’aide humanitaire, le Brésil a fait des dons au PAM lors des événements d’annonces de contributions en mars et septembre 2021, a par ailleurs fait savoir le délégué qui a appelé les pays donateurs à répondre aux besoins humanitaires fondamentaux des Yéménites en 2022.  Il a enfin jugé impératif que toutes les parties garantissent pleinement, en toute sécurité et sans entrave, l’accès humanitaire. 

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a appelé à un cessez-le-feu national immédiat en rappelant que les options militaires ne mettront pas fin à la guerre au Yémen.  Elle s’est particulièrement inquiétée de l’escalade des combats observée dans la province de Mareb et sur plusieurs fronts depuis septembre 2021, avec son corolaire d’augmentation des victimes civiles et le déplacement de plus de 35 000 personnes.  La représentante a condamné les attaques contre les infrastructures civiles avant d’exhorter l’ensemble des parties à respecter leurs obligations au titre du droit international humanitaire.  Elle a appelé à davantage de soutien et financements pour assurer le fonctionnement des services de santé maternelle et génésique.  Elle a ensuite salué les mesures prises pour réduire le déclin économique et améliorer la fourniture de biens essentiels à la population, citant la réouverture de l’aéroport de Sanaa et du port de Hodeïda qui doit être assurée dans le cadre des mesures de stabilisation économique.  Enfin la représentante a exhorté les houthistes à autoriser l’accès immédiat et sans préconditions au pétrolier Safer pour éviter une catastrophe écologique. 

M. ENRIQUE JAVIER OCHOA MARTÍNEZ (Mexique) a noté les graves conséquences humanitaires du conflit au Yémen, s’inquiétant de voir la violence augmenter, surtout à Mareb, Chaboua et Taëz, qui pèse le plus sur la population civile, en particulier les femmes et les filles.  « Nous condamnons les violations continues du droit international humanitaire. »  Le représentant a également noté avec préoccupation le harcèlement des travailleurs et les difficultés persistantes auxquelles sont confrontées les opérations humanitaires.  Il a demandé la libération de trois travailleurs de l’ONU détenus et rejeté la perturbation des vols humanitaires en provenance de l’aéroport de Sanaa ainsi que les obstacles aux opérations portuaires.  Il est impératif que toutes les parties facilitent le travail humanitaire, a-t-il plaidé. 

Condamnant la détention du navire RWABEE battant pavillon émirati, il a demandé la libération immédiate du navire et de son équipage et appelé tous les acteurs de la région à assurer la libre navigation conformément au droit de la mer.  Le représentant s’est aussi inquiété des violations persistantes de l’embargo sur les armes, exigeant le respect des obligations en droit international.  Il a noté que le Conseil a encouragé la coopération régionale par voie terrestre, maritime et aérienne afin de détecter et de prévenir les violations des embargos sur les armes.  Il est impératif, a-t-il dit, d’empêcher que davantage d’armes n’atteignent le Yémen et ne prolongent le conflit.  Enfin, il s’est félicité des consultations que l’Envoyé spécial a menées, en particulier de la rencontre avec des femmes entrepreneurs yéménites en décembre dernier.  Il a plaidé pour un processus politique inclusif, dirigé par les Yéménites et soutenu par la communauté internationale. 

M. BING DAI (Chine) s’est inquiété de la situation « turbulente » qui prévaut au Yémen ces derniers mois, et appelé à une fin rapide du conflit, ce qui permettra de sauver plus de vies civiles. Il a donc exhorté les parties au conflit à donner la priorité à un cessez-le-feu le plus rapidement possible. Évoquant les attaques houthistes ayant visé l’Arabie saoudite et la saisie d’un navire battant pavillon émirati, le représentant a appelé le Conseil de sécurité à condamner toutes les attaques visant des civils et des infrastructures civiles, mais aussi à mettre l’accent sur l’impératif du respect de la liberté de navigation. 

Soutenant le processus politique complet et inclusif que défend l´ Envoyé spécial, le représentant a encouragé toutes les parties au Yémen à s’engager de bonne foi avec lui, et à tenir compte des points de vue des jeunes et des femmes.  Notant l’impact de ce conflit sur la situation régionale, il a appelé les pays de la région à jouer un rôle positif pour mener à bien ce processus politique inclusif mené par les Yéménites et épaulé par la communauté internationale. Il a également appelé à la levée des obstacles à l’accès humanitaire. 

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a dénoncé l’exclusion persistante des femmes yéménites de la vie politique au Yémen ainsi que des pourparlers de paix, arguant que c’est « injustifiable et préjudiciable à la réalisation de la paix ».  Les femmes du Yémen ont pourtant fait la preuve de leur rôle crucial que ce soit dans la négociation de cessez-le-feu locaux, la libération de prisonniers, l’accès humanitaire, et la médiation des conflits relatifs aux ressources en eau et en terre, a-t-elle constaté, déplorant en outre qu’aucune femme n’a été incluse dans les délégations des négociations sur l’échange de prisonniers facilitées par l’ONU au cours des dernières années.  Elle a rappelé que lors de la réunion organisée selon la formule Arria et convoquée par l’Irlande et le Mexique en mars dernier, il avait été demandé à l’ONU d’insister sur la participation des femmes aux pourparlers facilités par l’ONU.  Il est temps d’agir, s’est-elle impatientée.  Tout en saluant le fait que l’Envoyé spécial mène des consultations avec un large éventail de groupes de femmes, Mme Byrne Nason a appelé à veiller à ce que ce processus ne vienne pas se substituer à une participation significative des femmes yéménites aux négociations. 

Poursuivant, la représentante a déclaré qu’un cessez-le-feu national immédiat est nécessaire de toute urgence pour protéger les civils, en particulier ceux en situation vulnérable.  Elle a constaté que les femmes et des filles yéménites sont souvent les dernières à manger, à consulter un médecin ou à se rendre à l’école.  La situation humanitaire désastreuse présente non seulement un autre obstacle à la pleine participation des femmes à la vie politique et publique, mais compromet également leur capacité à accéder aux soins médicaux essentiels, s’est-elle alarmée.  Elle a ensuite appelé à lever toutes les restrictions sur l’importation de carburant et de nourriture, et à soutenir les propositions de l’ONU pour lutter contre l’effondrement économique au Yémen. 

M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a exprimé ses vives préoccupations face à la détérioration de la situation au Yémen, qui a des conséquences sur les Yéménites comme sur la région.  Il a décrié l’escalade militaire qui sape les efforts menés pour parvenir à une solution politique et mettre fin au conflit.  Il s’est également dit préoccupé de l’augmentation des combats dans la province de Jaouf et du bombardement de sites de personnes déplacées, appelant les parties à respecter leurs obligations en droit international humanitaire.  Il a souligné le fardeau que portent en particulier les femmes et les enfants du fait de ces violences, citant un rapport du PNUD qui signale que, toutes les neuf minutes, un enfant de moins de 5 ans meurt à cause du conflit.  Il a appelé le Conseil à prendre des décisions pour que les personnes impliquées soient tenues pour responsables. 

Au vu de la situation humanitaire, M. Kiboino a mis l’accent sur le besoin d’opérations humanitaires efficaces, suffisantes et durables, regrettant que cela ne soit pas le cas.  En 2020 et 2021 en effet, les plans de réponse humanitaire n’ont été financés qu’à 50%, a-t-il illustré, les comparant à 2018 et 2019 où ils l’étaient à environ 80%.  Il a donc appelé le Conseil de sécurité à examiner plus avant la façon dont l’ONU peut mobiliser davantage d’aide humanitaire.  Enfin, le délégué a souligné la discrimination qui touche particulièrement les femmes au Yémen, qui sont aussi victimes de mariages forcés, de violence sexuelle et de torture.  Après les sanctions prononcées par le Conseil l’an dernier contre le Sultan Zabin impliqué dans les violences sexuelles relatives au conflit, M.  Kiboino a appelé à en faire davantage.  Il a aussi soulevé le problème de l’exclusion des femmes du processus politique et de négociation, avant de signaler les incidents maritimes en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, qui présentent une menace pour la sécurité aux plans régional et mondial.  Il a appelé la communauté internationale à déployer davantage d’efforts pour combattre la piraterie et la contrebande, notamment. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est particulièrement inquiété de l’intensification des combats dans les provinces de Mareb et Chaboua où l’on compte de plus en plus de victimes civiles.  Il a déploré une situation humanitaire qui reste catastrophique dans tous les territoires du pays, qu’ils soient contrôlés par le Gouvernement ou par Ansar Allah.  Dans ce contexte, il a salué les efforts des institutions humanitaires et les progrès louables observés en matière de distribution de l’aide.  Le représentant a rappelé aux parties qu’elles doivent garantir l’accès aux populations dans le besoin et lever toutes les restrictions à la distribution d’articles humanitaires et de première nécessité.  Le représentant a aussi fustigé les attaques contre des infrastructures civiles en Arabie saoudite et au Yémen, avant d’appeler à la cessation de tous les combats. 

Pour le représentant, l’aggravation de la situation montre l’urgence qu’il y a à mener un processus de paix sous l’égide des Nations Unies.  Il a appuyé les efforts de l’Envoyé spécial pour promouvoir une feuille de route en vue d’un règlement du conflit.  Il s’est dit convaincu que le gage du succès est la prise en compte des attentes de toutes les forces politiques et de toutes les parties en conflit.  Il a espéré que l’Envoyé spécial tiendra compte des interventions de cette réunion du Conseil de sécurité pour présenter un plan de règlement du conflit. Face à l’impact du conflit sur la stabilité régionale, dont la sécurité de la navigation, le représentant a rappelé les initiatives pertinentes, dont le concept russe de sécurité collective, pour assurer la sécurité au niveau régional. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a estimé que la paix au Yémen passe indéniablement par une solution politique dont le préalable est un cessez-le-feu, suivi d’un dialogue inclusif auquel prendraient part, de bonne foi, tous les fragments épars de ce pays.  Il a jugé que la réouverture de l’aéroport de Sanaa, le 27 décembre dernier, est un pas dans la bonne direction pour ce qui est de l’accès à l’aide humanitaire.  De son avis, il faudra beaucoup d’autres actes pour sortir le peuple yéménite du cercle vicieux de la violence.  Le représentant a indiqué que les femmes payent un prix particulièrement lourd dans la crise, car elles font face aux abus, aux violences et à de multiples violations de leurs droits.  M. Biang a appelé la communauté internationale à être davantage mobilisée dans la réponse aux défis humanitaires au Yémen.  Il a rappelé, à cet effet, que le Plan humanitaire de 2021 avait été financé à hauteur de 58%, soit un déficit de 1,6 milliard de dollars. 

M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a relevé que la saisie et la détention du navire « Rawabi » au large des côtes de Hodeïda au début du mois a exacerbé les tensions persistantes.  Il a exprimé sa vive préoccupation face à cet acte qui a le potentiel de compromettre profondément la sécurité maritime dans la région.  Sept des membres d’équipage étant Indiens, le délégué s’est inquiété pour leur sécurité et leur bien-être.  Nous exhortons les houthistes à libérer immédiatement les membres d’équipage et le navire, a déclaré le délégué. 

Le représentant a indiqué qu’outre les pertes en vies humaines, le conflit a aussi conduit au déclin économique, pendant que la COVID-19 venait aggraver une situation déjà désastreuse.  Il a appelé les donateurs à apporter leur aide et à prendre des mesures économiques concrètes à court et à long terme au Yémen afin de surmonter la crise économique et humanitaire dans le pays.  M. Tirumurti a déploré la brève suspension des vols humanitaires à destination et en provenance de l’aéroport de Sanaa en décembre, avant d’appeler les parties au conflit à ne pas imposer d’entraves ou de restrictions au mouvement des humanitaires et à maintenir le caractère civil de l’aéroport de Sanaa et d’autres infrastructures publiques essentielles au Yémen.  Il a également condamné les attaques transfrontalières menées continuellement contre l’Arabie saoudite et qui visent les civils et les infrastructures civiles.  Il a enfin dit espérer une conclusion rapide des accords requis pour régler la situation du pétrolier Safer

M. FERIT HOXHA (Albanie) s’est dit particulièrement préoccupé par la situation des femmes et des filles au Yémen confrontées à des menaces et des risques accrus, dont des détentions arbitraires, disparitions forcées et assassinats ciblés.  Il a exhorté les parties à mettre immédiatement fin aux hostilités, conformément à la résolution 2532 (2020), à reprendre les négociations et des pourparlers de paix significatifs avec la participation pleine, égale et significative des femmes, des jeunes et de la société civile. 

Le représentant a appuyé les efforts de l’Envoyé spécial pour consulter régulièrement et de manière transparente la société civile, en particulier les groupes de femmes.  Après avoir condamné toutes les actions qui empêchent l’Envoyé spécial de faire avancer ce processus politique vital, le représentant a dénoncé la détention du personnel de l’ONU; les obstacles à l’acheminement de l’aide humanitaire; et toutes les restrictions imposées aux travailleurs humanitaires.  Il a également condamné les attaques transfrontalières contre les infrastructures civiles en Arabie saoudite.  Enfin, M. Hoxha a exhorté toutes les parties à soutenir un processus politique qui mène à la pleine réalisation des droits de l’ensemble de la population du Yémen.  Il a aussi salué les efforts déployés par l’ONU pour relancer l’économie du Yémen. 

Mme MONA JUUL (Norvège) a souligné que les femmes yéménites arbitrent l’accès humanitaire, les services et les conflits locaux au quotidien et ont apporté des contributions notables au processus de paix, déplorant cependant qu’après sept ans de conflit, l’espace qui leur est réservé a diminué.  Les femmes ont droit d’intervenir sur les questions qui sont fondamentales pour leur sécurité et l’avenir du Yémen, a-t-elle insisté, notant que les processus de paix inclusif débouchent sur des solutions plus durables. 

La représentante a encouragé le Gouvernement du Yémen à opérationnaliser sa stratégie sur les Femmes et la paix et la sécurité et à intégrer les femmes au processus de décisions et dans les positions de leadership.  Elle a noté que les organisations locales de femmes sont essentielles pour bâtir la paix au Yémen. Déplorant le manque de financement pour leur travail, elle a encouragé la communauté internationale à leur accorder un appui plus souple.  Mme Juul a aussi appelé à prendre des mesures immédiates pour veiller à ce que les femmes puissent s’exprimer en toute sécurité.  Enfin, elle a encouragé l’Envoyé spécial à rechercher de nouvelles opportunités pour assurer la participation directe des femmes yéménites de tous horizons politiques et originaires de toutes les régions du Yémen. 

M. ABDULLAH ALI FADHEL AL-SAADI (Yémen) a insisté sur l’importance du rôle des femmes et de la jeunesse yéménites pour instaurer la paix et appuyer le développement au Yémen.  Il a précisé que les femmes ont été des membres permanents de toutes les délégations officielles des négociations de paix et que ce sont les houthistes qui les mettent à l’écart.  Reprochant aussi aux milices houthistes d’être à l’origine de la crise économique, politique et sécuritaire dans le pays, le représentant a affirmé que son gouvernement multiplie les efforts pour soutenir l’économie nationale, maitriser le taux de change de la devise nationale et stabiliser la monnaie.  Il a insisté sur l’impératif du financement du plan humanitaire pour le Yémen en appelant à la solidarité internationale afin de créer un environnement propice à la paix au Yémen.  À cet égard, le représentant a réitéré la volonté de son gouvernement de faciliter le rôle de l’ONU au Yémen, y compris sur le volet humanitaire, et de mettre fin au conflit et aux souffrances des civils afin de parvenir à la justice et à la prospérité.  Cependant, a-t-il dénoncé, toutes les initiatives de paix ont été refusées par les milices houthistes, « qui sont soutenues par l’Iran ».  Pour sa part, le Gouvernement national reste attaché à l’Initiative du Conseil de coopération du Golfe, entre autres. 

Poursuivant, le représentant a indiqué que les attaques des houthistes qui ont visé ces derniers mois la ville de Mareb, avaient provoqué de nombreux déplacements, accusant en outre ces milices de prendre pour cible l’infrastructure civile au Yémen et en Arabie saoudite et d’être aux ordres des gardiens de la révolution iranienne et du Hezbollah libanais.  Il est évident que ces milices ne souhaitent pas la paix, a-t-il accusé.  Il a également indiqué que les houthistes ont utilisé l’aéroport de Sanaa pour stocker des armes et mener des attaques, avant de dénoncer la saisie d’un navire battant pavillon émirati.  Fort de ces exemples concrets, le représentant a plaidé pour que la communauté internationale et le Conseil de sécurité exercent davantage de pressions sur ces milices et les fassent revenir à la table de négociation.  Il a également reproché aux houthistes de violer l’Accord sur Hodeïda en vue de saisir ses ports.  Hodeïda est devenu aujourd’hui un centre de contrebande d’armes et de lancement de missiles iraniens, n’a-t-il pas hésité à dire. 

Pour ce qui est du pétrolier Safer, « bombe à retardement » et véritable menace environnementale pour la mer Rouge, M.  Al-Saadi a insisté sur l’urgence d’une inspection du navire par des équipes onusiennes, exhortant à mettre fin aux tentatives répétées d’obstruction des milices houthistes.  Il a par ailleurs appelé la communauté internationale à offrir davantage de vaccins contre la COVID-19 aux Yéménites tout en remerciant le Mécanisme COVAX pour ce qui a déjà été fait en ce sens. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le Représentant spécial appelle les partenaires du Mali à appuyer les aspirations de la population et aider à résoudre les défis de la transition

8945e séance - matin
CS/14762

Conseil de sécurité: le Représentant spécial appelle les partenaires du Mali à appuyer les aspirations de la population et aider à résoudre les défis de la transition

Alors que les Assises nationales de la refondation au Mali se sont terminées le 30 décembre 2021, le Représentant spécial El-Ghassim Wane est venu ce matin présenter au Conseil de sécurité le rapport trimestriel du Secrétaire général sur la situation dans ce pays, en recensant les progrès et défis les plus récents: la mise en œuvre de l’Accord d’Alger et les défis sécuritaires, les dernières sanctions de la CEDEAO, ainsi que la situation humanitaire.  Plusieurs membres du Conseil ont aussi mentionné le « déploiement du groupe paramilitaire Wagner » en s’en inquiétant.

M. El-Ghassim Wane, qui intervenait par visioconférence, a d’abord souligné la profonde aspiration des Maliens à voir se réaliser des réformes, une meilleure gouvernance et un État plus efficace.  Il a invité les partenaires du Mali à s’appuyer sur ces aspirations pour aider à poser les bases de la transition et d’une stabilité durable.  Une représentante de la société civile, Mme Adam Dicko, Directrice exécutive de l’Association des Jeunes pour la Citoyenneté Active et la Démocratie, a appelé à plus d’humilité et à l’élaboration de solutions communes dans lesquelles les populations locales se reconnaissent pleinement.  « Au nom de tous les jeunes Maliens qui aspirent à un lendemain meilleur », elle a pointé du doigt le virus des inégalités sociale, économique, politique et environnementale qui entrave l’accès aux services essentiels, prive des millions de jeunes de bonheur et pousse la plupart d’entre eux à vivre dans la misère.   

Le Représentant spécial a rappelé qu’au cours du week-end, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a tenu un Sommet extraordinaire pour faire le point sur les mesures prises par le Mali pour s’acheminer vers la tenue d’élections et un retour à l’ordre constitutionnel.  Le Sommet fait suite aux Assises nationales de la refondation dont les résultats ont été transmis par les autorités maliennes au Président de la CEDEAO avec une projection pour la tenue des élections présidentielles fin 2026.  Le 5 janvier, le Médiateur de la CEDEAO a été dépêché au Mali pour de nouvelles consultations qui ont permis d’arrêter une proposition révisée pour la tenue des élections un an plus tôt, fin 2025.  

Les dirigeants de la région ont néanmoins estimé que le chronogramme proposé était « inacceptable » et ont pressé les autorités maliennes à se concentrer sur un retour rapide à l’ordre constitutionnel.  Ils ont confirmé les sanctions individuelles mises en place le 12 décembre et en ont prononcé de nouvelles, notamment le rappel des ambassadeurs des États de la CEDEAO au Mali, la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre ces États et le Mali, la suspension de toutes les activités commerciales et financières -avec des exonérations pour les produits alimentaires, les fournitures médicales, le pétrole et l’électricité-, le gel des avoirs des entreprises publiques maliennes dans les banques commerciales de la région, et la suspension de l’aide financière de la CEDEAO.  Le Représentant spécial a indiqué que le Mali a rendu la pareille en annonçant le rappel de ses ambassadeurs et la fermeture des frontières avec les États membres de la CEDEAO.  Dans une adresse à la nation, le Président de la transition Goita a déclaré que le Mali reste ouvert au dialogue avec la CEDEAO pour trouver un compromis qui réconcilierait les aspirations du peuple malien et respecterait les principes de l’Organisation.  

Face à cette situation, la Chine a invité les deux parties à trouver un terrain d’entente.  De leur côté, les trois pays africains membres du Conseil -les A3 (Ghana, Gabon et Kenya)- ont exhorté le Conseil de sécurité à accueillir favorablement le communiqué final du Sommet de la CEDEAO et à appuyer les sanctions prises, tout en plaidant pour que celles-ci soient mises en œuvre en gardant à l’esprit les besoins opérationnels de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), notamment pour la lutte contre le terrorisme au Mali.  Les A3 ont également insisté sur un soutien logistique, matériel et financier en faveur de la Force conjointe du G5 Sahel, dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, en recommandant pour cela la mise en place d’un bureau conjoint et le déploiement d’une brigade d’intervention rapide comme c’est le cas pour certaines missions.   

La situation sécuritaire volatile au Mali a, il est vrai, fortement inquiété les membres du Conseil, comme en a attesté le Représentant spécial en rappelant la série d’attaques coordonnées contre les camps de la MINUSMA, ainsi que la mort de 28 Casques bleus en 2021.  Il a noté que le Tchad a récemment offert des troupes supplémentaires pour la MINUSMA, une évolution saluée par les autorités maliennes.  Il a aussi relevé que le conflit a eu un impact dévastateur sur les civils et la situation humanitaire.  Le nombre de personnes déplacées est passé de 216 000 en 2020 à plus de 400 000 un an plus tard.  Dans des circonstances aussi difficiles, la réponse à l’appel humanitaire est restée tiède puisque seulement 38% des fonds nécessaires ont été reçus.    

Alors que la Fédération de Russie a décrié des ingérences étrangères excessives « qui ne font que compliquer la situation », Mme Dicko a plaidé pour que le Mali ne devienne pas le nouveau terrain d’affrontement des puissances mondiales.  La France a déploré le fait que les autorités de transition utilisent des fonds publics déjà limités pour rétribuer des mercenaires étrangers au lieu de soutenir les forces nationales et les services publics au bénéfice du peuple malien.  Le représentant français a fermement condamné le déploiement sur le territoire malien de mercenaires du groupe Wagner, assurant qu’ils sont « connus pour menacer les civils, violer le droit international et la souveraineté des États ».  D’autres délégations comme l’Albanie ont tenu des propos similaires, les États-Unis y voyant même une menace pour la MINUSMA et le peuple malien.  « La MINUSMA mérite de savoir si ces soi-disant sous-traitants font partie de l’aide bilatérale officielle et, dans l’affirmative, ils doivent être tenus pour responsables par leur pays d’origine », ont-ils dit. 

Les Maliens ont le droit d’interagir avec d’autres partenaires qui sont prêts à coopérer avec eux dans le domaine du renforcement de la sécurité, a réagi la Fédération de Russie.  Le Mali a tout simplement affirmé n’avoir pris aucun engagement avec Wagner et assuré qu’il n’y a « aucun mercenaire présent sur le sol malien ».  Le représentant malien a, en revanche, reconnu entretenir une « relation de coopération d’État à État avec la Russie » et ce, depuis 1960.  Et c’est à la faveur de cette coopération « historique et dynamique » que des formateurs et instructeurs russes se trouvent actuellement au Mali pour conseiller et former les militaires maliens à l’utilisation du matériel acquis par le Mali auprès de la Fédération de Russie.   

LA SITUATION AU MALI - S/2021/1117S/2022/8

Déclarations

M. EL-GHASSIM WANE, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, a expliqué qu’à défaut de présenter le rapport du Secrétaire général, il préférait faire une mise à jour des progrès et défis les plus récents.  Il a ainsi rappelé qu’au cours du week-end, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a tenu un Sommet extraordinaire pour faire le point sur les mesures prises par le Mali pour s’acheminer vers la tenue d’élections et un retour à l’ordre constitutionnel.  Le Sommet fait suite aux Assises nationales de la refondation tenues du 11 au 30 décembre au niveau local et national.  À la suite de la conclusion des Assises, le soir du Nouvel An, les autorités maliennes ont transmis au Président de la CEDEAO ses résultats ainsi qu’une projection pour la tenue des élections fin 2026.  Le 5 janvier, le Médiateur de la CEDEAO a été dépêché au Mali pour de nouvelles consultations qui ont permis d’arrêter une proposition révisée pour la tenue des élections présidentielles fin 2025.

Comme indiqué dans leur communiqué, les chefs d’État et de gouvernement ont estimé que le chronogramme proposé était « inacceptable » et ont pressé les autorités maliennes à se concentrer sur un retour rapide à l’ordre constitutionnel.  Ils ont confirmé les sanctions individuelles mises en place le 12 décembre et en ont prononcé de nouvelles, notamment le rappel des ambassadeurs des États de la CEDEAO au Mali, la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre ces États et le Mali, la suspension de toutes les activités commerciales et financières -avec des exonérations pour les produits alimentaires, les fournitures médicales, le pétrole et l’électricité-, le gel des avoirs des entreprises publiques maliennes dans les banques commerciales de la région, et la suspension de l’aide financière de la CEDEAO.

Comme indiqué par la CEDEAO, a poursuivi M. Wane, ces sanctions doivent être revues et progressivement levées en attendant la finalisation d’un calendrier acceptable pour les élections et les progrès nécessaires vers sa mise en œuvre.  Le Représentant spécial a indiqué que le Mali a rendu la pareille en annonçant le rappel de ses ambassadeurs et la fermeture des frontières avec les États membres de la CEDEAO.  Dans une adresse à la nation, le Président de la transition Goita a déclaré que le Mali reste ouvert au dialogue avec la CEDEAO pour trouver un compromis qui réconcilierait les aspirations du peuple malien et respecterait les principes de l’Organisation.  M. Wane a rappelé que les Assises nationales de la refondation ont souligné la nécessité d’améliorer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix.  La médiation internationale, menée par l’Algérie et incluant la MINUSMA et d’autres acteurs internationaux, a continué à être activement impliquée.  C’est ainsi que le 5 janvier, la médiation s’est réunie pour la troisième fois depuis octobre 2021 et a demandé l’organisation d’une réunion décisionnelle entre les signataires maliens.  Un séminaire de haut niveau qui sera organisé la semaine prochaine permettra également à toutes les parties prenantes de mieux opérationnaliser les recommandations de l’Observateur indépendant.

Le Représentant spécial a souligné que la MINUSMA a continué à s’engager constamment avec les parties maliennes et les acteurs internationaux à l’appui du processus de paix.  Elle a également poursuivi ses efforts sur le terrain, notamment en soutenant la reconstitution des bataillons qui sont désormais parties intégrantes des forces armées maliennes, y compris à Kidal.  Une série de consultations a été entreprise au cours des derniers mois avec l’appui de la MINUSMA pour identifier les approches stratégiques, les efforts prioritaires et les actions rapidement réalisables dans des domaines tels que la sécurité, la gouvernance, le développement et l’aide humanitaire.

