La Commission de la condition de la femme examine des approches novatrices pour retrouver le chemin de la relance et parvenir à la parité femmes-hommes

Soixante-septième session,
16e séance plénière - matin
FEM/2229

La Commission de la condition de la femme examine des approches novatrices pour retrouver le chemin de la relance et parvenir à la parité femmes-hommes

La Commission de la condition de la femme a examiné, ce matin dans le cadre d’un dialogue interactif, la question émergente de la réalisation de la parité femmes-hommes dans le contexte d’urgences qui se superposent. 

Alors que nous nous retrouvons dans cette salle, les femmes et les filles, de par le monde, sont confrontées à une série sans précédent de crises qui ont inversé les progrès enregistrés sur le front de la parité, a déploré le Vice-Président de la Commission, M. Māris Burbergs.  Parmi ces crises, experts et délégations ont identifié, entre autres, la pandémie de COVID-19, l’explosion des taux de pauvreté, la crise mondiale du coût de la vie, la crise climatique et les conflits. 

Au rythme actuel, et en raison des conséquences socioéconomiques de la pandémie de COVID-19, l’on estime qu’il faudra encore 300 ans pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes, a alerté la Chef de la section autonomisation économique d’ONU-Femmes. 

Une inquiétude partagée par la Directrice adjointe de la Division de la transformation rurale inclusive et la parité hommes-femmes à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui a signalé que si la pandémie a accru l’insécurité alimentaire dans le monde entier, son impact sur les femmes a été particulièrement grave.  De fait, a-t-elle détaillé, plus de 939 millions de femmes âgées de 15 ans ou plus ont connu une insécurité alimentaire modérée ou grave en 2021, contre 813 millions d’hommes de la même tranche d’âge.  Et cette tendance est également à la hausse s’agissant de l’extrême pauvreté qui, selon les prévisions, toucherait 25 millions de plus de femmes et de filles par rapport aux hommes et aux garçons, s’est encore alarmée l’experte.    

Quant aux recommandations et actions concrètes à mettre en place pour renforcer les politiques et les efforts de relance, elles doivent nécessairement passer par une approche intersectionnelle protégeant et promouvant véritablement les droits humains des femmes et des filles dans toute leur diversité, ont estimé plusieurs panélistes à l’instar de la Directrice exécutive du Centre for Social Equity and Inclusion qui a estimé que les  données désagrégées générées par les citoyens et les communautés peuvent être un outil important pour ne laisser personne de côté. 

Les politiques et les gouvernements doivent, en outre, miser et investir dans des services de soins universels et de congés parentaux bien rémunérés car cette approche peut contribuer à créer des emplois et à réduire les inégalités entre les sexes, a insisté, pour sa part, un économiste à l’Open University, au Royaume-Uni.  Pour contribuer à cette transformation, M. Jerome De Henau a estimé, sur la base d’un simulateur lancé la semaine dernière, qu’un tel investissement pourrait créer plus de 300 millions d’emplois dans le monde, dont au moins 240 millions pour les femmes, et 270 millions d’emplois formels, chiffres qui se traduiraient par une hausse du taux d’emploi de plus de 10% pour les femmes. 

Une approche qui a tout son sens, pour le Vice-Président de la Commission de la condition de la femme, sachant, a-t-il dit, que les ménages affectés par la fermeture des écoles pendant la pandémie ont dû assurer près de 700 milliards d’heures non rémunérées de garde d’enfants, un fardeau qui a essentiellement pesé sur les femmes qui en ont assumé près de 70%. 

Parmi les autres mesures préconisées visant la parité, les participants ont insisté sur les moyens de combler les fossés en matière d’éducation et dans le domaine des STIM. L’occasion pour l’assistance de prendre connaissance de l’expérience de la Conseillère en matière de genre dans le cadre du programme SERVIR-Amazonia, au Centre international d’agriculture tropicale (CIAT), qui a expliqué comment les femmes issues des populations les plus vulnérables, notamment en Amazonie, peuvent être impliquées dans des programmes qui encouragent l’utilisation des technologies géospatiales, pour surveiller les changements socioenvironnementaux dans leurs territoires et prévenir les crimes environnementaux. 

Les délégations ont également entendu la Directrice exécutive de la Fondation Allamin pour la paix et le développement, au Nigéria, s’inquiéter de la radicalisation des femmes qui rejoignent Boko Haram et recommander de donner aux femmes et aux jeunes des possibilités de réalisation de soi et un sentiment d’inclusion dans leur communauté.  Il faut également, selon elle, mettre en évidence les récits alternatifs positifs, et élaborer des programmes de formation centrés sur la pensée critique et l’éducation aux médias, afin de les prémunir contre les discours extrémistes. 

D’où l’importance d’intégrer une perspective de genre dans les systèmes de justice pénale par le biais de mesures visant à supprimer les obstacles à la promotion des femmes et à leur autonomisation dans les services juridiques pénaux, a noté la Présidente de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale. 

La Commission de la condition de la femme se réunira de nouveau demain, vendredi 17 mars, à partir de 10 heures.

SUITE DONNÉE À LA QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES ET À LA VINGT-TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE INTITULÉE « LES FEMMES EN L’AN 2000: ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, DÉVELOPPEMENT ET PAIX POUR LE XXIE SIÈCLE »

Questions nouvelles, tendances, domaines d’intervention et approches novatrices des questions ayant une incidence sur la situation des femmes, notamment sur l’égalité entre femmes et hommes

Mme ANNIE NAMALA, Directrice exécutive du Centre for Social Equity and Inclusion, s’est penchée sur les enseignements tirés de son travail avec les femmes et les filles marginalisées en Inde et en Asie du Sud, indiquant que leurs lacunes en matière d’éducation limitent leur accès au numérique.  En Inde, les filles sont deux fois plus susceptibles que les garçons d’avoir moins de quatre ans de scolarité, 30% des filles issues des familles les plus pauvres n’ont jamais mis les pieds dans une salle de classe, tandis que 42% des filles et 39% des garçons sont incapables de faire une soustraction élémentaire en arithmétique, a-t-elle détaillé.  En outre, les femmes âgées de 15 à 65 ans sont 46% moins susceptibles de posséder un téléphone portable et 62% moins susceptibles d’utiliser Internet que les hommes du même âge.  Elle a également expliqué que les niveaux de revenu et d’éducation sont étroitement liés à la possession d’un téléphone portable.  Ainsi, une augmentation de 1% du revenu est associée à une augmentation de 1,6% à 16% de la probabilité de posséder un téléphone portable, tandis qu’une année supplémentaire d’éducation formelle peut entraîner une augmentation de 0,5% à 3,4% de cette même probabilité. 

L’experte a ensuite indiqué que la plupart des études et enquêtes fournissent une image globale de l’écart entre les hommes et les femmes en matière d’accès au numérique.  Dans l’ensemble, les données désagrégées disponibles se limitent au sexe, à la région, à la classe sociale et aux clivages entre zones rurales et urbaines.  Or il est possible d’identifier de nombreuses sous-catégories à l’intérieur de ces grandes catégories, a-t-elle fait remarquer.  Par exemple, l’Inde reconnaît 21 sous-catégories dans la catégorie des personnes handicapées, plus de 3 000 communautés sont identifiées dans la catégorie des « castes répertoriées », et plus de 700 communautés dans celle des « tribus répertoriées ». 

Les réalités vécues, les opportunités et l’accès au pouvoir et aux ressources de chacune de ces communautés sont négociés en fonction de leur situation géographique, de leur langue, de leur identité religieuse, de leur travail, sans oublier leurs normes sociales, et de leurs pratiques culturelles.  Et chacune de ces dimensions comporte des formes d’exclusion et de discrimination.  Les données générées par les citoyens et les communautés constituent donc, à ses yeux, un outil important pour appuyer une approche intersectionnelle ainsi que la participation et l’inclusion des communautés. 

Elle a indiqué que les résultats et les recommandations générés à l’aide de ces données sont compilés dans des « profils communautaires » qui sont utilisés par les membres de la communauté pour dialoguer avec le gouvernement local et, par la suite, au niveau de l’État.  Les données générées par les citoyens et les communautés sont à même de contribuer à la réalisation des principes de « ne laisser personne de côté » et d’« atteindre d’abord les plus éloignés », a-t-elle soutenu. 

Mme LAUREN PHILLIPS, Directrice adjointe de la Division de la transformation rurale inclusive et la parité hommes-femmes à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a expliqué que la pandémie a accru l’insécurité alimentaire dans le monde entier, mais que l’impact sur les femmes a été particulièrement grave.  De fait, a-t-elle détaillé, plus de 939 millions de femmes âgées de 15 ans ou plus ont connu une insécurité alimentaire modérée ou grave en 2021, contre 813 millions d’hommes de la même tranche d’âge.  Et cet écart ne cesse de se creuser, passant de 1,7 point de pourcentage avant la pandémie en 2019, à 3 points de pourcentage en 2020, pour atteindre 4,3 points de pourcentage en 2021.  Ce creusement est principalement dû à la situation en Amérique latine et dans les Caraïbes, ainsi qu’en Asie, a-t-elle précisé. 

Passant aux changements climatiques, la panéliste a constaté que les inégalités entre les hommes et les femmes sont importantes dans les pays fortement exposés aux phénomènes climatiques extrêmes, tels que les petit État insulaire en développement (PEID).  Les moyens de subsistance, les responsabilités et les droits différenciés des femmes et des hommes ruraux, largement façonnés par les normes de genre et les structures sociales, influencent la nature de leur sensibilité aux risques climatiques.  L’élimination des inégalités entre les hommes et les femmes est donc, à son avis, une « étape clef et indispensable » pour renforcer la résilience climatique. 

L’experte a également exhorté à renforcer la résilience des systèmes agro-alimentaires face à l’augmentation de la faim et de l’insécurité alimentaire dans les contextes de conflits armés.  Elle a jugé essentiel de renforcer les liens entre l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, d’une part, et la sécurité alimentaire et la nutrition de l’autre, notant que ces domaines politiques restent souvent déconnectés aux niveaux national et international.  Il est également fondamental de collecter des données ventilées par sexe fiables et à jour, en particulier dans les contextes d’urgence, afin d’élaborer des politiques, des programmes et des plans d’investissement solides dans le secteur agroalimentaire. 

M. JEROME DE HENAU, maître de conférences en économie à l’Open University, au Royaume-Uni, a fait valoir que la pandémie de COVID-19 a montré à quel point nous comptions sur le travail de soins pour soutenir nos économies et la mesure dans laquelle ce type d’emploi demeure sous-évalué et marqué par les inégalités entre les sexes.  Par conséquent, investir dans des services de soins universels et de congés parentaux bien rémunérés peut contribuer à créer des emplois et à réduire les inégalités entre les sexes, tout en favorisant le développement des enfants et améliorant le bien-être de ceux qui fournissent et reçoivent un soutien.  Comme l’éducation et la santé, les soins font partie intégrante de l’infrastructure économique et sociale, et nécessitent, à ce titre, des investissements publics directs et soutenus, a observé M. De Henau.  Pourtant, a-t-il noté, malgré les avantages qu’ils procurent à la société, les investissements dans les services sociaux ne sont pas considérés comme des dépenses d’infrastructure.  Les gouvernements sont également réticents à considérer les dépenses publiques consacrées à ces services comme constituant un investissement, contrairement, par exemple, à celles allouées aux projets de construction.  « Cela doit changer.  Et ça change », a estimé le maître de conférences. 

Pour contribuer à cette transformation, M. De Henau a été chargé par l’Organisation internationale du Travail (OIT), au moyen d’un projet financé par la Fondation Bill et Melinda Gates, de participer à l’élaboration d’un outil de simulation qui quantifie certains besoins d’investissement annuels et les avantages sociaux liés aux dépenses dans les soins.  Lancé la semaine dernière, ce simulateur estime, à partir de données tirées de 82 pays représentant 87% de l’emploi mondial et 94% du PIB mondial, les besoins en matière de soins pour les enfants d’âge préscolaire.  Il met en exergue les politiques de congés payés et de services universels pour combler le fossé des politiques concernant la garde d’enfants, estimant séparément les besoins en soins de longue durée pour les enfants et les adultes.  Se fondant sur un exemple créé par l’OIT pour 2035, M. De Henau a démontré que les dépenses consacrées aux services de soins de longue durée représenteraient 60% de l’investissement total dans les pays à revenu élevé, reflétant des populations relativement plus âgées ayant des besoins de soins plus importants. 

Selon ses calculs, un tel investissement pourrait créer plus de 300 millions d’emplois dans le monde, dont au moins 240 millions pour les femmes, et 270 millions d’emplois formels, chiffres qui se traduiraient par une hausse du taux d’emploi de plus de 6% dans le monde et de plus de 10% pour les femmes.  De même, les écarts salariaux entre les sexes pourraient être réduits de 13% à l’échelle mondiale, soit une baisse de 21% dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire inférieur.  De tels investissements auraient selon lui un effet « transformateur » sur la structure budgétaire des États, la création d’emplois et la hausse des revenus permettant d’élargir l’assiette fiscale.  Considérant que tout le monde a besoin de soins à un moment donné de sa vie, il a estimé que le financement public de tels investissements est le meilleur moyen de mettre en place une économie plus solidaire et plus égalitaire.

Mme MARINA IRIGOYEN, Conseillère en matière de genre dans le cadre du programme SERVIR-Amazonia, au Centre international d’agriculture tropicale (CIAT), a expliqué comment les femmes issues des populations les plus vulnérables, notamment en Amazonie, peuvent être impliquées dans des programmes qui encouragent l’utilisation des technologies géospatiales, au bénéfice de leurs communautés, tout en relevant les défis environnementaux. 

À São Félix do Xingu, une municipalité de l’État du Pará, en Amazonie brésilienne, une association dirigée par des femmes produit de la pulpe de fruits et du cacao.  Ces agricultrices subissent quotidiennement une détérioration de la qualité de l’air en raison des épandages aériens de pesticides sur les pâturages, et de l’eau, en raison de la pollution minière des rivières. 

Avec le soutien du programme SERVIR-Amazonia, une application de téléphonie mobile a été conçue pour le suivi géospatial des changements socioenvironnementaux dans les territoires.  Ces femmes ont ainsi bénéficié de formation sur l’utilisation de Google Maps, la création d’un compte e-mail, la connexion à Internet, la gestion des contacts, l’échange de messages, les réunions en ligne, l’utilisation de l’appareil photo et l’installation d’applications. 

À Madre de Dios, dans le sud-est du Pérou, SERVIR-Amazonia a développé l’outil RAMI qui permet de détecter en temps quasi réel les activités d’orpaillage associées à la déforestation en Amazonie, à l’aide de satellites.  Dans cette localité, les femmes utilisent des drones pour défendre leurs territoires.  La panéliste a également cité le projet PREVENIR au Pérou, qui encourage les femmes de l’Amazonie à utiliser la technologie pour prévenir les crimes environnementaux, tels que l’exploitation forestière et minière illégale, en leur proposant des formations et même en fournissant des services de garde d’enfants afin qu’elles puissent y participer pleinement. 

Ailleurs, au Cambodge, Open Development Cambodia utilise une application technologique basée sur le moteur de recherches Google Earth Engine, pour suivre l’impact des inondations sur le taux d’abandon scolaire le long du lac Tonle Sap et dans les zones environnantes.  C’est la première fois que Google Earth Engine est utilisé pour analyser l’impact des inondations sur les femmes, a-t-elle précisé. 

Sur la base de ces expériences, l’intervenante a relevé que la formation orientée vers les femmes nécessite des pédagogies spécialisées, en se basant sur une étude qui a montré que les femmes souhaitaient être formées à la surveillance du territoire, mais étaient limitées par les tâches ménagères et l’éducation des enfants.  À cela s’ajoute le préjugé de la limitation de l’accès des femmes à la forêt.  Elle a appelé à appuyer les campagnes d’alphabétisation numérique dès l’enfance afin de réduire la fracture numérique entre les sexes.  Dans le cas de l’Amazonie, les organisations autochtones sont un allié potentiel à cet égard.  La voie a été ouverte pour une plus grande implication des femmes dans les services géospatiaux visant à relever les défis environnementaux, mais cela nécessite de compléter les efforts publics-privés, avec la mise en œuvre de politiques et de programmes, afin d’en assurer la durabilité, a-t-elle indiqué. 

Mme HAMSATU ALLAMIN, fondatrice et Directrice exécutive de la Fondation Allamin pour la paix et le développement, au Nigéria, a noté que les raisons de l’endoctrinement et de la radicalisation des hommes et des femmes qui se joignent à Boko Haram, groupe terroriste radical qui sévit depuis plus de 13 ans dans le nord-est du Nigéria et dans la région du lac Tchad, vont de l’enlèvement et à la coercition, aux pressions sociales, à la motivation circonstancielle, au besoin d’appartenance et à la recherche de sens.  Pour ces adeptes, tout est permis pour atteindre les objectifs du groupe, y compris rompre les liens avec leur famille et d’autres personnes externes au groupe, ce qui permet de mener des « actions drastiques contre-normatives » pour signaler leur engagement envers leur « nouvelle société », a expliqué Mme Allamin.  Des garçons et des hommes ont également été enlevés et recrutés de force et endoctrinés, des filles et des femmes enlevées dans leurs communautés pour être confrontées à des mariages forcés et des viols collectifs en série.  Celles qui parviennent à échapper à Boko Haram sont souvent stigmatisées et rejetées par leur famille avec des grossesses et des bébés conçus en captivité. 

Les violences sexuelles et sexistes continuent d’augmenter, a poursuivi Mme Allamin, tandis que les opérations antiterroristes s’accompagnent souvent d’une vulnérabilité accrue pour les femmes suite aux arrestations, détentions, meurtres et disparitions de leurs proches.  La Fondation Allamin pour la paix et le développement conteste le récit de l’extrémisme de Boko Haram avec des messages de paix, de tolérance et de coexistence pacifique dans des clubs de paix dans les écoles islamiques.  Pour mettre un terme à l’influence délétère des groupes radicaux, elle a recommandé de donner aux femmes et aux jeunes des buts, des possibilités de réalisation de soi et un sentiment d’inclusion de la part de leur famille et de leur communauté.  Il faut également, selon elle, mettre en évidence les récits alternatifs positifs et élaborer des programmes de formation centrés sur la pensée critique et l’éducation aux médias.

Mme JEMIMAH NJUKI, Chef de la section autonomisation économique d’ONU-Femmes, a indiqué que les retombées économiques et sociales de la pandémie de COVID-19 ont eu un impact délétère sur l’égalité entre les hommes et les femmes, au point que l’on estime maintenant qu’il faudra encore 300 ans pour atteindre l’égalité.  Elle s’est également inquiétée de l’augmentation de l’extrême pauvreté qui, selon les prévisions, toucherait 25 millions de plus de femmes et de filles par rapport aux hommes et aux garçons.  En outre, le phénomène s’accompagne d’un creusement des écarts entre les sexes pour ce qui est de l’insécurité alimentaire liée à la convergence des conflits nouveaux et prolongés, des changements climatiques, de l’inflation galopante et des coûts de l’alimentation et de l’énergie.  Or, a fait valoir la responsable onusienne, la capacité des femmes et des filles à agir et à construire un avenir résilient dépend justement de l’élimination des obstacles structurels et des disparités entre les sexes, et de l’augmentation de leur inclusion dans les processus de prise de décisions et de consolidation de la paix. 

Pour aller de l’avant, elle a appelé à donner la priorité à des services de soins abordables et de qualité.  Ces services sont non seulement essentiels pour favoriser la réinsertion des femmes sur le marché du travail et le bien-être des enfants et des personnes âgées, mais ils peuvent également offrir des avantages à plus long terme pour l’économie, a-t-elle expliqué. 

Elle a, ensuite, suggéré de privilégier des systèmes de protection sociale universels et sensibles à la dimension de genre afin de constituer un rempart contre les chocs et les conflits économiques et environnementaux et répondre aux défis spécifiques auxquels sont confrontées les femmes et les jeunes filles, notamment la sécurité alimentaire et la nutrition.  L’experte a, en outre, plaidé pour une approche intersectionnelle dans les politiques et programmes en promouvant véritablement les droits humains des femmes et des filles dans toute leur diversité, depuis la conception des technologies et des innovations jusqu’à la garantie d’un accès égal des femmes et des filles aux outils et aux services numérisés.

Mme MARY WANGUI MAGWANJA, Présidente de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, a indiqué qu’en tant que principale institution politique des Nations Unies dans le domaine de la prévention du crime et de la justice pénale, la Commission s’efforce d’intégrer la dimension de genre dans les domaines relevant de son mandat.  La Déclaration de Kyoto visant à faire progresser la prévention de la criminalité, la justice pénale et l’état de droit: vers la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, préparée par la Commission, appelle ainsi à intégrer une perspective de genre dans la prévention du crime, au moyen de la prévention de toutes les formes de violence et de criminalité liées au genre, a-t-elle noté.  Elle souligne également l’importance d’intégrer une perspective de genre dans les systèmes de justice pénale par le biais de mesures visant à supprimer les obstacles à la promotion des femmes et à leur autonomisation dans les services juridiques pénaux, tout en assurant la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing. 

Pour y parvenir, Mme Mugwanja a souligné la nécessité de disposer de statistiques sur le genre et de données ventilées par sexe pour une prévention de la criminalité fondée sur des preuves et pour l’intégration d’une perspective de genre dans le système de justice pénale.  Elle a espéré, en terminant, que la communauté internationale saura réaffirmer ses engagements en faveur du renforcement de l’égalité entre les femmes et les hommes d’une manière transparente et inclusive afin de relever ces nouveaux défis, en particulier dans les pays en développement. 

Dialogue interactif

« La pauvreté a un visage féminin », a constaté l’Union européenne en ouvrant le dialogue interactif qui a suivi les exposés des panélistes.  Les crises multiples qui se sont succédé au cours des dernières années ont en effet renforcé les inégalités entre les hommes et les femmes, et aggravé les risques de violences sexuelles et sexistes. 

Ces violences s’accroissent en temps de crise et sont utilisées par certains groupes armés comme arme de guerre, ont renchéri les États-Unis, pour qui ces éléments doivent faire partie de la réflexion sur l’octroi de l’aide humanitaire, notamment au profit des organisations dirigées par des femmes. 

Les conséquences des changements climatiques dans les zones rurales sont propices à l’émergence de conflits, a relevé pour sa part le Soudan.  C’est pourquoi le Gouvernement a mis en place des programmes de sécurité alimentaire centrés sur les femmes et assortis de campagnes de sensibilisation.  Au Mali, où plus de 70% de la population vit en milieu rural, la lutte contre les changements climatiques s’articule autour des priorités nationales de la restauration de la sécurité et de la création d’emplois, qui demeurent tributaires des efforts d’alphabétisation et de littératie numérique. 

En Afrique de l’Ouest, le terrorisme continue de gagner du terrain et désorganise nos sociétés, s’est inquiétée à son tour la Côte d’Ivoire, en appelant à la mobilisation pour lutter contre la pauvreté qui fragilise les populations, les femmes au premier chef.  « Il y a urgence de prévenir au lieu de guérir », a martelé la délégation. 

Les points de vue des États Membres du Sahel sur cette question se rejoignent, a constaté la Directrice exécutive de la Fondation Allamin pour la paix et le développement, « mais ne nous arrêtons pas là: les pays du Moyen-Orient et de l’Asie connaissent aussi le fléau de l’extrémisme violent, et maintenant, c’est ensemble de nous devons l’affronter ». 

Cependant, pour Justice Watch Association, toute discussion relative aux droits des femmes en Iran qui ne tient pas compte des effets des sanctions unilatérales imposées par les États-Unis ne nous fera pas avancer. 

Arriver à la parité dans un contexte de crises superposées exige une approche ciblée, a dit le Pakistan, où les inondations ont récemment plongé 33 millions de personnes dans un état de détresse humanitaire, tandis que le plan de réponse reste largement sous-financé.  « La lutte contre l’urgence climatique ne pourra être menée sans les femmes », a ajouté la délégation.  Même constat au Malawi où les dévastations causées cette semaine par le cyclone Freddy ont affecté en premier lieu les plus vulnérables, en particulier les femmes, les personnes âgées et les personnes handicapés. 

La dimension de genre doit en effet être intégrée aux politiques gouvernementales, a fait valoir le Centre de recherche pour les femmes de l’Asie-Pacifique, en particulier en matière de santé sexuelle et génésique, d’alimentation et d’éducation.  La superposition des crises a largement effacé les avancées enregistrées sur le front de la parité entre les hommes et les femmes, a reconnu le Japon, qui fait désormais appel aux technologies numériques pour que celles-ci puissent acquérir les compétences nécessaires à leur développement professionnel. 

Nous devons en outre valoriser les connaissances traditionnelles des populations locales, qui connaissent le mieux le territoire et l’environnement qu’elles habitent, et qui savent souvent comment elles ont fait face à certains problèmes dans le passé, a ajouté la Conseillère en matière de genre dans le cadre du programme SERVIR-Amazonia au CIAT

Le Comité de coopération internationale médicale a toutefois mis en garde contre les stéréotypes sexistes et les normes sociales négatives qui font que les soins non rémunérés sont souvent considérés comme une responsabilité qui incombe aux femmes, qui consacrent de 2 à 10 fois plus de temps aux soins des enfants que les hommes.  La Malaisie a d’ailleurs mis en place des politiques tenant compte de la dimension de genre afin d’abattre les obstacles systémiques à l’émancipation des femmes, tels que les soins non rémunérés, afin de leur permettre de participer pleinement à la société. 

Les femmes occupant un emploi informel ne bénéficient d’aucun filet de protection sociale et sont menacées d’instabilité, a opiné l’Indonésie, en particulier en zone rurale.  Comme la Fundacion Abba Colombia, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a observé que de nombreuses femmes travaillant dans le domaine agroalimentaire occupent des emplois informels, à temps partiel et peu rémunérés, tout en s’occupant de leur famille, ce qui produit une « dimension biaisée » de la protection sociale en fonction du genre.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité appelle à des élections nationales libres, sûres et transparentes en Libye

9284e séance – après-midi
CS/15231

Le Conseil de sécurité appelle à des élections nationales libres, sûres et transparentes en Libye

Dans une déclaration présidentielle adoptée cet après-midi, le Conseil de sécurité a appelé à la tenue, cette année en Libye, d’élections nationales présidentielle et législatives « libres, régulières, sûres, transparentes et inclusives », en vue de mener à bien la transition politique dans ce pays.

Le Conseil se félicite dans cette optique des pourparlers au Caire entre les présidents de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État, ainsi que des progrès graduels accomplis sur le plan du cadre constitutionnel des élections et du treizième amendement à la déclaration constitutionnelle.

« Il convient d’insuffler un nouvel élan, sur la base de ces progrès, pour consolider l’assise juridique et l’accord politique qui sont essentiels en vue de la tenue de ces élections en 2023 », notent les membres du Conseil dans cette déclaration.

Le Conseil estime par ailleurs encourageante l’initiative prise par le Représentant spécial du Secrétaire général consistant à mettre en place un groupe libyen de haut niveau chargé des élections, en vue de compléter les progrès accomplis au cours des autres processus et de réunir les parties prenantes libyennes. 

Il exhorte lesdites parties prenantes à dialoguer, de manière constructive et transparente avec le Représentant spécial, dans un esprit de compromis, et à respecter les garanties concernant l’indépendance et l’intégrité d’un processus électoral inclusif, « ainsi que les résultats des élections ».

Enfin, le Conseil rappelle que les individus ou entités qui entravent le bon déroulement de sa transition politique, « notamment en faisant obstacle ou en remettant en cause les élections », peuvent être visés par ses sanctions.  Toutes les parties prenantes libyennes ont précédemment donné des garanties fermes pour respecter l’intégrité du processus électoral, note le Conseil

LA SITUATION EN LIBYE

Texte de la déclaration du Président du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité réaffirme son ferme attachement à un processus politique inclusif dirigé et contrôlé par les Libyens, facilité par l’Organisation des Nations Unies et accompagné par la communauté internationale, et appuie résolument le fait de voir le peuple libyen se prononcer sur ses futurs dirigeants au moyen d’élections et de veiller à ce que cette demande légitime soit entendue dans le cadre du processus politique.

Le Conseil se félicite du rôle joué par l’Égypte pour faciliter les pourparlers au Caire entre les présidents de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État.  Il salue les progrès graduels accomplis sur le plan du cadre constitutionnel des élections et du treizième amendement à la déclaration constitutionnelle.  Il prend note de la continuité du rôle joué par la Chambre des députés et le Haut Conseil d’État et souligne qu’il convient d’insuffler un nouvel élan, sur la base de ces progrès, pour consolider l’assise juridique et l’accord politique qui sont essentiels en vue de la tenue en 2023 en toute sécurité d’élections nationales présidentielle et législatives libres, régulières, sûres, transparentes et inclusives, dans l’ensemble du pays, et mener à bien la transition politique en Libye.

Le Conseil réaffirme son ferme appui au Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), Abdoulaye Bathily, et en particulier à son rôle de médiation et de bons offices pour faire progresser un processus politique inclusif, conformément à ses résolutions pertinentes.  Il se félicite des longues consultations qu’a menées le Représentant spécial avec les parties prenantes libyennes et régionales et la communauté internationale, afin de définir une voie de consensus vers la tenue d’élections nationales présidentielle et législatives en 2023 et de satisfaire les aspirations de tous les Libyens de choisir leurs dirigeants par la voie des urnes.

Le Conseil estime encourageante l’initiative prise par le Représentant spécial du Secrétaire général de mettre en place un Groupe libyen de haut niveau chargé des élections, facilité par l’ONU, en particulier, qui entend compléter les progrès accomplis au cours des autres processus et réunir les parties prenantes libyennes.  Il souligne l’importance d’un processus participatif et représentatif qui comprend des représentants des institutions politiques et des personnalités politiques, des chefs tribaux, des représentants d’organisations de la société civile, des acteurs de la sécurité et des jeunes, ainsi que la participation pleine, égale et véritable des femmes, et qui peut par conséquent aider à forger un consensus sur les mesures nécessaires à prendre pour mener à bien le processus électoral, notamment établir les bases constitutionnelles et les lois électorales, de manière inclusive et transparente, afin de veiller à ce que l’issue de ses actes et de ses délibérations, quelle qu’elle soit, puisse être acceptée et appuyée par l’ensemble des principales parties prenantes.  Il exhorte toutes les parties prenantes à dialoguer pleinement, de manière constructive et transparente avec le Représentant spécial, dans un esprit de compromis, et à respecter les garanties concernant l’indépendance et l’intégrité d’un processus électoral inclusif, ainsi que les résultats des élections.  Il souligne qu’il importe d’établir une coopération et des échanges constructifs entre toutes les institutions compétentes libyennes à cet égard.  Il insiste sur l’importance d’instaurer des conditions sûres pour que les organisations de la société civiles puissent travailler en toute liberté et de protéger celles-ci contre toutes menaces et représailles.

Le Conseil demande à la communauté internationale d’appuyer pleinement le Représentant spécial du Secrétaire général et la MANUL dans l’exécution de leur mandat et encourage à cet égard le Représentant spécial à continuer de mettre à profit les contributions des pays voisins et des organisations régionales, en particulier de l’Union africaine et de la Ligue des États arabes, pour trouver une solution durable et pacifique à la crise en Libye.

Le Conseil se félicite de l’appui apporté par l’Organisation des Nations Unies à la Haute Commission électorale nationale libyenne et l’encourage à poursuivre cet appui, en dépêchant notamment une mission d’évaluation des besoins, afin de permettre la conduite d’élections présidentielle et législatives nationales libres, régulières, transparentes et inclusives, dans toute la Libye.

Le Conseil insiste sur l’importance des principes de responsabilité financière, de lutte contre la corruption et de transparence, dans le cadre des élections.  Il souligne que les autorités et les institutions libyennes sont capables d’organiser des élections en toute neutralité dans l’ensemble du pays en 2023 et sont tenues d’en rendre compte.

Le Conseil rappelle que les individus ou entités qui mettent en danger la paix, la stabilité ou la sécurité de la Libye ou qui entravent ou compromettent le bon déroulement de sa transition politique, notamment en faisant obstacle ou en remettant en cause les élections, peuvent être visés par ses sanctions.  Il rappelle également que toutes les parties prenantes libyennes avaient précédemment donné des garanties fermes pour appuyer et respecter l’indépendance et l’intégrité du processus électoral, ainsi que les résultats des élections, et leur demande de nouveau de respecter ces garanties, conformément aux responsabilités politiques qu’elles ont à l’égard du peuple libyen.

Le Conseil met l’accent sur l’importance d’un processus de réconciliation inclusif, fondé sur les principes de la justice transitionnelle et du fait d’avoir à rendre des comptes, et se félicite de l’action menée par le Conseil présidentiel pour lancer le processus de réconciliation nationale, avec le concours de l’Union africaine, et notamment pour faciliter une réunion sur la réconciliation nationale en Libye pendant les mois à venir.

Le Conseil réaffirme que le processus politique devrait s’accompagner d’un dialogue constructif, dans les domaines économique et de la sécurité, et du plein respect du droit des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  Il demande à toutes les parties de respecter l’accord de cessez-le-feu du 23 octobre 2020 et d’accélérer l’application intégrale de ses dispositions, notamment du Plan d’action approuvé par la Commission militaire conjointe 5+5 à Genève le 8 octobre 2021, qui devra être exécuté de manière synchronisée, progressive et équilibrée.  Il exhorte les États Membres à respecter et appuyer la pleine application de cet accord de cessez-le-feu et du Plan d’action, notamment au moyen du retrait, sans plus tarder, de l’ensemble des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires du territoire libyen.  Il rappelle qu’il importe de planifier la réforme du secteur de la sécurité et de progresser sur le plan de la démobilisation, du désarmement et de la réintégration des groupes armés, comme convenu par la Commission militaire conjointe 5+5 le 8 décembre 2022.  Il souligne la nécessité d’établir un dispositif de sécurité inclusif, unifié et comptable de son action, placé sous le contrôle des autorités civiles pour toute la Libye.

Le Conseil rappelle qu’il a exigé de tous les États Membres qu’ils respectent pleinement l’embargo sur les armes qu’il a imposé par sa résolution 1970 (2011), telle que modifiée par des résolutions ultérieures.

Le Conseil rappelle que les ressources pétrolières de la Libye doivent être utilisées au profit de tous les Libyens.  Il se félicite que le groupe de travail économique du Comité international de suivi de la situation en Libye, issu du processus de Berlin, appuie les mesures prises par la Libye en vue de l’unification des institutions financières, notamment de la Banque centrale, et l’établissement d’un mécanisme transparent, dirigé par les Libyens, visant à améliorer la gestion et la transparence des recettes, mis à la disposition du peuple libyen.  Il réaffirme qu’il entend veiller à ce que les avoirs gelés en application du paragraphe 17 de la résolution 1970 (2011) soient, à une étape ultérieure, mis à la disposition du peuple libyen.

Le Conseil se déclare à nouveau gravement préoccupé par le trafic de migrants et de réfugiés et par la traite d’êtres humains dans toute la Libye, ainsi que par la situation à laquelle se heurtent les migrants et les réfugiés, notamment les enfants, dans le pays.  Il rappelle la nécessité d’appuyer de nouveaux efforts visant à renforcer la gestion des frontières libyennes.  Il demande aux autorités libyennes de respecter et de protéger les droits humains des migrants et de prendre des mesures en vue de la fermeture des centres de détention des migrants.

Le Conseil réaffirme son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de la Libye.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité proroge de 12 mois le mandat de la MANUA et demande une évaluation indépendante de l’approche internationale vis-à-vis de l'Afghanistan

9283e séance – matin
CS/15230

Le Conseil de sécurité proroge de 12 mois le mandat de la MANUA et demande une évaluation indépendante de l’approche internationale vis-à-vis de l'Afghanistan

Le Conseil de sécurité a, ce matin, adopté à l’unanimité deux résolutions relatives à la situation en Afghanistan, l’une prorogeant le mandat de la Mission d’assistance des Nations Unies dans ce pays (MANUA), l’autre demandant une évaluation indépendante de l’approche internationale de la question afghane. 

Les deux délégations porte-plumes de ces textes, le Japon et les Émirats arabes unis, se sont félicitées de constater que cette unanimité reflète l’unité du Conseil dans son soutien à l’action de la MANUA, et dans sa détermination à œuvrer à un avenir sûr, stable, prospère et inclusif pour l’Afghanistan.  Elles ont d’ailleurs été remerciées à maintes reprises pour avoir réussi à préserver l’unité du Conseil sur un sujet aussi crucial et avoir tenu compte de toutes les positions « qui pouvaient être assez différentes », comme l’a relevé la Fédération de Russie.

En adoptant la résolution 2678 (2023), le Conseil décide ainsi de proroger jusqu’au 17 mars 2024 le mandat de la MANUA, tel qu’il a été défini dans sa résolution 2626 (2022).  Ce texte demande à tous les acteurs politiques et parties prenantes concernés en Afghanistan, notamment aux autorités compétentes ainsi qu’aux acteurs internationaux de se coordonner avec la MANUA dans le cadre de l’exécution de son mandat et d’assurer la sûreté, la sécurité et la liberté de circulation du personnel des Nations Unies et du personnel associé à travers tout le pays.  En outre, la résolution prie le Secrétaire général de lui présenter tous les trois mois un rapport sur la situation en Afghanistan et sur l’exécution du mandat de la MANUA, y compris au niveau infranational. 

Alors que les attentes du Conseil de sécurité vis-à-vis des Taliban n’ont pas été suivies de progrès, l’autre texte, la résolution 2679 (2023), insiste sur l’importance que revêtent la participation pleine, égale et effective des femmes, et le respect des droits humains, notamment les droits des femmes, des enfants, des minorités et des personnes vulnérables.  Elle prie le Secrétaire général de procéder à une « évaluation intégrée et indépendante de la situation » et de la présenter intégralement au Conseil de sécurité au plus tard le 17 novembre 2023, après avoir consulté tous les acteurs politiques et parties prenantes concernés en Afghanistan, y compris les autorités compétentes, les Afghanes et la société civile, ainsi que la région et l’ensemble de la communauté internationale. 

Le Conseil demande que cette évaluation s’accompagne de recommandations aux acteurs politiques, humanitaires et de développement pour qu’ils adoptent une stratégie intégrée et cohérente en vue de relever les défis auxquels l’Afghanistan doit faire face et pour progresser dans le sens de la sécurité, de la stabilité, de la prospérité et de l’inclusivité visées pour ce pays.

Les membres du Conseil ont été nombreux à exprimer leurs préoccupations face aux violations massives des droits humains en Afghanistan, et en particulier par la détérioration de la situation des femmes et des filles, en raison des mesures liberticides prises par les Taliban qui les ont privées d’accès à l’éducation et à l’emploi.  Ils ont défendu et soutenu le mandat de la MANUA, notamment en matière de surveillance des violations et, à l’instar du Royaume-Uni et des États-Unis, appelé la Mission à contribuer à faire entendre les voix des Afghanes.  La France a d’ailleurs souligné que l’évaluation indépendante demandée par le Conseil a pour objectif de formuler des recommandations afin de répondre aux violations, par les Taliban, des droits humains, et en particulier ceux des femmes et des filles.

Si la Chine a soutenu le rôle de l’ONU en Afghanistan, son représentant a toutefois insisté sur une mise en œuvre équilibrée du mandat de la MANUA, arguant que le règlement de la situation n’exige pas de pressions supplémentaires, et que la priorité doit être de remédier à la crise humanitaire.  Se ralliant à ce propos, la Fédération de Russie a mis en garde contre toute tentative de politiser l’action humanitaire, ce qui serait tout simplement « immoral ».

Saluant toute approche du Conseil fondée sur une analyse détaillée et approfondie de la réalité sur le terrain, la délégation russe a espéré que l’évaluation indépendante se ferait en consultation avec les autorités de facto du pays et que le rapport qui en sera issu sera équilibré et traitera des véritables défis, dont le gel des avoirs afghans et les conséquences des mesures unilatérales.

Pour l’Afghanistan, il s’agit de sortir de l’impasse actuelle et de répondre aux appels internationaux en faveur d’un système de gouvernance inclusif, responsable et juste, de politiques qui respectent les droits humains, d’une inclusion des femmes dans tous les secteurs de la société et d’efforts de lutte antiterroriste.  Après avoir remercié la MANUA pour ses efforts inlassables, il s’est réjoui que le Conseil ait pris la décision importante de demander une évaluation pour mieux relever les défis sur le terrain, a-t-il espéré. 

Le Conseil a choisi de réagir, se sont félicités de leur côté les Émirats arabes unis, soulignant que, sans efforts constants, la situation ayant abouti à la pire crise des droits des femmes risque de se reproduire.  Si nous voulons un Afghanistan prospère et inclusif, il faut œuvrer à un objectif commun et, à cette fin, donner la priorité à l’intégration et à la cohérence des efforts menés à l’intérieur comme à l’extérieur du système des Nations Unies, a poursuivi la délégation, en saluant le sens des responsabilités dont ont fait preuve les membres du Conseil lors du processus de négociations. 

LA SITUATION EN AFGHANISTAN (S/2023/151)

Texte du projet de résolution (S/2023/196)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses résolutions antérieures sur l’Afghanistan, en particulier sa résolution 2626 (2022) portant prorogation jusqu’au 17 mars 2023 du mandat de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA),

Mettant l’accent sur le rôle important que l’Organisation des Nations Unies continuera de jouer dans la promotion de la paix et de la stabilité en Afghanistan,

Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de l’Afghanistan, ainsi que son appui continu au peuple afghan,

1.    Salue la détermination à aider le peuple afghan dont l’Organisation des Nations Unies fait preuve depuis longtemps, réaffirme son soutien sans réserve aux activités de la MANUA et de la Représentante spéciale du Secrétaire général, et souligne qu’il importe que la Mission maintienne sa présence sur le terrain;

2.    Se félicite des efforts constants que déploie la MANUA dans l’exécution des tâches et activités prioritaires qui lui ont été confiées;

3.    Décide de proroger jusqu’au 17 mars 2024 le mandat de la MANUA, tel qu’il a été défini dans sa résolution 2626 (2022);

4.    Souligne qu’il importe au plus haut point de pouvoir compter sur une présence constante de la MANUA et des autres organismes, fonds et programmes des Nations Unies dans tout l’Afghanistan, et demande à tous les acteurs politiques et parties prenantes concernés en Afghanistan, notamment aux autorités compétentes, le cas échéant, ainsi qu’aux acteurs internationaux de se coordonner avec la MANUA dans le cadre de l’exécution de son mandat et d’assurer la sûreté, la sécurité et la liberté de circulation du personnel des Nations Unies et du personnel associé dans tout le pays;

5.    Prie le Secrétaire général de lui présenter tous les trois mois un rapport sur la situation en Afghanistan et sur l’exécution du mandat de la MANUA, y compris au niveau infranational;

6.    Décide de rester activement saisi de la question.

Texte du projet de résolution (S/2023/197)

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de l’Afghanistan, ainsi que son appui continu au peuple afghan,

Réaffirmant également son soutien à la paix, à la stabilité et à la prospérité en Afghanistan,

Constatant avec préoccupation que les attentes du Conseil de sécurité vis-à-vis des Taliban n’ont pas été suivies de progrès,

Insistant sur l’importance que revêtent la participation pleine, égale et effective des femmes, et le respect des droits humains, notamment les droits des femmes, des enfants, des membres des minorités et des personnes en situation de vulnérabilité,

Conscient qu’il est indispensable que les acteurs concernés sur le plan politique et en matière d’action humanitaire et de développement, au sein et en dehors du système des Nations Unies, adoptent une approche intégrée et cohérente, conforme à leur mandat respectif, pour consolider et pérenniser la paix en Afghanistan,

Soulignant qu’il soutient la mise en œuvre du mandat de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan dans son intégralité, tel qu’il a été établi dans la résolution 2626 (2022),

1.    Prie le Secrétaire général, conformément aux bonnes pratiques, de procéder à une évaluation intégrée et indépendante, selon les modalités énoncées au paragraphe 2 de la présente résolution et de la présenter intégralement au Conseil de sécurité au plus tard le 17 novembre 2023, après avoir consulté tous les acteurs politiques et parties prenantes concernés en Afghanistan, y compris les autorités compétentes, les femmes afghanes et la société civile, ainsi que la région et l’ensemble de la communauté internationale;

2.    Demande que cette évaluation indépendante s’accompagne de recommandations s’inscrivant dans une perspective d’avenir, afin que les acteurs concernés sur le plan politique et en matière d’action humanitaire et de développement, au sein et en dehors du système des Nations Unies, adoptent une stratégie intégrée et cohérente pour relever les défis auxquels l’Afghanistan doit faire face actuellement, notamment dans les domaines de l’action humanitaire, des droits humains, particulièrement des droits des femmes et des filles et des minorités religieuses et ethniques, de la sécurité et du terrorisme, des stupéfiants, du développement, dans les sphères économiques et sociales, et dans le cadre du dialogue, de la gouvernance et de l’état de droit, et pour progresser dans le sens de la sécurité, de la stabilité, de la prospérité et de l’inclusivité visées en Afghanistan, conformément aux éléments énoncés par le Conseil de sécurité dans ses résolutions antérieures;

3.    Décide de rester activement saisi de la question.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Forum pour la coopération politique en matière de développement se penche sur de nouvelles idées, dont celle de « coopération circulaire », véritable rupture épistémologique

Session de 2023,
13e et 14e séances plénières – matin & après-midi
ECOSOC/7115

Le Forum pour la coopération politique en matière de développement se penche sur de nouvelles idées, dont celle de « coopération circulaire », véritable rupture épistémologique

L’édition 2023 du Forum pour la coopération politique en matière de développement, du Conseil économique et social (ECOSOC), s’est conclue, aujourd’hui, par l’examen de nouvelles idées qui pourraient constituer de véritables changements de paradigme dans ce domaine.  Les intervenants ont notamment loué les mérites de la « coopération circulaire », qui serait, selon la représentante du Chili, une véritable « rupture épistémologique ».

