9313e séance - après-midi
CS/15270

Conseil de sécurité: seul le concours de tous les acteurs concernés pourra sortir le processus politique syrien de l’impasse, assure l’Envoyé spécial

Le processus politique en Syrie se trouve à un moment potentiellement crucial, a estimé cet après-midi l’Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, en faisant état devant le Conseil de sécurité d’un regain d’attention diplomatique à l’égard de ce pays, près de trois mois après les séismes dévastateurs qui l’ont frappé ainsi que la Türkiye.  M. Geir Pedersen a toutefois estimé qu’aucun groupe d’acteurs existant ne peut à lui seul sortir de l’impasse ce processus dirigé par les Syriens eux-mêmes et qu’il est chargé de faciliter. 

En effet, ni les parties syriennes, ni celles du processus d’Astana –Fédération de Russie, Iran et Türkiye–, ni les pays occidentaux, ni les acteurs arabes ne peuvent séparément parvenir à une solution politique, a assuré le haut fonctionnaire.  Aucun ne peut à lui seul sortir de l’impasse militaire ou restaurer la souveraineté, l’indépendance ou l’intégrité territoriale de la Syrie, s’attaquer à ses problèmes structurels, redresser son économie et reconstruire le pays.  Aucun groupe d’acteurs ne peut résoudre à lui seul la menace terroriste, endiguer les sources d’instabilité régionale et répondre aux préoccupations sécuritaires légitimes, y compris aux frontières de la Syrie, a-t-il encore précisé. 

Et il en va de même pour la question des personnes détenues, enlevées et disparues dans ce pays, ainsi que pour le retour sûr, digne et volontaire des réfugiés syriens.  « En bref, pour résoudre chacun des innombrables problèmes de la Syrie, il faut plusieurs clefs, chacune détenue par un acteur différent, qui ne peut être ignoré et qui peut bloquer le processus s’il est exclu », a résumé l’Envoyé spécial.  Il a toutefois appelé les autorités syriennes à mettre fin aux « tendances négatives » à l’œuvre et à en initier de positives, jugeant cela d’autant plus nécessaire que le calme relatif sur le terrain a été de nouveau émaillé par des incidents sécuritaires multiples au cours du mois écoulé. 

« Même dans la longue et brutale histoire de la crise syrienne », l’ampleur actuelle des besoins humanitaires dans le pays est sans précédent, a de son côté déclaré la Directrice de la Division du financement de l’action humanitaire et de la mobilisation de ressources du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), ajoutant que presque trois mois après les tremblements de terre qui se sont produits à la frontière entre la Türkiye et la Syrie, « beaucoup reste à faire », malgré le déblaiement de plus de 470 000 mètres cubes de gravats.  

Décrivant une « terrible réalité » après 12 ans de conflit armé, Mme Lisa Doughten a rappelé qu’avant le tremblement de terre, 15,3 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population syrienne, avaient déjà besoin d’aide humanitaire et de protection.  « Un nombre, je le crains, qui ne fait que croître », a-t-elle alerté, expliquant que de nombreuses personnes ont trouvé refuge temporairement dans des écoles, des mosquées et chez des voisins, tandis que d’autres se sont tournées vers des espaces ouverts par peur des répliques. 

Dans ce contexte, Mme Doughten s’est félicitée que les mesures d’urgence mises en œuvre depuis les tremblements de terre, telles que la délivrance de visas, les permis de voyage accélérés et les approbations générales, aient permis d’intensifier les opérations dans les zones gouvernementales.  Dans le nord-ouest de la Syrie, les agences de l’ONU et leurs partenaires continuent d’emprunter les trois points de passage transfrontalier disponibles –Bab el-Haoua, Bab el-Salam et Raaï– pour atteindre des millions de personnes chaque mois. 

La Fédération de Russie a en revanche accusé les donateurs occidentaux de « politiser » l’aide en faveur des sinistrés et de l’utiliser comme « instrument de pression » sur Damas en ne la destinant qu’aux zones échappant à son contrôle: l’appel d’urgence de l’OCHA pour le tremblement de terre aurait été selon elle financé à hauteur de 97%, alors que le plan humanitaire traditionnel de l’ONU pour la Syrie, destiné à aider les territoires gouvernementaux, n’est financé qu’à hauteur de 8%. 

De son côté, la délégation américaine a rejeté toute suggestion selon laquelle l’aide humanitaire serait bloquée par les sanctions imposées par Washington, un point de vue soutenu par la République islamique d’Iran par exemple, faisant observer que des dérogations humanitaires avaient été mises en place.  De même, elle a contesté les affirmations de son homologue russe selon lequel Moscou soutiendrait un processus politique mené par les Syriens eux-mêmes, accusant la Russie d’avoir dressé des obstacles supplémentaires à la reprise des travaux de la Commission constitutionnelle. 

La France a expliqué que les sanctions récemment imposées par l’Union européenne aux individus et entités impliqués dans le trafic de captagon étaient liées à la volonté d’empêcher la Syrie de continuer de déstabiliser la région.  Reconnaissant que cette perspective n’est acceptable ni pour le peuple syrien, ni pour les États de la région, ni pour la communauté internationale dans son ensemble, la délégation a exhorté le « régime d’Assad » à faire des gestes tangibles afin qu’un véritable processus politique soit initié. 

