La Sixième Commission conclut sa deuxième reprise de session sur les crimes contre l’humanité sur une note « encourageante »

Soixante-dix-huitième session,
47e séance plénière -matin
AG/J/3713

La Sixième Commission conclut sa deuxième reprise de session sur les crimes contre l’humanité sur une note « encourageante »

La commission de l’Assemblée générale chargée des questions juridiques a conclu aujourd’hui sa deuxième reprise de session consacrée au « projet d’articles » sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, après une première reprise de session en avril 2023.  Ce projet d’articles, adopté en 2019 par la Commission du droit international (CDI), doit servir de base aux négociations envisagées pour l’élaboration d’une convention universelle sur cette question. 

La Commission a adopté, paragraphe par paragraphe, le projet de résumé écrit (A/C.6/78/L.22) des travaux de ses deux reprises de session et pris note, après des amendements oraux, de la synthèse du Président résumant les délibérations lors de cette reprise de session (A/C.6/78/L.22/Add.1, disponible en langue anglaise uniquement).  « C’est très encourageant », s’est félicité le Président de la Sixième Commission, M. Suriya Chindawongse, de la Thaïlande, en estimant que ce résumé est un socle solide pour la poursuite des travaux sur ce sujet. 

Alors que le Président avait pris soin de rappeler que la synthèse « était de sa responsabilité et ne préjugeait en rien des positions des délégations », la Commission n’a pu que prendre note de celle-ci, comme l’ont demandé plusieurs délégations, dont celles de l’Égypte ou encore de l’Iran.  Les délégations ont en effet critiqué certains paragraphes de cette synthèse.  Le Cameroun a ainsi estimé que le paragraphe relatif au genre était « inacceptable ».  « Ne disséquons pas l’humanité, l’humanité est l’humanité », a tranché le délégué. 

Sri Lanka a également appelé à la prudence s’agissant de cette synthèse, en rappelant « que nous sommes responsables devant nos gouvernements pour l’adoption d’un tel texte ».  La Gambie s’est également dite préoccupée: « adopter ce document ne revient-il pas à nous y faire souscrire en dépit de nos préoccupations »?  En revanche, le Mexique a jugé cette synthèse « fidèle aux travaux de la Commission ».  Confiant qu’il avait « le pressentiment » de ces hésitations, le Président a donc proposé à la Commission de prendre note de cette synthèse, au lieu de l’adopter. 

La Sixième Commission s’est réunie pendant six jours ce mois d’avril pour travailler sur ce projet de convention qui vise à combler une lacune du droit international.  En effet, si des conventions internationales existent déjà pour le crime de génocide et les crimes de guerre, il n’en existe aucune traitant des crimes contre l’humanité.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

ECOSOC: séance d’organisation et d’élections pour 18 organes subsidiaires

Session de 2024
12e & 13e séances plénières – matin & après-midi
ECOSOC/7154

ECOSOC: séance d’organisation et d’élections pour 18 organes subsidiaires

Le Conseil économique et social (ECOSOC) s’est réuni, ce matin, pour une réunion d’organisation au cours de laquelle il a pris plusieurs décisions affectant ses travaux et a pourvu à des postes vacants dans 18 de ses organes subsidiaires, certains ayant nécessité des votes. 

Organisation des travaux 

Concernant tout d’abord ses propres sessions, le Conseil a décidé de modifier les dates de deux réunions et d’en fixer les thèmes.  La réunion sur le passage de la phase des secours aux activités de développement aura ainsi lieu le 24 juin 2024 avec le thème suivant: « Passage de la phase des secours aux activités de développement: mesures porteuses de changement visant à renforcer la résilience, à promouvoir des solutions durables et à remédier aux problèmes et aux lacunes au profit des plus vulnérables dans les situations de crise. »   

Le débat consacré aux affaires humanitaires se tiendra, lui, du 25 au 27 juin 2024 sur le thème « Face aux conflits et aux changements climatiques, l’humanité avant tout: renforcer l’aide humanitaire et le respect du droit international humanitaire et promouvoir l’efficacité, l’innovation et les partenariats ». 

S’agissant des travaux du Comité des organisations non gouvernementales (ONG), l’ECOSOC a décidé de reporter, à titre exceptionnel, la date limite de réception des nouvelles demandes d’admission au statut consultatif: les ONG requérantes pourront présenter leurs demandes le 14 juin 2024 au lieu du 1er juin. 

Élections  

La Commission de statistique a gagné 8 nouveaux membres, dont 6 élus par acclamation (Italie, Mexique, Pologne, République dominicaine, Royaume-Uni et Suisse) et 2 -Japon (38 voix) et Émirats arabes unis (38 voix)- qui ont vaincu le Turkménistan (29 voix). 

Le Conseil a ensuite élu par acclamation l’Allemagne, l’Australie, la Belgique, le Canada, Haïti et le Malawi à la Commission de la population et du développement pour un mandat démarrant en 2025, ainsi que le Liban pour un mandat commençant en 2024. 

Dans la foulée, l’ECOSOC a élu par acclamation l’Afrique du Sud, la Chine, Cuba, le Kenya, le Kirghizistan, le Paraguay, le Sénégal, le Suriname, la Thaïlande et le Turkménistan à la Commission du développement social, pour un mandat commençant en 2025, et la République islamique d’Iran pour un mandat prenant effet aujourd’hui. 

Le Conseil a par ailleurs élu par acclamation l’Afrique du Sud, le Belize, le Chili, les États-Unis, l’Éthiopie, l’Inde, l’Italie, la Lituanie, le Nigéria, les Philippines et le Royaume-Uni à la Commission de la condition de la femme, à partir de 2025. 

