Conseil de sécurité: l’examen du dernier rapport sur l’action de la MINUK donne lieu une nouvelle fois à de violents échanges entre la Serbie et le Kosovo
En écho à une situation dégradée sur le terrain, la présentation du rapport du Secrétaire général consacré à la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), ce matin, au Conseil de sécurité, a donné lieu à des échanges acrimonieux entre le Ministre des affaires étrangères de la Serbie, M. Ivica Dačić, et la représentante du Kosovo. « Le ton ne laisse pas d’interpeller et demeure inquiétant », a constaté la France, et ce, malgré certaines avancées jugées significatives sur certaines questions.
Mme Donika Gërvalla-Schwarz, du Kosovo –certains membres du Conseil lui dénient le titre de « représentante », le Kosovo n’étant pas reconnu comme État à l’ONU- a ainsi affirmé que les responsables du génocide contre les Kosovars étaient toujours au pouvoir à Belgrade et que le représentant de la Serbie, le Ministre des affaires étrangères, M. Dačić, était le bras droit du « boucher des Balkans », M. Slobodan Milošević. L’oratrice a ajouté qu’il devrait comparaître devant un tribunal pour crimes de guerre.
Répondant à ces propos en fin de séance, M. Dačić a rappelé que le père de Mme Gërvalla-Schwarz plaidait pour un Kosovo albanais, ajoutant: « Ce que vous voulez, c’est la guerre, mais nous n’avons pas peur de vous. » L’intéressée a répliqué que son père, journaliste et écrivain, avait été assassiné par des services secrets dominés par les Serbes en raison de ses positions en faveur de l’indépendance du Kosovo. Elle a accusé M. Dačić « d’être de la Serbie de Milošević » et « pas de la nouvelle Serbie qui aspire à la paix et à l’Europe ».
Avant ces interventions sous tension, la Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la MINUK, Mme Caroline Ziadeh, avait déploré que les tensions du second semestre de 2022 aient amené Pristina et Belgrade « au bord de la confrontation armée ». Mme Ziadeh a appelé les dirigeants des deux parties à « inverser la tendance » et à reprendre le chemin du dialogue facilité par l’Union européenne. Le commerce et les investissements contourneront tout simplement les zones dans lesquelles les relations ne sont pas normalisées et où les tensions menacent la stabilité institutionnelle, a-t-elle averti.
La Représentante spéciale a notamment appelé les deux parties à respecter leurs engagements pris le 27 février dernier à Bruxelles, puis le 18 mars à Ohrid dans le cadre du nouvel « accord sur la voie de la normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie », un progrès salué par la quasi-totalité des délégations. Elle a également appelé le Kosovo à prendre des mesures pour démontrer que la police et les organes judiciaires sont totalement à l’abri des interférences politiques, ainsi qu’à rassurer les habitants « des deux côtés de l’Ibar ». Comme ensuite de nombreuses délégations, allant de la Serbie aux États-Unis en passant par la France, elle a demandé aux autorités kosovares un examen « immédiat, détaillé et de bonne foi » du projet de statut pour l’Association/Communauté des municipalités serbes du Kosovo, un projet cher à Belgrade que Pristina retarde depuis 10 ans. Plusieurs membres, dont les États-Unis ou le Japon, ont d’ailleurs estimé que le dialogue facilité par l’Union européenne reste le principal mécanisme visant à concilier les positions, ajoutant que l’élan positif enregistré ces derniers mois devait être maintenu.
Estimant que le rapport présenté « n’aidait pas à comprendre » les défis sécuritaires dans la région que la Serbie continue de considérer comme faisant partie de son territoire sous le nom de Kosovo-Metohija, M. Dačić a affirmé que l’objectif de Pristina était d’en expulser tous les Serbes. Il a notamment fait valoir que, 24 ans après l’adoption de la résolution 1244 (1999), le dernier rapport faisait toujours état de 200 000 déplacés du Kosovo-Metohija, avec un taux de retour de 2% seulement. La Fédération de Russie a d’ailleurs regretté que Pristina, avec le soutien des capitales occidentales, n’abandonne pas ses tentatives de prise de contrôle des zones peuplées de Serbes et a dénoncé la poursuite d’une politique systématique de déplacement physique des Serbes et de transformation de la région en un « espace albanais ethniquement pur ».
Le Ministre serbe a aussi décrit les menaces qui pèsent selon lui sur le patrimoine spirituel orthodoxe serbe au Kosovo-Metohija et a dénoncé l’effacement de l’histoire, la destruction des églises et la profanation des cimetières orthodoxes. Il a martelé que la Serbie ne reconnaîtrait jamais l’indépendance déclarée unilatéralement du Kosovo et qu’elle n’accepterait jamais que le Kosovo devienne membre de l’ONU.
Mme Gërvalla-Schwarz, qui a qualifié l’intervention de la Serbie de « tirade faisant l’apologie de la propagande », a accusé la Serbie de constituer une menace grave pour les Balkans, ajoutant que seule la présence de troupes américaines et de l’OTAN au Kosovo, via la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR), empêchait la Russie et la Serbie de déclencher une guerre. Selon elle, « la Serbie de 2023 n’a plus envie d’être européenne, elle veut juste ses millions d’euros, tout en souhaitant que Moscou dirige le monde ».
Mme Gërvalla-Schwarz s’en est en outre vivement prise au rapport du Secrétaire général et à la MINUK, estimant qu’elle était devenue inutile et agissait même comme un « facteur déstabilisant ». Si le Japon a lui aussi jugé nécessaire de revoir les fonctions et le mandat de la MINUK, afin notamment de réduire ou d’éliminer les chevauchements avec les activités de l’UE et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), M. Dačić a au contraire demandé qu’on en revienne à la pleine application de son mandat défini dans la résolution 1244 (1999). La Chine a jugé sa présence indispensable et d’autres membres comme le Gabon ou le Mozambique ont salué son travail de réconciliation intercommunautaire, raison pour laquelle le Brésil a lui aussi jugé prématuré d’envisager le retrait de la Mission.
Signe de la tension qui régnait lors de la séance, Mme Gërvalla-Schwarz a regretté de n’avoir pas été autorisée à intervenir en albanais alors que M. Dačić avait pu s’exprimer en serbe, provoquant une mise au point de la présidence russe du Conseil de sécurité, mais aussi des interventions des États-Unis et de l’Albanie.