La République arabe syrienne a quant à elle dénoncé les attaques de l’armée israélienne contre les territoires syriens au cours des dernières semaines de même que le pillage de ses ressources naturelles par les forces américaines, qu’elle a accusées d’être présentes illégalement dans le nord-est de son territoire.  La délégation a de plus mis en garde Israël et ses soutiens contre les dangers de leurs politiques « irresponsables » qui poussent la région vers une escalade à grande échelle et une nouvelle phase d’insécurité et d’instabilité.  Le Conseil doit condamner ces attaques, les faire cesser et demander à Israël de rendre des comptes, a-t-elle exigé, enjoignant en outre les États-Unis à cesser de parrainer des organisations « terroristes et séparatistes » et de spolier les richesses naturelles de la Syrie.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. GEIR PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a estimé que les efforts visant à faire avancer un processus politique en Syrie se trouvent à un moment potentiellement crucial.  « Dans le sillage tragique des tremblements de terre, nous avons constaté un regain d’attention diplomatique à l’égard de la Syrie », a-t-il indiqué, notant que les contacts se poursuivent entre les acteurs d’Astana et le Gouvernement syrien et que de nouveaux engagements ont été pris entre les pays arabes et le Gouvernement syrien.  Ce regain d’attention pourrait agir comme un coupe-circuit et permettre de débloquer des efforts longtemps dans l’impasse pour promouvoir le processus politique dirigé par les Syriens eux-mêmes, a-t-il estimé. 

Il a indiqué que l’ONU a besoin de l’appui de l’ensemble des parties prenantes, aucun groupe d’acteurs existant –ni les parties syriennes, ni les acteurs d’Astana, ni les acteurs occidentaux, ni les acteurs arabes– ne pouvant à lui seul parvenir à une solution politique, sortir de l’impasse militaire ou restaurer la souveraineté, l’indépendance ou l’intégrité territoriale de la Syrie .  Aucun groupe d’acteurs ne peut s’attaquer aux problèmes structurels de la Syrie, redresser son économie et reconstruire le pays, ni résoudre la menace terroriste, endiguer les sources d’instabilité régionale et répondre aux préoccupations légitimes sur le plan sécuritaire, a poursuivi le haut fonctionnaire.  Et aucun groupe d’acteurs ne peut assumer seul notre responsabilité collective de protéger les civils syriens, de traiter la question des personnes détenues, enlevées et disparues, et de garantir les conditions d’un retour sûr, digne et volontaire pour les réfugiés.  En bref, pour résoudre chacun des innombrables problèmes de la Syrie, il faut plusieurs clefs, chacune détenue par un acteur différent qui ne peut être ignoré et qui peut bloquer le processus si exclu. 

Les actions du Gouvernement syrien, associées à des actions extérieures, sur certaines de ces questions, pourraient mettre fin aux tendances négatives à l’œuvre et en initier de positives, a estimé M. Pedersen qui a plaidé pour des mesures substantielles permettant d’instaurer un climat de confiance, y compris parmi les civils à l’intérieur de la Syrie et ceux qui l’ont fuie.  « D’un autre côté, si cette opportunité n’est pas saisie, nous ne verrons pas de réels changements sur le terrain, ce qui engendrera de nouvelles frustrations et du désespoir », a mis en garde l’Envoyé spécial.  Quant à la Commission constitutionnelle, elle devrait reprendre ses travaux à Genève dans un esprit de compromis, de façon substantielle et à un rythme soutenu, a-t-il soutenu. 

Le haut fonctionnaire a ensuite exprimé son inquiétude quant au fait que le bref calme qui a suivi les tremblements de terre s’est encore érodé au cours du mois écoulé.  Les incidents violents se sont multipliés dans le nord-ouest, avec des tirs d’obus et de roquettes de plus en plus réguliers de part et d’autre des lignes de front, entre les forces progouvernementales, les forces d’opposition armées ainsi que le groupe terroriste Organisation de libération du Levant (HTS).  En outre, dans le nord-est, des attaques ont été perpétrées par des groupes d’opposition turcs armés contre des positions des Forces démocratiques syriennes (FDS), en réponse, d’après eux, aux tirs d’obus et de roquettes des FDS, y compris contre des soldats turcs.  De même, les frappes israéliennes sont de plus en plus fréquentes, et dans certaines régions, les attaques sporadiques de Daech semblent se multiplier, en particulier dans le désert central, alors que le Gouvernement syrien, la Fédération de Russie et la coalition dirigée par les États-Unis multiplient les frappes à leur encontre.  L’Envoyé spécial a demandé que soit imposé un cessez-le-feu à l’échelle nationale et que prévale une approche coordonnée pour lutter contre les groupes terroristes inscrits sur la liste, conformément au droit international. 

Pour l’Envoyé spécial, il n’existe aucun raccourci vers la stabilité si l’on ne s’attaque pas aux causes fondamentales du conflit.  Nous devons constamment garder à l’esprit que, même si nous commençons modestement et que nous progressons par étapes, la Syrie a toujours besoin d’une solution globale, comme le demande la résolution 2254 (2015), pour restaurer sa souveraineté, son indépendance, son unité et son intégrité territoriale et pour répondre aux aspirations légitimes du peuple syrien. 

Mme LISA DOUGHTEN, Directrice de la Division du financement de l’action humanitaire et de la mobilisation de ressources du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a averti que l’ampleur actuelle des besoins humanitaires en Syrie est sans précédent, « même dans la longue et brutale histoire de la crise syrienne ».  Elle a indiqué que, presque trois mois après les tremblements de terre dévastateurs qui ont frappé la Türkiye et la Syrie, l’ONU et ses partenaires humanitaires continuent de soutenir les efforts de relèvement.  En Syrie, a-t-elle précisé, plus de 3 millions de personnes ont reçu des repas chauds et des rations, et quelque 1,1 million de personnes ont reçu une assistance sanitaire.  Plus de 470 000 mètres cubes de gravats ont été déblayés mais beaucoup reste à faire, a-t-elle reconnu, qualifiant les séismes du 6 février de « tout simplement catastrophiques ».  Ils ont non seulement apporté plus de morts et de destructions dans des parties du nord de la Syrie usées par plus d’une décennie de guerre, mais aussi souligné la « terrible réalité » à laquelle sont confrontés des millions de personnes dans tout le pays: 12 années de conflit armé, des pressions macroéconomiques croissantes, des services publics en déclin et des infrastructures essentielles en décomposition. 