Il a aussi élu, toujours par acclamation, l’Allemagne, l’Argentine, le Brésil, le Canada, la Colombie, Cuba, El Salvador, les Émirats arabes unis, les États-Unis, la France, la Gambie, le Kazakhstan, le Nigéria, le Pakistan, la République de Corée, la Thaïlande, le Togo et la Tunisie à la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale.  L’ECOSOC est passé par un scrutin pour élire également l’Albanie (45 voix) et la Lettonie (42 voix), tandis que le Bélarus n’a obtenu que 17 voix dans ce scrutin qui départageait les pays d’Europe de l’Est. 

À la Commission de la science et de la technique au service du développement, le Conseil a élu par acclamation l’Autriche, le Brésil, le Burkina Faso, le Cameroun, la Finlande, la Gambie, l’Indonésie, le Japon, le Paraguay, le Pérou, les Philippines, le Portugal, la République démocratique du Congo, la République islamique d’Iran, la Suisse et la Zambie.  Il a aussi élu l’Estonie (46 voix) et la Pologne (36 voix), qui ont devancé la Fédération de Russie (22 voix). 

Le Groupe de travail intergouvernemental d’experts des normes internationales de comptabilité et de publication aura quant à lui cinq nouveaux membres - le Burundi, le Kenya, le Mexique, l’Ouganda et la Zambie, élus par acclamation. 

Le Conseil économique et social a ensuite élu par acclamation Michael Windfuhr (Allemagne), Nadir Adilov (Azerbaïdjan), Lazhari Bouzid (Algérie), Peijie Chen (Chine), Giuseppe Palmisano (Italie), Charafat El Yedri Afailal (Maroc), Laura-Maria Crăciunean-Tatu (Roumanie), et Seree Nonthasoot (Thaïlande) au Comité des droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que Laura Elisa Pérez (Mexique) qui a reçu 31 voix dans le scrutin l’opposant à Rodrigo Uprimny (Colombie) qui a obtenu 21 voix. 

Par la suite, l’Allemagne, l’Australie, la Bolivie, l’Érythrée, la France, la Guinée équatoriale, l’Inde, la République démocratique populaire lao, la Mauritanie, le Nigéria, le Portugal, la République de Corée et la Slovénie ont été élus par acclamation au Conseil d’administration du Fonds des Nations Unies pour l’enfance.  L’ECOSOC a aussi élu le Danemark et l’Espagne, afin de terminer les mandats de la Finlande et du Japon, et la Suisse qui prendra le relai de l’Autriche. 

Par la suite, le Conseil économique et social a élu par acclamation le Guatemala et l’Ukraine au Comité exécutif du Programme du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.  Le nombre de membres dudit Comité passe ainsi de 108 à 110. 

Le Conseil d’administration du Programme des Nations Unies pour le développement, du Fonds des Nations Unies pour la population et du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets a lui aussi de nouveaux membres, élus par acclamation, qui sont les suivants : l’Allemagne, la Belgique, la Côte d’Ivoire, le Danemark, la Géorgie, les Îles Salomon, l’Inde, Madagascar, le Mozambique, la République dominicaine, la Suède, le Tadjikistan, le Tchad et la Zambie. L’Australie a été également choisie pour terminer le mandat de l’Italie, tandis que l’Autriche, l’Irlande et le Luxembourg termineront les mandats du Portugal, de l’Islande et de la France. 

L’Afrique du Sud, l’Albanie, l’Arabie saoudite, Antigua et Barbuda, la Bolivie, Cabo Verde, la Guinée équatoriale, l’Inde, le Kirghizistan, la Mauritanie, le Népal, les Pays-Bas, le Pérou, l’Ouganda, le Royaume-Uni et le Viet Nam ont à leur tour été choisis par l’ECOSOC pour faire partie du Conseil d’administration de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, plus connue sous le nom d’ONU-Femmes.  Et le Canada et le Danemark termineront les mandats de l’Australie et du Luxembourg. 

L’Inde, le Mali, la Norvège, la République de Corée et la Suède ont ensuite été élus par acclamation au Conseil d’administration du Programme alimentaire mondial où la France et l’Italie ont en outre été choisies pour terminer les mandats non expirés de l’Australie et de l’Espagne.  Après un scrutin, la Tchéquie a été élue, avec 38 voix, au détriment de la Fédération de Russie qui n’a reçu que 15 voix. 

Le Comité d’attribution du Prix des Nations Unies en matière de population compte désormais le Burundi et la Gambie en son sein après leur élection par acclamation. 

La Chine, Haïti, le Japon, le Lesotho, les Pays-Bas, le Portugal, le Sénégal et le Royaume-Uni ont par la suite été élus par acclamation au Conseil de coordination du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida.  C’est après avoir obtenu 38 voix que la Pologne a aussi été admise, tandis que la Fédération de Russie qui n’a obtenu que 14 voix. 

L’ECOSOC a aussi élu la République de Corée par acclamation au Comité d’organisation de la Commission de consolidation de la paix. Son mandat de deux ans commencera le 1er janvier 2025 mais il pourrait prendre fin avant échéance si d’aventure le pays perdait sa qualité de membre de l’ECOSOC.  Après un vote, le Kenya (41 voix) a obtenu lui aussi un siège au détriment du Nigéria (12 voix). 

Pour ce qui concerne le Comité du programme et de la coordination, l’ECOSOC a recommandé à l’Assemblée générale la candidature de la Belgique, du Botswana, de la Fédération de Russie, de la France, d’Haïti, du Kenya, de la Lituanie et du Paraguay. 

Enfin, l’ECOSOC a dû recourir à plusieurs scrutins pour désigner les membres de l’Organe international de contrôle des stupéfiants. Dans un premier vote, Jagjit Pavadia (Inde) et Jallal Toufiq (Maroc) ont été élus au premier tour avec 41 voix et 30 voix respectivement, tandis que, au second tour, Pierre Lapaque (France) a reçu 28 voix, César Tomás Arce Rivas (Paraguay) 26 voix et Zukiswa Zingela (Afrique du Sud) également 26 voix.  Le dernier scrutin a permis de désigner un dernier membre parmi les candidats proposés parl’Organisation mondiale de la Santé (OMS): c’est Sawitri Assanangkornchai (Thaïlande) qui l’a emporté sur Raúl Martín del Campo Sánchez (Mexique) et Afarin Rahimi-Movaghar (République islamique d’Iran). 