« Cette notion de coopération circulaire permettrait de se libérer de ce principe obsolète qui voudrait que les ressources et connaissances sont situées dans les pays du Nord, ceux-ci n’ayant rien à apprendre des pays du Sud », a expliqué M. Jonathan Glennie, cofondateur de Global Nation, lors du résumé des débats de la veille.  Tout au contraire, a-t-il tranché, en indiquant, à titre d’exemple, que le Bangladesh pourrait aider l’Allemagne dans le renforcement de ses capacités face aux inondations. 

« Cette idée permettrait en outre de dépasser la dichotomie entre donateurs et bénéficiaires. »  Même son de cloche du côté de la déléguée du Chili, qui a déclaré que cette notion permet de « redéfinir le pouvoir, de briser les hiérarchies et de sortir de la logique binaire des bons et des mauvais ».  La déléguée a aussi établi un parallèle entre cette notion et les débats novateurs sur le féminisme, qui cherchent également une redéfinition du pouvoir.  L’Équateur, l’Uruguay et la Colombie ont souligné leur attachement à cette notion.

Une autre idée novatrice a été avancée par Mme Pooja Rangaprasad, de la Société pour le développement international, au sujet de l’aide publique au développement (APD).  À l’instar des nombreux intervenants qui se sont exprimés lors de ces deux journées de débat du Forum, elle a rappelé que les pays développés n’ont pas honoré leur promesse de consacrer 0,7% de leur RNB à cette aide.  Pour y remédier, elle a suggéré de créer les « mécanismes redditionnels » afin que les engagements pris soient bel et bien tenus. 

Une convention pourrait être élaborée sur ce sujet, a déclaré Mme Rangaprasad, en notant que la communauté internationale a souvent recours à un instrument juridique pour résoudre une difficulté.  Dans ce droit fil, elle a en outre suggéré l’adoption d’un cadre juridique sur l’endettement des pays en développement, dont les incidences négatives pour leur développement ont été abondamment soulignées.  « Il est crucial que les promesses au titre de l’APD soient tenues », a renchéri la Colombie, à l’instar de nombreux intervenants.

Les appels à un changement de paradigme ont également été lancés lors des deux tables rondes qui se sont tenues aujourd’hui.  Lors de la première table ronde intitulée « Faire fond sur l’élan en faveur de mesures efficaces de protection sociale », le délégué de l’Espagne a appelé à un « nouveau contrat social » pour garantir l’exercice des droits universels et « revenir à un état de bien-être ».  Ce nouveau contrat ne peut être qu’élaboré à l’échelle mondiale, a-t-il déclaré, en notant que 6 personnes sur 7 dans le monde se disent en insécurité dans leur vie.

L’APD a de nouveau été au centre des discussions, la Présidente exécutive du Fond de sécurité sociale du Costa Rica jugeant capital que les pays développés augmentent la part de cette aide allouée aux investissements dans la sécurité sociale.  Quatre milliards de personnes dans le monde n’ont pas de protection sociale, a rappelé la Directrice du Bureau de l’Organisation internationale du Travail (OIT) à l’ONU.

Lors de la seconde table ronde consacrée au renforcement des capacités pour réduire la fracture numérique, la Directrice exécutive de la stratégie et des partenariats de Global Digital Inclusion Partnership a indiqué que 430 milliards de dollars sont nécessaires pour une connectivité universelle effective.  « Nous en sommes loin. »  Elle a également chiffré à 1 000 milliards de dollars le coût de l’exclusion numérique des femmes sur ces dernières années. 

À l’instar de la déléguée de l’Inde, le Ministre adjoint du commerce de la Chine s’est décerné un satisfecit dans ce domaine, en notant que l’économie numérique représente 38,5% du PIB chinois.  Nous devons œuvrer de concert afin de faire profiter les pays en développement des pratiques optimales qui ont permis à la Chine de réussir, a-t-il proposé.

Dans sa déclaration de clôture, le Sous-Secrétaire général au Département des affaires économiques et sociales (DESA) a appelé à la création de partenariats plus efficaces, en soulignant également l’importance des vertus du dialogue et de l’apprentissage par les pairs.  Nous devons d’aller au-delà du RNB pour déterminer le besoin d’aide d’un pays et inclure des « critères holistiques » dans les outils de mesure macroéconomiques, a conclu la Présidente de l’ECOSOC.

SUITE DES TABLES RONDES

Table ronde 3: Faire fond sur l’élan en faveur de mesures efficaces de protection sociale

Deux intervenants ont été invités à planter le décor de cette discussion.  Tout d’abord Mme MARTA EUGENIA ESQUIVEL RODRIGUEZ, Présidente exécutive du Fond de sécurité sociale du Costa Rica, qui a commencé par souligner le manque de ressources financières dont souffre la sécurité sociale dans la plupart des pays en développement et le fait que, souvent, il n’y a pas de système de financement clairement défini pour cela.  Dans ce contexte, elle a jugé capital que les pays développés augmentent la part d’aide publique au développement (APD) allouée aux investissements dans la sécurité sociale et fournissent de l’assistance technique.  En outre, elle a mis l’accent sur le manque d’informations fiables sur les besoins de la population, qui empêche une prise de décision éclairée.  Pour l’intervenante, l’enjeu véritable est une utilisation efficace et efficiente des ressources disponibles pour la sécurité sociale, qu’elles soient nationales ou internationales. 

Donnant l’exemple de ce qui se fait dans son pays, Mme Esquivel Rodriguez a expliqué que la Caisse de sécurité sociale du Costa Rica a adopté une stratégie de coopération avec les communautés dans un souci de reddition de comptes et pour que les communautés soient informées du travail qui est mené.  La Caisse offre en outre des formations de médecins spécialisés.  Elle a ajouté que la pandémie a permis de transformer les services de santé et de mieux satisfaire les besoins de la population, ce qui s’est notamment traduit par l’un des taux de vaccination les plus élevés au monde.  L’intervenante a fait observer qu’il s’agit en fin de compte de gérer des besoins « infinis » avec des ressources limités.  C’est là tout l’enjeu de la sécurité sociale, selon elle.  Mais, a-t-elle insisté, c’est un élément essentiel pour parvenir au développement durable.  Elle a, enfin, concédé que l’un des plus grands défis auxquels se heurte le Costa Rica c’est la corruption dans la sécurité sociale, en citant six enquêtes en cours sur des achats frauduleux avec les fonds de la sécurité sociale pendant la pandémie.

La deuxième personne intervenant pour introduire le contexte de la discussion, Mme BEATE ANDREES, Directrice du Bureau de l’Organisation internationale du Travail (OIT) à l’ONU, a indiqué que 4 milliards de personnes dans le monde n’ont pas de protection sociale et appelé à y remédier pour réaliser les objectifs de développement durable (ODD).  Elle a aussi pointé les lacunes dans le financement de la protection sociale, en faisant remarquer que la pandémie a eu pour conséquence de les creuser.  Elle a plaidé pour des investissements dans ce domaine.  L’OIT offre une aide aux pays dans leurs efforts visant à se doter d’un système de protection sociale, a-t-elle dit, en mentionnant l’exemple du Cambodge et la mise en place d’un transfert de liquidités pendant la pandémie.

La discussion tenue ce matin, qui était placée sous la modération de M. MICHAEL BRÖNING, Directeur exécutif du Bureau de New York de Friedrich-Ebert-Stiftung, a entendu comme premier panéliste M. ALEXEI BUZU, Ministre du travail et de la protection sociale de la République de Moldova.  Le Ministre a mis l’accent sur l’importance du contrat social qui sous-tend tout système de protection sociale, contrat qui malheureusement fait défaut dans de nombreux pays du monde.  Ainsi, face à la hausse des prix de l’énergie, un système de compensation a été mis en place dans le sien pour 80 000 foyers parmi les plus pauvres: 5% du budget national a été consacré à assurer que les ménages aux revenus les plus bas soient protégés autant que possible face à l’envolée de ces coûts.  M. Buzu a partagé que son défi le plus important en tant que Ministre, est de s’assurer que soit créé un système de sécurité sociale efficace tout en changeant l’idée reçue selon laquelle les soins ne sont pas chers et qu’il n’y a pas besoin de payer pour cela.  « Si nous ne parlons pas de la valeur de ces soins, nous n’aurons pas de système de protection sociale efficace », a mis en garde M. Buzu, qui a salué la contribution précieuse et souvent sous-estimée des travailleurs sociaux, alors que la pandémie de COVID-19 aurait dû leur apporter la reconnaissance qu’ils méritent. 

Deuxième panéliste, Mme FATOU GUEYE DIANE, Ministre de la femme, de la famille et de la protection des enfants du Sénégal, a noté que malgré des avancées notoires, des défis demeurent à l’échelle nationale et internationale à la réalisation des ODD, ce qui démontre une nouvelle fois la nécessité de renforcer la résilience des populations face aux chocs, notamment à travers des mécanismes de protection sociale efficaces et adaptés.  Conscient de cet impératif, le Sénégal a axé le pilier 2 de sa stratégie décennale de développement, le plan Sénégal Emergent (PSE), sur « le capital humain, la protection sociale et le développement durable ».  Dans cette dynamique, la promotion de la protection sociale, qui est le neuvième objectif stratégique du PSE, vise l’amélioration des conditions de vie des populations à travers la stratégie nationale de protection sociale 2015-2035 bâtie sur une approche « cycle de vie », a expliqué la Ministre en énumérant ses trois priorités: l’amélioration de la couverture sociale, l’inclusion des personnes vivant avec un handicap et la protection de l’enfance.  Cet effort de protection sociale sera renforcé et élargi progressivement à tous les travailleurs, y compris ceux du secteur informel, à l’image du projet « Autonomisons 1 million de femmes vulnérables », a-t-elle précisé.  Elle a aussi signalé ce qui est fait pour les femmes de ménages (domestiques) qui bénéficient d’une carte Jaboot (Famille), avant d’évoquer les efforts entrepris pour faciliter l’accès des personnes travaillant dans l’économie informelle à la protection sociale dans le cadre de la stratégie nationale intégrée de formalisation de l’économie informelle.

Consciente de l’impératif de fournir à chacun non seulement un revenu minimum garanti et une couverture maladie, mais aussi un filet de sécurité globale assurant la résilience à tous ceux qui souffrent des chocs et des crises, la Ministre a expliqué que le budget 2023 consacre 25% des fonds à l’éducation et à la formation avec un accent particulier sur le développement intégré de la petite enfance.  Dans la même dynamique, des mécanismes innovants et programmes structurants sont déployés pour renforcer la résilience et l’autonomisation des jeunes.  Elle a terminé son propos en rappelant que dans le cadre du relèvement post-COVID, l’Afrique a besoin de financements additionnels d’au moins 252 milliards de dollars d’ici à 2025 pour permettre l’atteinte des ODD, ce qui passe par la mise en place de systèmes de protection sociale efficaces.

Partageant l’expérience réussie de l’Uruguay, M. MARIANO BERRO GONZÁLEZ, Directeur exécutif de l’Agence pour la coopération internationale de l’Uruguay, a insisté sur la robustesse du système de protection sociale dans son pays et sa bonne mobilisation lors de la pandémie.  En pleine pandémie, nous avons élaboré un cadre de coopération avec l’ONU, a-t-il dit.  Il a noté que la part du travail informel a baissé, pour arriver à 22% du PIB, soit le taux le plus bas de la décennie.  « L’Uruguay est un pays à revenu élevé, ce qui restreint notre accès à la coopération, mais nous ne sommes pas pour autant un pays développé », a-t-il tenu à rappeler.  Il a indiqué à cet égard que l’Uruguay est un pays en transition qui a besoin d’une aide technique internationale pour mener cette transition à son terme.  Le pays est très dépendant des exportations de matières premières, a-t-il informé, en soulignant aussi l’étroitesse de son marché intérieur.  « Nous avons besoin de la coopération internationale. »  Enfin, il a rappelé que les pays développés n’ont pas honoré leur promesse de consacrer 0,7% de leur revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement (APD), avant de dire son attachement à la notion de coopération circulaire.

Mme ARUNEE HIAM, Directrice adjointe de l’Agence de coopération internationale de la Thaïlande, a déclaré que celle-ci cherche à promouvoir la sécurité humaine dans cinq domaines d’intervention, qui sont l’alimentation, l’emploi, la santé, l’environnement et l’énergie.  L’Agence a également souscrit à l’innovation technologique, en mettant l’accent sur les ressources disponibles localement et le développement de la personne, et ce afin de garantir des mesures de protection sociale efficaces, a-t-elle précisé.  Cette stratégie, a-t-elle estimé, pourra contribuer au développement durable et permettra de réduire les lacunes existantes en matière de protection sociale.  Une stratégie que la Thaïlande a diffusée au sein de pays partenaires, s’est félicitée Mme Hiam, qui a dit que Bangkok mise sur le développement durable en tant que pays à revenu intermédiaire.  Ainsi, son gouvernement s’efforce de fournir des services de base à ses citoyens, chacun ayant notamment accès à des soins de santé de base.

Trois intervenants ont ensuite été invités à commenter les présentations.  La première, Mme PAULA NARVAEZ OJEDA (Chili) Vice-Présidente de l’ECOSOC, a noté que l’une des difficultés du contexte actuel, c’est que les populations les plus vulnérables sont en premières lignes des crises multiples.  Or en période de crise, les systèmes de sécurité sociale jouent un rôle de stabilisateur et les plus vulnérables en dépendent le plus, a-t-elle souligné.  Fort de ce constat, le Chili est conscient de la nécessité d’un nouveau pacte social et y travaille à travers un processus démocratique pour aboutir à une nouvelle constitution qui incarne ce pacte, a expliqué la représentante.  Concrètement, cela signifie que la sécurité de l’humanité ne doit plus être envisagée uniquement sous l’angle militaire et que l’on doit s’attaquer à la pauvreté, à la faim et aux inégalités pour parvenir à des sociétés prospères et sûres, a-t-elle conclu. 

À son tour, M. AGUSTÍN SANTOS MARAVER, (Espagne), a lui aussi relevé que les inégalités mondiales se sont creusées, en raison notamment de la pandémie.  Il a indiqué que six personnes sur sept dans le monde se disent en insécurité dans leur vie, selon une étude du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Il nous faut un nouveau contrat social pour garantir l’exercice des droits universels, a-t-il dit, en demandant des emplois décents et l’élargissement de la protection sociale.  Pour lui, ce nouveau contrat social ne peut être qu’élaboré à l’échelle mondiale.  Il a aussi appelé à réviser l’architecture financière mondiale et à soutenir le fonds pour la résilience et la durabilité du Fonds monétaire international (FMI).  L’Espagne va y affecter 20% de ses droits de tirage spéciaux (DTS), a-t-il annoncé.  Enfin, il a indiqué que son pays va bientôt présenter à l’Assemblée générale un projet de résolution sur la promotion de l’économie sociale et solidaire afin de « revenir à un état de bien-être ».

Fournissant un autre exemple de pays qui a beaucoup œuvré pour le renforcement de son système de protection sociale, Mme SARAH LYNNE S. DAWAY-DUCANES, Sous-Secrétaire à l’Autorité nationale économique de développement des Philippines, a mentionné la mise en œuvre de programmes pertinents et la création de cadres législatifs destinés à élargir l’accès aux services de base.  Les Philippines, avec l’aide de l’ONU et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), ont également créé une feuille de route pour la protection sociale.  Face aux chocs provoqués par des catastrophes naturelles ou des pandémies, l’objectif est de réduire les vulnérabilités, en renforçant les capacités des populations à risque afin qu’elles puissent se préparer, et de muscler le programme de protection sociale.  Malheureusement, l’accès à ces initiatives reste inéquitable au sein de notre population, a reconnu l’intervenante.  Elle en a déduit qu’il faut renforcer les investissements dans ces programmes afin de le rendre plus accessible.  Dans cette perspective, elle a recommandé d’élaborer les programmes de protection sociale à partir de données mises à jour.  Enfin, la Sous-Secrétaire a souligné l’importance de la coopération Sud-Sud et triangulaire pour partager les pratiques optimales.

La discussion interactive a été l’occasion pour les délégations de brosser un tableau des mesures prises en termes de protection sociale, en particulier pendant la pandémie de COVID-19 et avec la triple crise alimentaire, énergétique et financière qui s’en est suivie l’année dernière, pour venir en aide aux couches de population les plus vulnérables.  Si la pandémie a été révélatrice des faiblesses et lacunes de ces systèmes dans le monde en développement, elle a aussi été un catalyseur pour entamer des réformes et lancer des programmes sur mesure en vue de réduire les vulnérabilités et renforcer la résilience dans ce qu’a appelé le Chili « un nouveau contrat social ».  La Fédération de Russie a tenu à lui rappeler que le contrat social, dans chaque pays, reste sa constitution.

Cela s’est traduit concrètement au Panama par la mise en place du programme « Panama Solidaire », qui a profité aux personnes en situation de vulnérabilité socioéconomique ou encore au Brésil par le programme « Bolsa Familia » qui s’appuie depuis 20 ans sur une politique robuste visant à apporter une aide sociale aux plus vulnérables, qui ont été présentés par les délégués de ces pays.  Celui du Brésil a expliqué que le programme social s’inscrit dans ses efforts de lutte contre la pauvreté, d’autonomisation des femmes et de lutte contre les inégalités.  Il a précisé que ce système unique repose sur une base de données numérisées, qui porte sur 93 millions de personnes à bas revenu.  En Colombie, la réponse à la pandémie a suscité des réformes du travail, avec notamment la réduction du travail dans le secteur informel, ainsi que des retraites, a indiqué la délégation qui a aussi parlé des améliorations de l’accès à un revenu solidaire universel et à la santé, les services de santé étant ainsi fournis dans les zones rurales et reculées.

Le besoin de base de données fiables et ventilées, notamment par sexe, a été souligné pour pouvoir développer des politiques de protection sociale efficaces et ciblées.  C’est dans ce contexte que la coopération internationale en matière de développement peut faire une différence à travers l’assistance technique et des investissements.  Pourtant, a regretté la Colombie, depuis 2022 les flux financiers vers la protection sociale sont de nouveau en baisse, ce qui est inacceptable.  À cet égard, le représentant colombien a salué le lancement de l’accélérateur mondial de l’emploi décent, en exhortant les pays bailleurs de fonds à lui fournir des ressources adéquates.  Le Brésil a fait valoir qu’au-delà des systèmes de santé résilients, la protection sociale permet également de bénéficier au secteur de l’emploi, en favorisant les emplois productifs et en garantissant des revenus minimums et une protection sociale de base aux familles.  À ce sujet, la Fédération de Russie a noté qu’en 2022, 60% des travailleurs touchaient un salaire inférieur à celui d’avant la pandémie.  Elle a aussi relevé que 60% des pays en développement sont à la limite de la crise de la dette.  Les intervenants ont tous fait remarquer que les conséquences socioéconomiques les plus fortes de ces multiples crises se sont indéniablement manifestées dans les pays du Sud.  Ces pays auront besoin de bien plus de temps et de ressources pour s’en relever que les pays développés qui pensent y arriver en trois ans, ont-ils noté. 

Revenant aussi sur le potentiel de la coopération Sud-Sud et du partage de l’information, le Brésil a cité un outil de coopération essentiel: la plateforme de partage des connaissances en matière de protection sociale, qui se concentre sur les pays en développement et qui est accueillie par le Centre international de politique pour une croissance inclusive, à travers un partenariat entre le Brésil et le PNUD.

Table ronde 4: Renforcer les capacités pour réduire la fracture numérique

Plantant le décor de la discussion, M. CHEN CHUNJIANG, Ministre adjoint du commerce de la Chine, s’est félicité des possibilités de croissance offertes par une économie numérique qui se porte de mieux en mieux au niveau mondial, même s’il a regretté la persistance d’une fracture qui laisse de côté plus de trois milliards de personnes.  En Chine, cette économie représente 38,5% du PIB, s’est enorgueilli le Ministre, qui a expliqué la nécessité de privilégier la coopération en mettant en place des mécanismes bilatéraux et multilatéraux.  C’est ce qu’a fait Beijing, a-t-il affirmé, après avoir identifié l’économie numérique comme le principal moteur de développement national.  Nous devons donc faire maintenant preuve d’innovation et œuvrer de concert à faire profiter les pays en développement des pratiques optimales qui ont permis à la Chine de réussir, a encouragé M. Chunjiang.

Mme MARTHA DELGADO PERALTA, Secrétaire générale adjointe aux affaires multilatérales et aux droits humains au Ministère des affaires étrangères du Mexique, a souligné l’importance de relever les défis qui se posent en termes de politiques publiques afin de maximiser le potentiel de l’économie numérique.  Elle aussi s’est alarmée que la moitié de la population mondiale n’ait pas accès à Internet, en faisant toutefois observer que cette fracture entre pays peut aussi exister au sein d’un même pays, avec des régions inégalement câblées.  Pour la surmonter, la Ministre a plaidé pour une coopération Sud-Sud qui place l’être humain au cœur de politiques qui doivent être par ailleurs sensibles au genre et intersectionnelles.  Œuvrons de concert à une coopération efficace pour combler ces inégalités d’accès aux nouvelles technologies et à Internet, a exhorté Mme Peralta.  C’est dans cet esprit que, les 15 et 16 février, le Mexique a accueilli les délibérations autour d’un pacte numérique mondial dans le but de faire advenir un monde plus connecté, a-t-elle fait valoir. 

Mme JULIETTE PRODHAN, Directrice adjointe du Bureau de la politique de développement au Ministère des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement du Royaume-Uni, s’est convaincue que l’adoption de technologies numériques inclusives peut permettre l’accélération de la réalisation des objectifs de développement durable, en tant que moteur fondamental du développement.  Cela suppose un accès équitable aux nouvelles technologies et à la connexion Internet, a-t-elle souligné.  L’inclusion numérique peut encourager l’innovation, permettre une plus grande participation civique et faciliter l’apprentissage en ligne entre autres, a-t-elle fait valoir en citant le commerce électronique et la télémédecine à titre d’exemples des applications utiles.  Il faut pour cela assurer un accès sur un pied d’égalité aux technologies de l’information et des communications (TIC) et à Internet pour parvenir à une bonne économie numérique, a insisté l’intervenante, ce qui suppose de faire les bons investissements et de veiller à ce que la connectivité soit abordable.  Elle a appelé à peser les bénéfices et les risques des TIC, arguant que l’utilisation de ces outils doit être sûre et encadrée grâce à des efforts de sensibilisation et à des règlementations.  Le Royaume-Uni soutient une transformation numérique inclusive, durable et équitable, a-t-elle poursuivi en donnant quelques exemples, comme le partenariat social numérique avec l’Union internationale des télécommunications (UIT) ou encore celui avec l’alliance sur l’impact numérique.  Elle a également parlé de la collaboration de son pays avec le Rwanda sur une stratégie de commerce électronique.  Ce travail est complété par des investissements dans les infrastructures, a précisé Mme Prodhan en appelant tous les partenaires de développement à agir pour combler le fossé numérique. 

Mme SONIA JORGE, Directrice exécutive de la stratégie et des partenariats de Global Digital Inclusion Partnership, a chiffré à 430 milliards de dollars la somme nécessaire pour une connectivité universelle effective.  Nous en sommes très loin de cette somme qui pourrait connecter celles et ceux qui ne le sont pas, a-t-elle dit, en appelant à des investissements pour renforcer les compétences numériques dans le monde.  Elle a dit que les personnes privilégiées qui siègent dans cette salle doivent s’employer à remédier à la fracture numérique.  Elle a chiffré à 1 000 milliards de dollars le coût de l’exclusion numérique des femmes sur ces 10 dernières années, en se faisant l’écho des débats qui se tiennent en parallèle cette semaine à la Commission de la condition de la femme.  La révolution du numérique est fondamentale pour tout ce que nous faisons, a-t-elle conclu, en disant son refus de vivre dans ce monde « d’inégalités massives ».

De même, Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a appelé à remédier d’urgence à la fracture numérique, avant de détailler les efforts de son gouvernement pour faire des nouvelles technologies un facteur d’inclusion plutôt que d’exclusion.  « Nos résultats sont remarquables », s’est-elle enorgueillie en vantant les mérites des services en ligne qui ont transformé le pays.  Tous les Indiens peuvent désormais ouvrir des comptes en banque en ligne, a-t-elle précisé.  Elle a aussi mentionné l’outil numérique qui a été élaboré dans son pays pour vérifier le statut vaccinal des Indiens lors de la pandémie.  Elle a appelé à remédier aux lacunes des capacités des pays en développement en matière de collecte et d’utilisation des données, y compris par le biais de la coopération Sud-Sud et triangulaire.  Mon pays est tout à fait disposé à partager son expérience, a-t-elle conclu, en soulignant le rôle de chef de file de l’Inde s’agissant des technologies du numérique.

Dans la discussion avec les délégations et les organisations présentes à ce forum, le représentant d’Action Aid International s’est dit convaincu que le forum peut permettre de rééquilibrer la coopération au développement en termes de transparence et de redevabilité.  Il intervient dans un contexte où la Guinée, a indiqué son représentant, vient d’adopter son programme de référence intérimaire (PRI) pour la période 2023-2025.  Ce cadre de référence des partenaires au développement et de toutes les interventions accorde une priorité essentielle à la transformation numérique, a-t-il expliqué.  Son pays a clairement l’intention de profiter de ces mutations technologiques pour entrer dans la modernité, diversifier ses exportations, accélérer la transformation structurelle de son économie et forger durablement sa résilience.  En revanche, a nuancé le représentant guinéen, à ces profonds changements est attaché un défi de taille, celui de la cybersécurité: le pays doit en effet apporter une réponse appropriée aux menaces que font peser la cybercriminalité, le sabotage des infrastructures, l’exploitation inappropriée des données personnelles, la propagande dirigée, la cyber guerre et le cyber terrorisme. 

De son côté, l’Angola a dit avoir lancé en février 2023 le processus de commercialisation des services de communication par satellite couvrant l’ensemble du continent africain, une partie importante de l’Europe du Sud, dont la fourniture stimulera selon lui la coopération Sud-Sud.  Après avoir salué l’initiative lancée par Microsoft d’investir dans des projets de développement numérique dans environ cinq pays prioritaires du Groupe des pays les moins avancés (PMA) d’ici à 2023, le représentant a réaffirmé l’intérêt de son pays à faire partie de cette liste, afin de permettre la mise en œuvre réussie du plan national pour la transformation numérique des structures gouvernementales, ainsi que la numérisation des processus administratifs.  En outre, il a annoncé la signature récente du contrat pour la construction du premier satellite d’observation de la Terre en Angola.  Il permettra de mieux surveiller les ressources naturelles, le développement et les infrastructures, ainsi que de comprendre les effets des changements climatiques sur l’économie angolaise, à savoir les phénomènes de sécheresse et l’élévation du niveau de la mer.

À cet égard, la représentante d’une ONG a souligné l’importance d’évaluer les conséquences environnementales de la transformation numérique, en considérant qu’il ne suffit pas d’attendre une situation de crise pour en parler.  L’ONU doit donc prendre le leadership sur ces questions, a-t-elle estimé.  L’Algérie s’est demandé si d’ici huit ans, à l’horizon 2030, la communauté internationale serait en mesure de combler la fracture numérique entre pays et à l’intérieur même des pays.  Le délégué a demandé la création d’un mécanisme international sur les nouvelles technologies pour que les pays en développement puissent avoir plus facilement accès aux transferts de technologies et à des pratiques optimales dans ce domaine.  Il a pris note de la proposition du Secrétaire général d’un pacte numérique mondial, un sujet également abordé par le Brésil, qui a dit que pour lutter contre les asymétries, il faut être ambitieux et rien moins qu’œuvrer à l’avènement de sociétés numériques inclusives centrées sur l’humain.  Le Panama a déclaré que, malgré les progrès technologiques, il reste encore beaucoup à faire pour combler la fracture numérique, raison pour laquelle une vision holistique et inclusive est plus que jamais de mise pour y remédier.  La Suède a d’ailleurs dit que ce pacte serait l’occasion de faire preuve de vision en termes de coopération numérique, à condition d’inclure toutes les parties prenantes.  Aussi cette délégation s’est dite impatiente de débuter les négociations intergouvernementales à la fin du mois. 

La panéliste du Royaume-Uni, Mme Prodhan, est brièvement revenue sur les conséquences néfastes de la non-participation des femmes aux activités en ligne, évoquées par l’Indonésie, et sur le thème de l’accélération du numérique, évoqué par la Suède. 

À sa suite, la représentante de Global Digital Inclusion Partnership, Mme Jorge, est revenue sur plusieurs éléments, dont les effets positifs de la coopération Sud-Sud, tout en mentionnant qu’à ce rythme, les objectifs de connectivité ne seront pas atteints.  Elle a recommandé de « respecter les droits humains des femmes », leur protection et leur vie privée.  Elle a aussi voulu qu’on insiste sur l’éducation, « sans quoi nous ne serons pas les agentes de notre humanité » et sur « l’accès à Internet ».  Ses autres recommandations ont été de veiller à créer du contenu en langue locale et de « cibler » les populations de manière fine.  En tant que partenariat numérique inclusif, Global Digital Inclusion Partnership est une coalition mondiale de la société civile et du secteur privé, a-t-elle expliqué.  Elle s’est dite prête à travailler avec tous ceux souhaitant « prendre part au voyage » pour « changer de trajectoire ».

La modératrice de la discussion, Mme URSULA WYNHOVEN, de l’Union internationale des télécommunications (UIT), est revenue sur le pacte mondial numérique, une notion qu’elle a beaucoup entendue durant le forum, et sur les conséquences profondes que peut avoir la connectivité numérique.

Déclarations finales

M. MAVID HANIF, Sous-Secrétaire général au Département des affaires économiques et sociales (DESA), a invité tous les acteurs à faire davantage pour relever les défis d’aujourd’hui, tout en renforçant la résilience des plus vulnérables ainsi que la coopération pour réaliser la transition numérique et l’adaptation aux changements climatiques.  Pour réagir aux recommandations entendues ces deux derniers jours, il a reconnu la nécessaire création de partenariats plus efficaces, soulignant également l’importance des vertus du dialogue et de l’apprentissage par les pairs.  Les recherches menées par le DESA, y compris l’exercice d’enquête biannuel qui sera lancé plus tard cette année, ainsi que les nombreux ateliers de coopération avec les pays les moins avancés (PMA), fourniront des données précieuses, a-t-il annoncé.  Il a également fait valoir qu’il y a un mois, le DESA a lancé une nouvelle plateforme de connaissances en ligne pour favoriser l’apprentissage par les pairs. 

Mme LACHEZARA STOEVA, Présidente de l’ECOSOC, a remercié tous ceux ayant apporté des contributions vitales à la discussion des deux derniers jours.  À propos des crises actuelles, et des appels en faveurs d’une prospérité plus inclusive qu’elle a entendus durant le forum, elle a recommandé d’aller au-delà du RNB pour déterminer le besoin d’aide d’un pays et d’inclure des « critères holistiques » dans les outils de mesure macroéconomiques.  Elle a aussi dit avoir entendu que l’adaptation aux changements climatiques devait être incluse de façon plus efficace dans les programmes de développement.  Les communautés locales doivent elles aussi être entendues, a-t-elle déclaré.  Enfin, alors que l’économie numérique représente 15% du produit intérieur brut (PIB) de la planète, des millions de personnes sont toujours exclues de l’écosystème numérique, s’est-elle désolée.  La Présidente a donc appelé à davantage de financement pour changer cet état de fait.

 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité proroge d’un an le mandat de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud, malgré les réserves chinoises et russes

9281e séance – matin
CS/15227

Le Conseil de sécurité proroge d’un an le mandat de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud, malgré les réserves chinoises et russes

Le Conseil de sécurité a décidé, ce matin, de proroger d’un an, jusqu’au 15 mars 2024, le mandat de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), en l’autorisant à utiliser « tous les moyens nécessaires » à son exécution.  En vertu de la résolution 2677 (2023), présentée par les États-Unis et adoptée par 13 voix pour et 2 abstentions (Fédération de Russie et Chine), la MINUSS devra faire avancer la vision stratégique triennale visant à prévenir un retour à la guerre civile, à construire une paix durable aux niveaux local et national, à favoriser une gouvernance inclusive et responsable, et à appuyer la tenue d’élections libres, équitables et pacifiques, conformément à l’Accord revitalisé de 2018. 

À cette fin, le Conseil décide de maintenir l’effectif global de la MINUSS à un maximum de 17 000 militaires et 2 101 policiers, dont 88 agents pénitentiaires, et se déclare prêt à envisager des ajustements de ces effectifs et des tâches de renforcement des capacités en fonction des conditions de sécurité sur le terrain et de la mise en œuvre des mesures prioritaires. 

Le texte adopté retient les quatre éléments essentiels du mandat de la Mission, à savoir assurer la protection des civils; créer les conditions propices à l’acheminement de l’aide humanitaire; appuyer l’exécution de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud et du processus de paix; et mener des activités de surveillance, d’enquête et de signalement s’agissant des cas de violations du droit international humanitaire et d’atteintes aux droits humains. 

Pour ce qui est de la protection des populations, notamment des femmes et des enfants, le Conseil demande à la MINUSS d’assurer « une protection efficace, rapide, dynamique et intégrée des civils se trouvant sous la menace de violences physiques, quels qu’en soient la source ou le lieu ».  Il charge cette fois la Mission de « prévenir, dissuader et faire cesser les violences contre les civils, y compris les violences d’ordre politique, en particulier dans les zones à haut risque ».  Pour ce faire, la Mission est autorisée à « combattre rapidement et efficacement tout acteur qui, selon des informations crédibles, prépare ou mène des attaques contre des civils, des camps de déplacés ou des sites de protection des civils de la MINUSS ». 

Autre nouveauté de cette résolution, la Mission est appelée à « maintenir un déploiement préventif et une présence mobile, flexible et robuste, notamment en organisant des patrouilles actives, pédestres et motorisées, en particulier dans les zones à haut risque, les camps de déplacés et les sites de protection des civils de la MINUSS ».  Dans son préambule, le Conseil constate en outre les effets néfastes des changements climatiques.

Prenant la parole après le vote, la Fédération de Russie s’est inquiétée du fait que les prérogatives confiées à la MINUSS pour la protection des civils prévoient une « très large liberté d’action » pour les Casques bleus, « sans la nécessaire coordination avec le Gouvernement du pays ».  Cette approche destinée à résoudre le problème de la violence intercommunautaire ne tient pas compte selon elle des spécificités de la situation au Soudan du Sud et risque de saper le processus de paix au moment où le pays achève sa période de transition et prépare les élections prévues en décembre 2024.  De plus, la délégation a regretté que le porte-plume américain ait « refusé » de négocier la formulation de cette résolution avec tous les membres du Conseil. 

Sur la même ligne, la Chine a déploré que le texte contienne des éléments visant à exercer des « pressions biaisées » sur les autorités sud-soudanaises et ne tienne pas compte de la situation sur le terrain.  « Le Soudan du Sud, qui est le dernier né des membres de l’ONU, en est encore à un stade embryonnaire, nous devrions lui donner la possibilité de se développer et l’encourager », a plaidé la délégation, en regrettant que le Conseil prenne des décisions sans consulter le Gouvernement au préalable. 

Rappelant à cet égard que la protection des civils incombe au pays concerné, la Chine a soutenu qu’une mission de maintien de la paix doit accompagner un État à devenir plus résilient, et ce, « sans recourir à la force ».  Elle a, par conséquent, trouvé surprenant que la résolution « invite explicitement » la MINUSS à adopter une « ligne de conduite offensive » et engage le Gouvernement et ses supplétifs se tenir prêts à attaquer des civils, ce qui va à l’encontre du mandat de la Mission.  En l’état, le libellé va bien trop loin et pourrait mettre en danger les soldats de la MINUSS, a-t-elle pointé.  Après avoir exprimé ses réserves, « en tant que pays fournisseurs de contingents », elle a, à son tour, dénoncé la « partialité » du porte-plume sur ce dossier. 

Au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), le Ghana s’est félicité de la prolongation du mandat de la MINUSS, une mission qui, selon lui, continue de jouer un rôle stabilisateur en s’employant à solutionner la crise politique et sécuritaire.  Affirmant avoir pesé lors des négociations pour que les préoccupations du Gouvernement sud-soudanais soient reflétées dans la résolution, il a jugé que le texte ouvre la voie à des progrès futurs.  Un avis partagé par le Brésil, qui a espéré que cette prorogation permettra à la Mission de s’acquitter de son mandat de protection des civils, de soutien au processus de paix, d’aide à l’acheminement de l’aide humanitaire et de lutte contre les violations du droit international humanitaire.

De son côté, le représentant du Soudan du Sud a exhorté la MINUSS à poursuivre son étroite collaboration avec son gouvernement et à travailler avec les communautés locales pour gagner leur confiance.  Conscient que la protection des civils est de « la plus haute importance », il a toutefois estimé qu’il est tout aussi important de soutenir le Gouvernement sud-soudanais alors qu’il s’efforce de donner effet à l’Accord revitalisé et à la feuille de route, en dépit du comportement déstabilisant de groupes non signataires.  Il a enfin fait valoir que, malgré les nombreux défis auxquels il fait face, son pays est un État souverain et qu’il convient de ne pas l’oublier quand on traite de problématiques le concernant. 

