Le Conseil de sécurité décide que l’aide humanitaire apportée à l’Afghanistan ne constituera pas une violation du régime de sanctions
L’application de cette exemption humanitaire sera examinée « après une période d’un an »
Se déclarant « profondément préoccupé » par la situation humanitaire qui règne en Afghanistan, le Conseil de sécurité a adopté, ce matin, à l’unanimité de ses membres, une résolution en vertu de laquelle l’aide humanitaire apportée à ce pays n’est pas considérée comme une violation du régime de sanctions visant des entités liées aux Taliban. Une disposition qui ne constitue en rien une « carte blanche » offerte aux Taliban, selon la délégation des États-Unis, porte-plume du texte, et dont l’application sera examinée « après une période d’un an ».
Les termes exacts de la résolution 2615 (2021), soumise par les États-Unis, sont que, « l’aide humanitaire et les autres activités qui visent à répondre aux besoins essentiels des personnes en Afghanistan ne constituent pas une violation du paragraphe 1 a) de la résolution 2255 (2015) », laquelle prévoyait de « bloquer sans retard les fonds et autres avoirs financiers et ressources économiques » des personnes et entités désignées comme Taliban ou associées à eux.
Sont ainsi autorisés « le traitement et le versement de fonds, la remise d’autres avoirs financiers ou ressources économiques, et la fourniture de biens et de services nécessaires à l’acheminement de cette aide en temps voulu ou au soutien de ces activités ».
Le Conseil encourage toutefois « vivement » les prestataires de l’aide humanitaire à « faire tout ce qu’ils peuvent raisonnablement pour que les avantages que pourraient tirer des personnes ou entités inscrites sur la Liste relative aux sanctions imposées par la résolution 1988 (2011), que ce soit à la suite d’une fourniture directe de l’aide ou d’un détournement, soient réduits au maximum ».
Le Coordonnateur des secours d’urgence est prié par le Conseil de faire un exposé « tous les six mois à compter de l’adoption de la présente résolution », sur l’aide humanitaire fournie à l’Afghanistan, en y précisant l’éventuel « versement de fonds à des personnes ou entités désignées ou au profit de celles-ci », « tout détournement de fonds par celles-ci » et « tout obstacle rencontré dans le cadre de la fourniture de l’aide ».
La délégation des États-Unis s’est félicitée de l’adoption d’un texte qui couvre les besoins urgents des populations les plus vulnérables en Afghanistan, y compris la réinstallation, l’approvisionnement en eau et les efforts de lutte contre la pandémie de COVID-19. Insistant sur le fait que des informations régulières sur la mise en œuvre de la résolution devront être fournies au Conseil afin d’éviter tout détournement de l’aide humanitaire sur le terrain, elle a également assuré que les exemptions au régime des sanctions prévues par le texte ne constituent en rien une « carte blanche » offerte aux Taliban pour qu’ils bafouent leurs obligations au regard du droit international. Pour l’Irlande, cela ne doit en aucun cas permettre aux Taliban de « faire ce qu’ils veulent ».
La Fédération de Russie et la Chine ont, elles, fait valoir que l’objectif de ce texte, fruit de négociations ardues, est de permettre l’acheminement immédiat d’une aide humanitaire en Afghanistan afin d’éviter des « répercussions catastrophiques » à ce pays. Pour ce faire, a souligné la délégation russe, l’aide ne doit pas être considérée comme une violation du régime de sanctions et doit donc pouvoir « passer par tous les canaux prévus à cet effet ». Sur la même ligne, la Chine a indiqué que, dans sa mouture initiale, le texte soumettait les activités humanitaires à « certaines conditions », au risque de les entraver, ce qui n’est plus le cas dans sa version finale.
La France a regretté à cet égard que la « limite temporelle à l’exemption humanitaire » qui figurait dans le texte négocié ait été retirée du texte final par le porte-plume, et ce, sans consultation avec les autres délégations. Le projet de résolution initial prévoyait une exemption s’appliquant « pendant une période d’un an ».
Les délégations russe et chinoise ont d’autre part relevé qu’au-delà de la crise humanitaire qu’il traverse, l’Afghanistan souffre d’un manque cruel de liquidités qui l’empêche de se relever économiquement. Dénonçant de concert le gel d’avoirs afghans à l’étranger, elles ont plaidé pour une restitution de ces actifs à leurs bénéficiaires, ce qui contribuerait non seulement à relancer l’économie mais également à lutter contre des activités illégales comme le narcotrafic. Hostile à ce qu’elle a qualifié d’« outil de chantage », la Chine a jugé que le Conseil devrait, par conséquent, envisager une révision du régime des sanctions afin d’empêcher des retombées négatives sur l’économie afghane.
