Le Conseil de sécurité compte examiner comment les opérations de paix peuvent appuyer la lutte contre les violations des embargos sur les armes
Le Conseil de sécurité a décidé, cet après-midi, d’examiner la question de savoir « si et comment » les opérations de paix peuvent aider les autorités nationales compétentes à lutter contre le transfert illicite et le détournement d’armes en violation des embargos sur les armes en vigueur dans les zones d’opérations concernées.
Adoptée par 12 voix et 3 abstentions (Chine, Fédération de Russie et Inde), la résolution 2616 (2021) précise que cette question sera examinée au moment de renouveler le mandat des opérations de paix opérant dans des zones soumises à un embargo sur les armes décrété par le Conseil de sécurité.
Par ce texte, l’organe onusien souligne par ailleurs qu’au moment d’évaluer la possibilité de lever un embargo sur les armes, il tiendra dûment compte de la capacité des États soumis audit embargo d’exercer un contrôle effectif sur leurs stocks d’armes et de munitions existants et sur leurs importations futures, en vue d’empêcher que ces armes ne soient détournées vers le marché illicite.
En outre, il demande que les États Membres, en particulier ceux qui sont soumis à un embargo sur les armes par lui décrété, coopèrent pleinement avec les groupes d’experts compétents et souligne qu’il importe que ceux-ci puissent, chaque fois que possible, procéder à des inspections visuelles de tout matériel militaire saisi ayant été transféré illicitement en violation dudit embargo, ou s’en faire remettre des échantillons.
Intervenant à l’issue du vote, le Mexique, porte-plume du texte, soulignant que les flux illicites d’armes alimentent moult conflits, a salué l’adoption d’une résolution « qui fait écho à un problème réel » et représente un « véritable pas en avant » pour renforcer les actions et décisions, l’objectif étant de freiner le détournement d’armes et de favoriser des changements juridiques.
Quelle peut donc être la valeur ajoutée de cette résolution qui ne bénéficie pas du consensus et qui « cherche à mettre tous les embargos sur les armes dans le même sac », a cependant déploré la Fédération de Russie qui a regretté une atteinte à l’intégrité du Conseil de sécurité, récusant dans la foulée la tendance « néfaste » à faire adopter des textes sur des « thèmes à la mode ».
« Les opérations de paix ne doivent pas être utilisées comme moyen de faire appliquer les embargos », a estimé l’Inde qui s’est inquiétée pour sa part de la charge supplémentaire de travail que représente ce texte pour les Casques bleus. Les changements potentiels de mouvement dans les zones frontalières, entre autres, risquent en outre de les exposer à des attaques directes de la part de contrebandiers, a-t-elle alerté.
La délégation indienne a de plus déploré que les pays fournisseurs de contingents n’aient pas été consultés, estimant par ailleurs que toute question de fond doit être traitée par le Comité spécial du maintien de la paix (C34). Les embargos sur les armes sont une question complexe qui doit être traitée par les entités spécialisées, a-t-elle martelé, regrettant, tout comme la Chine, que ses préoccupations n’aient pas été prises en compte.
Relevant que chaque zone de mission présente ses propres spécificités, la délégation chinoise a, elle aussi, estimé que les mandats doivent être abordés au cas par cas, récusant toute approche « taille unique ». L’objectif des embargos est d’aider les pays à retrouver la stabilité et ces derniers ne devraient pas voir leurs capacités entravées en matière de sécurité, a-t-elle ajouté.
Favorable au texte, le Viet Nam a souligné que le renforcement de la gestion et des mesures de contrôle des armes peut contribuer à la paix et à la stabilité dans les zones de conflit. Un consensus sur la question doit être renforcé à l’échelle internationale y compris au sein du Conseil de sécurité, a-t-il voulu.