RÉSOLUTIONS 1160 (1998), 1199 (1998), 1203 (1998), 1239 (1999) ET 1244 (1999) DU CONSEIL DE SÉCURITÉ (S/2023/247)
Déclarations
Mme CAROLINE ZIADEH, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), a constaté « les graves difficultés » rencontrées récemment, tout en saluant l’important effort collectif réalisé pour stabiliser et normaliser les relations entre Belgrade et Pristina. Évoquant des cycles de tensions, de provocations et de griefs ayant marqué une grande partie de l’année 2022 et 2023, elle s’est inquiétée d’un « manque de confiance » qui pourrait s’aggraver, avec des conséquences directes sur la stabilité régionale. Elle a appelé les deux parties à respecter leurs engagements conjoints pris le 27 février à Bruxelles et le 18 mars à Ohrid dans le cadre du nouvel « Accord sur la voie de la normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie » et les a invitées à prendre des mesures immédiates pour démontrer leur bonne volonté sur le terrain.
S’inquiétant des tensions ayant précipité le retrait massif des Serbes des institutions du Kosovo en novembre dernier et de celles qui ont polarisé l’opinion publique lors des élections locales de dimanche dernier, la Représentante spéciale a appelé le Kosovo à prendre des mesures pour démontrer que la police et les organes judiciaires sont totalement à l’abri des interférences politiques. Soulignant aussi des difficultés dans les domaines des moyens de subsistance et des droits humains, concernant notamment les expropriations et l’impartialité de la justice, elle a appelé à rassurer les habitants ordinaires « des deux côtés de l’Ibar ».
Saluant le calme qui a prévalu lors des élections du 23 avril, Mme Ziadeh a toutefois constaté que des questions de représentativité persistaient: « les élus, les policiers et les membres des services municipaux devraient refléter véritablement les intérêts de la population locale », a-t-elle affirmé. Elle a appelé les deux parties à approuver la déclaration commune sur les personnes disparues, facilitée par l’Union européenne (UE), le 2 mai prochain. Elle a également appelé à un examen « immédiat, détaillé et de bonne foi » du projet de statut pour l’Association/Communauté des municipalités serbes du Kosovo.
Déplorant que les tensions du second semestre de 2022 aient amené Pristina et Belgrade « au bord de la confrontation armée », la Représentante spéciale a appelé les dirigeants des deux parties à « inverser la tendance » et à reprendre le chemin du dialogue facilité par l’UE. Le commerce et les investissements contourneront tout simplement les zones dans lesquelles les relations ne sont pas normalisées et où les tensions menacent la stabilité institutionnelle, a-t-elle averti.
Saluant le travail effectué par la Mission dans le cadre de son programme de renforcement de la confiance, qui fête son cinquième anniversaire, la Cheffe de la MINUK a expliqué qu’il visait à dépasser les préjugés ethniques, notamment grâce au soutien apporté aux droits linguistiques via une plateforme en ligne, sur laquelle 70 000 personnes apprennent le serbe et l’albanais. Un centre de ressources pour les personnes disparues, des programmes d’aide à l’autonomisation des femmes et des jeunes, un programme pour garantir un égal accès à la justice, ainsi qu’un centre de dialogue communautaire complètent le dispositif, a-t-elle ajouté, en estimant que « les accords politiques ont besoin d’un tel terreau pour se développer ».
M. IVICA DAČIĆ, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Serbie, a déclaré que le rapport du Secrétaire général n’aide pas à comprendre les défis sécuritaires et autres au Kosovo-Metohija. Il a d’emblée appelé à la mise en œuvre de la résolution 1244 (1999) du Conseil et à une présence active de la MINUK dotée du mandat alors conféré, sans changement. Si cette résolution n’est pas respectée, c’est comme si l’ONU n’existait plus, a lancé le Ministre.
M. Dačić a décrit une atmosphère de peur, d’incertitude et de pression envers les Serbes et les autres communautés non albanaises sur le terrain. Il a une nouvelle fois demandé la mise en œuvre de l’accord de Bruxelles signé il y a 10 ans et la formation au plus vite de l’Association/Communauté des municipalités serbes, seul mécanisme possible à ses yeux pour protéger les droits et la sécurité de la communauté serbe au Kosovo-Metohija. En 10 ans, Pristina n’a fait que se dérober à ses obligations, a accusé le Ministre, pour qui l’objectif de Pristina est d’expulser tous les Serbes du Kosovo-Metohija. La Serbie prendra toutes les mesures politiques et économiques légales pour protéger la vie et les droits humains et politiques fondamentaux des Serbes et des autres populations non albanaises au Kosovo-Metohija, a averti le Ministre.
M. Dačić a regretté que, 24 ans après la résolution 1244 (1999), le rapport mentionne toujours 200 000 personnes déplacées du Kosovo-Metohija, et que le taux de retour soit de 2%. À ce rythme, il faudra des siècles pour que tous les exilés retournent dans leurs maisons et leurs foyers, a-t-il affirmé, en demandant si c’était là le résultat du développement démocratique de Pristina et sa contribution à la coexistence pacifique des Serbes et des Albanais au Kosovo-Metohija. Le Ministre a aussi affirmé que le patrimoine spirituel orthodoxe serbe au Kosovo-Metohija était visé par des attaques menées par des Albanais du Kosovo et a dénoncé l’effacement de l’histoire, la destruction des édifices de l’Église orthodoxe serbe, la profanation des cimetières orthodoxes et le déni du droit à la liberté de religion. Il a fait état d’attaques à motivation ethnique à l’occasion des fêtes religieuses orthodoxes.
Le Ministre a accusé Pristina de violer les droits démocratiques fondamentaux des Serbes du Kosovo-Metohija avec la tenue récente d’élections spéciales dans quatre municipalités à majorité serbe. La pression sur les communautés non albanaises n’est pas un signe de compromis, a-t-il fait observer.
M. Dačić a vu dans la question de l’adhésion de Pristina au Conseil de l’Europe un chantage et une manœuvre politique visant à retarder la formation de l’Association/Communauté des municipalités serbes. Il a dénoncé l’octroi de visa européen aux Albanais alors que les Serbes en sont exclus. Le renforcement des capacités de Pristina ne fait qu’aggraver et priver la communauté serbe de ses droits, a affirmé le Ministre.
La Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR) doit garantir le droit à la vie et à la sécurité de la communauté serbe au Kosovo-Metohija, a encore rappelé le Ministre, qui a dressé un bilan comptable des incursions des unités spéciales de la police du Kosovo dans des municipalités non albanaises, menées sans le consentement de la KFOR. Ces actions des unités spéciales ne font qu’alimenter les tensions interethniques, a-t-il affirmé, rappelant qu’aux termes de la résolution 1244 et de l’accord militaro-technique, la KFOR seule est mandatée pour l’ensemble des aspects militaires de la sécurité.
Le Ministre a réitéré l’engagement de la Serbie à adhérer à l’Union européenne et à trouver une solution durable par le dialogue entre Belgrade et Pristina. Attendre 10 années de plus que Pristina respecte ses obligations est inacceptable, a-t-il toutefois fait valoir, appelant à la formation inconditionnelle et urgente de l’Association/Communauté des municipalités serbes, conformément à l’accord de Bruxelles. Il a regretté que les discussions sur ce sujet important ne commencent que le 2 mai prochain.
Rappelant que le peuple serbe a vécu au Kosovo-Metohija depuis des siècles, M. Dačić a martelé que la Serbie ne peut pas et ne reconnaîtra jamais l’indépendance déclarée unilatéralement du Kosovo et qu’elle n’acceptera jamais que le Kosovo devienne membre de l’ONU. Quinze ans après la déclaration d’indépendance, 28 États Membres ont révoqué leur reconnaissance du Kosovo et sur 193 membres de l’ONU, seuls 84 reconnaissent le Kosovo, a-t-il en outre rappelé.
Mme DONIKA GËRVALLA-SCHWARZ, du Kosovo, a d’abord regretté de n’avoir pas été autorisée à intervenir dans la langue majoritairement parlée dans son pays, l’albanais, puis a qualifié l’intervention de la Serbie de « tirade faisant l’apologie de la propagande ». La paix et la sécurité sont menacées dans sa région, a-t-elle affirmé, alors même que les jeunes États des Balkans ont fait de grands progrès.
Plus de 90 des 100 points soulevés dans le rapport de la MINUK comportent des erreurs plus ou moins graves et le rapport souffre d’importants oublis, a ensuite accusé l’intervenante, qui a ajouté que les défaillances de la Mission étaient bien connues depuis longtemps et qu’elle agissait comme un facteur déstabilisant. Le présent rapport montre combien elle est devenue inutile, a-t-elle insisté. Elle a notamment regretté l’oubli, dans le rapport, de toute mention crédible du processus de Berlin de 2022, qui s’inscrit pourtant dans les efforts plus larges déployés par l’Europe et d’autres parties prenantes. Ce processus reste bloqué dans les pays où le Président Vučić de Serbie exerce une influence, a-t-elle affirmé, rappelant que ce dernier a pourtant signé cet accord. Si les promesses et les accords signés ne sont pas honorés, les négociations deviennent une farce, a commenté Mme Gërvalla-Schwarz, qui a affirmé que derrière les actes de la Serbie se trouve la Russie. On ne peut que constater à quel point les processus tels que le processus de Berlin et d’autres initiatives visant à promouvoir l’intégration dans le marché européen ne sont pas respectés, a poursuivi l’oratrice, accusant MM. Vučić et Dačić d’en être les principaux responsables.
Après avoir assuré que le Kosovo se tient aux côtés de l’Ukraine, Mme Gërvalla-Schwarz a accusé la Serbie, qui se dit partenaire de l’Europe, d’être prête à cautionner les activités repréhensibles de la Russie en Ukraine. La Serbie soutient activement la guerre et le génocide en Ukraine, a-t-elle affirmé, en regrettant que tout cela ne figure pas non plus dans le rapport de la MINUK. La Serbie constitue une menace grave pour les Balkans, a-t-elle poursuivi, estimant que la présence actuelle de troupes américaines et de l’OTAN au Kosovo empêche la Russie et la Serbie de mettre leur projet à exécution mais que sans cette présence, il y aurait déjà une guerre dans les Balkans.
La célébration du quinzième anniversaire de l’indépendance du Kosovo n’est pas non plus mentionnée dans le rapport de la MINUK, a déploré Mme Gërvalla-Schwarz, qui a affirmé qu’avec sa jeune armée moderne, son pays s’attachait à préserver la paix et la liberté dans la région et faisait partie des pays qui font front commun pour faire respecter la Charte des Nations Unies. « Plus jamais nous ne serons une victime sans défense de l’agression et du génocide », a-t-elle lancé, ajoutant qu’avec ses alliés, le Kosovo est aujourd’hui en mesure de se défendre.
Nous sommes un exemple concret de ce qui peut se faire sur la voie de l’état de droit, de la lutte contre la corruption et le crime et de la progression vers l’intégration à l’Europe, s’est félicitée Mme Gërvalla-Schwarz, qui a présenté le Kosovo comme le pays le plus démocratique dans les Balkans, ajoutant que cela constitue une provocation pour le régime de Belgrade. L’avenir du Kosovo, c’est l’Europe, a-t-elle assené, rappelant la bonne intégration régionale du Kosovo, la croissance de ses recettes fiscales, sa représentation dans des capitales étrangères ou encore les investissements étrangers qu’il attire.
Contrairement au Kosovo qui est tourné vers l’Europe, la « Serbie de Vučić et Dačić » est tournée vers l’Est, vers « le reliquat d’anciennes puissances » et elle fait fi des accords qu’elle signe avec l’Occident et des valeurs européennes comme l’état de droit et la liberté de la presse, a poursuivi Mme Gërvalla-Schwarz, qui a affirmé que « la Serbie de 2023 n’a plus envie d’être européenne, elle veut juste ses millions d’euros, tout en souhaitant que Moscou dirige le monde ». Notant que les responsables du génocide contre les Kosovars sont toujours au pouvoir et que le Ministre serbe ici présent, M. Dačić, était le bras droit du « boucher des Balkans », M. Slobodan Milošević, l’oratrice a estimé qu’il devrait comparaître devant un tribunal pour crimes de guerre. Le Kosovo reste néanmoins disposé à négocier, a-t-elle assuré, « parce que nous voulons la paix pour toute la région et une Serbie meilleure qui ne veut plus être une menace pour ses voisins ».