Selon M. Wane, la série d’attaques coordonnées contre les camps de la MINUSMA, ainsi que la mort de 28 Casques bleus en 2021, dont 7 Togolais dans un seul incident en décembre, démontre l’environnement dangereux dans lequel la MINUSMA fonctionne.  Il a relevé que le conflit a eu un impact dévastateur sur les civils et la situation humanitaire.  Le nombre de personnes déplacées est passé de 216 000 en 2020 à plus de 400 000 un an plus tard.  La situation sécuritaire qui se dégrade affecte également la production agricole alors même que plus de 1,8 million de personnes devraient avoir besoin d’une aide alimentaire en 2022 contre 1,3 million en 2021.  Dans des circonstances aussi difficiles, la réponse à l’appel humanitaire est restée tiède puisque seulement 38% des fonds nécessaires ont été reçus.  Un soutien plus fort de la communauté internationale est nécessaire de toute urgence pour combler ce déficit de financement, a indiqué le Représentant spécial.

Malgré un environnement très difficile et des défis de capacité, la MINUSMA continue de faire de son mieux pour protéger les civils, a-t-il assuré en soulignant que cela a permis de créer un environnement plus favorable en désamorçant les tensions et en renforçant les efforts de paix.  La MINUSMA, en soutien aux forces armées maliennes, protège également les routes clefs et les infrastructures vitales pour des populations de plus en plus isolées.  De même, la Mission soutient les efforts humanitaires dans les villages qui ont été encerclés pendant des mois par des groupes extrémistes dans le centre du Mali.  Des mesures ont été aussi prises pour assurer la sûreté et la sécurité des soldats de la paix, a-t-il affirmé.  Il a relevé que le Tchad a récemment offert des troupes supplémentaires pour la MINUSMA, une évolution saluée par les autorités maliennes.  Selon le Représentant spécial, cela donnerait aussi plus de souplesse pour répondre aux menaces contre les civils et les soldats de la paix, tout en offrant à la Mission plus d’espace pour soutenir les forces de défense et de sécurité maliennes.

M. Wane a affirmé qu’alors que le pays fait face à des temps difficiles, on observe une profonde aspiration des Maliens à voir se réaliser des réformes, une meilleure gouvernance et un État plus efficace.  Les partenaires du Mali devraient donc s’appuyer sur ces aspirations pour aider à poser les bases d’une stabilité durable, a-t-il recommandé en demandant aussi tous les efforts possibles pour résoudre les défis liés au processus de transition.  Au-delà de la transition politique, il est crucial que le Conseil de sécurité continue à prêter la même attention à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et à la stabilité au centre, deux autres éléments constitutifs d’un Mali stable, a ajouté M. Wane.

Mme ADAM DICKO, Directrice exécutive de l’Association des Jeunes pour la Citoyenneté Active et la Démocratie (AJCAD), a réitéré l’objectif de son organisation qui est de promouvoir la justice sociale et les valeurs démocratiques au Mali.  Puis elle a rappelé que son pays est depuis 10 ans en proie aux conflits, à la violence et à l’instabilité.  Des dizaines de conférences et autres sommets internationaux se sont tenus sans jamais réellement faire une place à ceux et celles qui, au quotidien, sont mobilisés pour plus de justice sociale, la défense des droits humains et la construction d’un Mali en paix, a dénoncé la militante.  Après 10 ans d’échec des stratégies visant à résoudre les crises sahéliennes, a ajouté Mme Dicko, il est temps d’enclencher un changement de cap, de faire preuve de plus d’humilité et de permettre l’élaboration de solutions communes dans lesquelles les populations locales se reconnaissent pleinement.

« Au nom de tous les jeunes Maliens qui aspirent à un lendemain meilleur », la Directrice exécutive d’AJCAD a pointé du doigt le virus des inégalités sociale, économique, politique et environnementale, qui entrave l’accès aux services essentiels, prive des millions de jeunes de bonheur et pousse la plupart d’entre eux à vivre dans la misère.  Ce virus « mutant » s’adapte en profitant d’un système gangrené par la mauvaise gouvernance politique, le manque de transparence et un déficit démocratique qui fait que nombre de Maliens ne se sentent pas intégrés dans une société qui au mieux les ignore, au pire les exclut. 

Pour la militante, la dégradation de la crise appelle à faire des constats.  Sur le plan sécuritaire, elle a jugé inadaptée la réponse militaire actuelle qui a montré ses limites et son incapacité à non seulement venir à bout de la menace, mais aussi à la contenir.  Les jeunes Maliens déçus sont révoltés contre un État qui n’arrive plus à assurer leur sécurité, a-t-elle témoigné en prévenant que les plus fragiles se rallient aux groupes extrémistes pour des raisons pécuniaires et matérielles, mais aussi et souvent, pour protéger leurs proches. 

Les jeunes s’interrogent sur la répétition d’actions des pays dits « opposés de point de vue », les voyant se disputer pour des intérêts d’appartenance géopolitique sur un nouveau terrain après la Syrie, l’Afghanistan, ou encore la Libye.  Elle a plaidé pour que le Mali ne devienne pas le nouveau terrain d’affrontement des puissances mondiales, demandant au Conseil de sécurité d’être non seulement à la hauteur de ses responsabilités mais surtout exemplaire.  « La terre malienne mérite mieux qu’être un terrain de règlements de comptes politiques. »  Ce n’est pas sur vos déclarations mais sur vos actes que vous serez jugés, a pointé du doigt la militante.

Réitérant que la démocratie malienne va mal et manque d’amis sincères, Mme Dicko a dénoncé le fait qu’au nom de la sacro-sainte stabilité, les puissances négocient des compromis qui fragilisent la démocratie déjà faible.  Pour elle, il y a urgence à garantir une plus grande transparence dans la vie publique et dans les relations que les membres du Conseil entretiennent avec le Mali.  Elle a dénoncé les solutions de financement de l’entreprenariat qui sont avant tout destinées à éviter les flux migratoires plutôt que de chercher à faciliter un réel développement économique et financier des personnes bénéficiaires.  L’aide est aussi importante que ses conditions d’octroi, a-t-elle souligné. 

Regrettant que l’enjeu de la gouvernance a été minimisé trop longtemps par ceux et celles qui prétendaient apporter la solution aux crises sahéliennes, Mme Dicko a dit qu’il est pourtant au cœur des défis au Mali.  Elle a constaté que l’on parle de ramener l’État dans les zones où il a été absent pendant des années et qui ont été reprises aux groupes dits djihadistes, mais que l’on ne s’interroge jamais sur la nature de l’État qu’on parle de réinstaller.  « Est-ce que faire revenir un État souvent vu par la jeunesse comme indifférent à son sort, voire perçu comme prédateur, est-il la solution? a demandé la militante.  Le Mali souffre d’un contrat social qui est rompu, a-t-elle rappelé en soulignant le défi qui consiste surtout à transformer l’État et l’action publique pour qu’ils soient au service de l’ensemble des Maliens et des Maliennes. 

Avant de terminer, Mme Dicko a invité le Conseil de sécurité à faire confiance en la population malienne et en sa société civile, qui sont la clef pour résoudre les crises actuelles.  « Il est primordial que notre société civile soit soutenue, accompagnée et renforcée. »  À travers elle, nous améliorerons la gouvernance en travaillant pour plus de transparence et de responsabilité dans l’action publique, a argué la militante qui a promis de nouvelles solutions et un nouveau vivre-ensemble.  Elle a demandé au Conseil d’intervenir dans la recherche rapide de solution à la situation politique entre le Gouvernement malien et la CEDEAO.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a constaté que la situation au Mali est extrêmement préoccupante et relevé que les autorités de transition n’ont pas respecté leurs engagements.  Regrettant l’absence de trajectoire réaliste de retour à l’ordre constitutionnel, il a dénoncé le rétrécissement de l’espace démocratique et dit soutenir pleinement tous les efforts de la CEDEAO pour obtenir le respect des engagements des autorités de transition et l’organisation dans des délais raisonnables des élections devant clore la période de transition.  Il a aussi regretté l’absence de progrès dans la mise en œuvre de l’accord de paix et l’absence de stratégie intégrée pour les régions du centre, qui laisse les populations en proie à l’insécurité et à la dégradation de la situation humanitaire.  En outre, de même que la CEDEAO, il a regretté profondément que les autorités de transition utilisent des fonds publics déjà limités pour rétribuer des mercenaires étrangers au lieu de soutenir les forces nationales et les services publics au bénéfice du peuple malien.  « La France et ses partenaires les plus proches ont fermement condamné le déploiement sur le territoire malien de mercenaires du groupe Wagner, connus pour menacer les civils, violer le droit international et la souveraineté des États. »

La France reste déterminée à soutenir le Mali et le peuple malien, a affirmé M. de Rivière avant d’appeler les autorités de transition à reprendre le chemin du dialogue, à avancer dans la préparation concrète des élections sur la base d’un calendrier crédible, à progresser dans la mise en œuvre de l’accord de paix et à développer une stratégie pour le centre.  « Nous reconnaissons la gravité des défis auxquels doit faire face le Mali et nous ne sous-estimons pas l’ampleur de la tâche.  C’est pourquoi nous poursuivons nos opérations militaires pour faire face à la menace terroriste au Sahel. »  C’est aussi pourquoi, a ajouté le représentant, nous avons toujours maintenu notre aide au développement et notre aide humanitaire au profit des Maliens, tout comme l’Union européenne.  Il a également indiqué renforcer son soutien à la société civile malienne en saluant sa vitalité.  Le représentant de la France a réitéré son appui à la MINUSMA et au Représentant spécial, et salué l’engagement des pays contributeurs de troupes.  Il s’est dit très préoccupé par les risques que fait courir le déploiement des mercenaires du groupe Wagner au bon accomplissement du mandat de la MINUSMA, rappelant être instruit à cet égard de l’expérience grave de la MINUSCA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine).  Redisant poursuivre les efforts pour répondre aux besoins des Maliens, M. de Rivière a appelé « encore une fois » les autorités de transition à la reprise du dialogue et à des engagements clairs en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a regretté la mort de huit Casques bleus à la suite d’attaques devenues trop fréquentes.  Ces incidents montrent la gravité des défis sécuritaires et soulignent la nécessité d’efforts concertés de la part du Gouvernement malien et des partenaires internationaux pour stabiliser le pays.  Ces efforts doivent être dirigés par un gouvernement légitime qui répond aux besoins de sa population, a dit le représentant dénonçant le Gouvernement de transition qui « cherche à prolonger son mandat ».  « Déçu » de la demande du Mali de retarder les élections jusqu’à cinq ans, le représentant a noté que cela remet en question son engagement en faveur de la démocratie et de l’état de droit.  Apportant son appui aux efforts de médiation de la CEDEAO, M. Kariuki a appelé les autorités de transition à préparer sans délai les élections afin que l’ordre constitutionnel puisse être rétabli dès que possible.  Pour lui, ce sera au prochain gouvernement démocratiquement élu de mener à bien toutes les réformes à plus long terme.  

Il a encouragé les autorités de transition à continuer de collaborer de bonne foi avec la CEDEAO, afin qu’un calendrier électoral crédible puisse être convenu.  M. Kariuki a constaté l’élargissement du conflit vers le sud et estimé que la présence confirmée du groupe Wagner au Mali risque de déstabiliser davantage le pays.  Nous avons vu comment les droits humains des civils et comment les Casques bleus ont été mis en danger par la présence de forces Wagner en République centrafricaine, a rappelé le représentant pour qui leur déploiement ne fera qu’accroître les défis auxquels le Mali est confronté.  Il a exhorté le Gouvernement malien à repenser sa décision.  Il a également déclaré que les troupes britanniques apportent une contribution tangible aux objectifs de la MINUSMA, y compris en ce qui concerne la protection des civils dans les zones difficiles d’accès.  Dénonçant le rétrécissement de l’espace pour les acteurs des droits humains dans le pays et le maintien des obstacles à la participation des femmes aux processus politiques et de consolidation de la paix, le représentant a indiqué que son gouvernement finance des programmes pour aider à faire entendre la voix des Maliennes.  Il a terminé en exhortant les autorités de transition, les groupes armés signataires et toutes les parties prenantes à redoubler d’efforts pour inclure les femmes et les jeunes. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré que l’obligation de restituer l’ordre constitutionnel doit être mis en œuvre en tenant compte des réalités sur le terrain, lesquelles ont leur logique propre et nécessitent la mise en place de certains ajustements.  Évoquant les élections législatives, il a estimé qu’à moins de rétablir le contrôle de l’État dans de nombreuses régions du pays, les résultats du scrutin seront difficilement considérés comme fiables.  Et cela tracera une voie directe vers une autre instabilité politique comme cela s’est produit au Mali en 2020, a-t-il mis en garde.  Il a également affirmé que les ingérences extérieures « excessives » dans ces questions, « dont nous avons été témoins ces derniers mois », ne peuvent que compliquer la situation.

M. Nebenzia a relevé que la situation sécuritaire reste précaire, avec des extrémistes qui continuent de terroriser la population locale, et de mener des attaques contre des formations militaires maliennes et les Casques bleus de l’ONU.  Il a noté que suite à la fermeture de certaines bases françaises dans le pays, les Maliens se retrouvent seuls et a estimé que les Maliens ont le droit d’interagir avec d’autres partenaires qui sont prêts à coopérer avec eux dans le domaine du renforcement de la sécurité.  Critiquer de telles actions est fallacieux et irrespectueux face à un État souverain, a dénoncé le délégué.  De même, l’imposition de sanctions contre ce pays faisant déjà face à de nombreuses difficultés pourraient conduire à des conséquences fâcheuses.

Le délégué a ensuite estimé que les décisions concernant les modalités du mandat de la MINUSMA, y compris le nombre des forces engagées, doivent être prises à la lumière de l’avis de Bamako, ajoutant que la Fédération de Russie soutient le principe de « problèmes africains - solutions africaines ».  Reconnaissant que la situation au Mali est un facteur clef de sécurité régionale, M. Nebenzia s’est dit prêt à examiner les propositions visant à étendre l’assistance à la Force conjointe du G5 Sahel par l’intermédiaire du Conseil de sécurité de l’ONU.

Pour M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique), le Mali est un cas très complexe de rencontre de corruption, de violence et de conflits armés.  Il a constaté que le report du calendrier électoral de cinq ans, décidé par le Gouvernement de transition, complique davantage la situation politique et sécuritaire, et a demandé aux autorités maliennes de présenter un calendrier électoral qui ne prolonge pas la période de transition.

Le représentant a pris note des sanctions adoptées au Ghana dimanche dernier et a appelé à ce que celles-ci n’aient pas d’incidences sur l’action humanitaire.  Il a ensuite souligné que seul un gouvernement légitime au Mali pourra répondre aux nombreuses aspirations de la population.  Préoccupé par l’avancée de la violence dans le centre du pays en raison notamment de l’insuffisance de la présence sécuritaire de l’État malien, il a invité ce dernier à assurer la souveraineté territoriale et la sécurité au Mali.

Au nom des A3 (Ghana, Gabon et Kenya), M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a dit reconnaître l’urgente nécessité pour le peuple malien de vivre en sécurité et d’avoir un gouvernement qui le représente.  La hausse rapide des dépenses militaires dans le contexte d’insécurité a renversé les priorités du Gouvernement, a-t-il reconnu.  Il a déploré qu’en dépit de l’augmentation de ces dépenses militaires, les exactions des groupes armés n’ont pas baissé.  Il a appelé à combler le vide laissé par la fermeture des bases militaires françaises au nord du Mali.

Le représentant a salué les Assises de la refondation, tout en notant que les mesures décidées nécessiteront assurément des moyens pour ramener la paix et la sécurité dans la région.  Il a appelé les autorités de transition à tenir compte de leurs engagements et des idéaux qui les lient à l’Union africaine (UA).  Les A3 exhortent le Conseil de sécurité à accueillir favorablement le communiqué final du Sommet de la CEDEAO, lequel rappelle qu’une transition plus rapide devrait être enclenchée au plus vite, a déclaré M. Biang.  Il a aussi exhorté le Conseil à appuyer la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la région et le Mali ainsi que le gel des avoirs de l’État malien dans les banques régionales de la CEDEAO.  M. Biang a plaidé pour que ces sanctions soient honorées en gardant à l’esprit les besoins opérationnels de la MINUSMA, notamment la nécessité de lutter contre le terrorisme au Mali, appelant également à un soutien logistique, matériel et financier en faveur de la Force conjointe du G5 Sahel, dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.  Selon les A3, seul un bureau conjoint pourrait permettre la bonne mise en place d’un tel appui, a dit le représentant qui a également proposé le déploiement d’une brigade d’intervention rapide comme c’est le cas pour certaines missions comme la MONUSCO.  Pour les A3, le Conseil doit envisager des mesures supplémentaires pour lutter contre les groupes terroristes dans la région, ce qui passe également par le renforcement des moyens aériens de la MINUSMA.  

Enfin, le représentant a exprimé la préoccupation des A3 face à la détérioration de la situation humanitaire au Mali.  Il a salué le fait que les sanctions de la CEDEAO ne touchent pas les articles clefs de l’action humanitaire tels que les médicaments ou les produits pétroliers.  

M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a condamné les attaques contre les Casques bleus de la MINUSMA et a appelé les autorités maliennes à traduire les auteurs de ces crimes devant la justice.  Il a souligné l’urgence de mettre en œuvre l’Accord pour la paix et la réconciliation et de renforcer la sécurité dans l’ensemble du territoire.  Préoccupé par l’incertitude de la situation politique, il a appelé les parties prenantes maliennes à parvenir à un consensus sur les aspects de fond de la transition, notamment le programme de réformes du Gouvernement de transition, les réformes électorales et la période de transition.  Il a salué les espoirs suscités par la tenue des Assises nationales de la refondation et a appelé les parties prenantes de faire avancer les recommandations qui en sont issues.  Il a aussi espéré que les autorités de transition entreprendront les réformes politiques, électorales et institutionnelles nécessaires et œuvreront à la tenue d’élections et au retour à un gouvernement démocratique.  

M. Tirumurti a par ailleurs déploré l’absence de progrès dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et a exhorté les autorités de transition et les autres signataires à accélérer le processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration.  Il a aussi réclamé une réponse régionale forte pour faire face à la menace terroriste au Mali.  La restructuration de la présence des forces internationales ne doit pas créer de vide sécuritaire mais être complété par une forte présence de forces nationales et régionales, a-t-il estimé.  Il a ensuite engagé l’ONU à fournir un plus grand appui, notamment financier, à la Force conjointe du G5 Sahel.  Il est également important que la MINUSMA dispose des ressources nécessaires pour s’acquitter de son mandat, a-t-il ajouté, insistant sur la sécurité et la sûreté des Casques bleus.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a tout d’abord présenté ses condoléances aux proches des Casques bleus tués en fin d’année 2021, et a estimé que les soldats de la paix doivent disposer des équipements nécessaires pour garantir leur sécurité, notamment face aux attaques perpétrées à l’aide d’engins explosifs improvisés.  Elle a ensuite appelé à soutenir tous les efforts déployés par la MINUSMA et la CEDEAO pour aider les autorités à mettre en œuvre la transition politique et à appliquer l’Accord pour la paix.

La représentante a décrié l’absence totale de volonté politique des autorités de transition maliennes en ce qui concerne la tenue des élections, les exhortant à tenir leur engagement de rétablir la démocratie.  Une transition sur cinq ans n’est pas dans l’intérêt du peuple malien, a-t-elle martelé, insistant en outre sur l’importance de la participation des femmes.  La représentante a également appelé à réaliser des progrès concrets dans la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, notamment en ce qui concerne l’intégration des anciens combattants et la participation des groupes de la société civile dirigés par des femmes.

Poursuivant, Mme Thomas-Greenfield s’est inquiétée de l’instabilité croissante de la situation sécuritaire, citant notamment les conflits intercommunautaires, la violence sexiste et la situation très grave dans le centre du pays.  Saluant le travail important de la MINUSMA auprès des femmes victimes de violences sexuelles, elle a appelé les autorités à traduire les auteurs de ces actes en justice.  Elle a aussi jugé nécessaire d’augmenter le plafond des troupes et de les doter de capacités de réaction plus rapide pour leur permettre de protéger les civils dans le centre du pays.  Il faut aussi aider les Casques bleus à mieux se protéger, grâce à des équipes de neutralisation des explosifs.  

Mme Thomas-Greenfield s’est ensuite préoccupée de la présence d’individus liés au groupe Wagner, y voyant une menace pour la MINUSMA et le peuple malien.  La MINUSMA mérite de savoir si ces soi-disant sous-traitants font partie de l’aide bilatérale officielle et, dans l’affirmative, ils doivent être tenus pour responsables par leur pays d’origine, a-t-elle dit.

La représentante a ensuite appelé les autorités de transition à élaborer une stratégie globale pour protéger les civils, rétablir l’autorité de l’État, fournir les services de base, notamment dans le centre du pays, et assurer la tenue des élections.  « Notre objectif est de travailler avec vous », a ajouté la déléguée, s’adressant directement au représentant du Mali.  « Travaillons ensemble pour accueillir de nouveau le Mali dans la famille des nations où le Mali a sa place. »

M. FERIT HOXHA (Albanie) s’est inquiété de la détérioration de la situation sécuritaire dans le centre du Mali et a jugé impératif que les autorités s’accordent sur une stratégie politique pour protéger les civils.  Il est également crucial que le Conseil de sécurité fournisse suffisamment de troupes et d’équipements militaires à la MINUSMA pour lui permettre de défendre son propre personnel et les civils et d’adapter ses opérations, a-t-il ajouté.  Préoccupé par la propagation de la radicalisation et de l’extrémisme violent, le représentant a signalé que le déploiement de mercenaires étrangers ne fait que complexifier la situation.  Il a appelé les autorités à ne pas prendre des décisions aussi conséquentes à la légère, alertant du risque de détérioration d’une stabilité déjà très fragile.  « Le Mali a besoin de décisions avisées et d’actions responsables, pas de mercenaires irresponsables », a dit le délégué qui s’est aussi inquiété de l’importante augmentation des violations des droits humains et des abus signalés par la MINUSMA, exhortant les autorités de transition à mener des enquêtes effectives.

M. Hoxha a par ailleurs dénoncé le report « inacceptable » du calendrier électoral, y voyant le désir de rester au pouvoir de manière illégale.  Il a fait part de son plein appui aux initiatives de la CEDEAO et a appelé les autorités à accélérer le retour à l’ordre constitutionnel.  « C’est au peuple de décider », a-t-il affirmé, exprimant par la suite ses préoccupations au sujet du manque de mise en œuvre de l’Accord pour la paix.  Il a appelé le Conseil à exercer toutes les pressions possibles pour que les parties prenantes maliennes passent d’un processus de consultations qui s’éternise à des actions concrètes, et parviennent à un consensus sur une période de transition raisonnable.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a estimé que la proposition de transition présentée par les autorités, visant à reporter jusqu’à cinq ans le retour à l’ordre constitutionnel, ne contribue en rien aux efforts de stabilisation.  Même si « l’initiative » de la fonder sur une large consultation populaire, compte tenu de la participation des femmes et des groupes minoritaires, est louable, les Maliens méritent une transition rapide vers la démocratie.  Pour cette raison, le Brésil soutient les efforts de la CEDEAO pour assurer la conclusion de la transition politique, a indiqué le représentant qui a exhorté les autorités maliennes à tenir des élections générales dès que possible.  Relevant que les élections à elles seules ne suffiront pas à mettre fin au conflit malien, il a également jugé essentiel de mettre en œuvre les engagements pris par les parties à l’Accord pour la paix.  Le délégué a aussi exhorté les forces politiques à honorer les engagements pris à Alger, notamment en ce qui concerne l’intégration des ex-combattants dans les forces armées

M. de Almeida Filho s’est inquiété de l’expansion de la menace terroriste au sud du Mali, relevant en outre que les violations des droits humains continuent d’être monnaie courante.  Il a salué le fait que la MINUSMA a initié des projets à impact rapide afin de réduire la violence communautaire, ainsi que ses efforts pour contenir une détérioration encore plus grande des conditions de sécurité.  Cependant, le mandat de la Mission doit être compris comme transitoire et durable, a-t-il souligné, ajoutant que la solution dépend de la capacité de l’État malien à assumer ses responsabilités.  C’est pourquoi le Brésil défend le renforcement des institutions étatiques et des forces de sécurité au Mali, avec le ferme soutien de la communauté internationale.

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a déclaré qu’une transition politique prolongée au Mali servira seulement à aggraver l’instabilité, avant d’encourager le Gouvernement de transition à établir un calendrier pour le retour à l’ordre constitutionnel et la tenue des élections.  Préoccupée par les menaces auxquelles font face les civils maliens et les Casques bleus, elle a appelé à fournir des ressources suffisantes et appropriées à la MINUSMA et à augmenter la capacité de son personnel afin de soutenir les autorités nationales dans la protection des civils, en particulier dans le centre du pays.  Les efforts de la Mission ne pourront être durables que s’ils s’accompagnent d’un plan de stabilisation à long terme en matière de sécurité et de services publics essentiels, a-t-elle ajouté.

La représentante s’est ensuite inquiétée de l’augmentation des graves violations à l’encontre des enfants, ainsi que de la prévalence de la violence sexuelle et sexiste.  Elle a salué la signature par les autorités de transition d’un plan d’action visant à lutter contre les violences sexuelles liées aux conflits, pour ensuite appeler à nommer des femmes au Comité de suivi de l’Accord et à opérationnaliser l’observatoire indépendant des femmes.  La détérioration de la situation humanitaire exige aussi une attention urgente, a ajouté la déléguée qui a appelé toutes les parties à soutenir l’action humanitaire.  Un gouvernement inclusif, démocratique, dirigé par les civils représente la meilleure voie afin de réaliser la sécurité et la prospérité au Mali, et dans la région du Sahel, a souligné Mme Byrne Nason qui a appelé à la mise-en œuvre de l’Accord pour la paix.

M. DAI BING (Chine) a appelé la communauté internationale à appuyer les recommandations des Assises nationales de l’an dernier.  Il a insisté sur le fait que toute feuille de route doit respecter la volonté des Maliens.  Le représentant a dit prendre note des décisions de la CEDEAO et de la réaction du Mali, avant d’inviter les deux parties à trouver un terrain d’entente.  Il a appelé les forces qui sont hors de la région à se garder d’exercer des pressions sur le Mali, arguant qu’elles sont contre-productives.  Il est tout aussi important de poursuivre la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et d’avancer dans le cadre du DDR (désarmement, démobilisation et réintégration).  Le délégué chinois a rappelé que la MINUSMA est déployée dans un contexte très dangereux, comme en témoignent les 28 Casques bleus tués au Mali en 2021.  Il faut donc assurer une bonne sécurité pour les soldats de la paix, a-t-il plaidé.

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a appelé à achever le processus de transition politique et à réaliser des progrès concrets vers la tenue des élections en poursuivant les efforts du Gouvernement de transition.  Il est aussi essentiel de coordonner les efforts à l’échelle sous-régionale, régionale et internationale pour appuyer la transition politique conformément à l’Accord pour la paix et la réconciliation.  La représentante a également insisté sur l’importance du dialogue pour ensuite souligner l’importance de la participation des femmes au processus de transition et à la mise en œuvre de l’Accord.   

Dénonçant également la situation sécuritaire, la représentante a souligné le « rôle important » de la Force conjointe du G5 Sahel pour combattre le terrorisme au Mali et dans la région du Sahel.  Mme Nusseibeh a aussi appelé à adopter une approche intégrée et globale de lutte contre le terrorisme, notamment en répondant à ses causes premières et en renforçant l’état de droit et le développement économique de la région.  La représentante a en outre attiré l’attention sur l’urgence de répondre aux besoins humanitaires de la population.  Elle a aussi appelé à répondre aux menaces sécuritaires provoquées par les changements climatiques au Mali, formulant l’espoir que cette question sera prochainement examinée par le Conseil de sécurité.