Il importe aussi de savoir pourquoi les armes légères et de petit calibre circulent malgré toutes les mesures prises pour faire appliquer les embargos, a renchéri le Niger qui a appelé les membres du Conseil à avoir le « courage » d’affronter cette question. « Les intérêts économiques de quelques fabricants d’armes doivent s’effacer devant l’impérieuse nécessité de sauver des vies humaines. »
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Texte du projet de résolution S/2021/1075
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies,
Vivement préoccupé par le fait que le transfert illicite, l’accumulation déstabilisante et le détournement d’armes légères et de petit calibre dans de nombreuses régions du monde continuent de menacer la paix et la sécurité internationales, causent d’importantes pertes en vie humaines, contribuent à l’instabilité et à l’insécurité, et continuent de compromettre l’aptitude du Conseil à s’acquitter efficacement de sa responsabilité principale, qui est de maintenir la paix et la sécurité internationales,
Préoccupé par le fait que le trafic illicite et le détournement d’armes et de matériel connexe de tous types portent atteinte à l’état de droit et aux droits humains, qu’ils peuvent compromettre le respect du droit international humanitaire et entraver l’acheminement de l’aide humanitaire et qu’ils ont de nombreuses répercussions sur les plans humanitaire et socioéconomique,
Sachant que les embargos sur les armes visent notamment à prévenir les mouvements illicites d’armes, en particulier d’armes légères et de petit calibre, et de matériel connexe vers des situations de conflit dont il a déterminé qu’elles menaçaient la paix et la sécurité internationales et qu’ils contribuent donc à faire respecter le droit international humanitaire, à assurer la sécurité des civils et à empêcher que ceux-ci soient mis en danger, tout particulièrement les femmes, qui sont exposées de manière disproportionnée, par exemple à la violence sexuelle et sexiste, et les enfants, les réfugiés, les personnes déplacées et d’autres groupes en situation de vulnérabilité, et à assurer la sécurité des soldats de la paix et du personnel humanitaire, et rappelant ses résolutions antérieures et les déclarations de sa présidence sur la question,
Sachant également que tous les embargos sur les armes par lui décrétés sont adaptés à un contexte particulier et qu’il les réexamine régulièrement,
Soulignant que les dispositions de la présente résolution sur la lutte contre le transfert illicite, l’accumulation déstabilisante et le détournement d’armes et de matériel connexe en violation des embargos sur les armes par lui décrétés s’interprètent conformément à la Charte des Nations Unies,
Constatant que les embargos sur les armes par lui décrétés contribuent grandement à la lutte contre le transfert illicite, l’accumulation déstabilisante et le détournement d’armes légères et de petit calibre, et notant la nécessité d’améliorer les échanges d’information entre les groupes d’experts, les missions de maintien de la paix, dans le cadre de leurs mandats respectifs, et les autres entités des Nations Unies compétentes, sur les violations des embargos sur les armes qui pourraient avoir été commises,
Condamnant, en ce qu’ils menacent gravement la paix et la stabilité, les mouvements illicites d’armes et de matériel connexe de tous types réalisés en violation des embargos sur les armes par lui décrétés, notamment lorsqu’ils conduisent à approvisionner des acteurs non étatiques et alimentent des échanges entre ces acteurs, notamment des terroristes et des criminels, et lorsqu’ils portent atteinte à la souveraineté et à l’intégrité des États Membres, et encourageant les États Membres à prévenir et démanteler les réseaux d’achats de ces armes,
Soulignant qu’il importe que les États Membres fournissent et échangent en temps utile des informations à jour sur les violations des embargos sur les armes qui pourraient avoir été commises afin de déterminer quelles sont les sources et les chaînes d’approvisionnement du trafic illicite et de les tarir,
Sachant qu’il importe de renforcer les capacités des États Membres de sorte que ceux-ci puissent recueillir des informations sur toutes les facettes des réseaux qui recourent à de faux documents pour contourner les inspections et faciliter les violations des sanctions par lui imposées, y compris des informations sur les personnes soupçonnées de trafic et les itinéraires de trafic, sur les transactions financières et les activités de courtage dont ils soupçonnent qu’elles sont illicites ou sur le détournement d’armes et de matériel connexe de tous types,
Se félicitant que les États Membres coopèrent, notamment dans le cadre d’activités frontalières conjointes, en ce qui concerne tout particulièrement la prévention du trafic d’armes en violation des embargos par lui imposés,