Intervenant en tant que Président du Conseil, M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rejeté les allégations de Mme Gërvalla-Schwarz selon lesquelles la présidence ne l’aurait pas autorisée à intervenir en albanais. La Présidence a été informée que vous étiez prête à intervenir en anglais, comme vos prédécesseurs l’ont fait avant vous, a-t-il justifié. Si vous souhaitiez vraiment intervenir en albanais, ce qui s’est déjà produit, cela aurait été possible, même si ce n’est pas une langue officielle. Nous vous aurions autorisée à intervenir en albanais si vous n’aviez pas le choix, a ajouté le Président.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a déclaré soutenir la recherche d’une solution dans le cadre de la résolution 1244 (1999), reconnaissant les efforts déployés par les parties, en particulier les mesures prises pour atténuer les tensions survenues au cours de l’année écoulée. Il les a exhortées à rester sur cette voie et à s’abstenir de mesures unilatérales susceptibles d’entraver l’avènement d’une paix durable. Le processus de normalisation des relations, a-t-il ajouté, doit inclure la société civile, en particulier les femmes et les jeunes, dans ses délibérations, pour veiller à ce que leurs besoins et attentes soient pris en compte. Il a émis l’espoir que les parties honoreront leur engagement à respecter l’accord sur la voie de la normalisation des relations. Le délégué s’est toutefois dit préoccupé de constater que peu de progrès ont été réalisés dans le dossier des personnes portées disparues depuis 1999, souhaitant qu’avec le soutien de la MINUK, il soit possible de les localiser et de venir en aide à leurs familles. Il s’agit là d’un aspect humanitaire important du processus de réconciliation, a-t-il insisté. Enfin, le représentant a exhorté les autorités à intensifier leurs efforts pour garantir une protection efficace et un accès à la justice et aux services de soutien pour les survivantes de la violence sexiste et domestique.
Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) s’est félicitée de la conclusion de l’accord sur la voie de la normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie. Elle a encouragé Pristina et Belgrade à poursuivre sur cette lancée et à mettre pleinement en œuvre toutes les obligations découlant de cet accord. La représentante s’est cependant déclarée préoccupée par certains des faits présentés dans le rapport de la MINUK, tels que les agressions signalées contre des civils, ainsi que les informations faisant état d’actes d’intimidation et de recours excessif à la force par des unités d’opérations spéciales. Elle a appelé les deux parties à désamorcer les tensions et à s’abstenir de toute action unilatérale ou rhétorique de division qui pourrait annuler les progrès réalisés et à opter pour le dialogue et la réconciliation. Une coopération accrue entre Pristina et Belgrade conduira selon elle à une plus grande prospérité économique dans la région et contribuera à stabiliser les Balkans occidentaux.
Dans ce contexte, la déléguée a exprimé son soutien aux réformes que mène le Kosovo et à ses efforts sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne. Appelant les autorités kosovares à répondre aux besoins de tous les membres de la société, elle a salué la convocation par le Président Osmani d’un forum régional de haut niveau sur les femmes et la paix et la sécurité. Après avoir condamné les cas de violence sexuelle et sexiste, y compris les féminicides et les mariages d’enfants, elle s’est félicitée des efforts visant à renforcer le Code pénal, le Code de procédure pénale, le Protocole pour le traitement des cas de violence sexuelle et la loi sur la protection et la prévention de la violence à l’égard des femmes et de la violence sexiste.
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a rappelé le rôle important qu’a joué la MINUK depuis sa création en 1999 en soutenant le Kosovo dans l’élaboration de sa constitution, de son gouvernement et de son parlement. Même après sa reconfiguration, la Mission a continué de contribuer à la paix et à la stabilité au Kosovo et dans la région, a-t-il relevé, saluant l’engagement actif de la Représentante spéciale avec les partenaires locaux et internationaux pour encourager la désescalade et promouvoir la confiance mutuelle.
Le représentant s’est également félicité qu’après l’inquiétante escalade des tensions entre le Kosovo et la Serbie, à la fin de l’an dernier, les deux parties se soient entendues sur l’accord de normalisation de leurs relations proposé par l’Union européenne le 27 février dernier, puis sur l’annexe de mise en œuvre de l’accord, le 18 mars. À cette aune, compte tenu de l’évolution politique et sociale et des efforts déployés par toutes les parties prenantes, le représentant a jugé nécessaire de revoir les fonctions et le mandat de la MINUK, afin notamment de réduire ou d’éliminer les chevauchements avec les activités de l’UE et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Enfin, le Japon continue de soutenir les efforts du Kosovo en vue de son adhésion à l’UE, convaincu que les réformes en cours dans le pays conduiront à de nouvelles étapes dans cette direction.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a noté que la réunion d’aujourd’hui intervient dans le contexte d’avancées significatives vers la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo, même si le ton des deux « Vice-Premiers Ministres serbe et kosovar » ne laisse pas d’interpeller et demeure inquiétant. Elle a salué l’esprit de responsabilité des deux parties qui a permis d’obtenir un accord de principe à Bruxelles le 27 février et un accord sur son annexe de mise en œuvre à Ohrid le 18 mars. Nous attendons désormais de la Serbie et du Kosovo qu’ils s’engagent sans réserve, de bonne foi, et avec le même esprit de compromis, dans la mise en œuvre immédiate de l’ensemble de leurs engagements au titre de l’accord. Parmi ceux-ci, a-t-elle ajouté, la mise en place d’une association de municipalités à majorité serbe au Kosovo est un élément essentiel, et la réunion entre Aleksandar Vučić et Albin Kurti mardi prochain à Bruxelles doit permettre de lancer des discussions concrètes et substantielles sur un projet de statut. La représentante a jugé essentiel d’éviter une nouvelle crise sur le terrain dans les semaines qui viennent afin de ne pas perturber la dynamique positive à l’œuvre, appelant les parties à faire preuve de retenue et à s’abstenir de toute mesure unilatérale susceptible de nourrir les tensions. Elle a en outre encouragé le Kosovo et la Serbie à trouver des solutions sur la question de la conversion des plaques d’immatriculation et de la fourniture d’électricité au nord du Kosovo.
Poursuivant, la déléguée s’est réjouie de l’absence d’incidents lors de la tenue des élections dans quatre municipalités du nord du Kosovo le 23 avril, regrettant toutefois la faible participation électorale et l’absence de participation de certains partis politiques. Dans ce contexte, ces élections ne sauraient constituer une solution politique de long terme pour les municipalités concernées, a estimé la représentante pour qui la priorité doit être la mise en œuvre de l’Association/Communauté des municipalités serbes du Kosovo et le retour des Serbes dans les institutions kosovares.