La responsable de l’OCHA a rappelé qu’avant le tremblement de terre, 15,3 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population totale, avaient déjà besoin d’une aide humanitaire et d’un soutien en matière de protection. « Ce nombre, je le crains, ne fait que croître », a-t-elle alerté, expliquant que de nombreuses personnes ont trouvé refuge temporairement dans des écoles, des mosquées et des maisons de voisins, tandis que d’autres se sont tournées vers des espaces ouverts par peur des répliques.  De plus, les femmes, les hommes et les enfants vivent dans des environnements surpeuplés et stressants, ce qui aggrave la tension mentale de ceux qui font face à des années de traumatisme, a expliqué Mme Doughten, précisant que le pays compte plus de 6,9 millions de déplacés et qu’environ 80% de cette population a maintenant été déplacée de chez elle depuis au moins cinq ans.  Elle a ajouté qu’afin de trouver des moyens plus durables d’aide à ces personnes, près de 500 projets de relèvement rapide ont été mis en œuvre dans toutes les régions du pays, la grande majorité dans le cadre des plans de réponse humanitaire pour la Syrie.  Selon elle, le financement total reçu pour ces projets dépasse 640 millions de dollars, soit une augmentation de près de 80 millions de dollars depuis février, ce qui est encourageant au vu de l’immensité des besoins. 

Dans ce contexte, Mme Doughten s’est félicitée que les mesures d’urgence mises en œuvre depuis les tremblements de terre, telles que les visas, les permis de voyage accélérés et les approbations générales, aient permis d’intensifier les opérations dans les zones gouvernementales.  Dans le nord-ouest de la Syrie, les agences de l’ONU et leurs partenaires continuent d’utiliser les trois points de passage transfrontalier disponibles -Bab el-Haoua, Bab el-Salam et Raaï- pour atteindre des millions de personnes chaque mois.  Les missions interorganisations quasi quotidiennes ont aussi permis au personnel de l’ONU de s’assurer que l’assistance transfrontalière répond aux besoins les plus urgents, a-t-elle ajouté, souhaitant que ces modalités soient étendues pour continuer à faciliter les opérations urgentes.  En revanche, des progrès similaires n’ont pas été réalisés dans les opérations à travers les lignes vers le nord-ouest de la Syrie, et ce, malgré un effort concerté, a relevé la responsable, qui a cependant assuré que le dialogue se poursuit à tous les niveaux pour reprendre les convois prévus de manière sûre. 

Mme Doughten a indiqué que l’appel éclair pour la Syrie est presque entièrement financé, avec plus de 384 millions de dollars de contributions signalées.  Ce soutien au plan de trois mois a été vital, en particulier pour permettre à l’ONU et à ses partenaires d’étendre les opérations, de réaffecter les stocks et de soutenir les programmes d’urgence.  Mais il en faut bien plus, a-t-elle souligné, constatant que le plan de réponse humanitaire pour la Syrie reste gravement sous-financé, avec seulement 363 millions de dollars reçus sur les 4,8 milliards de dollars requis avant les séismes.  Le soutien des donateurs sera à nouveau nécessaire lors de la conférence de Bruxelles en juin, a-t-elle indiqué.

Pour M. VASSILY A.  NEBENZIA (Fédération de Russie), il n’y a pas d’alternative à la promotion d’un processus de règlement politique en Syrie, dirigé et mis en œuvre par les Syriens avec l’aide des Nations Unies, dans le strict respect de la résolution 2254 (2015).  Dans ce contexte, il a soutenu les efforts de médiation de l’Envoyé spécial pour promouvoir un processus de règlement syrien dans le respect de la souveraineté, de l’indépendance, de l’unité et de l’intégrité territoriale de la Syrie, sans aucune ingérence extérieure, tout en lui demandant de s’en tenir strictement à son mandat, y compris dans le cadre de la Commission constitutionnelle.  Les difficultés rencontrées dans la reprise de ses travaux peuvent être surmontées s’il existe la volonté de le faire et si les intérêts de toutes les parties syriennes sont pris en compte, a-t-il fait valoir.  Notant que la situation sur le terrain reste tendue, il s’est inquiété de la menace d’une opération militaire dans le nord du pays, et de la présence militaire étrangère illégale des États-Unis et de leurs alliés à Zawfrater et Al-Tanf.  Il a également dénoncé l’intensification des frappes aériennes israéliennes sur le territoire syrien à la suite desquelles l’aéroport international d’Alep, par lequel l’aide humanitaire est acheminée aux victimes du tremblement de terre, a été mis hors service à deux reprises. Il s’est indigné de l’absence de réaction de la part des dirigeants de l’ONU suite à ces frappes.  Sur une note positive, il a salué le retour de la Syrie au sein de la famille arabe, en précisant que la normalisation entre Damas et Ankara se poursuit, en s’appuyant sur les avantages du format d’Astana. 