Appréciant les efforts que font les organisations intergouvernementales, régionales et sous-régionales, notamment par l’intermédiaire d’initiatives, de stratégies et de plans d’action régionaux, pour aider les États Membres à appliquer effectivement les embargos sur les armes par lui décrétés, renforcer les capacités de prévention et de répression du commerce illicite et de l’accumulation déstabilisante d’armes légères et de petit calibre et prévenir le détournement illicite de ces armes en violation desdits embargos,
Réaffirmant que les opérations de maintien de la paix des Nations Unies et les autres entités compétentes désignées par lui qui se trouvent sur le territoire d’un État Membre ou dans une région soumis à un embargo sur les armes qu’il a décrété peuvent, s’il le leur demande, fournir au gouvernement hôte les conseils techniques et l’aide au renforcement des capacités voulus pour ce qui est de la mise en place de programmes de collecte d’armes, de désarmement, de démobilisation et de réintégration, en améliorant la protection physique et les pratiques de gestion des stocks, ainsi que les capacités d’enregistrement et de traçage, en créant des dispositifs nationaux de contrôle des exportations et des importations, en renforçant la sécurité aux frontières, les institutions judiciaires et les organes chargés de veiller au respect de la loi,
Demandant instamment que le Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects soit appliqué de manière pleine et effective et saluant la contribution majeure que celui-ci a apportée aux efforts internationaux en la matière,
Notant que le marquage, le traçage et l’enregistrement des armes, notamment des armes légères et de petit calibre par les États Membres, en particulier dans les pays en situation de conflit et d’après conflit, peuvent servir à détecter les violations des embargos applicables et à identifier les lacunes dans la gestion des stocks d’armes, et à cet égard, demandant instamment que l’Instrument international visant à permettre aux États de procéder à l’identification et au traçage rapides et fiables des armes légères et de petit calibre illicites soit appliqué de manière pleine et effective,
Soulignant qu’il importe d’aider les États Membres qui font l’objet d’un embargo sur les armes par lui décrété à surveiller et à contrôler les stocks d’armes, en particulier d’armes légères et de petit calibre, afin d’empêcher que des acteurs non étatiques, notamment des terroristes, des criminels et d’autres utilisateurs non autorisés pillent les stocks nationaux ou acquièrent des armes provenant de ces stocks,
Sachant combien les orientations formulées par ses comités des sanctions, notamment sous la forme de directives non contraignantes, sont utiles aux États Membres, en ce qu’elles les aident à respecter les dispositions et les obligations prévues par les résolutions imposant des sanctions qui les concernent,
Soulignant que les mesures que prennent les États Membres en application des embargos sur les armes par lui décrétés, dont les mesures de lutte contre le trafic illicite, le détournement d’armes et de matériel connexe et leur financement illicite, doivent être conformes aux obligations découlant du droit international, notamment au droit international humanitaire et au droit international des droits de l’homme, le cas échéant, et soulignant également qu’il importe que les États Membres fassent le nécessaire par l’intermédiaire de leurs autorités nationales et conformément à leur législation interne,
Exhortant les États Membres à adopter systématiquement, dans le cadre de l’élaboration de politiques et de la mise en œuvre des programmes de lutte contre le trafic illicite et le détournement d’armes et de matériel connexe de tous types en violation des embargos sur les armes par lui décrétés, des approches tenant compte des effets disproportionnés que les flux du trafic illicite d’armes ont sur les femmes et les enfants et sachant qu’il importe que les femmes participent pleinement et véritablement à ces efforts, sur un pied d’égalité avec les hommes,
Prenant note des recommandations formulées dans le rapport intitulé « Armes légères et de petit calibre » que le Secrétaire général lui a présenté le 30 septembre 2021 (S/2021/839),
1. Décide d’examiner, au cas par cas et s’il y a lieu, au moment de renouveler le mandat d’opérations de paix opérant dans des zones soumises à un embargo sur les armes par lui décrété, la question de savoir si et comment lesdites opérations peuvent aider les autorités nationales compétentes à lutter contre le transfert illicite et le détournement d’armes en violation des embargos sur les armes en vigueur dans les zones d’opérations concernées;
2. Encourage les opérations de paix et les entités concernées des Nations Unies à contribuer au renforcement des capacités de collecte de données et de formation des autorités du pays hôte, à la demande de celles-ci, afin de contrer le transfert illicite d’armes et de matériel connexe, s’il y a lieu et conformément à leurs mandats;