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD (S/2023/135)

Texte du projet de résolution (S/2023/188)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses précédentes résolutions, les déclarations de sa présidence et les déclarations à la presse concernant la situation au Soudan du Sud,

Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale au Soudan du Sud, et rappelant l’importance des principes de non-ingérence, de bon voisinage et de coopération régionale,

Affirmant son soutien à l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud (« l’Accord revitalisé ») de 2018,

Soulignant que la viabilité du processus de paix ne pourra être assurée sans l’adhésion totale de toutes les parties, demandant instamment la pleine application, sans plus tarder, de l’Accord revitalisé et de l’Accord relatif à la feuille de route visant à mettre fin de manière pacifique et démocratique à la période de transition, qui en est issu, notant avec préoccupation le retard accusé dans l’application de l’Accord revitalisé, qui a nécessité une nouvelle prorogation de deux ans des arrangements politiques transitoires,

Se félicitant de ce que les mesures prioritaires énoncées au paragraphe 9 de la résolution 2625 (2022) aient quelque peu progressé, notamment pour ce qui est d’assurer la sécurité des sites de protection des civils qui ont été réaffectés, de lancer le processus d’élaboration d’une constitution permanente, de faciliter la liberté de circulation de la MINUSS et d’achever la formation de la première phase des Forces unifiées nécessaires,

Se félicitant de ce que les mesures prioritaires énoncées au paragraphe 9 de la résolution 2625 (2022) aient quelque peu progressé, notamment pour ce qui est d’assurer la sécurité des sites de protection des civils qui ont été réaffectés, de lancer le processus d’élaboration d’une constitution permanente, de faciliter la liberté de circulation de la MINUSS et d’achever la formation de la première phase des Forces unifiées nécessaires,

Notant avec une vive inquiétude l’intensification persistante de toutes les formes de violence qui prolongent la crise sur les plans politique, économique, humanitaire et de la sécurité, dans la majeure partie du pays, condamnant la mobilisation de groupes armés par les parties au conflit et l’encouragement de défections, notamment de membres des forces gouvernementales et des groupes d’opposition armés, et constatant que les violences intercommunautaires au Soudan du Sud sont liées sur les plans politique et économique à la corruption et aux violences commises à l’échelle nationale par les anciens protagonistes militaires de la guerre civile dans la capitale, et encourageant la MINUSS à continuer d’appuyer et de protéger les dialogues pour la paix menés par les communautés en coordination avec les autorités sud-soudanaises, afin de renforcer la participation et l’autonomisation des populations locales et la réconciliation nationale,

Prenant acte du rapport en date du 22 février 2023 (S/2023/135), dans lequel le Secrétaire général demande au Gouvernement et aux parties d’autoriser un accès sans entrave le long du corridor du Nil, afin que des services puissent être offerts aux personnes les plus vulnérables, les invite à bien réfléchir au potentiel de ce corridor pour le développement économique et social du Soudan du Sud et recommande qu’à cette fin, la MINUSS apporte tout l’appui requis, le cas échéant, Prenant acte du rapport en date du 22 février 2023 (S/2023/135), dans lequel le Secrétaire général demande au Gouvernement et aux parties d’autoriser un accès sans entrave le long du corridor du Nil, afin que des services puissent être offerts aux personnes les plus vulnérables, les invite à bien réfléchir au potentiel de ce corridor pour le développement économique et social du Soudan du Sud et recommande qu’à cette fin, la MINUSS apporte tout l’appui requis, le cas échéant,

Constatant avec satisfaction que la direction de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) contribue au processus de paix au Soudan du Sud, se félicitant que l’IGAD et ses États membres, la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée, l’Union africaine, notamment son Conseil de paix et de sécurité, l’Organisation des Nations Unies et les pays de la région se soient engagés et s’emploient à dialoguer avec les dirigeants sud-soudanais afin de résoudre la crise actuelle, et encourageant la poursuite d’une collaboration active,

Se félicitant de la reprise de la médiation menée par la Communauté de Sant’Egidio pour favoriser un dialogue politique entre les parties signataires et non signataires de l’Accord revitalisé et encourageant toutes les parties à poursuivre leur action de règlement pacifique des différends en vue de parvenir à une paix inclusive et durable,

Encourageant le Gouvernement sud-soudanais à poursuivre le dialogue engagé avec la Commission de consolidation de la paix en vue d’améliorer le soutien apporté au niveau international aux objectifs de consolidation de la paix en Somalie,

Soulignant qu’il importe d’obtenir une évaluation rapide et transparente des violations par le Mécanisme de vérification et de surveillance du cessez-le-feu et du suivi de l’application des dispositions transitoires de sécurité (« Mécanisme de vérification et de surveillance »), encourageant l’IGAD à donner la suite qu’il convient aux rapports et à les lui communiquer rapidement et notant que l’Union africaine, l’IGAD et le Conseil ont demandé que les parties qui violaient l’Accord sur la cessation des hostilités, la protection des civils et l’accès humanitaire soient tenues de rendre des comptes, engageant les États membres à apporter un appui politique, logistique et financier à la Commission mixte et au Mécanisme de vérification et de surveillance, pour renforcer leurs capacités opérationnelles et mobiliser davantage les États membres de la Commission mixte sur le plan diplomatique afin d’amener le Gouvernement à demander des comptes aux personnes responsables, lorsque des violations sont confirmées,

Se déclarant vivement préoccupé par les rapports faisant état d’actes de violence sexuelle et fondée sur le genre, notamment par les constatations figurant dans les rapports du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé au Soudan du Sud (S/2023/99) et sur les violences sexuelles liées aux conflits (S/2022/272) concernant le recours par les parties au conflit aux violences sexuelles et fondées sur le genre comme tactique contre la population civile au Soudan du Sud, y compris le viol et l’esclavage sexuel à des fins d’intimidation et de punition, sur la base de l’appartenance politique supposée, et dans le cadre d’une stratégie ciblant les membres de certains groupes ethniques, les violences sexuelles liées au conflit et autres formes de violence contre les femmes et les filles se poursuivant depuis la signature de l’Accord revitalisé, comme il ressort du rapport de mars 2022 publié par la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud sur la violence sexuelle liée au conflit commise contre les femmes et les filles au Soudan du Sud, notant que des progrès ont été observés par des parties sud-soudanaises à la suite de la mise en œuvre de plans d’action visant à combattre les violences sexuelles en période de conflit, et soulignant qu’il importe de mener d’urgence des enquêtes rapides et de fournir assistance et protection aux personnes rescapées et aux victimes de violences sexuelles et fondées sur le genre, Se déclarant vivement préoccupé par les rapports faisant état d’actes de violence sexuelle et fondée sur le genre, notamment par les constatations figurant dans les rapports du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé au Soudan du Sud (S/2023/99) et sur les violences sexuelles liées aux conflits (S/2022/272) concernant le recours par les parties au conflit aux violences sexuelles et fondées sur le genre comme tactique contre la population civile au Soudan du Sud, y compris le viol et l’esclavage sexuel à des fins d’intimidation et de punition, sur la base de l’appartenance politique supposée, et dans le cadre d’une stratégie ciblant les membres de certains groupes ethniques, les violences sexuelles liées au conflit et autres formes de violence contre les femmes et les filles se poursuivant depuis la signature de l’Accord revitalisé, comme il ressort du rapport de mars 2022 publié par la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud sur la violence sexuelle liée au conflit commise contre les femmes et les filles au Soudan du Sud, notant que des progrès ont été observés par des parties sud-soudanaises à la suite de la mise en œuvre de plans d’action visant à combattre les violences sexuelles en période de conflit, et soulignant qu’il importe de mener d’urgence des enquêtes rapides et de fournir assistance et protection aux personnes rescapées et aux victimes de violences sexuelles et fondées sur le genre,

Se déclarant profondément alarmé et préoccupé face aux quelque 2,2 millions de personnes déplacées et à la crise humanitaire en cours, aux 9,4 millions de personnes qui nécessitent une aide humanitaire, selon le point de situation humanitaire au Soudan du Sud pour 2023, et aux 7,7 millions de personnes qui ont connu une grave insécurité alimentaire à la mi-2022, voire la famine dans certaines régions, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et le Programme alimentaire mondial, rappelant sa résolution 2417 (2018) dans laquelle il est conscient de la nécessité de mettre fin au cercle vicieux du conflit armé, du déplacement et de l’insécurité alimentaire, condamnant le refus illégal d’accès du personnel humanitaire aux civils dans les conflits armés et soulignant que le recours à la famine contre la population civile comme méthode de combat pourrait être assimilé à un crime de guerre, condamnant fermement toutes les attaques dirigées contre le personnel et les installations humanitaires, qui ont entraîné la mort de neuf agents en 2022 et de cinq agents depuis janvier 2023, condamnant également les obstacles imposés par toutes les parties à la circulation des civils et aux déplacements des acteurs humanitaires qui cherchent à atteindre les civils ayant besoin d’assistance, se déclarant vivement préoccupé par l’imposition de taxes et de frais illégaux qui entravent le déploiement de l’aide humanitaire à travers le pays, et félicitant les organismes humanitaires des Nations Unies, les partenaires et les donateurs qui s’efforcent d’apporter un soutien urgent et coordonné à la population, Se déclarant profondément alarmé et préoccupé face aux quelque 2,2 millions de personnes déplacées et à la crise humanitaire en cours, aux 9,4 millions de personnes qui nécessitent une aide humanitaire, selon le point de situation humanitaire au Soudan du Sud pour 2023, et aux 7,7 millions de personnes qui ont connu une grave insécurité alimentaire à la mi-2022, voire la famine dans certaines régions, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et le Programme alimentaire mondial, rappelant sa résolution 2417 (2018) dans laquelle il est conscient de la nécessité de mettre fin au cercle vicieux du conflit armé, du déplacement et de l’insécurité alimentaire, condamnant le refus illégal d’accès du personnel humanitaire aux civils dans les conflits armés et soulignant que le recours à la famine contre la population civile comme méthode de combat pourrait être assimilé à un crime de guerre, condamnant fermement toutes les attaques dirigées contre le personnel et les installations humanitaires, qui ont entraîné la mort de neuf agents en 2022 et de cinq agents depuis janvier 2023, condamnant également les obstacles imposés par toutes les parties à la circulation des civils et aux déplacements des acteurs humanitaires qui cherchent à atteindre les civils ayant besoin d’assistance, se déclarant vivement préoccupé par l’imposition de taxes et de frais illégaux qui entravent le déploiement de l’aide humanitaire à travers le pays, et félicitant les organismes humanitaires des Nations Unies, les partenaires et les donateurs qui s’efforcent d’apporter un soutien urgent et coordonné à la population,

Condamnant énergiquement toutes les violations des droits humains, atteintes à ces droits et violations du droit international humanitaire par toutes les parties, y compris les groupes armés et les forces de sécurité nationale, ainsi que l’incitation à commettre de telles atteintes et violations, notamment à Tamboura (État de l’Équatoria-Occidental) et récemment dans les États du Jongleï, de l’Unité et du Haut-Nil, condamnant également les sévères restrictions à la liberté d’opinion, d’expression, de réunion pacifique et d’association, ainsi que les actes de harcèlement dirigés contre la MINUSS et les membres de la société civile, ainsi que les journalistes, les correspondants des médias, les défenseurs des droits humains et les travailleurs humanitaires, encourageant vivement toutes les parties à créer un environnement sûr et propice pour ces groupes, soulignant qu’il incombe au premier chef au Gouvernement sud-soudanais de protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité et se déclarant préoccupé que la signature de l’Accord revitalisé n’ait pas mis un terme aux violations et aux atteintes, notamment aux violences sexuelles et fondées sur le genre, qui continuent de se produire et peuvent constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité,

Réaffirmant qu’il est urgent de mettre fin à l’impunité au Soudan du Sud et de traduire en justice tous les responsables de violations du droit international humanitaire et de violations des droits humains et d’atteintes à ces droits et se déclarant vivement préoccupé par les délais rencontrés dans la création des mécanismes de justice transitionnelle énoncés au chapitre V de l’Accord revitalisé,

Soulignant l’importance des mesures de justice transitionnelle énoncées au chapitre V de l’Accord revitalisé, en vue de mettre un terme à l’impunité et de demander des comptes, de faciliter la réconciliation nationale et l’apaisement et d’instaurer une paix durable, en particulier celle de l’action menée par la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud, autorisée par l’Organisation des Nations Unies et, à cet égard, prenant acte de la création par les autorités judiciaires sud-soudanaises d’un Tribunal pour mineurs chargé de juger les affaires de violence fondée sur le genre et de tribunaux itinérants pour combattre l’impunité, notamment en cas de violences intercommunautaires et de violations des droits humains et d’atteintes à ces droits, de meurtres et de viols, notant que le Gouvernement sud-soudanais a approuvé la création de mécanismes de justice transitionnelle, dont le Tribunal mixte pour le Soudan du Sud, et notant également que le Gouvernement sud-soudanais a engagé des consultations à l’échelle nationale sur la Commission vérité, réconciliation et apaisement, l’encourageant à tenir de véritables consultations avec l’ensemble des parties prenantes, avec la participation pleine, égale et véritable des femmes et la participation des jeunes, des victimes, des personnes handicapées, des déplacés et des réfugiés, soulignant qu’il compte que tous les rapports crédibles sur les violations des droits humains et les atteintes à ces droits seront dûment pris en considération par les mécanismes de justice transitionnelle du Soudan du Sud, y compris ceux qu’établit l’Accord revitalisé, insistant sur l’importance de demander des comptes aux responsables des violations du droit international humanitaire et se déclarant gravement préoccupé que, d’après des rapports crédibles, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité aient pu être commis, soulignant également qu’il importe de recueillir et de conserver les preuves afin que le Tribunal mixte pour le Soudan du Sud et d’autres mécanismes d’établissement des responsabilités puissent s’en servir, et encourageant les efforts à cet égard,

Soulignant qu’il est inacceptable qu’une partie fasse obstacle de quelque manière que ce soit aux activités de la MINUSS, notamment par des restrictions à la liberté de circulation, des attaques contre son personnel et l’imposition de contraintes à ses opérations, y compris des restrictions aux patrouilles et aux efforts faits par la MINUSS pour surveiller entre autres la situation des droits humains,

Rappelant sa résolution 2117 (2013) et se déclarant vivement préoccupé par la menace que le transfert illicite, l’accumulation déstabilisante et le détournement d’armes légères et de petit calibre font peser sur la paix et la sécurité au Soudan du Sud, constatant avec inquiétude que le trafic illicite et le détournement d’armes et de matériels connexes de tous types portent atteinte à l’état de droit, qu’ils peuvent compromettre le respect du droit international humanitaire et entraver l’acheminement de l’aide humanitaire et qu’ils ont de nombreuses répercussions sur les plans humanitaire et socioéconomique, Rappelant sa résolution 2117 (2013) et se déclarant vivement préoccupé par la menace que le transfert illicite, l’accumulation déstabilisante et le détournement d’armes légères et de petit calibre font peser sur la paix et la sécurité au Soudan du Sud, constatant avec inquiétude que le trafic illicite et le détournement d’armes et de matériels connexes de tous types portent atteinte à l’état de droit, qu’ils peuvent compromettre le respect du droit international humanitaire et entraver l’acheminement de l’aide humanitaire et qu’ils ont de nombreuses répercussions sur les plans humanitaire et socioéconomique,

Notant les mesures qu’il a adoptées par sa résolution 2428 (2018) et renouvelées par ses résolutions 2471 (2019), 2521 (2020), 2577 (2021) et 2633 (2022), rappelant que les personnes ou entités qui sont responsables d’activités ou de politiques faisant peser une menace sur la paix, la sécurité ou la stabilité du Soudan du Sud, qui en sont complices ou qui y prennent part directement ou indirectement peuvent faire l’objet de sanctions ciblées, rappelant en outre qu’il est prêt à imposer des telles sanctions, et soulignant que l’application effective du régime de sanctions, notamment des mesures d’interdiction de voyager, est d’une importance capitale, tout comme le rôle clef que les États voisins, ainsi que les organisations régionales et sous-régionales, peuvent jouer à cet égard, encourageant les efforts visant à renforcer la coopération, et réaffirmant qu’il est prêt à envisager d’ajuster les mesures, en particulier en modifiant, en suspendant, en levant ou en renforçant les mesures prises pour faire face à la situation, Notant les mesures qu’il a adoptées par sa résolution 2428 (2018) et renouvelées par ses résolutions 2471 (2019), 2521 (2020), 2577 (2021) et 2633 (2022), rappelant que les personnes ou entités qui sont responsables d’activités ou de politiques faisant peser une menace sur la paix, la sécurité ou la stabilité du Soudan du Sud, qui en sont complices ou qui y prennent part directement ou indirectement peuvent faire l’objet de sanctions ciblées, rappelant en outre qu’il est prêt à imposer des telles sanctions, et soulignant que l’application effective du régime de sanctions, notamment des mesures d’interdiction de voyager, est d’une importance capitale, tout comme le rôle clef que les États voisins, ainsi que les organisations régionales et sous-régionales, peuvent jouer à cet égard, encourageant les efforts visant à renforcer la coopération, et réaffirmant qu’il est prêt à envisager d’ajuster les mesures, en particulier en modifiant, en suspendant, en levant ou en renforçant les mesures prises pour faire face à la situation,

Soulignant que les obstacles persistants à la pleine application de la résolution 1325 (2000) et aux résolutions ultérieures sur les femmes et la paix et la sécurité, notamment la résolution 2242 (2015), ne seront éliminés qu’au moyen d’un engagement ferme en faveur de l’égalité des genres, de l’autonomisation et de la participation des femmes et du respect des droits humains, d’initiatives concertées, d’informations et d’activités cohérentes et d’un appui, afin de renforcer la participation pleine, égale et effective des femmes à tous les niveaux de responsabilité et de la prise de décisions, Soulignant que les obstacles persistants à la pleine application de la résolution 1325 (2000) et aux résolutions ultérieures sur les femmes et la paix et la sécurité, notamment la résolution 2242 (2015), ne seront éliminés qu’au moyen d’un engagement ferme en faveur de l’égalité des genres, de l’autonomisation et de la participation des femmes et du respect des droits humains, d’initiatives concertées, d’informations et d’activités cohérentes et d’un appui, afin de renforcer la participation pleine, égale et effective des femmes à tous les niveaux de responsabilité et de la prise de décisions,

Saluant l’importance de la ratification par le Gouvernement sud-soudanais du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et se félicitant de la prorogation par le Gouvernement sud-soudanais du Plan d’action global visant à faire cesser et à prévenir toutes les violations graves contre les enfants et appuyant l’appel à l’action visant à garantir les droits et le bien-être des enfants nés à la suite de violences sexuelles au cours d’un conflit,

Se félicitant de ce que le Soudan du Sud ait adhéré aux quatre conventions internationales et transposé en droit interne: i) la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif; ii) le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; iii) le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique (Protocole de Maputo); iv) le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,

Se déclarant vivement préoccupé par la situation tragique des personnes handicapées au Soudan du Sud qui sont notamment négligées, soumises à des violences et privées de l’accès aux services de base, et soulignant que les besoins particuliers des personnes handicapées doivent être pris en charge dans le cadre des interventions humanitaires,

Constatant les effets néfastes des changements climatiques, des changements écologiques, de la dégradation des terres, de l’insécurité alimentaire et des catastrophes naturelles, entre autres, sur la situation humanitaire et la stabilité au Soudan du Sud, demandant aux autorités de se concerter avec les populations locales et les groupes environnementaux pour régler ces problèmes et soulignant qu’il importe que le Gouvernement sud-soudanais et l’Organisation des Nations Unies élaborent des stratégies globales d’évaluation et de gestion des risques afin de mieux définir les programmes relatifs à ces phénomènes, et prenant note de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et de l’Accord de Paris,

Exhortant vivement le Gouvernement sud-soudanais à se coordonner avec la MINUSS et avec l’équipe de pays pour l’action humanitaire afin de remédier aux inondations et à la carence de services tels que la gestion de l’eau et les installations d’assainissement et d’hygiène dans les sites de personnes déplacées, notamment à Bentiu,

Prenant note de la stratégie environnementale du Département de l’appui opérationnel (phase II), qui met l’accent sur une bonne gestion des ressources et les effets positifs de la Mission, et fixe pour objectif une utilisation accrue des énergies renouvelables dans les missions afin de renforcer la sûreté et la sécurité, de réaliser des économies, d’offrir des gains d’efficacité et de profiter à la mission,

Saluant les activités de la MINUSS et exprimant sa profonde gratitude envers les soldats de la paix de la Mission et les pays qui fournissent des contingents ou du personnel de police pour les mesures qu’ils prennent dans le cadre de l’exécution du mandat de la Mission dans un contexte difficile,

Conscient de l’importance de la communication stratégique pour les opérations de maintien de la paix, sachant que son utilisation efficace est essentielle à la bonne exécution du mandat de la MINUSS, soulignant qu’il faut continuer d’améliorer les capacités de la Mission dans ce domaine afin qu’elle puisse atteindre ses objectifs en matière de protection et en ce qui concerne la situation politique et humanitaire, et notant avec satisfaction l’engagement pris par le Secrétaire général d’intégrer les activités de communication stratégique dans la planification ainsi que dans les décisions opérationnelles quotidiennes des missions, dont la MINUSS, comme précisé dans son plan Action pour le maintien de la paix Plus,

Accueillant avec satisfaction l’engagement pris par le Secrétaire général d’appliquer rigoureusement sa politique de tolérance zéro à l’égard de l’exploitation et des atteintes sexuelles, notant les différentes mesures prises par la MINUSS et les pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police pour combattre l’exploitation et les atteintes sexuelles, tout en se déclarant toujours préoccupé par les allégations d’exploitation et d’atteintes sexuelles imputées à des soldats de la paix et à d’autres membres du personnel des Nations Unies au Soudan du Sud,

Prenant note de l’évaluation des besoins électoraux pour le Soudan du Sud par le Secrétaire général en date du 15 juillet 2021 (S/2021/661), ainsi que de son rapport en date du 25 février 2022 (S/2022/156) et sachant que pour la tenue d’élections libres et régulières, le Gouvernement sud-soudanais doit remplir sa promesse d’atteindre rapidement les principaux critères relatifs au processus constitutionnel, créer les conditions de protection de l’espace civique et politique et veiller à respecter la volonté de tous les électeurs sud-soudanais, avec la participation pleine, égale et véritable et l’inclusion des femmes et l’inclusion véritable et plurielle des jeunes, des personnes handicapées, des déplacés, des réfugiés ainsi que des membres de tous les groupes politiques, qui sont essentielles pour permettre une transition vers un État stable, inclusif, démocratique et autonome,

Prenant note de l’évaluation des besoins électoraux pour le Soudan du Sud par le Secrétaire général en date du 15 juillet 2021 (S/2021/661), ainsi que de son rapport en date du 25 février 2022 (S/2022/156) et sachant que pour la tenue d’élections libres et régulières, le Gouvernement sud-soudanais doit remplir sa promesse d’atteindre rapidement les principaux critères relatifs au processus constitutionnel, créer les conditions de protection de l’espace civique et politique et veiller à respecter la volonté de tous les électeurs sud-soudanais, avec la participation pleine, égale et véritable et l’inclusion des femmes et l’inclusion véritable et plurielle des jeunes, des personnes handicapées, des déplacés, des réfugiés ainsi que des membres de tous les groupes politiques, qui sont essentielles pour permettre une transition vers un État stable, inclusif, démocratique et autonome,

Constatant que la situation au Soudan du Sud continue de menacer la paix et la sécurité internationales dans la région,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

Mandat de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud

1.    Décide de proroger le mandat de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) jusqu’au 15 mars 2024;

2.    Décide que le mandat de la MINUSS est conçu pour faire avancer la vision stratégique triennale, définie dans la résolution 2567 (2021), visant à prévenir un retour à la guerre civile au Soudan du Sud, à construire une paix durable aux niveaux local et national, à favoriser une gouvernance inclusive et responsable et à appuyer la tenue d’élections libres, régulières et pacifiques, conformément à l’Accord revitalisé; Décide que le mandat de la MINUSS est conçu pour faire avancer la vision stratégique triennale, définie dans la résolution 2567 (2021), visant à prévenir un retour à la guerre civile au Soudan du Sud, à construire une paix durable aux niveaux local et national, à favoriser une gouvernance inclusive et responsable et à appuyer la tenue d’élections libres, régulières et pacifiques, conformément à l’Accord revitalisé;

3.    Décide que la MINUSS s’acquittera du mandat ci-dessous et autorise celle-ci à utiliser tous les moyens nécessaires à l’exécution de son mandat, prie le Secrétaire général de l’informer immédiatement de tout obstacle à l’exécution du mandat et souligne que la protection des civils se verra accorder la priorité dans les décisions ayant trait à l’utilisation des capacités et des moyens disponibles;

a)    Assurer la protection des civils:

i)    recourir à tous les moyens nécessaires pour assurer, au moyen d’une approche globale et intégrée, une protection efficace, rapide, dynamique et intégrée des civils se trouvant sous la menace de violences physiques, quels qu’en soient la source ou le lieu et, à cet égard:

–prévenir, dissuader et faire cesser les violences contre les civils, y compris les violences d’ordre politique, en particulier dans les zones à haut risque, et combattre rapidement et efficacement tout acteur qui, selon des informations crédibles, prépare ou mène des attaques contre des civils, des camps de déplacés ou des sites de protection des civils de la MINUSS;

–maintenir un déploiement préventif et une présence mobile, flexible et robuste, notamment en organisant des patrouilles actives, pédestres et motorisées, en particulier dans les zones à haut risque, les camps de déplacés et les sites de protection des civils de la MINUSS, en soulignant que, conformément à l’accord sur le statut des forces, la Mission est pleinement autorisée à entreprendre les tâches qui lui sont confiées;

–répertorier et dissuader les menaces et attaques contre la population civile, y compris par l’application d’une stratégie d’alerte et de réponse rapides à l’échelle de la Mission, qui s’appuie sur une solide analyse tenant compte des risques de conflit, par des échanges réguliers avec les civils, notamment des assistants chargés de la liaison avec la population locale, et une collaboration étroite avec les organisations humanitaires, de défense des droits humains et de développement et les organisations de la société civile dans les zones à risque de conflit élevé, en particulier là où le Gouvernement sud-soudanais est incapable d’assurer une telle sécurité ou ne le fait pas et qui comprend la surveillance, l’analyse et le signalement du taux et de l’efficacité des interventions de la Mission en matière de protection des civils et veille à ce que les risques de violence sexuelle et fondée sur le genre dans les situations de conflit et d’après-conflit soient pris en compte dans la collecte de données, l’analyse des menaces et le système d’alerte rapide de la Mission;

–assurer la sûreté et la sécurité publiques à l’intérieur des sites de protection des civils de la MINUSS et dans les sites dont la supervision a été réaffectée, protéger les civils dans ces sites, quelle que soit la source de la violence, assurer une veille basée sur l’analyse des menaces, intervenir rapidement en cas de menaces dans d’autres lieux, élaborer promptement des plans d’intervention pour protéger les civils dans les sites civils et dans les sites qui ont été réaffectés, en cas de crise, et renforcer la présence et les activités de protection en cas de détérioration de la situation;

ii)   Protéger en particulier les femmes et les enfants, notamment en continuant de régulièrement faire intervenir et déployer ses conseillers pour la protection de l’enfance, ses conseillers pour la protection des femmes et ses conseillers pour les questions de genre, civils ou militaires, et partager les meilleures pratiques avec les acteurs locaux concernés afin de renforcer les capacités, et décourager, prévenir et combattre les violences sexuelles et fondées sur le genre, notamment en intervenant activement pour protéger les civils menacés et les personnes rescapées de violence sexuelle, quelle qu’en soit la source, en particulier en facilitant l’accès aux organisations qui fournissent des services et une aide aux personnes rescapées, y compris des services médicaux, juridiques, psychosociaux, psychiques, socioéconomiques et de santé sexuelle et procréative;

iii)  User de bons offices et de mesures de confiance et d’encouragement pour appuyer la stratégie de protection de la MINUSS, en particulier en ce qui concerne les femmes et les enfants, notamment en aidant à prévenir, atténuer et faire cesser les violences intercommunautaires, au moyen des dialogues pour la paix menés par les communautés, dans le droit fil des pratiques exemplaires fondées sur des données d’observation, et sur la base d’une analyse des conflits et de l’économie politique tenant compte des questions de genre, ainsi que d’une analyse des conflits, d’une médiation et d’une mobilisation de la population afin de favoriser une réconciliation locale et nationale durable en tant qu’élément essentiel de la prévention de la violence et de l’activité d’édification de l’État à long terme;

aider les autorités compétentes aux niveaux national et des États et les organisations de la société civile à élaborer et mettre en place des programmes de lutte contre la violence au sein de la collectivité qui tiennent compte des questions de genre, en vue d’aider à désamorcer les violences intercommunautaires et à renforcer les initiatives de désarmement local, en coopération et en coordination avec les partenaires de développement et les représentants locaux, en particulier les membres de groupes armés ne pouvant pas ou ne souhaitant pas être intégrés aux Forces unifiées nécessaires, les femmes et les jeunes; fournir une assistance technique et un appui au renforcement des capacités pour aider le Gouvernement sud-soudanais à renforcer l’état de droit et à réformer le secteur de la justice, en tenant compte des risques de conflit et conformément aux dispositions de l’Accord de paix, afin de renforcer la protection des civils, de combattre l’impunité et de promouvoir le principe de responsabilité, notamment dans le cadre des enquêtes et des poursuites concernant des faits de violence fondée sur le genre, y compris la violence sexuelle liée aux conflits et les violations des droits humains ou les atteintes à ces droits, en adoptant une approche axée sur les personnes rescapées;

iv)   Créer des conditions de sécurité propices au retour, à la réinstallation et à l’intégration librement consentis dans les communautés d’accueil, en connaissance de cause, en toute sécurité et dans la dignité, des déplacés et des réfugiés, sur la base d’une solide analyse des conflits tenant compte des questions de genre, lorsque les circonstances s’y prêtent, y compris en surveillant et en favorisant le respect des droits humains, en coordination avec les services de police, les institutions chargées de la sécurité, les organismes publics et les acteurs de la société civile, dans le cadre d’activités adaptées et axées sur la protection, en appuyant les enquêtes et les poursuites concernant les cas de violences sexuelles et fondées sur le genre et de violences sexuelles liées aux conflits ainsi que d’autres violations des droits humains ou d’atteintes à ces droits, afin de renforcer la protection des civils, de combattre l’impunité et de promouvoir l’application du principe de responsabilité, en se conformant en toute circonstance à la politique de diligence voulue en matière de droits humains en cas d’appui de l’ONU;

v)    Favoriser les conditions susceptibles de garantir la libre circulation et en toute sécurité, à l’intérieur, en dehors et autour de Djouba, notamment aux points d’entrée et de sortie de la ville et sur les principales voies de communication et de transport à l’intérieur de Djouba, y compris l’aéroport;

Contrôler et signaler les effets sur l’environnement des activités qu’elle mène en exécution des tâches qui lui sont confiées et, dans ce contexte, maîtriser ces effets, selon qu’il convient et conformément aux résolutions de l’Assemblée générale et aux règles et règlements applicables de l’Organisation;

b)    Créer les conditions nécessaires à l’acheminement de l’aide humanitaire:

i)    Contribuer, en étroite coordination avec les intervenants humanitaires, à créer des conditions de sécurité propices à l’acheminement de l’aide humanitaire, afin de permettre l’accès sans entraves et en toute sécurité du personnel de secours à toutes les populations qui se trouvent dans le besoin au Soudan du Sud, notamment les déplacés et les réfugiés, et l’acheminement en temps voulu de l’aide humanitaire, conformément au droit international, y compris le droit international humanitaire applicable, et aux principes directeurs des Nations Unies en matière d’aide humanitaire, en particulier l’humanité, l’impartialité, la neutralité et l’indépendance, y compris en fournissant des estimations des risques tenant compte des questions de genre concernant les effets néfastes des changements climatiques;

ii)   Garantir la sécurité et la liberté de circulation du personnel des Nations Unies et du personnel associé, le cas échéant, notamment par l’atténuation et la neutralisation des engins explosifs, et la sécurité de leurs installations et du matériel nécessaire à l’exécution des tâches prescrites;

c)    Appuyer l’exécution de l’Accord revitalisé et le processus de paix:

i)    User de ses bons offices pour appuyer le processus de paix et la création de conditions propices à l’application intégrale de l’Accord revitalisé et de l’Accord relatif à la feuille de route visant à mettre fin de manière pacifique et démocratique à la période de transition qui en est issu, afin d’empêcher une nouvelle escalade de la violence politique et de s’attaquer aux causes profondes du conflit, en fournissant notamment des conseils ou une assistance technique, et en assurant la coordination avec les acteurs régionaux compétents, en particulier pour tirer des enseignements du dialogue national, afin d’engager une réforme politique importante et de poursuivre un dialogue sud-soudanais sur la manière d’encourager le partage du pouvoir et une rivalité politique pacifique;

ii)   Aider toutes les parties à assurer la participation pleine, égale et véritable des femmes, ainsi que la participation véritable, plurielle et effective de la société civile, des jeunes et des autres groupes marginalisés au processus de paix, aux organes et institutions étatiques de transition et à tous les efforts de règlement du conflit et de consolidation de la paix, notamment en ce qui concerne la justice transitionnelle, les réformes électorales, judiciaires, législatives et institutionnelles, l’élaboration de la constitution et la transformation du secteur de la sécurité, promouvoir un espace civique ouvert, libre, inclusif et sûr et veiller à intégrer pleinement la protection, les droits, le bien-être et l’autonomisation des enfants touchés par les conflits armés et à tenir compte de leurs opinions et de leurs besoins au cours de ces processus;

iii)  participer aux travaux du Mécanisme de vérification et de surveillance, de la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée et à d’autres mécanismes de mise en œuvre et les épauler dans l’exécution de leur mandat, y compris au niveau infranational;

iv)   user de ses bons offices pour aider le Gouvernement sud-soudanais et les autres parties concernées à respecter le point de vue selon lequel les élections sont une approche progressive et qu’il faut d’abord s’employer à instaurer les conditions propices à l’espace civique et politique, des dispositions transitoires de sécurité et un processus inclusif de révision de la constitution en vue d’une éventuelle transition politique, en particulier au moyen d’une assistance technique et d’un renforcement des capacités, afin d’appuyer les mécanismes de l’Accord revitalisé;

v)    fournir une assistance technique, notamment un renforcement des capacités et un appui logistique portant sur l’instauration de conditions propices à la création d’un espace civique et politique et de cadres juridiques en vue du processus électoral, selon qu’il convient, en coordination avec l’équipe de pays des Nations Unies et les partenaires régionaux et internationaux, ainsi qu’une aide à la sécurité afin de faciliter le déroulement du cycle électoral, conformément à l’Accord revitalisé, en notant que la MINUSS soutiendra, entre autres, les efforts que les autorités sud-soudanaises et les organisations non gouvernementales font en vue d’élaborer une constitution permanente, d’atténuer les risques de tensions tout au long de la période électorale, d’assurer la participation pleine, égale et effective, en toute sécurité, des candidates et des électrices, y compris les jeunes, à tous les niveaux et à toutes les phases du processus électoral, et la participation des déplacés et réfugiés sud-soudanais, et note que l’appui apporté par la MINUSS sera évalué et réexaminé en permanence en fonction des progrès accomplis par les autorités sud-soudanaises concernant les éléments énoncés aux paragraphes 6, 7 et 8 ci-dessous;

vi)   appuyer l’application de programmes de lutte contre la violence au sein de la collectivité qui tiennent compte de la question des genres, pour compléter les initiatives locales de désarmement, en coopération et en coordination avec les partenaires du développement et les représentants locaux, en mettant particulièrement l’accent sur les membres des groupes armés qui ne peuvent ou ne veulent pas être intégrés aux Forces unifiées nécessaires, et sur les femmes et les jeunes;

vii)  fournir une assistance technique et un appui au renforcement des capacités pour aider le Gouvernement et les organisations non gouvernementales sud-soudanais à renforcer l’état de droit et à réformer le secteur de la justice sous toutes leurs composantes, en tenant compte des risques de conflit et conformément aux dispositions de l’Accord de paix, afin de renforcer la protection des civils, de lutter contre l’impunité et de promouvoir le principe de responsabilité, notamment dans le cadre des enquêtes et des poursuites concernant des faits de violence fondée sur le genre, y compris la violence sexuelle liée aux conflits et les violations des droits humains ou les atteintes à ces droits, en adoptant une approche axée sur les personnes rescapées et notamment des mesures de protection des victimes et des témoins;

viii) de faire en sorte que tout appui apporté à des forces de sécurité autres que celles des Nations Unies et à des représentants du Gouvernement se fonde sur une solide analyse tenant compte des risques de conflit et soit fourni dans le strict respect de la politique de diligence voulue en matière de droits humains, et que l’appui au renforcement des capacités des institutions civiles repose sur une analyse tenant compte des conflits, en assurant notamment un suivi sur la manière dont cet appui est utilisé et sur la mise en œuvre de mesures d’atténuation;

d)    Mener des activités de surveillance, d’enquête et de signalement s’agissant des cas de violations du droit international humanitaire et des cas de violations et d’atteintes aux droits humains:

i)    Suivre les cas de violations des droits humains, d’atteintes à ces droits et de violations du droit international humanitaire, enquêter sur toutes atteintes et violations, les constater et en rendre compte immédiatement, publiquement et régulièrement, notamment lorsqu’elles peuvent constituer des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité et, dans la mesure du possible, suivre les chaînes de commandement et les structures de prise de décisions qui ont conduit à des atteintes aux droits humains et à des violations de ces droits et du droit international humanitaire, y compris celles susceptibles de constituer des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité, enquêter sur elles, les constater et en rendre compte immédiatement, publiquement et régulièrement;

ii)   Suivre les violations et les atteintes commises contre des femmes et des enfants, dont celles impliquant toutes les formes de violence sexuelle et fondée sur le genre, y compris la violence sexuelle liée aux conflits, et accélérer la mise en œuvre des dispositifs de surveillance, d’analyse et de signalement de la violence sexuelle liée aux conflits, notamment en veillant à ce que ces dispositifs favorisent une action opportune pour dissuader, prévenir et combattre les faits de violence sexuelle et fondée sur le genre, et en renforçant le mécanisme de surveillance et de signalement des violations et des atteintes commises contre des enfants;

iii)  Suivre les cas de discours haineux et d’incitation à la violence, enquêter sur ces cas et en rendre compte, en coopération avec la Conseillère spéciale pour la prévention du génocide;

iv)   Agir en coordination avec les mécanismes internationaux, régionaux et nationaux et les acteurs locaux chargés de suivre les violations du droit international humanitaire et les violations des droits humains et les atteintes à ces droits, notamment lorsqu’elles peuvent constituer des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité, d’enquêter sur celles-ci, d’engager des poursuites et de les signaler, communiquer des informations à ces mécanismes et leur apporter un concours technique, en particulier en matière de renforcement des capacités, selon que de besoin;

4.    Décide de maintenir l’effectif global de la MINUSS à un maximum de 17 000 militaires et 2 101 policiers, dont 88 conseillers pour la justice et spécialistes des questions pénitentiaires, et se déclare prêt à envisager des ajustements de ces effectifs et des tâches de renforcement des capacités en fonction des conditions de sécurité sur le terrain et de l’application des mesures prioritaires énoncées au paragraphe 9 ci-dessous;

Processus de paix au Soudan du Sud

5.    Exige de toutes les parties au conflit et des autres acteurs armés qu’ils mettent immédiatement un terme aux combats dans l’ensemble du Soudan du Sud et engagent un dialogue politique, rappelle aux autorités sud-soudanaises qu’il leur incombe au premier chef de protéger les civils au Soudan du Sud, et enjoint aux dirigeants sud-soudanais de mettre en œuvre le cessez-le-feu permanent décrété dans l’Accord revitalisé et tous les accords de cessez-le-feu et de cessation des hostilités précédents, y compris les engagements pris dans la Déclaration de Rome;

6.    Constate avec une vive inquiétude les retards pris dans l’application de l’Accord revitalisé, en particulier les appels en faveur de l’utilisation d’un compte unique du Trésor et des audits, examens et outils supplémentaires requis pour un système de commercialisation du pétrole qui soit ouvert, transparent et concurrentiel et qui élimine la corruption afin que la population sud-soudanaise puisse bénéficier des richesses pétrolières du pays, invite les parties à appliquer pleinement l’Accord revitalisé, notamment en allouant les ressources financières nécessaires, à mettre en place sans délai les institutions prévues par celui-ci et à assurer la participation pleine, égale et effective des femmes et la participation des jeunes, des groupes d’inspiration religieuse et de la société civile à tous les efforts de règlement du conflit et de consolidation de la paix, souligne qu’il importe de rapidement parachever les arrangements de sécurité, de mettre en place toutes les institutions de transition, de faire avancer les réformes, notamment en ce qui concerne la création d’un espace civique libre et ouvert, un processus inclusif d’élaboration de la constitution, ainsi que la transparence économique et la réforme de la gestion des finances publiques, est conscient que la corruption et le détournement de fonds publics nuisent à la capacité du Gouvernement sud-soudanais de fournir des services à la population, et souligne que la gouvernance économique doit être améliorée de façon à garantir l’efficacité des structures nationales de perception des recettes et de lutte contre la corruption en vue de financer la mise en œuvre du cadre réglementaire essentiel à une transition politique, ainsi que les besoins humanitaires de la population;

7.    Souligne que la tenue d’élections libres et régulières, qui reflètent la volonté de l’ensemble de la population sud-soudanaise, avec la participation pleine, égale et véritable des femmes et la participation des jeunes, des personnes handicapées, des déplacés et réfugiés sud-soudanais et des membres de tous les groupes politiques, sera essentielle pour permettre une transition vers un État stable, inclusif, démocratique et autonome et, à cet égard, souligne qu’il faut procéder par étapes concernant le processus électoral et que la MINUSS doit se concentrer à court terme sur les conditions essentielles, notamment la prévention d’une nouvelle escalade de la violence politique et la création de conditions propices à un processus inclusif d’élaboration et de révision de la constitution, ainsi que d’un espace civique inclusif, comme condition préalable à la tenue d’élections libres et régulières, et demande aux autorités sud-soudanaises, conformément à l’Accord revitalisé, de faire des progrès immédiats et concrets concernant les objectifs clefs afin de faciliter le déroulement pacifique des élections, notamment par l’adoption de la Constitution permanente et de la législation nécessaire, des dispositions transitoires de sécurité et la mise en place d’une commission électorale indépendante, et d’atténuer les risques de tensions tout au long de la période électorale, une fois que les conditions précitées seront réunies, tout en affirmant qu’il importe que les autorités sud-soudanaises et l’ensemble des parties concernées créent des conditions qui permettent à la MINUSS de faciliter le processus électoral, comme prévu au paragraphe 3 ci-dessus;

8.    Prie le Gouvernement sud-soudanais ainsi que toutes les parties concernées de garantir un climat propice à un dialogue politique ouvert, conformément à l’Accord revitalisé, notamment un débat politique libre et constructif, la liberté d’opinion et d’expression, en particulier concernant la société civile, les partis d’opposition et les membres de la presse, la liberté de réunion pacifique, un accès équitable aux médias, y compris d’État, la sécurité de tous les acteurs politiques, la liberté de circulation de tous les candidats, ainsi que la présence de témoins, d’observateurs électoraux nationaux et internationaux, de journalistes, de défenseurs des droits humains et d’acteurs de la société civile, dont des femmes, ce qui peut favoriser la tenue d’élections libres et régulières;

9.    Demande au Gouvernement sud-soudanais et à tous les acteurs concernés de prendre des dispositions pour appliquer les mesures prioritaires ci-après, avant la fin du mandat actuel de la MINUSS:

•recourir à une analyse solide tenant compte des conflits pour assurer la protection des civils et la sécurité des sites de protection des civils qui ont été réaffectés et pour prévenir et combattre les actes de violence ou de criminalité dirigés contre les habitants de ces camps, d’une manière compatible avec les obligations que lui imposent les dispositions applicables du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire, et vérifier les antécédents de tous les membres des forces de sécurité chargés d’assurer la sécurité dans ces sites;

•progresser sur le plan de la création d’un climat politique propice aux élections et avancer notamment concernant les principaux objectifs du processus constitutionnel, tels que l’adoption et l’application de la loi sur les partis politiques, la création du Conseil des partis politiques, de la Commission nationale de révision constitutionnelle reconstituée et de la Commission de rédaction de la Constitution, l’élargissement d’un espace civique inclusif, y compris une forte participation des organisations non gouvernementales sud-soudanaises à ces institutions et la réduction de la violence politique, et veiller à ce que les principales tâches soient accomplies conformément aux principes d’une gouvernance inclusive;

•mettre fin à toutes les entraves imposées à l’action de la MINUSS, notamment celles qui l’empêchent d’exécuter son mandat de surveillance et d’enquête en ce qui concerne les violations des droits humains et les atteintes à ces droits, lever immédiatement les obstacles qui empêchent les intervenants humanitaires internationaux et nationaux de venir en aide aux civils et faciliter la liberté de circulation du Mécanisme de vérification et de surveillance;

•faire avancer la mise en place des arrangements de sécurité en veillant au versement régulier et suffisant des salaires des Forces unifiées nécessaires, conformément aux crédits budgétaires alloués au Service national de sécurité et à la garde présidentielle sud-soudanaise, et en assignant des missions claires à ces forces, conformément au processus d’examen de la défense stratégique et de la sécurité prévu dans l’Accord revitalisé;

•conclure sans plus attendre un mémorandum d’accord avec l’Union africaine qui porte création du Tribunal mixte pour le Soudan du Sud, commencer effectivement à l’établir, mettre en place la Commission vérité, réconciliation et apaisement ainsi que l’Autorité d’indemnisation et de réparation et prévoir des mécanismes permettant à la société civile, aux victimes et aux témoins d’y participer en toute sécurité et sans crainte de représailles;

10.   Demande de nouveau au Gouvernement sud-soudanais de respecter les obligations énoncées dans l’accord sur le statut des forces qu’il a conclu avec l’Organisation des Nations Unies et de cesser immédiatement d’entraver l’accomplissement du mandat de la MINUSS, demande au Gouvernement sud-soudanais de prendre des mesures pour dissuader quiconque d’entreprendre une action hostile ou autre susceptible d’entraver la Mission ou les acteurs humanitaires internationaux ou nationaux et pour amener les responsables de tels actes à en répondre, de continuer de prendre toutes les mesures appropriées pour garantir la sûreté et la sécurité et la liberté de circulation des membres du personnel de la MINUSS et pour leur accorder un accès immédiat et sans entrave, rappelle au Gouvernement sud-soudanais que, conformément à l’accord sur le statut des forces, la MINUSS et ses fournisseurs n’ont pas besoin d’autorisation ou de permission préalable pour entreprendre les tâches qui leur sont confiées et doivent jouir de la liberté de circuler sans entrave sur l’ensemble du territoire sud-soudanais et affirme qu’il est crucial que, pour l’exécution de son mandat, la MINUSS puisse surveiller et signaler les violations du droit international humanitaire et les violations des droits humains et atteintes à ces droits et enquêter à leur sujet et utiliser toutes ses bases sans restriction, et demande instamment au Gouvernement sud-soudanais de faciliter le bon fonctionnement de toutes les bases de la MINUSS et de créer un environnement de coopération mutuelle qui permette à la MINUSS et à ses partenaires de mener à bien leurs missions;