Déclarations 

Les États-Unis ont dit ne pas souscrire à la désignation de Cuba et de la République islamique d’Iran au sein d’organes subsidiaires de l’ECOSOC, arguant que ces pays sont des pourfendeurs de libertés publiques.  L’Iran a réfuté ces allégations, déplorant qu’un État abuse de cette instance pour des questions qui n’ont pas de lien avec son mandat.  Pour sa part, Cuba a accusé la délégation américaine de vouloir politiser les travaux de l’ECOSOC et de ses organes subsidiaires.  Au sujet d’allégations des violations des droits de l’homme contre la population de Cuba, le délégué a ironisé en ciblant un gouvernement qui, par un blocus, viole les droits de la population de Cuba.  C’est le même Gouvernement qui soutient Israël contre les populations de Gaza et qui a utilisé des armes atomiques contre des civils, a ajouté la délégation cubaine en faisant également observer qu’en arpentant les rues de New York, on peut se faire une idée du racisme systémique en vigueur aux États-Unis. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: en Colombie, concrétiser l’aspiration à la paix exige volonté politique et concertation avec la société civile, selon le Représentant spécial

9598e séance – matin   
CS/15656

Conseil de sécurité: en Colombie, concrétiser l’aspiration à la paix exige volonté politique et concertation avec la société civile, selon le Représentant spécial

Un peu plus d’un mois après sa visite en Colombie, le Conseil de sécurité a eu l’opportunité d’entendre, ce matin, le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays, lui présenter les derniers développements sur le terrain et l’état de mise en œuvre de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable de 2016.  Le principal défi pour transformer le désir de paix en réalité consiste à canaliser la volonté politique considérable et le dynamisme de la société civile vers des dividendes toujours plus tangibles sur le terrain, a résumé M. Carlos Ruiz Massieu, pour qui cet effort exige que les habitants surmontent leurs divisions. 

Dans le cadre du système de justice transitionnelle établi par l’Accord final, la Commission Vérité, coexistence et non-répétition joue un rôle essentiel pour clarifier la vérité historique sur ce conflit, en complément de la Juridiction spéciale pour la paix, chargée d’enquêter sur les crimes les plus graves.  Ce mandat, a ajouté M. Ruiz Massieu, est intrinsèquement lié au passage d’une « situation de guerre à une situation de paix ».  D’une importance monumentale, cette tâche exige de trouver le bon équilibre entre « rigueur et célérité », ainsi qu’entre les droits à la réparation et à la sécurité des victimes d’un côté, et le processus de réintégration des anciens combattants comparaissant devant la Juridiction de l’autre. 

À cet égard, le haut fonctionnaire a salué le fait que la Juridiction s’apprête à annoncer ses premières sanctions, relevant que « les victimes l’exigent sans plus attendre ».  Parmi ces victimes, figurent les personnes LGBTQ, au nom desquelles s’est exprimée Mme Marcela Sánchez, la Directrice exécutive de Colombia Diversa, ONG qui défend depuis 20 ans les droits humains de cette communauté, soumise pendant le conflit à des déplacements forcés et exils, des violences sexuelles et des meurtres. 

Regrettant le manque de données précises sur le nombre de victimes LGBTQ, l’intervenante a dit craindre que l’on ne connaisse jamais l’ampleur réelle des violations commises à leur encontre, compte tenu de la stigmatisation sociale et de la peur des représailles dont ces personnes font l’objet.  Ainsi, face à ce « schéma de persécution sexiste » persistant, de nombreux survivants se retrouvent aujourd’hui sans recours juridique, a regretté l’intervenante. 

Une situation à laquelle s’efforce de remédier le chapitre ethnique de l’Accord final et ses dispositions relatives au genre, qui font ressortir l’intersectionnalité du problème, de nombreuses personnes LGBTQ étant aussi membres de communautés autochtones et afro-colombiennes, a relevé le Représentant spécial.  Il a dit attendre avec impatience que soit atteint l’objectif de 60% de mise en œuvre du chapitre ethnique d’ici à 2026. 

Les États-Unis ont encouragé Bogota à continuer de consulter les organisations de femmes et LGBTQI+ pour élaborer et mettre pleinement en œuvre le premier plan d’action national pour les femmes et la paix et la sécurité en Colombie, et garantir que leurs droits et perspectives soient pleinement intégrés. La Slovénie, qui elle aussi a souligné l’importance de protéger les communautés vulnérables, a attiré l’attention sur les populations rurales qui continuent de souffrir de manière disproportionnée des conflits et des écarts de développement au sein du pays, un sentiment auquel ont fait écho d’autres membres du Conseil. 

Dans son dernier rapport en date, présenté aujourd’hui par M. Ruiz Massieu, le Secrétaire général note des progrès encourageants dans l’application de la réforme rurale intégrale, notamment grâce à l’augmentation progressive des fonds destinés à accélérer la mise à disposition de terres et le développement rural dans les régions touchées par la pauvreté et l’inégalité, en particulier les paysans sans terre, les victimes du conflit et les femmes. 

Depuis notre arrivée au pouvoir, s’est enorgueilli le Ministre des affaires étrangères de la Colombie, M. Luis Gilberto Murillo Urrutia, nous avons acquis 157 191 hectares de terres pour les victimes et avons formalisé 808 815 hectares pour les paysans, ainsi que les communautés autochtones et afro-descendantes, des efforts dont s’est félicité l’Équateur.  Et récemment, a poursuivi le Chef de la diplomatie colombienne, le Gouvernement a doté de 3,7 millions de dollars la Juridiction spéciale pour la paix.  Il a reconnu que, au nombre des défis à relever pour mettre pleinement en œuvre l’Accord final, figurent les garanties de sécurité pour les anciens combattants, les dirigeants sociaux, les femmes et les communautés autochtones et afro-colombiennes. 