M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a noté que la démocratie et les institutions du Kosovo ont continué à montrer leur maturité et ont gagné des points dans les classements internationaux établis par Freedom House sur les libertés politiques et civiles. De même, il a salué les efforts du Gouvernement pour lutter contre la corruption, renforcer l’état de droit, et combattre la violence domestique et sexiste. Le représentant a estimé qu’un examen du rôle et des responsabilités de la MINUK s’impose, les conditions sur le terrain n’étant plus les mêmes depuis 1999. Il a salué les progrès considérables qui ont été accomplis dans le cadre du dialogue de normalisation sous les auspices du Représentant spécial de l’UE, y compris l’accord de Bruxelles du 27 février et son annexe de mise en œuvre négocié le 18 mars à Ohrid.
Le délégué a appelé les deux parties à s’engager à dialoguer de bonne foi, honorer leurs engagements et éviter les actions ou les discours qui pourraient réduire les perspectives d’un accord de normalisation global et durable. Il a également engagé le Kosovo et la Serbie à établir dès que possible l’Association/Communauté des municipalités serbes du Kosovo. Il s’est inquiété de la persistance du vide sécuritaire dans le nord du Kosovo qui laisse les communautés isolées et a jugé essentiel que les institutions fonctionnent dans cette région. La Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR) et la mission « État de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo (EULEX) ne sont pas une solution pour le long terme, a-t-il dit.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a rappelé que son pays était parmi les premiers à reconnaître le Kosovo comme État indépendant. Saluant les progrès réalisés par le Kosovo en matière de lutte contre la corruption et le crime organisé, elle a réaffirmé le soutien de la Suisse à la perspective européenne du Kosovo et à son intégration dans les structures internationales. La représentante a également souligné le travail important effectué par la MINUK depuis 1999 et s’est dite prête à discuter d’un éventuel examen stratégique de la Mission. Dans l’immédiat, elle s’est félicitée de l’accord sur la voie de la normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie, facilité par l’Union européenne (UE), y voyant une étape cruciale pour préserver la stabilité. Elle a souhaité que les engagements pris dans ce cadre soient pleinement réalisés.
Abordant la situation sécuritaire, la représentante a déploré les nouvelles tensions observées dans le nord du Kosovo, appelant les parties à éviter toute action ou rhétorique qui puisse entraver les perspectives de réconciliation et de paix durable. Elle a condamné l’augmentation des incidents intercommunautaires et a constaté que la KFOR, à laquelle la Suisse fournit le plus important contingent militaire, continue de jouer un rôle essentiel en tant que garant d’un environnement stable et sûr au Kosovo. Elle a d’autre part regretté que la communauté serbe du Kosovo n’ait pas participé aux récentes élections locales, encourageant les dirigeants du Kosovo à rechercher le dialogue avec les représentants de cette minorité. Estimant qu’il importe aussi de traiter le passé pour prévenir une résurgence du conflit, elle a applaudi le projet de stratégie inclusive du Gouvernement du Kosovo pour la justice transitionnelle. La représentante a appelé les parties à coopérer dans ce domaine, avec une approche centrée sur les victimes et les survivants, et à progresser sur la question des disparitions forcées.
Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a pris note des progrès importants accomplis sur la voie de la normalisation des relations entre la région du Kosovo et la Serbie, malgré l’aggravation des tensions au cours des six derniers mois, se disant encouragée par la volonté politique manifestée par les parties de surmonter leurs difficultés actuelles. Elle s’est en particulier félicitée du nouvel accord sur la voie de la normalisation des relations conclu le 27 février 2023 à Bruxelles et de l’annexe relative à sa mise en œuvre, qui a été signée à Ohrid le 18 mars 2023. Ces documents offrent une nouvelle chance de résoudre les différends en suspens et d’ouvrir la voie à la paix, à la stabilité et au progrès économique et social pour tous au Kosovo, a estimé la représentante, selon qui leur mise en œuvre contribuerait également à résoudre les crises persistantes liées à la reconnaissance des documents officiels, des symboles et des plaques d’immatriculation des véhicules. Les promesses du nouvel accord ne pourront toutefois se concrétiser que si toutes les parties s’engagent à un niveau sans précédent dans le processus de normalisation, a-t-elle prévenu.
La représentante s’est ensuite dite préoccupée par l’aggravation des tensions dans la région du nord du Kosovo, ainsi que par les déclarations incendiaires et les actes provocateurs. Le faible taux de participation aux élections locales du 23 mars 2023 met en évidence de graves divisions au sein de la société, mais surtout la nécessité de poursuivre le dialogue afin de définir un processus crédible pour le retour des Serbes du Kosovo dans les institutions administratives, a-t-elle estimé.
Ainsi, la question toujours en suspens des 1 600 personnes disparues demeure un point d’achoppement qu’il faut aborder dans une perspective strictement humanitaire et en l’absence de politisation, a déclaré la représentante, qui a invité à la coopération mutuelle pour faire la lumière sur les faits concernant ces disparus. Cela contribuerait à dissiper les récits infondés qui perpétuent la méfiance entre groupes ethniques de la région du Kosovo, a-t-elle estimé, avant d’apporter son soutien au travail de la MINUK.
Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a souligné les relations et les affinités étroites qu’entretient son pays avec le Kosovo et la Serbie, liens qui ont été soulignés le mois dernier, lors de la visite du Ministre émirien des affaires étrangères à Belgrade et à Pristina. Elle a salué le récent accord entre la Serbie et le Kosovo qui constitue l’avancée la plus significative dans leurs relations depuis plus d’une décennie. Elle s’est aussi félicitée de l’accord conclu à Bruxelles en février dernier sur la voie de la normalisation, ainsi que de la signature d’une feuille de route à Ohrid le mois dernier. Si la détermination de chaque partie a permis de passer des cendres de la guerre à un accord, le passage de la planche à dessin à la réalité est la prochaine étape à franchir, a-t-elle déclaré, et cela nécessite un travail considérable. Les élections locales de dimanche au Kosovo, qui se sont déroulées sans la participation d’acteurs politiques importants dans les quatre municipalités à majorité serbe du nord, ont souligné la complexité de la situation, a relevé la déléguée qui a également rappelé qu’en novembre, de nombreux responsables serbes de ces régions avaient démissionné de leurs fonctions au sein du Gouvernement du Kosovo. Ces développements présentent une nouvelle série de défis à relever, a-t-elle concédé. Cela étant dit, elle s’est dite confiante que les accords de Bruxelles et d’Ohrid offrent la possibilité d’aller de l’avant. En définissant des mesures spécifiques susceptibles de soutenir la stabilité et de renforcer la participation civique, ils clarifient les moyens d’améliorer la situation, non seulement dans ces municipalités, mais dans l’ensemble du Kosovo, a-t-elle soutenu.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) s’est félicité de l’accord sur la voie de la normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie, signé en février, et de son annexe de mise en œuvre signée en mars. Il s’est toutefois préoccupé des reculs sur d’autres fronts, tels que la feuille de route pour la mise en œuvre des accords énergétiques de 2013 et 2015. Il s’est également inquiété de la persistance des tensions entre les communautés, en particulier dans le nord du Kosovo, comme en témoigne le boycott des élections locales de dimanche dernier. Le délégué a appelé les parties à adopter des mesures de confiance et à éviter les actions unilatérales qui pourraient déclencher la violence. Réitérant son appel à la création de l’Association/Communauté des municipalités serbes du Kosovo, il a encouragé les parties à respecter leurs engagements ainsi que les sites d’importance historique, culturelle ou religieuse et à préserver la liberté de circulation. Le représentant a ensuite jugé prématuré d’envisager le retrait de la MINUK à l’heure actuelle car elle joue un rôle important dans la prévention des conflits intercommunautaires.