Sur le volet humanitaire, le représentant a constaté que les conséquences du séisme ne sont toujours pas surmontées, et que les besoins et problèmes croissants des Syriens ordinaires n’ont pas empêché les donateurs occidentaux de politiser l’aide et de l’utiliser comme un instrument de pression sur Damas.  Sur le terrain, l’aide occidentale et l’assistance de l’ONU ne sont pour l’instant destinées qu’aux zones échappant au contrôle de Damas, a-t-il affirmé, et l’appel d’urgence de l’OCHA pour le tremblement de terre est financé à 97%, alors que le plan humanitaire traditionnel de l’ONU pour la Syrie, destiné à aider les territoires gouvernementaux, n’est financé qu’à 8%.  Pendant ce temps, les États-Unis, continuent de piller les ressources naturelles de la Syrie, et ne manquent pas une occasion de confirmer qu’ils ne « donneront pas un centime » pour la reconstruction postconflit du pays et ne lèveront les sanctions que lorsqu’une transition politique sera enclenchée.  La Russie ne s’explique pas que seuls 10 convois humanitaires aient été envoyés dans la zone de désescalade depuis août 2021, et cela malgré l’autorisation donnée par Damas à l’ONU d’utiliser deux points de passage supplémentaires, Bab el-Salam et Raaï, pendant trois mois.  Si les collègues occidentaux du Conseil de sécurité continuent à faire comme si de rien n’était, la Russie en tiendra compte lors de la prochaine prorogation du mécanisme transfrontalier en juillet, a-t-il prévenu.  Nous approchons du moment de vérité dans la fourniture de l’aide humanitaire à la Syrie, a lancé le représentant selon qui le « double jeu de nos collègues occidentaux et leurs tentatives d’utiliser le levier humanitaire comme outil de pression sur Damas sont devenus trop évidents pour que les dirigeants de l’ONU continuent de les ignorer ». 

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a affirmé que le régime syrien continue de rejeter les efforts diplomatiques visant à mettre fin à la guerre, l’accusant de refuser de négocier directement et de saper le travail de la Commission constitutionnelle.  De son côté, la Russie prétend soutenir le processus politique tout en entravant le travail de la Commission constitutionnelle.  Il a relevé que 130 000 Syriens demeurent portés disparus ou languissent dans les prisons et centres de détention du régime, regrettant que l’amnistie d’avril 2022 de Bashar Al-Assad n’a permis de libérer que 500 personnes dont beaucoup étaient émaciées ou traumatisées.  Depuis cette libération, la pratique brutale des détentions arbitraires et des disparitions forcées d’hommes, de femmes et d’enfants innocents se poursuit, a-t-il dénoncé. 

Le représentant a également accusé le régime d’avoir autorisé la Russie à utiliser la Syrie en tant que plateforme logistique pour exporter ses activités déstabilisatrices vers l’Afrique et inonder la région de drogues illicites.  Dans ce contexte, les États-Unis ne normaliseront pas leurs relations avec Assad et décourageront énergiquement leurs partenaires de le faire.  Et nous ne lèverons pas les sanctions imposées à ce régime sans réformes sincères, durables et sans processus politique, a fait savoir le représentant qui a exhorté le « régime Assad » à s’engager dans un processus politique en toute bonne foi. 

S’agissant du volet humanitaire, le délégué a noté que les opérations transfrontalières de l’ONU ont retrouvé leur niveau d’avant le tremblement de terre.  Cette aide parvient de nouveau à des millions de personnes dans le nord-ouest de la Syrie, s’est-il félicité, jugeant impossible de remplacer cet accès transfrontière.  Il a rejeté toute suggestion selon laquelle l’aide humanitaire est bloquée par les sanctions américaines, faisant observer que des dérogations humanitaires ont été mises en place. 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse), intervenant au nom de la Suisse et du Brésil, coporte-plumes du dossier humanitaire syrien, a appelé à tenir compte des répercussions à long terme du séisme, notamment l’insécurité alimentaire croissante qui touche aujourd’hui pas moins de 12 millions de personnes en Syrie. Elle a relevé que l’impact des 12 dernières années sur les infrastructures d’eau et de santé a contribué à l’épidémie de choléra qui sévit en Syrie, alertant en outre que l’érosion du tissu économique et social risque d’accélérer l’effondrement d’infrastructures critiques, les réseaux hydriques notamment. 

Pour que l’ONU et ses partenaires puissent réagir et prévenir de tels défis, le financement de l’appel éclair pour le tremblement de terre en Syrie et du plan de réponse humanitaire pour 2023 est crucial, a indiqué la représentante. Elle a souligné que l’assistance transfrontalière demeure un élément indispensable pour assurer l’acheminement de l’aide humanitaire aux plus vulnérables.  Les mesures mises en œuvre par le Gouvernement syrien à la suite des séismes ont contribué à un accès plus large, y compris du personnel de l’ONU, aux populations vulnérables.  Nous espérons que cet accès élargi et facilité se poursuivra aussi longtemps que nécessaire, conformément aux évaluations de l’OCHA, a-t-elle indiqué.  La représentante s’est aussi félicitée de l’amélioration de l’accès humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie, notamment de l’ouverture de deux points de passage transfrontaliers supplémentaires et du nombre important de missions transfrontalières interinstitutions des Nations Unies.  Avant de conclure, elle a appelé le Conseil de sécurité à s’unir derrière l’impératif humanitaire. 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a déclaré qu’après plus de 12 ans de conflit et de nombreuses atteintes aux droits fondamentaux des Syriennes et des Syriens, il est essentiel de faire respecter un cessez-le-feu au niveau national.  À ce titre, elle a appelé les membres du Conseil à demeurer unis dans leur plaidoyer pour la désescalade.  Notant qu’il ne peut y avoir de paix durable sans justice, elle a réitéré son plein soutien à la Commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme et au Mécanisme international, impartial et indépendant.  L’engagement de toutes les composantes de la société syrienne est également nécessaire pour avancer la paix, a-t-elle ajouté, appelant à une participation pleine, égale et significative des femmes syriennes aux décisions qui engagent leur avenir, leurs besoins et leurs aspirations.  Ceci inclut leur engagement dans les processus politiques et dans tous les efforts pour la résolution du conflit, a-t-elle précisé.