Malgré l’engagement des autorités colombiennes, la lenteur du processus a suscité « de justes critiques » à l’égard des signataires de l’Accord final, a estimé la Fédération de Russie, qui a jugé inacceptable la poursuite des attaques menées contre les anciens combattants, lesquels doivent bénéficier de garanties de sécurité adéquates afin de retourner à la vie civile.  Toutefois, les dialogues initiés par le Président Petro avec les groupes armés dans le cadre de sa politique de « paix totale » ont rendu le processus de consolidation de la paix dans le pays « plus multiforme et global », s’est félicitée la délégation russe, avant d’appeler à l’élaboration d’une feuille de route à cet effet. 

Le Japon a pour sa part salué l’entame d’un processus de dialogue de paix entre le Gouvernement colombien et le groupe armé Segunda Marquetalia, ainsi que l’extension de l’accord de cessez-le-feu signé avec l’Armée de libération nationale (ELN).  À ce propos, le Représentant spécial a indiqué que dans un « contexte difficile pour le dialogue », le Gouvernement et l’ELN se réuniront cette semaine à Caracas, au Venezuela.  La France a appelé de son côté à la poursuite des négociations avec le groupe autoproclamé État-major central des Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire (EMC FARC-EP).

LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRESSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LA REPRÉSENTANTE PERMANENTE DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53) S/2024/267

Déclarations

M. CARLOS RUIZ MASSIEU, Représentant spécial et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, a déclaré que ce pays a atteint un tournant important en ce qui concerne la mise en œuvre l’accord de paix final de 2016. Comme le Conseil de sécurité a pu le constater lors de sa récente visite, il existe en Colombie un profond désir de paix qui s’étend des plus hauts niveaux du Gouvernement et des institutions étatiques à l’ensemble de la société civile et aux communautés vulnérables des régions encore touchées par le conflit.  « Le principal défi pour transformer cette aspiration en réalité est de canaliser la volonté politique considérable et le dynamisme de la société civile vers des dividendes de paix toujours plus tangibles sur le terrain », a résumé le haut fonctionnaire. 

Le système de justice transitionnelle établi dans l’Accord final repose sur un équilibre délicat dont le maintien est essentiel pour réaliser la transition souhaitée vers la paix, a poursuivi M. Ruiz Massieu.  Dans le cadre de ce système, la Commission Vérité, coexistence et non-répétition a joué un rôle essentiel dans la clarification de la vérité historique sur le conflit, complété par le mandat de la Juridiction spéciale pour la paix, axée sur l’enquête sur les crimes les plus graves.  D’une importance monumentale, cette tâche exige de trouver le bon équilibre entre « rigueur et célérité », ainsi qu’entre les droits à la réparation et à la sécurité des victimes d’un côté, et le processus de réintégration des anciens combattants comparaissant devant la Juridiction de l’autre.

La responsabilité de la Juridiction est intrinsèquement liée au passage d’une situation de guerre à une situation de paix.  Il s’agit d’une tâche d’une importance monumentale, a expliqué M. Ruiz Massieu qui a salué le fait que la Juridiction se rapproche de l’annonce de ses premières sanctions. 

Il a également noté qu’alors que des milliers d’anciens membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire (FARC-EP), qui ont déposé les armes de bonne foi, ont respecté leurs engagements au titre de l’Accord final, la nécessité d’accomplir des progrès concrets et durables dans sa mise en œuvre est devenue de plus en plus pressante avec le temps.  Aussi le Représentant spécial a-t-il recommandé une meilleure utilisation de l’architecture de mise en œuvre de l’Accord final, notamment de la Commission de suivi, de promotion et de vérification de l’application dudit accord. 

De même, le Représentant spécial a appelé le Gouvernement à finaliser les instruments juridiques permettant la mise en œuvre rapide du Programme global de réintégration.  La sécurité constitue également un élément clef de la réintégration des anciens combattants et continue d’être une préoccupation majeure.  Malheureusement, 11 autres combattants ont été tués depuis la publication du dernier rapport du Secrétaire général, a déploré le haut fonctionnaire. Quant aux dirigeants communautaires, en particulier les autochtones et les Afro-Colombiens, ils subissent encore de plein fouet les conséquences de la violence persistante et de la présence limitée des institutions étatiques dans diverses régions. 

Il a espéré que l’élection, le mois dernier, d’un nouveau Procureur général, Luz Adriana Camargo, offrira l’occasion d’enquêter et de poursuivre avec une vigueur renouvelée les responsables de crimes contre d’anciens combattants et dirigeants sociaux, se félicitant que ses priorités immédiates incluent le renforcement de l’unité chargée des enquêtes créée par l’Accord final. 

Poursuivant, M. Ruiz Massieu a noté que les cessez-le-feu bilatéraux actuels constituent une étape importante pour renforcer la confiance dans les négociations et réduire la violence dans le pays.  Toutefois, ceux-ci ne peuvent pas se substituer aux politiques sécuritaires de l’État visant à assurer protection et bien-être aux communautés touchées par le conflit, a-t-il signalé, appelant à ce que ces efforts soient complémentaires. 

Il a ensuite indiqué que dans un contexte difficile pour le dialogue, le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN) se réuniront cette semaine à Caracas, au Venezuela.  À cette occasion, il a espéré que des décisions seront prises pour faire avancer l’agenda convenu dans le cadre de l’accord conclu à Mexico en mars 2023, encourageant notamment les parties à réaffirmer leur engagement à parvenir à des accords définitifs, avec des bénéfices tangibles pour les communautés.