Le délégué s’est par ailleurs inquiété de la présence de troupes du Kosovo dans les « Îles Malvinas », notant que l’envoi de troupes étrangères sur ce territoire constitue une violation de la résolution 31/49 de l’Assemblée générale et va à l’encontre de l’esprit de la résolution 41/11, qui a solennellement déclaré l’Atlantique Sud zone de paix et de coopération. Il a réitéré son ferme soutien à la souveraineté argentine sur les « îles Malvinas » et exhorté les États Membres à s’abstenir de toute action unilatérale concernant ce territoire.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a regretté que la représentante du Kosovo n’ait pas été autorisée à s’exprimer dans la langue de son choix et déclaré qu’en vertu de l’article 44 du Règlement intérieur provisoire du Conseil, un représentant pouvait s’exprimer dans une langue de son choix avec la mise à disposition des services d’interprétation adéquats. Cela avait été accordé par écrit mais la Russie s’y est opposée, également par écrit. Ce faisant, la présidence russe a fait preuve de partialité dans le rôle qui a été le sien, a accusé le représentant, qui lui a reproché d’être allé à l’encontre des règles du multilatéralisme. Il a cité des précédents à l’occasion desquels d’autres langues ont été utilisées par des délégations au Conseil de sécurité, jugé ridicule la position de la présidence russe et salué la compréhension dont a fait preuve la représentante du Kosovo.
M. Hoxha a ensuite noté que les choses ont beaucoup changé depuis que, le 15 décembre dernier, le Kosovo a présenté sa demande d’adhésion à l’Union européenne, confirmant sa volonté de s’intégrer à l’UE et son appartenance à la région de l’Atlantique Nord. Les citoyens du Kosovo sont autorisés à voyager dans une soixantaine de pays, y compris dans l’espace Schengen. Le Conseil de l’Europe a accepté la demande officielle du Kosovo. Il s’agit là d’une percée historique pour le Kosovo, s’est félicité le représentant, qui a rappelé que l’Union européenne avait facilité le dialogue entre la Serbie et le Kosovo et estimé que cette initiative avait porté ses fruits.
Le représentant s’est dit « abasourdi » d’entendre le Ministre des affaires étrangères de la Serbie affirmer le contraire. Les parties doivent respecter leurs promesses de normaliser leurs relations, a-t-il affirmé. S’agissant des récentes élections locales, il a regretté que tous les électeurs n’aient pas pu participer alors que leurs intérêts sont en jeu. Il faudra trouver une solution à cette question car les Serbes du Kosovo ont le droit d’être représentés à tous les niveaux, a-t-il ajouté. Il a aussi souhaité des solutions concernant les 1 600 personnes toujours portées disparues.
Enfin, M. Hoxha a estimé que le moyen de sortir du mandat de la MINUK se trouve dans l’Union européenne. C’est vers elle qu’il faut aller pour que les Serbes et les Kosovars puissent jouir de leurs droits, en tant que ressortissants de l’Union européenne.
M. GENG SHUANG (Chine) a salué les deux récentes réunions de haut niveau entre les parties serbe et kosovare, sous facilitation de l’UE, avec à la clef, peut -être, un début de normalisation. La Chine ayant toujours été favorable à une solution mutuellement acceptable pour les deux parties au travers du dialogue et sur la base de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, le représentant a insisté sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Serbie dans ce contexte. Il a également encouragé les deux parties à maintenir le dialogue. La création de l’Association/Communauté des municipalités serbes du Kosovo est une composante essentielle de l’accord de Bruxelles a-t-il noté, appelant l’UE à rester neutre dans ce processus. Le représentant s’est inquiété de la situation instable qui prévaut dans le nord du Kosovo -à majorité serbe-, et de la tenue d’élections avec un taux de participation inférieur à 4%, ce qui a conduit à une escalade des tensions préoccupante. Il a exhorté le Kosovo à reprendre la voie du dialogue et de la consultation, en appelant l’UE à jouer un rôle de médiateur constructif à cet égard. Préoccupé par les tensions ethniques actuelles, il a demandé que des mesures actives soient prises pour protéger la sécurité et les droits de toutes les communautés de la région, y compris des Serbes. Il a par ailleurs estimé que le rôle de la MINUK demeure indispensable.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a constaté que la question des plaques d’immatriculation demeure une pomme de discorde et que le taux de participation historiquement bas aux récentes élections locales illustre l’ampleur de la fracture entre les communautés ethniques concernées. Il s’est ensuite dit persuadé que la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina doit passer par la mise en œuvre de l’accord de Bruxelles de 2013. Le représentant a appelé les parties à demeurer engagées dans le processus de normalisation de leurs relations en évitant toute approche unilatérale susceptible d’exacerber les tensions. Il a souligné la nécessité de garantir le retour des expatriés, notant avec intérêt les 112 retours volontaires enregistrés au cours de la période sous examen, avant d’encourager les efforts en vue d’assurer le retour de l’ensemble des 200 000 personnes déplacées. Le délégué a par ailleurs salué la multiplication des initiatives de la MINUK, notamment des campagnes de sensibilisation contre les mariages précoces au Kosovo et son soutien accru à l’autonomisation économique des jeunes, ainsi que l’organisation des séminaires et conférences par le PNUD, ONU-Femmes et les partenaires internationaux pour faciliter les contributions des femmes dans le processus de paix.