11.   Exige de toutes les parties qu’elles mettent fin immédiatement à toutes formes de violence, de violation des droits humains et d’atteinte à ces droits et de violation du droit international humanitaire, notamment aux violences sexuelles et fondées sur le genre, y compris celles liées au conflit, et demande au Gouvernement sud-soudanais d’accélérer l’application du Plan d’action commun des forces armées sur la lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits au Soudan du Sud et du plan d’action de la Police nationale sud-soudanaise visant à réprimer les violences sexuelles liées au conflit, d’amener les responsables de tels actes à rendre des comptes afin de rompre le cycle de l’impunité qui prédomine actuellement et de redoubler d’efforts en vue de mener à bien en toute diligence et transparence les enquêtes sur les allégations de violations des droits humains et d’atteintes à ces droits, dans le respect de ses obligations internationales, et l’invite à publier les comptes rendus de ces enquêtes, et demande au Gouvernement sud-soudanais de condamner et de contrecarrer immédiatement l’augmentation des discours haineux et des violences ethniques, et de promouvoir la réconciliation entre les Sud-Soudanais;

12.   Exige de toutes les parties qu’elles permettent, conformément au droit international et aux dispositions applicables du droit international humanitaire, l’accès rapide, sûr et libre du personnel, du matériel et des fournitures de secours, et l’acheminement rapide de l’aide humanitaire à toutes les personnes qui se trouvent dans le besoin partout au Soudan du Sud, en particulier aux déplacés et aux réfugiés, et qu’elles cessent d’utiliser les hôpitaux, écoles et autres bâtiments publics à des fins susceptibles d’en faire les cibles d’attaques, souligne l’obligation de respecter et de protéger tout le personnel médical et tous les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, leurs moyens de transport et leur équipement ainsi que les hôpitaux et les autres installations médicales, souligne également que tout retour doit se faire volontairement, en connaissance de cause et dans la dignité et la sécurité, et qu’il en va de même de toute autre solution durable concernant les déplacés et les réfugiés, et note qu’il faut respecter la liberté de circulation des civils et leur droit de demander asile;

13.   Demande au Gouvernement sud-soudanais de résoudre les problèmes liés au logement et à la propriété foncière afin de trouver des solutions durables pour les personnes déplacées et les réfugiés, notamment par l’élaboration d’une politique foncière nationale et de créer des conditions de sécurité propices au retour, à la réinstallation et à l’intégration librement consentis dans les communautés d’accueil, en connaissance de cause, en toute sécurité et dans la dignité, des déplacés et des réfugiés sud-soudanais, lorsque les circonstances s’y prêtent;

14.   Demande aux parties de garantir la participation pleine, effective et véritable des femmes dans toutes les sphères et à tous les niveaux de l’action politique, du processus de paix et du Gouvernement de transition et aux réformes actuellement menées dans le cadre de l’accord de paix, demande également aux parties de convenir qu’il faut protéger contre les menaces et les représailles les organisations dirigées par des femmes et les artisanes de la paix et créer un environnement sûr leur permettant de mener leurs activités librement et en toute sécurité, et de s’acquitter des engagements pris dans l’Accord revitalisé en matière d’inclusion, notamment en ce qui concerne la diversité nationale, le genre, les jeunes et la représentation des différentes régions, pour veiller à garantir un taux de représentation et de participation d’au moins 35% de femmes à tous les niveaux, qui n’a pas encore été atteint, regrette la faible participation des femmes à la feuille de route sur la transition et encourage une participation véritable à la mise en œuvre;

15.   Condamne la poursuite des actes de violence sexuelle, y compris celle liée au conflit, et exige de toutes les parties au conflit et des autres acteurs armés qu’ils empêchent la poursuite des violences sexuelles, qu’ils appliquent les mesures prévues dans sa résolution 2467 (2019) afin d’adopter une approche axée sur les personnes rescapées en vue de prévenir et de combattre les violences sexuelles en période de conflit et d’après-conflit, et qu’ils amènent les auteurs de tels actes à en répondre, notamment en diligentant rapidement des enquêtes, en ouvrant des poursuites et en punissant les coupables, ainsi qu’en accordant des réparations aux victimes, le cas échéant, et demande très instamment aux Forces sud-soudanaises de défense du peuple, à l’Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition et au Front de salut national de donner pleinement effet aux engagements et plans d’action qu’ils ont adoptés conjointement et unilatéralement en vue de la prévention de la violence sexuelle liée au conflit; Condamne la poursuite des actes de violence sexuelle, y compris celle liée au conflit, et exige de toutes les parties au conflit et des autres acteurs armés qu’ils empêchent la poursuite des violences sexuelles, qu’ils appliquent les mesures prévues dans sa résolution 2467 (2019) afin d’adopter une approche axée sur les personnes rescapées en vue de prévenir et de combattre les violences sexuelles en période de conflit et d’après-conflit, et qu’ils amènent les auteurs de tels actes à en répondre, notamment en diligentant rapidement des enquêtes, en ouvrant des poursuites et en punissant les coupables, ainsi qu’en accordant des réparations aux victimes, le cas échéant, et demande très instamment aux Forces sud-soudanaises de défense du peuple, à l’Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition et au Front de salut national de donner pleinement effet aux engagements et plans d’action qu’ils ont adoptés conjointement et unilatéralement en vue de la prévention de la violence sexuelle liée au conflit;

16.   Engage vivement toutes les parties au conflit armé à appliquer les mesures prescrites dans les Conclusions sur la question des enfants et du conflit armé au Soudan du Sud adoptées par le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés le 5 mars 2021, exhorte toutes les parties à appliquer pleinement le Plan d’action global visant à faire cesser et à prévenir toutes les violations graves contre les enfants de janvier 2020, et invite le Gouvernement sud-soudanais à appliquer le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et à renforcer le cadre juridique pour défendre les droits des enfants au Soudan du Sud;

17.   Demande au Gouvernement sud-soudanais, tout en prenant note du paragraphe 3.2.2 du chapitre V de l’Accord revitalisé, de garantir à toutes les victimes et aux personnes rescapées de violence sexuelle une protection égale au regard de la loi et l’égalité d’accès à la justice, de faire progresser le respect des droits humains des femmes et des filles au cours de ces processus, en leur fournissant une aide juridictionnelle, un soutien médical et des conseils psychosociaux, note que l’application de mesures de justice transitionnelle, dont celles prévues dans l’Accord revitalisé, est essentielle à l’apaisement et à la réconciliation, demande instamment au Gouvernement sud-soudanais de donner la priorité au renforcement de l’état de droit et à la réforme du secteur de la justice sous toutes leurs composantes, notamment au niveau infranational, afin de renforcer la protection des civils, de lutter contre l’impunité et de promouvoir le principe de responsabilité, notamment concernant les graves violations commises contre des enfants, décrites par la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la question des enfants et des conflits armés, invite la communauté internationale à appuyer la création du Tribunal mixte pour le Soudan du Sud et engage le Gouvernement sud-soudanais et l’Union africaine à sortir de l’impasse dans laquelle ils se trouvent actuellement et à créer ledit Tribunal;

18.   Déclare son intention d’envisager toutes les mesures appropriées, comme en témoigne l’adoption des résolutions 2206 (2015), 2290 (2016), 2353 (2017), 2428 (2018), 2471 (2019), 2521 (2020), 2577 (2021) contre ceux qui agissent de manière à compromettre la paix, la stabilité et la sécurité du Soudan du Sud, insiste sur l’inviolabilité des sites de protection de l’Organisation des Nations Unies, souligne que les personnes et entités responsables ou complices d’attaques contre le personnel et les locaux de la MINUSS et les agents humanitaires peuvent répondre aux critères de désignation, prend note du rapport spécial du Secrétaire général sur la prorogation du mandat de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (S/2018/143) daté du 20 février 2018, dans lequel il est indiqué que le réapprovisionnement régulier des parties en armes et en munitions au Soudan du Sud avait eu une incidence directe sur la sécurité du personnel des Nations Unies et la capacité de la Mission de s’acquitter de son mandat, insiste sur les mesures qu’il a adoptées dans sa résolution 2428 (2018), notamment l’embargo sur les armes, pour priver les parties des moyens de continuer à combattre et prévenir toute violation de l’Accord sur la cessation des hostilités, la protection des civils et l’accès humanitaire, et exige de tous les États Membres qu’ils s’acquittent de l’obligation qui leur incombe d’empêcher la fourniture, la vente ou le transfert, directs ou indirects, d’armes et de matériel connexe de tous types, y compris de munitions, vers le territoire sud-soudanais, comme le prévoient ses résolutions pertinentes;Déclare son intention d’envisager toutes les mesures appropriées, comme en témoigne l’adoption des résolutions 2206 (2015), 2290 (2016), 2353 (2017), 2428 (2018), 2471 (2019), 2521 (2020), 2577 (2021) contre ceux qui agissent de manière à compromettre la paix, la stabilité et la sécurité du Soudan du Sud, insiste sur l’inviolabilité des sites de protection de l’Organisation des Nations Unies, souligne que les personnes et entités responsables ou complices d’attaques contre le personnel et les locaux de la MINUSS et les agents humanitaires peuvent répondre aux critères de désignation, prend note du rapport spécial du Secrétaire général sur la prorogation du mandat de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (S/2018/143) daté du 20 février 2018, dans lequel il est indiqué que le réapprovisionnement régulier des parties en armes et en munitions au Soudan du Sud avait eu une incidence directe sur la sécurité du personnel des Nations Unies et la capacité de la Mission de s’acquitter de son mandat, insiste sur les mesures qu’il a adoptées dans sa résolution 2428 (2018), notamment l’embargo sur les armes, pour priver les parties des moyens de continuer à combattre et prévenir toute violation de l’Accord sur la cessation des hostilités, la protection des civils et l’accès humanitaire, et exige de tous les États Membres qu’ils s’acquittent de l’obligation qui leur incombe d’empêcher la fourniture, la vente ou le transfert, directs ou indirects, d’armes et de matériel connexe de tous types, y compris de munitions, vers le territoire sud-soudanais, comme le prévoient ses résolutions pertinentes;

Opérations de la MINUSS

19.   Rappelle sa résolution 2086 (2013), réaffirme que les principes fondamentaux du maintien de la paix, tels qu’ils sont énoncés dans la déclaration de son président S/PRST/2015/22 sont le consentement des parties, l’impartialité et le non-recours à la force, sauf en cas de légitime défense ou de défense du mandat, et déclare que le mandat de chaque mission de maintien de la paix correspond à la situation et aux besoins particuliers du pays concerné, et que les mandats qu’il autorise doivent être pleinement exécutés;Rappelle sa résolution 2086 (2013), réaffirme que les principes fondamentaux du maintien de la paix, tels qu’ils sont énoncés dans la déclaration de son président S/PRST/2015/22 sont le consentement des parties, l’impartialité et le non-recours à la force, sauf en cas de légitime défense ou de défense du mandat, et déclare que le mandat de chaque mission de maintien de la paix correspond à la situation et aux besoins particuliers du pays concerné, et que les mandats qu’il autorise doivent être pleinement exécutés;

20.   Prie le Secrétaire général de mettre pleinement en œuvre les activités et obligations énoncées au paragraphe 20 de la résolution 2625 (2022) dans la planification et la conduite des opérations de la MINUSS, dans les limites de son mandat et de sa zone d’opérations et conformément aux directives et réglementations existantes de l’Organisation des Nations Unies; Prie le Secrétaire général de mettre pleinement en œuvre les activités et obligations énoncées au paragraphe 20 de la résolution 2625 (2022) dans la planification et la conduite des opérations de la MINUSS, dans les limites de son mandat et de sa zone d’opérations et conformément aux directives et réglementations existantes de l’Organisation des Nations Unies;

Appui de des Nations Unies et de la communauté internationale

21.   Invite et encourage le Représentant spécial du Secrétaire général à diriger les opérations d’une MINUSS intégrée, à coordonner toutes les activités du système des Nations Unies au Soudan du Sud et à exercer ses bons offices en jouant un rôle de premier plan dans le cadre de l’assistance prêtée par les entités du système des Nations Unies présentes au Soudan du Sud à l’Union africaine, à l’IGAD, à la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée, au Mécanisme de vérification et de surveillance et aux autres intervenants, ainsi qu’aux parties, en vue de l’application de l’Accord revitalisé, et à promouvoir la paix et la réconciliation, souligne à cet égard le rôle central du Mécanisme de surveillance du cessez-le-feu ainsi que l’importance de l’aide que celui-ci reçoit de la MINUSS pour exécuter son mandat, et réaffirme à ce propos le rôle crucial que l’Organisation des Nations Unies assume en coordination avec les organisations régionales et d’autres intervenants pour favoriser un dialogue politique entre les parties, contribuer à œuvrer à la cessation des hostilités et amener les parties à un processus de paix inclusif;

22.   Encourage l’IGAD, l’Union africaine, le Conseil de paix et de sécurité et les pays de la région à continuer de s’attacher résolument à trouver des solutions durables aux problèmes qui menacent la paix et la sécurité au Soudan du Sud, et d’amener les dirigeants sud-soudanais à honorer sans plus attendre tous les engagements qu’ils ont pris dans le cadre des accords de cessation des hostilités et de l’Accord revitalisé, notamment concernant la gestion des ressources, encourage également la tenue de consultations entre les entités régionales et le Secrétaire général et son représentant spécial en vue de l’élaboration d’un plan d’action et de messages communs à ces fins, souligne l’appui apporté par l’IGAD au dialogue national, en coopération avec l’ONU et l’Union africaine, et prie instamment l’IGAD de pourvoir la présidence de la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée;

23.   Demande instamment à toutes les parties et aux États Membres, ainsi qu’aux organisations internationales, régionales et sous-régionales, de coopérer avec le Groupe d’experts créé par la résolution 2206 (2015), et prie instamment tous les États Membres concernés de garantir la sécurité des membres du Groupe d’experts et de leur donner libre accès, notamment aux personnes, documents et lieux pertinents pour l’exécution de leur mandat; Demande instamment à toutes les parties et aux États Membres, ainsi qu’aux organisations internationales, régionales et sous-régionales, de coopérer avec le Groupe d’experts créé par la résolution 2206 (2015), et prie instamment tous les États Membres concernés de garantir la sécurité des membres du Groupe d’experts et de leur donner libre accès, notamment aux personnes, documents et lieux pertinents pour l’exécution de leur mandat;

24.   Prie le Secrétaire général de continuer à fournir une assistance technique à la Commission de l’Union africaine et au Gouvernement sud-soudanais en vue de la mise en place du Tribunal mixte pour le Soudan du Sud et de l’application des autres parties du chapitre V de l’Accord revitalisé, notamment en ce qui concerne l’établissement de la Commission vérité, réconciliation et apaisement et de l’Autorité d’indemnisation et de réparation, sachant que les mesures adoptées doivent tenir compte des questions de genre, être inclusives, accessibles, pleinement financées, et conçues et appliquées avec la participation pleine, égale et entière des femmes, notamment à des postes de direction, et invite l’Union africaine à communiquer au Secrétaire général des informations sur les progrès accomplis dans la mise en place du Tribunal mixte pour le Soudan du Sud;

25.   Salue la détermination dont font preuve les pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police dans l’exécution du mandat de la Mission dans un contexte difficile et, à cet égard, souligne que le Secrétaire général ne devrait accepter aucune restriction nationale qui nuise à l’efficacité de l’application du mandat, demande aux pays qui fournissent des contingents ou du personnel de police d’appliquer les dispositions de la résolution 2538 (2020) et de toutes les autres résolutions pertinentes relatives à la réduction des obstacles à la participation des femmes à tous les niveaux et à tous les postes dans les opérations de maintien de la paix et à l’accroissement de cette participation, notamment en garantissant aux femmes un environnement de travail sûr, favorable et qui tienne compte des questions de genre dans le cadre des opérations de maintien de la paix, et souligne que l’absence d’un commandement et d’un contrôle efficace, le refus d’obéir aux ordres, l’inertie face aux attaques perpétrées contre des civils, le refus de participer à des patrouilles de longue distance dans des régions reculées du pays ou de mener de telles patrouilles, et l’insuffisance du matériel et des moyens financiers risquent de compromettre l’exécution efficace du mandat dont chacun partage la responsabilité; Salue la détermination dont font preuve les pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police dans l’exécution du mandat de la Mission dans un contexte difficile et, à cet égard, souligne que le Secrétaire général ne devrait accepter aucune restriction nationale qui nuise à l’efficacité de l’application du mandat, demande aux pays qui fournissent des contingents ou du personnel de police d’appliquer les dispositions de la résolution 2538 (2020) et de toutes les autres résolutions pertinentes relatives à la réduction des obstacles à la participation des femmes à tous les niveaux et à tous les postes dans les opérations de maintien de la paix et à l’accroissement de cette participation, notamment en garantissant aux femmes un environnement de travail sûr, favorable et qui tienne compte des questions de genre dans le cadre des opérations de maintien de la paix, et souligne que l’absence d’un commandement et d’un contrôle efficace, le refus d’obéir aux ordres, l’inertie face aux attaques perpétrées contre des civils, le refus de participer à des patrouilles de longue distance dans des régions reculées du pays ou de mener de telles patrouilles, et l’insuffisance du matériel et des moyens financiers risquent de compromettre l’exécution efficace du mandat dont chacun partage la responsabilité;

26.   Demande instamment aux pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police de continuer à prendre des mesures appropriées pour prévenir l’exploitation et les atteintes sexuelles, notamment en vérifiant les antécédents de tous les membres du personnel et en organisant une formation de sensibilisation à leur intention, avant et pendant le déploiement, de faire en sorte que les membres de leurs contingents qui se rendraient coupables de tels actes aient à en répondre pleinement, en menant rapidement un travail d’enquête axé sur les personnes rescapées lorsque des allégations sont portées contre des membres de leurs unités, afin que les unités concernées soient rapatriées lorsqu’il existe des preuves crédibles que celles-ci ont commis des actes d’exploitation et d’atteintes sexuelles de manière généralisée ou systématique, de prendre les mesures disciplinaires voulues, et de signaler sans délai à l’Organisation des Nations Unies toutes les mesures prises à cet égard;

27.   Demande à la communauté internationale d’intensifier l’action humanitaire, qui tienne compte des questions de genre en faveur de la population sud-soudanaise afin de répondre aux besoins humanitaires graves et croissants, et demande également au Gouvernement sud-soudanais de prévoir dans son budget national des fonds qui correspondent à ses priorités déclarées et qui soient notamment consacrés à l’application de l’Accord revitalisé;

28.   Souligne la nécessité, pour les partenaires bilatéraux et multilatéraux, de continuer de travailler en étroite collaboration avec le Gouvernement sud-soudanais pour lutter contre la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) et de fournir une assistance internationale ainsi qu’une aide au développement durable, en partenariat avec les organismes du système des Nations Unies pour le développement;

Rapports

29.   Prie le Secrétaire général de continuer de lui faire rapport tous les mois sur les violations de l’accord sur le statut des forces ou sur les manœuvres d’obstruction visant la MINUSS;

30.   Rappelle les alinéas a) i) et a) ii) du paragraphe 3 de la présente résolution et souligne l’importance d’instaurer un dispositif militaire actif et robuste pour dissuader, prévenir et combattre les menaces de violence contre les civils et, à cet égard, prie également le Secrétaire général de lui présenter, au plus tard le 15 octobre 2023, une étude d’impact distincte menée indépendamment de l’exécution par la Mission de son mandat de protection des civils, axée sur la stratégie de protection des civils, à la suite de la réaffectation de plusieurs sites, sur l’état d’esprit des soldats et des agents de police, l’approche intégrée de la Mission et les obstacles qui l’empêcheraient d’accomplir son mandat, y compris toute obstruction par le Gouvernement hôte ou d’autres forces;

31.   Prie le Secrétaire général de présenter, au plus tard le 15 octobre 2023, un rapport distinct qui comporte: une évaluation et une analyse détaillée des facteurs politiques, économiques et de la sécurité qui retardent l’application de l’Accord revitalisé et de leurs causes, y compris celles de la violence infranationale en cours, une évaluation de conditions ou d’indicateurs précis tels qu’un processus inclusif d’élaboration de la constitution et de cadres juridiques essentiels au moyen de concertations plus vastes avec les organisations non gouvernementales et infranationales, l’élargissement de l’espace civique et la poursuite de la prévention de la violence politique, qui sont des conditions préalables indispensables pour la tenue d’élections crédibles; une stratégie de transition intégrée des Nations Unies axée sur l’autonomie du Soudan du Sud et les lacunes essentielles à combler pour édifier une paix durable aux niveaux local et national; et des recommandations sur la manière dont la MINUSS pourrait s’adapter à la lumière des conclusions du rapport;

32.   Prie également le Secrétaire général de lui rendre compte de l’exécution du mandat de la MINUSS et des manœuvres d’obstruction qu’elle rencontre dans l’exécution de son mandat, dans un rapport écrit détaillé devant être soumis dans les 90 jours suivant l’adoption de la présente résolution, puis tous les 90 jours par la suite, et souligne que ce rapport devra lui fournir des analyses et des évaluations stratégiques intégrées, reposant sur des données factuelles, et des conseils francs et devra notamment comprendre:

•des informations permettant de déterminer si les activités entreprises au titre du paragraphe 3 ci-dessus ont contribué à la réalisation de la vision stratégique énoncée au paragraphe 2, et dans quelle mesure, ainsi que des informations sur les obstacles à la réalisation de cette vision que rencontre la Mission, à l’aide des données recueillies et analysées au moyen du Système complet de planification et d’évaluation de la performance, de la mise en œuvre par la Mission du cadre intégré de responsabilité et de gestion de la performance dans les missions de maintien de la paix et d’autres outils de planification stratégique et de mesure des performances, afin de déterminer l’impact et la performance globale de la Mission, y compris des informations sur les restrictions non déclarées, le refus de participer à des patrouilles ou d’en mener et leurs incidences sur la Mission, et sur la manière dont les signalements de résultats insuffisants sont traités;

•des informations sur les progrès accomplis concernant les éléments énoncés aux paragraphes [5, 6, 7 et 8] ci-dessus;

•des informations sur l’exécution des mesures prioritaires énoncées au paragraphe 9 ci-dessus;

•des informations sur la manière dont la Mission a mis en œuvre les capacités et obligations décrites au paragraphe 20 ci-dessus dans la planification et la conduite de ses opérations, notamment son dispositif et sa présence, telles que les bases opérationnelles temporaires;

•une analyse des risques associés aux changements climatiques, qui pourraient avoir des retombées néfastes sur la paix et la sécurité au Soudan du Sud, et l’application du mandat de la MINUSS;

•des recommandations, le cas échéant, sur les mesures à adopter pour lever les obstacles recensés au moyen des outils de planification stratégique et de mesure des performances;

33.   Décide de rester activement saisi de la question.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission de la condition de la femme conclut sa discussion générale sur les appels à l’action des ONG pour assurer l’égalité des sexes à l’ère numérique

Soixante-septième session,
15e séance plénière - matin
FEM/2228

La Commission de la condition de la femme conclut sa discussion générale sur les appels à l’action des ONG pour assurer l’égalité des sexes à l’ère numérique

La discussion générale de la Commission de la condition de la femme a pris fin, ce matin, sur les appels répétés à l’action des ONG soucieuses de donner vie aux aspirations des femmes et des filles à l’autonomisation et à l’égalité des sexes à l’ère du numérique. 

Parmi les jeunes qui se sont exprimés « haut et fort » aujourd’hui sur les questions à l’ordre du jour de la Commission, la World Association of Girl Guides and Girl Scouts a appelé à l’action pour parvenir à l’équité entre les sexes, en s’appuyant sur un sondage réalisé dans plus de 70 pays qui révèle que 66% des filles et des femmes ont été exposées à des contenus sexuels ou violents pour adultes en ligne qui les ont mises mal à l’aise.  La délégation a donc demandé, comme International Planned Parenthood Federation, Western Hemisphere Region, de resserrer l’application des lois afin d’établir un cadre juridique permettant de lutter contre la violence en ligne à leur encontre. 

« Les droits humains qui sont protégés hors ligne doivent également l’être en ligne », a renchéri Soroptimist International, en demandant des garanties pour faire en sorte que les femmes et les filles puissent accéder à Internet et aux plateformes numériques sans craindre les abus, le harcèlement, l’exploitation et la violence. 

Après avoir appelé les États Membres à améliorer d’ici à 2030 l’accès à Internet et aux technologies de l’information, en comblant le fossé qui existe entre les régions urbaines et rurales, notamment au sein des communautés autochtones, l’organisation Young Diplomats of Canada a demandé l’adoption de normes mondiales pour régir les biais algorithmiques ainsi que l’élaboration de politiques destinées à lutter contre la cyberintimidation et la violence sexiste en ligne. 

Un appel entendu par l’International Transport Workers’ Federation qui a demandé la réglementation de la technologie numérique, assortie d’une gouvernance publique des données et des systèmes algorithmiques.  Si la technologie a le potentiel de stimuler la création d’emplois et d’améliorer les conditions de travail en luttant contre l’exclusion systémique sexiste, la fédération a également relevé que les postes les plus vulnérables à l’automatisation sont occupés de manière disproportionnée par des femmes, qui doivent donc développer les compétences technologiques nécessaires pour être redéployées dans de nouveaux secteurs. 

En Ukraine, où l’agression russe menace la sécurité de millions de femmes et de filles, la destruction « incessante » du réseau énergétique, des infrastructures civiles et de la technologie compromet gravement l’accès des femmes et des filles à l’éducation et à la technologie, a déploré la World Federation of Ukrainian Women’s Organizations

À l’instar des États-Unis, le British Columbia Council for International Cooperation s’est particulièrement inquiété de la situation des filles en Afghanistan, « seul pays de la planète à avoir la terrible distinction de refuser aux femmes et aux filles leur droit à l’apprentissage en tant que politique », en appelant au soutien aux écoles alternatives et au renforcement du plaidoyer en faveur du droit à l’éducation des filles déplacées. 

Pendant ce temps, en Iran, les femmes continuent selon l’Afraz Cultural Association de subir « une vaste discrimination » dans la réalisation de leurs droits humains, situation intolérable qui nourrit la lutte civile des Iraniens pour la défense de leurs droits, avec l’appui d’autres nations en termes d’accès aux nouvelles technologies et aux médias sociaux. 

Women Engage for A Common Future, de Géorgie, a noté pour sa part des lacunes dans le traitement de l’égalité des sexes avec une approche intersectionnelle, notamment en ce qui concerne les droits des personnes LGBTQIA+, en s’inquiétant de la montée du populisme qui s’accompagne de la manipulation de l’opinion publique sur les questions liées au genre et à l’identité LGBTQI. 

Soulignant que l’inclusion numérique est fondamentale pour l’inclusion sociale, HelpAge International a dénoncé de son côté les stéréotypes et préjugés sur la capacité et la volonté des femmes âgées à utiliser les technologies numériques, notant que nombre d’entre elles sont capables et désireuses d’acquérir des compétences numériques. 

Même son de cloche du côté de Women With Disabilities Australia qui, déplorant que la technologie féministe et les espaces en ligne conçus pour soutenir et renforcer les femmes excluent souvent les femmes handicapées en matière d’accès, a demandé à la Commission de mettre sur pied un groupe de travail permanent sur la technologie et le handicap. 

 Nous devons mettre l’accent sur ceux qui sont issus de communautés historiquement exclues, marginalisées et vulnérables, et qui sont confrontés à des formes multiples et croisées de discrimination, a fait valoir la Youth Coalition for Sexual and Reproductive Rights, avant de mettre en garde contre l’adoption par la Commission de conclusions concertées qui ne reflèteraient pas les droits et les priorités des jeunes, tels que la « décolonisation et la démocratisation du numérique ». 

Dans ses remarques de clôture, la Présidente de la Commission, Mme Mathu Joyini, de l’Afrique Sud, a d’ailleurs espéré que les débats se traduisent par des conclusions agréées « ambitieuses » permettant d’améliorer le statut des femmes et des filles, remerciant dans la foulée les 229 orateurs issus de la société civile, des États Membres et des institutions des Nations Unies qui ont pris la parole au cours des huit séances de la discussion générale d’avoir parlé « d’une seule voix ». 

La Commission de la condition de la femme se réunira de nouveau demain, jeudi 16 mars, à partir de 10 heures. 

SUITE DONNÉE À LA QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES ET À LA VINGT-TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE INTITULÉE « LES FEMMES EN L’AN 2000: ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, DÉVELOPPEMENT ET PAIX POUR LE XXIE SIÈCLE »

Réalisation des objectifs stratégiques, mesures à prendre dans les domaines critiques et autres mesures et initiatives E/CN.6/2023/3, E/CN.6/2023/4, E/CN.6/2023/5)

Thème prioritaire: innovation et évolution technologique, et éducation à l’ère du numérique aux fins de la réalisation de l’égalité des sexes et de l’autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles

Questions nouvelles, tendances, domaines d’intervention et approches novatrices des questions ayant une incidence sur la situation des femmes, notamment sur l’égalité entre femmes et hommes

Prise en compte des questions de genre, situations et questions intéressant les programmes (E/CN.6/2023/2, E/CN.6/2023/7, E/CN.6/2023/10)

Suite et fin de la discussion générale

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a dénoncé les récentes attaques perpétrées par les Taliban contre les filles et les femmes d’Afghanistan, où elles se sont vu refuser l’accès à l’éducation après avoir été bannies des écoles et des universités.  En Ukraine, les femmes sont confrontées à des violences sexuelles et sexistes dans la foulée de l’agression russe.  Et en Iran, les femmes sont prises pour cible par les forces de sécurité au motif qu’elles revendiquent leurs droits.  Ailleurs, 8 femmes sur 10 ont fait l’objet de harcèlement ou d’intimidation en ligne, a ajouté la représentante, en espérant que le thème de cette année de la Commission contribuera à changer la donne.  Si les outils numériques peuvent être des facteurs d’autonomisation des filles et des femmes, nous devons cependant continuer de faciliter leur accès à des services de contraception de qualité.  Les femmes doivent pouvoir faire leurs propres choix en matière de contraception, a insisté la déléguée, en déplorant les récentes restrictions à l’avortement imposées dans son propre pays.  Elle a ensuite indiqué que les États-Unis ont lancé des enquêtes pour lutter contre la violence sexuelle et sexiste et que son gouvernement compte également présenter, cette année, un premier plan de lutte contre la violence sexuelle et sexiste. 

Mme INÈS NEFER BERTILLE INGANI, Ministre de la promotion de la femme, de l’intégration de la femme au développement et de l’économie informelle de la République du Congo, a présenté les récentes avancées de son pays en matière de recherche scientifique, qui visent à accroître la participation des femmes aux métiers du numérique et aux STIM. La stratégie sectorielle de 2021-2030 a pour but d’accroître l’accès des filles et des femmes à une éducation de base de qualité et à développer leurs compétences professionnelles, a-t-elle indiqué.  Le Gouvernement congolais compte par ailleurs favoriser l’accès des femmes et des filles à l’innovation technologique en débloquant des ressources additionnelles.

M. MOUSSA MOHAMED MOUSSA (Djibouti) a passé en revue les efforts déployés par son gouvernement pour promouvoir l’égalité des genres dans le développement et l’utilisation des technologies numériques, indiquant que celui-ci agit de concert avec les secteurs privé et associatif et les milieux académiques, pour éliminer les barrières qui empêchent les femmes d’accéder aux STIM. De plus, a-t-il ajouté, les entreprises sont encouragées à recruter des femmes dans les postes techniques et de leadership et à promouvoir des environnements de travail inclusif et équitable.  En outre, conscient des effets pervers que des technologies non maîtrisées peuvent avoir, Djibouti veille à ce que les technologies numériques ne reproduisent pas les biais de genre existant, ce qui suppose, a-t-il indiqué, d’éliminer les algorithmes et les technologies qui perpétuent les sténotypes de genre et les inégalités.

Mme MAIMUNAH MOHD SHARIF, Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour les établissements humains, ONU-Habitat, Nairobi, a indiqué que l’agence travaille avec les gouvernements locaux et nationaux pour appuyer la numérisation des villes et des services urbains en plaçant les femmes et les filles au centre de leur action.  Cela signifie, a-t-il expliqué, qu’il faut veiller à ce que les technologies déployées dans et par les villes soient fondées sur les besoins et les droits de tous leurs habitants.  Il s’agit également de favoriser l’accès de toutes les femmes et filles à une participation effective à la prise de décisions au niveau de la ville, en mettant l’accent sur celles qui risquent le plus d’être laissées pour compte, a fait valoir l’intervenante qui s’est dite convaincue que les villes et les technologies de la ville numérique développées avec et pour les femmes et les filles se traduisent par de meilleures villes pour tout le monde.  ONU-Habitat promeut également des stratégies de gouvernance à plusieurs niveaux pour soutenir la capacité à développer, acheter et utiliser efficacement les technologies numériques d’une manière éthique, inclusive et durable.

La représentante de International Planned Parenthood Federation, Western Hemisphere Region a appelé à garantir la jouissance de la santé et des droits sexuels et reproductifs pour toutes les femmes, les adolescents et les filles, ainsi que pour les personnes de genre différent, y compris leur droit à l’autonomie et à l’intégrité corporelles.  Elle a également plaidé en faveur de l’adoption et du renforcement des législations sur la violence fondée sur le genre en ciblant spécifiquement le harcèlement et la violence en ligne afin de protéger l’intégrité des défenseurs des droits humains des femmes, des filles et des personnes LGBTQI.  Il s’agit de reconnaître l’accès à Internet comme un droit humain, a-t-elle appuyé.  L’intervenante a également appelé à investir dans des environnements plus favorables et à surmonter les obstacles qui entravent la participation des femmes à la conception, à la mise en œuvre, au suivi et à l’utilisation de données. 

La déléguée de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU) a fait part de la détermination du Mouvement municipal féministe mondial à continuer d’agir pour lutter contre les inégalités systémiques et s’assurer que personne et aucun endroit ne soit laissé pour compte, à la fois en ligne et hors ligne.  Les collectivités locales et régionales ont travaillé dur pour mettre en œuvre des principes centrés sur l’utilisateur pour assurer la fourniture de services publics numériques, notamment en facilitant l’accès à la technologie, en adoptant des marchés publics durables et inclusifs, en augmentant l’accessibilité des services en ligne et même en établissant des registres d’intelligence artificielle pour une utilisation responsable et transparente de l’IA.  Elle a noté que la participation active et le leadership des femmes et de divers groupes sont fondamentaux pour combler le fossé numérique et a souligné l’importance de la collecte de données sensibles au genre pour parvenir à une conception accessible et sûre de l’espace public.

La représentante de Women Engage for A Common Future a reconnu que malgré des progrès notables, des écarts entre les sexes subsistent dans la législation et les politiques de la Géorgie, notamment en termes de rémunération, de congé parental, de programmes pour les femmes migrantes et de la participation des filles aux STIM. Il existe en outre des lacunes dans le traitement de l’égalité des sexes avec une approche intersectionnelle, notamment en ce qui concerne les droits des personnes LGBTQIA+, qui constituent l’un des groupes les plus exposés à la violence sexiste.  La déléguée s’est inquiétée de la désinformation et de la mésinformation sur le genre alimentées par la propagande de guerre russe, y voyant une menace à l’égalité des sexes, la démocratie et à la sécurité nationale.  La montée du populisme en Géorgie s’accompagne de la manipulation de l’opinion publique sur les questions liées au genre et à l’identité LGBTQIA+, a dénoncé la représentante, en citant le récent projet de loi d’inspiration russe du Parlement géorgien sur les « agents étrangers ».

Mme JOHANNA VEIT, de World Association of Girl Guides and Girl Scouts, a appelé à l’action pour parvenir à l’égalité et à l’équité entre les sexes à l’ère numérique.  Un sondage réalisé par l’association auprès de plus de 1 000 filles et jeunes femmes de plus de 70 pays révèle que 66% d’entre elles ont été exposées en ligne à des contenus sexuels ou violents pour adultes qui les ont mises mal à l’aise, et 45% ont reçu des messages sexuels importuns.  Elle a donc demandé que des actions concrètes soient entreprises pour que les filles et les femmes puissent « surfer sur la liberté » (#SheSurfsFreedom), en assurant l’avènement d’un monde numérique fondé sur l’égalité et l’équité.  À cette fin, elle a prôné une approche sensible au genre et intersectionnelle de l’innovation, de la technologie et de l’éducation numérique, qui se reflète dans les législations pertinentes.  Nous devons également établir un cadre juridique permettant de lutter contre la violence en ligne à l’égard des femmes et des filles en resserrant l’application de lois.  Afin de donner la priorité à la « confiance corporelle » des jeunes femmes, elle a demandé d’empêcher la commercialisation d’idéaux corporels inaccessibles et à accroître la diversité dans les médias. 

La déléguée de World Organization of the Scout Movement a fait valoir que les innovations technologiques numériques et l’éducation constituent une voie essentielle vers l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles, bien que des disparités subsistent.  Elle a demandé que les femmes soient incluses de façon significative dans la conception et la mise en œuvre du progrès numérique.  La déléguée a appelé à favoriser l’autonomisation des femmes par le biais de l’éducation transformatrice, et plus particulièrement de l’éducation informelle, en plaçant les jeunes au centre de celle-ci. 

La déléguée de Young Diplomats of Canada a appelé les États Membres à l’action pour parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes et des personnes de diverses identités de genre en améliorant l’accès à Internet et aux technologies de l’information d’ici à 2030 et en comblant le fossé qui existe entre les régions urbaines et rurales.  Elle a demandé un meilleur accès à Internet haute vitesse dans les communautés autochtones éloignées et a appelé à collecter des données sexospécifiques représentatives de la société afin d’éliminer les effets des données sexistes.  Dans cette optique, la déléguée a demandé l’adoption de normes mondiales pour régir les biais algorithmiques ainsi que l’élaboration de politiques destinées à lutter contre la cyberintimidation et la violence sexiste en ligne.

Mme JEEVIKA SHIV, de Youth Coalition for Sexual and Reproductive Rights, a indiqué qu’elle figure parmi les jeunes qui ont eu la chance de surmonter les obstacles liés aux visas et au financement, pour prendre part aux travaux de cette session sur une base volontaire, ajoutant que de nombreux défenseurs de la jeunesse se sentent ignorés et exclus.  Elle a refusé que les jeunes défenseurs se retrouvent avec des conclusions concertées qui ne « reflètent pas nos droits et nos besoins », espérant que les recommandations mondiales des jeunes et leurs priorités seront reflétées dans le texte.  Elle a également souhaité que les États Membres axeront le libellé sur les jeunes femmes, les filles et les personnes de genre divers, ainsi que leur participation aux processus de prise de décisions et leur accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs.   Nous devons mettre l’accent sur ceux qui sont issus de communautés historiquement exclues, marginalisées et vulnérables et qui sont confrontés à des formes multiples et croisées de discrimination, a-t-elle ajouté, avant d’exiger la « décolonisation et la démocratisation du numérique ». 

La représentante de Afraz Cultural Association a signalé que les Iraniennes subissent une vaste discrimination dans la réalisation de certains de leurs droits humains.  Elle a notamment dénoncé les empoisonnements à répétition dans les écoles de filles, qui a-t-elle dit, ont choqué les Iraniens.  La majorité de la société iranienne, en particulier la jeune génération, ne tolère pas ces discriminations et ne cessera de se mobiliser pour obtenir des droits égaux, a soutenu l’intervenante.  Elle s’est ensuite réjouie de l’appui d’autres nations, en particulier de l’aide à l’accès aux nouvelles technologies de la communication et aux médias sociaux, qui ont jeté, selon elle, les bases de la lutte civile des Iraniens. 

La déléguée du British Columbia Council for International Cooperation a exprimé son inquiétude face aux droits des femmes et des filles à accéder à l’éducation dans des contextes fragiles et de conflits.  Ne pas fournir cette éducation entraîne des conséquences désastreuses non seulement pour la réalisation de l’égalité des sexes, mais aussi pour le développement durable, la paix et la sécurité, et pour notre avenir collectif, a-t-il noté.  La moitié des enfants non scolarisés dans le monde, soit 222 millions, vivent dans des zones de conflit, avec pour conséquences des risques accrus de mariage précoce, d’exposition à la violence sexiste, de pauvreté et de mortalité infantile et maternelle.  Il s’est particulièrement inquiété de la situation des filles d’Afghanistan, « seul pays de la planète à avoir la terrible distinction de refuser aux femmes et aux filles leur droit à l’apprentissage en tant que politique ».  Parmi les mesures pratiques pouvant être prises pour redonner espoir aux filles afghanes forcées de quitter l’école, le délégué a cité le soutien aux écoles alternatives, le renforcement du plaidoyer pour le droit à l’éducation des femmes et les filles déplacées et des collaborations innovantes entre les gouvernements et le secteur de l’enseignement supérieur à l’échelle mondiale.

La représentante de Equality Now a appelé tous les États Membres à s’assurer que les femmes et les filles profitent pleinement des avantages d’une société numérisée grâce à l’adoption de droits numériques universels et féministes.  La technologie numérique et l’innovation offrent la possibilité de faire progresser l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles, a-t-elle reconnu.  Toutefois, l’étendue et l’ampleur de la connectivité à Internet, ainsi que la disponibilité de caméras à un prix abordable, favorisent la violence en ligne à des niveaux sans précédent dans le monde.  De même, l’intelligence artificielle (IA) et l’apprentissage automatique amplifient les stéréotypes et les préjugés qui alimentent la misogynie et les divisions raciales et religieuses.  L’intervenante a jugé discutable la manière dont les droits humains existants s’appliquent dans le domaine numérique et a recommandé une analyse complète des caractéristiques de l’expérience virtuelle.  

Reconnaissant que l’inclusion numérique est fondamentale pour l’inclusion sociale, la déléguée de HelpAge International a déploré que les femmes âgées, et en particulier celles en situation de handicap, n’ont pas un accès égal au monde numérique.  Elle a expliqué cette exclusion par un manque d’accès aux appareils numériques et à Internet, des ressources financières inadéquates et des compétences limitées en matière d’alphabétisme numérique.  Ces difficultés sont plus importantes pour les femmes âgées vivant dans des zones rurales ou isolées, a-t-elle ajouté, notant que la pandémie de COVID-19 a également mis en lumière cette fracture numérique. 

Elle a dénoncé les stéréotypes et préjugés sur la capacité et la volonté des femmes âgées à utiliser les technologies numériques, notant que nombre d’entre elles sont capables et désireuses d’acquérir des compétences numériques.  L’exclusion des femmes âgées de l’apprentissage tout au long de la vie est un déni de leur droit à l’éducation et empêche la réalisation d’autres droits, tels que le droit au travail, le droit de participer pleinement à la vie civique et politique, et le droit à la santé, a-t-elle constaté.  Elle a appelé à promouvoir une conception des services numériques adaptée aux personnes âgées en s’appuyant sur une collaboration intergénérationnelle. 

La représentante de International Disability and Development Consortium (IDDC) a informé que 18% des femmes sont en situation de handicap et font face à des inégalités et à des obstacles supplémentaires dans l’accès aux technologies et aux services qu’elles fournissent.  Selon elle, cette situation est due à des obstacles liés à l’accessibilité financière -en raison de revenus plus faibles et du coût supplémentaire du handicap- et de la disponibilité limitée d’appareils, de programmes et de sites Web accessibles.  Durant la pandémie de COVID-19, les technologies d’assistance n’ont souvent pas été incluses dans les réponses de santé publique, et les informations sur la manière d’éviter la transmission du virus n’étaient souvent pas accessibles dans les langues des signes nationales et dans d’autres formats, a-t-elle informé.  Elle a noté que les technologies d’assistance peuvent constituer un domaine d’innovation essentiel pour les personnes handicapées.  Cependant, seule 1 personne sur 10 qui en a besoin y a accès.  Elle a ensuite appelé les États Membres à veiller à ce que les femmes et les filles en situation de handicap soient dûment incluses dans le thème prioritaire de la Commission. 