Il a par ailleurs pris note des augmentations significatives des allocations budgétaires et des efforts du Gouvernement actuel pour résoudre les conflits liés à la terre.  « Un effort continu pour mettre en œuvre ces dispositions, soutenu par des investissements substantiels et l’engagement coordonné de tous les ministères et institutions étatiques concernés, est nécessaire pour surmonter les inégalités qui alimentent depuis longtemps les cycles de violence dans les campagnes », a préconisé le Représentant spécial.  De même, le chapitre ethnique de l’Accord final et les dispositions relatives au genre cherchent à remédier à l’exclusion de longue date et à l’impact disproportionné du conflit sur les communautés autochtones et afro-colombiennes, ainsi que sur les femmes et les personnes LGBTQ.  « J’attends avec impatience des résultats concrets pour atteindre l’objectif consistant à atteindre 60% de mise en œuvre du chapitre ethnique d’ici à 2026 », a ajouté M. Ruiz Massieu. 

Mme MARCELA SÁNCHEZ, Directrice exécutive de Colombia Diversa, ONG qui œuvre depuis 20 ans pour la défense des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et queer (LGBTQ) en Colombie, a centré son intervention sur l’impact que le conflit dans son pays a eu sur cette communauté.  En Colombie, a-t-elle rappelé, les personnes LGBTQ ont longtemps été ciblées pour ce qu’elles sont, tout comme les femmes, en raison de normes patriarcales bien ancrées et d’une discrimination sociale et juridique.  Parmi les personnes LGBTQ les plus touchées par la violence, les disparitions et les meurtres figuraient les Afro-Colombiens, les transgenres et les adolescents.  En mars 2024, le registre de l’unité des victimes a fait état de 6 000 crimes commis contre des personnes LGBTQ pendant le conflit armé, a précisé l’intervenante, ajoutant que, selon le rapport final de la Commission Vérité, coexistence et non-répétition, ces violences comprenaient des déplacements forcés, l’exil, des violences sexuelles et des meurtres.  Regrettant le manque de données précises sur le nombre de victimes LGBTQ et sur les crimes qu’elles ont subis durant le conflit armé, l’intervenante a dit craindre que l’on ne connaisse jamais l’ampleur réelle des violations commises, compte tenu également de la stigmatisation sociale et de la peur des représailles.  Alors que de nombreuses personnes LGBTQ qui ont survécu à la violence armée se sont retrouvées sans recours juridique, elle a estimé que ces crimes faisaient partie d’un « schéma de persécution sexiste ». 

Constatant que la Colombie reste l’un des pays les plus meurtriers au monde pour les défenseurs des droits des personnes LGBTQ, Mme Sanchez a signalé qu’en 2023, huit d’entre eux ont été tués et que le dernier en date à perdre la vie est le cofondateur de l’association LGBTQ+ Chaparral Diversa, abattu en février dernier à son domicile.  Dans près de la moitié de ces cas, les preuves suggèrent que ces défenseurs des droits humains ont été ciblés en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, a-t-elle relevé, avant d’inviter le Conseil de sécurité à agir contre cette violence qui empêche ces défenseurs et d’autres personnes LGBTQ de participer aux efforts de paix et au débat démocratique.  Elle a appelé le Conseil à recommander que ces personnes soient impliquées à chaque étape de la consolidation de la paix: négociations, cessez-le-feu, efforts de démobilisation, processus de justice transitionnelle et conception de mesures de réparation.  Alors que le Gouvernement colombien se prépare à finaliser son premier plan d’action national sur la résolution 1325 (2000), il est essentiel, selon elle, que les droits des « femmes LBT » soient intégrés et qu’un large éventail d’organisations LGBTQ soient davantage consultées dans sa mise en œuvre. 

À cette fin, l’intervenante a également demandé au Conseil d’appeler à la fin de toutes les intimidations, attaques et représailles contre les personnes LGBTQ, les défenseurs des droits humains, les artisans de la paix et les dirigeants de la société civile, et veiller à ce que tous les auteurs soient tenus pour responsables.  Elle l’a aussi invité à appeler la Mission de vérification des Nations Unies à donner la priorité aux dispositions de l’accord de paix sur le genre et les chapitres ethniques, ainsi qu’à la centralisation des victimes dans les processus judiciaires. Le Conseil doit par ailleurs exhorter le Gouvernement colombien à inclure l’interdiction de la violence sexuelle liée au conflit et de la violence contre les femmes et les personnes LGBTQ dans tous les futurs accords de cessez-le-feu et dans les négociations avec les groupes armés, a-t-elle ajouté, souhaitant notamment qu’il soutienne le travail de la Juridiction spéciale pour la paix sur les violences sexuelles et reproductives liées aux conflits. 

Le représentant du Royaume-Uni a remercié le Gouvernement colombien d’avoir accueilli les membres du Conseil en février dernier afin de constater les progrès et les défis sur le terrain.  L’Accord final constitue selon lui une feuille de route pour parvenir à la paix et à la sécurité par le biais de la transformation territoriale.  Le délégué a encouragé les autorités colombiennes à tirer pleinement parti de l’architecture de paix de 2016 pour respecter les engagements pris dans l’Accord final.  À cet égard, il a considéré la Commission de suivi, de promotion et de vérification de l’Accord final essentielle pour mener à bien ces progrès. 

Cependant, a noté le représentant, la violence et la criminalité, dont les meurtres d’anciens combattants et de défenseurs des droits humains, continuent de nuire à la mise en œuvre de l’Accord final.  Il a donc appelé le Gouvernement à prendre des mesures urgentes pour remédier à cette situation, en renforçant les mesures de prévention, de protection et de lutte contre l’impunité.  La Juridiction spéciale pour la paix a un rôle central à jouer à cet effet, a-t-il rappelé, dans le cadre de l’architecture de justice transitionnelle établie par l’Accord final. 