M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) s’est inquiété de la persistance de l’animosité et des tensions entre Belgrade et Pristina. Les récents désaccords sur la liberté de mouvement et le processus de vote ainsi que le boycott par les Serbes du Kosovo de leur participation aux institutions du Kosovo, saperont la mise en œuvre de la « proposition de l’Union européenne », a-t-il mis en garde. Le représentant a exhorté les dirigeants serbes et kosovars à promouvoir de manière proactive la réconciliation et à s’abstenir de tout acte incitant au vandalisme et à la violence, notant que les représailles intercommunautaires compromettent les perspectives de règlement à long terme des divisions existantes entre les deux communautés. Il a insisté sur l’importance de l’inclusion de toutes les parties prenantes, notamment les femmes, les jeunes et les acteurs de la société civile, pour assurer le succès du processus de réconciliation, et a salué les efforts de la MINUK pour créer un terrain d’entente, préserver la stabilité, rétablir la confiance et améliorer le dialogue.
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) s’est dit fermement attaché au renforcement de la stabilité dans les Balkans occidentaux en ces temps de tensions très vives en Europe. Il s’est félicité de l’accord « juridiquement contraignant » conclu à Bruxelles et de son annexe d’Orhid, et a engagé la Serbie et le Kosovo à respecter rapidement leurs engagements et à éviter de raviver les tensions. Le délégué a également invité à la création de l’Association/Communauté des municipalités serbes du Kosovo. Espérant que la rencontre entre les parties prévue le 2 mai aura bien lieu, il a affirmé que le dialogue facilité par l’Union européenne (UE) restait le principal mécanisme visant à concilier les positions et que l’élan positif enregistré ces derniers mois devait être maintenu. Il a ensuite a appelé à l’ONU à remplir son rôle sans recourir au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, considérant que si la MINUK avait apporté une contribution cruciale à la paix et à la stabilité dans la région lors de sa création en 1999, sa mission avait été remplie depuis longtemps.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a jugé que les propos tenus par Mme Gërvalla-Schwarz portaient surtout sur les relations bilatérales entre la Serbie et la Russie, ce qui n’était pas le sujet du jour. Il a ajouté qu’elle avait présenté le plan de consultation conclu entre la Serbie et la Russie de manière « tout à fait ridicule, fausse et non professionnelle ».
Le représentant s’est ensuite déclaré favorable à la réalisation par Belgrade et Pristina d’une « solution juridique internationale stable et mutuellement acceptable », basée sur la résolution 1244 (1999). Il a souhaité que le dénouement réponde aux intérêts de Belgrade et du peuple serbe et soit approuvé par le Conseil de sécurité.
Le représentant s’est par ailleurs alarmé de la situation dans la région, regrettant que Pristina, avec le soutien des capitales occidentales, n’abandonne pas ses tentatives de prise de contrôle des zones peuplées de Serbes. Selon lui, la politique systématique de déplacement physique des Serbes et de transformation de la région en un « espace albanais ethniquement pur » se poursuit. Ainsi, a-t-il indiqué, sur les 372 000 non-Albanais qui vivaient dans la région jusqu’en juin 1999, 209 000 ont été contraints de partir et seules quelques dizaines de Serbes vivent encore à Pristina alors qu’ils étaient 50 000 en 1981. Citant le rapport de la MINUK, le représentant a précisé que 112 personnes sont retournées dans la région en six mois, ce qui, à ses eux, démontre clairement l’absence de conditions normales de coexistence interethnique et la réticence à les créer. Il a également fait état d’incursions régulières dans le nord de la région par les forces spéciales de la police du Kosovo, de poursuites lancées sous divers prétextes contre d’anciens membres serbes des forces de l’ordre du Kosovo ainsi que de profanations de sanctuaires et lieux de sépulture orthodoxes. Depuis l’arrivée au pouvoir de M. Albin Kurti en février 2020, les attaques physiques contre les Serbes et leurs biens au Kosovo sont devenues plus fréquentes, a-t-il ajouté et ce, sans que les auteurs soient inquiétés.
Sans processus de négociation ou de mécanisme approprié pour protéger les Serbes vivant dans le nord et au sud de la rivière Ibar, il ne sera pas possible de résoudre les problèmes existants, a souligné le représentant, qui a déploré que les autorités kosovares n’appliquent pas l’accord de Bruxelles de 2013, dont la principale disposition était la création de la Communauté des municipalités serbes du Kosovo. À cette aune, il a jugé « largement exagéré » l’optimisme exprimé dans le rapport de la MINUK quant à la perspective d’application de l’Accord sur la voie de la normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie et de son annexe de mise en œuvre. Il a rappelé que Belgrade n’avait accepté de poursuivre le dialogue avec Pristina qu’à la condition que ses « lignes rouges » soient respectées, à savoir son désaccord avec « l’indépendance » unilatéralement proclamée et l’adhésion du Kosovo à l’ONU, ainsi que la création de la Communauté des municipalités serbes du Kosovo.
Pour le représentant, Pristina a une fois de plus, fait volontairement monter la tension le 23 avril en organisant dans le nord du Kosovo des élections municipales malgré le boycott par la majorité serbe de cette « parodie de procédure démocratique ». Il a rappelé la faiblesse de la participation -3,5%- qui n’a pourtant pas empêché Pristina de qualifier de « réussies » ces élections « illégitimes » et de déclarer vainqueurs quatre Albanais du Kosovo ne représentant qu’une proportion insignifiante de la population locale, ni les « parrains » occidentaux de Pristina de les reconnaître.
M. Nebenzia a d’autre part accusé les États-Unis et les Européens de « tolérer l’usurpation effective des prérogatives du pouvoir ». Il a également estimé que la MINUK était sous pression des Albanais du Kosovo, ce que, selon lui, les pays occidentaux « ne permettraient jamais pour d’autres opérations de maintien de la paix ». Pour le représentant, l’objectif principal de l’Occident est d’assujettir les Balkans par tous les moyens possibles et d’en attirer les pays dans l’OTAN. Évoquant enfin le procès à La Haye de M. Hashim Thaçi, ex-dirigeant de l’Armée de libération du Kosovo, et de ses « complices », il y a vu la « dernière chance » pour le rétablissement de la justice et a souhaité que les juges de La Haye ne répètent pas les « erreurs catastrophiques » du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).