La déléguée de International Transport Workers’ Federation a relevé que la technologie peut présenter un risque pour certains emplois, et que les postes les plus vulnérables à l’automatisation sont occupés de manière disproportionnée par des femmes.  Toutefois, la technologie peut également stimuler la création d’emplois et améliorer les conditions de travail en luttant contre l’exclusion systémique sexiste.  Pour ce faire, les travailleuses doivent être pleinement formées à la technologie en vue de leur redéploiement dans de nouveaux emplois.  La déléguée s’est inquiétée des tendances actuelles à l’externalisation et à la sous-traitance, qui s’accompagnent souvent d’emplois informels et précaires, ainsi que de la pression croissante exercée sur les femmes, en particulier par le travail flexible abusif.  Pour changer cette situation, elle a demandé que la technologie soit réglementée, avec une gouvernance publique des données et des systèmes algorithmiques. 

Mme MAUREEN MAGUIRE, Présidente de Soroptimist International, a déploré que des femmes et des filles continuent d’être laissées pour compte malgré les progrès des technologies numériques, notamment celles qui vivent dans des communautés marginalisées et dans les zones rurales.  Le manque de ressources de base telles que l’électricité et la connectivité, de systèmes technologiques abordables et de formations aux technologies de l’information les empêche en effet d’acquérir les compétences numériques nécessaires.  À ses yeux, les États Membres doivent collaborer avec le secteur privé et la société civile pour combler le fossé numérique croissant entre les hommes et les femmes.  Des garanties doivent être mises en place pour que les femmes et les filles puissent accéder en toute sécurité à Internet et aux plateformes numériques, à l’abri des abus, du harcèlement, de l’exploitation et de la violence.  « Les droits humains qui sont protégés hors ligne doivent également l’être en ligne », a martelé la déléguée. 

La représentante de Women With Disabilities Australia Inc.  a voulu attirer l’attention sur la discrimination technologique à laquelle sont confrontées les femmes handicapées, en particulier celles qui ont des identités multiples et croisées, y compris les membres de la communauté autochtone et de la communauté LGBTQIA+.  Elle a relevé que l’innovation technologique et le monde numérique, peuvent permettre aux femmes handicapées de vivre de manière plus autonome grâce à des appareils d’assistance, des systèmes de soutien, et des outils de communication en ligne.  Or, de nombreuses femmes handicapées pâtissent d’un manque d’accès à une vaste gamme de matériels, d’appareils et d’outils numériques, ce qui entraîne, selon elle, leur ségrégation.  En outre, la technologie féministe et les espaces en ligne conçus pour soutenir et renforcer les femmes excluent souvent les femmes handicapées et leurs besoins en matière d’accès.  Face à cette situation, elle a demandé à la Commission de mettre sur pied un groupe de travail permanent sur la technologie et le handicap.

La déléguée de World Federation of Ukrainian Women’s Organizations a jugé essentiel le cadre juridique international régissant les droits et la protection des femmes et des filles ukrainiennes depuis le début de l’invasion et du « génocide » perpétré par la Fédération de Russie.  L’agression russe a compromis le droit le plus fondamental des Ukrainiens à la vie, affectant la santé physique et mentale ainsi que la sécurité de millions de femmes et de filles du fait des crimes de guerre, des violences sexuelles et autres violations des droits humains commis par la Russie.  La destruction incessante et délibérée par la Fédération de Russie du réseau énergétique, des infrastructures civiles et de la technologie de l’Ukraine compromet gravement l’accès du peuple ukrainien, y compris des femmes et des filles, à l’éducation et à la technologie.  Pour lever les obstacles structurels auxquels sont confrontées les réfugiées ukrainiennes, la déléguée a demandé que les papiers d’identité soient reproductibles, les diplômes transférables, la reconversion et l’emploi, accessibles.  Pour répondre à ces besoins, la technologie doit être sûre et exempte de menace d’exploitation sexuelle ou autres.

Clôturant la discussion générale, Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud), Présidente de la soixante-septième session de la Commission de la condition de la femme, a remercié les États Membres, les membres de la société civile et les organismes des Nations Unies d’avoir « parlé d’une seule voix » sur le thème retenu de cette session, en particulier s’agissant des questions d’accès et de l’importance pour les femmes et les filles d’occuper une place croissante dans l’innovation.  Vous avez abordé la question des droits humains, de la protection et de la sécurité des femmes à l’ère de la technologie numérique mais également défendu leur droit à la connaissance numérique, s’est-elle félicitée.  Mme Joyini a également salué la présence « parmi nous » de jeunes qui ont parlé « haut et fort », appelant à s’en inspirer et proposant de les associer, à l’avenir, à la discussion générale notamment lors des déclarations prononcées à titre national.  Elle a espéré que le « front uni » qui s’est manifesté tout au long du débat se matérialisera dans les conclusions agréées, enjoignant les États Membres à apporter leur concours pour parvenir à des conclusions ambitieuses afin d’améliorer le statut des femmes et des filles à l’ère numérique.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Yémen: la trêve est nécessaire pour l’aide humanitaire et le règlement politique de la crise, déclare l’Envoyé spécial au Conseil de sécurité

9282e séance – matin
CS/15228

Yémen: la trêve est nécessaire pour l’aide humanitaire et le règlement politique de la crise, déclare l’Envoyé spécial au Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité s’est penché, ce matin, sur la situation au Yémen, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour ce pays estimant que si beaucoup a été accompli au cours de l’année écoulée, « il est maintenant temps de passer à l’étape suivante ».  Selon M. Hans Grundberg, les parties au conflit doivent prolonger la trêve pour se donner le temps de venir en aide aux millions de Yéménites qui dépendent d’une aide humanitaire pour vivre et, surtout, pour s’engager activement sur la voie du règlement politique d’une crise qui éclaté il y a près d’une décennie. 

Le sort des femmes, le rétablissement des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran sous l’égide la Chine, salué à l’unanimité, et l’opération de sauvetage du pétrolier Safer ont également été au menu de la discussion.

Sur le volet humanitaire, la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence a tiré la sonnette d’alarme: les 1,16 milliard de dollars de dons promis il y a deux semaines à Genève lors de la Conférence des donateurs ne suffiront pas pour tenir jusqu’à la fin de l’année.  Mme Joyce Msuya a plaidé pour un décaissement immédiat de toutes ces promesses et pour le financement intégral du plan de riposte - soit 4,3 milliards de dollars pour aider d’urgence les 17 millions de personnes dans le besoin. 

Les membres du Conseil de sécurité, qui étaient saisis du rapport final du Groupe d’experts sur le Yémen créé en application de la résolution 2140 (2014) du Conseil, ont également entendu un exposé de la Présidente du Comité créé par cette résolution.  La représentante de l’Albanie a indiqué qu’au cours de la période considérée, aucune radiation de la liste des sanctions n’avait été effectuée et que le Comité continue de recevoir des rapports relatifs à des enquêtes menées par des États Membres sur des navires.  Cette question du respect des embargos a été évoquée par le représentant du Yémen, qui a pris la parole en fin de séance.  Lors de cette séance, par ailleurs, les délégations ont exprimé leur solidarité à l’égard du Président du Conseil, l’Ambassadeur du Mozambique, au lendemain de la catastrophe causée par le passage, dans son pays et au Malawi, du cyclone Freddy. 

« La trêve doit être un tremplin vers l’instauration d’un cessez-le-feu national ouvrant la voie à un règlement politique inclusif pour mettre fin au conflit au Yémen », a déclaré M. Grundberg.  S’il a salué les efforts continus des États Membres régionaux, en particulier l’Arabie saoudite et le Sultanat d’Oman, et demandé aux parties de saisir les opportunités créées par cet élan, l’Envoyé spécial a jugé inutiles les solutions à court terme et les approches au coup par coup, « qui ne peuvent apporter qu’un soulagement partiel.  « C’est dans cet esprit que je continue de collaborer activement avec les parties yéménites », a-t-il expliqué en soulignant que pour les parties, comme pour les États de la région, tout accord conclu dans le cadre des discussions en cours devra être accompagné d’un accord « yéménite-yéménite » sous les auspices de l’ONU.  « La reprise d’un processus politique yéménite-yéménite est en effet un élément central et reste au cœur de mon mandat », a-t-il résumé.

M. Grundberg a été entendu quand il a rappelé l’impératif de promouvoir la participation significative des femmes à tous les niveaux du processus de paix, conformément au programme pour les femmes et la paix et la sécurité, tel qu’énoncé dans la résolution 1325 (2020) du Conseil de sécurité. 

« Les milices houthistes bafouent les droits des femmes, y compris les femmes militantes qu’ils violentent, torturent et emprisonnent en montant de toute pièces des accusations infondées », a fustigé le représentant du Yémen, qui a aussi pointé du doigt l’obligation faite aux femmes de circuler dans l’espace public avec un accompagnateur homme.  Selon le représentant, pour que la paix soit possible, il faut « un partenaire qui renonce à la violence pour imposer ses vues politiques ».  Il a accusé les houthistes d’inculquer des idées terroristes aux enfants des régions qu’ils contrôlent, d’y chasser les citoyens de leur maison « comme en témoignent les quelque quatre millions de déplacés internes », d’utiliser de manière indiscriminée des mines terrestres et d’entraver la bonne conduite des opérations de secours de l’ONU.  Il a espéré que l’accord de Beijing rétablissant les relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite marquera « le début de la fin de l’ingérence iranienne dans notre pays et de son soutien aux milices houthistes ».

Le représentant yéménite a remercié les marines française et britannique pour leurs efforts destinés à garantir un plein respect de l’embargo sur les armes, ces efforts ayant permis la saisie de nombreuses cargaisons d’armes et munitions iraniennes destinées d’après lui aux houthistes.  Le délégué russe, de son côté, a tenu à rappeler que « les sanctions du Conseil de sécurité sont destinées à rétablir la paix et non à punir ou mettre en danger ».  Quant à la Chine elle a préféré mettre l’accent sur « la vraie bonne nouvelle pour la sécurité dans la région et dans le monde » que représente l’accord trouvé la semaine dernière, à Beijing, entre l’Arabie saoudite et l’Iran pour rétablir leurs relations diplomatiques. 

C’est enfin d’une seule voix que les intervenants ont salué l’annonce par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qu’un navire pourrait être affrété à la récupération du pétrole stocké dans le Safer.  La représentante britannique, se félicitant d’une avancée majeure dans le cadre de l’opération de sauvetage du Safer destinée à éloigner la menace d’une marée noire en mer Rouge, a demandé à l’ONU de partager le budget détaillé de l’opération et à la communauté internationale d’intervenir en comblant le déficit de financement des 34 millions de dollars requis.  « Sans ceux-ci, l’opération ne pourra pas démarrer », a-t-elle averti. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2023/130)

Déclarations

M. HANS GRUNDBERG, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, a déclaré qu’alors que le mois sacré du ramadan approche, et malgré une situation économique et humanitaire proche de la catastrophe, le Yémen bénéficie toujours des quelques acquis de la trêve.  Mais bien sûr, tous les Yéménites à qui j’ai parlé espèrent plus, c’est pourquoi nous devons trouver la voie à suivre vers une résolution globale du conflit, a-t-il ajouté. 

La situation militaire générale au Yémen reste relativement stable, a rapporté M. Grundberg, revenant à ce propos sur l’entrée en vigueur de la trêve, le 2 avril de l’année dernière, pour se féliciter que « les hommes et les femmes yéménites ont connu près d’un an de moindre violence ».  Il a néanmoins pointé la nature fragile de cet état de paix relatif, se disant préoccupé par la hausse du nombre et de l’intensité des affrontements dans plusieurs zones de première ligne, en particulier les fronts de Mareb et de Taëz.  J’appelle les parties à faire preuve d’un maximum de retenue en cette période critique, notamment en s’abstenant de toute rhétorique incendiaire qui risquerait d’entraîner une escalade, a-t-il dit.  M. Grundberg a également salué le soutien de la Jordanie, grâce auquel des vols commerciaux continuent d’avoir lieu trois fois par semaine entre Sanaa et Amman.  Et si les navires-citernes continuent d’entrer dans les ports de Hodeïda ainsi que d’autres marchandises, la situation reste également fragile à ce niveau, a-t-il de nouveau tempéré.  « La vie quotidienne reste un combat pour la plupart des Yéménites, leur situation est toujours aussi désastreuse en raison de la persistance de représailles économiques », a-t-il ainsi regretté avant de condamner les nouvelles restrictions qui entravent la liberté de mouvement des civils, en particulier des femmes, et le trafic commercial entre les différentes parties du pays. 

Après avoir rappelé que la trêve doit être un tremplin vers l’instauration d’un cessez-le-feu national ouvrant la voie à un règlement politique inclusif pour mettre fin au conflit au Yémen, M. Grundberg a noté avec satisfaction les efforts diplomatiques intenses en cours à différents niveaux.  Nous assistons actuellement à un nouvel élan diplomatique régional, a-t-il expliqué, ainsi qu’à un changement radical dans la portée et la profondeur des discussions.  Je salue les efforts continus des États Membres régionaux, en particulier l’Arabie saoudite et le Sultanat d’Oman, et demande aux parties de saisir les opportunités créées par cet élan régional, a poursuivi l’Envoyé spécial.  Il a également rappelé l’inutilité des solutions à court terme et les approches au coup par coup, « qui ne peuvent apporter qu’un soulagement partiel ».  C’est pourquoi il a plaidé pour un cessez-le-feu et un règlement politique durables, lesquels ne pourront être obtenus que dans le cadre de processus globaux.  C’est dans cet esprit que je continue de collaborer activement avec les parties yéménites, ainsi qu’avec les parties prenantes régionales et internationales, pour veiller à ce que tout accord trace la voie vers un règlement politique complet et pérenne, a-t-il indiqué.  À cet égard, il a souligné que pour les parties, ainsi que les États de la région, tout accord conclu dans le cadre des discussions en cours devra être accompagné d’un accord « yéménite-yéménite » sous les auspices de l’ONU.  « La reprise d’un processus politique yéménite-yéménite est en effet un élément central et reste au cœur de mon mandat. »

M. Grundberg a ensuite indiqué que, tandis que sont explorées les voies vers un règlement global du conflit, il reste déterminé à promouvoir la participation significative des femmes à tous les niveaux du processus de paix conformément au programme sur les femmes, la paix et la sécurité, tel qu’énoncé dans la résolution 1325 (2020) du Conseil de sécurité et d’autres résolutions pertinentes. 

Enfin, l’Envoyé spécial n’a pas manqué de saluer le récent accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran marquant la reprise de leurs relations diplomatiques, accord qui a été facilité par la médiation de la Chine.  Ce dialogue et ces relations de bon voisinage sont importants pour la région et pour le Yémen, a-t-il noté, les parties devant selon lui saisir l’opportunité offerte par cet élan régional et international pour faire des pas décisifs vers un avenir plus pacifique.  « Cela demande de la patience et une perspective à long terme ».  « Et cela demande du courage et du leadership », a-t-il insisté.  Si beaucoup a été accompli au cours de l’année écoulée, il est maintenant temps de passer à l’étape suivante, a-t-il conclu.

Mme JOYCE MSUYA, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a expliqué que l’année dernière a apporté un certain nombre d’améliorations au Yémen, avec la trêve, bien sûr, qui suscite l’espoir.  Le nombre de personnes souffrant de la faim au Yémen a diminué de près de deux millions de personnes grâce aux efforts des travailleurs humanitaires, au soutien généreux des donateurs, à l’aide de l’Union européenne et à la trêve elle-même.  Des progrès ont également été réalisés en ce qui concerne le pétrolier Safer.  La semaine dernière, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a annoncé l’achat d’un navire de remplacement qui devrait arriver à Hodeïda en mai.  Cela signifie que l’opération de déchargement pourrait s’achever d’ici au mois de septembre, à condition que les donateurs fournissent rapidement les 34 millions de dollars de fonds restants, a-t-elle souligné.  Se réjouissant de ces améliorations importantes, elle a toutefois modéré son enthousiasme en évoquant la « situation d’urgence dramatique » dans laquelle se trouvent 17 millions de personnes qui comptent sur les aides d’urgence pour obtenir assistance et protection, alors que trop souvent, les agences n’ont pas de quoi les aider.  L’accès des travailleurs humanitaires et la sécurité demeurent des défis majeurs.  « Les fonds manquent », a appuyé la haute fonctionnaire, et « les problèmes économiques poussent encore plus de personnes dans le dénuement ». 

Concernant le défi de la sécurité, elle a reporté, parmi les bonnes nouvelles, le fait que les agences ont atteint d’anciennes zones de front à Hodeïda, des parties reculées de Hajja accueillant de nombreuses personnes déplacées, ainsi que d’autres endroits difficiles d’accès.  Cependant, malgré ces lueurs d’espoir, le tableau général de l’accès et de la sécurité demeure très sombre.  Dans les zones contrôlées par les houthistes, Mme Msuya a relevé que les travailleuses humanitaires yéménites ne peuvent toujours pas se déplacer sans la présence d’un tuteur masculin, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, ce qui perturbe gravement la capacité des agences à aider les femmes et les filles.  Elle a donc appelé les rebelles houthistes à lever les restrictions de circulation.  En outre, a-t-elle relevé, les tentatives houthistes d’interférer avec les opérations d’aide restent monnaie courante.  Les rebelles tentent notamment d’obliger les agences à sélectionner certains contractants de leur choix.  Sans oublier que deux membres du personnel de l’ONU sont toujours détenus par les houthistes à Sanaa depuis novembre 2021; la Sous-Secrétaire générale a de nouveau demandé leur libération immédiate.  Le scepticisme croissant à l’égard des vaccins, en particulier dans les zones contrôlées par les houthistes, préoccupe aussi gravement l’ONU. 

Concernant le financement de l’aide, Mme Msuya a informé que les 1,16 milliard de dollars de dons promis voici deux semaines ne suffiront pas pour tenir jusqu’à la fin de l’année.  Elle a plaidé pour un décaissement immédiat de toutes ces promesses et pour le financement intégral du plan de riposte - soit 4,3 milliards de dollars pour aider 17 millions de personnes.  Elle a aussi évoqué la nécessité d’un soutien accru pour renforcer l’économie du Yémen, dont le déclin économique est le principal moteur des besoins humanitaires avec le déminage.  Les mines terrestres et autres explosifs tuent et mutilent beaucoup de Yéménites et étouffent la vie économique, a-t-elle relevé.  Au-delà de l’action antimines, les Nations Unies travaillent avec des donateurs et des partenaires sur un cadre économique révisé qui contribuera à répondre aux facteurs économiques plus larges des besoins humanitaires au Yémen.  Pour Mme Msuya, 2023 présente une occasion importante de progresser sur le volet économique tant qu’une opération d’aide massive a cours dans le pays.  Si nous manquons le coche, il sera beaucoup plus difficile de ne pas mettre des millions de vies en danger, a-t-elle prévenu. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie), Présidente du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2140 (2014), a présenté les travaux de son organe, un an après la dernière présentation, le 15 février 2022.  Depuis lors, a-t-elle précisé, les membres du Comité se sont réunis quatre fois dans le cadre de consultations officieuses.  Le 10 juin 2022, ils ont entendu un exposé de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la question des enfants et des conflits armés.  Le 9 septembre 2022, a poursuivi la Présidente du Comité, ils ont entendu un exposé du Groupe d’experts sur son examen à mi-parcours.  Le Comité a ensuite donné effet à une mesure contenu dans le rapport du Groupe d’experts, soumis au Conseil le 28 juillet 2022.  Le 29 novembre 2022, conformément à la résolution 751 (1992), a poursuivi sa Présidente, le Comité a évoqué le transfert d’armes entre le Yémen et la Somalie.  Le 30 janvier 2023, il a entendu une intervention du Groupe d’experts sur son rapport soumis le 13 décembre 2022.  Le Comité a également évoqué les recommandations contenues dans ce rapport et envisagé des lignes de conduite à adopter, a-t-elle indiqué. 

Pendant la période à l’examen et en vertu de la résolution 2624 (2022), des entités faisant l’objet d’un embargo sur les armes ont été rajoutées à la liste des sanctions.  Le 4 octobre 2022, le Comité a ajouté un individu à cette liste.  Il n’a pas demandé de radiations pendant la période écoulée, a précisé la Présidente.  Par ailleurs, le Comité a reçu le 1er novembre 2022 une demande d’exemption au système de gel des avoirs en vertu de la résolution 2140 (2014).  Aucune décision négative n’a été prise par le Comité à la suite de cette notification.  Enfin, a-t-elle conclu, le Comité continue de recevoir des rapports relatifs à des enquêtes menées sur des navires. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a déploré la persistance et la gravité des actes malveillants des houthistes, en particulier autour du navire Safer, à l’égard des travailleurs humanitaires et des femmes.  Les houthistes doivent entendre les nombreux appels à la paix, faute de quoi, et s’ils restent aussi intransigeants, ils devront être tenus pour responsables des souffrances endurées par le peuple yéménite, a-t-il averti.  Le représentant a exhorté les houthistes à cesser de fouler au pied le droit international et le droit international humanitaire, en mettant un terme aux exécutions sommaires, aux tortures et autres mauvais traitements ainsi qu’aux attaques contre les bateaux transportant des biens de consommation.  Il a ensuite accusé les houthistes d’inculquer aux enfants des zones qu’ils contrôlent des idéologies extrémistes et de réduire à néant le rôle que « peuvent et doivent » jouer les femmes dans la société.  Après avoir salué les efforts des marines française et britannique pour donner effet à l’embargo sur les armes ciblant les houthistes, le représentant a appelé les parties à tout mettre en œuvre pour une trouver une solution politique durable au conflit tout en apaisant les souffrances des 22 millions de Yéménites qui dépendent de l’aide humanitaire pour vivre.  En plus de mesures pour soutenir la stabilité du real yéménite, les Émirats arabes unis vont investir 125 millions de dollars dans des projets sanitaires et agricoles d’envergure en 2023, a-t-il annoncé. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a rappelé que l’intervention humanitaire pouvait sauver de très nombreuses vies au Yémen.  Les promesses de dons du Brésil faites lors de la dernière Conférence des donateurs iront au Programme alimentaire mondial (PAM) et permettront à la population yéménite d’avoir un accès à l’eau et à l’assainissement.  Malgré les progrès relevés par les panélistes, la famine directement liée au conflit préoccupe encore le Brésil, la sécurité alimentaire étant essentielle au retour de la stabilité et de la confiance.  Les mesures unilatérales entravant l’accès aux denrées agricoles doivent impérativement cesser, a soutenu le délégué.  Un environnement favorable au retour de la sécurité alimentaire et l’accès aux ressources financières doivent être assurés afin que le Yémen puisse importer des denrées, comme le préconisent l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Fonds monétaire international (FMI), a-t-il insisté.  Jugeant que l’accord d’échange de prisonniers était une étape encourageante dans le retour du dialogue entre les parties pour restaurer la confiance, le délégué a appelé à la retenue et à éviter tout acte provoquant une escalade.  Concernant le pétrolier Safer, il a espéré qu’il sera secouru rapidement pour éviter la catastrophe.

Au nom du groupe des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) s’est félicité que, pour la première fois depuis 2015, certains éléments de la trêve aient été mis en œuvre au Yémen, offrant un peu de répit à la population.  Il a également salué le fait que les parties yéménites aient renoué un dialogue avec d’autres acteurs dans le but de consolider la trêve, et espéré que les accords conclus au niveau local permettront un rétablissement progressif de la paix.  Pour le représentant, il est essentiel que les houthistes collaborent avec le Gouvernement yéménite dans cette perspective.  Il s’est réjoui à cet égard des échanges de prisonniers entre les deux parties.  Il s’est toutefois alarmé de la situation militaire dans plusieurs provinces, appelant les parties au conflit à donner véritablement effet à la trêve et à éviter tout acte susceptible de saper la désescalade.  Sur le plan humanitaire, le représentant a souhaité que la communauté internationale ne perde pas de vue le Yémen, où 21,6 millions de personnes dépendent de l’aide et où plus de deux millions d’enfants souffrent de malnutrition aiguë.  Tout en se félicitant de la tenue de la Conférence des donateurs, le mois dernier à Genève, il a relevé que les promesses de dons ne représentent encore que 28% de ce qui est nécessaire.  Après avoir dénoncé les obstacles qui empêchent l’aide d’atteindre certaines régions, le représentant a regretté que les agences humanitaires sur le terrain se voient également imposer des restrictions concernant leur personnel féminin dans les zones sous contrôle houthiste.  Enfin, il a salué la décision du Gouvernement yéménite d’autoriser des importations vers certaines ports pour redynamiser l’économie, avant de remercier les Émirats arabes unis d’avoir envoyé un navire de secours en vue du sauvetage du pétrolier Safer

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déclaré qu’alors que le Conseil de sécurité travaille à la stabilité à long terme, la communauté internationale doit également agir pour atténuer dès à présent les souffrances des Yéménites.  Près de 22 millions de Yéménites ont un besoin urgent d’aide, a-t-elle rappelé, son pays saluant le rôle vital joué par le Mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies dans le maintien des flux de marchandises commerciales vers le Yémen.  Elle a déploré le comportement des houthistes dans le Nord, où ils empêchent notamment le personnel humanitaire féminin de fournir et même d’avoir accès à l’aide humanitaire.  Nous exhortons les autorités houthistes à reconsidérer cette politique injuste, a-t-elle dit.  La représentante a salué les efforts visant à remédier à l’instabilité économique, qu’elle a qualifiés de fondamentaux pour réduire les besoins humanitaires.  Sur ce point, elle s’est réjouie des généreuses contributions financières de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis pour faire face à la grave situation économique du peuple yéménite.  Enfin, elle a salué les « avancées majeures » réalisées dans le cadre de l’opération de sauvetage du navire Safer, l’achat par l’ONU d’un navire de remplacement étant une étape essentielle pour éloigner la menace d’une marée noire.  Mais la mission ne s’arrête pas là, a-t-elle ajouté, et nous demandons à l’ONU de partager le budget détaillé de l’opération et à la communauté internationale d’intervenir en comblant le déficit de financement des 34 millions de dollars requis.  « Sans ceux-ci, l’opération ne pourra pas démarrer », a-t-elle averti. 

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a estimé qu’un processus inclusif mené par le Yémen sous les auspices de l’ONU, avec une participation pleine et égale des femmes, est le seul moyen de parvenir à une paix durable et pérenne.  La déléguée s’est cependant dite très préoccupée par les entraves à l’accès humanitaire au Yémen.  Les parties doivent s’efforcer de limiter et de surmonter les obstacles bureaucratiques afin de garantir que l’aide vitale parvienne à ceux qui en ont besoin en temps voulu, a-t-elle insisté, soulignant aussi la nécessité d’un financement adéquat et prévisible.  Dans cet esprit, Malte a apporté une nouvelle contribution financière au plan d’intervention humanitaire lors de l’événement de haut niveau organisé à Genève le mois dernier.  Déplorant le manque d’accès des femmes yéménites aux services essentiels dans les zones contrôlées par les houthistes, exacerbant leur situation déjà vulnérable, la déléguée a exhorté les rebelles à autoriser les travailleuses humanitaires à effectuer leur travail sans entrave, ainsi qu’à assurer la sécurité des travailleurs humanitaires et du personnel de soutien.  Enfin, elle a appelé à davantage d’efforts en matière de déminage, particulièrement dans la région de Hodeïda.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a qualifié la situation au Yémen de « relativement stable », les affrontements étant limités et se produisant principalement le long de la ligne de contact.  Selon lui, un retour à une confrontation armée de grande ampleur devrait être évité, malgré l’absence de trêve officielle.  Espérant que le calme continuera de prévaloir, il a exprimé l’appui de son pays aux efforts déployés par l’Envoyé spécial pour consolider l’assistance internationale aux parties yéménites.  Le résultat logique de ces efforts devrait être l’élaboration d’un plan politique global et durable sous l’égide de l’ONU, a-t-il souligné, ajoutant que ce travail exigera une approche constructive, de la souplesse et des concessions.  Le représentant s’est déclaré convaincu que, dans la situation actuelle, l’accent doit être mis sur le lancement d’un dialogue interyéménite direct, avec la participation des quatre parties impliquées dans le conflit, y compris les houthistes.  Un tel format pourrait contribuer à remettre un processus politique pacifique sur les rails, a-t-il estimé.  Le délégué a d’autre part rappelé que « les sanctions du Conseil de sécurité sont destinées à rétablir la paix et non à punir ou mettre en danger ».  Les sanctions doivent être ciblées, flexibles et régulièrement révisées, jusqu’à leur élimination, a-t-il insisté, jugeant en conséquence que le Comité des sanctions concernant le Yémen devrait travailler en concertation avec le pays, de façon neutre et dépolitisée.  Constatant par ailleurs que la situation socioéconomique du Yémen reste alarmante en dépit des nombreux efforts déployés par les donateurs internationaux et régionaux, il a préconisé la levée de toutes les restrictions sur la livraison de produits alimentaires, de médicaments et d’autres biens essentiels dans l’ensemble du Yémen.  Il a également appelé tous ceux qui sont impliqués dans le règlement yéménite à poursuivre la coopération avec les institutions financières internationales et à soutenir les activités des structures compétentes de l’ONU, notamment le Mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies au Yémen. 

M. GENG SHUANG (Chine) a regretté que la situation humanitaire au Yémen demeure aussi préoccupante, d’autant plus que les programmes d’assistance de l’ONU sont confrontés à des risques de fermeture en raison de financements insuffisants.  Ainsi a-t-il appelé la communauté internationale à garantir la conduite des opérations de l’ONU dans le pays, saluant en outre l’annonce du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qu’un navire de remplacement a été trouvé pour éliminer le risque économique et environnemental que pose toujours le pétrolier Safer.  Après avoir salué les efforts de l’Arabie saoudite et du Sultanat d’Oman pour que les parties s’engagent à « faire passer le peuple yéménite en premier » en empruntant la voie d’un règlement politique du conflit, Le représentant a salué l’accord trouvé la semaine dernière, à Beijing, entre l’Arabie saoudite et l’Iran pour rétablir leurs relations diplomatiques.  « Il s’agit là d’une vraie bonne nouvelle pour la sécurité dans la région et dans le monde », a-t-il conclu. 

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a exhorté la communauté internationale à faire preuve de générosité pour lever l’argent nécessaire dans la lutte contre « la pire crise humanitaire au monde ».  Pour leur part, les États-Unis contribueront prochainement plus de 440 millions de dollars, pour un total de 7,4 milliards de dollars depuis le début du conflit.  Le délégué s’est dit préoccupé par d’éventuelles coupes dans les programmes d’aide et par la situation sur le terrain, où les houthistes bloquent l’accès dans le sud du pays.  Les rebelles houthistes, a-t-il noté, aggravent la crise avec leurs exigences liées au « mahram » appliquées à l’aide humanitaire.  Soutenant par ailleurs les discussions entre les parties, le délégué a espéré qu’elles ouvriront la voie vers un cessez-le-feu durable.  De même, il a espéré que l’accord récemment annoncé entre l’Arabie saoudite et l’Iran permettra de répondre aux problèmes de flux et de soutenir le processus de résolution de la crise.  Enfin, constatant que le trafic d’armes se poursuit malgré l’embargo, le délégué a rappelé aux États impliqués qu’ils s’exposaient à des sanctions. 

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a jugé impératif de renforcer les stratégies visant à établir un dialogue solide, fondé sur la confiance et la bonne foi, en vue d’un cessez-le-feu définitif au Yémen.  Par ailleurs, alors que plus de 21 millions de Yéménites dépendent de l’aide humanitaire pour survivre, il a déploré que certaines pratiques entravent l’accès à l’aide humanitaire, notamment les obstacles bureaucratiques ou l’obligation pour le personnel féminin de circuler en compagnie de tuteurs masculins.  Sur le plan politique, le représentant a appuyé le travail de négociation mené par l’Envoyé spécial.  À cet égard, il a souhaité que ce processus bénéficie de la participation pleine et équitable de toutes les parties prenantes, en particulier des femmes.  Il a également appelé les équipes sur le terrain à évaluer les meilleures alternatives permettant la mise en œuvre du Plan d’action national pour les femmes, la paix et la sécurité au Yémen.  Le représentant a par ailleurs exhorté les parties à considérer comme une priorité dans les négociations la mise en œuvre d’un plan d’action immédiat pour le déminage et la neutralisation des engins explosifs improvisés.  Enfin, se disant convaincu de la nécessité d’établir des mécanismes efficaces de responsabilisation et d’accès aux voies de justice au Yémen, il a demandé aux houthistes de libérer les prisonniers politiques et les employés des Nations Unies et des organisations humanitaires arbitrairement privés de liberté. 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a déclaré qu’après huit ans de conflit au Yémen, l’heure n’est plus aux hésitations: « nous devons répondre sans plus tarder à ces aspirations légitimes ».  La décision prise par l’Arabie saoudite et l’Iran de rétablir leurs relations diplomatiques la semaine dernière constitue un signal important pour la paix et la stabilité dans la région, a-t-elle estimé, notant également avec satisfaction la volonté des parties de s’acquitter de leurs obligations découlant de l’Accord de Stockholm de libérer toutes les personnes détenues.  À cet égard, les discussions du Comité de supervision en cours en Suisse sont un pas dans la bonne direction qu’il s’agit de concrétiser au plus vite.  Après avoir appelé les parties à la retenue et à se montrer pleinement disposées à un dialogue national intrayéménite, la représentante a souligné l’importance de parvenir à un règlement politique inclusif sous l’égide de l’ONU, « avec la participation de toute la société ».  Ainsi a-t-elle mis l’accent sur la nécessité d’inclure les femmes au processus de paix pour un avenir juste et égalitaire.  Par ailleurs, pour éviter une marée noire en mer Rouge, elle a déclaré que le plan de sauvetage du pétrolier Safer requiert l’attention continue de toute la communauté internationale.  Sur le volet humanitaire, la représentante a déploré que les enfants continuent de figurer parmi les victimes principales des mines et des restes explosifs de guerre.  Or, tout travail de reconstruction n’est pas envisageable sans régler ce problème, a-t-elle dit, exhortant les autorités et la communauté internationale à faire de la lutte contre les mines une priorité. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a estimé que les aspirations du peuple yéménite devraient être au cœur de la recherche d’un règlement politique juste et durable.  Il devrait s’agir d’un processus dirigé par les Yéménites, a-t-elle insisté, avec l’aide de l’ONU.  La déléguée a regretté que les exigences maximalistes des houthistes ne permettent pas un engagement constructif avec l’Envoyé spécial et les acteurs régionaux pour trouver une solution politique au conflit.  Elle s’est également inquiétée des violations continues de la résolution 2216 (2015) du Conseil de sécurité par les rebelles houthistes, qui continuent de faire passer en contrebande des armes et des munitions, comme constaté lors d’une saisie par la marine britannique le 2 mars, armes qui sont utilisées pour attaquer des infrastructures civiles.  La déléguée a condamné ces actes et demandé que les auteurs de violations du droit humanitaire soient traduits en justice.  Les travailleurs humanitaires internationaux et locaux sur le terrain doivent aussi être pleinement protégés de tous les obstacles liés au « mahram »: la déléguée a demandé que les houthistes mettent fin à cette pratique, qui affecte surtout les femmes et les enfants.  Elle a enfin réitéré son appel à la libération immédiate du personnel de l’ONU, d’ONG et d’autres civils enlevés par des groupes armés.

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a souhaité que l’accord diplomatique entre l’Arabie saoudite et l’Iran marque une étape positive vers la résolution de la question yéménite.  Cependant, préoccupée par la poursuite des livraisons d’armes aux houthistes, comme l’a signalé le Groupe d’experts dans son rapport final, elle a prié les États Membres d’appliquer l’embargo sur les armes et de soutenir les efforts de paix au Yémen.  Le Japon est également préoccupé par diverses actions perturbatrices menées par les houthistes à l’intérieur du Yémen pour saper la capacité économique du Gouvernement yéménite.  Selon la représentante, le processus de paix doit s’appuyer sur une économie stable.  « À cet égard, nous saluons le ferme soutien de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis à l’économie du Yémen ».  La représentante a répété que le processus de paix et la reconstruction nationale doivent aller de pair avec le développement économique.  C’est ainsi qu’elle a annoncé le lancement, ce mois-ci, du projet de renforcement du port d’Aden soutenu financièrement par son pays.  Ce projet, a-t-elle précisé, montre notre engagement envers la reconstruction de l’économie du Yémen, comme l’a déclaré le Ministre des affaires étrangères Hayashi lors de la Conférence des donateurs en février.  Elle a par ailleurs rappelé l’importance de continuer à soutenir les personnes dans le besoin, le Japon saluant les efforts des travailleurs humanitaires opérant dans un environnement difficile et exhortant les parties concernées à améliorer leur sécurité « conformément au droit international humanitaire ».

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) s’est félicitée de la dynamique actuelle au Yémen, marquée par une trêve de facto.  Appelant à la transformer en cessation des hostilités durable, elle a invité les parties, en particulier les houthistes, à agir de façon responsable pour parvenir à un accord politique avec le Gouvernement yéménite.  La déléguée s’est réjouie à cet égard de la tenue à Genève d’une réunion sur les échanges de prisonniers, avant d’espérer que d’autres mécanismes de dialogue et de désescalade, comme le comité de coordination militaire, pourront être réactivés sous l’égide de l’ONU.  Elle a également rappelé l’attachement de sa délégation au mécanisme d’inspection des bateaux qui arrivent dans les ports contrôlés par les houthistes.  « Seules des mesures de confiance permettront de consolider une paix durable. »  Dans ce contexte, la déléguée a salué la décision de l’Arabie saoudite et de l’Iran de rétablir leurs relations diplomatiques, souhaitant qu’elle contribue à faire avancer les négociations en cours entre les parties yéménites et à renforcer la sécurité et la stabilité régionales.  Par ailleurs, s’agissant de la situation humanitaire, la France a annoncé une contribution de près de 23 millions d’euros pour 2023 lors de la Conférence des donateurs qui s’est tenue le mois dernier à Genève.  Avertissant que cette aide ne bénéficiera pas aux Yéménites si les conditions de travail et de sécurité du personnel humanitaire ne sont pas garanties, la déléguée elle a exhorté les houthistes à lever les restrictions imposées aux travailleuses humanitaires.  Elle les a en outre appelés à libérer, immédiatement et sans condition, le personnel humanitaire et les représentants des Nations Unies détenus.  Pour finir, elle s’est félicitée de l’achat par l’ONU d’un navire de remplacement pour transférer des millions de barils du pétrolier Safer.

M. ABDULLAH ALI FADHEL AL-SAADI (Yémen), qui a rappelé que la résolution 2216 (2015) du Conseil de sécurité forme la base inamovible du processus de paix conduit sous les auspices de l’ONU et « dirigé par les Yéménites », a déclaré qu’il fallait, pour que la paix soit possible, « un partenaire qui renonce à la violence pour imposer ses vues politiques ».  Ainsi toute solution pacifique devra-t-elle passer selon lui par un processus global permettant d’obtenir des milices houthistes qu’elles « renoncent à vouloir diriger le Yémen selon la volonté de Dieu ».  Sinon, a averti le représentant, les violences, le chaos et les vagues migratoires menaceront de nouveau et pour longtemps la paix et la sécurité régionales et internationales.  Il a ajouté que pour mettre fin aux souffrances humanitaires, la première chose à faire est de prolonger la trêve, en tant qu’étape vers l’instauration d’un cessez-le-feu durable.  Nous avons respecté la trêve et autorisé l’entrée de navires dans certains ports, pendant que les milices houthistes continuaient de viser les infrastructures économiques nationales et les ports d’exportation de pétrole, sapant ce faisant nos recettes au point qu’il n’a pas été possible de verser leurs salaires aux fonctionnaires, a témoigné le représentant. 

Le représentant a en outre accusé les houthistes d’inculquer des idées terroristes aux enfants des régions qu’ils contrôlent et d’y chasser les citoyens de leur maison « comme en témoignent les quelque quatre millions de déplacés internes ».  Il a également condamné l’emploi indiscriminé de mines terrestres et les entraves à la bonne conduite des opérations de secours de l’ONU.  Les milices houthistes bafouent les droits des femmes, y compris les femmes militantes qu’ils violentent, torturent et emprisonnent en montant de toute pièces des accusations infondées, a encore dit le représentant, qui a pointé du doigt l’obligation faite aux femmes de circuler dans les lieux politiques avec un accompagnateur homme.  Il a ensuite assuré que le Gouvernement, dans ce contexte difficile, reste engagé à appuyer la stabilité économique du Yémen et à mener les plans prévus de reconstruction du pays.  À cet égard, il a signalé la mise en œuvre de réformes structurelle destinées à renforcer le rôle de la banque centrale et autres établissements bancaires.  Les fonds humanitaires passeront désormais directement par la banque centrale pour faciliter le relèvement rapide du pays, a-t-il annoncé, ajoutant que « la situation désespérée de millions de Yéménites ne laisse pas le luxe aux autorités d’attendre la fin de la guerre ». 

Concernant l’embargo sur les armes, le représentant a indiqué que, depuis la fin de la trêve, des cargaisons de munitions et d’armes iraniennes ont été saisies.  Le Conseil de sécurité doit s’acquitter de ses responsabilités en mettant fin aux ingérences iraniennes dans nos affaires intérieures, a-t-il exhorté.  Il a par ailleurs accueilli positivement l’accord de Beijing rétablissant les relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite, qui, a-t-il souhaité, « pourrait marquer le début de la fin de l’ingérence iranienne dans notre pays et de son soutien aux milices houthistes ».  Enfin, le représentant a demandé au Conseil d’exercer les pressions nécessaires sur la partie houthiste pour qu’elle respecte l’accord sur l’échange de détenus de Genève.  De même a-t-il souligné l’importance de mesures internationales efficaces pour sauvegarder le patrimoine culture yéménite, remerciant à ce propos les États-Unis d’avoir aidé son gouvernement à récupérer récemment 77 biens culturels de grande valeur. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

ECOSOC: Le Forum pour la coopération politique en matière de développement s’ouvre sur un appel à renforcer l’adaptation aux changements climatiques

Session de 2023,
11e et 12e séances plénières – matin & après-midi
ECOSOC/7114

ECOSOC: Le Forum pour la coopération politique en matière de développement s’ouvre sur un appel à renforcer l’adaptation aux changements climatiques

Organisée chaque année par le Conseil économique et social (ECOSOC), l’édition 2023 du Forum pour la coopération politique en matière de développement s’est ouverte ce matin par des appels à renforcer l’adaptation aux changements climatiques sans alourdir le fardeau de la dette des pays en développement.  Experts et délégations se sont préoccupés de la prise en compte de la vulnérabilité multidimensionnelle de ces pays, en particulier ceux qui sont insulaires, face aux changements climatiques.  « Progresser sur chacune de ces priorités nécessitera une planification à moyen et long terme et une coopération prévisible en termes de financement, de renforcement des capacités et de changements de politique », a précisé la Présidente du Conseil, en plaidant pour l’élargissement des partenariats.

Comment pouvons-nous apprendre des expériences des uns et des autres et comment la communauté internationale peut-elle renforcer son soutien? s’est demandé Mme Lachezara Stoeva à l’orée de cette première journée de délibérations, occupée par deux tables rondes précédées de quelques interventions liminaires.  Parmi elles, celle de la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme Amina Mohammed, qui a exhorté les bailleurs de fonds à honorer leurs promesses de contributions en faveur des pays en développement et à envisager ce financement sur le long terme, moins d’une semaine après la fin de la Conférence sur les pays les moins avancés tenue à Doha, au Qatar. 