En ce qui concerne les dialogues de paix en cours, le délégué a salué la prolongation du cessez-le-feu avec l’ELN ainsi que les progrès réalisés dans la libération des détenus. Ce groupe doit maintenant respecter ses engagements à protéger les populations civiles et à se conformer au droit international humanitaire.  Enfin, le représentant a condamné les récentes attaques perpétrées par le groupe Estado Mayor Central contre des civils et les forces de sécurité. 

Le représentant de la Suisse a rappelé que la garantie de justice et de reddition des comptes pour les crimes commis est essentielle au succès du processus de paix, notant que la Juridiction spéciale pour la paix est au cœur de ces efforts.  Il a appelé à une coordination renforcée entre les autorités compétentes pour assurer une préparation adéquate à la mise en œuvre de la justice réparatrice avant que les premières peines ne soient prononcées.  Il s’est dit préoccupé par la poursuite des violences à l’encontre des groupes marginalisés, en particulier les « peuples indigènes » et les Afro-Colombiens.  Il a salué le renouvellement du cessez-le-feu bilatéral provisoire avec l’ELN pour 180 jours, malgré les difficultés rencontrées lors du dernier cycle de négociations.  Il a pris note avec inquiétude des récents actes de violence perpétrés par l’EMC FARC-EP, en demandant que l’engagement explicite dudit groupe d’améliorer la protection des civils soit respecté.

Le représentant des États-Unis a salué la poursuite du dialogue entre le Gouvernement colombien et l’ELN, y compris dans le cadre du sixième cycle de pourparlers à Cuba, ainsi que le déploiement par la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie de plus de 100 personnes pour soutenir le mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu bilatéral. Le délégué a encouragé le Gouvernement colombien à continuer de consulter régulièrement les organisations de femmes et LGBTQI+ pour élaborer et mettre pleinement en œuvre le premier plan d’action national pour les femmes et la paix et la sécurité en Colombie, et pour garantir que leurs droits et perspectives soient pleinement intégrés. 

Le représentant a condamné les actes de violence meurtriers perpétrés par les FARC-EP les 16 et 17 mars 2024 contre les communautés autochtones de la municipalité de Toribio, et s’est dit très préoccupé par l’intensification de la violence dans des régions telles qu’Antioquia, Cauca, Chocó, Nariño et Putumayo, qui menace particulièrement la sécurité et le développement des communautés autochtones et afro-colombiennes.  Dans ce contexte, l’accès humanitaire sans entrave, en particulier pour les organisations de déminage humanitaire, ainsi que la protection des civils, restent d’une importance capitale, a-t-il estimé. 

L’ELN, les FARC-EP et la Segunda Marquetalia restent désignées comme organisations terroristes étrangères en vertu de la loi américaine, et ces désignations démontrent la solidarité des États-Unis avec les efforts de la Colombie pour soutenir les victimes dans leur quête de vérité et de justice, a précisé le représentant.  Selon lui, les processus de paix passés ont clairement montré qu’une stratégie sécuritaire est essentielle pour faire pression sur les groupes armés illégaux afin qu’ils négocient de bonne foi et éviter l’impunité pour leurs abus.

Le représentant de la Fédération de Russie a salué l’exemple « unique et inspirant » de la Colombie qui a accepté volontairement des obligations « très difficiles » en matière de réconciliation nationale, sous le contrôle du Conseil de sécurité.  Le pays a en outre accueilli favorablement la visite des membres du Conseil en février de cette année.  Malgré l’engagement des autorités colombiennes en faveur de la pleine mise en œuvre de l’Accord final, la lenteur du processus suscite selon lui « de justes critiques » à l’égard des signataires de l’Accord final.  Il a jugé inacceptable la poursuite des attaques menées contre les anciens combattants, qui doivent selon lui bénéficier de garanties de sécurité adéquates afin de retourner à la vie civile. 

Toutefois, les dialogues initiés par le Président Petro avec les groupes armés dans le cadre de sa politique de « paix totale » ont rendu le processus de consolidation de la paix dans le pays « plus multiforme et global », a fait valoir le délégué, avant d’appeler à l’élaboration d’une « feuille de route » à cet effet.  De plus, a-t-il ajouté, le cessez-le-feu conclu avec l’Armée de libération nationale (ELN) semble fonctionner.  Le délégué s’est félicité de la contribution de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie afin de prévenir d’éventuels affrontements entre les parties dans le cadre du mécanisme de surveillance et de vérification de la trêve.  Quels que soient les progrès réalisés sur les différentes pistes de négociation, la mise en œuvre de l’Accord final doit rester la priorité inconditionnelle de tous les efforts de consolidation de la paix, a-t-il noté.

La représentante du Guyana, au nom des A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana), a déclaré que la Colombie demeure un exemple positif de résolution d’un conflit par la voie du dialogue.  La récente visite du Conseil en Colombie a permis de faire le point sur les défis qui demeurent en ce qui concerne la mise en œuvre de l’accord de paix.  Elle a salué les mesures prises afin d’améliorer la participation des organisations afro-colombiennes à la réforme agraire.  Elle s’est néanmoins dite préoccupée par le manque de progrès s’agissant du volet ethnique de l’Accord final.  Elle a condamné les récents actes de violence perpétrés par l’EMC FARC-EP contre les communautés autochtones ayant conduit à la mort d’un dirigeant autochtone.  Elle a salué les progrès accomplis par la Juridiction spéciale pour la paix.  Elle a plaidé pour une coordination efficace entre les autorités, la Juridiction et les autres acteurs afin que les peines, qui doivent bientôt être prononcées, soient appliquées.  Enfin, elle a condamné le meurtre d’anciens combattants, en notant que 87 d’entre eux ont été tués depuis la signature de l’Accord final alors qu’ils bénéficiaient de mesures de protection. 