En sa qualité de Président du Conseil, M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a repris la parole pour apporter des éclaircissements au sujet de l’intervention en anglais de Mme Gërvalla-Schwarz. Il a indiqué que deux membres du Conseil ont examiné la demande de l’invitée de pouvoir s’exprimer en albanais. Il a également précisé que l’article 34 du règlement du Conseil, cité par le représentant de l’Albanie, prévoit que tout intervenant peut s’exprimer au Conseil dans une langue autre que les langues officielles du Conseil, à condition toutefois d’apporter des services d’interprétation dans cette langue. En vertu de l’article 39 du règlement, a-t-il précisé, certaines déclarations peuvent être prononcées au Conseil dans des langues natives si les représentants concernés ne parlent aucune des langues officielles. Si Mme Gërvalla-Schwarz s’était trouvée dans cette situation, elle aurait pu parler en albanais, a assuré le Président. Mais en vertu de l’article dont elle relève, elle se devait de parler en anglais, a-t-il maintenu, ajoutant que la décision finale de Mme Gërvalla-Schwarz de s’exprimer en anglais a été transmise au Secrétariat puis à la présidence du Conseil. Nous refusons donc le postulat selon lequel nous aurions fait preuve de partialité, a-t-il conclu.
Reprenant à son tour la parole, M. DELAURENTIS (États-Unis) a remercié le Président d’avoir apporté ces éclaircissements mais a estimé que ce qu’a dit le représentant de l’Albanie a tout lieu d’être.
Reprenant la parole à son tour, M. DAČIĆ, Ministre des affaires étrangères de la Serbie, a argué que l’intervention de Mme Gërvalla-Schwarz au sujet du dialogue entre Pristina et Belgrade indique bien que le Kosovo ne souhaite pas la paix mais la poursuite de la guerre. Le Ministre a réfuté les accusations de « ségrégation » lancées à son encontre, rappelant qu’il est né lui-même dans l’actuel Kosovo. Il a également rappelé le poste politique qu’occupait le père de Mme Gërvalla-Schwarz, « bien avant Milošević », quand son père plaidait pour un Kosovo albanais, et il a accusé Mme Gërvalla-Schwarz d’avoir dit en 2017 que la question du Kosovo ne pouvait être réglée que par le biais de la guerre.
Invoquant les différentes résolutions du Conseil de sécurité qui parlent des forces kosovares comme des « forces terroristes », le Ministre a aussi réfuté les relations affichées du Kosovo avec l’Union européenne et sa position de soutien à l’Ukraine, rappelant que l’Ukraine ne reconnaît pas le Kosovo. Quant à l’affirmation de Mme Gërvalla-Schwarz selon laquelle le Kosovo est le pays le plus démocratique des Balkans, il lui a rappelé qui étaient ses alliés pendant les Première et Seconde Guerres mondiales.
Des accords ont été signés et Mme Gërvalla-Schwarz dit qu’ils n’ont pas été suivis d’effet, a poursuivi le Ministre, estimant que c’est bien le cas puisque l’Association/Communauté des municipalités serbes du Kosovo n’a toujours pas vu le jour. Il lui a demandé si le programme politique du Kosovo vise vraiment à promouvoir l’unité. Il a également reproché à l’intervenante d’en appeler à l’unité albanaise et de détester la Serbie. Il a conclu en affirmant que, pour la Serbie, le Kosovo n’est pas un État de jure et de facto, et que son adhésion à l’ONU est hors de question. « Ce que vous voulez, c’est la guerre, mais nous n’avons pas peur de vous », a-t-il assené, en estimant « qu’avec des propos pareils, Mme Gërvalla-Schwarz ne restera pas longtemps à son poste ». Pour défendre les positions politiques de la Serbie « nous devons nous faire entendre », a conclu M. Dačić.
Reprenant la parole, Mme GËRVALLA-SCHWARZ, du Kosovo, a estimé que l’intervention du Premier Vice-Président du Gouvernement et Ministre des affaires étrangères serbe, M. Ivica Dačić, illustrait pourquoi il avait été baptisé « le petit Slobodan » dans les années 90, en référence à Slobodan Milošević. Répondant à la mention faite par celui-ci de son père, elle a expliqué que ce journaliste et écrivain avait été assassiné par des services secrets dominés par les Serbes en raison de ses positions en faveur de l’indépendance du Kosovo. Elle a accusé M. Dačić « d’être de la Serbie de Milošević » et pas de la nouvelle Serbie qui aspire à la paix et à l’Europe. Elle a rappelé les efforts du peuple kosovar pour sauver des dizaines de milliers de personne de l’énorme machine de guerre à laquelle il avait participé, l’accusant en outre d’avoir glorifié un génocide. « On ne peut pas tomber plus bas », a-t-elle dit.
Estimant que la Serbie s’était livrée au terrorisme d’État, soutenu par un blocus russe, elle s’est dite convaincue que l’ex-Président kosovar Hashim Thaçi démontrerait au tribunal de La Haye que les accusations contre l’Armée de libération du Kosovo étaient infondées. Elle a aussi rappelé que le Kosovo était un État qui avait été reconnu par 115 États Membres des Nations Unies. Elle a ajouté que son pays était prêt à mettre en œuvre l’accord de Bruxelles et son annexe d’Orhid de même qu’à normaliser ses relations avec la Serbie. Estimant que les déclarations de M. Dačić semblaient plus destinées à l’opinion serbe qu’au Conseil de Sécurité, elle a douté que la réciproque soit vraie.
Dans une nouvelle reprise de parole, M. HOXHA (Albanie) a déploré que l’esprit qui prévaut à Bruxelles ne prévaut pas au Conseil. À Bruxelles, où les parties se sont réunies, tout le monde est d’accord pour dire que ce qui a été décidé le 18 mars est un jalon, a-t-il fait valoir, souhaitant qu’il en soit de même au Conseil et que l’on cesse de discuter de faits historiques sur lesquels nous ne sommes pas d’accord. C’est important pour le Kosovo et la Serbie mais aussi pour tous les pays de la région, a-t-il insisté, avant d’affirmer qu’une seule réunion par an sur le sujet, au lieu de deux, devrait suffire.
Avant de conclure cette réunion, M. NEBENZIA, Président du Conseil, s’est dit d’accord avec le représentant de l’Albanie sur le fait que « l’esprit » devrait prévaloir. « Mais encore faut-il savoir lequel », a-t-il ajouté.