Le Directeur exécutif du Fonds monétaire international (FMI), M. Facinet Sylla, a d’ailleurs a annoncé aujourd’hui la création du premier fonds pour un financement de long terme –étalé sur 20 ans– des priorités de développement des pays éligibles, pour le moment le Rwanda, l’Équateur et la Barbade.  Envoyé spécial du Premier Ministre de ce dernier pays pour l’investissement et les services financiers, M. Avinash Persaud a mis en avant la notion de « vulnérabilité multiple » pour encourager le secteur privé à investir dans la résilience, arguant que la lutte contre la pauvreté structurelle est un « bien public ».

La première discussion interactive du jour a été l’occasion pour les participants de réfléchir à la manière dont les pays équilibrent les différentes priorités de coopération en faveur du développement lorsqu’ils doivent affronter plusieurs crises simultanément.  Pour M. Vitalice Meja, Directeur exécutif de Reality of Aid Africa Network, les moyens mis à disposition par les États Membres restent très insuffisants, rendant impossible de répondre comme il se doit aux crises multiples auxquelles les pays les plus fragiles sont confrontés. 

M. Olof Skoog, Chef de délégation de l’Union européenne (UE) auprès des Nations Unies, a fait valoir que l’aide publique au développement (APD) de l’UE a augmenté de 4,4% en 2022, même si un effort reste à consentir pour atteindre les cibles qui ont été fixées, a-t-il concédé.  Il a également redit l’engagement de l’UE en faveur de la mobilisation annuelle de 100 milliards de dollars pour le financement climatique au profit des pays en développement, engagement qui tarde à se concrétiser, ont cependant reproché plusieurs intervenants.

La deuxième discussion interactive a été justement l’occasion de s’intéresser aux moyens d’aider les pays en développement à atteindre leurs objectifs climatiques.  La Conférence de Charm el-Cheikh de 2022 sur les changements climatiques (COP27) a souligné l’importance du financement d’un fonds vert pour aider les pays en développement à faire face aux impacts du réchauffement planétaire.  Comment opérationnaliser ce fonds pour combler les lacunes de l’architecture actuelle du financement climatique et garantir que les pays les plus vulnérables auront accès en temps opportun aux ressources nécessaires? se sont demandé les intervenants, en plaidant pour une base de donateurs élargie.  Un élan doit être impulsé en vue de la COP28, afin d’arriver à un résultat significatif qui réponde à l’ampleur et à la portée des besoins de financement de l’adaptation aux changements climatiques, ont encouragé plusieurs intervenants.

Si Mme Carmen Correa, Présidente et Directrice exécutive de l’ONG Pro Mujer, qui a fait état des obstacles auxquels les femmes des pays en développement sont confrontées aujourd’hui, a considéré que la création de bases de données permet de mettre en évidence les vulnérabilités spécifiques, M. Meja a cependant estimé que l’objectif n’est pas d’avoir en soi des données mais de pouvoir changer la nature des processus de prise de décision au niveau national, en incluant toutes les composantes sociales du pays concerné.  En termes d’inclusion, M. Kantuta Diana Conde Choque, du Réseau de la jeunesse autochtone pour l’Amérique latine et les Caraïbes, a appelé à protéger les territoires autochtones en soulignant leur rôle capital dans la préservation de la biodiversité et donc dans la prévention et la propagation de certaines maladies.  Tout en notant les annonces de contribution faites en faveur de la protection des forêts, le panéliste a toutefois regretté que 7% seulement des financements aient été octroyés directement aux populations autochtones, demandant que cette situation change.

Le Forum pour la coopération en matière de développement poursuivra et conclura ses travaux demain, mercredi 15 mars, à partir de 15 heures. 

FORUM POUR LA COOPÉRATION EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT

Discours d’ouverture

Mme LACHEZARA STOEVA, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a déclaré que cette huitième biennale du Forum pour la coopération en matière de développement se tient à un moment crucial.  Le monde se remet encore des conséquences de la pandémie de COVID-19, de la crise sanitaire, économique et sociale la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale, sans compter la guerre menée contre l’Ukraine, qui a également eu de lourdes conséquences.  Or, comme l’a clairement montré la conférence de Doha la semaine dernière, les pays les moins avancés (PMA) sont parmi les plus touchés et parmi ceux qui requièrent de toute urgence une assistance internationale, a souligné Mme Stoeva.  Elle a fait valoir que l’ECOSOC joue un rôle central dans la surveillance des engagements pris par les États Membres et dans l’identification des domaines d’action collective.  Aussi Mme Stoeva a-t-elle saisi l’occasion de formuler quelques suggestions sur la manière de tirer le meilleur parti du Forum pour renforcer l’impact de la coopération au développement en réponse aux défis actuels et futurs. 

Tout d’abord, a-t-elle dit, concentrons-nous sur les domaines clefs où la coopération au développement peut faire une différence dans la vie et les moyens de subsistance des plus vulnérables.  D’après les dernières recherches en date, ils sont au nombre de trois.  Il s’agit de renforcer l’adaptation au climat et d’investir dans la création d’emplois décents; de renforcer la protection sociale; et d’exploiter le potentiel de la transformation numérique.  « Progresser sur chacune de ces priorités nécessitera une planification à moyen et long terme et une coopération au développement prévisible en termes de financement mais aussi de renforcement des capacités, de soutien collectif au changement de politique », a précisé la haute fonctionnaire, en plaidant pour un partenariat incluant aussi la société civile et les organisations régionales en plus de celles du système des Nations Unies.  Comment pouvons-nous apprendre des expériences des uns et des autres et où la communauté internationale peut-elle renforcer sa réponse et son soutien? a-t-elle demandé.

« Nous sommes à plus que mi-chemin du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et nous sommes en bien mauvaise posture », a posé Mme AMINA MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, en insistant sur l’acuité des crises que le monde connaît.  Elle a donc plaidé pour une profonde transformation de la coopération en matière de développement afin d’y remédier.  Le forum de l’ECOSOC qui y est consacré joue un rôle essentiel dans cette transformation, a-t-elle souligné.  Il faut, a-t-elle notamment recommandé, investir dans les populations afin de répondre aux besoins d’aujourd’hui et de demain.  Elle a appelé à assurer un financement à long terme en demandant aux bailleurs de fonds d’honorer leurs promesses s’agissant du financement de la coopération en faveur du développement.  « Nous devons en faire davantage sur le terrain », a-t-elle demandé, en appelant notamment à remédier aux conséquences des changements climatiques.  Enfin, elle a exhorté à « mieux travailler ensemble » et à une meilleure coopération de tous les acteurs au sein de partenariats robustes.

Pour M. AVINASH PERSAUD, Envoyé spécial du Premier Ministre de la Barbade pour l’investissement et les services financiers, les 12 prochains mois doivent servir à opérer des changements significatifs, avec ampleur et non pas des petites modifications faites à la marge, afin d’agir et de passer de millions aux milliards pour réduire la pauvreté dans le monde.  Il a donné l’exemple de son pays, qui avait un taux de chômage de 40% en avril 2020 au moment où la pandémie le frappait et qui a adopté des stratégies pour répondre à cette crise tout en recherchant des financements, notamment auprès de ses partenaires de développement.  Il a constaté que ce sont toujours les mêmes pays qui sont frappés par les crises mondiales, que ce soit par les changements climatiques, la crise financière mondiale ou encore la COVID-19.  Il a fait remarquer que la réponse doit passer par une action délibérée pour venir à bout de la pauvreté et des inégalités dans le monde.  Il a soulevé la question de savoir s’il fallait se concentrer sur les personnes les plus pauvres ou les pays les plus pauvres, tout en appelant à ne pas s’écarter du mandat général de réduction de la pauvreté et à remobiliser les fonds tout en définissant clairement qui est éligible à ces financements.  En tant que petit État insulaire en développement (PEID), la Barbade fait partie de ce groupe de pays très vulnérables, a rappelé M. Persaud en recommandant, pour pouvoir agir efficacement, de définir des indices spécifiques pour mesurer la vulnérabilité spécifique en termes de résilience aux changements climatiques, de genre, d’accès à l’eau et autres.  Il faut poser des questions spécifiques, a-t-il recommandé en constatant qu’aujourd’hui, quand on parle de financements, on a tendance à tout mélanger.  Il a donc insisté sur la notion de vulnérabilité multiple avant de plaider en faveur de la mobilisation du secteur privé pour investir dans la résilience, arguant que ce sont des investissements rentables à terme.  Il a conclu en rappelant l’origine des idées qui ont constitué le socle des institutions de Bretton Woods, en 1919.  Il a ainsi cité un ouvrage intitulé Les conséquences économiques de la paix, qui prédisait déjà que si l’on ne s’attaque pas à la pauvreté dans des pays spécifiques, on aboutit à des problèmes mondiaux, des conflits.  « La lutte contre la pauvreté est en soit un bien public mondial. »

Table ronde 1: Tendances et progrès en matière de coopération internationale pour le développement

Présentant les enjeux de la discussion, son modérateur, M. SALIH BOOKER, de la Fondation Ford, a noté que le monde est de plus en plus marqué par les inégalités et que seule une poignée de personnes profite du système mondial actuel.  Dès lors se pose la question de savoir comment la coopération en matière de développement peut répondre aux besoins des plus vulnérables mais aussi comment elle peut transformer les moteurs structurels des inégalités, a-t-il posé.

Première panéliste à prendre la parole, Mme KARLA MAJANO DE PALMA, Directrice exécutive de l’Agence de coopération internationale de El Salvador, est venue apporter un éclairage national sur les enjeux dont il est question.  Elle a expliqué que face aux multiples crises qui ont frappé ces dernières années El Salvador, pays à revenu intermédiaire, l’Agence qu’elle dirige a été créée en vue d’améliorer les modalités de la coopération internationale, y compris la « coopération non remboursable ».  Pour cela, il faut tenir compte des divers défis auxquels se heurtent les pays en développement et aller au-delà de la mesure du progrès basée uniquement sur le revenu national brut (RNB), a argué l’intervenante.  Elle a ainsi conseillé de réimaginer les mesures des progrès en matière de développement durable et de suivre une approche plus équitable dans la coopération internationale.  Le but, a-t-elle précisé, est d’offrir aux pays en développement un meilleur accès aux ressources concessionnelles et non concessionnelles, et de leur apporter plus d’assistance technique.  Selon elle, ce changement de paradigme ne se limite pas à l’évaluation et à des statistiques qui permettent de mesurer le niveau de progrès des pays.  La paneliste a salué à cet égard le rôle du système des Nations Unies pour le développement et a mis l’accent sur l’importance des coordonnateurs résidents, faisant valoir que ce système permet d’apporter une réponse plus exhaustive en phase avec les besoins nationaux.

Lui emboîtant le pas, M. OLOF SKOOG, Chef de délégation de l’Union européenne (UE), a souligné la gravité des défis actuels et de la « fragmentation » du monde.  L’UE œuvre pour remédier à cette fragmentation et restaurer la foi dans la coopération internationale, a-t-il assuré.  Il a tout d’abord indiqué que l’aide publique au développement (APD) de l’Union européenne a augmenté de 4,4% en 2022 même si un effort reste encore à consentir pour atteindre les cibles qui ont été fixées.  Il a également redit l’engagement de l’UE en faveur de la mobilisation de 100 milliards de dollars pour le financement climatique au profit des pays en développement.  Il a rappelé l’importance d’investir dans les infrastructures, en ajoutant que c’est un axe de la politique de développement de l’UE, celle-ci investissant notamment en Asie et en Afrique.  Enfin, il a dit son intérêt pour l’initiative de Bridgetown pour une réforme du financement du développement et des taux d’intérêt durables. 

En tant que voix de la société civile, Mme CARMEN CORREA, Présidente et Directrice exécutive de Pro Mujer, a fait état des obstacles auxquels les femmes sont confrontées aujourd’hui, trois ans après le début de la pandémie de COVID-19: leur taux d’activité dans le monde entier a connu une chute historique, sachant qu’elles s’occupent des enfants âgés de moins de cinq ans.  C’est notamment le cas en Amérique latine et dans les Caraïbes, où la pandémie a entraîné un recul de près de 10 ans pour le taux d’activité des femmes, a-t-elle déploré.  Elle en a expliqué les raisons.  D’abord, environ 57% des femmes étaient employées dans des secteurs où la pandémie a eu des conséquences néfastes plus importantes pour l’emploi, notamment la vente, le travail domestique, le tourisme, les services administratifs, l’immobilier ou la santé.  En outre, les confinements et les restrictions liés à la pandémie sont venus exacerber la crise et ont accru la charge de travail des femmes avec des conséquences sanitaires, les forçant bien souvent à quitter leurs emplois.  La panéliste a également mentionné les effets des changements climatiques, qui ne sont pas neutres en ce qui concerne le genre, a-t-elle précisé.  Elle en a déduit qu’il faut absolument intégrer une perspective sexospécifique dans les processus décisionnels en la matière.  Elle s’est toutefois félicitée que l’Amérique latine soit la région du monde où il existe le plus grand nombre de femmes entrepreneures et où la moitié des PME sont fondées et gérées par des femmes.  Toutefois, a fait observer l’intervenante, 73% de ces entreprises ne trouvent pas les capitaux nécessaires pour fonctionner.  Son dernier conseil a été, pour tous les secteurs de la société, de coopérer pour créer des bases de données permettant de distinguer les vulnérabilités spécifiques auxquelles les femmes sont confrontées.  C’est selon elle la seule manière de créer des politiques répondant à leurs besoins. 

De son côté, M. ERIC PELOFSKY, de la Fondation Rockefeller, a mis en garde contre une aggravation potentielle de la situation dans le monde cette année.  Citant quelques statistiques, il a dit qu’en décembre 2022, au moins 10 pays étaient dans une situation difficile en termes d’endettement et que de nouvelles faillites sont à attendre.  Si l’an dernier les pays développés ont pu allouer 24% du PIB à la lutte contre l’impact de la pandémie de COVID-19, ce ne sont que 6% du PIB des pays en développement et 2% pour les pays à faible revenu qui y ont été consacrés, a-t-il ajouté.  Il a fait remarquer que la pandémie a balayé une décennie de progrès en matière de lutte contre la pauvreté.  Le calendrier diplomatique de cette année, a-t-il relevé, offre cependant quelques avantages pour la mobilisation de fonds, mais sans dates butoirs.  Il a aussi misé sur la nomination d’un nouveau Président à la Banque mondiale, dans un contexte où les appels à la réforme des institutions financières internationales se multiplient.  La vraie question reste de savoir si on est assez ambitieux et audacieux, a estimé M. Pelofsky. 

L’importance des financements concessionnels a été soulignée par M. ROBIN OGILVY, Représentant spécial de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) auprès de l’ONU, qui a aussi plaidé pour une coopération renforcée face aux conséquences des changements climatiques.  Il a relayé l’appel des pays à revenu intermédiaire à changer le critère du RNB comme critère d’accès aux financements concessionnels.  Il a aussi insisté sur l’importance de remédier aux goulots d’étranglement constatés dans le financement de la coopération du développement.  Nous devons enfin tirer les enseignements de la riposte mondiale apportée à la pandémie, a conclu le délégué. 

Les gouvernements doivent allouer les fonds nécessaires aux priorités en matière de développement, a recommandé pour sa part M. VITALICE MEJA, Directeur exécutif de Reality of Aid Africa Network, leur conseillant de prévoir un budget à cette fin.  Il a en effet noté que ce budget est très insuffisant chez la plupart des États Membres.  Impossible de répondre comme il se doit, dans ces conditions, aux crises auxquelles le monde est confronté, a tranché l’intervenant.  Il a ensuite attiré l’attention sur les difficultés endurées par les familles, qui, par exemple, ne savent pas comment nourrir leur bétail ou maintenir en vie leurs entreprises.  Pour lui, il est absolument essentiel de se concentrer sur les infrastructures qui soutiennent les plus vulnérables, en associant pleinement ces populations aux processus décisionnaires.  Dès lors, les gouvernements doivent créer dans leurs programmes et politiques un environnement favorable à la contribution de la société civile et des communautés les plus touchées, pour leur permettre de participer pleinement à leur propre développement.  Si le Directeur exécutif a appuyé le principe de collecte des données, il a cependant estimé que l’objectif n’est pas d’avoir en soi des données mais de pouvoir changer la nature des processus de prise de décision au niveau national. 

La discussion interactive qui a suivi ces présentations a mis en lumière à quel point le monde en développement a été inégalement affecté par les crises multiples des trois dernières années.  Concrètement, cela s’est traduit par un effondrement de l’indice de développement humain au cours des deux dernières années, a relevé Cuba, qui s’exprimait au nom du Groupe des 77 et la Chine, et une augmentation sans précédent des déficits de financement des pays en développement qui cherchent à atteindre les objectifs de développement durable (ODD).  Par conséquent, les intervenants ont insisté sur l’impératif d’une coopération renforcée et repensée en matière de développement, sans quoi la réalisation du Programme 2030 risque de dérailler.

Parmi les thématiques principales qui sont ressorties de la discussion, ce matin, il faut citer cette injonction à changer le paradigme de la coopération internationale pour le développement et l’impératif de changer la mesure du niveau de développement, au-delà du RNB, afin de tenir réellement compte de l’aspect multidimensionnel de la vulnérabilité des pays en développement.  Si la lutte contre la pauvreté doit rester au cœur des efforts collectifs, parce qu’il s’agit de l’enjeu principal d’un développement durable pour tous, les intervenants ont tour à tour souligné que la coopération en matière de développement doit être repensée pour permettre la « décolonisation de l’aide au développement », comme l’a dit le modérateur, et faire en sorte que les fonds arrivent réellement entre les mains des agents locaux du développement.  À l’instar de ce qu’a prôné le Groupe des 77 et la Chine, l’idée que l’APD et la coopération en matière de développement doivent s’offrir dans le respect des priorités nationales, est revenue souvent dans les interventions.  En effet, comme l’a dit la Directrice exécutive de l’Agence de coopération internationale de El Salvador, l’intervention internationale doit appuyer les politiques nationales.

Le Groupe des 77 et la Chine a également fustigé les pays développés qui n’honorent pas leurs engagements en termes d’APD, à quoi s’ajoute le fait que cette APD prend aujourd’hui souvent la forme de prêts plutôt que de dotations, aggravant ce faisant le niveau d’endettement déjà insoutenable de beaucoup de pays en développement, en particulier chez les plus vulnérables d’entre eux.  Il est indéniable en effet que les pays développés n’en font pas assez puisque leur APD ne se situe qu’autour de 0,33% et n’atteint donc pas le seuil de 0,7% du RNB.  Ils ne tiennent pas non plus leurs engagements en termes de financement de l’action climatique, ont relevé certains. 

Le nouveau paradigme de la coopération internationale doit donc veiller à ce que l’APD réponde aux besoins et aux contextes de chaque pays en développement et qu’elle ne vienne pas aggraver le lourd fardeau de leur dette, a exigé la Sierra Leone, qui parlait au nom du Groupe des pays d’Afrique.  En outre, il faut veiller à ce que cette aide ne devienne pas politisée ou un outil de pression, a insisté la Fédération de Russie.  Les appels se sont multipliés à la suspension de la dette de certains pays au bord de la faillite, ce qui appelle non seulement l’adoption de solutions exhaustives à moyen et long terme, mais aussi une évaluation critique des agences de notation et une réforme urgente des institutions financières internationales créées il y a 60 ans.  Le besoin de mettre en place des financements concessionnels et de repenser la manière d’accorder des prêts a notamment été mis en avant, parmi les questions auxquelles cette réforme doit répondre.  Toutefois, a remarqué le représentant de l’Union européenne, l’APD ne peut pas remplacer la structure de gouvernance des pays eux-mêmes.  Son argument a été que les capitaux privés ne vont que vers des environnements transparents et qui présentent une possibilité de rentabilité.  L’UE a donc insisté sur l’importance de la bonne gouvernance dans les pays récipiendaires de l’aide et des fonds internationaux et bilatéraux.

Toujours dans le but d’améliorer le financement du développement, le Groupe des pays d’Afrique a appelé à une meilleure coopération internationale en matière fiscale et à l’élimination des paradis fiscaux, compte tenu du fait que l’Afrique perd chaque année plus de 6 milliards de dollars en flux financiers illicites.  Un consensus très clair s’est également dégagé sur l’impératif de la baisse des coûts des capitaux et sur l’importance de l’accès rapide aux liquidités avec moins de conditions à remplir, surtout dans des situations d’urgence et de catastrophes naturelles.  S’agissant des effets des changements climatiques, la création, lors de la COP27, d’un fonds de réparation pour les « pertes et dommages » subis par les pays en développement à cause des changements climatiques a été vue comme un jalon important, même s’il reste encore beaucoup à faire, selon le représentant de la Fondation Ford.

La vulnérabilité multidimensionnelle des pays en développement a été largement invoquée avec des appels à mieux la prendre en compte dans la coopération en faveur du développement, comme l’a dit notamment le Maroc.  C’est aussi une priorité pour l’Australie pour qui on ne peut pas mesurer ce qu’on ne comprend pas.  C’est pourquoi le développement de l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle est essentiel pour mieux comprendre ce que signifie la résilience, car il s’appuie sur des éléments de preuve concrets et scientifiques, a fait valoir la délégation australienne.  Elle a soulevé la question de savoir comment le forum politique de haut niveau pourrait intégrer la question de la vulnérabilité dans les discussions sur la mise en œuvre du Programme 2030.

De leur côté, la Colombie, le Brésil et l’Équateur ont mis en avant le potentiel de la coopération Sud-Sud en faveur du développement, tout en insistant sur le fait qu’elle est complémentaire à la coopération Nord-Sud et ne saurait s’y substituer.

Alors que le monde se trouve à un tournant marqué par la tendance générale à réévaluer l’architecture internationale, l’Union européenne a donné rendez-vous au Sommet sur les objectifs de développement durable en septembre, en encourageant les délégations « à venir préparées et à faire preuve de réalisme ».  Le représentant de la Fondation Rockefeller a rebondi sur cette invitation pour souligner que 2023 offre également d’autres opportunités: le G20 se trouve sous présidence indienne et il y aura le sommet sur le financement du développement du Président Macron en juin.  « L’objectif ultime est de parvenir à un financement prévisible, adéquat et suffisant pour le développement. » 

Table ronde 2: Renforcer l’efficacité de la coopération pour le développement en vue de la résilience climatique

Cette table ronde, modérée par Mme BELLA TONKONOGY, Directrice associée pour le financement climatique à la Climate Policy Initiative, a été marquée par des appels insistants à une augmentation des sommes consacrées à la résilience climatique, celles-ci étant, de l’avis de tous les intervenants, notoirement insuffisantes.

Mme RANIA AL-MASHAT, Ministre de la coopération internationale pour le développement de l’Égypte, a rappelé que les besoins en financement augmentent alors que les investissements ne sont pas à la hauteur et ce, dans un contexte de catastrophes climatiques de plus en plus fréquentes.  Elle a déclaré que les dommages causés par ces catastrophes se sont élevés à 1 300 milliards de dollars en 2018.  Or, selon elle, les sommes consacrées à la résilience climatique sont largement insuffisantes puisqu’elles ne représentent que 5% du financement climatique.  Elle a indiqué qu’un manuel pour un financement juste au profit des pays en développement a été lancé lors de la COP de Charm el-Cheikh.  Les pays en développement doivent devenir maîtres de leur trajectoire climatique, a aussi estimé la Ministre.  « Ensemble, ouvrons nos cœurs et faisons en plus pour nos peuples et pour la planète. »

Comment faire face aux défis de la prévention des risques et de l’action climatique?  C’est-ce qu’a demandé M. KANTUTA DIANA CONDE CHOQUE, membre du Réseau de la jeunesse autochtone pour l’Amérique latine et les Caraïbes, en soulignant le rôle capital que jouent les territoires autochtones dans la prévention et la propagation de certaines maladies, grâce à une meilleure biodiversité.  L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a d’ailleurs mis en avant l’importance d’une approche plurisectorielle dans le cadre de l’ODD relatif à la santé et au bien-être, a-t-il fait observer.  Dans cette perspective, il a appelé à protéger les territoires autochtones et leur système de gouvernance.  Il a aussi demandé de garantir l’accès à l’autodétermination des populations autochtones.  Il faut également, a-t-il ajouté, respecter le consentement libre, éclairé et préalable de ces peuples.  L’intervenant a ensuite recommandé de promouvoir les connaissances traditionnelles des autochtones.  S’il s’est félicité des annonces de contribution faites en faveur de la protection des forêts, le panéliste a toutefois regretté que 7% seulement des financements aient été octroyés directement aux populations autochtones, demandant que cette situation change.

Mme ELEONORA BETANCUR GONZALEZ, Directrice de l’Agence présidentielle pour la coopération internationale de la Colombie, a rappelé que son pays est le deuxième au monde en termes de biodiversité, avec 311 types d’écosystèmes continentaux et marins et dont 53% du territoire sont couverts par des forêts.  Elle a cependant souligné que la Colombie est le deuxième pays le plus inégalitaire d’Amérique latine, avec un conflit interne qui a duré plus de 50 ans et qui a fait plus de 800 000 victimes.  Le nouveau Gouvernement Petro a adopté un programme politique ancré dans un nouveau plan de développement réformiste, qui incarne une vision du développement plaçant les êtres humains et la nature au centre des politiques publiques, a-t-elle informé.  Elle a précisé que ce plan propose la paix totale, la lutte contre les changements climatiques et une transition énergétique équitable comme catalyseurs de la transformation sociale du pays.  La coopération au développement, les banques multilatérales, le secteur privé, l’État et la société civile sont essentiels selon elle pour répondre en temps opportun au défi posé par les changements climatiques, qui affecte particulièrement les plus défavorisés, exacerbe les inégalités et compromet la sécurité et la souveraineté alimentaires.  Alors que la mobilisation de financements concessionnels et non remboursables en faveur du climat et de la nature est une priorité pour la Colombie, il est important de souligner, selon elle, que les biens publics mondiaux, tels que ceux des pays du Sud, relèvent de la responsabilité commune de tous les pays.  Elle a ajouté que les pays les plus développés doivent assumer leurs engagements financiers. 

La panéliste a martelé que les pays en développement ont besoin d’énormes ressources financières, qui ne compromettent pas leur espace fiscal limité et ne représentent pas un risque pour la viabilité de leur dette.  C’est d’autant plus vrai pour les pays à revenu intermédiaire, comme la Colombie, qui sont punis en termes d’accès au financement malgré les inégalités sociales qui persistent, a-t-elle fait valoir.  En tant que poumons du monde, les pays d’Amérique latine et des Caraïbes attendent des solutions de financement innovantes, qui mettent l’accent sur des alternatives telles que la conversion de la dette en action climatique afin de libérer des ressources.  Pour l’intervenante, il est urgent de repenser l’architecture financière internationale pour mieux financer l’adaptation climatique, afin que les actions des États soient complétées par des soutiens des banques privées et multilatérales. 

M. MUNIR AKRAM, (Pakistan) est revenu sur la catastrophe endurée l’an dernier par son pays, touché par des inondations massives.  Le facteur de résilience a été inclus dans le plan de relèvement du Pakistan, a-t-il dit.  Il a chiffré à 17 milliards de dollars la somme nécessaire pour reconstruire ce qui a été détruit, tandis que 13 milliards sont nécessaires pour renforcer la résilience climatique.  Les sommes pour l’atténuation des conséquences des changements climatiques ne sont pas suffisantes, selon lui.  « Il faut changer de cap. »  Il a appelé à la mise en place d’infrastructures durables, en rappelant les sommes qu’il faut consentir pour cela et qui se chiffrent en mille milliards de dollars.  Il a enfin plaidé pour une réforme des droits de tirage spéciaux (DTS) au profit des pays en développement et pour une augmentation de l’APD.

M. FACINET SYLLA, Directeur exécutif du Fonds monétaire international (FMI), a reconnu l’importance particulière que le sujet à l’ordre du jour a pour les pays en développement, en particulier les pays africains, qui de façon disproportionnée sont pénalisés par les changements climatiques, avec des sécheresses fréquentes et catastrophiques et des inondations de zones côtières, alors même qu’ils n’ont contribué que de façon marginale aux émissions de gaz à effet de serre.  Compte tenu des conséquences de plus en plus grandes qu’ont les changements climatiques sur le financement public, qui dépend avant tout de la balance des paiements, le FMI doit trouver d’autres formes de financement, a-t-il reconnu.  C’est la raison pour laquelle a été récemment créé un fonds pour aider les pays à revenu intermédiaire et à faible revenu à surmonter des difficultés structurelles dans une optique de long terme.  C’est la première fois que le FMI crée un instrument financier à long terme, étalé sur 20 ans, avec des taux d’intérêt très bas, a observé le Directeur.  Le Rwanda est jusqu’à présent le seul pays africain à en avoir profité, avec l’Équateur et la Barbade pour le reste du monde, a-t-il précisé.

Mme LUZ KEILA VIRGINIA GRAMAJO VILCHEZ, Secrétaire chargée de la planification et de la programmation à la Présidence du Guatemala, a appelé à répondre à la crise climatique, en exhortant les pays développés à honorer leurs engagements à ce titre, notamment la mobilisation de 100 milliards de dollars par an pour le climat au profit des pays en développement.  Le Guatemala est le deuxième pays de l’Amérique latine à s’être doté d’une loi-cadre sur les changements climatiques, a-t-elle ensuite fait valoir.  Elle a aussi évoqué le système de planification et de gestion des risques mis en place par son pays.  L’intervenante a souligné la nécessité que les pays à revenu intermédiaire bénéficient également de l’APD.  Nous ne pouvons pas nous en remettre uniquement à la coopération internationale et il faut davantage d’investissements au niveau national, a-t-elle conclu, en rappelant que les récentes inondations ont coûté 6 milliards de dollars au Guatemala.

Mme JENNIFER DEL ROSARIO-MALONZO, Directrice exécutive de IBON International, a insisté sur le besoin d’une coopération internationale pour remédier aux vulnérabilités des pays en développement face aux changements climatiques.  Notant que la cible des financements climatiques n’a pas encore été atteinte, elle a également dénoncé le fait que l’aide en la matière soit souvent sous forme d’emprunts alors même que les pays en développement sont déjà surendettés.  Une coopération efficace suppose en outre que les pays du Sud puissent eux-mêmes fixer leurs priorités de développement, a-t-elle souligné, en recommandant qu’ils s’attaquent aux causes profondes de leurs vulnérabilités.  En dernier lieu, l’intervenante a insisté sur le respect des droits des individus, en saluant, à cet égard, la mise en place du fonds « pertes et dommages » créé par la COP27.

Enfin, c’est le sujet du financement durable qui a été traité par M. JONATHAN GLENNIE, Cofondateur de Global Nations, qui a parlé d’une analyse qu’il a faite il y a huit ans avec Jose Antonio Alonso, un des principaux experts mondiaux de la question.  Il a énoncé les critères à remplir pour une bonne coopération au développement: viser à soutenir les priorités du développement, ne pas être guidé par le profit, aider les pays en développement en se reposant sur une relation de coopération pour que ces pays s’approprient pleinement les projets.  Avec son coauteur, ils ont identifié les types de coopération: transferts financiers, transferts en nature, renforcement des capacités et changements politiques.  M. Glennie a aussi cité des obstacles qui entravent la coopération au développement en matière de changements climatiques: manque de conscience du sentiment d’urgence, dominance de la perspective un peu étriquée du Nord sur la façon de procéder, séparation entre le climat et le développement qui n’aide pas à lever les fonds (il vaut mieux parler de financement durable plutôt que de financement climatique selon lui). 

Les solutions qu’a proposées M. Glennie sont notamment de mobiliser davantage d’investissements publics, d’élargir l’accès aux financements concessionnels pour les pays vulnérables aux changements climatiques, et de faire en sorte que l’architecture financière internationale tienne compte des risques climatiques.  Deux pays à revenu faible sur trois sont confrontés à une crise de l’endettement, a-t-il indiqué en faisant remarquer que 80% du financement climatique prend la forme de prêts, même pas à taux préférentiels, ce qui est aussi un problème pour les pays à revenu intermédiaire.  L’expert a aussi appelé à améliorer l’efficacité de la gouvernance des grands fonds, car ces systèmes ont été créés il y a 60 ans et ne se sont pas adaptés à la situation actuelle.  Il a encore proposé de mener à bien des campagnes sur l’adaptation, pour bénéficier du soutien du public qui est important en la matière.

Lors de la discussion interactive qui a suivi, les enjeux financiers ont été abondamment évoqués par les délégations, à commencer par la Côte d’Ivoire qui a reconnu que les pays en développement peinent à renforcer leur résilience climatique. Le délégué a rappelé que la COP27 à Charm el-Cheikh a souligné l’importance du financement de la réparation pour les pertes et dommages subis par les pays en développement. De son côté, le Panama a indiqué que la résilience climatique est une priorité de son pays, qui a organisé début mars un sommet « notre océan, notre lien ». Près de 21 milliards de dollars ont été annoncés en vue de la protection des océans, a dit la déléguée de ce pays, en rappelant la décarbonation en cours du canal de Panama, pays qui devrait parvenir à la neutralité en 2030.  « Nous avons besoin de financements supplémentaires pour tenir les accords pris en vue de remédier au défi climatique », a-t-elle toutefois prévenu.

Les Maldives ont aussi insisté sur l’importance de préserver les océans, avant de qualifier le financement des mesures d’atténuation et d’adaptation climatique de « défi colossal » pour son pays.  « L’érosion côtière a une incidence très forte sur les réserves en eau potable et sur la sécurité alimentaire des Maldives », a dit le délégué, en demandant un doublement des sommes affectées auxdites mesures.

Même son de cloche du côté de l’Équateur et de la République dominicaine, ce pays plaidant pour un financement non-discriminatoire. Les pays concernés ne doivent pas s’endetter pour renforcer leur résilience climatique, a plaidé la déléguée équatorienne qui a insisté sur le besoin de coopération internationale pour parvenir à son objectif de résilience climatique.

L’Angola a, lui, insisté sur les progrès accomplis par les pays africains dans le financement des mesures de résilience climatique, avant de rappeler, comme la Côte d’Ivoire avant lui, l’importance « historique » de la dernière COP27 et de son financement prévu pour combler les pertes et dommages. Le Bélarus a attiré l’attention sur la situation particulière des pays en transition et à revenu intermédiaire. « Mon pays a pour objectif la neutralité carbone mais a besoin, pour cela, de l’appui international », a déclaré la déléguée de ce pays, avant d’ajouter que les sanctions sont un obstacle au développement durable.  Enfin, à l’instar de son homologue du Brésil, elle a exhorté les pays développés à honorer leurs engagements financiers en matière climatique.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Commission de la condition de la femme: société civile et experts recommandent des données ventilées pour un avenir numérique équitable

Soixante-septième session,
13e & 14e séances plénières, matin & après-midi
FEM/2227

Commission de la condition de la femme: société civile et experts recommandent des données ventilées pour un avenir numérique équitable

Experts et ONG se sont mobilisés, aujourd’hui, lors de la poursuite des travaux de la Commission de la condition de la femme pour partager leur vision d’une feuille de route innovante, s’appuyant sur des données ventilées et des approches croisées pour atteindre les femmes et les filles les plus marginalisées afin qu’elles soient en phase avec la technologie 4.0. 

Réunies pour mener une réflexion sur ce qui sous-tend les cercles vicieux qui perpétuent ces disparités, les délégations ont suggéré d’aborder cette problématique sous un angle « plus inclusif », relevant notamment que le numérique perpétue les inégalités du monde réel. 

Près de 10 ans après le début de la quatrième révolution industrielle, il est difficile de nommer une industrie qui n’a pas adopté la transformation numérique, a constaté la rectrice de l’Université des affaires et de la technologie, en Géorgie.  Pourtant, a-t-elle ajouté, les femmes demeurent sous-représentées dans les domaines qui bénéficient du développement technologique, comme le confirme une étude du Global Gender Gap Report qui indique qu’il faudra encore 132 ans pour parvenir à l’égalité en milieu de travail. 

Parmi les membres de la société civile et des experts, plusieurs intervenants sont montés au front, à l’instar de la Directrice générale du SUPERRR Lab, pour qui les données mondiales sur l’impact sexospécifique de la technologie numérique sont parfois trop simplistes.  De fait, a acquiescé la Directrice exécutive de ICT Africa, pour informer et influencer la prise de décisions, il est nécessaire de produire des données rigoureuses ventilées par sexe capables de mettre en évidence d’autres inégalités et d’isoler les points exacts de l’intervention politique nécessaire. 

Consciente de la « vulnérabilité » de la science des données aux préjugés sociaux en matière de genre, la Directrice exécutive de IT for Change a noté pour sa part qu’un système d’intelligence artificielle qui ne tient pas compte de la différenciation de statut social produite par les « opérations intersectionnelles du pouvoir de genre » pourrait entraîner des services inférieurs pour les femmes et les personnes non binaires, et déboucher sur une répartition inéquitable des ressources et le renforcement des stéréotypes. 

De son côté, la Directrice générale du SUPERRR Lab a constaté que face à la censure, à la violence sexiste et au retrait de la vie en ligne que vivent nombre de femmes, de filles et de personnes non conformes, les décideurs politiques répondent le plus souvent par des solutions techniques, citant entre autres la modération des contenus, la désanonymisation, la conservation des données et la surveillance en ligne.  Or, il ne s’agit pas de problèmes « numériques », mais de problèmes sociaux ancrés dans le monde hors ligne et multipliés grâce à la technologie, a-t-elle fait remarquer.  Selon elle, recourir à des solutions techniques pour tenter de régler des problèmes sociaux risque d’ouvrir la voie à des dérives fonctionnelles et d’affaiblir la sécurité de toutes les personnes en ligne.  Les femmes et les personnes non conformes seront les premières à être lésées par les conséquences de telles mesures, a-t-elle averti. 

Et que dire de la violence dont sont victimes les femmes âgées vivant en milieu rural ou la communauté LGBTQI d’un certain âge, a fait remarquer la Secrétaire générale des droits humains, de la gérontologie communautaire, du genre et des politiques de soins de l’Institut national des services sociaux pour les retraités de l’Argentine, pointant du doigt le peu de données sur cette « violence invisible » dont elles sont victimes, car la recherche sur la violence fondée sur le genre dans le monde couvre en général la tranche d’âge jusqu’à 49 ans. 

Malheureusement, la violence sexiste facilitée par la technologie est devenue l’un des outils les plus courants et les plus accessibles, les auteurs pouvant agir de manière anonyme et sans souci quant à leur responsabilité, a dénoncé la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences.  Elle a relevé que ces actions sont aidées par le niveau élevé de tolérance des plateformes Internet envers la violence sexiste ainsi que par le cadre juridique national qui ne parvient souvent pas à faire respecter les droits humains de tous les groupes de la société. 

Alors si l’objectif est d’exploiter pleinement le potentiel de la technologie, il faut veiller à ce qu’elle soit guidée par les mêmes principes démocratiques que ceux sur lesquels nos sociétés sont fondées, a recommandé la Présidente du Bureau des femmes parlementaires de l’Union interparlementaire (UIP).  La technologie n’est pas une simple boîte à outils, elle est un catalyseur du changement social, a-t-elle notamment souligné. 

La Commission reprendra ses travaux demain, mercredi 15 mars, à partir de 10 h 30. 

SUITE DONNÉE À LA QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES ET À LA VINGT-TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE INTITULÉE « LES FEMMES EN L’AN 2000: ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, DÉVELOPPEMENT ET PAIX POUR LE XXIE SIÈCLE »

Réalisation des objectifs stratégiques, mesures à prendre dans les domaines critiques et autres mesures et initiatives - (E/CN.6/2023/3E/CN.6/2023/4E/CN.6/2023/5)

Thème prioritaire: innovation et évolution technologique, et éducation à l’ère du numérique aux fins de la réalisation de l’égalité des sexes et de l’autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles

Thème de l’évaluation: problèmes à régler et possibilités à exploiter pour parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes et des filles en milieu rural (conclusions concertées de la soixante-deuxième session)

Questions nouvelles, tendances, domaines d’intervention et approches novatrices des questions ayant une incidence sur la situation des femmes, notamment sur l’égalité entre femmes et hommes

Prise en compte des questions de genre, situations et questions intéressant les programmes (E/CN.6/2023/2E/CN.6/2023/7E/CN.6/2023/10)

Suite de la discussion générale

Mme UGOCHI DANIELS, Directrice générale adjointe chargée des opérations à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a rappelé que la moitié des envois de fonds, au niveau mondial, sont effectués par des femmes entrepreneuses.  Or, ces transferts reposent sur des méthodes plus traditionnelles, avec un coût de transaction plus élevé, et les femmes migrantes disposent d’informations et d’accès limités à des services de transfert de fonds sûrs et abordables, ainsi qu’à des technologies de télécommunication, telles que le téléphone portable et Internet.  Les technologies numériques constituent donc, aux yeux de l’OIM, une voie essentielle vers l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles.  Grâce aux progrès technologiques, a indiqué la Directrice générale adjointe, il existe de nouvelles possibilités d’enquêter sur des pratiques telles que les offres d’emploi trompeuses, de renforcer les poursuites grâce aux preuves numériques et de fournir des services de soutien aux survivantes dans les régions où l’accès est limité en raison des conflits, par exemple.  L’OIM a pour sa part joué un rôle actif en soutenant diverses plateformes en ligne permettant aux femmes rapatriées de partager leurs expériences migratoires en partenariat avec les pays de destination, afin d’assurer, a dit l’intervenante, des migrations sûres, ordonnées et régulières. 

Mme BINETA DIOP, Envoyée spéciale de la Commission de l’Union africaine pour les femmes, la paix et la sécurité, a indiqué que 2023 marque le vingtième anniversaire du Protocole de Maputo sur les droits de la femme, l’occasion de célébrer les progrès considérables accomplis par l’Afrique dans la promotion et la protection des droits humains des femmes, tout en offrant la possibilité de redéfinir les priorités d’action dans des domaines essentiels, tels que l’innovation, la technologie et l’éducation à l’ère du numérique.  La jeunesse de la population africaine, dont la majorité est constituée de jeunes femmes, offre une énorme possibilité d’innovation et de transformation numérique, a-t-elle fait valoir, et c’est pourquoi l’UA a fait du développement socioéconomique fondé sur le numérique une priorité absolue.  À ce sujet, elle a cité la stratégie de l’UA pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, qui donne la priorité à la maximisation des dividendes de l’e-tech comme moyen de contribuer au développement durable des femmes grâce à une participation accrue dans l’espace technologique.  Elle a également évoqué la stratégie pour la science, la technologie et l’innovation en Afrique 2024 (STISA-2024) qui place la science, la technologie et l’innovation à l’épicentre du développement socioéconomique de l’Afrique; de même que la stratégie de l’UA pour l’éducation numérique.  En outre, la stratégie de transformation numérique pour l’Afrique (2020-2030) vise à générer une croissance économique inclusive et à réduire la fracture numérique.  Par ailleurs, la Commission de l’UA a lancé récemment la feuille de route pour la mise en œuvre de la deuxième Décennie de l’inclusion financière et économique des femmes africaines (2020-2030). 

M. REIN TAMMSAAR (Estonie) a déploré que les mêmes structures de déséquilibre de genre sont présentes à la fois hors ligne et en ligne.  Il a indiqué que son pays a essayé, dès 1991, d’être pionnier dans le domaine du numérique en lançant des initiatives notamment pour les opérations de vote.  Cette mesure a permis à quelque 50% de citoyens de voter en ligne, dont de nombreuses femmes, s’est-il félicité.  Cependant, a-t-il poursuivi, les femmes en Estonie ne représentent que 30% des personnes diplômées dans le domaine des technologies.  Il faut donc faire plus pour encourager les femmes à choisir le domaine des STIM. Il a salué les initiatives du secteur privé, notamment un programme d’enseignement de la robotique spécifiquement conçu pour les femmes.  De même, des séminaires, ateliers et bourses visent à encourager les femmes et les filles à faire carrière dans ces filières. 