Mme MONA JUUL (Norvège) a donné lecture d’une déclaration raccourcie, annonçant que la suite de son texte était publiée en ligne.  Elle a exprimé sa profonde préoccupation au vu de l’évolution de la situation politique, sécuritaire et humanitaire au Mali.  Reprenant les termes du Représentant spécial, elle a estimé que le Gouvernement de transition « et nous en tant que partenaires » devons aborder au moins trois choses de manière coordonnée.  La première est l’augmentation signalée des personnes déplacées, le ciblage systématique des civils et la poursuite des attaques contre les écoles, qui doivent cesser, y compris dans le centre.  La deuxième est le respect de l’Accord d’Alger, en tant que fondement légitime de la paix et de la poursuite du dialogue au Mali.  Son troisième point a été un appel aux dirigeants de transition du Mali pour qu’ils fassent preuve de prudence dans l’utilisation du pouvoir qu’ils ont pris par la force, pour le bien de la jeunesse malienne.  

La transition politique a besoin d’une nouvelle dynamique, a poursuivi la représentante en ajoutant que la sécurité et la bonne gouvernance doivent aller de pair.  « Nous demandons au Gouvernement de transition malien de tenir compte des messages de la CEDEAO. »  L’évolution de la situation au Mali n’affecte pas seulement les Maliens, mais aussi les pays voisins, a fait remarquer Mme Juul avant de plaider pour que des élections aient lieu et que l’ordre constitutionnel soit rétabli dès que possible pour garantir la légitimité et la responsabilité.  C’est la seule façon de connaître la véritable volonté du peuple malien, a-t-elle observé.

M. ISSA KONFOUROU (Mali) a rappelé que tout au long du mois de décembre 2021, les Maliennes et les Maliens, de l’intérieur comme de la diaspora, du niveau local à l’échelle nationale, ont procédé à un diagnostic sans complaisance des défis actuels du pays.  Les recommandations pertinentes, issues de ces Assises nationales de la refondation, constitueront une nouvelle feuille de route du Gouvernement de transition, a-t-il expliqué en signalant que le Gouvernement du Mali a immédiatement engagé des consultations avec la CEDEAO relativement au chronogramme de la Transition.  « Cependant, c’est avec stupéfaction que nous avons appris l’adoption de sanctions économiques et financières à l’encontre du Mali », a révélé le représentant.  Pour lui, ces mesures contrastent avec les efforts du Gouvernement et sa disponibilité au dialogue en vue d’un compromis avec la CEDEAO.  « Le Gouvernement a condamné ces sanctions illégales et illégitimes prises par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)et la CEDEAO, en violation flagrante des textes fondateurs de ces organisations, et en contradiction avec les principes de solidarité et l’idéal panafricain. »  Je rappelle, a-t-il dit, concernant l’UEMOA, qu’un embargo décidé par les chefs d’État et de gouvernement, applicable à un État souverain, constitue une violation manifeste du Traité de l’UEMOA et des statuts de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).  En outre, le gel des avoirs d’un État, des entreprises publiques et parapubliques ne saurait être appliqué par la Banque centrale qui reste un organe indépendant auquel chaque État membre a concédé son droit souverain d’émission, a-t-il plaidé. 

S’agissant de la CEDEAO, le représentant a cité plusieurs des mesures que le Gouvernement malien a dénoncées, car elles ne sont fondées sur aucun texte communautaire: la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la CEDEAO et le Mali; la suspension des transactions commerciales entre les pays de la CEDEAO et le Mali; le gel des avoirs de la République du Mali dans les banques centrales de la CEDEAO; le gel des avoirs de l’État malien et des entreprises publiques et parapubliques dans les banques commerciales des pays de la CEDEAO.  Dans son adresse à la nation, le 10 janvier 2022, le Président de la transition, Chef de l’État, le colonel Assimi GOITA, a déclaré que malgré le caractère illégal, illégitime et inhumain de certaines décisions, le Mali reste ouvert au dialogue avec la CEDEAO pour trouver un consensus entre les intérêts supérieurs du peuple malien et le respect des principes de l’Organisation.  À cette occasion, il a également appelé la CEDEAO à revoir sa grille de lecture de la situation au Mali en procédant à une analyse approfondie et en mettant l’intérêt des populations maliennes au-dessus de toute autre considération.  Enfin, le Président de la transition a réaffirmé sa volonté de tout mettre en œuvre pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel dans un Mali apaisé et sécurisé.  

Sur le plan sécuritaire, M. Konfourou a assuré que le Gouvernement du Mali continue d’intensifier les efforts pour le recrutement, la formation et l’équipement des Forces de défense et de sécurité maliennes, en vue de renforcer leurs capacités opérationnelles.  De décembre 2021 à nos jours, a-t-il témoigné, les Forces de défense et de sécurité maliennes ont engagé une vaste offensive, notamment dans les régions du centre et du sud du Mali.  Au cours de ces opérations, elles ont infligé de lourdes pertes aux groupes extrémistes, y compris des chefs terroristes.  Plusieurs interpellations ont eu lieu et une quantité importante de matériels de guerre a été récupérée, a précisé le représentant.  Ces opérations vont se poursuivre et s’intensifier avec l’objectif ultime de rétablir l’autorité de l’État, des services administratifs et sociaux de base sur l’ensemble du territoire national et de protéger nos populations et leurs biens, a promis le délégué.  Il a ajouté que la stratégie du Gouvernement pour stabiliser durablement le pays porte également sur les opérations pacifiques de désarmement des éléments des groupes extrémistes.  

M. Konfourou a ensuite répondu à une observation faite par certains membres du Conseil qui accusent le Gouvernement du Mali de recourir à une société de sécurité privée.  « Ceux qui entretiennent cette campagne de fausses informations savent pertinemment que le Mali n’a pris aucun engagement avec Wagner et qu’il n’y a aucun mercenaire présent sur le sol malien », a-t-il rétorqué.  Il a souhaité que soit mis fin à cette « campagne de désinformation » contre le Mali, soulignant que le pays n’est pas dans une logique de confrontation et reste ouvert à tous les partenaires qui souhaitent l’aider à relever ses multiples défis.  C’est dans ce cadre, a-t-il expliqué, que le Mali entretient une relation de coopération d’État à État avec la Russie et ce, depuis 1960.  Et c’est à la faveur de cette coopération « historique et dynamique » que des formateurs et instructeurs russes se trouvent actuellement au Mali pour conseiller et former les militaires maliens à l’utilisation du matériel acquis par le Mali auprès de la Fédération de Russie.  

Au sujet de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, il a rappelé que le Gouvernement et les mouvements signataires restent engagés dans une mise en œuvre diligente et intelligente.  Au titre du chapitre développement de l’Accord, il a cité la mise en place du Fonds pour le développement des régions du Nord et l’appel lancé aux partenaires du Mali à contribuer au financement de cette stratégie.  En ce qui concerne la situation actuelle au centre du Mali, il a assuré que le Gouvernement s’attèle à la mise en œuvre de la Stratégie de gestion intégrée de la crise au centre du Mali qui comprend des mesures politiques et sécuritaires, notamment le renforcement du dispositif de sécurité au centre et le dialogue envisagé avec les Maliens modérés. 

Sur la question de l’augmentation de l’effectif de la MINUSMA, le représentant a indiqué que le Gouvernement malien vient de donner son accord à la demande du Gouvernement tchadien de renforcer son contingent de 1 000 éléments supplémentaires au sein de la MINUSMA, un personnel qui sera déployé à Aguelhoc.  Au chapitre des droits de l’homme, M. Konfourou a indiqué que le Conseil des ministres a adopté, le 29 décembre dernier, les projets de texte instituant un mécanisme juridique unique de réparation et de mise en œuvre des mesures de réparation par voie administrative pour les préjudices subis par les victimes des différentes crises survenues au Mali depuis 1960.  Enfin, concernant la situation humanitaire, il a signalé que le Gouvernement du Mali adhère pleinement à l’appel du Secrétaire général pour une mobilisation des ressources en faveur du financement du plan de réponse humanitaire 2021.  

S’adressant à la représentante des États-Unis, il a dit que le Mali ne sera jamais dans une logique de confrontation avec quiconque et a assuré que le pays est ouvert à chacun de ses partenaires qui souhaite le soutenir.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité examine la situation en Afrique de l’Ouest marquée par l’expansion des activités terroristes et une piraterie de plus en plus sophistiquée

8944e séance - matin
CS/14761

Le Conseil de sécurité examine la situation en Afrique de l’Ouest marquée par l’expansion des activités terroristes et une piraterie de plus en plus sophistiquée

Le Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) a exhorté, ce matin, devant le Conseil de sécurité, la communauté internationale à se préoccuper du caractère urgent « d’une situation qui hypothèque l’avenir des populations et dont les conséquences pourraient se faire ressentir bien au-delà de la sous-région ». 

Présentant le dernier rapport du Secrétaire général sur les développements en Afrique de l’Ouest et au Sahel, M. Mahamat Saleh Annadif s’est notamment inquiété de la détérioration de l’environnement sécuritaire marqué par des attaques terroristes incessantes au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Nigéria, signalant que les incidents dans le nord de la Côte d’Ivoire, du Bénin et du Togo démontrent la réalité du déplacement des actes de terrorisme du Sahel vers les pays côtiers du golfe de Guinée.  

« L’une des conséquences majeures des développements sécuritaires est que notre région vit une crise humanitaire multiforme, caractérisée par la hausse des prix des produits alimentaires, l’augmentation de la pauvreté du fait de la COVID-19 et la perte des récoltes du fait de la sécheresse », a reconnu M. Annadif en alertant que 38 millions de personnes risquent de manquer de nourriture d’ici la prochaine saison et qu’un million de personnes déplacées ont abandonné leurs terres agricoles en raison de l’insécurité.

« Chaque année, le Sahel s’enfonce un peu plus dans une crise dont les populations sont les premières victimes », a déploré de son côté la représentante de la Coalition citoyenne pour le Sahel.  Constatant que « la stratégie du tout sécuritaire » a failli, Mme Cécile Thiombiano Yougbaré a exhorté à radicalement changer d’approche, « et le faire tout de suite », décriant une stratégie qui n’aurait pas suffisamment pris en compte les besoins de la population et ne se serait pas suffisamment appuyée sur la société civile.

C’est pourquoi elle a exhorté la communauté internationale à mettre en œuvre une nouvelle approche qui s’appuie sur quatre « piliers citoyens » définis par la Coalition citoyenne pour le Sahel et qui appellent à prioriser la protection des civils; à s’attaquer aux causes profondes de la crise en tenant compte des attentes de la société civile; à faire en sorte que les financements soient à la hauteur des besoins et que l’accès humanitaire ne soit jamais entravé, et à lutter contre l’impunité.  Constatant en outre que la réponse antiterroriste seule est vouée à l’échec, la militante a appelé des membres du Conseil, « comme la France », à laisser les sociétés sahéliennes décider de ce qu’elles veulent.  

Le Conseil de sécurité a également entendu la Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) faire état d’une augmentation marquée du trafic de drogue en Afrique de l’Ouest qui continue d’être fortement touchée par les importations illégales de tramadol.  Outre la fabrication de méthamphétamine, les plus grandes menaces pour la sécurité sont posées par le trafic de cocaïne, l’Afrique de l’Ouest servant de transit pour les expéditions vers l’Europe centrale et occidentale, tandis que le Sahel est aussi une route principale pour le trafic de résine de cannabis.  Selon Mme Ghada Fathi Waly la valeur de ces flux illicites dépasse le budget de certains pays de transit, « ce qui est très déstabilisant dans le cadre de cette situation sécuritaire complexe ». 

La haut fonctionnaire a également attiré l’attention sur l’étendue des incidents de piraterie dans le golfe de Guinée, théâtre de la majorité des enlèvements de marins contre rançon dans le monde.  Selon elle, la piraterie et les vols à main armée en mer coûtent aux pays de la sous-région environ 1,94 milliard de dollars par an, tandis que les frais portuaires et les tarifs d’importation perdus en raison de la diminution des activités maritimes sont estimées à 1,4 milliard de dollars par an.  Ces milliards représentent un potentiel perdu, des fonds qui auraient pu être investis dans des économies licites et le développement des communautés côtières, a déploré la Directrice exécutive de l’ONUDC.   

La Norvège a appelé les États Membres à collaborer de manière urgente pour faire face à cette situation.  À l’approche du dixième anniversaire de l’architecture de Yaoundé, la délégation a notamment jugé important d’évaluer ce qui fonctionne et ce qui doit être amélioré, appelant les membres du Conseil à appuyer une résolution sur cette question.  Les A3 (Gabon, Ghana et Kenya) ont eux aussi encouragé un soutien urgent à la pleine opérationnalisation de l’ensemble de l’architecture de sûreté maritime de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. 

Les trois membres africains du Conseil de sécurité se sont par ailleurs préoccupés du recul des valeurs démocratiques et de la culture constitutionnelle en l’Afrique de l’Ouest et au Sahel, s’inquiétant notamment des retards dans les processus de transition au Mali et de la non-mise en place du Conseil national de transition en Guinée.  À l’instar de nombreuses délégations, ils ont en revanche salué le bon déroulement des élections à Cabo Verde et en Gambie.

On retiendra également l’intervention de la France qui a appelé à soutenir la Force conjointe du G5 Sahel de manière prévisible et durable, en arguant qu’un bureau de soutien des Nations Unies est le meilleur mécanisme pour y parvenir. 

CONSOLIDATION DE LA PAIX EN AFRIQUE DE L’OUEST

Déclarations

Intervenant par visioconférence, Mme GHADA FATHI WALY, Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a relevé que les incidents dans le golfe de Guinée représentent la majorité des enlèvements de marins contre rançon dans le monde, précisant que ceux-ci sont perpétrés par des groupes de pirates qui gagnent en sophistication et qui sont de plus en plus en mesure de mener des attaques contre des navires dans des eaux plus profondes.  Elle a noté que le nombre total d’incidents dans le golfe de Guinée a diminué l’année dernière, grâce notamment à l’adoption par de nombreux États de législations et stratégies maritimes.  Néanmoins, les progrès sont au point mort dans la mise en œuvre de l’architecture de sécurité maritime du golfe de Guinée.  Et dans ce contexte, les répercussions de la piraterie et de l’insécurité maritime sur la paix, la stabilité et le développement régionaux restent profondes.  Ainsi, une nouvelle étude de Stable Seas, menée en partenariat avec l’ONUDC et financé par la Norvège, estime que la piraterie et les vols à main armée en mer coûtent aux pays du golfe de Guinée environ 1,94 milliard de dollars par an.  De même, les frais portuaires et les tarifs d’importation perdus en raison de la diminution des activités maritimes sont estimées à 1,4 milliard de dollars par an.  Ces milliards représentent un potentiel perdu, des fonds qui auraient pu être investis dans des économies licites et le développement des communautés côtières, a affirmé la Directrice exécutive. 

Plus largement, elle a indiqué qu’à travers l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, le crime organisé, facilité par la corruption, perpétue l’instabilité, la violence et la pauvreté.  Le manque d’opportunités et la frustration conduisent les plus jeunes à la piraterie et au crime, et les laissent plus réceptifs aux récits de radicalisation, a-t-elle expliqué.  Selon le rapport mondial 2020 de l’ONUDC sur la traite des personnes, quelque 59% des victimes de la traite en Afrique de l’Ouest et du Centre sont des enfants et 27% sont des femmes.

En outre, les États de la région ont également sonné l’alarme devant l’augmentation marquée du trafic de drogue et l’insécurité y relative ces dernières années.  Mme Fathi Wally a souligné que l’augmentation de l’utilisation non médicale des opioïdes pharmaceutiques et les troubles liés à l’usage de drogues nuisent à la santé publique et la sécurité en Afrique de l’Ouest qui continue d’être fortement touchée par les importations illégales de tramadol.  La région est aussi devenue un fabricant de méthamphétamine, principalement destinée aux marchés d’Asie de l’Est et du Sud-Est.  Mais les plus grandes menaces pour la sécurité sont posées par le trafic de cocaïne, car l’Afrique de l’Ouest sert de transit pour les expéditions vers l’Europe centrale et occidentale.  Les données nationales sur les saisies de drogue suggèrent que le trafic de cocaïne au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Nigéria et au Sénégal a augmenté au cours des deux dernières années.  Et le Sahel est aussi une route principale pour le trafic de résine de cannabis, avec l’implication signalée de personnes affiliées à des groupes armés sahéliens.  Elle a précisé que la valeur de ces flux illicites dépasse le budget de certains pays de transit, « ce qui est très déstabilisant dans le cadre de cette situation sécuritaire complexe ».  En outre, ce trafic de drogue ainsi que le commerce illicite des armes à feu et autres biens contribuent au financement du terrorisme.   

Pour faire face à ces défis, la Directrice exécutive de l’ONUDC a appelé à intensifier le renforcement de la coopération et à élaborer des réponses efficaces qui s’appuient sur des cadres juridiques et institutionnels internationaux, régionaux ainsi que sur des capacités nationales.  C’est en ce sens que s’inscrit le soutien de l’ONUDC qui contribue par exemple à l’examen de la législation et des cadres réglementaires dans les 16 pays côtiers d’Afrique de l’Ouest et du Centre, a-t-elle indiqué.  L’Office a déjà formé près de 2 000 juges, procureurs, avocats et agents d’exécution, et appuie le renforcement des capacités de justice pénale des pays du golfe de Guinée et de toute l’Afrique de l’Ouest.  L’ONUDC entend également continuer à renforcer ses partenariats avec les organisations régionales.  Une Afrique de l’Ouest et un Sahel pacifiques ne sont possibles que si la communauté internationale travaille avec les États de la région pour soutenir les efforts transfrontaliers pour lutter contre les questions interconnectées de drogues, de criminalité, de corruption et les menaces terroristes, a-t-elle estimé. 

Mme CÉCILE THIOMBIANO YOUGBARÉ, qui intervenait au nom de Médecins du Monde France, membre de la Coalition citoyenne pour le Sahel, a expliqué que cette dernière est née du constat selon lequel la stratégie menée depuis 2013 pour tenter de mettre fin à la violence n’a pas permis de ramener la stabilité dans la région.  Au contraire, chaque année, le Sahel s’enfonce un peu plus dans une crise dont les populations sont les premières victimes, a-t-elle déploré, précisant notamment qu’en 2021, plus de 800 civils ont été tués au Mali, au Burkina Faso et au Niger, dans des attaques attribuées à des groupes armés non étatiques.

Au « Burkina », a-t-elle enchainé, on estime qu’en 2022, 8 millions de personnes seront directement affectées par la fermeture ou la réduction des services sociaux de base, alors que 1,5 million d’entre elles ont déjà été obligées de fuir leurs domiciles à la recherche de la sécurité.  Mme Thiombiano Yougbaré a également fait état des effets « dévastateurs » liés au manque d’accès aux soins de santé; à l’insécurité alimentaire, « quatre fois plus importante en 2021 que ce qui était prévu en 2020 »; à la déscolarisation de 500 000 enfants; « et surtout » à l’explosion des violences basées sur le genre à l’encontre des femmes et des filles.  Au « Burkina », a-t-elle détaillée, 53% des personnes déplacées internes sont des femmes et parmi elles, trois sur quatre se disent survivantes de violences. 

Mme Thiombiano Yougbaré s’est également déclarée particulièrement préoccupée par les attaques contre les soins de santé, précisant que rien qu’en 2020, 25 personnels de santé ont été tués au Burkina Faso et 6 ont été kidnappés ou blessés.  Elle s’est aussi inquiétée de la montée de la colère qui s’exprime contre les autorités nationales et aussi contre des pays qui sont présents militairement dans la région, comme la France.

À la question de savoir « comment on en est arrivé là », l’intervenante a estimé que la réponse sécuritaire telle qu’elle a été menée n’a pas suffisamment pris en compte les besoins des populations, et ne s’est pas suffisamment appuyée sur la société́ civile.  La stratégie du tout sécuritaire a failli et il faut radicalement changer d’approche, et le faire tout de suite, a-t-elle exhorté.

Elle a appelé à mettre en œuvre une nouvelle approche qui s’appuie sur quatre « piliers citoyens » définis par la Coalition citoyenne pour le Sahel.  Elle a tout d’abord engagé les États sahéliens et la communauté́ internationale à placer les civils au cœur de la réponse à la crise.  C’est le pilier citoyen numéro 1, a-t-elle dit.  Les décisions politiques et les opérations militaires doivent prioriser la protection des civils.  Et pour cela, il faut que les forces de défense et de sécurité sahéliennes et internationales fassent preuve de plus de transparence et de redevabilité dans la conduite de leurs opérations militaires.

Elle a ensuite appelé à assurer la mise en œuvre d’une approche véritablement holistique qui s’attaque aux causes profondes de la crise, mue par le constat que la réponse antiterroriste seule est vouée à̀ l’échec.  Pour cela, il va falloir aussi que des membres de ce Conseil, comme la France, laissent les sociétés sahéliennes décider de ce qu’elles veulent, a-t-elle estimé.  Les sociétés doivent pouvoir décider qu’elles veulent faire du dialogue entre les parties un élément essentiel à la résolution de la crise actuelle.

En troisième lieu, Mme Thiombiano Yougbaré a appelé à répondre à l’urgence humanitaire, jugeant indispensable de faire en sorte que les financements soient à la hauteur des besoins, et que l’accès humanitaire ne soit jamais entravé.  C’est particulièrement crucial pour les femmes et les filles, car nous savons que 60% de la mortalité maternelle en contexte de crise est évitable.  Elle a aussi appelé à financer et mettre en œuvre le Dispositif minimum d’urgence en santé sexuelle et reproductive, exhortant par ailleurs au respect du droit international humanitaire et des principes d’impartialité, de neutralité et d’indépendance des acteurs de l’aide.

« Enfin, luttez contre l’impunité », a lancé Mme Thiombiano Yougbaré qui a alerté que tant que celle-ci prévaudra, il sera impossible de rétablir la confiance entre les populations et les gouvernements.  « Or cette confiance est cruciale pour résoudre les crises au Sahel », a-t-elle souligné.

L’intervenant a par ailleurs souhaité que les prochaines communications du Conseil de sécurité soulignent que la lutte contre le terrorisme ne doit pas se faire au détriment de la protection des civils.  Les populations du Sahel ont besoin que le Conseil de sécurité entende la voix de la société civile sahélienne et les mette au cœur de sa réponse à la crise, a-t-elle souligné.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), a salué les bons offices de M. Annadif Khatir Mahamat Saleh ainsi que la participation à cette réunion des deux intervenantes qui apportent « leurs perspectives uniques ».  M. Agyeman a souligné l’importance de la diplomatie préventive dans le mandat de l’UNOWAS et plaidé pour un engagement accru dans ce domaine.  Il a reconnu les progrès accomplis dans la consolidation de la démocratie à Cabo Verde et en Gambie, tout en notant les défis politiques, sécuritaires et humanitaires persistants dans certaines parties de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel.  Il s’est félicité des « gestes conciliants des Présidents du Bénin et de la Côte d’Ivoire qui ont contribué à apaiser les tensions politiques dans les deux pays ».  Il s’est également félicité du dialogue en cours au Burkina Faso, au Sénégal et au Togo visant à parvenir à un consensus sur les questions politiques et de sécurité. 

Au titre des sujets de préoccupation, M. Agyeman a cité en premier « le recul des valeurs démocratiques et de la culture constitutionnelle de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel » par le changement anticonstitutionnel de gouvernements qui s’est d’abord produit au Mali, à deux reprises, puis en Guinée.  La situation politique dans ces deux pays va à l’encontre de l’architecture de gouvernance de la CEDEAO, telle qu’exprimée dans le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance, selon les A3: elle constitue une source de division et d’instabilité avec des implications pour l’ensemble de la région.  Le représentant a salué la détermination de l’Autorité des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO à assurer une transition accélérée vers un régime constitutionnel dans ces pays.  Il s’est aussi inquiété des retards dans les processus de transition au Mali et de l’absence de chronogramme pour les élections et la non-mise en place du Conseil national de transition en Guinée, appelant le Conseil à apporter son plein soutien aux mesures annoncées lors de la réunion extraordinaire de l’Autorité des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO qui vient de s’achever à Accra. 

Pour le cas du Mali, il a indiqué que l’Autorité de la CEDEAO, qui juge inacceptable la proposition des autorités de porter la transition à cinq ans, a appliqué des mesures diplomatiques, économiques et financières nouvelles et supplémentaires conformément aux protocoles communautaires, dont la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays membres de la CEDEAO et le Mali et la suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les États membres de la CEDEAO et le Mali.

S’agissant de la Guinée, les A3 estiment que la parole de la junte guinéenne, face à l’absence de feuille de route de transition, ne donne aucune assurance d’un engagement à rétablir l’ordre constitutionnel.  Le représentant a donc appelé les autorités guinéennes à travailler avec la CEDEAO pour mettre en place le Conseil national de transition.  Il s’est félicité de la décision de la CEDEAO d’envoyer une mission à Conakry pour discuter du processus de transition avec les autorités de transition. 

Deuxième source de préoccupation pour les A3, la détérioration de la situation sécuritaire dans la région, notamment les attaques terroristes dans un certain nombre de pays de la région, qui s’étend aux pays côtiers.  Il a réitéré l’appel lancé par le Conseil de sécurité au Secrétaire général pour qu’il tire parti des initiatives et mécanismes existants de l’ONU en vue de lancer des projets spécifiquement consacrés à l’endiguement de la violence intercommunautaire, en étroite coordination avec l’Union africaine, y compris sa Mission pour le Mali et le Sahel.  En prévision des élections en Libye, il a dit soutenir l’appel de l’UA à la coopération entre les principales parties prenantes dans l’élaboration et la mise en œuvre du plan de retrait des forces étrangères.  Il s’est félicité de la décision de l’Autorité d’activer immédiatement, en prévision de toute éventualité, la Force en attente de la CEDEAO en raison de ses décisions sur la situation malienne. 

Les A3, préoccupés par le lien entre les réseaux criminels maritimes et les groupes terroristes terrestres dans la région, encouragent un soutien urgent à la pleine opérationnalisation de l’ensemble de l’architecture de sûreté maritime de la CEDEAO.  Le représentant a salué les discussions engagées au sein du Conseil sur la piraterie maritime dans le golfe de Guinée, disant compter sur le soutien et la coopération des membres du Conseil dans ce processus.  Il a demandé que des mesures concrètes soient prises en matière de désarmement, de démobilisation et de réinsertion pour répondre aux recrutements de groupes ayant des idéologies extrémistes.  Il a aussi appelé à s’attaquer aux économies criminelles qui encouragent et permettent aux groupes armés illégaux d’opérer efficacement.  Il a, par ailleurs, réitéré le soutien des A3 à l’inclusion des menaces pour la sécurité induites par le climat dans le mandat de l’UNOWAS.  La prochaine conférence régionale sur les changements climatiques, la paix et la sécurité en Afrique de l’Ouest et au Sahel, qui se tiendra au premier trimestre de 2022, fera à son avis avancer le processus de résolution du problème dans la région. 