Le Royaume-Uni s’est réjoui que la résolution réponde à ce que la communauté humanitaire « considère être nécessaire », sans pour autant permettre aux personnes et entités visées par les sanctions de bénéficier de cette assistance. Un avis partagé par l’Estonie, qui a en outre souligné que le Conseil enjoint les Taliban à se conformer aux normes et règles du droit international, y compris le droit international des droits de l’homme et les protections constitutionnelles dont doivent jouir tous les Afghans, notamment les femmes, les filles et les personnes appartenant à des minorités. L’aide humanitaire doit être inclusive, a renchéri l’Inde, qui s’est cependant déclarée soucieuse du respect des principes de neutralité, d’impartialité et d’indépendance.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES RÉSULTANT D’ACTES DE TERRORISME
Texte de la résolution 2615 (2021) adoptée par le Conseil de sécurité à sa 8941e séance, le 22 décembre 2021
Le Conseil de sécurité,
Rappelant ses précédentes résolutions sur l’Afghanistan,
Mettant l’accent sur le rôle important que l’Organisation des Nations Unies continuera de jouer dans la promotion de la paix et de la stabilité en Afghanistan,
Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de l’Afghanistan, ainsi que son appui continu au peuple afghan,
Se déclarant profondément préoccupé par la situation humanitaire qui règne en Afghanistan, notamment l’insécurité alimentaire, et rappelant que les femmes, les enfants et les minorités sont touchés de manière disproportionnée,
Saluant l’intensification de l’action menée par la communauté internationale pour fournir une aide humanitaire au peuple afghan depuis le 15 août 2021, demandant à l’Organisation des Nations Unies de jouer un rôle actif dans la coordination de cette aide à l’avenir et notant que la présente résolution vise à apporter des éclaircissements de sorte que cette assistance se poursuive,
Rappelant que l’on attend des Taliban qu’ils respectent les engagements pris, notamment en ce qui concerne l’accès humanitaire, la sécurité des déplacements, la lutte contre le terrorisme, la sécurité, les droits de l’homme et la lutte contre les stupéfiants,
Réaffirmant qu’il importe de combattre le terrorisme en Afghanistan, y compris les personnes et les groupes désignés par le Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253 (2015), et de veiller à ce que le territoire de l’Afghanistan ne soit pas utilisé pour menacer ou attaquer tout autre pays, pour planifier ou financer des actes terroristes, ni pour abriter ou entraîner des terroristes, et à ce qu’aucun groupe ou individu afghan ne soutienne des terroristes opérant sur le territoire d’un pays,
Considérant que la situation en Afghanistan continue de menacer la paix et la sécurité internationales,
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
1. Décide que l’aide humanitaire et les autres activités qui visent à répondre aux besoins essentiels des personnes en Afghanistan ne constituent pas une violation du paragraphe 1 a) de la résolution 2255 (2015), et que le traitement et le versement de fonds, la remise d’autres avoirs financiers ou ressources économiques, et la fourniture de biens et de services nécessaires à l’acheminement de cette aide en temps voulu ou au soutien de ces activités sont autorisés, encourage vivement les prestataires qui agissent en se fondant sur le présent paragraphe à faire tout ce qu’ils peuvent raisonnablement pour que les avantages que pourraient tirer des personnes ou entités inscrites sur la Liste relative aux sanctions imposées par la résolution 1988 (2011), que ce soit à la suite d’une fourniture directe de l’aide ou d’un détournement, soient réduits au maximum et décide également d’examiner l’application de la présente disposition après une période d’un an;
2. Prie le Coordonnateur des secours d’urgence de faire un exposé au Conseil de sécurité, tous les six mois à compter de l’adoption de la présente résolution, sur l’aide humanitaire fournie à l’Afghanistan, en se fondant notamment sur toute information disponible concernant le versement de fonds à des personnes ou entités désignées ou au profit de celles-ci, tout détournement de fonds par celles-ci, les procédures de gestion des risques et de diligence raisonnable mises en place, et tout obstacle rencontré dans le cadre de la fourniture de l’aide, et prie par ailleurs les prestataires concernés d’aider le Coordonnateur des secours d’urgence à préparer ces exposés en lui communiquant les informations visées au paragraphe 1 ci-dessus dans les 60 jours suivant la prestation de l’aide;
3. Demande à toutes les parties de respecter, en toutes circonstances, les droits de l’homme de toutes les personnes, y compris les femmes, les enfants et les personnes appartenant à des minorités, et de se conformer aux obligations que leur impose le droit international humanitaire, notamment celles qui concernent la protection des civils, dont les personnels humanitaires, et celles qui concernent la protection du personnel médical et des personnels humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, et exige des parties qu’elles permettent l’accès humanitaire complet, sûr et sans entrave du personnel des agences humanitaires des Nations Unies et des autres acteurs humanitaires, quel que soit leur genre;