M. MELUSI MASUKU, Secrétaire permanent, Bureau du Vice-Premier Ministre de l’Eswatini, a appelé à combattre les stéréotypes de genre, notamment celui qui voudrait que les sciences soient l’affaire des garçons.  Il a rappelé que son pays est partie à plusieurs instruments régionaux et internationaux promouvant l’égalité entre les genres.  Il a ensuite détaillé les efforts de son pays pour protéger les femmes et filles de toute violence dans le cyberespace.  Il a notamment cité la loi sur les violences sexuelles et conjugales adoptée en 2018 qui érige en infraction pénale la réalisation et distribution de contenus pornographiques.  L’inclusion numérique des filles est cruciale pour qu’elles puissent exprimer leur plein potentiel, a-t-il dit.  

M. NASEER AHMED FAIQ (Afghanistan) a condamné l’« apartheid de genre » qui prévaut actuellement dans son pays.  Alors que les femmes et les filles avaient enregistré des avancées considérables et pouvaient participer à toutes les facettes de la société, et ce en dépit des défis structurels que connaissait l’Afghanistan, elles sont à présent privées de leurs droits fondamentaux, a dénoncé le représentant.  Ces acquis ont volé en éclat avec l’arrivée au pouvoir des Taliban.  Et les femmes et les filles sont aujourd’hui effacées de toute la vie sociale et politique du pays.  On les prive désormais de leurs libertés et on leur refuse le droit à l’éducation et au travail, s’est-il indigné, rappelant que les établissements d’enseignement leur sont fermés depuis plus d’un an et que des limitations leurs sont aussi imposées dans les transports publics.  Après des années de conflit qui ont eu un impact sur tous les aspects de leur vie, les femmes et les filles sont contraintes de rester chez elles et subissent une situation dont elles ne sont pas responsables, a-t-il ajouté, avant d’évoquer la grave crise économique et humanitaire que traverse l’Afghanistan.  Appelant la communauté internationale à ne pas oublier les femmes et les filles afghanes, il a souhaité que des pressions soient exercées sur le régime taliban afin qu’il respecte leurs droits et leur permette de participer à toutes les sphères de la vie publique.

Mme NOEMI RUTH ESPINOZA MADRID (Honduras) s’est dite fière de s’exprimer au nom d’un pays dirigé pour la première fois de son histoire par une femme.  Elle a indiqué que le plan de refondation national mis en œuvre par son gouvernement vise à faire du Honduras un pays exempt de patriarcat, de xénophobie, de discrimination et d’inégalités, avec une attention prioritaire accordée à l’égalité et à la justice de genre.  Dans cet esprit, a-t-elle précisé, un secrétariat aux affaires féminines a été créé, ce qui a permis de lancer un plan national de lutte contre les violences faites aux femmes 2023-2033, aligné sur le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination des toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et de réaliser la première enquête nationale spécialisée sur la violence à l’égard des femmes.  Selon la représentante, le nouveau secrétariat s’est également attelé à l’élaboration d’un protocole de prise en charge intégrale des victimes et survivantes de violences sexuelles ainsi qu’à la préparation d’une loi spéciale contre la violence à l’égard des femmes.  Tout cela, a-t-elle conclu, ne peut être réalisé que par la mise en œuvre de programmes qui assurent non seulement la protection des femmes et des filles, mais aussi favorisent leur développement, leur accès aux opportunités et leur participation aux activités économiques, éducatives, sociales et politiques. 

Mme NELLY BENAKEN ELEL (Cameroun) a reconnu que malgré les possibilités offertes par les nouvelles technologies, la participation des femmes et des filles aux métiers dans ce domaine reste faible.  Elle a dénoncé les violences en ligne dont les femmes et les filles sont souvent les premières victimes.  Le Gouvernement a mis en œuvre diverses initiatives afin de favoriser la participation des femmes et des filles aux nouvelles technologies, notamment la création de centres multimédias dans les lycées, la mise en place de projets d’accélération de la transformation numérique, des projets visant à réduire la fracture numérique entre les hommes et les femmes, ainsi que l’aménagement de maisons numériques.  La mise en œuvre du programme d’appui à l’autonomisation des femmes vise en outre à doter les femmes de matériel informatique afin d’assurer leur formation dans les technologies numériques, a-t-elle expliqué.  Au nombre des défis qui subsistent, la représentante a mentionné le besoin de renforcer les capacités des femmes et des jeunes dans le domaine numérique, en particulier dans les zones rurales.

Tout en reconnaissant la portée des technologies numériques comme espaces d’apprentissage, d’échange et de prise de décisions plus inclusifs, Mme LESIA VASYLENKO, Présidente du Bureau des femmes parlementaires de l’Union interparlementaire (UIP), a déploré les écarts entre hommes et femmes qui se creusent de jour en jour.  La technologie n’est pas une simple boîte à outils, elle est un catalyseur du changement social, a souligné la parlementaire. 

Mais la violence en ligne et la violence facilitée par la technologie affectent les femmes et les jeunes filles de manière très spécifique et néfaste, a observé la parlementaire.  Par conséquent, a-t-elle fait valoir, si l’objectif est d’exploiter pleinement le potentiel de la technologie, il faut veiller à ce qu’elle soit guidée par les mêmes principes démocratiques que ceux sur lesquels nos sociétés sont fondées.  Enfin, pour être adaptés à leur mission, les parlements doivent être transformés en institutions sensibles à la dimension de genre.  Or, seuls 26,5% des parlementaires sont des femmes, soit une augmentation de 0,4 point en un an uniquement.  C’est pourquoi la technologie doit être un moyen de réaliser cette transformation dans nos propres parlements pour permettre aux députées de trouver un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée et de mieux communiquer avec leurs électeurs dans toute leur diversité, a conclu la parlementaire. 

Mme VALERIE GUARNIERI, du Programme alimentaire mondial (PAM), a averti contre la crise alimentaire mondiale en cours et son impact disproportionné sur les femmes et les filles en raison des inégalités de genre profondément ancrées qui affectent l’accès à la nourriture et sa disponibilité.  En matière d’innovation et de changements technologiques, ainsi que d’éducation pour réaliser l’égalité des sexes, le PAM a débloqué plus de 3 milliards de dollars à environ 50 millions de personnes en 2022, en accordant la priorité aux femmes.  Ces dernières années, a-t-elle informé, le PAM s’est efforcé d’accompagner les femmes sur la voie de l’inclusion financière numérique et de l’autonomisation économique.  C’est pourquoi il les aide à accéder à des comptes mobiles chaque fois que possible dans le cadre de ses opérations de trésorerie, a précisé l’intervenante, citant l’exemple de l’Ouganda, où après avoir identifié les obstacles, le PAM a travaillé avec la Banque nationale pour augmenter le nombre d’agents bancaires féminins et de femmes disposant de comptes.

M. RAID BREDEL, de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), a indiqué que cette agence spécialisée s’est fixé pour objectif de porter 45% de projets contribuant à l’égalité de genre et à l’autonomisation de femmes.  À l’ONUDI, a-t-il dit, nous avons la responsabilité de garantir l’accès des femmes à des emplois décents et de créer un environnement porteur pour que les femmes puissent créer des entreprises.  Hélas, elles ne représentent que 38% de la main d’œuvre dans le domaine industriel, perçoivent des salaires moyens plus faibles que ceux des hommes et n’occupent qu’une faible proportion des emplois de direction, a-t-il déploré, faisant également état d’une sous-représentation des femmes dans les secteurs d’avenir et dans les postes techniques ou numériques offrant de meilleures rémunérations.  De surcroît, les PME et les micro-entreprises dirigées par des femmes détiennent moins de capital que celles pilotées par des hommes.  Dans ce contexte, le travail de l’ONUDI consiste à renforcer l’innovation et à accélérer les investissements, tout en tentant de maximiser les effets positifs pour les femmes.  Le dispositif de développement de l’apprentissage lancé par l’ONUDI avec l’appui de la Suède permet ainsi de développer les compétences industrielles des jeunes femmes dans les pays en développement.  L’ONUDI s’emploie en outre à soutenir les femmes qui font progresser les technologies porteuses de transformation, a ajouté le représentant, non sans reconnaître que les femmes entrepreneurs font face à un triple désavantage: des stéréotypes de genre, une absence de garanties pour les financements et un manque d’accès aux réseaux et aux marchés.

M. PAUL BERESFORD-HILL, de l’Ordre souverain de Malte, a déploré que les femmes et les filles soient de plus en plus exposées à l’exploitation et aux abus de toutes sortes, une situation qui ne changera pas tant que les normes culturelles néfastes ne cesseront pas.  À ses yeux, l’éducation représente la solution idoine pour mettre un terme à ces abus.  L’éducation est un droit, a poursuivi le délégué, et il n’existe pas d’outil plus puissant pour le développement que l’éducation des femmes et des filles.  Pour éradiquer la pauvreté et les inégalités, toutes les salles de classe du monde doivent compter autant de filles que de garçons, a insisté le représentant qui a également misé sur l’éducation de tous pour relever le défi des changements climatiques.  « Le temps est venu pour que les femmes aient une influence dans le monde », a-t-il ajouté, en appelant les femmes « à aider le monde à ne pas faillir ».  Les investissements dans l’éducation ne doivent pas s’arrêter dans les salles de classe, a encore dit le délégué, en mettant en garde contre l’utilisation de la technologie par les groupes criminels.

Mme ISMAHANE ELOUAFI, de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a déploré que des millions de femmes rurales continuent d’être confrontées à des contraintes considérables liées au genre dans l’accès aux solutions innovantes des systèmes agroalimentaires, mais aussi aux actifs, au financement et à la connaissance.  Pourtant, elle s’est dite convaincue que les technologies innovantes peuvent réduire la charge de travail des femmes et favoriser l’accès aux ressources productives et aux services.  De plus, a-t-elle fait valoir, l’innovation et les technologies peuvent contribuer à la production de statistiques sexospécifiques afin d’éclairer l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes et d’identifier des obstacles institutionnels et politiques à l’égalité entre les hommes et les femmes. 

Toutefois, a nuancé l’oratrice, l’innovation peut également générer de nouveaux problèmes et ne pas profiter nécessairement à tous de la même manière.  Si elles ne sont pas correctement conçues et mises en œuvre, les interventions en matière d’innovation peuvent aggraver les inégalités existantes, a-t-elle mis en garde.  Enfin, l’égalité entre les sexes est également l’un des principes directeurs de la toute première Stratégie de la FAO pour la science et l’innovation, qui a été approuvée par le Conseil de la FAO en juin 2022, a indiqué la représentante.  À titre d’exemple, l’Organisation a développé avec des partenaires une série d’applications qui permettront aux jeunes agriculteurs du Rwanda de suivre et d’améliorer leurs opérations agricoles, leurs ventes et leurs achats. 

M. ALVARO LARIO, Président du Fonds international de développement agricole (FIDA), a d’entrée mentionné les nombreux obstacles qui se dressent encore sur la voie de l’égalité numérique entre les sexes, notamment en Afrique, où les deux tiers des femmes n’ont pas accès à Internet.  Pour lui, c’est parce qu’elles sont trop chères, conçues sans l’apport des femmes, et ne répondent donc pas à leurs besoins spécifiques, ou encore, en raison de l’absence des compétences nécessaires due à leur accès limité à l’éducation et à la formation.  Parmi les autres contraintes supplémentaires, le Président a également mentionné les barrières culturelles et les tâches ménagères disproportionnées.  C’est pourquoi le FIDA s’efforce de combler le fossé numérique d’une manière intégrée et inclusive, en mettant l’accent sur les populations rurales.  L’objectif, a-t-il expliqué, est de soutenir le développement de solutions numériques sensibles à la dimension de genre et culturellement adéquates.  « Nous avons appris à combiner les nouvelles technologies avec les formes traditionnelles de communication », a-t-il fait valoir, en invitant, pour finir, les gouvernements, les entreprises privées et les particuliers à se joindre à ce processus.

Mme CHIDI KING, de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a indiqué que les femmes sont deux fois plus touchées par le chômage que les hommes et que les personnes handicapées ont, quant à elles, deux fois moins de chance de réussir dans la vie, ayant des emplois moins sûrs et moins bien payés.  En outre, la différence dans les revenus est de 20% entre les hommes et les femmes.  Elle a dénoncé la discrimination à tous les niveaux qui empêche les femmes d’accéder au marché du travail ou d’y être promues.  La représentante a également appelé à combler le fossé numérique, notamment en permettant aux femmes d’utiliser ces technologies à la demande et en levant les obstacles culturels qui empêchent les femmes et les filles d’avoir accès à ces outils.

Mme AKULLO, de Action by Churches Together (ACT) Alliance, a jugé essentiel que les technologies numériques et les cadres politiques contribuent à accroître la participation politique des femmes et à renforcer leur autonomie sexuelle et économique.  Il est tout aussi important selon elle que les États Membres s’accordent sur un nouveau langage normatif qui s’attaque aux inégalités structurelles entre les sexes et contribue à créer des sociétés inclusives.  À cette fin, elle a recommandé d’investir dans les infrastructures afin qu’elles atteignent les plus marginalisés, y compris les communautés rurales, et de rendre les outils numériques et le coût d’Internet abordables.  Il faut également prévenir et traiter les violences sexuelles et sexistes, grâce notamment à des outils en ligne, et utiliser les innovations numériques pour promouvoir l’inclusion financière et permettre aux groupes vulnérables, tels que les femmes rurales, de prendre pied dans le domaine du numérique, par le biais, par exemple, de la numérisation des associations volontaires d’épargne et de prêt.  La déléguée a demandé en terminant aux États Membres d’intégrer des dimensions de genre dans leurs principaux cadres politiques et législatifs.

Mme ALVA, de l’Association internationale des étudiants en sciences économiques et commerciales (AIESEC International), a indiqué que cette ONG, qui est présente dans plus de 100 pays, représente quelque 30 000 jeunes dans le monde, dont 64% sont des dirigeantes.  Depuis sept ans au sein de l’organisation, elle a dit avoir constaté le rôle important des ONG dans le développement du leadership des jeunes et l’élévation de la voix des jeunes femmes, en particulier dans les zones rurales.  Elle a cité l’exemple d’une jeune Népalaise qui fréquente l’Université de Katmandou et a rejoint l’AIESEC l’an dernier.  En occupant un rôle de leadership au sein de l’association, Suraksha a pu établir des liens mondiaux, accroître sa compréhension interculturelle, développer ses compétences et créer des amitiés qui dureront toute sa vie, a souligné la représentante.  Elle a ensuite invité les décideurs à investir dans les ONG offrant aux jeunes des opportunités de développement du leadership.

Mme CASTILLO JIMENEZ, d’Amnesty International, a rappelé que les femmes et les filles dans toute leur diversité, en particulier les défenseuses des droits humains, sont souvent ciblées, harcelées, intimidées et attaquées par le biais de tactiques facilitées par la technologie.  De plus, a-t-elle relevé, les femmes racialisées, les femmes issues de minorités ethniques ou religieuses, les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, ainsi que les personnes de diverses identités de genre, les travailleuses du sexe et les femmes handicapées sont exposées à des formes uniques et complexes de violence sexiste facilitée par la technologie.  Elles sont en outre confrontées à des formes multiples et croisées de discrimination qui entravent leur accès aux TIC.  Si nous voulons parvenir à un accès sûr et à une participation pleine, égale et significative des femmes et des filles aux espaces numériques, une approche fondée sur les droits est essentielle, a-t-elle soutenu, avant d’exhorter les États Membres à exprimer leur détermination à cet égard.  Pour ce faire, il importe de mettre en œuvre un moratoire immédiat sur la vente, le transfert et l’utilisation de la technologie de surveillance jusqu’à ce que des garanties adéquates en matière de droits humains soient en place, a plaidé la responsable.  Il faut aussi, selon elle, rejeter l’utilisation de formes de censure en ligne, les demandes de suppression de compte et les restrictions à la liberté d’expression sous le couvert de lois portant sur la moralité ou l’ordre public.  Enfin, elle a exhorté à l’adoption de lois et de politiques qui traitent de la fracture numérique entre les sexes grâce à la participation pleine, effective, égale et significative des femmes et des filles. 

Mme JOMS SALVADOR, de Asia Pacific Forum on Women, Law and Development (APWLD), s’est inquiétée de l’augmentation des réglementations qui pénalisent les activités numériques et empiètent sur les libertés d’expression et d’opinion en ligne et hors ligne.  Elle a ensuite appelé à examiner les conséquences de la transformation numérique sur les droits humains et les changements climatiques.  Si Internet était un pays, il serait le sixième plus gros consommateur d’électricité de la planète, a-t-elle fait remarquer.  Et la production de téléphones portables et d’ordinateurs s’accompagne de sa propre empreinte environnementale, notamment l’extraction et le traitement de minerais rares. 

Elle a averti que l’empreinte environnementale de l’infrastructure de la transformation numérique fait peser de graves menaces sur notre planète et les générations futures, déplorant l’absence de discussions politiques sur ces questions.  Elle a appelé à tenir compte de la sécurité individuelle et des droits humains dans les discours politiques sur la cybersécurité et à dépénaliser et protéger les actes de résistance en faveur des droits humains des femmes et de l’égalité de genre.  Il faut également transformer les politiques macroéconomiques, y compris les règles commerciales, et établir un mécanisme de responsabilité pour réglementer les grandes entreprises technologiques et numériques. 

Mme EVELYN BOY-MENA, de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a déclaré que le treizième programme de travail 2019-2025 de l’OMS met l’accent sur les droits humains et la santé numérique pour faire avancer l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes.  Ces services de santé ont le potentiel de « changer le paradigme » en augmentant l’accessibilité aux soins de santé, notamment sexuelle et reproductive, et en améliorant la diffusion d’informations en temps de crise.  Si les transformations numériques peuvent avoir des retombées positives, elles doivent cependant s’appuyer sur des politiques tenant compte des questions de genre et reposant sur une approche inclusive.  Elle a ensuite appelé à combler le fossé numérique dans les zones rurales et isolées afin de parvenir à une véritable égalité des chances. 

Mme BIPLABI SHRESTHA, du Centre de recherches et de ressources pour les femmes de l’Asie-Pacifique (AAROW), a relevé que malgré les avantages du dividende démographique, la région Asie-Pacifique, qui abrite 60% de la jeunesse mondiale, continue de rencontrer des obstacles pour éduquer sa jeunesse.  Elle a indiqué que la pandémie de COVID-19 a eu un impact sur la transition entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur, s’inquiétant de la diminution de l’accessibilité à une éducation de qualité, situation exacerbée par le creusement de la fracture numérique.  De fait, a-t-elle dit, Internet n’est toujours pas disponible dans les zones les plus reculées de la région et l’apprentissage en ligne n’est donc pas facile d’accès.  La représentante a ensuite appelé à renforcer la culture numérique des femmes et des filles et à leur faciliter un accès à de nouveaux types d’environnements numériques d’éducation à la sexualité qui soient réalistes, adaptés aux jeunes et non moralisateurs.  Elle a aussi plaidé pour la mise en œuvre de lois fondées sur les droits pour réglementer la confidentialité des données et garantir la sécurité numérique des personnes de tous âges. 

Mme RIVERA, du Centre des cultures autochtones du Pérou (CHIRAPAQ), qui s’exprimait au nom du Réseau continental des femmes autochtones des Amériques (ECMIA), a tout d’abord demandé aux États-Unis de ratifier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes afin que les femmes autochtones de ce pays puissent exercer leurs droits reconnus. 

La représentante a ensuite insisté sur la nécessité de reconnaître les contributions et les systèmes de connaissances traditionnelles des peuples autochtones, en favorisant un meilleur accès aux technologies de l’information, de la communication et de l’innovation afin de protéger leurs droits, identités culturelles, ressources et territoires.  À cet égard, a-t-elle estimé, les données collectées en tant qu’informations numériques devraient être déposées dans des bases de données librement accessibles aux peuples autochtones.  Elle a également plaidé pour l’élaboration de politiques, protocoles et mesures de sécurité numérique pour protéger les droits des femmes, des jeunes femmes et des filles autochtones, ainsi que des défenseurs des droits humains, et éradiquer les violences et le harcèlement virtuel. 

Enfin, elle a appelé au respect du consentement libre, préalable et éclairé des femmes autochtones lors de la conception et la mise en œuvre des programmes et des initiatives liés à l’infrastructure technologique dans les territoires autochtones. 

Mme MELANIE BESNILIAN, de Human Rights Advocates, a plaidé en faveur de la neurodiversité, terme qui désigne des conditions telles que le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, l’autisme et la dyslexie.  Les femmes et les filles neurodivergentes ont été historiquement sous-diagnostiquées et n’ont donc pas été prioritaires dans le système éducatif à l’échelle mondiale, a-t-elle relevé.  À l’ère de l’éducation numérique et de la scolarisation en ligne, nous devons veiller à ce que les femmes et filles neurodivergentes aient accès aux soins appropriés.  Elle a proposé que les conseils scolaires mettent en place des plans d’enseignement pour d’éventuels programmes d’éducation numérique ou de scolarisation en ligne tenant compte des étudiants neurodivergents.  Afin d’assurer une égalité complète entre les sexes et d’assurer aux femmes et aux filles le droit à l’éducation, les femmes et les filles neurodivergentes doivent être prises en compte, a-t-elle argué. 

Le délégué de l’Union pour la Méditerranée (UPM) a rappelé qu’en octobre dernier, les 43 États membres de cette organisation ont adopté leur cinquième Déclaration ministérielle sur le renforcement du rôle des femmes dans la société, qui reconnaît que l’innovation et les outils numériques leur offrent la possibilité d’accéder plus facilement à l’information, à l’éducation et aux compétences, tout en leur ouvrant des perspectives d’emploi.  Toutefois, alors que la quatrième révolution industrielle crée des opportunités pour des modèles productifs nouveaux et plus écologiques, les entrepreneuses de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord souffrent d’un manque de sensibilisation suffisante aux possibilités offertes par les technologies, a fait remarquer l’intervenant.  Parmi les engagements clefs adoptés par les États membres de cette organisation, l’UPM a souligné la promotion de modèles inclusifs de leadership dans tous les domaines, y compris l’éducation et les compétences en matière de STIM. L’investissement dans des programmes visant à accroître la culture numérique et financière des femmes est une autre mesure adoptée, tout comme la nécessité d’accélérer la transformation numérique en tant que vecteur d’innovation et de créativité, a encore souligné l’orateur. 

La déléguée de Indigenous Peoples’ International Centre for Policy Research and Education a déclaré que les femmes autochtones se trouvent dans différents contextes de marginalisation, que ce soit dans les centres urbains ou dans les zones rurales et isolées.  Elles partagent une histoire commune de discrimination en raison de leur identité de femmes autochtones, du fait notamment de l’inaccessibilité aux fondements de l’autonomisation, soit l’éducation et les services de santé.  Elle a signalé que les médias sociaux sont utilisés pour propager la désinformation et dénigrer les femmes et les jeunes autochtones qui défendent leurs terres, aux Philippines notamment.  La technologie et l’innovation ont, selon elle, privé les femmes autochtones et leurs communautés du droit de s’approprier leurs connaissances, avec des effets néfastes sur la culture et l’identité autochtones, en particulier chez les jeunes.  Des motifs traditionnels de tissage ont ainsi été copiés et reproduits à large échelle sans attribution aux peuples autochtones, a-t-elle fait savoir.  En cette ère de progrès technologiques rapides, elle a estimé nécessaire de surmonter les obstacles structurels qui entravent la réalisation du développement inclusif et durable pour les femmes autochtones. 

La déléguée de International Federation of Business and Professional Women a appelé à faire de l’éducation, de l’innovation et du changement technologique à l’ère numérique des priorités pour parvenir à la justice et à l’égalité entre les sexes et à l’autonomisation économique de toutes les femmes et filles.  Pour ce faire, elle a préconisé l’emploi d’algorithmes et d’applications sensibles au genre qui aident à prévenir la cyberintimidation et le harcèlement des femmes et des filles.  Affirmant qu’il faudra recourir à l’agriculture intelligente améliorée pour pouvoir nourrir une population mondiale qui augmentera de 70% d’ici à 2050, elle a plaidé pour l’utilisation de la connectivité sans fil et de l’informatique en nuage pour collecter des données et fournir des informations exploitables qui soient sensibles au genre.  Elle a d’autre part souligné que les approches inclusives du genre sont synonymes d’une meilleure gestion des risques de catastrophe, lesquels affectent particulièrement les femmes rurales. 

La déléguée de International Federation of Medical Students’ Associations a souligné l’importance de l’innovation, du changement technologique et de l’éducation à l’ère numérique pour parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation de toutes les femmes et filles.  La technologie a le potentiel de donner aux femmes et aux filles l’accès à l’information, aux plateformes d’expression et d’engagement civique, aux services de santé, juridiques et financiers, ainsi qu’aux opportunités d’emploi équitables, a-t-elle fait valoir.  Elle a cependant reconnu que la technologie peut aussi exacerber les clivages existants entre les sexes et ouvrir de nouvelles voies de discrimination.  Dans ce contexte, elle a appelé les États Membres, les ONG et le secteur privé à mettre en œuvre des avancées technologiques avec une approche transformatrice du genre, afin de favoriser l’égalité des sexes.  Pour ce faire, elle a exhorté les parties prenantes à s’autoévaluer et à éliminer les préjugés sexistes, en créant des environnements qui poussent les femmes et les filles à intégrer le domaine des STIM et les postes de direction scientifiques et technologiques.  Elle a également plaidé pour que les jeunes, qui sont les plus grands utilisateurs des nouvelles technologies, soient inclus dans les processus de prise de décisions et de mise en œuvre pertinents. 

Mme ANNIKA WÜNSCHE, de la Confédération syndicale internationale, a exigé des actions concertées de la part des gouvernements, notamment compte tenu des écarts déjà persistants entre les hommes et les femmes dans le monde du travail, encore aggravés par de multiples crises.  Elle a estimé, en outre, qu’en cette ère de nouvelles technologies et de la numérisation, il est nécessaire de procéder à un changement de priorités pour élaborer des plans, des politiques et des budgets qui garantissent que les sociétés et les économies, à l’échelle locale et mondiale, soient transformatrices et inclusives sur le plan du genre et garantissent des droits et des protections, un travail décent pour les femmes dans toute leur diversité.

Mme DORIS TULIFAU, de International Women’s Development Agency Inc., a plaidé en faveur de la mise en place de politiques strictes sur le harcèlement sexuel en milieu de travail.  Selon elle, les outils numériques et technologiques doivent être sensibles au genre, abordables, accessibles et respectueux de l’environnement.  Elle a dénoncé la violence et la discrimination basées sur le genre en ligne et facilitées par la technologie, en appelant à une législation plus stricte pour réglementer la sécurité des femmes sur Internet grâce à une approche fondée sur les droits humains.  La technologie doit en outre être résiliente et durable afin de permettre aux femmes du Pacifique de réagir aux catastrophes.  La technologie numérique doit notamment leur permettre de participer de manière significative à la gestion des risques de catastrophe.

La déléguée de Derechos Digitales a encouragé les États à reconnaître et renforcer les engagements adoptés depuis les premières éditions du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), y compris les efforts pour une participation multipartite à la gouvernance des espaces numériques.  Selon elle, les femmes, dans toute leur diversité, doivent être incluses de manière significative dans les processus de décision concernant le développement, le déploiement et la gouvernance technologiques si nous voulons construire l’égalité des sexes dans les contextes d’innovation et technologiques.  À cette fin, elle a appelé les États à élaborer des politiques d’accès à Internet en prenant des mesures proactives pour surmonter les fractures numériques entre les sexes.  Cela devrait s’accompagner de mesures visant à promouvoir l’alphabétisme numérique afin de permettre aux femmes de comprendre le fonctionnement des technologies et de pouvoir les modifier, a-t-elle avancé, invitant en outre les États à éviter d’adopter des technologies propriétaires dans les systèmes éducatifs publics.  Elle a par ailleurs plaidé pour l’établissement de cadres fondés sur les droits pour lutter contre toutes les formes de violence sexiste, y compris la violence sexiste facilitée par la technologie.

La déléguée de Outright Action International, intervenant au nom du Caucus des lesbiennes, bisexuelles, trans et intersexuées (LBTI), a alerté que, dans les environnements technologiques, les personnes et les défenseurs LBTI sont souvent confrontés à des formes multiples et croisées de discrimination et de violence dues à des normes sociales et des culturelles néfastes.  Si les technologies numériques donnent aux personnes LBTI la possibilité d’accéder à l’information, de créer une communauté et de faire progresser leurs droits humains, elles comportent aussi des menaces de censure, de surveillance, de harcèlement, d’intimidation et de cyberintimidation, a relevé la responsable associative.  En conséquence, les personnes LBTI se trouvent exclues des technologies en ligne, en restant l’une des premières cibles de la violence basée sur le genre facilitée par la technologie.  Face à cet état de fait, les États doivent s’assurer que les personnes LBTI peuvent rester en sécurité, exercer et jouir pleinement de leurs droits humains, à la fois en ligne et hors ligne, grâce à des législations, des politiques, des programmes et des partenariats solides, a-t-elle plaidé.  Il importe également que toutes les personnes, y compris les femmes, les filles et les personnes LBTI, aient droit à une éducation inclusive et bénéficient des opportunités offertes par la technologie pour améliorer leur vie, a ajouté la militante. 

Mme AMINA HERSI, de Oxfam International, s’est inquiétée que le droit à l’éducation soit gravement compromis non seulement par le coût de la nouvelle vague de mesures d’austérité, mais également par leurs impacts sexospécifiques qui touchent désormais 85% de la population mondiale.  En raison du fardeau insoutenable de la dette, les gouvernements ont réduit de plus de 70% le financement de l’éducation publique, a dit l’intervenante citant le rapport 2022 Commitment to Reducing InequalityIndex (CRI).  Il ne fait aucun doute que cela entravera l’accès des filles à l’éducation et à la pleine réalisation de leurs droits, a-t-elle averti.

Mme HIQMAT SAANI, de Plan International Inc., a souhaité que sa voix puisse sortir de l’oubli et mettre en lumière « nos voix, nos génies, notre leadership et nos contributions » à la société.  Elle a exhorté les gouvernements à donner la priorité aux personnes les plus marginalisées en raison de leurs identités croisées, les appelant notamment à mettre en œuvre des politiques et des législations participatives et inclusives qui encouragent l’innovation et la collaboration des filles et des jeunes femmes.  Ils doivent aussi investir dans l’infrastructure numérique, l’éducation à la culture numérique et les programmes de formation professionnelle, et travailler ensemble au-delà des secteurs et des frontières pour s’assurer qu’aucune fille n’est laissée pour compte, a-t-elle ajouté. 

La déléguée de Soka Gakkai International, au nom du Comité des ONG de la condition de la femme, qui représente des centaines d’ONG accréditées auprès de l’ECOSOC, a dit attendre avec impatience la poursuite d’approches innovantes et un engagement accru de la société civile en vue du prochain examen des méthodes de travail.  Elle s’est dite encouragée de savoir que l’ECOSOC continue d’accréditer davantage d’ONG, dont le nombre atteint maintenant 5 451.  Elle a demandé à la Commission de maintenir un cadre des droits humains dans ses conclusions concertées et de mettre en place des mécanismes de responsabilisation. 

La déléguée de The Grail a constaté que les filles sont largement privées d’accès à la technologie, en particulier les filles rurales et autochtones, en raison de préjugés sexistes, de problèmes socioéconomiques et d’un soutien éducatif insuffisant.  Elle a donc enjoint les États Membres à créer des espaces numériques sûrs pour la représentation inclusive des filles; à améliorer l’accès des filles à l’éducation et l’alphabétisation numériques; et à accroître l’accès aux médias sociaux pour les filles réprimées par des institutions.  Elle leur a également demandé de combler les lacunes des politiques de sécurité et de prévoir des processus clairs de signalement du harcèlement numérique.  Appelant à donner la priorité à l’éducation numérique, elle a invité les États Membres à promouvoir un enseignement et un apprentissage numériques sensibles au genre en investissant dans la formation des enseignants et en supprimant les préjugés sexistes des programmes.  Elle a enfin plaidé pour une augmentation des financements publics des cours d’alphabétisation numérique délivrés par les écoles pour soutenir l’accès des filles au domaine des STIM. Les décideurs politiques doivent doter les filles, en particulier celles issues de communautés traditionnellement défavorisées, d’opportunités éducatives et professionnelles dans les espaces numériques, car, a-t-elle souligné, la pleine protection des droits humains ne sera atteinte que lorsque les filles auront des droits égaux dans le monde numérisé.

La déléguée de African Women’s Development & Communication Network a déclaré que les pays africains continuent de connaître un déficit de TIC marqué par un problème d’accès à Internet et à l’électricité, ce qui affecte particulièrement les femmes rurales.  Elle a demandé la mise en place d’infrastructures résilientes et abordables afin de favoriser la participation des femmes aux nouvelles technologies.  Pour assurer un accès abordable aux nouvelles technologies, elle a également demandé l’abolition des taxes sur certains produits numériques.

Table ronde d’experts

Mme ALISON GILLWALD, Directrice executive de ICT Africa à la University of Cape Town, Nelson Mandela School of Public Governance, a concentré son propos sur la nécessité de disposer de statistiques publiques pour remédier à la nature sexuée de l’inégalité numérique, déplorant le manque de données sur le genre pour appuyer la formulation de politiques numériques.  Pour informer et influencer la prise de décisions, il est nécessaire, à son avis, de produire des données rigoureuses différenciées par sexe capables de mettre en évidence d’autres inégalités entre les sexes et d’isoler les points exacts de l’intervention politique nécessaire. 

L’experte a regretté la présentation homogène du genre, souvent réduit à un cadre binaire et biologique étroit (homme et femme) dans le système statistique des Nations Unies, des agences multilatérales et des banques de développement.  Ces approches ignorent la nature intersectionnelle de l’inégalité et la nature relationnelle du pouvoir entre les hommes et les femmes, les hommes et les hommes, et les femmes et les femmes.  L’écart (ou l’absence) de données sur le genre s’accroît encore lorsqu’il s’agit de femmes de couleur, de femmes de la classe ouvrière et, plus encore, de femmes du secteur informel. 

L’experte a également pointé le peu de données pouvant être désagrégées pour identifier ou confirmer l’impact inégal de la numérisation sur différentes catégories de personnes ou de communautés et, par conséquent, les points d’intervention politique pour y remédier.  C’est le cas en particulier dans les pays du Sud, où résident la plupart des gens, dont beaucoup sont très éloignés du potentiel de transformation des technologies numériques. 

S’appuyant sur le rapport 2021 sur le développement dans le monde de la Banque mondiale, Mme Gillwald a relevé que les lacunes en matière de données ventilées sur les femmes et les filles sont particulièrement graves.  Seuls 10 des 54 indicateurs sexospécifiques (19%) des ODD sont largement disponibles, et seuls 24% des indicateurs sexospécifiques disponibles datent de 2010 ou d’une date ultérieure.  Pour obtenir des résultats plus équitables, elle a souligné qu’une collecte de données beaucoup plus efficace est essentielle pour permettre des analyses ventilées par sexe, par revenu, par éducation, par emploi et par âge, en vue d’une politique informée et innovante capable de réguler des systèmes d’information dynamiques, complexes et adaptatifs.

Mme NINO ENUKIDZE, rectrice de lUniversité des affaires et de la technologie, en Géorgie, a fait remarquer que moins d’une décennie après avoir entendu pour la première fois l’expression « quatrième révolution industrielle », il est difficile de nommer une industrie qui n’a pas adopté la transformation numérique.  Au cours de cette période, nous avons été témoins de la façon dont la technologie est devenue le plus grand accélérateur de la croissance économique dans le monde.  Pourtant, a-t-elle ajouté, les femmes demeurent sous-représentées dans les domaines qui bénéficient du développement technologique, une impression confirmée par une étude du Global Gender Gap Report qui indique qu’il faudra encore 132 ans pour parvenir à l’égalité en milieu de travail.  Ces lacunes mènent selon elle à des écosystèmes d’innovation « médiocres » et au développement limité de talents pour les industries. 

En Géorgie, a poursuivi la rectrice, les femmes sont toujours confrontées à la violence sexiste, au harcèlement, à l’inégalité de rémunération, au travail domestique non rémunéré et à la fracture numérique entre les sexes.  Seules 15% des filles choisissent de faire carrière dans l’industrie technologique, un domaine où elles demeurent « clairement minoritaires ».  Pour y remédier, Mme Enukidze a proposé de susciter l’intérêt des filles pour les technologies en organisant des événements en partenariat avec les secteurs public et privé, de favoriser les opportunités technologiques sans préjugés ni stéréotypes, et de s’attaquer au renforcement des capacités en aménageant des infrastructures inclusives.  Des partenariats public-privé peuvent contribuer à rendre la technologie abordable, a-t-elle relevé, en soulignant que les organisations internationales contribuent à la construction d’un écosystème éducatif inclusif dans le monde numérique. 

Avec le soutien d’ONU-Femmes Géorgie, l’Université des affaires et de la technologie a lancé le projet « École de codage pour les femmes », un programme d’alphabétisation numérique financé par l’Université et des organisations internationales, ainsi que des ateliers de formation professionnelle pour les femmes.  Autre projet phare de l’Université: « 500 femmes en tech », mis en œuvre avec le soutien d’ONU-Femmes Géorgie et du Gouvernement norvégien, offre des formations gratuites à 500 femmes à travers la Géorgie, y compris des réfugiées ukrainiennes.  « Nous ne voulons pas nous battre.  Mais tant que nous n’aurons pas atteint l’égalité des chances en matière d’éducation pour les femmes à l’ère numérique, nous le ferons », a assuré Mme Enukidze.

Mme ELISA LINDINGER, cofondatrice et Directrice générale du SUPERRR Lab, a observé que le débat sur la technologie et l’égalité de genre se concentre trop souvent sur les problèmes qui se posent là où les utilisateurs humains et les applications numériques se rencontrent, c’est-à-dire sur les grandes plateformes ou lors de l’utilisation d’applications et de services numériques, là où la désinformation et les discours de haine ont lieu et où la discrimination par la technologie devient visible.  Elle s’est cependant déclarée convaincue que, pour rendre la technologie sensible au genre, il faut en examiner d’autres aspects, notamment les limites du déploiement de solutions techniques aux problèmes sociaux.  Face à la censure, à la violence sexiste et au retrait de la vie en ligne que vivent nombre de femmes, de filles et de personnes non conformes, les décideurs politiques répondent le plus souvent par des solutions techniques, a-t-elle noté, citant entre autres la modération des contenus, la désanonymisation, la conservation des données et la surveillance en ligne.  Or, il ne s’agit pas de problèmes « numériques », mais de problèmes sociaux ancrés dans le monde hors ligne et multipliés grâce à la technologie, a-t-elle fait remarquer.  Selon elle, les solutions techniques aux défis sociaux complexes ne peuvent traiter que les symptômes, sans éliminer les causes de la haine, de la désinformation, de la discrimination ou des abus. 

Pour lutter contre la violence sexiste facilitée par la technologie, des organisations de la société civile dirigées par des femmes ont développé des stratégies tenant compte des traumatismes et centrées sur les survivantes, a indiqué Mme Lindinger.  À l’inverse de ces stratégies, qui comprennent une aide juridique, un soutien psychologique et une consultation technique, le recours à des solutions techniques aux problèmes sociaux peut, à ses yeux, ouvrir la voie à des dérives fonctionnelles.  Ainsi, appeler à plus de conservation des données, à une surveillance en ligne et à la fin de l’anonymat dans le but de lutter contre la violence fondée sur le sexe risque d’affaiblir la sécurité de toutes les personnes en ligne, a-t-elle prévenu, estimant que les femmes et les personnes non conformes seront les premières à être lésées par les conséquences de telles mesures.  De fait, a-t-elle fait valoir, si nous voulons apporter des réponses justes et proportionnées à la violence sexiste en ligne, nous devons nous concentrer sur la résolution de ses causes profondes, tout en évitant de se fier à la technique pour résoudre le défi social sous-jacent. 

De l’avis de la chercheuse, les données mondiales sur l’impact sexospécifique de la technologie numérique sont parfois trop simplistes.  Plaidant pour une ventilation par sexe, elle a cependant averti que la collecte de données à haute résolution et sexospécifiques présente également un risque d’utilisation pour discriminer davantage les personnes à risque.  Il importe donc, selon elle, que les données ventilées par sexe ne soient collectées qu’avec les normes de protection des données les plus élevées et jamais sans consultation des groupes concernés.  S’agissant par ailleurs des instances de gouvernance d’Internet, Mme Lindinger a constaté que la présence des femmes y est souvent faible, de l’ordre de 27% à la Société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet et de seulement 9,45% à l’IETF, ce qui nuit aux décisions liées au genre.  Ce n’est toutefois pas le cas du Forum sur la gouvernance de l’Internet (FGI), qui compte 43% de femmes dans ses effectifs et traite régulièrement de sujets sur l’égalité femmes-hommes, sans pour autant générer de politiques contraignantes.  Il serait donc souhaitable, à son avis, de créer des structures d’appui aux experts de l’égalité femmes-hommes ainsi qu’aux jeunes femmes informaticiennes et ingénieures pour que leur expertise soit entendue plus fréquemment dans ces instances. 

Mme ANITA GURUMURTHY, Directrice exécutive de IT for Change, a noté la « vulnérabilité » de la science des données aux préjugés sociaux en matière de genre, qui révèle selon elle la façon dont la « superstructure mondiale de l’innovation repose sur l’exploitation de données aveugles, la déshumanisation des chaînes de valeur de l’intelligence artificielle et des pratiques de données irresponsables ».  À ses yeux, un système d’intelligence artificielle qui ne tient pas compte de la différenciation de statut social produite par les « opérations intersectionnelles du pouvoir de genre » pourrait entraîner des services inférieurs pour les femmes et les personnes non binaires, une répartition inéquitable des ressources et le renforcement des stéréotypes. 

Une représentation appropriée des divers groupes et intérêts dans les données utilisées pour créer les modèles d’intelligence artificielle est donc essentielle, a fait valoir Mme Gurumurthy.  Elle a considéré que la science des données doit créer des « cercles vertueux » entre la collecte de données, le traitement, l’analyse, la création de modèles et la transformation sociale.  Le contrôle exclusif d’ensembles de données par quelques plateformes mondiales mène selon elle à l’exclusion.  Elle a cité l’exemple du marché mondial de l’innovation femtech, en pleine expansion, qui repose sur des données menstruelles et reproductives.  De plus, l’écosystème de l’innovation en intelligence artificielle, qui se situe principalement dans le Nord global, s’appuie sur une main-d’œuvre genrée et racialisée dans les chaînes de travail transfrontalières, exploitant les femmes du Sud global.  Le point de départ du féminisme des données est donc la reconnaissance que le pouvoir n’est pas équitablement réparti dans le monde et que nous devons aborder les systèmes de données différemment, a-t-elle expliqué.

Mme REEM ALSALEM, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences, a dit avoir été alarmée, lors de ses nombreux déplacements, par la prolifération de la violence sexiste par le biais de la technologie.  Elle a ainsi constaté que la violence sexiste facilitée par la technologie est devenue l’un des outils les plus courants et les plus accessibles, les auteurs pouvant agir de manière anonyme et sans souci quant à leur responsabilité.  Ces actions sont aidées par le niveau élevé de tolérance des plateformes Internet à l’égard de la violence sexiste et par le cadre juridique national qui ne parvient souvent pas à faire respecter les droits humains de tous les groupes de la société.  Lorsque ces cadres présentent des failles, ils ont tendance à encourager la discrimination et à restreindre ou saper le droit à la liberté d’association et d’expression des acteurs de la société civile, y compris les groupes de femmes, permettant ainsi à la violence basée sur la technologie de prospérer, a-t-elle relevé.  La Rapporteuse spéciale a, par exemple, noté que si le pouvoir en place incite à la haine contre une minorité religieuse ou dépeint ses membres comme des citoyens de seconde classe, alors les femmes appartenant à ce groupe seront parmi les premières à être attaquées en ligne, en raison de leur vulnérabilité et du symbole d’avenir qu’elles représentent. 