M. GENG SHUANG (Chine) a noté que le processus politique syrien est dans l’impasse et que le terrorisme se poursuit.  Toutefois, malgré ces circonstances difficiles, il est encourageant que l’on continue d’œuvrer à la reprise des travaux de la Commission constitutionnelle, a dit le représentant qui a appelé toutes les parties à travailler de manière constructive avec l’Envoyé spécial pour progresser vers une solution politique.  Il a salué les dernières interactions entre la Syrie et les pays de la région, ce qui laisse présager un nouvel élan au processus politique.  Le représentant a aussi exhorté la communauté internationale à continuer de lutter contre l’activisme terroriste et à intégrer de manière organique l’aide humanitaire dans les efforts de reconstruction à long terme.  Il a également demandé aux acteurs concernés de cesser de saper l’acheminement de l’aide humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie. Cette aide doit être garantie et renforcée, « et pas le contraire », a martelé le représentant qui n’a pas manqué de plaider pour la levée des sanctions unilatérales pour ne pas aggraver la situation humanitaire. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a salué le travail accompli par l’OCHA, les agences humanitaires et les ONG dans les circonstances difficiles de ces derniers mois.  Les tremblements de terre de février ont exacerbé la situation humanitaire désastreuse et ont rendu encore plus complexes les opérations dans le nord-ouest de la Syrie, a constaté la représentante, d’autant plus que le conflit se poursuit.  Ainsi, a-t-elle affirmé, entre le 6 février et le 10 avril, le régime syrien et ses alliés ont mené des attaques terrestres près des camps où sont hébergées les victimes du tremblement de terre. 

Pour Mme Woodward, ce dont les humanitaires ont besoin pour fonctionner est clair: un accès humanitaire régulier et prévisible par toutes les voies possibles et pour tous les Syriens.  Ne pas savoir si les postes frontières de Raaï et de Bab el-Salam resteront ouverts au-delà du mois prochain compromet la capacité des humanitaires à planifier et à opérer efficacement, a affirmé la représentante, pour qui ceux qui en payeront le prix sont les Syriens qui ont besoin d’aide.  Elle a donc demandé aux membres du Conseil d’être prêts à agir pour garantir l’accès des acteurs humanitaires aux 4,1 millions de personnes vivant dans le nord-ouest de la Syrie. 

Une solution politique est essentielle pour mettre fin aux souffrances du peuple syrien, a déclaré la représentante, qui a martelé que la résolution 2254 reste la pierre angulaire d’une Syrie pacifique qui ne déstabilise pas l’ensemble de la région.  Sans cessez-le-feu, les Syriens ne pourront pas reconstruire leur vie, a-t-elle insisté.  Sans réconciliation nationale et sans engagements sur la libération des détenus, les réfugiés ne seront pas assurés de pouvoir rentrer dans leur pays en toute sécurité.  Sans informations sur les disparus, les familles souffriront à jamais de ne pas savoir ce qu’il est advenu de leurs proches.  Tous ces éléments constituent une voie vers une paix durable, a-t-elle fait valoir en demandant instamment au régime syrien de s’engager de bonne foi sur cette voie.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a déclaré que seule une solution politique au conflit en Syrie mettra un terme aux souffrances des Syriens.  Il a appelé à un cessez-le-feu national sans délai, notant en outre que la mise en œuvre des dispositions de la résolution 2254 (2015) adoptée à l’unanimité permettrait de construire les bases d’une paix durable à laquelle les Syriens aspirent.  Cette feuille de route a pourtant été ignorée par le régime et ses alliés: le régime refuse de s’engager de bonne foi dans un processus politique tangible sous les auspices des Nations Unies; et la Russie a pris en otage la Commission constitutionnelle qui ne se réunit plus depuis près d’un an, a-t-il dénoncé. 

Le représentant a estimé que les dynamiques de normalisation à l’œuvre depuis le séisme ne permettront pas de stabiliser la Syrie de façon durable.  En l’absence de processus politique, la Syrie continuera de déstabiliser la région, a-t-il prévenu.  C’est pourquoi l’Union européenne a trèsrécemment adopté de nouvelles sanctions ciblant des individus et entités impliqués dans le trafic de captagon, a-t-il indiqué.  Reconnaissant que cette perspective n’est ni acceptable pour le peuple syrien, ni pour les États de la région, ni pour la communauté internationale dans son ensemble, il a exhorté le régime à faire des gestes tangibles afin qu’un véritable processus politique soit initié. 

Abordant le volet humanitaire, le délégué a noté que les tremblements de terre du 6 février dernier ont ajouté des difficultés à une situation déjà très dégradée.  En outre, le séisme a démontré qu’il était indispensable de pouvoir disposer de plusieurs points d’accès transfrontalier, pour acheminer l’aide de la manière la plus efficace possible.  Il a insisté sur la complémentarité entre l’acheminement de l’aide par le biais du mécanisme transfrontalier et par les convois à travers les lignes, déplorant l’arrêt de ces derniers depuis fin janvier.  La réponse internationale au séisme ne saurait faire oublier la réalité du régime syrien, a-t-il affirmé, notant que la situation humanitaire en Syrie est catastrophique avant tout parce que le régime a commis des crimes de grande ampleur contre sa propre population.

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a déclaré que le peuple de Syrie doit pouvoir compter sur l’engagement et l’empathie des membres du Conseil. Le représentant a demandé de ne pas de politiser l’aide humanitaire et l’accès aux personnes dans le besoin.  L’aide doit être centrée sur les populations et sur les besoins.  Les points de passage doivent rester ouverts aussi longtemps que nécessaire.  Le Conseil doit s’efforcer de lever tous les obstacles en la matière pour faire en sorte que le mécanisme transfrontière soit reconduit en juillet. 

Pour l’Albanie, le peuple syrien est dans une situation insupportable à cause du régime syrien et de ses alliés, qui sont responsables de violations des droits humains.  Il faut mettre fin à cette violence, a exhorté le représentant, qui a appelé le régime de Bashar Al-Assad de mettre une bonne fois pour toute fin aux frappes aveugles contre les civils et à respecter le droit international humanitaire. 