4. Décide de rester activement saisi de la question.
Déclaration avant le vote
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a tout d’abord souligné que le Conseil de sécurité a un rôle crucial à jouer pour répondre aux souffrances du peuple afghan. Le Conseil doit agir pour remédier à la crise humanitaire qui sévit dans le pays, a-t-il insisté, rappelant que plusieurs millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire en Afghanistan, une situation encore aggravée par l’arrivée de l’hiver. Si ces souffrances ne sont pas nouvelles dans ce pays, elles sont encore plus grandes aujourd’hui, a souligné le représentant, avant de se féliciter du dialogue en cours depuis le 25 août entre l’OCHA et les organisations humanitaires sur l’importance de l’acheminement de cette aide vitale. Il a ensuite dit comprendre que certains bailleurs de fonds hésitent encore à acheminer de l’aide et à entreprendre d’autres activités d’assistance en raison des risques associés et étant donné que des sanctions sont toujours en vigueur contre les Taliban et les entités qui leur sont associées. Il a toutefois expliqué que le projet de résolution prévoit des exemptions au régime de sanctions afin de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et des autres activités répondant aux besoins essentiels du peuple afghan, avec une révision programmée dans un délai d’un an. Ce n’est en aucun cas une « carte blanche » donnée aux Taliban pour qu’ils bafouent leurs obligations, a-t-il assuré, précisant que le projet de résolution exige que le Conseil soit informé des éventuels paiements aux parties désignées sur la liste des sanctions et des obstacles rencontrés dans la livraison de l’aide. Ces éléments sont importants en vue des amendements qui pourront être apportés au texte lors de sa révision en décembre prochain, a encore indiqué le délégué. Il a déclaré espérer que tous les membres du Conseil appuieront ce projet de résolution qui, a-t-il dit, prend en considération les avis de tous.
Déclarations après le vote
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) s’est félicité de l’adoption de cette résolution qui devrait permettre à la communauté internationale de mettre en œuvre des activités humanitaires au profit du peuple afghan. Ce texte couvre les besoins urgents et de base des populations les plus pauvres et les plus vulnérables, y compris la réinstallation, l’approvisionnement en eau et des mesures liées à la lutte contre la pandémie de COVID-19. Des obligations en matière d’établissement de rapports sont également prévues, a précisé le représentant, en insistant sur le fait que le Conseil de sécurité doit recevoir des informations régulières sur la mise en œuvre de cette résolution afin d’éviter tout détournement de l’aide humanitaire sur le terrain. En adoptant ce texte, le Conseil de sécurité appelle les prestataires d’assistance humanitaire à mettre en place des procédures de diligence fermes afin d’éviter que ce scénario se réalise et que l’aide soit utilisée à mauvais escient en général, a-t-il fait valoir, avant de dire que le rôle des Nations Unies en matière d’assistance humanitaire en Afghanistan est aujourd’hui plus important que jamais.
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) s’est particulièrement inquiétée de la détérioration de la situation humanitaire qui frappe de manière disproportionnée les femmes et les enfants d’Afghanistan. Tout en insistant que les Taliban sont les principaux responsables de cette crise, « l’une des plus graves crises humanitaires au monde », la représentante de l’Irlande a souligné la responsabilité de l’ONU de permettre une intervention humanitaire vitale qui bénéficie à toutes les personnes dans le besoin. « Tous les acteurs doivent permettre un acheminement et un accès sans entrave de l’aide humanitaire quel que soit le genre des personnes bénéficiaires », a insisté Mme Byrne Nason avant de regretter que la résolution adoptée n’ait pas mis un accent plus fort sur la reconnaissance des souffrances particulières des femmes, et les risques particuliers qu’elles encourent lorsqu’elles veulent s’exprimer. Elle a prévenu que la durée d’un an prévue dans cette résolution ne doit en aucun cas être interprétée comme une période durant laquelle les Taliban pourront faire ce qu’ils veulent. Elle a expliqué que ce texte vise seulement à permettre au peuple afghan de faire face à la crise humanitaire et que d’autres mesures pourront être prises en fonction de l’évolution de la situation. La représentante de l’Irlande a assuré que le Conseil de sécurité restera vigilant quant au comportement des Taliban et qu’il tiendra compte non pas de leurs paroles mais de leurs actes.