Enfin, le représentant a exprimé ses préoccupations quant à l’impact humanitaire de la situation de conflit dans la région, citant notamment les affrontements entre agriculteurs et éleveurs et les catastrophes naturelles.  L’impact accru de la pandémie de COVID-19 sur les conditions socioéconomiques des populations de la région pose des défis supplémentaires à la stabilité de la région, a-t-il rappelé en appelant à l’équité et à la justice en matière de vaccins.  Le représentant s’est aussi félicité des investissements dans les capacités militaires et dans des domaines tels que la gestion des frontières et l’échange de renseignements afin de mieux gérer l’instabilité dans la région, même s’ils ne sont encore que « rudimentaires ».  Il a conclu en appelant les États de la région et les partenaires internationaux à soutenir des approches globales, notamment par le biais de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel et du Plan d’investissement prioritaire du Groupe de cinq pays du Sahel.

Présentant le dernier rapport du Secrétaire général sur les développements en Afrique de l’Ouest et au Sahel, M. MAHAMAT SALEH ANNADIF, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) a d’abord cité le succès des travaux de la Commission mixte Cameroun-Nigéria en charge de la mise en œuvre de l’arrêt de la Cour internationale de Justice sur le conflit frontalier entre les deux pays.  Il a indiqué que la dernière réunion, qu’il a présidée en novembre, a permis de noter que les deux pays se sont entendus sur 2 050 kilomètres du tracé de la frontière estimée à 2 100 kilomètres, « ce qui laisse très peu de points de désaccord », et que 1 673 bornes sont déjà construites, soit plus 60% du projet.  

« Le 4 décembre, en compagnie de cinq anciens chefs d’État africains à la tête de missions d’observation électorale, j’ai été le témoin privilégié de l’enthousiasme et de la discipline avec lesquelles un pourcentage record de 89% d’électeurs gambiens ont exprimé librement leur vote au scrutin présidentiel », a poursuivi M. Annadif avant de saluer l’issue d’une élection présidentielle « exemplaire » à Cabo Verde.  Le Représentant spécial a ajouté que les prochaines élections locales au Sénégal dans une dizaine de jours verront pour la première fois les maires élus au suffrage universel direct, et que le dialogue est également productif au Niger où l’opposition et la majorité continuent de discuter.  En Guinée-Bissau, en coordination avec la CEDEAO, nous sommes en contact permanent avec les acteurs politiques pour faciliter une entente sur les réformes indispensables, a-t-il indiqué, avant de souligner son engagement en Sierra Leone et ailleurs pour combler des divergences.    

Malgré ces progrès politiques, M. Annadif a regretté la détérioration de l’environnement sécuritaire marqué par des attaques terroristes incessantes au Mali, au Burkina Faso et au Niger.  « Au Nigéria, le regain de criminalité et de conflits entre agriculteurs et éleveurs a détourné l’attention de la violence extrémiste dans le nord-est, qui reste néanmoins omniprésente », a-t-il noté, avant d’expliquer que les incidents dans le nord de la Côte d’Ivoire, du Bénin et du Togo démontrent la réalité du déplacement des actes de terrorisme du Sahel vers les pays côtiers du golfe de Guinée.  

« L’une des conséquences majeures de ces développements sécuritaires est que notre région vit une crise humanitaire multiforme, caractérisée par la hausse des prix des produits alimentaires, l’augmentation de la pauvreté du fait de la COVID-19 et la perte des récoltes du fait de la sécheresse », a noté M. Annadif qui a alerté que 38 millions de personnes risquent de manquer de nourriture d’ici à la prochaine saison alors qu’un million de personnes déplacées ont abandonné leurs terres agricoles en raison de l’insécurité.  En novembre 2021, il y avait plus de 8 millions de réfugiés, déplacés internes, rapatriés et apatrides en Afrique de l’Ouest et 4,1 millions dans les pays du G5 Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie).  M. Annadif s’est aussi inquiété de la situation de millions d’enfants qui grandissent traumatisés, mal nourris, mal soignés, et sans éducation. 

Dans ce contexte, il a exhorté la communauté internationale à se préoccuper du caractère urgent d’une situation qui hypothèque l’avenir des populations et dont les conséquences pourraient se faire ressentir bien au-delà de la sous-région.  Le Chef de l’UNOWAS s’est félicité des dernières opérations conjointes entre le Burkina Faso et le Niger d’une part et entre la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo et le Bénin d’autre part ainsi que du travail de la Force multinationale mixte dans le bassin du lac Tchad et de la Force conjointe du G5 Sahel.  Il a aussi estimé que des plateformes de discussions telles que le Forum des gouverneurs du bassin du lac Tchad pour la coopération régionale, et celui des gouverneurs des régions frontalières du Liptako-Gourma se sont avérés efficaces pour réunir les gouvernements, la société civile et les communautés pour trouver des solutions à leurs besoins spécifiques.  

M. Annadif a indiqué que l’UNOWAS a organisé, il y a quatre semaines, une conférence des leaders traditionnels et religieux de toute la région, y compris des femmes notables du Liptako-Gourma et du nord-est du Nigéria pour valoriser la contribution des communautés à la résolution de ces crises qui entravent leur développement.  Il a aussi précisé que l’opérationnalisation de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel se poursuit en collaboration avec le Bureau du Coordonnateur spécial pour le développement du Sahel.  Il a appelé les coordonnateurs résidents et humanitaires du système des Nations Unies à s’engager pour que la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel soit une plateforme stratégique directrice pour les cadres de coopération et les programmes d’intervention humanitaire des Nations Unies au Sahel, en intégrant l’approche Nexus Plus dans toutes leurs interventions.  L’UNOWAS soutient en outre les efforts de revitalisation de la Plateforme ministérielle de coordination des stratégies du Sahel, et compte poursuivre, en 2022, sa collaboration avec les partenaires régionaux pour faciliter la mise en place d’un forum des ministres de la justice et des experts judiciaires en Afrique de l’Ouest dans le but de renforcer les capacités des systèmes judiciaires.  

Soulignant également la nécessité d’une approche à long terme par rapport aux changements climatiques, M. Annadif a cité la création d’un groupe de travail régional inter agences à l’UNOWAS qui a produit une analyse conjointe en réponse aux recommandations du Comité exécutif du Secrétaire général.  Il a aussi cité la tenue, dans quelques semaines à Dakar, d’une conférence, en collaboration avec le Gouvernement irlandais, pour lancer des initiatives concrètes avec la participation d’experts et d’institutions.  En collaboration avec la CEDEAO, les pays de la région et les équipes-pays des Nations Unies, l’UNOWAS soutient en outre le développement de stratégies d’adaptation à la dégradation climatique dans la région Afrique de l’Ouest et Sahel.  De même, l’UNOWAS a l’intention de travailler beaucoup plus étroitement avec les équipes de pays du système des Nations Unies dans les 16 pays couverts par le Bureau, notamment pour renforcer le cercle vertueux de la bonne gouvernance, de la sécurité, de la paix et du développement.

Après avoir salué l’action de la Commission de la consolidation de la paix (CCP) pour accompagner les pays de la sous-région en situation de sortie de crise, M. Annabi a appelé à une plus grande volonté politique se traduisant, entre autres, par le financement de plans d’action nationaux pour promouvoir la représentation des femmes au niveau des organes de décision, plus de 21 ans après l’adoption de la résolution 1325.

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a constaté que malgré les progrès récents enregistrés à Cabo Verde et en Gambie, la sécurité et la stabilité demeurent hors de portée pour la majorité de la région.  Elle a insisté sur l’importance de la volonté politique et a appuyé l’issue du Sommet de la CEDEAO d’hier sur le Mali, affirmant que la situation dans ce pays est critique pour la sécurité et le progrès de la région.  La représentante s’est inquiétée de la persistance de la violence et des actes de piraterie commis dans le golfe de Guinée.  La perspective d’un avenir plus prospère pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, et en particulier les femmes et les jeunes, ne peut être envisagée qu’en tenant compte de l’impact des changements climatiques, a-t-elle ajouté.  Elle a également souligné l’importance de faire respecter les droits humains des membres de la communauté LGBTI. 

Mme Byrne Nason a souligné que seules des solutions intégrées et holistiques pour s’attaquer aux causes profondes de l’insécurité peuvent conduire à des solutions durables.  Selon la déléguée, la coopération conjointe dans toute la région, les dialogues intercommunautaires et des approches centrées sur les droits humains sont essentiels pour résoudre les problèmes de sécurité à long terme et appuyer la prévention des conflits et la réconciliation.  Elle a dit soutenir fermement la poursuite par l’UNOWAS des efforts en ce sens, ainsi que le rôle de leadership que les organisations régionales telles que la CEDEAO doivent jouer.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a reconnu les développements positifs depuis la dernière discussion sur l’UNOWAS, réalisés ensemble avec les organisations régionales, en premier lieu « la CEDEAO qui continue de jouer un rôle crucial dans la promotion de la paix et de la stabilité dans la région ».  Saluant la tenue des élections à Cabo Verde et en Gambie en décembre, il a encouragé l’UNOWAS à soutenir les pays de la région à se préparer au mieux pour les élections à venir, en particulier en renforçant la sécurité sur le terrain.  Le représentant a salué les progrès démocratiques réalisés au Niger et les engagements du Gouvernement nigérien à faire face à la détérioration de la situation et améliorer l’accès à l’éducation, en particulier pour les filles.  Malheureusement, va-t-il tempéré, des milliers d’écoles ont fermé dans le reste du Sahel, déscolarisant ainsi plus de 13 millions d’enfants.  Il a fait l’éloge de la formation UNOWAS dispensée aux femmes et aux jeunes sur la participation politique, tout en soulignant le besoin de voir l’engagement des gouvernements locaux.

M. Hoxha a fait siennes les recommandations du Secrétaire général concernant les prorogations inconstitutionnelles des mandats et les coups d’État dans la région.  Il a appelé les parties prenantes au Mali et en Guinée à assurer une transition du pouvoir aux civils élus et un retour à l’ordre constitutionnel en temps opportun.  Il a déploré l’expansion du terrorisme et le nombre croissant d’attentats dans la région du Sahel, appelant la communauté internationale à mieux soutenir les réponses régionales.  Il a rappelé que la situation sécuritaire au Sahel a un impact sur l’ensemble de la région, du continent et bien au-delà, compte tenu de sa position géographique, reliant l’Afrique subsaharienne au bassin méditerranéen.  Tout en soulignant les exemples positifs de l’appropriation africaine, il a prévenu qu’il reste encore beaucoup à faire face au risque d’évolution rapide de la menace, demandant à la communauté internationale d’accentuer son soutien aux organisations régionales dans la lutte contre le terrorisme.

S’agissant du golfe de Guinée, « une zone toujours difficile », M. Hoxha s’est félicité de la poursuite des discussions et du soutien apporté par les efforts régionaux.  Il a plaidé pour une approche multidimensionnelle et inclusive pour traiter les questions de paix et de sécurité, pour couvrir les dimensions développement, politique, sécurité, justice et droits humains.  Abordant ensuite les effets « évidents » des changements climatiques sur la paix dans la région du Sahel, il a appelé à reconnaître ces défis et à prendre les mesures nécessaires.  Il a conclu en réaffirmant que l’Albanie est prête à soutenir l’UNOWAS dans le renforcement de ses efforts en faveur de la consolidation démocratique et du consensus dans toute l’Afrique de l’Ouest et la région du Sahel.

M. RICARDO DE SOUZA MONTEIRO (Brésil) a salué la reprise des activités et des progrès réalisés dans les travaux de la Commission mixte Cameroun-Nigéria concernant la démarcation de la frontière, ainsi que les processus électoraux pacifiques et ordonnés qui se sont déroulés à Cabo Verde et en Gambie.  Il a ensuite appelé à mettre en œuvre les réformes institutionnelles décrites dans l’Accord de Conakry de 2016 et la feuille de route de la CEDEAO visant à résoudre la crise politique.

La situation humanitaire dans l’espace CEDEAO préoccupe le Brésil qui travaille en étroite collaboration avec ses partenaires africains pour multiplier les accords de coopération pour relever les défis dans les domaines de la santé, de l’alimentation et de la sécurité.  Évoquant la question de la piraterie dans le golfe de Guinée, le représentant a rappelé l’importance de l’architecture de Yaoundé pour la sécurité maritime.  Il a souligné que le coût de la piraterie détourne des ressources qui pourraient autrement être utilisées pour le développement et la sécurité de la région.  Il a appelé la communauté internationale à traiter de cette question d’une manière globale et intégrée, à commencer par ses causes profondes, généralement associées au manque d’opportunités et l’extrême pauvreté.  Dans ce contexte, la Commission de consolidation de la paix pourrait fournir des contributions importantes pour consolider la paix dans et autour du golfe du Guinée et intégrer des stratégies pour s’attaquer aux causes profondes de la piraterie sur terre.

M. DAI BING (Chine) s’est inquiété des difficultés auxquelles font face les pays de l’Afrique de l’Ouest pour lutter contre la pandémie de COVID-19 et l’insécurité tout en essayant de préserver le développement économique.  Il a salué le succès des processus électoraux à Cabo Verde et en Gambie, avant de citer les situations de transition politique au Mali et en Guinée et d’évoquer le dialogue politique en Côte d’Ivoire ou au Burkina Faso.  Le représentant de la Chine a dit la volonté de son pays de continuer d’aider la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine à faire face à de nombreux défis dont la lutte contre le terrorisme.  « La communauté internationale doit aider les pays de la région à renforcer leurs capacités antiterroristes par des coopération bilatérales et multilatérales », a insisté le délégué qui a aussi appelé à redoubler d’efforts pour appuyer la dé radicalisation, répondre aux causes profondes des conflits et promouvoir l’emploi de jeunes.  

Par ailleurs, le représentant a appelé à renforcer la coopération maritime aux fins de la sécurité maritime dans le golfe de Guinée où la piraterie a un effet désastreux sur le commerce.  Il a jugé nécessaire d’assurer la formation des forces maritimes et une meilleure coordination pour une surveillance conjointe des côtes.  Il a dit la volonté de son pays de participer de manière constructive aux discussions relatives au projet de résolution présenté par le Ghana et la Norvège pour lutter contre la piraterie dans le golfe de Guinée.  S’agissant de la lutte contre la pandémie, il a incité la communauté internationale à aider les pays de la sous-région à produire des vaccins et à s’en procurer.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a relevé que la situation sécuritaire qui s’aggrave au Sahel menace toute l’Afrique de l’Ouest.  Notant que la menace terroriste affecte désormais les pays côtiers, il a remarqué, pour la première fois, que trois attaques ont été menées contre les forces de défense et de sécurité du Bénin.  Les violences contre les civils continuent au Burkina Faso, au Mali et au Niger, va-t-il ajouté avant d’appeler à doter les pays de la région des moyens de lutter contre le terrorisme.  La Force conjointe du G5 Sahel doit être soutenue de manière prévisible et durable, va-t-il plaidé, en arguant qu’un bureau de soutien des Nations Unies est le meilleur mécanisme pour y parvenir.  Le délégué a encouragé la coopération entre les pays côtiers et ceux du Sahel.  Dans ce contexte, il a jugé « prometteuse » l’Initiative d’Accra.  Il a assuré que la France poursuivra son appui sécuritaire aux pays du Sahel, en coordination avec ses partenaires européens, dont plusieurs participent à la Task Force Takuba.  M. de Rivière a par ailleurs condamné le déploiement en cours sur le territoire malien de mercenaires russes de Wagner, « connus pour menacer les civils, violer le droit international et la souveraineté des États », ce qui ne peut selon lui que contribuer à déstabiliser davantage le Sahel.  

Au-delà du Sahel, la France est préoccupée par l’insécurité maritime dans le golfe de Guinée, a poursuivi M. de Rivière en disant soutenir les initiatives régionales de lutte contre la piraterie, dans le cadre de l’architecture de Yaoundé.  Il a rappelé que la France mène des exercices maritimes avec plusieurs pays africains et participe aux Présences Maritimes Coordonnées de l’Union européenne.  Par ailleurs, le délégué a indiqué que les programmes de développement doivent aller de pair avec les réponses sécuritaires et il a soutenu la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel.  Mais, a-t-il précisé, celle-ci ne doit pas se limiter à la tenue de réunions ou d’ateliers.  Il a suggéré qu’elle mette en œuvre des programmes concrets.  Il a également jugé impératif que les États du Sahel s’emploient à restaurer la confiance des populations et à améliorer leur gouvernance, sans compter la nécessité de prendre en compte les effets des changements climatiques, notamment en matière de sécurité et de prévention des conflits.  

En ce qui concerne les situations politiques, il a dit que la France reste gravement préoccupée par le non-respect des engagements pris par les autorités de transition au Mali de revenir à l’ordre constitutionnel selon le calendrier fixé par la Charte de la transition et endossé par le Conseil de sécurité.  Il a ajouté que la France soutient les efforts de la CEDEAO qui a adopté hier de nouvelles sanctions contre les autorités de transition au Mali, car celles-ci n’ont une fois encore pas respecté les exigences de la CEDEAO et leurs propres engagements.  

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a salué le bon déroulement des élections en Gambie, pour ensuite s’inquiéter des défis que connaît la transition en Guinée et au Mali, pays où les autorités ont notamment décidé de reporter les élections pour une période pouvant aller jusqu’à cinq ans.  Il s’est aussi préoccupé de la détérioration de la situation sécuritaire au Sahel, notamment de la prévalence des attaques dans la zone des trois frontières entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, et des répercussions sur l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest.  Il a souligné que les changements climatiques alimentent l’insécurité, attirant par ailleurs l’attention sur la poursuite du conflit avec les groupes extrémistes dans le nord-est du Nigéria et le bassin du lac Tchad.

Le représentant a appelé à adopter une approche holistique et intégrée pour répondre aux défis interconnectés que connaît la région.  Les efforts nationaux de sécurité doivent aller de pair avec les efforts des partenaires de développement, les agences de l’ONU et la Commission de consolidation de la paix pour répondre aux causes des conflits et appuyer la cohésion sociale et la bonne gouvernance, a-t-il estimé.

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a relevé qu’en dépit des solutions aux niveaux national, régional et les efforts internationaux, il reste encore du travail à faire pour mettre la région sur la voie du redressement, de la stabilité et de la sécurité.  Sur le plan sécuritaire, elle a jugé nécessaire de redoubler d’efforts pour combattre les groupes terroristes présents dans ces zones, notamment Daech et Boko Haram, qui peuvent profiter des vides politiques et de la détérioration des conditions sociales et économiques pour établir un point d’ancrage pour leurs activités terroristes.  Il faut également, a-t-elle dit, accorder une attention particulière au lien croissant entre le crime organisé et le terrorisme.  La déléguée a salué les efforts déployés par la Force conjointe du G5 Sahel à cet égard pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé dans la région.  Elle a en outre souligné que les actes persistants de piraterie et de vols à main armée dans le golfe de Guinée menacent la navigation et la sécurité et le développement durable des pays de la région, plaidant à ce propos pour le renforcement des capacités des États de la région.  En plus d’une approche régionale, il est important de comprendre les contextes spécifiques aux pays, a-t-elle ajouté.

Mme Nusseibeh a ensuite insisté sur la nécessité de fournir une aide humanitaire d’urgence aux pays d’Afrique de l’Ouest et du Sahel, et d’attacher une importance particulière au problème de l’insécurité alimentaire qui touche actuellement 20 millions de personnes dans la région.  Elle a également appelé à la fourniture des vaccins et des équipements médicaux nécessaires pour faire face à la pandémie de COVID-19, précisant que l’aide des Émirats arabes unis aux pays du Sahel, dans les domaines du développement et de l’humanitaire s’élevait à environ 240 millions de dollars au cours de la période 2016-2020.  Elle a par ailleurs estimé que la question des changements climatiques, l’un des défis les plus importants auxquels l’Afrique de l’Ouest et le Sahel sont confrontés, doit occuper une place suffisante dans les discussions du Conseil.  Elle a enfin salué les efforts visant à soutenir la participation des femmes aux processus politiques et sécuritaires, ainsi que les initiatives visant à autonomiser les jeunes de la région.

M. JUAN MANUEL GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a salué la tenue d’élections réussies à Cabo Verde et en Gambie, ainsi que les progrès réalisés dans des initiatives de dialogue politique au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et en Sierra Leone, entre autres.  Ces développements positifs montrent que le dialogue politique et la gouvernance de la démocratie sont essentiels pour résoudre les problèmes complexes qui affectent la région, a-t-il noté.  L’UNOWAS joue à son avis un rôle de premier plan pour soutenir le processus de consolidation institutionnelle dans la région qui doit accompagner les initiatives de coopération militaire déployées en Afrique de l’Ouest et au Sahel.  Sans les réformes nécessaires dans les domaines de la gouvernance, du développement économique, du renforcement de l’État et du régime constitutionnel, la violence alimentée par les groupes extrémistes, le crime organisé, l’autodéfense et les rivalités entre communautés se poursuivront, a-t-il prédit, malgré les efforts déployés dans le domaine de la sécurité, en particulier dans le Sahel central.

Le Mexique estime qu’il est nécessaire d’aller vers une stratégie régionale qui s’oppose au trafic illicite d’armes, en particulier les armes légères et de petit calibre.  Il a souligné la menace que représentent ces armes pour les droits humains et en termes d’attaques contre les civils.  Conformément à la résolution 2616 (2021), approuvée en décembre dernier, il a estimé que l’UNOWAS peut contribuer à harmoniser les efforts menés dans chaque pays et à articuler une vision régionale pour lutter efficacement contre ce trafic, en s’attaquant à son modèle de financement et à ses sources d’approvisionnement.  Avant de conclure, le représentant du Mexique a condamné la violence qui a fait un grand nombre de victimes parmi le personnel des Nations Unies comme parmi la population civile de la région, appelant à rendre la justice pour stopper le cycle de l’impunité.

M. RICHARD MILLS (États-Unis) a salué la plus grande participation de la société civile à la vie politique de la région du Sahel, ainsi que les processus électoraux libres, équitables et transparents qui ont eu lieu à Cabo Verde et en Gambie.  Cependant, il s’est dit profondément préoccupé par l’absence de progrès au Mali et a exhorté les autorités de transition maliennes à revenir à la démocratie en temps opportun.  M. Mills a ensuite condamné le coup d’État de septembre 2021 en Guinée, avant d’exhorter le Gouvernement de transition à organiser rapidement des élections et à ramener le pays à une démocratie constitutionnelle dirigée par des civils. 

Le représentant a dit soutenir les efforts de la région pour lutter contre le terrorisme et promouvoir la stabilité grâce à des stratégies holistiques qui s’attaquent aux moteurs sous-jacents des conflits.  Selon lui, les gouvernements sapent leur efficacité et leur crédibilité lorsque des représentants de l’État, en particulier les forces de sécurité chargées de protéger leurs propres populations, se livrent à des violations des droits humains.  Il a indiqué que l’inclusion d’organisations de la société civile favorise le développement de solutions dirigées par la communauté pour contrer les attaques et la violence de manière proactive.  

Selon M. Mills, le travail qu’effectue l’UNOWAS avec les gouvernements d’Afrique de l’Ouest et du Sahel pour développer un projet conjoint dirigé par des civils afin de résoudre les conflits locaux est essentiel pour la stabilité.  Il a également salué le partenariat entre l’UNOWAS, le Bureau pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Centre de collaboration régionale de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC)et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) pour lancer un groupe de travail régional chargé de lutter contre les effets néfastes des changements climatiques sur la sécurité et le développement en Afrique de l’Ouest. 

Le représentant a par ailleurs fait savoir que la Coalition mondiale contre Daech a accueilli le Burkina Faso en tant que quatre-vingt-quatrième membre à la fin de 2021 et annoncé la formation, le mois dernier, d’un groupe de réflexion sur l’Afrique qui vise à renforcer les capacités civiles de lutte contre le terrorisme des membres de la Coalition africaine.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) s’est inquiété des graves difficultés auxquelles font face les pays de la sous-région en matière de lutte contre le terrorisme et de lutte contre le trafic de stupéfiants.  Le représentant russe a particulièrement appuyé toutes les parties qui mènent une lutte difficile contre le terrorisme dans la région.  Notant que le nombre de personnes ayant besoin d’une aide alimentaire ne cesse d’augmenter, le représentant russe a appelé à redoubler d’efforts pour aider les États à restaurer leur autorité.  Il a insisté que la mise en œuvre de l’accord de paix au Mali et la lutte contre le terrorisme exige la stabilité politique du pays.  Il a particulièrement salué les efforts des Maliens pour rétablir l’ordre dans leur pays avant de juger inadmissible que « des informations non vérifiées et non fiables » aient été mentionnées au cours de cette réunion du Conseil de sécurité.  

Par ailleurs, le représentant russe a estimé que l’efficacité des activités de l’UNOWAS dépend de la qualité de sa coopération avec l’Union africaine, la CEDEAO, le G5 Sahel, le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) et la Commission du bassin du lac Tchad.  Enfin, le représentant russe a jugé que la poursuite de sanctions contre la Guinée-Bissau va à l’encontre du bon sens.

M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a félicité les peuples de Gambie et de Cabo Verde pour avoir fait confiance aux valeurs de la démocratie.  Il a relevé cependant que la démocratie a connu un recul en Guinée suite au coup d’État de septembre dernier.  Malgré les efforts déployés par la CEDEAO, il n’y a eu aucun progrès vers le rétablissement de l’ordre démocratique, s’est-il inquiété.  De même, au Mali, le respect d’une transition de 18 mois, qui a été initialement convenue par les autorités maliennes, reste incertain. 

Sur le plan sécuritaire, le représentant a relevé que le lien entre les terroristes, les criminels, les trafiquants de drogue et les pirates continuent d’alimenter l’instabilité et la violence en Afrique de l’Ouest et dans le bassin du lac Tchad.  Les groupes terroristes affiliés à Al-Qaida et à Daech continuent d’instrumentaliser les dimensions religieuses et ethniques du conflit entre agriculteurs et éleveurs, a noté le délégué.  Il a appelé à assurer un financement prévisible et durable aux initiatives régionales de sécurité telles que la Force conjointe du G5 Sahel.  M. Tirumurti a signalé que plusieurs marins indiens ont été victimes de piraterie et d’enlèvements dans le golfe de Guinée, jugeant urgent de renforcer la surveillance pour garantir la sécurité maritime dans la zone grâce à une collaboration internationale accrue.

Mme MONA JUUL (Norvège) s’est inquiétée de la prolongation non constitutionnelle des mandats présidentiels ainsi que des coups d’État perpétrés dans la région.  Elle a souligné que la coopération est essentielle pour faire face à la propagation du terrorisme et d’autres défis sécuritaires et humanitaires, appelant notamment l’ONU à appuyer la Force conjointe du G5 Sahel en tant que « solution transfrontalière ».

Relevant par ailleurs que pratiquement tous les enlèvements en mer sont perpétrés dans le golfe de Guinée, elle a appelé les États Membres à collaborer de manière urgente pour faire face à cette situation.  À l’approche du dixième anniversaire du cadre de Yaoundé, il importe d’évaluer ce qui fonctionne et ce qui doit être amélioré, a-t-elle estimé, avant d’appeler les membres du Conseil à appuyer la première résolution sur cette question en 10 ans.  Mme Juul a ensuite souligné que la protection des civils doit être au cœur des tous les efforts et a fait part de son appui aux quatre piliers citoyens définis par la Coalition citoyenne pour le Sahel.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Syrie: clivage persistant au sein du Conseil de sécurité sur le dossier des armes chimiques en l’absence de progrès tangibles dans la coopération avec l’OIAC

8943e séance – après-midi
CS/14760

Syrie: clivage persistant au sein du Conseil de sécurité sur le dossier des armes chimiques en l’absence de progrès tangibles dans la coopération avec l’OIAC

Le Conseil de sécurité a examiné, cet après-midi, le volet  « armes chimiques »  du dossier syrien en se basant sur le dernier rapport mensuel du Directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), présenté par la Haute-Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement, Mme Izumi  Nakamitsu.  Vingt questions restent toujours en souffrance par rapport à la déclaration initiale de la République arabe syrienne, a-t-elle rappelé en passant en revue les points soulevés par le Secrétariat technique de l’OIAC qui n’ont toujours pas reçu de réponses de l’Autorité nationale syrienne  ainsi que les difficultés de déploiement de l’Équipe d’évaluation des déclarations, à la fois à cause de la pandémie et du refus de délivrer un visa d’entrée à l’un de ses membres. 