Mme Alsalem a d’autre part observé que la violence sexiste basée sur la technologie est profondément ancrée dans l’écosystème plus large du patriarcat et de la misogynie dans toute société donnée.  Elle a fait valoir, à cet égard, que la pornographie et la normalisation de son utilisation contribuent à des façons violentes, exploitantes et dégradantes de percevoir et de traiter les femmes et les enfants.  Selon elle, le patriarcat se ressent à la fois au niveau individuel et collectif et façonne la manière dont les femmes accèdent à la technologie.  Par exemple, même lorsque les services sont disponibles pour les femmes, l’utilisation d’Internet peut être étroitement surveillée par des parents masculins ou autorisée uniquement via des appareils partagés.  Il est donc important, selon elle, de veiller à ce qu’un Internet abordable soit disponible, y compris pour les femmes qui sont impliquées dans l’activisme et les organisations de la société civile au niveau local.  La violence sexiste fondée sur la technologie ne peut pas non plus être retirée d’un contexte plus large de préjugés sexistes de la part des forces de l’ordre, du système judiciaire et de leur incapacité ou refus systématique de recevoir des signalements de victimes de violence et d’agir en conséquence, a-t-elle poursuivi, affirmant avoir constaté ce type d’environnement dans au moins un des pays qu’elle a visités. 

La Rapporteuse spéciale a également averti que si les gouvernements se taisent lorsque les acteurs de la société civile sont accusés de corrompre la moralité de la société ou sont dépeints comme des agents étrangers, cela fournit une justification à l’attaque.  Il est par conséquent essentiel que les États condamnent publiquement et enquêtent dûment sur les campagnes de diffamation contre les femmes exerçant leurs droits légitimes à la liberté de réunion et d’association pacifiques, et que tout comportement de ce type soit criminalisé, a-t-elle plaidé, avant de rappeler que les acteurs de la société civile et les mouvements civiques, y compris ceux dirigés par des femmes, utilisent la technologie comme moyen de lutter contre les abus et la violence qu’ils subissent via cette même technologie.  Ils l’utilisent également pour défendre leurs droits, tels que leurs droits sexuels et reproductifs, et ce, à un coût personnel et collectif élevé, a souligné Mme Alsalem.

Mme MONICA ROQUÉ, Secrétaire générale des droits humains, de la gérontologie communautaire, du genre et des politiques de soins de lInstitut national des services sociaux pour les retraités de l’Argentine, a axé son intervention sur les femmes âgées, qui représentent 56% de la population âgée de plus de 65 ans et leur accès aux nouvelles technologies.  Elle a constaté que le revenu est fondamental pour l’accès aux TIC, notant que dans la région Amérique latine-Caraïbes, les femmes âgées de 75 ans et plus sont deux fois plus susceptibles d’être pauvres que les femmes âgées de 26 à 40 ans.  Et dans l’Union européenne, en 2019, le risque de pauvreté et d’exclusion sociale au-delà de 75 ans, était plus élevé pour les femmes que pour les hommes, avec 23% pour les femmes et 16% pour les hommes.  L’éducation de base est un autre facteur déterminant, a-t-elle ajouté, notant que dans le monde, 30% des femmes âgées de 65 ans et plus sont analphabètes, contre 19% des hommes.  Sachant que le fossé en matière d’éducation pour les personnes âgées et surtout pour les femmes est encore très important, elle a recommandé de commencer par combattre ces inégalités afin de réduire la fracture numérique pour les femmes âgées. 

Sur la base d’une étude de l’Union européenne, Mme Roqué a par ailleurs relevé que si 81% de la population de l’UE utilise l’ordinateur quotidiennement, ce chiffre tombe à 74% pour les personnes âgées de 65 à 74 ans.  De même, 51% des personnes âgées ont des compétences technologiques faibles ou inexistantes, contre 32% de la population générale, les femmes âgées enregistrant 10 points de moins que les hommes.  L’experte a également signalé qu’en Amérique latine, en 2018, 54% des personnes âgées de 65 ans et plus n’avaient pas de connexion Internet.  Et selon un rapport de Latinobarómetro en 2020, l’utilisation des réseaux sociaux par les personnes âgées en Amérique latine et dans les Caraïbes était très faible, WhatsApp étant utilisé par 8% des personnes âgées comparé à 49% des personnes âgées de 26 à 59 ans. 

Les femmes âgées, fondamentalement, sont les plus désavantagées dans ces nouveaux scénarios numériques, a analysé l’experte, détaillant d’autres inégalités dont souffrent ces dernières, telles que la solitude, l’isolement et la violence.  Cette dernière situation est largement invisible, car la recherche sur la violence fondée sur le genre dans le monde couvre en général la tranche d’âge jusqu’à 49 ans.  Or, une étude menée dans les pays européens a montré que 25% des femmes âgées avaient subi des violences émotionnelles, environ 10% avaient été victimes d’abus financiers et 3% avaient été victimes d’exploitation sexuelle.  En outre, selon l’Institut national des services sociaux pour les retraités d’Argentine (PAMI), 50% des demandes d’aide formulées par des femmes âgées de 60 ans et plus l’ont été par WhatsApp et 10% par courrier électronique.  Cela démontre, a-t-elle fait valoir, l’importance des TIC pour prévenir et traiter ces situations, tout en favorisant l’indépendance et l’autonomie. 

Dialogue interactif

Suite à ces exposés, le Pakistan s’est inquiété du creusement continue de la fracture numérique, non seulement entre hommes et femmes ou entre pays développés et pays en développement, mais aussi à l’intérieur même de ces derniers.  Dans les pays en développement, la proportion de femmes qui œuvrent dans le numérique est faible, et elles occupent souvent des emplois subalternes, a reconnu le Burundi.  Pourtant, la majorité des solutions présentées devant la Commission visent au premier chef les femmes urbaines, a relevé la Guinée équatoriale en s’inquiétant de l’écart avec les femmes rurales. 

Constatant à son tour que l’analphabétisme et la pauvreté continuent de sévir parmi les filles et les femmes des milieux ruraux, la Mauritanie a expliqué qu’elle offre des bourses aux filles et aux familles dont les enfants sont scolarisés.  La Côte dIvoire a proposé pour sa part aux délégations d’examiner le moyen d’assurer le suivi des inégalités numériques entre hommes et femmes et entre femmes du Nord et du Sud afin d’y mettre un terme. 

Reprenant la parole, la Secrétaire générale des droits humains, de la gérontologie communautaire, du genre et des politiques de soins de lInstitut national des services sociaux pour les retraités de lArgentine a ajouté au « caractère croisé et multiple » des inégalités numériques en évoquant les femmes âgées vivant en milieu rural, qui doivent selon elle, faire l’objet de politiques publiques spécifiques.  Bien que les problèmes augmentent avec l’âge, les données les concernant demeurent très fragmentaires, a-t-elle noté. 

Les politiques publiques doivent non seulement contribuer à refermer la fracture numérique mais également les inégalités entre les sexes dans cette nouvelle réalité qui est la nôtre, a opiné El Salvador.  Considérant que la fracture numérique renforce les inégalités socioéconomiques existantes entre les hommes et les femmes, les États-Unis ont publié une mise à jour de leur stratégie de prévention en réaction à la violence fondée sur le genre, notamment dans le domaine de l’innovation et de la technologie. 

Pour combler ce fossé et faire en sorte que 80% de la population européenne puisse utiliser le numérique d’ici à 2030, avec une parité hommes-femmes, l’Union européenne a conseillé d’intégrer les questions relatives à l’égalité hommes-femmes au développement technologique, en mettant en avant des solutions qui tiennent compte des besoins des femmes, afin qu’elles puissent participer pleinement à la vie politique. 

La Directrice exécutive de Research ICT Africa a toutefois estimé qu’en l’absence de statistiques publiques suffisantes sur l’inclusion numérique, les gouvernements ne disposent pas des données nécessaires pour aborder ces questions de façon globale.  Les algorithmes doivent se fonder sur des données fragmentées et ventilées, partagées par l’ensemble des acteurs concernés, y compris les entreprises, pour parvenir à une appréciation juste de la situation des technologies numériques, a renchéri la Directrice exécutive de IT for Change

L’ONG RFSL a estimé pour sa part que les membres de la communauté LGBTQI devraient être consultés à chaque étape de la conception des produits numériques afin de prévenir la cyberviolence et la marginalisation en ligne.  Une opinion partagée par le Danemark, qui a plaidé pour une technologie inclusive.  À cette fin, nous avons besoins d’une technologie numérique qui tienne compte des droits humains, a fait valoir Derechos Digitales, pour qui l’accès à la technologie constitue en lui-même un droit fondamental. 

Pour le Kenya, la cybercriminalité a permis à la criminalité transnationale organisée d’évoluer et affecte en premier lieu les femmes et les filles, qui sont menacées par l’exploitation sexuelle en ligne, la pornographie et la publication de contenus sexistes. 

Enfin, l’Ukraine a indiqué que depuis son invasion par la Fédération de Russie, les enfants, y compris les filles qui étudiaient dans le domaine des STIM, doivent se terrer dans des abris anti-bombes pendant que les écoles se font bombarder.  « Tant que les Russes resteront, l’avenir de nos enfants sera compromis », s’est désolée la délégation.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Accusée de crimes de guerre, la Fédération de Russie tente de convaincre le Conseil de sécurité que sévit en Ukraine une « russophobie » d’État

9280e séance – matin
CS/15226

Accusée de crimes de guerre, la Fédération de Russie tente de convaincre le Conseil de sécurité que sévit en Ukraine une « russophobie » d’État

Le Conseil de sécurité s’est réuni ce matin, à la demande de la Fédération de Russie, sur le thème de la « russophobie », un facteur qui, selon elle, est au cœur de « l’idéologie ukrainienne » et complique les perspectives de trouver une solution durable au conflit en Ukraine.  Le représentant russe a accusé le « nouveau Gouvernement nationaliste » ukrainien d’avoir lancé une attaque brutale contre la langue russe et contre tout ce qui est russe en général.  Plusieurs délégations ont réagi vivement à ces accusations, la russophobie étant selon elles l’une des excuses du Gouvernement russe pour « justifier l’injustifiable », à savoir sa guerre contre l’Ukraine. 

« Nous n’avons pas convoqué la réunion d’aujourd’hui pour parler des problèmes internes de l’Ukraine », a raillé le représentant russe, mais pour évoquer « la campagne russophobe » déclenchée dans le pays par « la clique de Zelenskyy », qui constitue une menace directe pour la paix et la sécurité internationales, car les relations de bon voisinage avec l’Ukraine ne sont pas possibles dans de telles conditions.  « Une paix durable et à long terme en Europe ne se construira pas sur la russophobie », a-t-il tranché.  Il s’est appuyé sur les exposés de deux intervenants ukrainiens russophones, dont les propos ont ensuite été battus en brèche par un historien de l’Université de Yale.

M. Kirill Vyshinsky, Directeur de la revue en ligne Rossiya Segodnya, a ainsi défini la russophobie comme une manifestation de haine contre la population, la culture et l’identité russes, qui trouve principalement sa place sur Internet.  Si la russophobie est vive et généralisée dans l’Union européenne, c’est en Ukraine qu’elle connaît son plus grand essor, a-t-il argumenté.  Depuis 2014, a renchéri M. Dmitry Vasilets, Directeur adjoint du Syndicat ukrainien des juristes, les lois russophobes les plus virulentes sont en vigueur en Ukraine, encore intensifiées par le Gouvernement du Président Zelenskyy, qu’il a qualifié de « dictateur ».  Les russophones d’Ukraine sont à ses yeux victimes d’un authentique « linguicide » au sens des résolutions de l’ONU, car 30% des citoyens ukrainiens sont privés de l’utilisation de leur langue maternelle.  « Une chasse à l’emploi du russe est menée jusque dans les relations privées, les citoyens, même les retraités, pouvant être mis à l’amende s’ils sont surpris en train de parler dans leur langue maternelle. »

M. Timothy Snyder, professeur d’histoire à l’Université de Yale, a retourné l’accusation de russophobie contre l’État russe.  Un pouvoir russe coupable à ses yeux de « préjudices irréparables » parce qu’il oblige ses citoyens les plus productifs à émigrer, envoie de jeunes conscrits se faire tuer en Ukraine par dizaines de milliers, et enferme le peuple russe dans une bulle de propagande.  La télévision d’État, s’est-il alarmé, décrit les Ukrainiens comme des sous-hommes, des « porcs » et des « satanistes », et lance des appels au meurtre.  Le recours au terme « russophobie » est une stratégie impérialiste, un « discours génocidaire » et un « outil » utilisé pour détruire les Ukrainiens, a résumé l’universitaire.  Le procédé n’est pas une tactique de défense mais un élément du crime.  « En demandant cette réunion, la Russie avoue ses crimes de guerre », a-t-il concluLe représentant russe a repris la parole en fin de séance pour critiquer vertement M. Snyder en lui disant que la Russie « trouverait le moyen de [lui] répondre par d’autres moyens ».

Une majorité de délégations ont encore accusé la Russie de vouloir déformer la réalité pour dissimuler ses crimes.  En premier lieu l’Ukraine, qui a fustigé le « tissu de mensonges que nous venons d’entendre ».  Le régime russe devra se retrouver dans le box des accusés du futur tribunal international que nous appelons de nos vœux, a rappelé le représentant ukrainien, souhaitant qu’un tel tribunal obtienne de la Russie qu’elle s’engage dans un « processus de rédemption morale », pour « retrouver sa place parmi les nations civilisées ». 

La France, comme Malte, a estimé qu’en convoquant cette réunion, la Russie tentait une nouvelle fois de faire diversion « en alléguant de prétendues discriminations afin que nous détournions le regard des exactions qu’elle continue de commettre en Ukraine ».  Dans cet esprit, les États-Unis ont dénoncé une « assertion fantaisiste » alors que les missiles pleuvent sur l’Ukraine et que la Russie commet des crimes contre l’humanité.  Le monde distingue clairement le bien du mal et les agresseurs des victimes, a scandé l’Albanie, rappelant le vote récent à l’Assemblée générale qui a condamné à une très large majorité l’agression russe. 

Pour le Royaume-Uni, ce que l’Ukraine veut, « ce que nous voulons tous », c’est la paix conformément à la Charte des Nations Unies, et quand l’État russe prononce le mot de « russophobie », ce qu’il décrit, très simplement, c’est la détermination de l’Ukraine à rester une nation indépendante, son refus de se plier à la volonté de la Russie et de lui céder son territoire. 

L’Équateur, le Japon, la Suisse et le Ghana ont appelé la Russie à retirer sans délai et sans conditions toutes ses forces militaires déployées à l’intérieur des frontières ukrainiennes, ce à quoi la Russie a répondu qu’elle n’avait toujours eu qu’une seule préoccupation à l’origine de son « opération spéciale »: protéger les Ukrainiens contre les « agissements criminels » du régime de Kiev. 

Le Brésil a exhorté les parties à garantir le renouvellement de l’Initiative céréalière de la mer Noire, qui expirera dans les prochains jours, tandis que la Chine a estimé que le dialogue et les négociations étaient la seule solution pour résoudre la crise et aider les belligérants à rétablir la paix.  Indiquant que son pays est « prêt à jouer un rôle dans ce processus », le délégué chinois a condamné toutes les phobies dirigées contre des peuples ou des religions, qui découlent parfois d’un sentiment de supériorité ou d’une étroitesse d’esprit, et sont utilisées par « certains pays » pour augmenter les tensions. 

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

M. KIRILL VYSHINSKY, Directeur exécutif de Rossiya Segodnya, s’est décrit comme un russophone né en Ukraine, rédacteur en chef d’une publication en ligne disponible en langue russe.  Il a raconté une partie de sa vie depuis 2014, où, après avoir été persécuté par les autorités ukrainiennes et avoir passé un an et demi en prison, il est parti vivre en Russie.  « Qu’est-ce que la russophobie? » a-t-il lancé aux membres du Conseil.  La russophobie est une manifestation de haine contre la population, la culture et l’identité russes, qui se manifeste principalement sur Internet.  La russophobie vise à propager une idéologie de haine contre tous ceux qui sont considérés comme Russes ou apparentés, a-t-il avancé.  L’intervenant a donné des « exemples flagrants de russophobie moderne », notamment à la télévision ukrainienne, comme lorsque ce journaliste a appelé en direct à attaquer les Russes, à détruire leur famille et éliminer leurs enfants.  Autre exemple sur les réseaux sociaux, celui d’une personne ukrainienne appelant à attaquer les prisonniers russes, qualifiés de « cafards ».  Cela se traduit, a poursuivi M. Vyshinsky, par des conséquences dans la vie réelle, telles que des représailles à l’encontre de prisonniers russes, alors que les populations du Donbass vivent sous les bombardements.  Il a aussi accusé les députés ukrainiens de racisme et leur a reproché de ne pas reconnaître aux Russes le droit d’exister. 

Dans l’Union européenne, la russophobie est « mainstream », bien ancrée, selon M. Vyshinsky.  Il a estimé que la langue russe, celle d’un tiers de la population ukrainienne avec 14 millions de locuteurs, est elle aussi en danger.  Ces 20 dernières années, son usage s’est restreint en Ukraine, notamment dans les films et l’éducation.  Toutes les écoles russophones sont passées à l’ukrainien, a-t-il déploré.  Kiev a décidé de supprimer le russe des programmes scolaire, dans l’oblast d’Odessa notamment, où des millions de livres en russe sont retirés des bibliothèques, détruits ou recyclés.  Le Ministère de la défense ukrainien sanctionne ses propres citoyens en supprimant le russe.  Dans les universités, il n’est même plus possible de parler le russe durant les pauses déjeuner, a poursuivi l’intervenant.  En 2014, après un référendum décidant de rattacher l’Ukraine à la Russie, les autorités ukrainiennes ont coupé l’arrivée d’eau en représailles dans plusieurs territoires.  Les travaux de « dé-russification » se poursuivent, avec le retrait de statues glorifiant des héros russes et ukrainiens de la Seconde Guerre mondiale.  M. Vyshinsky a aussi mentionné le déboulonnage de monuments consacrés à l’auteur Alexandre Pouchkine, dans plus de 20 villes du pays.  Sur le plan religieux, il a dénoncé des attaques contre des églises orthodoxes ukrainiennes et des prêtres, et des ordres faits aux moines de quitter leur monastère.  Toutes ces manifestations russophobes ont trouvé leur pic en 2022 et 2023, a-t-il conclu.

M. DMITRY VASILETS, Directeur adjoint du Syndicat ukrainien des juristes, a dit s’exprimer en tant que natif de Kiev et au nom de dizaines de millions d’Ukrainiens russophones victimes de discrimination.  Ces derniers subissent des persécutions commanditées par le Gouvernement criminel de M. Zelenskyy, a-t-il laissé entendre, ajoutant que les lois russophobes les plus virulentes en vigueur en Ukraine « depuis le coup d’État de 2014 » se sont encore intensifiées sous les coups portés par le Gouvernement de M. Zelenskyy.  À cet égard, il a mis l’accent sur l’application d’amendes disproportionnées frappant les Ukrainiens russophones, estimant que ces agissements relèvent d’une véritable « barbarie linguistique ».  Le droit à la langue maternelle est un droit de l’homme, or ce droit est bafoué dans les écoles et les administrations de l’Ukraine, a poursuivi M. Vasilets.  Il a raconté avoir été victime de discriminations humiliantes liées à la langue russe en plein tribunal, où un procureur lui avait intimé de s’exprimer en ukrainien, une langue qu’il avait pourtant déclaré ne pas maîtriser. 

« Dans ses apparitions publiques, le dictateur Zelenskyy affirme qu’il est russophone et que les Ukrainiens russophones ne sont l’objet d’aucun déni de droit », a indiqué l’intervenant.  Or, la réalité, a-t-il accusé, c’est qu’ils sont victimes d’un authentique « linguicide » au sens donné à ce terme par les résolutions de l’ONU.  Car 30% des citoyens ukrainiens sont privés de l’utilisation de leur langue maternelle, ce qui constitue une violation flagrante de la Constitution ukrainienne, s’est lamenté M. Vasilets.  Il a affirmé que le nombre de cours de russe ne cesse de diminuer, le régime en place s’attaquant même physiquement aux enseignants.  « Une chasse à l’emploi du russe est menée jusque dans les relations privées, les citoyens, même les retraités, pouvant être mis à l’amende s’ils sont surpris en train de parler dans leur langue maternelle. »  « Aujourd’hui, le russe en Ukraine est une langue placée hors du droit et des usages les plus quotidiens et intimes », a-t-il conclu. 

M. TIMOTHY SNYDER, professeur d’histoire à l’Université de Yale, a estimé que ce débat sur la russophobie permet d’éclaircir certains points.  Il a insisté sur les préjudices causés aux Russes et à la culture russe comme étant le fait de la politique de l’État russe.  La « russophobie » est selon lui une forme de propagande utilisée pour justifier des crimes de guerre russes en Ukraine.  Il a estimé que les torts à la culture russe sont causés par l’État russe lui-même qui oblige les Russes les plus productifs à émigrer: 750 000 personnes ont ainsi quitté leur pays depuis l’agression, un « préjudice irréparable ».  Selon l’intervenant, la destruction du journalisme indépendant enferme les Russes dans une bulle, autre préjudice créé par l’État russe.  La censure générale et la répression de la liberté d’expression en russe entraîne une situation ironique.  « En Russie, si l’on déploie un panneau contre la guerre, on peut être emprisonné.  En Ukraine, on utilise deux langues et on peut tout dire.  En Russie, on ne parle qu’une langue, mais on ne peut pas dire grand-chose. »

Pour M. Snyder, la « perversion de la mémoire » et une « réécriture de l’histoire » portent préjudice à la culture russe.  C’est encore la Russie qui décide d’envoyer tous ces jeunes Russes se faire tuer au front, a-t-il fait remarquer.  Le plus grave est le fait de dire aux Russes que le génocide en cours est « normal » et que l’Ukraine n’existe pas.  Sur la télévision publique, chaque jour, les Ukrainiens sont présentés comme des « porcs », des « vers de terre », des « parasites », des « satanistes » ou des « loups ».  On y entend que les enfants ukrainiens devraient être noyés, et leurs maisons brûlées, avec leurs habitants brûlés vifs à l’intérieur, a poursuivi le professeur.  Il est dit à la télévision russe que les Ukrainiens doivent être exterminés parce qu’ils sont « russophobes ».  M. Snyder a jugé très dangereuse l’idée que les Ukrainiens devraient mourir car ils seraient atteints d’une maladie mentale nommée « russophobie ».  Lorsqu’un empire attaque, il prétend être la victime.  La russophobie est montée en épingle pour justifier des crimes, a estimé le professeur, énumérant toutes les destructions et les crimes d’agression commis depuis plus d’un an.  Lorsque la victime s’oppose à cette colonisation, l’empire prétend que c’est une maladie et une phobie, or ce processus vise à déshumaniser la victime et à nier l’agression.  Le terme « russophobie » est une stratégie impérialiste, un « discours génocidaire » et un « outil » utilisé pour détruire les Ukrainiens, a résumé l’universitaire.  Le procédé n’est pas une tactique de défense mais un élément du crime.  « En demandant cette réunion, la Russie avoue ses crimes de guerre », a-t-il conclu.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a vivement critiqué l’intervenant précédent, le professeur Snyder, « connu depuis longtemps pour ses canulars historiques », dont le but est de prouver que les Russes n’ont jamais vécu en Ukraine et que cet État a toujours été un État russophobe.  De son point de vue, les principes du nationalisme ukrainien sont fondés, comme dans la doctrine nazie allemande, sur « la supériorité de la nation ukrainienne sur les autres », c’est pourquoi la russophobie est devenue si facilement le cœur de l’idéologie de l’Ukraine indépendante, processus qui s’est sensiblement accéléré après la « révolution orange » de 2004 et surtout après le « coup d’État anticonstitutionnel » de 2014.  Le représentant a cité une statistique selon laquelle 95% de tous les livres publiés en Ukraine étaient en russe en 2004, afin de montrer à quel point le russe était répandu en Ukraine à l’époque des événements susmentionnés.  M. Nebenzia a accusé le « nouveau Gouvernement nationaliste » ukrainien d’avoir lancé une attaque brutale contre la langue russe et tout ce qui est russe en général.  À travers l’école, l’éducation, le cinéma et la télévision, l’idée a été répandue que tout ce qui est russe est étranger.  À partir de 2014, la russophobie a été élevée au rang de politique d’État, selon lui. 

L’une des premières décisions du nouveau régime a été d’essayer d’abroger la loi sur les fondements de la politique linguistique de l’État, qui donnait au russe le statut de langue régionale dans 13 des 24 régions de l’Ukraine.  C’est cette mesure qui a déclenché la sécession de la Crimée de l’Ukraine, « dont la grande majorité de la population se considère comme russe », a encore affirmé M. Nebenzia.  Depuis neuf ans, les autorités ukrainiennes détruisent systématiquement tout ce qui peut être lié de près ou de loin à la Russie.  Ce faisant, elles ont sapé les fondements d’une société qui était culturellement et civilement unie à la Russie depuis des siècles.  La langue russe a été évincée de toutes les sphères de la vie publique et des quotas linguistiques stricts ont été introduits dans les médias.  En septembre 2021, le Président ukrainien Zelenskyy a appelé tous les résidents de l’Ukraine qui se considèrent comme Russes à quitter le pays, a poursuivi le représentant, pour qui la lutte contre la langue russe en Ukraine a pris « un aspect grotesque » depuis février 2022.  Il a ensuite fustigé « la lutte permanente du régime de Kiev » contre l’Église orthodoxe d’Ukraine, qui n’a pourtant aucune relation formelle avec la Russie proprement dite.  « Nous n’avons pas convoqué la réunion d’aujourd’hui pour parler des problèmes internes de l’Ukraine », a raillé le représentant, mais pour évoquer « la campagne russophobe » déclenchée dans le pays par « la clique de Zelenskyy », qui constitue une menace directe pour la paix et la sécurité internationales, car la paix et les relations de bon voisinage avec l’Ukraine ne sont pas possibles dans de telles conditions.  « Une paix durable et à long terme en Europe ne se construira pas sur la russophobie. »

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a jugé qu’il serait plus productif de discuter de moyens pragmatiques pour parvenir à la paix, « un concept qui a été largement absent de nos récents débats ».  Afin non seulement de parvenir à la paix, mais aussi de la maintenir, nous pensons qu’une solution implique nécessairement de s’attaquer aux causes du conflit, a précisé le représentant, pour qui les préoccupations en termes de sécurité des deux parties devront être abordées dans le cadre d’une vision pragmatique et de pourparlers de paix réguliers.  Il s’est réjoui de constater qu’un nombre croissant d’États Membres appellent à une solution pacifique, assurant que son pays se tient prêt à contribuer à tout processus de médiation en vue de parvenir à une paix durable.  Il a ensuite exhorté les parties à garantir le renouvellement de l’Initiative céréalière de la mer Noire, qui expirera dans les prochains jours.  Il a à ce sujet attiré l’attention sur le fait que les sanctions contre les exportations de nourriture et d’engrais, « quelle que soit leur origine », sont inacceptables et contredisent la lettre et l’esprit de l’initiative d’Istanbul, affectant de manière disproportionnée les pays vulnérables, souvent dans des régions éloignées du conflit.

M. MAGOSAKI KAORU (Japon) a déclaré qu’aucune forme de discrimination à l’égard de qui que ce soit ne doit être tolérée car cela porte atteinte à la dignité des personnes en tant qu’êtres humains et peut créer ou exacerber les divisions au sein d’une société donnée.  En outre, a-t-il ajouté, « une allégation de discrimination ne pourra jamais justifier le recours à la force ».  Condamnant l’agression injustifiable de l’Ukraine par la Russie, le représentant a réitéré ses demandes d’une protection immédiate, complète et inconditionnelle au peuple ukrainien.  Il a exhorté la Russie à retirer sans délai et sans condition toutes ses forces militaires déployées à l’intérieur des frontières ukrainiennes internationalement reconnues et appelé à la cessation des hostilités.

M. CHRISTOPHE NANGA (Gabon) a condamné les discours de haine et l’escalade verbale qui, dans la crise ukrainienne, semblent n’avoir aucune limite, les combats « se projetant » depuis le début sur les réseaux sociaux, attisés par l’absence de perspective d’une fin de la guerre.  Le représentant a mis en garde contre le risque que les blessures invisibles de cette guerre meurtrière ne pèsent sur les générations à venir: elles pourraient, a-t-il averti, nourrir les violences à long terme.  C’est pourquoi il a appelé les parties à la mesure et à la retenue en s’abstenant d’exacerber la haine, laquelle éloigne toute perspective de paix fondée sur la cohabitation des peuples.  Les parties doivent selon lui se conformer aux principes de la Charte et ne pas oublier que la célébration, en juin dernier, de la Journée internationale contre les discours de haine ainsi que les résolutions de l’Assemblée générale sur la tolérance sont autant de rappels de la primauté du droit international.  Enfin, le Gabon exhorte les parties à convenir rapidement d’une issue politique à la guerre. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a considéré que le Conseil doit donner la priorité à la résolution du conflit et à la cessation des hostilités en Ukraine, afin de parvenir à une paix juste et durable.  Saluant les efforts déployés par toutes les parties en vue de l’extension de l’Initiative céréalière de la mer Noire, il a déclaré qu’au-delà de l’impact positif que l’Initiative a eu sur la sécurité alimentaire mondiale, son existence même montre la promesse d’un développement durable.  Une vision du monde qui soutient la xénophobie ne servant personne, le délégué a appelé à rester vigilant face à toutes ses manifestations, dans l’intérêt de la construction et du maintien de la paix.

M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a réagi vivement aux accusations de russophobie de la Russie, la russophobie étant selon elle « l’une des excuses du Gouvernement russe pour justifier sa guerre en Ukraine ».  Si les Russes inventent tant de cas de russophobie, c’est parce qu’ils savent qu’aucun d’entre eux ne résiste à un examen approfondi, a-t-il renchéri.  Le représentant a assuré que les Occidentaux ne veulent pas d’un effondrement de l’État russe.  Nous voulons au contraire que la Russie soit une nation prospère et stable, c’est-à-dire une nation qui n’envahit pas et n’essaie pas d’annexer ses voisins, a-t-il martelé.  Pour le représentant, ce que l’Ukraine veut, « ce que nous voulons tous », c’est la paix conformément à la Charte des Nations Unies, et quand l’État russe prononce le mot de russophobie, ce qu’il décrit, très simplement, c’est la détermination de l’Ukraine à rester une nation indépendante, son refus de se plier à la volonté de la Russie et de lui céder son territoire.  « La crise ukrainienne est causée par la volonté du Président Putin d’annexer une nation souveraine, en violation des principes les plus fondamentaux de la Charte. »  Le représentant a laissé au Gouvernement russe la liberté de croire que sa propagande aidera à justifier chez lui le sacrifice de dizaines de milliers de vies de soldats russes sur le terrain.  Mais, a-t-il ajouté, les conséquences pour les civils innocents, pour l’Ukraine en tant qu’État-nation et pour le reste du monde sont bel et bien catastrophiques.  Il n’y a qu’un seul agresseur ici, a-t-il conclu: la Russie qui doit stopper sa machine de guerre en mettant fin à l’invasion, aux tueries et à la propagande.

Mme DIARRA DIME-LABILLE (France) a estimé qu’en convoquant cette réunion, la Russie tente une nouvelle fois de faire diversion en alléguant de prétendues discriminations « afin que nous détournions le regard des atrocités et exactions qu’elle continue de commettre en Ukraine ».  Cette stratégie n’est pas nouvelle, a-t-elle rappelé, la Russie n’ayant cessé depuis le début de sa guerre d’agression de chercher à déformer la réalité.  « Cette stratégie de propagande ne fonctionne pas. »  La Russie ne parviendra pas à justifier sa guerre injustifiable en cultivant son mythe d’une prétendue russophobie, a réagi la déléguée.  La réalité, a-t-elle ajouté, c’est que la Russie mène une agression illégale et injustifiée contre un État souverain, l’Ukraine, et ce, en violation flagrante du droit international et de la Charte des Nations Unies.  La réalité, c’est qu’il y a un agresseur, la Russie, qui nie ses responsabilités, et un agressé, l’Ukraine, qui se défend et qui cherche à tracer un chemin vers une paix juste et durable et qui a proposé un plan de paix, que soutient la France.  La déléguée a souligné que cette agression s’accompagne d’exactions massives, constitutives de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité: bombardements indiscriminés, exécutions sommaires, actes de torture, violences sexuelles utilisées comme une arme de guerre, enlèvements et déportations d’enfants ukrainiens.  Elle a assuré qu’il n’y aura pas d’impunité pour les crimes commis par les forces russes et leurs supplétifs de Wagner en Ukraine et que la communauté internationale continuera à veiller à ce que justice soit rendue et à soutenir les efforts des juridictions ukrainiennes et de la Cour pénale internationale (CPI) en ce sens pour les victimes.  La Russie doit retirer toutes ses troupes de l’ensemble du territoire de l’Ukraine et respecter pleinement l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues, a conclu la déléguée. 

Mme MONICA SOLEDAD SANCHEZ IZQUIERDO (Équateur) est intervenue brièvement pour rejeter tout discours justifiant les coups de force et l’emploi de la violence armée.  Pour que le sang ne coule plus en Ukraine, la Russie doit retirer ses forces armées du territoire ukrainien aux frontières internationalement reconnues, a-t-elle dit. 

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a critiqué les appels à la « désukrainisation » et dénoncé les atrocités commises par la Russie en Ukraine.  « La Russie tente en fait de justifier une guerre injustifiable. »  Or le monde distingue clairement le bien du mal et les agresseurs des victimes, a scandé le délégué, rappelant le vote récent à l’Assemblée générale qui a condamné à une très large majorité l’agression russe.  D’après lui, la Russie impose à son peuple une réalité parallèle mais la propagande russe ne convainc plus personne quant à cette guerre: elle échoue déjà à faire croire à son peuple qu’elle la gagne.

Mme KHALILAH HACKMAN (Ghana) a exhorté tous les membres du Conseil à rester concentrés sur les efforts visant à résoudre l’agression contre l’Ukraine et à répondre aux préoccupations du peuple ukrainien, qui continue de subir une guerre qu’il n’a pas recherchée et qu’il ne peut cesser de combattre.  Sans sous-estimer le fait que les préoccupations perçues de « russophobie » puissent être un moteur sous-jacent des actions de certaines parties dans la guerre contre l’Ukraine, le Ghana ne peut pas conclure qu’il existe une action étatique systématique et généralisée contre les citoyens russophones d’Ukraine ou qu’il existe un ensemble de problèmes qui pourraient collectivement être qualifiés de « russophobie » et constituer une menace pour la paix et la sécurité internationales.  La déléguée a dit qu’elle reste préoccupée par le cours de la guerre et l’intensification des hostilités qui nous éloignent davantage de l’aspiration commune à la paix en Ukraine.  Tout en réitérant son appel à la cessation immédiate des hostilités et au retrait inconditionnel des troupes russes, elle a souligné les principes du droit relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire et l’obligation des parties belligérantes de les respecter pleinement.

M. DARREN CAMILLERI (Malte) a vu dans la réunion d’aujourd’hui une nouvelle tentative de la part de la Fédération de Russie de détourner l’attention des événements épouvantables qui se déroulent en Ukraine et de cyniquement « justifier l’injustifiable ».  Malte condamne une fois de plus cette guerre brutale et non provoquée qui viole la Charte des Nations Unies.  Aujourd’hui, a regretté le délégué, nous avons entendu davantage de récits visant à présenter les victimes comme l’agresseur et l’agresseur comme la victime.  Il a déploré la désinformation utilisée par les médias et les dirigeants russes pour justifier la guerre en Ukraine.  Soyons clairs, a-t-il recadré, toutes les idéologies qui encouragent le racisme, la discrimination, la xénophobie et toutes les autres formes d’intolérance ont toutes reçu de notre part la plus sévère condamnation à plusieurs reprises.  Nous soulignons que notre position découle uniquement de notre ferme conviction de principe qu’il n’y a pas d’alternative au multilatéralisme et à l’ordre international fondé sur des règles dans le monde contemporain.  En outre, le délégué a demandé instamment la pleine mise en œuvre de la Convention internationale sur l’élimination de la discrimination raciale et des autres traités pertinents relatifs aux droits de l’homme.

Mme ANDREA BARBARA BAUMANN-BRESOLIN (Suisse) a souligné l’importance d’éviter en toutes circonstances la propagande, les discours de haine ainsi qu’un langage qui divise délibérément et crée de la défiance entre populations et gouvernants.  La désinformation et la propagande qui accompagnent la guerre contre l’Ukraine renforcent la méfiance, accentuent les divisions et font croître l’hostilité, a insisté la déléguée, ajoutant que la Suisse s’oppose à toutes les tentatives de justifier l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine.  Sur ce dernier point, elle a rappelé que la condamnation « claire » de cette agression repose sur les principes de la Charte des Nations Unies et de l’ordre juridique international en vigueur « et n’est pas dirigée contre le peuple russe ».  En ce qui concerne les perspectives de trouver une solution pacifique, juste et durable, la représentante a insisté sur le fait que la Russie doit cesser toutes les opérations de combat et retirer sans délai ses troupes du territoire ukrainien.  Le respect du droit international, la recherche de solutions diplomatiques et l’obligation de rendre des comptes pour toutes les violations du droit international sont essentiels pour atteindre cet objectif, a-t-elle conclu. 

M. GENG SHUANG (Chine) a estimé que le dialogue et les négociations étaient la seule solution pour résoudre la crise et aider les belligérants à rétablir la paix.  Se disant « prêt à jouer un rôle » dans ce processus, il a appelé à éliminer les préjugés, ainsi que les sentiments de haine, pour semer plutôt les graines de l’amitié entre les peuples.  Condamnant toutes les phobies dirigées contre des peuples ou des religions, qui découlent parfois d’un sentiment de supériorité ou d’une étroitesse d’esprit, le délégué a estimé que ces phobies étaient utilisées par « certains pays » pour augmenter les tensions.  Les politiques de certains pays semblent être habitées par un esprit xénophobe vis-à-vis de la Chine, a-t-il par ailleurs ajouté, accusant lesdits pays de vouloir « engendrer la confrontation » et de menacer la paix du monde. 

M. JOHN KELLEY (États-Unis) a regretté que la Russie prétende que la russophobie est l’un des aspects les plus effroyables de la crise ukrainienne, une « assertion fantaisiste », alors que les missiles pleuvent sur l’Ukraine et que la Russie commet des crimes contre l’humanité, dont la torture, le viol et le meurtre de civils.  Il s’agit là d’une « modification de la réalité » et d’une tentative de la Russie de faire oublier qu’elle est en réalité l’agresseur.  La Russie devra expliquer au Conseil de sécurité pourquoi ses forces ont déporté des centaines de milliers d’Ukrainiens, et pourquoi l’armée russe a exécuté des femmes, des hommes et des enfants ukrainiens, a tancé le délégué.  La théorie de la russophobie masque l’objectif russe de rayer l’Ukraine de la carte et de transformer les Ukrainiens en vassaux de la Russie, a-t-il alerté.  Les arguments russes ne convainquent personne: la Russie s’attaque à un membre de la communauté internationale, et les États-Unis demeureront aux côtés de l’Ukraine autant qu’il le faudra, a-t-il assuré. 

M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) a rappelé à toutes les parties que l’utilisation d’une rhétorique haineuse viole non seulement le droit international mais enfreint également diverses résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité.  Elle conduit à des actes violents, à des discriminations et des persécutions frappant des individus ou des groupes en raison de leur race, de leur origine ethnique, de leur religion ou encore de leur sexe, a-t-il déploré.  Le délégué a fait siennes les déclarations du Secrétaire général, qui, de retour d’Ukraine, a appelé à rejeter les discours de haine et les manipulations de la vérité qui sous-tendent tant de divisions dans le monde.  En conclusion, il a demandé aux dirigeants des deux parties à s’engager sérieusement en faveur d’une solution pacifique conforme aux principes de la Charte.

M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dénoncé les propos de certains homologues tendant à accuser son pays de mener une campagne contre les Ukrainiens russophobes, à commencer par les dirigeants du régime de Kiev.  Nous n’avons jamais appelé à la « désukrainisation » de l’Ukraine, s’est-il défendu.  « La Fédération de Russie n’a qu’une préoccupation à l’origine de son opération spéciale: protéger les Ukrainiens contre les agissements criminels du régime de Kiev depuis 2014. »  

M. SERHII DVORNYK (Ukraine) a condamné l’exécution brutale et sommaire d’un soldat ukrainien la semaine dernière, exécution « filmée par ses bourreaux et mise en ligne sur Internet ».  Il a demandé au Conseil de sécurité de rendre hommage à la victime, qui incarnait la dignité ukrainienne.  Le représentant a poursuivi en fustigeant la haine russe, qui a conduit à la guerre contre son pays et ses horreurs mais aussi « au tissu de mensonges que nous venons d’entendre ».  Selon lui, le comportement de la Russie montre la faiblesse de sa crédibilité et sa peur d’avoir à répondre de ses actes inhumains et privés de tout garde-fou moral en Ukraine.  Lorsqu’une nation est empoisonnée par les propagandes de haine, elle mène des guerres de destruction aveugles en tentant d’embrigader son peuple dans la commission de crimes odieux, comme cela fut le cas avec l’Allemagne nazie.  Le régime russe devra se retrouver dans le box des accusés du futur tribunal international que nous appelons de nos vœux, a demandé le représentant.  Il a également souhaité que cette juridiction obtienne de la Russie qu’elle s’engage dans un « processus de rédemption morale », « pour que ce pays puisse retrouver sa place parmi les nations civilisées ».  Enfin, il exhorté les États Membres à œuvrer à ce que la justice soit rendue pour chaque victime de l’agression russe.

M. SNYDER, professeur d’histoire à l’Université de Yale, citant ses sources, a renvoyé le représentant de la Fédération de Russie aux archives de la télévision d’État russe, qui représentent les intérêts nationaux russes et sont une expression de la politique nationale.  Concernant les atrocités perpétrées en Ukraine, le plus simple selon lui serait de laisser les journalistes russes effectuer leur travail en Ukraine et d’interroger les Ukrainiens au sujet de la guerre.  Il a regretté que les meilleurs historiens russes soient interdits d’exercer, que l’association Memorial soit dissoute, et que le terme « Ukraine » soit interdit dans les manuels d’histoire russe.  Il a qualifié les allégations de russophobie de « coloniales », et réitéré ses accusations de génocide envers la Russie.

M. NEBENZIA (Fédération Russie), rétorquant qu’il avait bien lu les livres du professeur Snyder, a fait remarquer que celui-ci avait refusé de répondre à certaines de ses questions.  « Nous trouverons le moyen de vous répondre par d’autres moyens », a-t-il tempêté.

M. VASILETS, du Syndicat ukrainien des juristes, a accusé à son tour M. Snyder de « représenter et de défendre les pays de l’OTAN parties au conflit en Ukraine ».  M. Snyder a cité certaines villes et populations prétendument victimes de crimes de guerre, a-t-il relevé, ajoutant qu’à son sens, ce sont surtout les tirs de mortiers fournis par l’OTAN à l’Ukraine, au motif que des forces russes se trouvaient dans ces zones bombardées, qui ont causé le plus de pertes en vies humaines innocentes. 

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