M. ZHANG JUN (Chine) a qualifié de « critique » la situation en Afghanistan, rappelant que le pays fait face à des « défis complexes », notamment une crise humanitaire et un effondrement de son économie, lesquels « doivent être réglés le plus tôt possible ». Saluant l’action des organisations humanitaires sur le terrain, le représentant a estimé que le rôle des Nations Unies doit se renforcer pour que l’aide soit plus significative. Il a cependant noté qu’en raison des sanctions, certaines agences humanitaires ne sont pas sûres de pouvoir continuer leur travail dans les conditions actuelles. Or, l’aide humanitaire ne devrait pas être assortie de conditions et ne devrait pas être politisée, a-t-il affirmé, relevant que lesdites sanctions doivent cibler des personnes et des entités, et non l’ensemble de la population afghane. L’essentiel est que l’aide puisse être acheminée sans entrave, a insisté le délégué, avant de se dire favorable aux mesures prévues par la résolution 2615.
Il a toutefois rappelé que, dans sa version initiale, le texte soumettait les activités humanitaires à « certaines conditions », au risque de les entraver. Nous pensons, au contraire, qu’il faut les faciliter, sans que cela constitue une violation des résolutions précédentes du Conseil. Compte tenu de ces éléments problématiques, d’une portée à la fois politique et économique, la Chine a proposé d’amender le texte, a fait savoir le délégué qui s’est réjoui que la version définitive prenne son avis en considération en éclaircissant certains aspects. Le représentant s’est félicité que la résolution précise de manière claire l’objectif qui est de permettre un acheminement de l’aide humanitaire pour répondre aux besoins du peuple afghan grâce à la fourniture de biens et de services essentiels.
Si les obstacles à la livraison de l’aide humanitaire devraient ainsi pouvoir être levés « une fois pour toutes », cette résolution « ne règle pas tous les problèmes », a poursuivi M. Zhang. Appelant les bailleurs de fonds à intensifier leur assistance à l’Afghanistan, il a estimé que les pays qui sont à l’origine de la situation actuelle doivent « assumer une responsabilité particulière ». Et au-delà de la crise humanitaire, l’économie afghane manque cruellement de liquidités, a-t-il souligné, considérant que, dans ces circonstances, il importe de revoir les sanctions et les gels d’avoirs à l’étranger. Ces derniers doivent être restitués à leurs bénéficiaires et non pas « servir d’outils de chantage », a martelé le représentant, exhortant la communauté internationale à aider le pays à retrouver une activité économique normale. Selon lui, le Conseil devrait donc envisager une révision du régime des sanctions afin d’empêcher des répercussions négatives sur l’économie.
M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a rappelé la grave situation humanitaire qui règne en Afghanistan où l’aide doit monter en puissance et être acheminée sans entrave. Rappelant les principes de neutralité, d’impartialité et d’indépendance de l’aide, le représentant a ajouté qu’elle doit aussi être inclusive. Le Conseil de sécurité doit faire en sorte que l’aide ne soit pas détournée, a-t-il lancé. Pendant les deux dernières décennies, l’Inde a donné notamment plus d’un demi-million de doses de vaccins, a dit le délégué assurant que son gouvernement reste prêt à continuer d’aider le peuple afghan. M. Tirumurti a appelé la communauté internationale et en particulier les pays de la région à se ressembler en dépassant les intérêts partisans. En Afghanistan, la situation demeure incertaine, a-t-il rappelé, en invitant à poursuivre la lutte contre le terrorisme et à demander la mise en place d’un dispositif politique inclusif, avec le respect des droits des femmes, des enfants et des minorités.
Mme SHERAZ GASRI (France) a expliqué que son pays a voté en faveur de la résolution parce qu’elle vise à soutenir les intérêts immenses de la population afghane. Néanmoins, elle a souligné la responsabilité du Conseil de sécurité de s’assurer que l’aide humanitaire sera acheminée à l’ensemble des personnes dans le besoin, dans le respect des principes humanitaires, sans aucune forme de récupération par les Taliban, et que ces derniers garantiront la sécurité et respecteront l’ensemble de leurs obligations issues du droit international humanitaire et des droits de l’homme, y compris des femmes et des filles. Il ne s’agit pas, a-t-elle précisé, de restreindre ou de conditionner l’aide, mais il s’agit pour le Conseil de faire preuve de lucidité à la lumière de décennies de lutte armée et de collusion des Taliban avec Al-Qaida. Nous ne pouvons laisser les Taliban tirer profit de la détresse actuelle de la population afghane, a-t-elle argué.