Alors que la Norvège, qui préside le Conseil ce mois-ci, a exigé que l’on mette fin à cette tactique de non-octroi de visas, également dénoncée par d’autres membres du Conseil, le représentant syrien a tenu à préciser qu’il s’agit d’un seul visa pour l’un des membres de l’Équipe.  La France n’en a pas moins reproché au « régime  syrien » son refus de  coopérer, l’accusant de vouloir  interférer  dans le choix des inspecteurs.  La Fédération de Russie s’est étonnée que le refus de visa à un seul inspecteur ait pour effet de paralyser le déploiement en Syrie des autres inspecteurs, alors que la Chine a suggéré à l’OIAC de remplacer cet inspecteur pour sortir de l’impasse.  

Globalement c’est le manque de progrès tangibles qu’ont déploré la plupart des membres du Conseil, imputant cela au manque de coopération des autorités syriennes avec l’OIAC.  La rencontre prévue, initialement pour fin octobre, entre le Directeur général de l’OIAC, M. Fernando Arias, et le  Ministre des affaires  étrangères et des expatriés de la Syrie, M. Fayssal Mekdad, par exemple, n’a toujours pas été organisée: ni la date, ni le  lieu, ni l’ordre du jour, ni la composition des délégations n’ont été fixés, a indiqué Mme Nakamitsu.   L’Irlande y a vu pourtant une opportunité intéressante d’avoir une discussion franche et significative en vue de sortir de l’impasse et de garantir de réels progrès sur toutes les questions en suspens.   La Syrie a assuré que cette rencontre est toujours à l’ordre du jour. 

La Haute-Représentante a également regretté que les efforts  du  Secrétariat technique  pour  convoquer une réunion avec des experts syriens au  siège de l’OIAC, à La Haye, fin octobre 2021, aient  échoué.  Mais là encore, la partie syrienne a refusé d’en porter la responsabilité, expliquant que cette rencontre n’avait pas eu lieu à cause du refus du Secrétariat technique de la financer. 

Cela n’a pas empêché à la France de saluer la ténacité du Secrétariat technique, face  à  l’obstruction du  « régime  syrien», ainsi que son grand professionnalisme.  À l’image des autres membres occidentaux du Conseil, la délégation française a réitéré son ferme appui à l’OIAC et à son travail impartial.  

De son côté, le représentant syrien a argué que son pays a facilité le  huitième  cycle d’inspections, par le Secrétariat technique, des  installations du Centre d’études et de recherches scientifiques  situées à  Barzé  et  à  Jamraya, qui a eu lieu du 10 au 17 décembre 2021, ainsi que le  déploiement de la  mission d’établissement des faits  sur plusieurs incidents survenus en 2017 dans la province de Hama.    Le représentant a,  dès lors,  questionné le bien-fondé des accusations selon lesquelles la Syrie  ne coopérerait  pas avec l’OIAC.   Mais les États-Unis ont appelé à « ne pas se laisser berner par le vernis de coopération de la Syrie », accusant le « régime d’Assad » de ne pas  avoir  été franc  et  ouvert avec l’OIAC. 

L’Albanie, en tant que membre du Conseil exécutif de l’OIAC depuis novembre 2021, a réitéré l’importance et l’urgence pour la Syrie de coopérer pleinement avec le Secrétariat technique parce que la clôture rapide des enquêtes sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie permettra au Conseil de soutenir plus efficacement le peuple syrien dans sa quête d’un avenir pacifique.  Toute tentative de politiser le travail de l’OIAC ne servirait qu’à retarder la mise en œuvre de la résolution 2118 (2013), a-t-elle fait valoir, prévenant également que cela nuirait à la noble mission de l’OIAC en tant que gardienne de la Convention sur les armes chimiques. 

C’est pourtant la politisation de l’OIAC qu’ont à nouveau dénoncé la Syrie, la Fédération de Russie et la Chine en mettant en cause son  professionnalisme et son impartialité, alors qu’elle est chargée de faire la lumière sur l’utilisation présumée d’armes chimiques en Syrie. 

La Syrie a clairement reproché à certains pays occidentaux  de mener sans relâche une campagne de désinformation et des politiques hostiles à  son encontre. Le représentant syrien n’a pas hésité à dire que les équipes de l’OIAC sont devenues partie intégrante de ces campagnes, sapant ainsi l’impartialité et la neutralité  de l’Organisation.   Pour la Fédération de Russie, le dossier chimique syrien est même devenu  « un  levier aux mains des pays occidentaux pour critiquer » la Syrie, un dossier tellement politisé que son représentant l’a comparé à « de la science-fiction, tant il est détaché de la réalité ».  La Syrie en a voulu pour preuve les déclarations faites aujourd’hui par la représentante des États-Unis selon lesquelles le dernier voyage de la mission d’établissement des faits en Syrie, qui s’est achevé le mois dernier, a permis de recueillir des informations essentielles sur quatre incidents d’utilisation d’armes chimiques en 2017.    Ces faits, a-t-elle affirmé, aident à tenir le régime syrien responsable de  l’utilisation d’armes chimiques, alors même qu’aucune conclusion officielle de la mission n’a encore été publiée. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2021/1103)

Déclarations

La Haute-Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement, Mme  IZUMI NAKAMITSU, a indiqué que son bureau a continué d’entretenir des contacts réguliers avec ses homologues de l’OIAC depuis son dernier briefing au Conseil, le 8 décembre 2021, sur les activités liées au dossier du nucléaire syrien.  De plus, le Bureau des affaires de désarmement a reçu une lettre de la Mission permanente de la République arabe syrienne, en date du 27 décembre 2021, se référant à une lettre envoyée par le Ministre syrien des affaires étrangères et des expatriés au Directeur général de l’OIAC au sujet des informations qui figurent dans ses derniers rapports sur les progrès dans l’élimination du programme syrien d’armes chimiques.  Mme Nakamitsu a assuré l’avoir étudiée et transmise au Secrétariat technique de l’OIAC.  Alors que la pandémie de COVID-19 continue d’avoir des répercussion négatives sur le déploiement du personnel du Secrétariat technique en Syrie, ce dernier poursuit malgré toutes ses activités mandatées et reste engagé auprès des autorités syriennes.  L’Équipe d’évaluation des déclarations de l’OIAC poursuit ses efforts pour clarifier toutes les questions en suspens liées à la première déclaration présentée par la Syrie et à celles qui ont suivi.  L’Équipe procède à une évaluation de toutes les informations soumises par la Syrie, ainsi que des informations générées par d’autres activités, a précisé la Haute-Représentante.  Toute lacune, incohérence ou divergence est soulevée et discutée avec l’Autorité nationale syrienne et signalée aux États parties de la Convention comme questions en suspens, a-t-elle assuré.  Une fois que l’Autorité nationale syrienne fournit suffisamment d’informations et d’explications liées à une question en suspens, l’Équipe la considère comme résolue et, si besoin, aide la Syrie à modifier sa déclaration initiale, a expliqué Mme Nakamitsu.  Cependant, malgré au total 17 modifications et un certain nombre de suppléments à sa déclaration initiale, 20 des 24 questions en souffrance signalées par l’Équipe en 2014 ne sont toujours pas réglées. 

Le Bureau des affaires de désarmement a aussi été informé que le Secrétariat technique n’a toujours pas reçu la déclaration des autorités syriennes sur tous les types non déclarés et les quantités d’agents neurotoxiques produits et/ou transformés en armes à l’ancienne installation de production d’armes chimiques, un site qui a été déclaré par la Syrie comme n’ayant jamais été utilisé pour produire ce type d’agents.  Le Secrétariat technique n’a pas non plus reçu d’informations et de documentation sur les dommages causés lors de l’attaque du 8 juin 2021 d’une installation militaire qui abritait une ancienne usine chimique déclarée usine de fabrication d’armes.  Il en va de même pour les mouvements non autorisés et les restes de deux cylindres détruits lors de l’incident qui a eu lieu à Douma le 7 avril 2018.  Compte tenu de cela, Mme Nakamitsu a exhorté la République arabe syrienne à répondre dans les plus brefs délais aux demandes du Secrétariat technique de l’OIAC. 

Rappelant que le Secrétariat technique avait tenté de planifier, avec l’Autorité nationale syrienne, le vingt-cinquième cycle de consultations avec l’Équipe à Damas, elle a regretté que celle-ci n’ait pas été en mesure d’effectuer ce déploiement en raison du refus persistant de la Syrie de délivrer un visa d’entrée à l’un de ses membres.  La Haute-Représentante a également regretté que les efforts du Secrétariat technique pour convoquer une réunion limitée avec des experts syriens au siège de l’OIAC à La Haye fin octobre 2021 aient échoué.  À la lumière de cette situation, elle a exhorté le Gouvernement syrien à faciliter le déploiement de l’Équipe et à se conformer aux dispositions de la résolution 2118 (2013), en particulier en permettant un accès immédiat et sans entrave au personnel désigné par le Secrétariat technique de l’OIAC dans les meilleurs délais.  « La pleine coopération de la République arabe syrienne avec le Secrétariat technique de l’OIAC est essentielle pour régler les questions en suspens », a tranché la Haute-Représentante, et, à défaut, la déclaration présentée par la Syrie ne saurait être considérée comme exacte et complète conformément à la Convention sur les armes chimiques (CIAC).  Sur une note positive, Mme Nakamitsu a indiqué que le Secrétariat technique a mené la huitième série d’inspections des installations du Centre d’études et de recherches scientifiques situées à Barzé et à Jamraya du 10 au 17 décembre 2021, et que leurs conclusions seront transmises en temps voulu. 

Pour ce qui est de la réunion en personne qui doit avoir lieu entre le Directeur général de l’OIAC et le Ministre syrien des affaires étrangères et des expatriés, la Haute-Représentante a indiqué que les personnes chargées des préparatifs de cette réunion continuent de discuter de la date, du lieu, de l’ordre du jour et de la composition des délégations. 

S’agissant de la mission d’établissement des faits, elle a fait savoir qu’elle s’est rendue en Syrie du 28 novembre au 10 décembre 2021 pour collecter des informations et mener des entretiens concernant les incidents qui ont eu lieu dans la province de Hama le 7 juillet 2017; à Khirbat Massasna le 4 août 2017; à Qleïb el-Thaour et Salamiyé le 9 août 2017; et à Al Balil, Suran le 8 novembre 2017.  La mission continue d’analyser les informations recueillies et se prépare aux déploiements à venir qui, comme l’a noté Mme  Nakamitsu, restent soumis à l’évolution de la pandémie de COVID-19. 

En guise de conclusion, elle a répété que rien ne justifie l’utilisation d’armes chimiques par qui que ce soit et où que ce soit et en toutes circonstances.  L’utilisation de telles armes en toute impunité et sans responsabilité représente une menace pour la paix et la sécurité internationales et un danger pour nous tous, a fait valoir la Haute-Représentante en réitérant son espoir de voir l’unité des membres du Conseil sur cette question.  Le Bureau des affaires de désarmement des Nations Unies se tient prêt à fournir tout le soutien et l’assistance qu’il peut, leur a-t-elle assuré. 

Mme  LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a félicité la mission d’établissement des faits d’avoir poursuivi ses enquêtes impartiales et indépendantes sur les allégations d’utilisation d’armes chimiques en Syrie, « malgré l’obstructionnisme du régime syrien », les obstacles présentés par la pandémie de COVID-19 et les attaques persistantes et sans fondement de certains membres de la communauté internationale contre son travail.  Le dernier voyage de la mission d’établissement des faits en Syrie, qui s’est achevé le mois dernier, a permis de recueillir des informations essentielles sur quatre incidents d’utilisation d’armes chimiques en 2017, a-t-elle noté.  Ces faits aident à tenir le régime syrien responsable de l’utilisation d’armes chimiques, a affirmé la représentante, ajoutant que comme lors d’enquêtes précédentes, les États-Unis soutiennent fermement l’évaluation et l’analyse approfondies et impartiales de la mission d’établissement des faits concernant l’utilisation présumée d’armes chimiques. 

La déléguée a ensuite relevé que le quatre-vingt-dix-neuvième rapport du Secrétariat technique laisse voir le mépris total de la Syrie pour ses obligations et ses tentatives délibérées de retarder et d’entraver les travaux de l’OIAC.  L’OIAC estime toujours que la déclaration de la Syrie ne peut pas être considérée comme exacte et complète conformément à ses obligations en vertu de la Convention, a-t-elle rappelé.  Selon elle, « nous ne devons pas nous laisser berner par le vernis de coopération de la Syrie alors qu’elle poursuit son discours obscurcissant ».  Mme  Thomas-Greenfield a, en effet, accusé le régime d’Assad de ne pas avoir été franc et ouvert avec l’OIAC, malgré les efforts inlassables de l’Organisation pour engager la Syrie à résoudre ces problèmes.  Pendant près de neuf mois, la Syrie a empêché la prochaine série de consultations avec l’équipe d’évaluation de la déclaration, a-t-elle déploré.  La déléguée américaine a indiqué que, récemment, un individu a été arrêté en France dans le cadre de l’achat d’équipements liés aux armes chimiques par le « régime syrien » jusqu’en 2018.  Il s’agit, a-t-elle expliqué, d’accusations préliminaires liées à la complicité de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.  Elle a vu cette arrestation comme une étape importante dans la poursuite de la responsabilité des auteurs de l’utilisation d’armes chimiques. 

M.  DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a déclaré que les nouveaux membres ont la « chance » d’être d’emblée plongés dans l’un des dossiers les plus politisés de ce Conseil, à savoir le programme chimique syrien, qui « rappelle la science-fiction tant il est détaché de la réalité ».  Le dossier chimique syrien n’a plus aucun lien avec la non-prolifération, ce volet ayant été clos lorsque Damas a rejoint l’OIAC, a expliqué le délégué.  Il a ajouté que la Syrie a liquidé son programme chimique, comme l’OIAC l’a confirmé en 2016.  Les mises en scène d’organisations douteuses comme les Casques blancs ne sauraient être considérées comme des preuves, a-t-il tranché.  « Ce n’est pas sérieux. »  Il a accusé M. Fernando Arias et le Secrétariat technique de l’OIAC d’être « mouillés jusqu’au cou » dans l’analyse faite de l’incident de Douma, les conclusions initiales ayant été, selon lui, modifiées pour en faire des accusations antirusses.  Le rapport établi à ce sujet est un faux comme l’ont démontré d’anciens inspecteurs de l’OIAC, aujourd’hui persécutés pour avoir dit la vérité, a-t-il argué. 

Il a accusé le Directeur général de ne pas faire son devoir et d’user d’éléments factuels qui contreviennent à la méthodologie de l’OIAC.  Il a questionné l’utilité des enquêtes de la mission d’établissement des faits plus de quatre ans après Douma.  « Quel détail peut-on encore trouver? »  C’est affligeant, a-t-il tonné, en accusant les pays occidentaux de vouloir faire endosser toute responsabilité au « Gouvernement Assad ».  Il a aussi rappelé que des tirs de missiles avaient frappé la Syrie sans autorisation de ce Conseil, au prétexte fallacieux que la Syrie aurait employé des armes chimiques.  Le délégué a demandé à sa collègue des États-Unis l’origine des preuves qui l’autorisent à incriminer Damas. 

Il a dénoncé le fait que la Syrie ait été privée de ses droits de membre de l’OIAC, tout en indiquant que ce pays ne renonce pas au dialogue avec cette dernière.  Ce dialogue est bloqué par le Secrétariat technique, a-t-il affirmé.  Il s’est étonné que le refus de visa à un seul inspecteur ait pour effet de paralyser le déploiement en Syrie des autres inspecteurs.  « Pourquoi M. Arias refuse-t-il de se rendre en Syrie? » a lancé le délégué, en ajoutant que la dernière déclaration de ce dernier devant ce Conseil lui avait laissé un goût désagréable dans la bouche.  Le représentant russe a par ailleurs invité M. Arias à appliquer strictement les dispositions de la Convention sur les armes chimiques.  Enfin, il a estimé que l’impartialité n’est plus de mise dans ce dossier chimique syrien, devenu « un levier aux mains des pays occidentaux pour critiquer la Russie ».  « Chers nouveaux membres, préparez-vous à entendre de nouvelles accusations, comme quoi la Russie cherche à saper l’OIAC », a-t-il lancé en guise de conclusion. 

M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a estimé que la clôture des enquêtes sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie permettrait au Conseil de soutenir davantage le peuple syrien dans sa quête de paix durable.  Il a salué la prolongation de l’accord tripartite entre l’OIAC, le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) et la République arabe syrienne jusqu’au 30 juin 2022 inclus, avant d’encourager une coopération de bonne foi entre la République arabe syrienne et le Secrétariat, notamment en ce qui concerne les lacunes, incohérences et divergences identifiées non résolues. 

Le représentant a également dit l’importance d’une OIAC transparente et libre de toute politisation, avant de déclarer qu’aucune cause ne peut justifier l’utilisation d’arme de destruction massive. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a affirmé que toute utilisation des armes chimiques est inacceptable et constitue une grave violation des normes et standards des sociétés modernes.  Il a vivement encouragé la République arabe syrienne, État partie à la Convention, d’offrir sa pleine coopération aux entités désignées, conformément à ses obligations.  Il a particulièrement appelé les autorités syriennes à faciliter l’entrée des représentants de l’OIAC sur leur territoire.  L’utilisation des armes chimiques, a souligné le représentant, a des conséquences et les utilisateurs doivent être comptables de leurs actes.  À cet égard, il a appuyé tous les efforts visant à garantir l’établissement des responsabilités pour les violations de la Convention.  Il a enfin encouragé la République arabe syrienne à fournir les données requises et la clarté nécessaire pour combler les lacunes et supprimer les incohérences dans sa déclaration initiale.  Il a émis le vœu que les droits et privilèges suspendus de la Syrie, au titre de la Convention, pourront être rétablis dès que possible une fois que les questions en suspens auront été résolues. 

M.  ZHIQIANG SUN (Chine) s’est félicité des préparatifs en vue d’une réunion en présentiel entre le Ministre syrien des affaires étrangères et le Directeur général de l’OIAC.  Il a appelé la mission d’établissement des faits à respecter « strictement » les dispositions de la Convention sur les armes chimiques.  Tout en espérant que les questions de visa seront rapidement tranchées, il a demandé à l’OIAC si elle ne pouvait pas remplacer l’inspecteur qui s’est vu refuser un visa pour la Syrie.  Le délégué chinois a rappelé que la Convention sur les armes chimiques est « l’étalon-or » pour discuter des dossiers chimiques, avant d’accuser certains pays de s’être éloignés de la règle du consensus qui prévaut habituellement.  Les pays concernés doivent changer de cap et cesser de politiser les travaux de l’OIAC, a-t-il tranché.  Enfin, le représentant a demandé que celle-ci fasse preuve d’impartialité et souhaité que, sur ce dossier, la coopération l’emporte sur la confrontation. 

M.  JOÃO GENESIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a noté que l’utilisation des armes chimiques viole les accords internationaux et fait peser de graves menaces sur la paix et la sécurité internationales, et a souhaité que ces incidents fassent l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales, conformément à la CIAC.  « À notre avis, le rôle du Secrétariat technique de l’OIAC dans la clarification de ces incidents est irremplaçable », a insisté le représentant. 

Après avoir souligné la pertinence des rapports publiés par la mission d’établissement des faits, le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU et l’Équipe d’enquête et d’identification sur les épisodes liés à l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, le représentant du Brésil a jugé important que les enquêtes relatives à ces incidents soient impartiales, équilibrées et complètes.  Il a également appelé à rétablir la confiance entre l’OIAC et la Syrie pour surmonter la « regrettable politisation » qui a sapé la culture du consensus au sein de l’OIAC et de ses organes de décision.  Dans ce contexte, le représentant du Brésil a salué les récents efforts déployés par le Directeur général de l’OIAC et le Ministre syrien des affaires étrangères pour tenir une réunion en personne afin d’ouvrir la voie à la consolidation d’un dialogue global et efficace.  Il a aussi salué la prorogation de l’accord tripartite entre la République arabe syrienne, l’OIAC et le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) afin de faciliter les activités mandatées de l’Organisation en Syrie.  Enfin, le délégué a encouragé le Gouvernement syrien à fournir un accès complet aux équipes d’experts de l’OIAC, en espérant que les inspections qui seront effectuées après la levée des restrictions de voyages liées à la pandémie feront avancer la conclusion du dossier syrien. 

M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a pris note du fait que la République arabe syrienne a transmis, le 16 décembre, la quatre-vingt-dix-septième édition mensuelle du rapport détaillant les activités entreprises pour mettre en œuvre ses obligations en vertu de la CIAC.  Il a encouragé l’engagement continu entre la Syrie et le Secrétariat technique de l’OIAC pour traiter et résoudre toutes les questions pertinentes relatives aux armes chimiques.  Le délégué a indiqué que l’Inde défend la mise en œuvre intégrale, efficace et non discriminatoire de la Convention et s’oppose à l’utilisation d’armes chimiques par quiconque, n’importe où, et en toutes circonstances.  Il a souligné que toute enquête sur l’utilisation d’armes chimiques doit être impartiale, crédible, et objective, en suivant scrupuleusement les dispositions et procédures mentionnées dans la Convention.  Il a par ailleurs mis en garde contre la possibilité que des entités terroristes aient accès aux armes chimiques, y compris dans la région, et a appelé à prêter la plus haute attention à toute allégation d’utilisation d’arme chimique. 

Pour Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande), le quatre-vingt-dix-neuvième rapport de l’OIAC montre une fois de plus que, malgré les meilleurs efforts du Secrétariat technique de l’OIAC, aucun progrès n’a été enregistré sur ce dossier, ce qui est une « source de grave préoccupation ».  Insistant sur l’importance du travail de l’Équipe d’évaluation des déclarations pour évaluer l’exhaustivité et l’exactitude des déclarations de la Syrie, elle a rappelé que ce travail se retrouve dans les 17 amendements et les nombreux compléments apportés à la Déclaration.  Il est question de la recherche non déclarée, de la production et de la militarisation de quantités inconnues d’armes chimiques, et d’importantes quantités d’agents et de munitions chimiques, s’est alarmée Mme Byrne Nason pour laquelle le retard de sept mois du vingt-cinquième cycle de consultations entre l’Équipe et les autorités syriennes est d’autant plus grave.  Les tentatives syriennes pour s’ingérer dans la sélection des experts par l’OIAC, empêchant ainsi leur déploiement, sont inacceptables, a-t-elle tranché en appelant « ce Conseil à envoyer un message fort et clair pour exiger le respect des exigences énoncées dans la résolution 2118 ».  La Syrie doit coopérer pleinement avec l’OIAC, accepter le personnel désigné par l’OIAC et lui fournir « un accès immédiat et sans entrave », a-t-elle réclamé.  Elle a aussi déclaré que la Syrie ne peut pas choisir parmi ses obligations juridiques celles qu’elle est prête à accepter.  Mme Byrne Nason a estimé que l’OIAC devait pouvoir compter sur le plein appui du Conseil « dans son travail professionnel et impartial » pour résoudre les nombreuses questions en suspens.  Saluant la huitième série d’inspections des installations de Barzé et du Centre d’études et de recherche scientifiques de Jamraya, ainsi que les travaux en cours de la mission d’établissement des faits sur quatre sites liés à d’éventuelles utilisations d’armes chimiques en 2017, elle a dit en attendre les résultats. 

En conclusion, Mme Nason Byrne a appelé à nouveau à une coopération sérieuse et significative entre la Syrie et l’OIAC.  Elle a soutenu, dans ce cadre, le projet d’une rencontre bilatérale entre le Directeur général de l’OIAC et le Ministre syrien des affaires étrangères, souhaitant une discussion franche et significative visant à sortir de l’impasse et à garantir de réels progrès sur toutes les questions en suspens. 

« Le régime syrien refuse de coopérer », a déclaré M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France), en accusant ce dernier de ne pas délivrer les visas nécessaires et de vouloir interférer dans le choix des inspecteurs.  L’Équipe d’évaluation de la déclaration initiale n’a toujours pas pu être déployée, a poursuivi le délégué en déplorant « une volonté très claire de faire obstruction ».  Il en a déduit que le « régime » ne souhaite pas que la lumière soit faite sur sa déclaration initiale.  « Cela n’est pas acceptable. »  Il a rappelé que la Syrie a des obligations de coopération, inscrites dans la « Convention sur les armes chimiques » et dans la résolution 2118 (2013).  Si la Syrie souhaite voir ses droits et privilèges restaurés à l’OIAC, elle doit coopérer, a déclaré le représentant de la France. 

Il a ensuite loué le travail « remarquable » du Secrétariat technique de l’OIAC.  Face à l’obstruction du « régime », le Secrétariat technique fait preuve de ténacité et d’un grand professionnalisme, a-t-il salué.  Il a ensuite réclamé la cessation des campagnes de désinformation.  « Chacun sait la culpabilité du régime syrien et les actes ignobles dont il est responsable », a-t-il poursuivi, en rappelant que la France est engagée fermement dans la lutte contre l’impunité́.  « Je le dis avec gravité: il n’y aura pas de répit pour les criminels. »  C’est le message que nous défendons avec nos partenaires, au sein du Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques, a conclu le délégué. 

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a dit avoir pris note avec intérêt du rapport mensuel du Directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et des informations relatives aux inspections intervenues en décembre sur les deux sites de Barzé et Jamraya du Centre d’études et de recherches scientifiques.  Elle a aussi salué les initiatives prises par le Directeur général de l’OIAC et le Ministre syrien des affaires étrangères pour tenir une réunion en personne.  La représentante a cependant déploré les obstacles bureaucratiques qui continuent d’entraver les travaux de l’OIAC, citant notamment la non-délivrance de visas, pour ensuite exhorter la Syrie à apporter des éclaircissements sur les 20  questions en souffrance depuis sa déclaration initiale.  Elle a particulièrement pointé les clarifications attendues au sujet des agents chimiques produits dans des installations non déclarées, des cylindres de chlore liés aux incidents de Douma, sans oublier les traces de produits chimiques à Barzé. 