3. Souligne qu’au moment d’évaluer la possibilité de lever un embargo sur les armes, il tiendra dûment compte de la capacité des États soumis audit embargo d’exercer un contrôle effectif sur leurs stocks d’armes et de munitions existants et sur leurs importations futures, en vue d’empêcher que ces armes ne soient détournées vers le marché illicite;
4. Souligne également que, sous réserve des dérogations particulières applicables aux différents embargos sur les armes, les armes et le matériel connexe de tous types qui sont fournis, vendus ou transférés en vertu des dérogations au titre de l’assistance prêtée en matière de sécurité ou de désarmement ne doivent pas être revendus ni transférés à des parties autres que l’utilisateur final ou d’autres utilisateurs explicitement autorisés par le régime d’embargo applicable, ni mis à leur disposition de quelque autre manière, et ne doivent pas être utilisés à des fins autres que celles qui sont précisées ou explicitement autorisées par le régime d’embargo applicable;
5. Encourage le recours à la pratique optimale consistant, pour les États Membres qui font l’objet d’un embargo par lui décrété, à se doter d’un inventaire de base des armes ainsi que de systèmes de marquage et d’enregistrement des armes dans les situations où un embargo sur les armes imposé par l’ONU coïncide avec des efforts de désarmement, de démobilisation et de réintégration;
6. Encourage les États Membres à veiller à ce que des mesures adéquates de marquage et d’enregistrement soient en place et permettent de garantir la traçabilité des armes, en particulier des armes légères et de petit calibre, comme l’exigent les instruments régionaux et internationaux auxquels ils sont parties, et à réfléchir aux meilleurs moyens d’aider les pays voisins d’États soumis à un embargo sur les armes par lui décrété, s’il y a lieu et à la demande de ces pays, à prévenir et combattre le trafic illicite et le détournement en violation desdits embargos;
7. Encourage la coopération régionale terrestre, aérienne et maritime, selon les besoins, visant à repérer et à prévenir les violations des embargos sur les armes par lui décrétés et à les signaler en temps voulu aux comités des sanctions compétents;
8. Demande que les États Membres, en particulier ceux sont qui sont soumis à un embargo sur les armes par lui décrété, coopèrent pleinement avec les groupes d’experts compétents et souligne qu’il importe que ceux-ci puissent, chaque fois que possible, procéder à des inspections visuelles de tout matériel militaire saisi ayant été transféré illicitement en violation dudit embargo, ou s’en faire remettre des échantillons;
9. Se dit déterminé à désigner, s’il y a lieu et conformément aux régimes de sanctions applicables, les individus impliqués dans des activités contrevenant aux embargos par lui décrétés;
10. Encourage les États Membres à prendre les précautions qui s’imposent concernant l’exportation, vers des États soumis à un embargo sur les armes par lui décrété, de composants de systèmes d’armes disponibles dans le commerce pouvant être utilisés par des personnes et des entités désignées ou par des groupes armés en violation dudit embargo;
11. Encourage les États Membres et les organisations internationales compétentes qui sont en mesure de le faire à assurer le renforcement des capacités et la formation des agents des services nationaux des douanes et de contrôle aux frontières et d’autres services compétents, afin qu’ils puissent procéder aux contrôles découlant des embargos par lui décrétés;
12. Constate qu’il est utile que les États Membres coopèrent avec le secteur privé et les autres parties prenantes concernées et partagent des informations sur l’exécution des dispositions et des obligations contenues dans les résolutions établissant des embargos sur les armes;
13. Prie le Secrétaire général d’examiner, si et quand il y a lieu, dans les rapports périodiques qu’il lui présente sur des pays donnés, des recommandations concernant les tâches que les opérations de paix et les entités concernées des Nations Unies opérant dans des zones soumises à un embargo sur les armes par lui décrété pourraient exécuter, conformément à leurs mandats, pour aider les autorités nationales compétentes, notamment pour ce qui est de surveiller le respect dudit embargo, de repérer les sources illicites d’armes et de tracer les armes saisies, trouvées ou rendues, et pour épauler les groupes d’experts des comités des sanctions concernés;
14. Prie également le Secrétaire général de donner des informations supplémentaires sur les tendances du trafic illicite et du détournement en violation des embargos sur les armes par lui décrétés et de formuler de nouvelles recommandations sur le sujet dans les rapports qu’il lui présente tous les deux ans en application de la résolution 2220 (2015).