Le représentant a aussi encouragé la recherche d’une solution politique pérenne en Syrie et la reprise du travail de la Commission constitutionnelle.  Selon lui, il faut une coordination à l’échelle régionale, qui permettrait d’améliorer les processus diplomatiques.  Il a exigé la justice pour les violations commises en Syrie.  Il a demandé à en savoir davantage sur le sort des personnes disparues, afin que justice soit faite et pour mettre fin à l’impunité.  Il a le renvoi de la situation en Syrie à la Cour pénale international, afin qu’elle enquête sur différents faits commis dans le pays et pour renouveler la confiance du peuple syrien dans la communauté internationale. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a constaté l’absence d’avancée diplomatique permettant d’espérer une sortie de la crise syrienne, entrée dans sa treizième année.  Il a donc jugé nécessaire de redoubler d’efforts pour sortir de cette impasse politique d’une manière qui préserve la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie.  Estimant que la diplomatie arabe peut apporter une contribution importante pour mettre fin à cette crise, le représentant a rappelé les conclusions de la réunion consultative du Conseil de coopération du Golfe, de l’Égypte, de la Jordanie et de l’Iraq, tenue à Djeddah ce mois-ci. 

Le représentant a également souligné l’importance de soutenir les efforts internationaux et de l’Envoyé spécial en Syrie, avant d’appeler à mettre fin à la paralysie de la Commission constitutionnelle, seule plateforme susceptible de mener un dialogue national constructif, mené et contrôlé par les Syriens, sans ingérence ni exigences extérieures.  Parallèlement aux efforts déployés au niveau politique, le représentant a appelé à combler les lacunes en matière de sécurité, y compris en matière de lutte contre le terrorisme.  De plus, un cessez-le-feu national global doit être conclu dans toutes les régions de Syrie et l’ingérence étrangère dans le pays doit cesser. 

S’agissant de la situation humanitaire, le représentant a jugé l’aide d’urgence insuffisante pour résoudre la crise.  Il a plaidé pour que soient trouvées des solutions radicales et à long terme, surtout compte tenu des graves répercussions du tremblement de terre du 6 février.  Il importe pour cela de ne pas politiser la situation humanitaire et de soutenir les projets de réhabilitation et de reconstruction d’infrastructures et de services publics, a-t-il souligné, précisant que son pays avait lancé un projet visant à équiper 1 000 logements préfabriqués pour accueillir près de 6 000 Syriens touchés par le séisme, répartis dans sept zones de la province de Lattaquié.  Il a par ailleurs regretté que l’aide à travers les lignes n’ait pu être acheminée vers le nord-ouest de la Syrie depuis le tremblement de terre, en raison de l’obstruction de groupes terroristes. L’aide à travers les lignes doit pouvoir parvenir sans entrave à ceux qui en ont besoin, conformément à la résolution 2672 (2023), a insisté le représentant, qui a conclu son intervention en appelant à faciliter le retour volontaire des réfugiés syriens dans leur patrie.

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a remarqué qu’après le tremblement de terre qui a frappé la Türkiye et la Syrie en février, les besoins humanitaires immédiats ont fait place à de nouveaux besoins en termes de protection, qui se sont aggravés.  Selon les évaluations menées par le secteur de la protection du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en Syrie, la surpopulation, la disponibilité limitée d’espaces sûrs et la distribution adéquate d’eau, d’installations sanitaires et de produits d’hygiène ont augmenté l’exposition à la violence sexiste.  Tout en disant comprendre l’ampleur des besoins, la représentante a appelé l’ONU et tous ses partenaires à garantir des abris adéquats et appropriés pour les femmes et les enfants, qui tiennent compte de leurs besoins spécifiques en matière de protection et de respect de la vie privée. 

Consternée par la poursuite des bombardements et des frappes aériennes dans le nord-est et le nord-ouest de la Syrie, Mme Frazier a insisté une fois de plus sur l’importance d’un accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave à tous ceux qui en ont besoin en Syrie, y compris ceux du camp de Roukban.  Heureuse de constater que l’aide humanitaire continue d’être acheminée par Bab el-Haoua, avec le soutien des points de passage récemment autorisés de Bab el-Salam et Raaï, elle a insisté pour que ces points de passage restent ouverts. La représentante a toutefois regretté que, depuis la dernière réunion du Conseil, il n’y ait pas eu de convoi humanitaire dans le nord-ouest du pays et elle a appelé les parties, et ceux qui les influencent, à faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire en Syrie par tous les moyens. 

Soulignant une fois de plus l’importance des progrès politiques en Syrie, conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité, la représentante a précisé qu’ils doivent inclure la participation pleine, égale et significative des femmes. Une transition politique crédible, inclusive et durable est plus que jamais nécessaire, a-t-elle déclaré, estimant qu’il n’y a pas de solution militaire à ce conflit.  Malte reste convaincue que les actions qui vont de l’avant doivent également être ancrées dans le concept d’une paix juste.  À cet égard, la représentante a réitéré son soutien à l’obligation de rendre des comptes pour les crimes graves, et à une justice transitionnelle fondée sur une procédure régulière.

Au nom des A3 (Gabon, Ghana, Mozambique), M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a noté que l’accès fiable à une eau salubre et en quantité suffisante dans tout le nord de la Syrie reste un défi qui exige un soutien plus large au Plan de réponse humanitaire syrien, y compris pour le relèvement rapide et les moyens de subsistance, qui restent malheureusement sous-financés.  Préoccupé par la persistance des hostilités en Syrie, le représentant a plaidé pour la protection des civils et des biens de caractère civil, dans la conduite de leurs opérations militaires.  Les États qui ont de l’influence sur les parties doivent les convaincre d’assurer cette protection, a-t-il dit, avant d’insister sur un cessez-le-feu pour faciliter l’acheminement de l’aide aux victimes. 