Tout en saluant la prorogation de l’accord tripartite entre la République arabe syrienne, l’OIAC et le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) jusqu’au 30 juin 2022, la représentante du Mexique a regretté que cet accord n’ait pas été prorogé plus longtemps afin de permettre aux agences de l’ONU de mieux planifier leurs missions. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a souligné l’attachement de son pays à la Convention sur les armes chimiques, arguant que l’utilisation des armes chimiques, quel qu’en soit le prétexte, constitue une menace sérieuse à la paix et la sécurité internationales.  Nous nous réjouissons, a-t-il dit, des progrès enregistrés dans l’élimination des armes chimiques en Syrie, au nombre desquels la destruction des 27 installations de productions, déclarée par la République arabe Syrienne et vérifiée par le Secrétariat technique de l’OIAC.  Le représentant s’est dit préoccupé du fait que sur les 24 questions encore en suspens liées à la déclaration initiale de la Syrie, quatre seulement aient été résolues, huit ans après la mise en place de la Mission d’établissement des faits.  Il est également préoccupant, a-t-il ajouté, de voir les difficultés rencontrées par les experts pour se déployer sur le terrain, en raison non seulement de l’évolution de la pandémie de COVID-19, mais aussi des problèmes liés à la délivrance des visas d’entrée.  Le représentant a tout de même salué l’Accord tripartite signé entre l’OIAC, le Bureau des services d’appui aux projets (UNOPS) et le Gouvernement syrien, permettant le prolongement de leur collaboration pour une période de six mois supplémentaires. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis), qui s’exprimait pour la première fois en tant que membre non permanent du Conseil, a mis en avant la responsabilité première du Conseil et son but ultime de protéger l’humanité des effets horribles et débilitants de l’utilisation d’armes chimiques.  L’utilisation de ce type d’armes représente une menace grave pour la paix et la sécurité mondiales, a-t-il rappelé en insistant sur la nécessité, pour progresser, d’éviter la politisation et de faire preuve de volonté pour engager un dialogue constructif.  De ce point de vue, il a souligné l’importance de la communication et du dialogue entre l’OIAC et les autorités syriennes afin de convenir des moyens d’avancer sur ce dossier. Les parties concernées doivent travailler ensemble sur la base des principes qui ont établi l’OIAC et en respectant sa nature technique, a-t-il recommandé, espérant que la prochaine visite de l’équipe d’évaluation de la déclaration sur place soit ainsi facilitée. 

Pour le représentant il est impératif d’éliminer les armes chimiques et de faire en sorte que personne ne puisse y avoir accès et les utiliser, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la Syrie.  Le fait que ces armes puissent tomber entre de mauvaises mains, y compris celles d’organisations terroristes telles que Daech ou d’autres organisations criminelles, est extrêmement inquiétant, a souligné M. Abushahab qui a craint de graves répercussions sur la stabilité et la sécurité de la Syrie et du monde.  Par conséquent, il a appelé à continuer de travailler avec les États parties et l’OIAC pour éliminer complètement cette menace.  Il a aussi souligné l’importance de continuer à combattre Daech et de l’empêcher de réorganiser ses rangs, de renforcer ses capacités de combat et d’acquérir et utiliser des armes chimiques. 

Mme  BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déclaré que le régime syrien a eu recours à des armes chimiques à huit reprises « au bas mot » et que ces attaques ont tué ou blessé des centaines d’innocents.  Daech a usé de ces armes à trois reprises, a-t-elle ajouté.  Elle a rappelé que les quelque 100 rapports de l’OAIC sur le sujet montrent qu’il demeure des questions en suspens en ce qui concerne la déclaration initiale de la Syrie.  Il ne s’agit pas de détails techniques ou mineurs, a tranché la déléguée.  « La Syrie ne s’est toujours pas acquittée de ses obligations. »  Elle a accusé ce pays de refuser de délivrer des visas aux inspecteurs de l’OIAC et de « mépriser » son Secrétariat technique.  La déléguée a ensuite dénoncé les campagnes de désinformation visant à saper le travail de l’OIAC, ainsi que les droits de veto brandis dans ce même but.  Le programme chimique syrien doit être détruit de manière complète et vérifiable, tandis que les responsables des attaques chimiques doivent rendre des comptes, a insisté Mme Woodward. 

M. FERIT HOXHA (Albanie), qui s’exprimait pour la première fois au Conseil, a noté que le constat fait par plusieurs membres du Conseil il y a moins d’un mois, reste le même: les autorités syriennes ne souhaitent pas coopérer avec l’OIAC sur la mise en œuvre de la résolution 2118 (2013).  Il a déploré cette attitude.  Pourtant, a-t-il rappelé, le Secrétariat technique de l’OIAC continue d’estimer qu’à ce stade, en raison des insuffisances identifiées -les incohérences et les divergences non résolues-, la déclaration soumise par la Syrie ne peut être considérée comme exacte et complète, conformément aux dispositions de la Convention sur les armes chimiques.  Le représentant a donc appelé les autorités syriennes à coopérer pleinement avec le Secrétariat technique de l’OIAC.  Rappelant aussi que la Conférence des États parties à la CIAC avait décidé, en avril dernier, de suspendre la Syrie, il a dit que l’Albanie, en tant que membre du Conseil exécutif de l’OIAC depuis novembre 2021, ne pourra consentir au rétablissement des droits et privilèges de la Syrie que lorsque le Directeur général de l’OIAC aura signalé que la Syrie a satisfait à toutes les demandes.  À cet égard, le représentant a réitéré l’importance et l’urgence pour la Syrie de coopérer pleinement avec le Secrétariat technique.  De son avis, la clôture rapide des enquêtes sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie permettra au Conseil de soutenir plus efficacement le peuple syrien dans sa quête d’un avenir pacifique. Toute tentative de politiser le travail de l’OIAC ne servirait qu’à retarder la mise en œuvre de la résolution 2118 (2013) par la Syrie et nuirait à la noble mission de l’OIAC en tant que gardien de la Convention dont le but est de parvenir à un monde sans armes chimiques, a conclu M. Hoxha. 

Mme  MONA JUUL (Norvège) s’est félicitée du déploiement de la mission d’établissement des faits de l’OIAC en Syrie entre le 28 novembre et le 10 décembre 2021, notant que les collectes d’informations et les entretiens sont cruciaux pour garantir la responsabilité s’agissant de plusieurs incidents survenus en 2017 dans la province de Hama.  Elle s’est aussi félicitée que le Secrétariat technique de l’OIAC ait pu mener en décembre son huitième cycle d’inspections des sites de Barzé et Jamraya du Centre d’études et de recherches scientifiques.  « Après de nombreux mois sans inspections, ni missions de collecte d’informations, nous espérons que cette récente évolution favorisera un nouvel esprit de progrès sur ce dossier pour 2022 », a-t-elle dit. 

La représentante a cependant regretté les nombreux obstacles qui entravent la pleine mise en œuvre de la résolution 2118 du Conseil de sécurité, appelant notamment à mettre un terme aux retards persistants dans la délivrance des visas à l’Équipe d’évaluation des déclarations, afin que le vingt-cinquième cycle de consultations puisse avoir lieu.  Elle a également exhorté la Syrie à répondre aux demandes d’informations de l’OIAC s’agissant d’une attaque signalée contre une ancienne installation de production d’armes chimiques, « qui contenait apparemment du matériel pertinent pour une enquête de l’OIAC en cours ».  « L’OIAC a également demandé une déclaration de tous les types et quantités non déclarés d’agents neurotoxiques produits et/ou transformés en armes dans une ancienne installation de production d’armes chimiques », a-t-elle ajouté.  Mme Juul a de même appelé la Syrie à fournir suffisamment d’informations techniques et d’explications pour répondre aux 20 questions qui demeurent en suspens depuis sa déclaration initiale.  Enfin, elle a jugé essentiel que la Syrie prenne les mesures nécessaires pour lever la suspension de ses droits et privilèges en tant qu’État partie à la CIAC. 

M.  BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a tenu à répéter certains des principaux éléments du dossier des armes chimiques de la Syrie, « compte tenu du fait que c’est la première réunion sur cette question à laquelle participent les cinq nouveaux membres du Conseil ».  Il a notamment affirmé que son pays n’a jamais utilisé ce type d’armes, avant de rappeler qu’il est devenu État partie à la CIAC et qu’il n’a eu de cesse de coopérer avec l’OIAC au titre de la Convention.  Pourtant, certains pays occidentaux continuent de mener une campagne de désinformation et des politiques hostiles à l’encontre de la Syrie, a déclaré le représentant syrien affirmant que les équipes de l’OIAC sont devenues partie intégrante de ces campagnes, sapant ainsi l’impartialité et la neutralité de l’Organisation. 

Le représentant est revenu sur la lettre envoyée par la Mission permanente de la République arabe syrienne au Bureau des affaires de désarmement et à l’OIAC au sujet de certaines informations « inexactes » contenues dans certains rapports mensuels du Directeur général de l’OIAC.  Il a dit que son pays continuera malgré tout à coopérer de manière positive avec le Secrétariat technique de l’OIAC et a assuré en ce sens que les préparatifs se poursuivent pour la réunion en personne entre le Directeur général de l’OIAC et le Ministre syrien des affaires étrangères. 

Rappelant que l’Autorité syrienne a présenté son dernier rapport mensuel le 16 décembre 2021, le représentant a également souligné qu’elle a facilité, du 10 au 17 décembre 2021, le huitième cycle d’inspections du Secrétariat technique des installations du Centre d’études et de recherches scientifiques situées à Barzé et à Jamraya, ainsi que le déploiement de la mission d’établissement des faits de l’OIAC.  Le représentant a dès lors questionné le bien-fondé des accusations selon lesquelles la Syrie ne coopérerait pas avec l’OIAC.  Il s’est également demandé pourquoi la mission tardait autant à publier ses conclusions, lui reprochant de « trainer les pieds » lorsqu’il s’agit d’établir les instances d’utilisation d’armes chimiques par des groupes terroristes.  Il a également relevé que dans son intervention, la représentante des États-Unis a donné des informations sur ces enquêtes dont aucune conclusion n’a pourtant encore été rendue publique. 

S’agissant de la réunion limitée qui devait avoir lieu en octobre entre des experts syriens et l’OIAC à La Haye, le représentant a expliqué que cela ne s’est pas fait parce que le Secrétariat technique de l’OIAC aurait refusé de la financer, et non pas à cause d’un refus syrien d’y participer. 

Quant à la question du « non-octroi de visas » au personnel de l’OIAC, le représentant à tenu à préciser qu’il s’agit d’un seul visa pour l’un des membres de la l’Équipe d’évaluation des déclarations, et que cette correction a été apportée, « enfin », dans les rapports de l’OIAC.  Il n’est nullement question d’un refus massif ou global contrairement à ce que certains insinuent, a rectifié le représentant. 

S’agissant des références faites aux deux cylindres de chlore qui ont été détruits dans l’attaque qui a visé Douma, il a rejeté toute tentative de détournement de l’attention de cette attaque menée par Israël et a exigé que cet État soit condamné pour toutes les attaques illégales qu’il a lancées contre la Syrie.  En dernier lieu, le représentant a dit que la Syrie rejette toute accusation infondée et toute tentative de parvenir à des conclusions hâtives sans preuves concrètes.  Il a persisté à dire que son pays poursuivra néanmoins sa coopération avec l’OIAC. 

Mme ZAHRA ERSHADI (République islamique d’Iran) a estimé que la seule façon de garantir absolument que les armes chimiques ne seront plus utilisées est de les détruire et de les éliminer totalement, et de prendre toutes les mesures nécessaires d’interdire leur production.  Il est très préoccupant de voir que cet objectif n’est toujours matérialisé parce que les États-Unis sont le seul État partie à n’avoir pas détruit toutes ses armes chimiques.  L’autre obstacle est que la Convention n’est toujours pas universelle, a ajouté la représentante, en demandant que le régime israélien soit enfin contraint d’y adhérer sans condition préalable ou autre retard. 

Mme Ershadi a appelé à la dépolitisation des travaux de l’OIAC et exhorté les États parties à éviter d’exploiter l’Organisation pour servir leurs intérêts nationaux.  Elle a dit ne pas comprendre pourquoi le Conseil de sécurité continue de tenir des réunions mensuelles sur ce dossier alors que le Gouvernement syrien déploie des efforts pour s’acquitter de ses obligations au titre de la Convention, y compris la destruction complète, dans les plus brefs délais et dans des conditions sévères, de ses 27 installations de production d’armes chimiques.  Au lieu de contribuer aux objectifs de la Convention, ces réunions, a-t-elle prévenu, sapent l’autorité de la Convention et la crédibilité de l’OIAC, tout en aggravant le manque de confiance dans le Conseil de sécurité.  La représentante a conclu, en insistant sur le respect de l’indépendance, de l’impartialité et du professionnalisme de l’OIAC. 

« Le régime d’Assad ne s’acquitte toujours pas de ses obligations », a déclaré M. ÖNCÜ KEÇELI (Turquie).  La déclaration initiale est incomplète, a-t-il poursuivi, en précisant que 20 questions restent en suspens.  Il a accusé « le régime d’Assad » de ne pas avoir fourni les informations nécessaires pour déterminer l’ampleur de son programme chimique et de ne pas avoir expliqué les derniers déplacements de deux cylindres de chlore liés à l’attaque de Douma.  Le refus de délivrer les visas, a poursuivi le représentant, est un autre exemple du comportement inacceptable du « régime d’Assad ».  Il a invité le Conseil de sécurité à envoyer un signal de fermeté pour que la résolution 2118 (2013) soit pleinement respectée.  Le « régime d’Assad » a usé d’armes chimiques contre son propre peuple et son « audace » montre les conséquences graves que l’impunité peut avoir, a tranché le délégué.  « Nous ne pouvons pas fermer les yeux devant les souffrances endurées par les civils et notamment ceux qui ont eu les poumons détruits par les armes chimiques » a conclu le représentant, en apportant le plein soutien de son pays au travail de l’OIAC.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale clôt la partie principale de sa 76e session et dote l’ONU d’un budget de 3 milliards de dollars pour 2022

Soixante-seizième session,
54e séance (reprise) – nuit
AG/12398

L’Assemblée générale clôt la partie principale de sa 76e session et dote l’ONU d’un budget de 3 milliards de dollars pour 2022

Tard dans la nuit, l’Assemblée générale a suivi les recommandations de sa Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires et doté le Secrétariat de l’ONU d’un budget de 3 milliards de dollars pour 2022.

Saisie des incidences budgétaires, l’Assemblée a pu adopter les résolutions en suspens de ses Troisième, Sixième et Première Commissions.  Le texte recommandé par la Troisième Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, sur l’« Appel mondial à une action concrète pour l’élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée et pour l’application intégrale et le suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban » (A/76/460) a été adopté par 112 voix pour, 16 voix contre et 37 abstentions. 

La résolution intitulée « Combattre la désinformation et promouvoir et protéger les droits humains et les libertés fondamentales » (A/76/462/Add.2) a été adoptée sans vote et celle sur la « Situation des droits humains en République arabe syrienne » (A/76/462/Add.3) par 93 voix pour, 16 voix contre et 52 abstentions.

L’Assemblée a ensuite adopté sans vote le texte recommandé par sa Sixième Commission chargée des questions juridiques sur la cinquante-quatrième session du Rapport de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (A/76/471).

Passant aux recommandations de sa Première Commission, l’Assemblée a adopté, par 114 voix pour, 9 voix contre (Australie, Canada, États-Unis, France, Îles Marshall, Israël, Japon, Royaume-Uni et Ukraine) et 44 abstentions, la résolution sur les « Nouvelles mesures concrètes de prévention d’une course aux armements dans l’espace ». 

Elle a fait de même pour la résolution intitulée « Réduire les menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable », qui a été adoptée par 150 voix pour, 8 voix contre (Chine, Cuba, Fédération de Russie, Iran, Nicaragua, République arabe syrienne, République populaire démocratique de Corée et Venezuela) et 7 abstentions (Arménie, Bélarus, Inde, Israël, Pakistan, République centrafricaine et Tadjikistan).  Les paragraphes 3, 5 a), 5 b) et 5 c) ont été adoptés au préalable à l’issue d’un vote. 

Après un vote séparé sur l’alinéa 22, l’Assemblée a adopté sans vote la résolution sur « Le commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects ».  En revanche, la résolution sur les « Problèmes découlant de l’accumulation de stocks de munitions classiques en surplus » a été adoptée par 159 voix pour, zéro contre et 9 abstentions (Bolivie, Cuba, Fédération de Russie, Guinée équatoriale, Iran, Myanmar, Nicaragua, République arabe syrienne et Venezuela).  Celle sur la « Promotion de la coopération internationale touchant les utilisations pacifiques dans le contexte de la sécurité internationale » a été adoptée par 78 voix pour, 53 voix contre et 32 abstentions, après un vote séparé sur les paragraphes 2 et 3.

La reprise de la soixante-seizième session sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Cinquième Commission achève ses travaux et recommande un budget de 3,12 milliards de dollars pour le Secrétariat de l’ONU en 2022  

Soixante-seizième session,
9e séance plénière – nuit
AG/AB/4378

La Cinquième Commission achève ses travaux et recommande un budget de 3,12 milliards de dollars pour le Secrétariat de l’ONU en 2022  

Fidèle à sa réputation de retardataire, la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires a conclu ses travaux, bien après minuit, et doté le Secrétariat de l’ONU d’un budget de 3,12 milliards de dollars pour 2022.  

En tout, ce sont 16 résolutions que la Commission a recommandées à l’Assemblée générale, après une séance marquée par une multiplication d’amendements et de votes visant à supprimer le financement de plusieurs mandats relatifs aux droits de l’homme jugés « partiaux » et finalement tous rejetés, à l’exception de celui de la Slovénie, au nom de l’Union européenne, pour monter à 17 millions de dollars le budget du Mécanisme d’enquête sur la Syrie.

Parmi les décisions adoptées sans vote figure celle relative au financement de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour par laquelle l’Assemblée générale est invitée à approuver le don des actifs de l’Opération, avec un coût d’acquisition de 145 456 300 dollars et une valeur comptable nette de 55 291 700 dollars, au Gouvernement du Soudan.  

Autre budget adopté sans vote, celui de 89,6 millions pour le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux.  La Commission a également adopté sans vote le barème des quotes-parts pour la répartition des dépenses de l’ONU et celui des opérations de maintien de la paix.  C’est le Groupe des États d’Afrique, s’est enorgueillie l’Égypte, qui, dans les heures les plus sombres et les plus tardives de la session, alors que tout était en jeu et que les espoirs s’amenuisaient, a fait preuve d’un leadership exemplaire en invitant les puissances mondiales à un « conseil africain » pour discuter, partager des idées et surmonter l’impasse.   Notre Groupe a montré sa foi dans le multilatéralisme, en renonçant à ses plus hautes priorités dans la résolution sur les missions politiques spéciales.  

Terminer la partie principale de la session de la Cinquième Commission le 24 décembre en dépit de la résurgence de la COVID-19 à New York, et en tirant parti de la technologie et de l’engagement de toutes les délégations, constitue un succès remarquable qui mérite d’être applaudi, ont estimé les États-Unis, malgré les appels à l’amélioration des méthodes de travail.  

La Cinquième Commission tiendra sa première reprise de session en mars 2022.

CLÔTURE DES TRAVAUX DE LA CINQUIÈME COMMISSION PENDANT LA PARTIE PRINCIPALE DE LA SOIXANTE-SEIZIÈME SESSION DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Adoption des projets de résolution

Le Président de la Cinquième Commission a informé les délégations que les projets de résolution et de décision dont elles sont saisies sont des versions provisoires qui feront l’objet d’un examen éditorial et d’un contrôle qualité, étant donné que la plupart de ces textes n’ont été agréés que ces dernières 24 heures.  Les textes adoptés aujourd’hui seront publiés dans les six langues officielles dans les plus brefs délais, dans le respect des résolutions de l’Assemblée générale sur le multilinguisme.  Le Président a remercié toutes les délégations pour avoir accepté d’adopter les projets en anglais, et ce, à titre exceptionnel.

Rapports financiers et états financiers vérifiés, et rapports du Comité des commissaires aux comptes (A/C.5/76/L.7)

Par ce texte, adopté sans vote, la Commission prie l’Assemblée générale d’approuver les recommandations contenues dans les rapports du Comité des commissaires aux comptes (CCC) et du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB).  Elle l’invite à examiner plus avant les rapports du CCC sur le Mécanisme résiduel des tribunaux pénaux internationaux et sur la Caisse commune des pensions du personnel des Nations Unies.

Planification des programmes (A/76/C.5/L.5)

La Commission a rejeté par 88 voix contre, 22 voix pour et 45 abstentions, ce texte par lequel l’Assemblée générale aurait décidé de supprimer du programme 6 (Affaires juridiques) toutes mentions et descriptions du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables.

Auteur de la résolution, la Fédération de Russie avait pourtant fait valoir la volonté d’une dizaine de délégations d’aller dans ce sens pour supprimer un mécanisme « mis en place de manière arbitraire » et qui n’est rien d’autre qu’une « aventure politique ».

Également au nom du Liechtenstein, la Suisse a déploré une proposition qui « bouscule » l’autorité de l’Assemblée générale laquelle a, à maintes reprises, affirmé son intention de financer le Mécanisme à partir du budget ordinaire de l’ONU, et ce, depuis sa création.  Le Mécanisme, a souligné la Suisse, est « une partie intégrante » de ce budget et il est regrettable qu’un « petit groupe de pays » continue de défier la volonté exprimée par la majorité des États Membres.

La résolution 71/248 portant création du Mécanisme d’enquête, a argué la Syrie, est contraire à l’Article 12 de la Charte des Nations Unies qui précise que lorsque le Conseil de sécurité est saisi d’une question, l’Assemblée générale ne peut se prononcer, sauf à la demande expresse du Conseil.  Il est donc inacceptable, a tonné la Syrie, de financer un mécanisme somme toute « illégal ».  L’Assemblée, a-t-elle poursuivi, outrepasse son mandat et empiète sur les prérogatives du Conseil de sécurité, sans oublier le fait « inadmissible » que le Mécanisme a été créé « sans notre consentement ».  Après avoir noté que le mandat du « prétendu Mécanisme » n’est défini ni dans le temps ni dans l’espace, le représentant syrien a appelé les États Membres à se distancer de cet organe.

Au nom de l’Union européenne, la Slovénie a insisté sur la pertinence de la résolution 71/248 et jugé que la proposition russe n’est rien d’autre qu’une tentative de violer les décisions de l’Assemblée générale.

Le Mécanisme, a renchéri le Qatar, joue un rôle important puisque c’est l’organe de base pour collecter les informations sur les crimes commis en Syrie.  Le Qatar a salué un mécanisme qui respecte les normes les plus élevées et recourt aux technologies les plus sophistiquées.  Nous devons lui assurer une part du budget ordinaire de l’ONU, conformément aux résolutions pertinentes, a-t-il martelé.

Rapport du Comité du programme et de la coordination (CPC) (A/76/C.5/L.3

Par ce texte, la Commission recommande à l’Assemblée générale de prier le Secrétaire général de dialoguer avec les États Membres et d’autres intervenants, dont les gestionnaires de programme et le CCQAB, pour la préparation du rapport sur l’examen des modifications du cycle budgétaire, y compris en ce qui concerne les procédures et pratiques budgétaires.

Une nouvelle fois, la Fédération de Russie mais aussi le Nicaragua, la Chine, Cuba, la République populaire démocratique de Corée (RPDC), l’Iran, le Venezuela, le Bélarus et la Bolivie se sont dissociés de toutes les mentions au Mécanisme d’enquête en Syrie.  Cette dernière a insisté pour que l’on reconnaissance l’illégitimité dudit Mécanisme.

Avant l’adoption de ce texte, la Commission a adopté par 92 voix pour, 16 voix contre et 40 abstentions un amendement oral présenté par le Qatar invitant l’Assemblée générale à approuver aussi le plan pour le programme 6 (Affaires juridiques), tel qu’il figure dans le rapport du Secrétaire général (A/76/6/Sect.8).

Cet amendement a été rejeté par la Fédération de Russie et le Bélarus.  Au nom de l’Union européenne, la Slovénie a insisté sur le respect des décisions de l’Assemblée générale.  Le Mécanisme, a-t-elle souligné, est essentiel pour garantir l’établissement des responsabilités pour les crimes les plus graves commis en Syrie depuis 2011.

Plan des conférences (A/C.5/76/L.4)

Par ce texte adopté sans vote, l’Assemblée générale est priée d’autoriser le Comité des conférences à apporter tout ajustement au calendrier révisé des conférences et réunions des Nations Unies pour 2022 qui pourraient devenir nécessaires en raison de décisions prises par l’Assemblée générale à sa soixante-seizième session.  L’Assemblée devrait aussi se déclarer préoccupée par la « prolongation récurrente » des travaux de la Cinquième Commission pendant la deuxième partie de la reprise de session et par l’impact d’une telle prolongation sur les services fournis par le Secrétariat, y compris la disponibilité des salles de conférence et des services linguistiques.

Barème des quotes-parts pour la répartition des dépenses de l’Organisation des Nations Unies (A/C.5/76/L.8)

Par ce texte, adopté sans vote, l’Assemblée générale est invitée à adopter le barème des quotes-parts pour la période de 2022 à 2024 fondé sur huit critères.

Barème des quotes-parts pour la répartition des dépenses relatives aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies (A/C.5/76/L.9)

Ici, l’Assemblée est priée de décider qu’à compter du 1er janvier 2022, les taux de contribution au maintien de la paix devraient être basés sur les 10 niveaux de contribution et les paramètres énoncés.

Le Président de la Cinquième Commission a précisé qu’à titre exceptionnel, trois pays de la catégorie B, à savoir l’Arabie saoudite, les Bahamas et Bahreïn, bénéficieront d’une remise de 7,5% de leur taux d’imposition, laquelle remise sera compensée au prorata par les membres permanents du Conseil de sécurité.

Régime commun des Nations Unies (A/C.5/76/L.14

Adopté sans vote, ce texte prie l’Assemblée générale de demander à la Commission de la fonction publique internationale (CFPI) d’effectuer un examen approfondi du système de rémunération, y compris une analyse détaillée de sa rentabilité, son attractivité et son impact sur le personnel.  L’Assemblée devrait aussi souligner l’importance d’une mise en œuvre efficace et efficiente des nouvelles enquêtes sur le coût de la vie pour rétablir un régime commun unifié et insister sur la nécessité de mener des enquêtes régulières.

Rapport sur les activités du Bureau des services de contrôle interne (BSCI) (A/C.5/76/L.15)

Par ce texte adopté sans vote, l’Assemblée est priée d’inviter le Secrétaire général à veiller à ce que les rapports annuels du BSCI continuent d’inclure une brève description de toute atteinte à son indépendance.  Le Secrétaire général devrait également veiller à ce que toutes les résolutions pertinentes concernant les travaux du Bureau soient portées à l’attention des responsables concernés.

Administration de la justice aux Nations Unies (A/C.5/76/L.12)

Également adopté sans vote, ce texte prie l’Assemblée générale de demander au Secrétaire général de continuer à assurer une solide culture de responsabilité dans l’ensemble du Secrétariat, en particulier avec une approche proactive et transparente de l’approche à trois piliers des Nations Unies pour sanctionner les mauvaises conduites, à savoir prévention, exécution et correction.

Financement du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (A/C.5/76/L.16)

Adopté sans vote, ce texte recommande à l’Assemblée générale d’affecter au compte spécial du Mécanisme un montant total de 89 690 200 dollars en 2022.

Au nom du Groupe des États d’Afrique, le Cameroun a exhorté le Secrétaire général à continuer d’appuyer le Mécanisme afin que les victimes et les rescapés obtiennent justice.  Vivement préoccupé par la question de la réaffectation des postes mentionnée dans le texte, il a réclamé une enquête indépendante sur la gestion des ressources humaines.

Le Rwanda a jugé indispensable que le Mécanisme soit doté de ressources à la hauteur des ambitions de son mandat, en particulier le procès de Félicien Kabuga.

La Tanzanie a appuyé l’idée d’une enquête sur la gestion des ressources humaines au sein du Mécanisme.

Financement de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (A/C.5/76/L.11

Adopté sans vote, le texte recommande à l’Assemblée générale d’approuver le don des actifs de l’Opération, avec un coût d’acquisition de 145 456 300 dollars et une valeur comptable nette de 55 291 700 dollars au Gouvernement du Soudan.

Projet de budget-programme pour 2022 (A/C.5/76/L.13

Ce texte, qui contient neuf décisions sur les incidences financières des résolutions des Première, Troisième et Sixième Commissions, a été adopté sans vote. 

La Syrie a émis des réserves sur le financement des mandats adoptés par la Troisième Commission, des mandats, a-t-elle jugé, qui ne sont que des agendas politiques hostiles et fondés sur des allégations sans fondement.