La représentante de la France a salué l’engagement du Gouvernement colombien à mettre en œuvre de manière intégrale l’accord de paix de 2016 et l’a encouragé à poursuivre sur cette voie pour que cet engagement se traduise par des changements concrets, notamment dans les domaines du développement, de la réforme rurale, de l’accès à la terre et de la justice transitionnelle.  Elle s’est également félicitée des efforts déployés par le Gouvernement colombien dans le cadre des négociations avec les groupes armés, voyant dans la prolongation du cessez-le-feu avec l’Armée de libération nationale (ELN) un pas supplémentaire vers la paix en Colombie.  Dans l’intérêt des communautés touchées par la violence, les négociations doivent se poursuivre avec le groupe autoproclamé EMC FARC-EP, a-t-elle affirmé, avant de prendre acte des progrès accomplis par la Juridiction spéciale pour la paix.  La représentante s’est déclarée convaincue que les premières peines restauratives ouvriront un nouveau chapitre dans le cadre de la réconciliation.  Enfin, après avoir souligné le rôle essentiel que joue la Mission de vérification des Nations Unies dans le soutien à la mise en œuvre de l’Accord final, elle a indiqué que la France se tient prête à examiner une extension du mandat de la Mission à la surveillance de la mise en œuvre des engagements pris à l’issue des discussions avec l’EMC FARC-EP. 

Le représentant de l’Équateur s’est félicité de la priorité accordée à la mise en œuvre de la réforme rurale, grâce à l’allocation progressive de fonds pour accélérer la mise à disposition de terres et le développement rural dans les régions touchées par la pauvreté et les inégalités.  Il a encouragé le Gouvernement à poursuivre ses efforts pour finaliser le tout premier cadastre du pays.  Il est en outre primordial de travailler pour accélérer l’exécution du chapitre ethnique, à hauteur d’au moins 60% d’ici à 2026.

Le délégué s’est dit préoccupé par la violence persistante dans les zones rurales, et a jugé crucial que les initiatives de dialogue entre le Gouvernement et les groupes armés progressent pour mettre définitivement un terme à toutes les activités qui menacent la paix en Colombie et dans la région.  La violence contre les dirigeants sociaux, en particulier envers les femmes, doit être éradiquée.  Et les meurtres de défenseurs des droits humains, de dirigeants autochtones, d’ascendants africains et de paysans doivent faire l’objet d’enquêtes et leurs auteurs être traduits en justice, a-t-il exigé.  Le nombre élevé de déplacements forcés touchant de manière disproportionnée les communautés ethniques, qui représentent 67% des personnes touchées, rend la présence de l’État essentielle dans ces zones, a ajouté le délégué.

Le représentant de la République de Corée a déclaré que la visite des membres du Conseil en Colombie a permis de constater que le Gouvernement et le peuple colombiens aspirent sincèrement à la paix au moyen de la mise en œuvre de l’Accord final et de la politique de paix totale.  Il a salué la priorité accordée par les autorités colombiennes aux réformes rurales afin de s’attaquer aux causes profondes des problèmes que traverse le pays.  Néanmoins, plus de sept ans après la signature de l’Accord final, force est d’admettre que les processus fonciers et la redistribution des terres accusent du retard.  Le délégué a estimé que la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie pourrait contribuer à cette approche en fournissant davantage d’informations aux parties prenantes.  Selon lui, la Juridiction spéciale pour la paix a un rôle essentiel à jouer pour mettre en œuvre l’Accord final.  En dépit des progrès réalisés, le représentant s’est inquiété des tensions entre la Juridiction et les anciens leaders des FARC, tout en insistant sur l’importance de mettre en œuvre la justice transitionnelle malgré les obstacles. 

La représentante du Japon a appuyé l’engagement de la Colombie en faveur d’une « paix totale » sur la base du concept de « sécurité humaine », qui plaide pour la protection et l’inclusion de tous les individus.  Elle s’est félicitée des progrès enregistrés par la Juridiction spéciale pour la paix, avant de saluer la bonne mise en œuvre du plan d’action national au titre du programme pour les femmes et la paix et la sécurité.  Elle a salué l’entame d’un processus de dialogue de paix entre le Gouvernement et Segunda Marquetalia, ainsi que l’extension de l’accord de cessez-le-feu signé avec l’ELN.  Enfin, elle a salué le soutien apporté par la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie aux efforts de paix.

La représentante de la Slovénie s’est dite rassurée, après la visite du Conseil de sécurité en Colombie le mois dernier, par l’engagement du Gouvernement à mettre en œuvre l’accord de paix final et à parvenir à une paix globale et inclusive dans le pays.  Elle a salué en particulier les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la réforme rurale globale, qui constitue selon elle un aspect fondamental de l’Accord final.  Elle s’est en revanche déclarée préoccupée par l’augmentation signalée des violations graves contre les enfants, notamment leur recrutement et leur utilisation par des groupes armés.  Appelant à la cessation immédiate de toutes les violences contre la population civile, y compris les formes de violence sexuelle et sexiste, elle a souligné la nécessité de mesures urgentes pour protéger les communautés autochtones et afro-colombiennes, ainsi que les groupes vulnérables tels que les femmes, les enfants, les personnes LGBTQ+, les défenseurs des droits humains, les artisans de la paix et les dirigeants de la société civile. 

Pour la représentante, le cessez-le-feu doit être complété par des mesures concrètes qui bénéficieront aux communautés, en particulier les populations rurales qui continuent de souffrir de manière disproportionnée des conflits et des écarts de développement.  Dans cette optique de renforcement de la présence intégrée de l’État, elle a salué les efforts déployés par le Gouvernement pour faire progresser les initiatives de dialogue dans le cadre de sa politique de paix totale.  À ses yeux, l’annonce du plus long cessez-le-feu jamais enregistré avec l’ELN marque un pas important dans la bonne direction.  S’agissant enfin du travail effectué par la Juridiction spéciale pour la paix, elle a encouragé le Gouvernement à soutenir ce mécanisme de justice transitionnelle, notamment dans ses poursuites des cas de violence sexuelle et fondée sur le genre.  Sans justice, aucune paix ne peut être véritablement durable, a-t-elle conclu. 