C’est pourquoi la représentante a vu comme une erreur le retrait de la limite temporelle à l’exemption humanitaire, regrettant qu’une modification aussi importante sur un sujet débattu depuis plusieurs semaines ait été apportée par les États-Unis sans aucune concertation, à la dernière minute, en étant présentée comme un « changement cosmétique ». Jugeant cruciale la clause de révision de la résolution un an après son adoption, elle a espéré que le Conseil réexaminera sa décision sur la base des faits.
Enfin, Mme Gasri a rappelé que les Taliban, qui portent la responsabilité de la détérioration de la situation dans le pays, ne sauraient bénéficier de soutiens budgétaires directs.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a dit avoir voté en faveur de ce texte même si sa négociation n’a pas été aisée. L’objectif était de permettre une aide humanitaire immédiate en Afghanistan pour éviter des répercussions catastrophiques, a-t-elle rappelé. L’aide ne doit pas être considérée comme une violation du régime de sanctions pour qu’elle puisse passer par tous les canaux prévus à cet effet, a poursuivi la représentante. Si, pour la Fédération de Russie, c’est une évidence, la déléguée a été d’avis qu’il « faut néanmoins éviter tout malentendu sur ce point ». Elle a espéré que ce texte permettra de renforcer l’aide humanitaire avec le soutien des Nations Unies. Cette aide doit être distribuée de manière efficace et sans condition préalable, a insisté la représentante. Elle s’est ensuite félicitée de voir que les nouvelles autorités afghanes semblent prêtes à coopérer en ce sens. Toutefois, le gel des avoirs afghans empêche le pays de se relever, a regretté la représentante, ne serait-ce que pour pouvoir verser aux médecins leurs salaires. Elle a donc plaidé pour la restitution de ces actifs aux Afghans, non seulement pour que l’économie ne soit plus paralysée, mais aussi pour éviter d’encourager des activités illégales pour pallier ce manque de fonds, comme le narcotrafic.
M. ANDRE LIPAND (Estonie) a fait remarquer que le Conseil de sécurité a adopté cette résolution en soulignant qu’il attend des Taliban qu’ils respectent les normes et les règles du droit international, y compris le droit international des droits de l’homme et les protections constitutionnelles des droits de toutes les personnes en Afghanistan, en particulier les femmes, les filles et les personnes appartenant aux minorités. Le Conseil a souligné que les « avantages que pourraient tirer des personnes ou entités inscrites sur la Liste relative aux sanctions imposées par la résolution de 1988 (2011), que ce soit à la suite d’une fourniture directe de l’aide ou d’un détournement », doivent être réduits au maximum, a ajouté M. Lipand. Il a insisté sur le fait que les dispositions adoptées ne visent pas à garantir des exemptions aux personnes sous sanctions, mais à permettre que l’aide humanitaire atteigne ceux qui en ont le plus besoin, à savoir le peuple afghan. Alors que le mandat de membre non permanent de l’Estonie au Conseil de sécurité prend fin, M. Lipand a assuré que le soutien au peuple afghan reste une priorité à long terme de son pays.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) s’est félicitée que le texte adopté permette à l’aide humanitaire de parvenir effectivement à l’Afghanistan. Rappelant que plus de 20 millions de personnes, soit la moitié de la population afghane, ont un besoin urgent d’assistance, elle a salué les bailleurs de fonds qui ont répondu à l’appel lancé par l’ONU. Elle a précisé que, pour sa part, le Royaume-Uni a doublé le montant de son aide à ce pays, qui a atteint 26 millions de livres. Nous avons une responsabilité partagée pour permettre efficacement l’acheminement de l’aide humanitaire et pour aider à sauver des vies, a-t-elle souligné, ajoutant que, pour ce faire, le régime des sanctions ne doit pas semer des embuches à ce processus d’assistance. Selon elle, la résolution 2615 répond à ce que la communauté humanitaire considère être nécessaire, sans permettre aux personnes et entités visées par des sanctions d’en bénéficier. Elle s’est donc réjouie que le dispositif approuvé, qui sera révisé par le Conseil dans un an, permette aux Afghans, et notamment aux plus vulnérables d’entre eux, de recevoir au plus vite une aide vitale.