Questions relatives au budget-programme pour 2022 (A/C.5/76/L.6

Cet amendement de la Fédération de Russie a été rejeté par 86 voix contre, 20 voix pour et 49 abstentions et visait à recommander à l’Assemblée générale de supprimer toutes mentions et toutes descriptions du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables. 

Au nom de l’Union européenne, la Slovénie a rappelé que la Commission est chargée de veiller à ce que les mandats adoptés par les organes compétents des Nations Unies soient dûment financés.  Elle a donc rejeté l’amendement russe.

Le Qatar a appuyé la déclaration de la Slovénie, avant que la Syrie ne rejette une nouvelle fois un mécanisme qui crée un précédent dangereux concernant l’ingérence dans les affaires intérieures des États.   

Questions relatives au projet de budget-programme 2022 (A/C.5/76/L.10)

Adopté par 158 voix pour et les abstentions de la Bosnie-Herzégovine, du Burundi, de l’Iran, de Madagascar, de la Namibie, de la République centrafricaine et de la République populaire démocratique de Corée, le texte a subi plusieurs propositions d’amendement. 

Celui de la Slovénie, au nom de l’Union européenne, qui visait à suivre les recommandations du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) et à doter le Mécanisme en Syrie d’une somme de 17 millions de dollars, a été adopté par 90 voix pour, 18 voix contre et 44 abstentions. 

En revanche l’amendement de l’Iran, contre le financement des activités relatives aux droits de l’homme, a été rejeté par 70 voix contre, 16 voix pour et 64 abstentions.

L’Iran a donc expliqué son abstention sur l’ensemble de la résolution par l’existence d’une disposition discriminatoire à son égard. 

La Syrie, la Fédération de Russie, Cuba, la Chine, le Bélarus, le Nicaragua, le Venezuela et la Bolivie se sont une nouvelle fois opposés aux dispositions relatives au Mécanisme d’enquête sur la Syrie, après avoir appuyé l’amendement de l’Iran, condamnant la politisation de la question des droits de l’homme.

Israël s’est dissocié des dispositions relatives au financement de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), insistant sur une meilleure gouvernance de ce dernier.  

La Fédération de Russie et la Syrie se sont opposées à cette position.

Questions spéciales relatives au budget-programme 2022 (A/C.5/76/L.17

Le texte a été adopté, après la mise aux voix de deux amendements.  Rejeté par 82 voix contre, 22 voix pour et 54 abstentions, l’amendement oral de Cuba visait à supprimer tout financement au Conseiller spécial pour la responsabilité de protéger, « qui n’a aucun mandat législatif ayant fait l’objet d’un accord intergouvernemental ». 

Le Nicaragua, le Venezuela et l’Iran ont appuyé cet amendement, craignant que la responsabilité de protéger puisse être utilisée comme prétexte pour renverser des gouvernement légitimes.  Ce concept, ont-ils tranché, ne sert que les intérêts des grandes puissances.  C’est un concept « dangereux » qui peut être instrumentalisé à des fins politiques, a renchéri la République populaire démocratique de Corée (RPDC).  Le Bélarus, la Syrie et la Bolivie ont dénoncé un concept sans fondement juridique, adopté sans consensus et marqué la polémique, au mépris du principe de souveraineté nationale.  

La Slovénie, au nom de l’Union européenne, et le Canada ont rappelé que la pertinence et la légitimité du mandat du Conseiller spécial pour la responsabilité de protéger était tout aussi pertinent.  

Avant de se dissocier de la résolution dans son ensemble, Israël avait présenté un amendement visant à supprimer le financement de la Commission d’enquête qui le concerne.  Pourquoi aucune commission n’a été créée pour enquêter sur les agissements du Hamas? a lancé Israël, faisant observer que 9 des 32 commissions d’enquête créées par le Conseil des droits de l’homme le concernent. 

La Guinée, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, et l’Arabie saoudite, au nom de l’Organisation pour la coopération islamique (OCI), se sont opposées à l’amendement israélien.  Le droit international humanitaire et les droits de l’homme s’appliquent au Territoire palestinien occupé.  Les droits des Israéliens ne sont pas supérieurs à ceux des Palestiniens, a tancé la Jordanie.  

L’Australie, qui s’est abstenue sur la résolution, a dénoncé la persistance de décisions biaisées contre Israël.  Le mandat de la Commission d’enquête est vague, partial et sans date butoir, voire « injuste », ont ajouté les États-Unis.  En raison d’une absence de date butoir, nous nous sommes abstenus, a avoué l’Albanie, avant que le Canada ne fustige la politisation de la Cinquième Commission dont le rôle n’est pas de discuter des mandats mais de leur financement.  Il a dit néanmoins partager les préoccupations sur les moyens « disproportionnés » et le mandat trop large de la Commission d’enquête. 

Sri Lanka a rejeté la décision du Conseil des droits de l’homme concernant un mandat à son égard et la Syrie a émis des réserves sur le financement de nombreux mandats relatifs à la situation des droits de l’homme, en raison des risques réels d’instrumentalisation des droits de l’homme pour servir les intérêts des États influents et faciliter leur ingérence dans les affaires intérieures des autres.  Le Bélarus et l’Iran ont condamné l’approche sélective des procédures droits de l’homme.

Projet de budget-programme pour 2022 (A/C.5/76/L.18)

Mme CATHERINE POLLARD, Secrétaire générale adjointe chargée du Département des stratégies et politiques de gestion et de la conformité, a fait une mise à jour technique et indiqué que l’ouverture des crédits pour 2022 est revue à la hausse pour atteindre la somme de 3 121 651 dollars, au lieu de 3 121 137.

Dépenses extraordinaires et imprévues (A/C.5/76/L.19)

Adopté sans vote, le texte recommande à l’Assemblée générale de permettre au Secrétaire général d’engager une somme maximum de 8 millions de dollars pour la Cour internationale de Justice.

Fonds de roulement (A/C.5/76/L.20)

Par ce texte adopté sans vote, la Commission recommande à l’Assemblée générale de doter le Fonds d’une somme de 150 millions de dollars.

Après l’adoption du Rapport de la Commission A/C.5/76/L.21, l’Iraq s’est félicité de l’issue de cette première partie de session. 

Déclarations de clôture

Au nom du Groupe des 77 et la Chine, la Guinée a regretté que le Comité du programme et de la coordination n’a pas pu formuler des recommandations cette année, jugeant qu’un temps précieux a été perdu.  Le Comité doit profiter de la semaine de travail supplémentaire qui lui a été accordée pour trouver un consensus sur toutes les questions qui lui ont été soumises, a-t-elle estimé.

L’Union européenne a salué le succès d’une session achevée dans les délais en dépit d’un programme de travail chargé.  Les réunions virtuelles n’ont entravé ni le travail ni les résultats de la session, mais nous ont plutôt permis de poursuivre les négociations dans un environnement plus sûr.  Ces modalités de travail ne doivent pourtant pas devenir la norme même si elles peuvent avoir une valeur ajoutée, qui serait encore plus grande si les services d’interprétation étaient disponibles, a estimé l’Union européenne.

Elle a jugé que le budget-programme pour 2022 reflète un large éventail de priorités et incarne les mérites de la coopération pour obtenir de meilleurs résultats.  Les propositions et les délibérations doivent toujours être fondées sur les demandes du Secrétaire général.  Il faut éviter, s’est expliquée l’Union européenne, les décisions arbitraires, la politisation et la fragmentation du budget.  Elle a insisté sur un financement adéquat des activités liées aux droits de l’homme et au développement.

Le budget annuel est robuste et pleinement fonctionnel, rendant l’ONU plus efficace et plus agile.  L’annualisation budgétaire tient donc sa promesse de rapprocher les mandats et l’allocation des ressources, comme on l’a dans la riposte de l’ONU à la pandémie.  Saluant l’adoption par consensus des résolutions sur la planification des programmes ou les barèmes des quotes-parts, l’Union européenne a vu là la preuve que la Commission sait trouver un accord même sur des questions techniques complexes ayant des ramifications politiques importantes.

Elle s’est en revanche dite « préoccupée » par l’incapacité de certains membres de la Commission de rapprocher leurs points de vue, préférant des résolutions creuses et sans consistance, dénuées de directives politiques claires au Secrétariat de l’ONU.  Il est urgent, a plaidé l’Union européenne, de recouvrer notre faculté à faire des compromis faute de quoi nous risquons d’être bloqués en permanence dans le statu quo et de reléguer notre Commission à un rôle d’organe subsidiaire d’experts techniques.  Il faut également réfléchir aux méthodes de travail et trouver les moyens de commencer les discussions de fond plus tôt, a conclu l’Union européenne.

Au nom du Groupe des États d’Afrique, le Cameroun a dénoncé la discrimination dont a fait l’objet le personnel africain du Bureau du Conseiller spécial pour l’Afrique.  Des hauts responsables ont été placés en congé pendant six mois, dans ce qui était un fait inédit dans l’histoire de l’Organisation.  Le Cameroun a affirmé qu’une délégation d’ambassadeurs africains a rencontré le Secrétaire général pour parler de cette situation.  En dépit des efforts et de la coopération avec les parties prenantes, les résultats obtenus par le Conseiller spécial restent insuffisants, a-t-il tranché.  Par deux fois, a-t-il rappelé, l’Assemblée générale a demandé comment ce bureau peut fonctionner sans aucune orientation des États Membres?  « Une fois » c’est une exception, « deux fois », une coïncidence, mais « trois fois », c’est inévitablement une tendance délibérément organisée, a tranché le Cameroun.

Il a en outre estimé que cette session a mis en péril le multilinguisme et dénoncé le fait que les préoccupations de son groupe ne soient pas entendues, ce qui n’est pas le cas pour les autres groupes, a accusé le délégué.  Ces critiques n’ont pas empêché le Cameroun d’inviter le Président de la Cinquième Commission à la Coupe d’Afrique des Nations 2022, qui se tiendra sur son sol, en janvier 2022.

Achever la principale partie de la session, un 24 décembre, en dépit de la résurgence de la pandémie de COVID-19 à New York et en tirant parti de la technologie et de l’engagement de toutes les délégations, constitue un succès remarquable qui mérite d’être applaudi, ont estimé les États-Unis.  Ils se sont dits préoccupés par la charge de travail croissante du CCQAB, plaidant pour l’amélioration des conditions de travail.  Ils ont aussi encouragé la Commission à trouver un terrain d’entente sur le Plan-cadre d’équipement et Umoja.  À leur tour, ils ont dénoncé la tendance à se rabattre sur des résolutions creuses.  Ils ont une nouvelle fois rejeté le mandat sans limite et sans précédent de la Commission internationale indépendante d’enquête sur Israël.

L’Égypte a insisté sur le fait que les barèmes de quotes-parts doivent être fondés sur le principe de la capacité de payer, espérant que le consensus sur le maintien de la méthodologie actuelle a été la meilleure décision, à ce stade, pour l’ONU et les États Membres.  C’est le Groupe des États d’Afrique, a-t-il affirmé, qui, dans les heures les plus sombres et les plus tardives de la session, alors que tout était en jeu et que les espoirs s’amenuisaient, a fait preuve d’un leadership exemplaire, en invitant les puissances mondiales à un « conseil africain » pour discuter, partager des idées et trouver une issue.  Notre groupe a montré sa foi dans le multilatéralisme, en renonçant à ses plus hautes priorités dans la résolution sur les missions politiques spéciales pour donner à la Commission et à l’ONU les ressources nécessaires à temps et sans délai.

Le Mexique s’est félicité de l’issue de l’examen sur les barèmes de quotes-parts et de la planification de programmes.

Le Japon a plaidé pour l’amélioration de la transparence et de la prévisibilité des futures propositions budgétaires.  Satisfait de l’issue de l’examen des barèmes des quotes-parts et de la Caisse commune des pensions, il a réaffirmé la nécessité de revoir les méthodes de travail de la Cinquième Commission pour plus d’efficacité et d’efficience, avec en son cœur le consensus.

Le Brésil s’est félicité que la Commission ait pu renoncer à « la pratique malsaine de faire des coupes budgétaires pour le plaisir d’en faire ».  L’augmentation des ressources disponibles pour le développement pour la deuxième année consécutive est une réalisation importante, s’est-il réjoui.  La Commission, a-t-il ajouté, a aussi considérablement amélioré le cadre dans lequel les organes compétents de l’Assemblée générale participent au processus budgétaire, dans toutes ses phases.  Nous avons également donné au Comité du programme et de la coordination une meilleure occasion de mener ses travaux de manière plus constructive, en lui accordant une semaine supplémentaire de délibérations en 2022.

Le Brésil a salué la décision de la Cinquième Commission de maintenir la méthodologie de ses barèmes de quote-part.  Il a toutefois mis en garde contre l’idée que ces barèmes soient utilisés comme obstacle financier à l’accession des pays en développement au Conseil de sécurité.

Les Bahamas ont salué un budget qui représente « nos priorités, nos valeurs et nos principes ».  Elles ont en effet avoué leur préoccupation face à l’idée, défendue par certains, de faire porter le fardeau budgétaire à d’autres.  Elles ont justement souligné, concernant le budget des opérations de maintien de la paix, le principe de la responsabilité commune mais différenciée qui tient compte des capacités et des privilèges des membres permanents du Conseil de sécurité.  Aucun pays en développement qui n’est pas membre du Conseil ne devrait être classé au-dessus de la catégorie C, ont tonné les Bahamas, d’autant plus que leur quote-part a été multipliée par cinq, ces 20 dernières années.  Défendant l’indice de vulnérabilité multidimensionnel, comme un indicateur plus équitable, les Bahamas ont voulu que toute innovation se fonde sur des réalités économiques concrètes.

L’Indonésie a dit sortir d’une session particulièrement difficile.  Toutefois, s’est-elle réjouie, nous avons réussi à surmonter les divergences et avons fait de notre mieux pour obtenir le résultat le plus raisonnable possible.

Le Botswana a salué le succès de la session et a pris note de l’accord visant à voir l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales de l’Afrique s’engager dans des partenariats sur les questions les plus urgentes de développement, d’aide humanitaire et de paix.  C’est important de travailler ensemble comme un seul homme et d’éviter les chevauchements.  Il faut maximiser les acquis.

Les résultats obtenus ne sont pas parfaits, a dit la Chine.  Elle a souligné la nécessité de répondre aux besoins des pays en développement et d’y consacrer des ressources suffisantes.  Le Secrétariat devra veiller à la bonne allocation des ressources pour renforcer la performance et faire en sorte que l’argent du contribuable soit utilisé à bon escient.

Ravi du fait que les retards de l’année dernière soient restés « une anomalie », le Royaume-Uni a insisté sur l’obtention des rapports en temps voulu.  Il s’est aussi dit déçu de l’incapacité des membres de la Commission de mettre à jour les lacunes techniques des barèmes de quotes-parts, appelant ceux qui bénéficient de dégrèvement résultant de leur appartenance à la catégorie C à y renoncer.  Une fois encore, a regretté le Royaume-Uni, tous les programmes proposés par le Secrétaire général n’ont pas pu être adoptés.  Il a dit attendre avec intérêt les propositions de M. António Guterres pour résoudre les problèmes du Comité du programme et de la coordination.  Il a encouragé le Secrétariat à se montrer ambitieux et à s’appuyer sur les nouvelles façons de travailler nées des restrictions imposées par la pandémie de COVID-19.

Saluant également l’appel de la Commission à l’UNRWA pour qu’il améliore la gouvernance, le contrôle interne, la transparence et le principe de responsabilité, le Royaume-Uni s’est dit déçu de l’absence de résultat concernant les missions politiques spéciales.  S’agissant du budget du Conseil des droits de l’homme, il s’est avoué préoccupé par les tentatives de priver de financement certains mandats, y compris le Mécanisme chargé de faciliter les enquêtes sur les violations du droit international commises en Syrie.

La Secrétaire générale adjointe chargée des stratégies et politiques de gestion et de la conformité a salué la conclusion des travaux dans les temps, jugeant que parvenir à un résultat avant Noël est extrêmement important pour le Secrétariat.  Nous prouvons ainsi que notre travail peut être efficace, a dit la haute-responsable qui a applaudi les efforts et la souplesse des États Membres et du Bureau de la Commission.

Le Président de la Cinquième Commission a salué l’excellent travail effectué par le Secrétariat, les délégations et son secrétariat.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité compte examiner comment les opérations de paix peuvent appuyer la lutte contre les violations des embargos sur les armes

8942e séance - après-midi
CS/14751

Le Conseil de sécurité compte examiner comment les opérations de paix peuvent appuyer la lutte contre les violations des embargos sur les armes

Le Conseil de sécurité a décidé, cet après-midi, d’examiner la question de savoir « si et comment » les opérations de paix peuvent aider les autorités nationales compétentes à lutter contre le transfert illicite et le détournement d’armes en violation des embargos sur les armes en vigueur dans les zones d’opérations concernées.

Adoptée par 12 voix et 3 abstentions (Chine, Fédération de Russie et Inde), la résolution 2616 (2021) précise que cette question sera examinée au moment de renouveler le mandat des opérations de paix opérant dans des zones soumises à un embargo sur les armes décrété par le Conseil de sécurité.

Par ce texte, l’organe onusien souligne par ailleurs qu’au moment d’évaluer la possibilité de lever un embargo sur les armes, il tiendra dûment compte de la capacité des États soumis audit embargo d’exercer un contrôle effectif sur leurs stocks d’armes et de munitions existants et sur leurs importations futures, en vue d’empêcher que ces armes ne soient détournées vers le marché illicite. 

En outre, il demande que les États Membres, en particulier ceux qui sont soumis à un embargo sur les armes par lui décrété, coopèrent pleinement avec les groupes d’experts compétents et souligne qu’il importe que ceux-ci puissent, chaque fois que possible, procéder à des inspections visuelles de tout matériel militaire saisi ayant été transféré illicitement en violation dudit embargo, ou s’en faire remettre des échantillons.

Intervenant à l’issue du vote, le Mexique, porte-plume du texte, soulignant que les flux illicites d’armes alimentent moult conflits, a salué l’adoption d’une résolution « qui fait écho à un problème réel » et représente un « véritable pas en avant » pour renforcer les actions et décisions, l’objectif étant de freiner le détournement d’armes et de favoriser des changements juridiques.

Quelle peut donc être la valeur ajoutée de cette résolution qui ne bénéficie pas du consensus et qui « cherche à mettre tous les embargos sur les armes dans le même sac », a cependant déploré la Fédération de Russie qui a regretté une atteinte à l’intégrité du Conseil de sécurité, récusant dans la foulée la tendance « néfaste » à faire adopter des textes sur des « thèmes à la mode ».

« Les opérations de paix ne doivent pas être utilisées comme moyen de faire appliquer les embargos », a estimé l’Inde qui s’est inquiétée pour sa part de la charge supplémentaire de travail que représente ce texte pour les Casques bleus.  Les changements potentiels de mouvement dans les zones frontalières, entre autres, risquent en outre de les exposer à des attaques directes de la part de contrebandiers, a-t-elle alerté.

La délégation indienne a de plus déploré que les pays fournisseurs de contingents n’aient pas été consultés, estimant par ailleurs que toute question de fond doit être traitée par le Comité spécial du maintien de la paix (C34).  Les embargos sur les armes sont une question complexe qui doit être traitée par les entités spécialisées, a-t-elle martelé, regrettant, tout comme la Chine, que ses préoccupations n’aient pas été prises en compte.

Relevant que chaque zone de mission présente ses propres spécificités, la délégation chinoise a, elle aussi, estimé que les mandats doivent être abordés au cas par cas, récusant toute approche « taille unique ».  L’objectif des embargos est d’aider les pays à retrouver la stabilité et ces derniers ne devraient pas voir leurs capacités entravées en matière de sécurité, a-t-elle ajouté.

Favorable au texte, le Viet Nam a souligné que le renforcement de la gestion et des mesures de contrôle des armes peut contribuer à la paix et à la stabilité dans les zones de conflit.  Un consensus sur la question doit être renforcé à l’échelle internationale y compris au sein du Conseil de sécurité, a-t-il voulu.

Il importe aussi de savoir pourquoi les armes légères et de petit calibre circulent malgré toutes les mesures prises pour faire appliquer les embargos, a renchéri le Niger qui a appelé les membres du Conseil à avoir le « courage » d’affronter cette question.  « Les intérêts économiques de quelques fabricants d’armes doivent s’effacer devant l’impérieuse nécessité de sauver des vies humaines. »

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Texte du projet de résolution S/2021/1075

Le Conseil de sécurité

Réaffirmant les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, 

Vivement préoccupé par le fait que le transfert illicite, l’accumulation déstabilisante et le détournement d’armes légères et de petit calibre dans de nombreuses régions du monde continuent de menacer la paix et la sécurité internationales, causent d’importantes pertes en vie humaines, contribuent à l’instabilité et à l’insécurité, et continuent de compromettre l’aptitude du Conseil à s’acquitter efficacement de sa responsabilité principale, qui est de maintenir la paix et la sécurité internationales, 

Préoccupé par le fait que le trafic illicite et le détournement d’armes et de matériel connexe de tous types portent atteinte à l’état de droit et aux droits humains, qu’ils peuvent compromettre le respect du droit international humanitaire et entraver l’acheminement de l’aide humanitaire et qu’ils ont de nombreuses répercussions sur les plans humanitaire et socioéconomique, 

Sachant que les embargos sur les armes visent notamment à prévenir les mouvements illicites d’armes, en particulier d’armes légères et de petit calibre, et de matériel connexe vers des situations de conflit dont il a déterminé qu’elles menaçaient la paix et la sécurité internationales et qu’ils contribuent donc à faire respecter le droit international humanitaire, à assurer la sécurité des civils et à empêcher que ceux-ci soient mis en danger, tout particulièrement les femmes, qui sont exposées de manière disproportionnée, par exemple à la violence sexuelle et sexiste, et les enfants, les réfugiés, les personnes déplacées et d’autres groupes en situation de vulnérabilité, et à assurer la sécurité des soldats de la paix et du personnel humanitaire, et rappelant ses résolutions antérieures et les déclarations de sa présidence sur la question, 

Sachant également que tous les embargos sur les armes par lui décrétés sont adaptés à un contexte particulier et qu’il les réexamine régulièrement, 

Soulignant que les dispositions de la présente résolution sur la lutte contre le transfert illicite, l’accumulation déstabilisante et le détournement d’armes et de matériel connexe en violation des embargos sur les armes par lui décrétés s’interprètent conformément à la Charte des Nations Unies, 

Constatant que les embargos sur les armes par lui décrétés contribuent grandement à la lutte contre le transfert illicite, l’accumulation déstabilisante et le détournement d’armes légères et de petit calibre, et notant la nécessité d’améliorer les échanges d’information entre les groupes d’experts, les missions de maintien de la paix, dans le cadre de leurs mandats respectifs, et les autres entités des Nations Unies compétentes, sur les violations des embargos sur les armes qui pourraient avoir été commises, 

Condamnant, en ce qu’ils menacent gravement la paix et la stabilité, les mouvements illicites d’armes et de matériel connexe de tous types réalisés en violation des embargos sur les armes par lui décrétés, notamment lorsqu’ils conduisent à approvisionner des acteurs non étatiques et alimentent des échanges entre ces acteurs, notamment des terroristes et des criminels, et lorsqu’ils portent atteinte à la souveraineté et à l’intégrité des États Membres, et encourageant les États Membres à prévenir et démanteler les réseaux d’achats de ces armes, 

Soulignant qu’il importe que les États Membres fournissent et échangent en temps utile des informations à jour sur les violations des embargos sur les armes qui pourraient avoir été commises afin de déterminer quelles sont les sources et les chaînes d’approvisionnement du trafic illicite et de les tarir, 

Sachant qu’il importe de renforcer les capacités des États Membres de sorte que ceux-ci puissent recueillir des informations sur toutes les facettes des réseaux qui recourent à de faux documents pour contourner les inspections et faciliter les violations des sanctions par lui imposées, y compris des informations sur les personnes soupçonnées de trafic et les itinéraires de trafic, sur les transactions financières et les activités de courtage dont ils soupçonnent qu’elles sont illicites ou sur le détournement d’armes et de matériel connexe de tous types, 

Se félicitant que les États Membres coopèrent, notamment dans le cadre d’activités frontalières conjointes, en ce qui concerne tout particulièrement la prévention du trafic d’armes en violation des embargos par lui imposés, 

Appréciant les efforts que font les organisations intergouvernementales, régionales et sous-régionales, notamment par l’intermédiaire d’initiatives, de stratégies et de plans d’action régionaux, pour aider les États Membres à appliquer effectivement les embargos sur les armes par lui décrétés, renforcer les capacités de prévention et de répression du commerce illicite et de l’accumulation déstabilisante d’armes légères et de petit calibre et prévenir le détournement illicite de ces armes en violation desdits embargos, 

Réaffirmant que les opérations de maintien de la paix des Nations Unies et les autres entités compétentes désignées par lui qui se trouvent sur le territoire d’un État Membre ou dans une région soumis à un embargo sur les armes qu’il a décrété peuvent, s’il le leur demande, fournir au gouvernement hôte les conseils techniques et l’aide au renforcement des capacités voulus pour ce qui est de la mise en place de programmes de collecte d’armes, de désarmement, de démobilisation et de réintégration, en améliorant la protection physique et les pratiques de gestion des stocks, ainsi que les capacités d’enregistrement et de traçage, en créant des dispositifs nationaux de contrôle des exportations et des importations, en renforçant la sécurité aux frontières, les institutions judiciaires et les organes chargés de veiller au respect de la loi, 

Demandant instamment que le Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects soit appliqué de manière pleine et effective et saluant la contribution majeure que celui-ci a apportée aux efforts internationaux en la matière, 

Notant que le marquage, le traçage et l’enregistrement des armes, notamment des armes légères et de petit calibre par les États Membres, en particulier dans les pays en situation de conflit et d’après conflit, peuvent servir à détecter les violations des embargos applicables et à identifier les lacunes dans la gestion des stocks d’armes, et à cet égard, demandant instamment que l’Instrument international visant à permettre aux États de procéder à l’identification et au traçage rapides et fiables des armes légères et de petit calibre illicites soit appliqué de manière pleine et effective, 

Soulignant qu’il importe d’aider les États Membres qui font l’objet d’un embargo sur les armes par lui décrété à surveiller et à contrôler les stocks d’armes, en particulier d’armes légères et de petit calibre, afin d’empêcher que des acteurs non étatiques, notamment des terroristes, des criminels et d’autres utilisateurs non autorisés pillent les stocks nationaux ou acquièrent des armes provenant de ces stocks, 

Sachant combien les orientations formulées par ses comités des sanctions, notamment sous la forme de directives non contraignantes, sont utiles aux États Membres, en ce qu’elles les aident à respecter les dispositions et les obligations prévues par les résolutions imposant des sanctions qui les concernent, 

Soulignant que les mesures que prennent les États Membres en application des embargos sur les armes par lui décrétés, dont les mesures de lutte contre le trafic illicite, le détournement d’armes et de matériel connexe et leur financement illicite, doivent être conformes aux obligations découlant du droit international, notamment au droit international humanitaire et au droit international des droits de l’homme, le cas échéant, et soulignant également qu’il importe que les États Membres fassent le nécessaire par l’intermédiaire de leurs autorités nationales et conformément à leur législation interne, 

Exhortant les États Membres à adopter systématiquement, dans le cadre de l’élaboration de politiques et de la mise en œuvre des programmes de lutte contre le trafic illicite et le détournement d’armes et de matériel connexe de tous types en violation des embargos sur les armes par lui décrétés, des approches tenant compte des effets disproportionnés que les flux du trafic illicite d’armes ont sur les femmes et les enfants et sachant qu’il importe que les femmes participent pleinement et véritablement à ces efforts, sur un pied d’égalité avec les hommes, 