Pour les A3, a indiqué le délégué, l’accès des secours d’urgence constitue la pierre angulaire de la mobilisation.  Il a salué la décision du Président syrien, M. Bashar Al-Assad, d’autoriser l’ouverture des deux nouveaux passages pour une durée de trois mois, en plus du passage de Bab el-Haoua.  Il a aussi prié le Gouvernement syrien d’autoriser la prorogation de l’acheminement transfrontalier de l’aide humanitaire et demandé le règlement de la question des détenus et des personnes disparues.  Le représentant a également appelé à la levée des sanctions afin de ne pas entraver les opérations de secours et exhorté les parties syriennes à saisir l’élan de soutien et d’attention suscité par les tremblements de terre pour s’engager sur la voie politique et résoudre les problèmes fondamentaux qui alimentent le conflit en Syrie.

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a déclaré que l’ouverture depuis février des deux nouveaux postes frontières à Bab el-Salam et Raaï, outre celui de Bab el-Haoua, a été une bouée de sauvetage pour l’acheminement de l’aide d’urgence dans les zones touchées par les séismes.  Cependant, l’ampleur et les effets persistants de la catastrophe font qu’un soutien international plus important est nécessaire de toute urgence.  Or, la période initiale de trois mois pour ces deux points de passage supplémentaires, convenue entre l’ONU et le Gouvernement syrien, expirera à la mi-mai.  Étant donné que la majorité des habitants du nord-ouest de la Syrie dépendent totalement de l’aide de l’ONU, le Japon demande instamment au Gouvernement syrien de proroger leur réouverture. 

Pour le représentant, seul un règlement politique peut véritablement résoudre la crise syrienne, raison pour laquelle il s’est dit préoccupé par le fait que la Commission constitutionnelle n’ait pas été convoquée depuis près d’un an. 

Enfin, la question des plus de 100 000 Syriens disparus reste une préoccupation majeure pour le Japon.  Le représentant a soutenu la proposition du Secrétaire général d’établir un nouvel organe par le biais de l’Assemblée générale, afin de clarifier le sort de ces disparus et de fournir un soutien adéquat aux victimes, aux survivants et aux familles.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) s’est exprimé, à titre national, sur les aspects politiques du conflit syrien.  Il s’est tout d’abord déclaré préoccupé par la situation globale, marquée notamment par une poursuite des hostilités dans le nord-ouest où les populations sont exposées à des souffrances supplémentaires, après avoir subi les effets dévastateurs du tremblement de terre du 6 février dernier.  Après avoir appelé les parties à cesser les attaques contre les civils ou les infrastructures civiles, le représentant s’est alarmé de la situation tragique dans le camp de Hol, se faisant l’écho de l’appel lancé par le Secrétaire général en faveur du retour volontaire et dans la dignité des habitants de ce type de structures vers les zones de leur choix.  Seul un processus dirigé et contrôlé par les Syriens permettra de déboucher sur un règlement durable de cette longue crise, a-t-il estimé, jugeant, à cet égard, que la résolution 2254 (2015) offre une feuille de route. 

Pour le délégué, il est essentiel de rétablir un dialogue franc entre les parties et de convoquer de nouveau l’organe restreint de la Commission constitutionnelle.  Toutefois, a-t-il ajouté, les réunions officielles ne suffisent pas, il faut également que se manifeste la volonté politique de relancer le processus politique et rapprocher les points de vue.  Des résultats concrets sont attendus, a insisté le représentant, avant de saluer l’engagement de l’Envoyé spécial en faveur d’un dialogue intra-syrien.  Il importe maintenant d’exploiter l’attention suscitée par le séisme pour un nouvel élan au processus politique et de renforcer les dynamiques à l’œuvre dans la région, a conclu le représentant. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a constaté la dégradation spectaculaire de la situation humanitaire en Syrie, notant que la guerre prolongée et les tremblements de terre laissent 8,8 millions de personnes aux prises avec une crise multidimensionnelle. Face à cette situation complexe, à laquelle s’ajoute l’augmentation des cas de choléra, le représentant a salué l’action de l’Envoyé spécial et des équipes de l’ONU sur le terrain.  Il s’est également félicité des résultats du plan de réponse au séisme, grâce auquel des écoles ont rouvert, des débris ont été dégagés dans les zones densément peuplées et des abris d’urgence ont été fournis.  Il s’est toutefois dit préoccupé par le grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays, soulignant les risques que cela fait courir aux personnes vulnérables, en particulier les femmes et les enfants non accompagnés.  Il s’est par ailleurs alarmé du nombre croissant de personnes vivant en situation d’insécurité alimentaire, et de celles privées d’emploi et dans le désespoir, faute de solution politique au conflit. 

Le représentant a ensuite demandé que soit garantie aux mécanismes existants la possibilité de mener des enquêtes complètes, indépendantes et impartiales sur les violations des droits humains et du droit international humanitaire, afin que des poursuites soient engagées contre les responsables, y compris devant la Cour pénale internationale.  Enfin, après avoir déploré que des incidents de sécurité continuent à être enregistrés, notamment des raids aériens, des détonations d’engins explosifs improvisés, des enlèvements, des assassinats ciblés et des attentats à la bombe, il appelé les parties à établir un cessez-le-feu définitif dans toutes les régions du pays, afin de permettre à l’aide humanitaire d’atteindre ceux qui en ont besoin et ce, par tous les moyens et voies possibles.