Prenant note des recommandations formulées dans le rapport intitulé « Armes légères et de petit calibre » que le Secrétaire général lui a présenté le 30 septembre 2021 (S/2021/839), 

1.    Décide d’examiner, au cas par cas et s’il y a lieu, au moment de renouveler le mandat d’opérations de paix opérant dans des zones soumises à un embargo sur les armes par lui décrété, la question de savoir si et comment lesdites opérations peuvent aider les autorités nationales compétentes à lutter contre le transfert illicite et le détournement d’armes en violation des embargos sur les armes en vigueur dans les zones d’opérations concernées; 

2.    Encourage les opérations de paix et les entités concernées des Nations Unies à contribuer au renforcement des capacités de collecte de données et de formation des autorités du pays hôte, à la demande de celles-ci, afin de contrer le transfert illicite d’armes et de matériel connexe, s’il y a lieu et conformément à leurs mandats; 

3.    Souligne qu’au moment d’évaluer la possibilité de lever un embargo sur les armes, il tiendra dûment compte de la capacité des États soumis audit embargo d’exercer un contrôle effectif sur leurs stocks d’armes et de munitions existants et sur leurs importations futures, en vue d’empêcher que ces armes ne soient détournées vers le marché illicite; 

4.    Souligne également que, sous réserve des dérogations particulières applicables aux différents embargos sur les armes, les armes et le matériel connexe de tous types qui sont fournis, vendus ou transférés en vertu des dérogations au titre de l’assistance prêtée en matière de sécurité ou de désarmement ne doivent pas être revendus ni transférés à des parties autres que l’utilisateur final ou d’autres utilisateurs explicitement autorisés par le régime d’embargo applicable, ni mis à leur disposition de quelque autre manière, et ne doivent pas être utilisés à des fins autres que celles qui sont précisées ou explicitement autorisées par le régime d’embargo applicable; 

5.    Encourage le recours à la pratique optimale consistant, pour les États Membres qui font l’objet d’un embargo par lui décrété, à se doter d’un inventaire de base des armes ainsi que de systèmes de marquage et d’enregistrement des armes dans les situations où un embargo sur les armes imposé par l’ONU coïncide avec des efforts de désarmement, de démobilisation et de réintégration; 

6.    Encourage les États Membres à veiller à ce que des mesures adéquates de marquage et d’enregistrement soient en place et permettent de garantir la traçabilité des armes, en particulier des armes légères et de petit calibre, comme l’exigent les instruments régionaux et internationaux auxquels ils sont parties, et à réfléchir aux meilleurs moyens d’aider les pays voisins d’États soumis à un embargo sur les armes par lui décrété, s’il y a lieu et à la demande de ces pays, à prévenir et combattre le trafic illicite et le détournement en violation desdits embargos; 

7.    Encourage la coopération régionale terrestre, aérienne et maritime, selon les besoins, visant à repérer et à prévenir les violations des embargos sur les armes par lui décrétés et à les signaler en temps voulu aux comités des sanctions compétents; 

8.    Demande que les États Membres, en particulier ceux sont qui sont soumis à un embargo sur les armes par lui décrété, coopèrent pleinement avec les groupes d’experts compétents et souligne qu’il importe que ceux-ci puissent, chaque fois que possible, procéder à des inspections visuelles de tout matériel militaire saisi ayant été transféré illicitement en violation dudit embargo, ou s’en faire remettre des échantillons; 

9.    Se dit déterminé à désigner, s’il y a lieu et conformément aux régimes de sanctions applicables, les individus impliqués dans des activités contrevenant aux embargos par lui décrétés; 

10.   Encourage les États Membres à prendre les précautions qui s’imposent concernant l’exportation, vers des États soumis à un embargo sur les armes par lui décrété, de composants de systèmes d’armes disponibles dans le commerce pouvant être utilisés par des personnes et des entités désignées ou par des groupes armés en violation dudit embargo; 

11.   Encourage les États Membres et les organisations internationales compétentes qui sont en mesure de le faire à assurer le renforcement des capacités et la formation des agents des services nationaux des douanes et de contrôle aux frontières et d’autres services compétents, afin qu’ils puissent procéder aux contrôles découlant des embargos par lui décrétés; 

12.   Constate qu’il est utile que les États Membres coopèrent avec le secteur privé et les autres parties prenantes concernées et partagent des informations sur l’exécution des dispositions et des obligations contenues dans les résolutions établissant des embargos sur les armes; 

13.   Prie le Secrétaire général d’examiner, si et quand il y a lieu, dans les rapports périodiques qu’il lui présente sur des pays donnés, des recommandations concernant les tâches que les opérations de paix et les entités concernées des Nations Unies opérant dans des zones soumises à un embargo sur les armes par lui décrété pourraient exécuter, conformément à leurs mandats, pour aider les autorités nationales compétentes, notamment pour ce qui est de surveiller le respect dudit embargo, de repérer les sources illicites d’armes et de tracer les armes saisies, trouvées ou rendues, et pour épauler les groupes d’experts des comités des sanctions concernés; 

14.   Prie également le Secrétaire général de donner des informations supplémentaires sur les tendances du trafic illicite et du détournement en violation des embargos sur les armes par lui décrétés et de formuler de nouvelles recommandations sur le sujet dans les rapports qu’il lui présente tous les deux ans en application de la résolution 2220 (2015)

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité décide que l’aide humanitaire apportée à l’Afghanistan ne constituera pas une violation du régime de sanctions

8941e séance - matin
CS/14750

Le Conseil de sécurité décide que l’aide humanitaire apportée à l’Afghanistan ne constituera pas une violation du régime de sanctions

L’application de cette exemption humanitaire sera examinée « après une période d’un an »

Se déclarant « profondément préoccupé » par la situation humanitaire qui règne en Afghanistan, le Conseil de sécurité a adopté, ce matin, à l’unanimité de ses membres, une résolution en vertu de laquelle l’aide humanitaire apportée à ce pays n’est pas considérée comme une violation du régime de sanctions visant des entités liées aux Taliban.  Une disposition qui ne constitue en rien une « carte blanche » offerte aux Taliban, selon la délégation des États-Unis, porte-plume du texte, et dont l’application sera examinée « après une période d’un an ».

Les termes exacts de la résolution 2615 (2021), soumise par les États-Unis, sont que, « l’aide humanitaire et les autres activités qui visent à répondre aux besoins essentiels des personnes en Afghanistan ne constituent pas une violation du paragraphe 1 a) de la résolution 2255 (2015) », laquelle prévoyait de « bloquer sans retard les fonds et autres avoirs financiers et ressources économiques » des personnes et entités désignées comme Taliban ou associées à eux. 

Sont ainsi autorisés « le traitement et le versement de fonds, la remise d’autres avoirs financiers ou ressources économiques, et la fourniture de biens et de services nécessaires à l’acheminement de cette aide en temps voulu ou au soutien de ces activités ». 

Le Conseil encourage toutefois « vivement » les prestataires de l’aide humanitaire à « faire tout ce qu’ils peuvent raisonnablement pour que les avantages que pourraient tirer des personnes ou entités inscrites sur la Liste relative aux sanctions imposées par la résolution 1988 (2011), que ce soit à la suite d’une fourniture directe de l’aide ou d’un détournement, soient réduits au maximum ».   

Le Coordonnateur des secours d’urgence est prié par le Conseil de faire un exposé « tous les six mois à compter de l’adoption de la présente résolution », sur l’aide humanitaire fournie à l’Afghanistan, en y précisant l’éventuel « versement de fonds à des personnes ou entités désignées ou au profit de celles-ci », « tout détournement de fonds par celles-ci » et « tout obstacle rencontré dans le cadre de la fourniture de l’aide ».  

La délégation des États-Unis s’est félicitée de l’adoption d’un texte qui couvre les besoins urgents des populations les plus vulnérables en Afghanistan, y compris la réinstallation, l’approvisionnement en eau et les efforts de lutte contre la pandémie de COVID-19.  Insistant sur le fait que des informations régulières sur la mise en œuvre de la résolution devront être fournies au Conseil afin d’éviter tout détournement de l’aide humanitaire sur le terrain, elle a également assuré que les exemptions au régime des sanctions prévues par le texte ne constituent en rien une « carte blanche » offerte aux Taliban pour qu’ils bafouent leurs obligations au regard du droit international.  Pour l’Irlande, cela ne doit en aucun cas permettre aux Taliban de « faire ce qu’ils veulent ». 

La Fédération de Russie et la Chine ont, elles, fait valoir que l’objectif de ce texte, fruit de négociations ardues, est de permettre l’acheminement immédiat d’une aide humanitaire en Afghanistan afin d’éviter des « répercussions catastrophiques » à ce pays.  Pour ce faire, a souligné la délégation russe, l’aide ne doit pas être considérée comme une violation du régime de sanctions et doit donc pouvoir « passer par tous les canaux prévus à cet effet ».  Sur la même ligne, la Chine a indiqué que, dans sa mouture initiale, le texte soumettait les activités humanitaires à « certaines conditions », au risque de les entraver, ce qui n’est plus le cas dans sa version finale.

La France a regretté à cet égard que la « limite temporelle à l’exemption humanitaire » qui figurait dans le texte négocié ait été retirée du texte final par le porte-plume, et ce, sans consultation avec les autres délégations.  Le projet de résolution initial prévoyait une exemption s’appliquant « pendant une période d’un an ».

Les délégations russe et chinoise ont d’autre part relevé qu’au-delà de la crise humanitaire qu’il traverse, l’Afghanistan souffre d’un manque cruel de liquidités qui l’empêche de se relever économiquement.  Dénonçant de concert le gel d’avoirs afghans à l’étranger, elles ont plaidé pour une restitution de ces actifs à leurs bénéficiaires, ce qui contribuerait non seulement à relancer l’économie mais également à lutter contre des activités illégales comme le narcotrafic.  Hostile à ce qu’elle a qualifié d’« outil de chantage », la Chine a jugé que le Conseil devrait, par conséquent, envisager une révision du régime des sanctions afin d’empêcher des retombées négatives sur l’économie afghane. 

Le Royaume-Uni s’est réjoui que la résolution réponde à ce que la communauté humanitaire « considère être nécessaire », sans pour autant permettre aux personnes et entités visées par les sanctions de bénéficier de cette assistance. Un avis partagé par l’Estonie, qui a en outre souligné que le Conseil enjoint les Taliban à se conformer aux normes et règles du droit international, y compris le droit international des droits de l’homme et les protections constitutionnelles dont doivent jouir tous les Afghans, notamment les femmes, les filles et les personnes appartenant à des minorités.  L’aide humanitaire doit être inclusive, a renchéri l’Inde, qui s’est cependant déclarée soucieuse du respect des principes de neutralité, d’impartialité et d’indépendance. 

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES RÉSULTANT D’ACTES DE TERRORISME

Texte de la résolution 2615 (2021) adoptée par le Conseil de sécurité à sa 8941e séance, le 22 décembre 2021 

Le Conseil de sécurité

Rappelant ses précédentes résolutions sur l’Afghanistan, 

Mettant l’accent sur le rôle important que l’Organisation des Nations Unies continuera de jouer dans la promotion de la paix et de la stabilité en Afghanistan, 

Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de l’Afghanistan, ainsi que son appui continu au peuple afghan, 

Se déclarant profondément préoccupé par la situation humanitaire qui règne en Afghanistan, notamment l’insécurité alimentaire, et rappelant que les femmes, les enfants et les minorités sont touchés de manière disproportionnée, 

Saluant l’intensification de l’action menée par la communauté internationale pour fournir une aide humanitaire au peuple afghan depuis le 15 août 2021, demandant à l’Organisation des Nations Unies de jouer un rôle actif dans la coordination de cette aide à l’avenir et notant que la présente résolution vise à apporter des éclaircissements de sorte que cette assistance se poursuive, 

Rappelant que l’on attend des Taliban qu’ils respectent les engagements pris, notamment en ce qui concerne l’accès humanitaire, la sécurité des déplacements, la lutte contre le terrorisme, la sécurité, les droits de l’homme et la lutte contre les stupéfiants, 

Réaffirmant qu’il importe de combattre le terrorisme en Afghanistan, y compris les personnes et les groupes désignés par le Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999)1989 (2011) et 2253 (2015), et de veiller à ce que le territoire de l’Afghanistan ne soit pas utilisé pour menacer ou attaquer tout autre pays, pour planifier ou financer des actes terroristes, ni pour abriter ou entraîner des terroristes, et à ce qu’aucun groupe ou individu afghan ne soutienne des terroristes opérant sur le territoire d’un pays, 

Considérant que la situation en Afghanistan continue de menacer la paix et la sécurité internationales, 

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, 

1.    Décide que l’aide humanitaire et les autres activités qui visent à répondre aux besoins essentiels des personnes en Afghanistan ne constituent pas une violation du paragraphe 1 a) de la résolution 2255 (2015), et que le traitement et le versement de fonds, la remise d’autres avoirs financiers ou ressources économiques, et la fourniture de biens et de services nécessaires à l’acheminement de cette aide en temps voulu ou au soutien de ces activités sont autorisés, encourage vivement les prestataires qui agissent en se fondant sur le présent paragraphe à faire tout ce qu’ils peuvent raisonnablement pour que les avantages que pourraient tirer des personnes ou entités inscrites sur la Liste relative aux sanctions imposées par la résolution 1988 (2011), que ce soit à la suite d’une fourniture directe de l’aide ou d’un détournement, soient réduits au maximum et décide également d’examiner l’application de la présente disposition après une période d’un an; 

2.    Prie le Coordonnateur des secours d’urgence de faire un exposé au Conseil de sécurité, tous les six mois à compter de l’adoption de la présente résolution, sur l’aide humanitaire fournie à l’Afghanistan, en se fondant notamment sur toute information disponible concernant le versement de fonds à des personnes ou entités désignées ou au profit de celles-ci, tout détournement de fonds par celles-ci, les procédures de gestion des risques et de diligence raisonnable mises en place, et tout obstacle rencontré dans le cadre de la fourniture de l’aide, et prie par ailleurs les prestataires concernés d’aider le Coordonnateur des secours d’urgence à préparer ces exposés en lui communiquant les informations visées au paragraphe 1 ci-dessus dans les 60 jours suivant la prestation de l’aide; 

3.    Demande à toutes les parties de respecter, en toutes circonstances, les droits de l’homme de toutes les personnes, y compris les femmes, les enfants et les personnes appartenant à des minorités, et de se conformer aux obligations que leur impose le droit international humanitaire, notamment celles qui concernent la protection des civils, dont les personnels humanitaires, et celles qui concernent la protection du personnel médical et des personnels humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, et exige des parties qu’elles permettent l’accès humanitaire complet, sûr et sans entrave du personnel des agences humanitaires des Nations Unies et des autres acteurs humanitaires, quel que soit leur genre; 

4.    Décide de rester activement saisi de la question. 

Déclaration avant le vote

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a tout d’abord souligné que le Conseil de sécurité a un rôle crucial à jouer pour répondre aux souffrances du peuple afghan.  Le Conseil doit agir pour remédier à la crise humanitaire qui sévit dans le pays, a-t-il insisté, rappelant que plusieurs millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire en Afghanistan, une situation encore aggravée par l’arrivée de l’hiver.  Si ces souffrances ne sont pas nouvelles dans ce pays, elles sont encore plus grandes aujourd’hui, a souligné le représentant, avant de se féliciter du dialogue en cours depuis le 25 août entre l’OCHA et les organisations humanitaires sur l’importance de l’acheminement de cette aide vitale.  Il a ensuite dit comprendre que certains bailleurs de fonds hésitent encore à acheminer de l’aide et à entreprendre d’autres activités d’assistance en raison des risques associés et étant donné que des sanctions sont toujours en vigueur contre les Taliban et les entités qui leur sont associées.  Il a toutefois expliqué que le projet de résolution prévoit des exemptions au régime de sanctions afin de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et des autres activités répondant aux besoins essentiels du peuple afghan, avec une révision programmée dans un délai d’un an.  Ce n’est en aucun cas une « carte blanche » donnée aux Taliban pour qu’ils bafouent leurs obligations, a-t-il assuré, précisant que le projet de résolution exige que le Conseil soit informé des éventuels paiements aux parties désignées sur la liste des sanctions et des obstacles rencontrés dans la livraison de l’aide.  Ces éléments sont importants en vue des amendements qui pourront être apportés au texte lors de sa révision en décembre prochain, a encore indiqué le délégué.  Il a déclaré espérer que tous les membres du Conseil appuieront ce projet de résolution qui, a-t-il dit, prend en considération les avis de tous.

Déclarations après le vote

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) s’est félicité de l’adoption de cette résolution qui devrait permettre à la communauté internationale de mettre en œuvre des activités humanitaires au profit du peuple afghan.  Ce texte couvre les besoins urgents et de base des populations les plus pauvres et les plus vulnérables, y compris la réinstallation, l’approvisionnement en eau et des mesures liées à la lutte contre la pandémie de COVID-19.  Des obligations en matière d’établissement de rapports sont également prévues, a précisé le représentant, en insistant sur le fait que le Conseil de sécurité doit recevoir des informations régulières sur la mise en œuvre de cette résolution afin d’éviter tout détournement de l’aide humanitaire sur le terrain.  En adoptant ce texte, le Conseil de sécurité appelle les prestataires d’assistance humanitaire à mettre en place des procédures de diligence fermes afin d’éviter que ce scénario se réalise et que l’aide soit utilisée à mauvais escient en général, a-t-il fait valoir, avant de dire que le rôle des Nations Unies en matière d’assistance humanitaire en Afghanistan est aujourd’hui plus important que jamais.

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) s’est particulièrement inquiétée de la détérioration de la situation humanitaire qui frappe de manière disproportionnée les femmes et les enfants d’Afghanistan.  Tout en insistant que les Taliban sont les principaux responsables de cette crise, « l’une des plus graves crises humanitaires au monde », la représentante de l’Irlande a souligné la responsabilité de l’ONU de permettre une intervention humanitaire vitale qui bénéficie à toutes les personnes dans le besoin.  « Tous les acteurs doivent permettre un acheminement et un accès sans entrave de l’aide humanitaire quel que soit le genre des personnes bénéficiaires », a insisté Mme Byrne Nason avant de regretter que la résolution adoptée n’ait pas mis un accent plus fort sur la reconnaissance des souffrances particulières des femmes, et les risques particuliers qu’elles encourent lorsqu’elles veulent s’exprimer.  Elle a prévenu que la durée d’un an prévue dans cette résolution ne doit en aucun cas être interprétée comme une période durant laquelle les Taliban pourront faire ce qu’ils veulent.  Elle a expliqué que ce texte vise seulement à permettre au peuple afghan de faire face à la crise humanitaire et que d’autres mesures pourront être prises en fonction de l’évolution de la situation.  La représentante de l’Irlande a assuré que le Conseil de sécurité restera vigilant quant au comportement des Taliban et qu’il tiendra compte non pas de leurs paroles mais de leurs actes.

M. ZHANG JUN (Chine) a qualifié de « critique » la situation en Afghanistan, rappelant que le pays fait face à des « défis complexes », notamment une crise humanitaire et un effondrement de son économie, lesquels « doivent être réglés le plus tôt possible ».  Saluant l’action des organisations humanitaires sur le terrain, le représentant a estimé que le rôle des Nations Unies doit se renforcer pour que l’aide soit plus significative.  Il a cependant noté qu’en raison des sanctions, certaines agences humanitaires ne sont pas sûres de pouvoir continuer leur travail dans les conditions actuelles.  Or, l’aide humanitaire ne devrait pas être assortie de conditions et ne devrait pas être politisée, a-t-il affirmé, relevant que lesdites sanctions doivent cibler des personnes et des entités, et non l’ensemble de la population afghane.  L’essentiel est que l’aide puisse être acheminée sans entrave, a insisté le délégué, avant de se dire favorable aux mesures prévues par la résolution 2615. 

Il a toutefois rappelé que, dans sa version initiale, le texte soumettait les activités humanitaires à « certaines conditions », au risque de les entraver.  Nous pensons, au contraire, qu’il faut les faciliter, sans que cela constitue une violation des résolutions précédentes du Conseil.  Compte tenu de ces éléments problématiques, d’une portée à la fois politique et économique, la Chine a proposé d’amender le texte, a fait savoir le délégué qui s’est réjoui que la version définitive prenne son avis en considération en éclaircissant certains aspects.  Le représentant s’est félicité que la résolution précise de manière claire l’objectif qui est de permettre un acheminement de l’aide humanitaire pour répondre aux besoins du peuple afghan grâce à la fourniture de biens et de services essentiels. 

Si les obstacles à la livraison de l’aide humanitaire devraient ainsi pouvoir être levés « une fois pour toutes », cette résolution « ne règle pas tous les problèmes », a poursuivi M. Zhang.  Appelant les bailleurs de fonds à intensifier leur assistance à l’Afghanistan, il a estimé que les pays qui sont à l’origine de la situation actuelle doivent « assumer une responsabilité particulière ».  Et au-delà de la crise humanitaire, l’économie afghane manque cruellement de liquidités, a-t-il souligné, considérant que, dans ces circonstances, il importe de revoir les sanctions et les gels d’avoirs à l’étranger.  Ces derniers doivent être restitués à leurs bénéficiaires et non pas « servir d’outils de chantage », a martelé le représentant, exhortant la communauté internationale à aider le pays à retrouver une activité économique normale.  Selon lui, le Conseil devrait donc envisager une révision du régime des sanctions afin d’empêcher des répercussions négatives sur l’économie.

M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a rappelé la grave situation humanitaire qui règne en Afghanistan où l’aide doit monter en puissance et être acheminée sans entrave.  Rappelant les principes de neutralité, d’impartialité et d’indépendance de l’aide, le représentant a ajouté qu’elle doit aussi être inclusive.  Le Conseil de sécurité doit faire en sorte que l’aide ne soit pas détournée, a-t-il lancé.  Pendant les deux dernières décennies, l’Inde a donné notamment plus d’un demi-million de doses de vaccins, a dit le délégué assurant que son gouvernement reste prêt à continuer d’aider le peuple afghan.  M. Tirumurti a appelé la communauté internationale et en particulier les pays de la région à se ressembler en dépassant les intérêts partisans.  En Afghanistan, la situation demeure incertaine, a-t-il rappelé, en invitant à poursuivre la lutte contre le terrorisme et à demander la mise en place d’un dispositif politique inclusif, avec le respect des droits des femmes, des enfants et des minorités.

Mme SHERAZ GASRI (France) a expliqué que son pays a voté en faveur de la résolution parce qu’elle vise à soutenir les intérêts immenses de la population afghane.  Néanmoins, elle a souligné la responsabilité du Conseil de sécurité de s’assurer que l’aide humanitaire sera acheminée à l’ensemble des personnes dans le besoin, dans le respect des principes humanitaires, sans aucune forme de récupération par les Taliban, et que ces derniers garantiront la sécurité et respecteront l’ensemble de leurs obligations issues du droit international humanitaire et des droits de l’homme, y compris des femmes et des filles.  Il ne s’agit pas, a-t-elle précisé, de restreindre ou de conditionner l’aide, mais il s’agit pour le Conseil de faire preuve de lucidité à la lumière de décennies de lutte armée et de collusion des Taliban avec Al-Qaida.  Nous ne pouvons laisser les Taliban tirer profit de la détresse actuelle de la population afghane, a-t-elle argué.

C’est pourquoi la représentante a vu comme une erreur le retrait de la limite temporelle à l’exemption humanitaire, regrettant qu’une modification aussi importante sur un sujet débattu depuis plusieurs semaines ait été apportée par les États-Unis sans aucune concertation, à la dernière minute, en étant présentée comme un « changement cosmétique ».  Jugeant cruciale la clause de révision de la résolution un an après son adoption, elle a espéré que le Conseil réexaminera sa décision sur la base des faits. 

Enfin, Mme Gasri a rappelé que les Taliban, qui portent la responsabilité de la détérioration de la situation dans le pays, ne sauraient bénéficier de soutiens budgétaires directs.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a dit avoir voté en faveur de ce texte même si sa négociation n’a pas été aisée.  L’objectif était de permettre une aide humanitaire immédiate en Afghanistan pour éviter des répercussions catastrophiques, a-t-elle rappelé.  L’aide ne doit pas être considérée comme une violation du régime de sanctions pour qu’elle puisse passer par tous les canaux prévus à cet effet, a poursuivi la représentante.  Si, pour la Fédération de Russie, c’est une évidence, la déléguée a été d’avis qu’il « faut néanmoins éviter tout malentendu sur ce point ».  Elle a espéré que ce texte permettra de renforcer l’aide humanitaire avec le soutien des Nations Unies.  Cette aide doit être distribuée de manière efficace et sans condition préalable, a insisté la représentante.  Elle s’est ensuite félicitée de voir que les nouvelles autorités afghanes semblent prêtes à coopérer en ce sens.  Toutefois, le gel des avoirs afghans empêche le pays de se relever, a regretté la représentante, ne serait-ce que pour pouvoir verser aux médecins leurs salaires.  Elle a donc plaidé pour la restitution de ces actifs aux Afghans, non seulement pour que l’économie ne soit plus paralysée, mais aussi pour éviter d’encourager des activités illégales pour pallier ce manque de fonds, comme le narcotrafic.

M. ANDRE LIPAND (Estonie) a fait remarquer que le Conseil de sécurité a adopté cette résolution en soulignant qu’il attend des Taliban qu’ils respectent les normes et les règles du droit international, y compris le droit international des droits de l’homme et les protections constitutionnelles des droits de toutes les personnes en Afghanistan, en particulier les femmes, les filles et les personnes appartenant aux minorités.  Le Conseil a souligné que les « avantages que pourraient tirer des personnes ou entités inscrites sur la Liste relative aux sanctions imposées par la résolution de 1988 (2011), que ce soit à la suite d’une fourniture directe de l’aide ou d’un détournement », doivent être réduits au maximum, a ajouté M. Lipand.  Il a insisté sur le fait que les dispositions adoptées ne visent pas à garantir des exemptions aux personnes sous sanctions, mais à permettre que l’aide humanitaire atteigne ceux qui en ont le plus besoin, à savoir le peuple afghan.  Alors que le mandat de membre non permanent de l’Estonie au Conseil de sécurité prend fin, M. Lipand a assuré que le soutien au peuple afghan reste une priorité à long terme de son pays.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) s’est félicitée que le texte adopté permette à l’aide humanitaire de parvenir effectivement à l’Afghanistan.  Rappelant que plus de 20 millions de personnes, soit la moitié de la population afghane, ont un besoin urgent d’assistance, elle a salué les bailleurs de fonds qui ont répondu à l’appel lancé par l’ONU.  Elle a précisé que, pour sa part, le Royaume-Uni a doublé le montant de son aide à ce pays, qui a atteint 26 millions de livres.  Nous avons une responsabilité partagée pour permettre efficacement l’acheminement de l’aide humanitaire et pour aider à sauver des vies, a-t-elle souligné, ajoutant que, pour ce faire, le régime des sanctions ne doit pas semer des embuches à ce processus d’assistance.  Selon elle, la résolution 2615 répond à ce que la communauté humanitaire considère être nécessaire, sans permettre aux personnes et entités visées par des sanctions d’en bénéficier.  Elle s’est donc réjouie que le dispositif approuvé, qui sera révisé par le Conseil dans un an, permette aux Afghans, et notamment aux plus vulnérables d’entre eux, de recevoir au plus vite une aide vitale.

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