M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a dénoncé les attaques de l’armée israélienne contre les territoires syriens au cours des dernières semaines et le pillage des ressources naturelles de la Syrie par les forces américaines présentes illégalement dans le nord-est du pays.  Il a également dénoncé les attaques des groupes terroristes qui empêchent l’arrivée de l’aide humanitaire dans le nord-ouest du pays, de même que les mesures de terrorisme économique et les punitions collectives imposées au peuple syrien.  Le délégué a souligné l’attachement de la Syrie aux relations fraternelles avec les pays arabes, évoquant les visites du Président syrien au Sultanat d’Oman et aux Émirats arabes unis et celles du Ministre des affaires étrangères et des expatriés et d’autres responsables syriens en Égypte, en Arabie saoudite, en Algérie et en Tunisie.  Aux cours de ces rencontres, les discussions ont porté sur l’unification des efforts arabes pour parvenir à une solution politique aux crises auxquelles le peuple syrien est confronté, ainsi que sur le renforcement de la sécurité et de la stabilité, la lutte contre le terrorisme et le renforcement de la lutte contre le trafic de stupéfiants, a-t-il détaillé. 

Le représentant a mis en garde Israël et ses parrains contre les dangers de leurs politiques « irresponsables » qui poussent la région vers une escalade à grande échelle et une nouvelle phase d’insécurité et d’instabilité.  Le Conseil doit condamner ces attaques, les faire cesser et demander à Israël de rendre des comptes, a-t-il exigé, enjoignant en outre les États-Unis à mettre fin à leur présence militaire illégale sur le territoire syrien, et à cesser de parrainer des groupes terroristes et séparatistes et de piller les ressources naturelles de la Syrie.  Le délégué a également dénoncé l’infiltration illégale de plusieurs sénateurs français, le 31 mars 2023, dans le nord-est de la Syrie. 

Poursuivant, le délégué s’est félicité de la décision souveraine du Gouvernement syrien d’ouvrir deux points de passage frontalier supplémentaires suite au séisme du 6 février.  Après avoir de nouveau dénoncé les mesures coercitives unilatérales illégales imposées par les États-Unis et l’Union européenne à la Syrie, il a pris note des tentatives d’imposer un mécanisme visant à faire lumière sur le sort des personnes disparues en Syrie, rejetant tout mécanisme qui irait à l’encontre des intérêts du peuple syrien ou créé sans le consentement du Gouvernement.

M. AMIR SAEID IRAVANI (Iran) a jugé crucial d’assurer l’acheminement d’une aide humanitaire dénuée de toute politisation et ce, dans toutes les régions de la Syrie.  Il a estimé que les sanctions « illégales » sont un obstacle majeur à l’amélioration de la situation humanitaire et économique, notant, ce faisant, l’absence de progrès dans les opérations humanitaires par les lignes de front, en particulier dans le nord-ouest syrien contrôlé par les groupes terroristes.  L’aide humanitaire, a-t-il insisté, doit se faire en coordination avec le Gouvernement syrien et avec ses partenaires du format d’Astana et l’Iran, a affirmé le représentant, tient à la normalisation de la situation en Syrie.  Il juge, dans ce contexte, que la présence illicite des forces étrangères, y compris celles des États-Unis, constitue une violation flagrante du droit international. Au nom de son pays, le représentant s’est en revanche félicité de l’amélioration des relations diplomatiques entre Syrie et les pays de la région, en particulier les pays arabes. 

M. SEDAT ÖNAL (Türkiye) a rappelé qu’au mois de février, son pays et la Syrie ont été touchés par des tremblements de terre qui ont aggravé la situation humanitaire et montré combien il est urgent de régler le conflit syrien dans toutes ses dimensions.  Depuis le début de cette crise, a-t-il dit, la Türkiye a milité pour une solution pérenne qui n’est possible que dans le cadre d’un processus politique conforme à la résolution 2254 (2015).  Le représentant a indiqué, à cet égard, que les priorités de son pays pour la Syrie sont claires: la sortie de l’impasse politique actuelle, la lutte contre le terrorisme, le respect de l’intégrité et l’unité politique de la Syrie, la facilitation de l’accès humanitaire et la création des conditions favorables au retour sûr et volontaire de tous les réfugiés.  Il a ajouté que les réunions quadripartites lancées à Moscou visent à mettre en œuvre ces priorités dans un processus axé sur les résultats.  Toutes les initiatives sont précieuses, pour autant qu’elles soient menées de manière holistique et coordonnée pour trouver des solutions viables par le biais d’un processus politique crédible.  Il faut « aligner les positions » de toutes les principales parties prenantes, a estimé le représentant. 

Il a aussi d’autre part jugé que le mécanisme d’acheminement d’aide humanitaire transfrontière reste une « planche de salut » pour des millions des Syriens et s’est réjoui de l’ouverture de deux points de passages supplémentaires. Les organisations humanitaires doivent profiter au mieux de cet accès élargi, a encouragé le représentant avant de plaider pour la prorogation dudit mécanisme de manière à garantir plus de visibilité aux acteurs sur le terrain et aux bailleurs de fonds.  Il a également soutenu l’acheminement de l’aide par les lignes de front, conformément à la 2672 (2023), souhaitant qu’il soit plus régulier.  La catastrophe du 6 février dernier, a-t-il conclu, pourrait avoir un « bon côté » si la coopération humanitaire permettait de donner un nouvel élan au règlement de la crise politique. Toutes les parties prenantes doivent profiter de cette « fenêtre d’opportunités ». 

Avant la levée de la séance, Mme DIARRA DIME LABILLE (France) a réagi aux commentaires sur la présence de députés français en Syrie.  La démocratie française, a-t-elle dit, se fonde sur la séparation des pouvoirs.  En conséquence, le Gouvernement français ne peut pas contrôler le déplacement des parlementaires français mais il est vrai, a concédé la représentante, qu’il faut être un pays démocratique pour le savoir.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.