Le représentant de la Chine a déclaré que la visite du Conseil en Colombie a permis de constater les progrès importants réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord final, ainsi que les difficultés qui subsistent.  La communauté internationale et le Conseil doivent saisir l’occasion de cette visite pour faire le bilan de la consolidation du processus de paix en Colombie à la lumière des dernières évolutions sur le terrain.  À cette fin, nous devons promouvoir le développement national et œuvrer à une paix durable, a-t-il argué, tout en relevant le manque de progrès dans la réforme des zones rurales, la redistribution des terres et la réintégration des anciens combattants.  Il a exprimé l’espoir que la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie saura apporter un appui adéquat à cet égard. 

Le délégué s’est par ailleurs félicité de la prolongation du cessez-le-feu entre le Gouvernement et l’ELN, dans l’attente de progrès lors de la septième série de négociations entre les deux parties.  Face aux violences qui se poursuivent dans certaines régions du pays, il a jugé fondamental de mettre en place un environnement sûr, susceptible d’accroître la confiance de la population dans le processus de paix, par le biais notamment de la Juridiction spéciale pour la paix. 

La représentante de Malte a plaidé pour une mise en œuvre renforcée de l’Accord final au moyen de mesures concrètes sur le terrain aboutissant à des résultats tangibles et transformateurs.  Elle a salué les pourparlers de paix en cours avec l’ELN. Toutes les parties doivent renforcer leurs engagements en faveur de la protection des civils, y compris les enfants, a dit la déléguée, en plaidant pour le renforcement de la présence de l’État sur tout le territoire colombien.  Elle a rappelé que 1 200 défenseurs des droits humains et responsables communautaires ont été tués depuis 2016, dont 150 en 2023.  Elle a souhaité que des progrès seront accomplis en ce qui concerne le premier plan d’action national de la Colombie au titre du programme pour les femmes et la paix et la sécurité.  Enfin, elle a salué les progrès engrangés par la Juridiction spéciale pour la paix.

M. LUIS GILBERTO MURILLO URRUTIA, Ministre des affaires étrangères de la Colombie, a déclaré venir au Conseil de sécurité « pour parler de paix et non de guerre ».  Saluant le soutien unanime de la communauté internationale à la politique de paix totale de son gouvernement, illustré par la visite des membres du Conseil en février, il a rappelé que, ce 9 avril, la Colombie célèbre la Journée nationale de mémoire et de solidarité avec les victimes du conflit armé interne.  Selon lui, la meilleure façon de rendre leur dignité aux victimes est de surmonter le conflit et de construire une Colombie pacifique, qui permette d’obtenir l’égalité des chances pour l’ensemble de la population, en particulier dans les régions les plus touchées par le conflit armé.  Insistant sur la diversité sociale et linguistique des territoires de son pays, le Ministre a souligné l’importance du chapitre ethnique de l’Accord final.  Il s’est ainsi réjoui que les membres du Conseil aient pu découvrir un espace territorial de formation et de réinsertion à Caquetá et partager avec les communautés de la côte Pacifique.  Dans ces territoires où des affrontements armés ont eu lieu, la paix et l’espoir sont désormais en train de se construire, a-t-il souligné. 

Concernant la mise en œuvre de l’accord de paix de 2016, le Ministre a fait état de « progrès décisifs ».  Depuis notre arrivée au pouvoir, s’est-il enorgueilli, nous avons acquis 157 191 hectares de terres pour les victimes et nous avons formalisé 808 815 hectares de terres pour les paysans, ainsi que les communautés autochtones et afro-descendantes.  Récemment, a-t-il poursuivi, le Gouvernement a alloué 450 milliards de pesos, soit 3,7 millions de dollars, à la Juridiction spéciale pour la paix afin de renforcer son mandat consistant à rendre la justice, clarifier la vérité et indemniser les victimes.  Ces actions visent à répondre aux lignes directrices établies dans l’Accord final, mais aussi dans le plan national de développement et la politique de paix totale, a-t-il expliqué.  Parmi les nombreux défis qu’il reste à relever pour parvenir à la pleine mise en œuvre de l’Accord final, il a cité les garanties de sécurité pour les anciens combattants, les dirigeants sociaux, les femmes et les communautés autochtones et afro-colombiennes.  Il a ensuite proposé au Conseil d’inviter désormais les signataires de la paix en tant que parties contractantes de l’Accord final en Colombie.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Après le veto chinois et russe du 22 mars au Conseil de sécurité, l’Assemblée générale se déchire autour des responsabilités de l’impasse actuelle à Gaza

Soixante-dix-huitième session,
66e & 67e séances plénières – matin & après-midi
AG/12591

Après le veto chinois et russe du 22 mars au Conseil de sécurité, l’Assemblée générale se déchire autour des responsabilités de l’impasse actuelle à Gaza

En vertu du mandat que lui confère la résolution 76/262 d’avril 2022, l’Assemblée générale a tenu, aujourd’hui, une séance consécutive à l’exercice du droit de veto par la Chine et la Fédération de Russie, le 22 mars dernier au Conseil de sécurité, contre un projet de résolution soumis par les États-Unis et relatif à l’établissement d’un cessez-le-feu à Gaza.  Si les délégations chinoise et russe ont défendu –pour des raisons sensiblement différentes- leur rejet de ce texte, elles ont aussi invité les États Membres à soutenir la nouvelle demande d’adhésion à l’ONU déposée par l’État observateur de Palestine, une perspective appuyée par un grand nombre de pays mais dénoncée avec véhémence par Israël. 

Pour rappel, le texte présenté le 22 mars par les États-Unis avait recueilli 11 voix pour, 3 voix contre (Algérie, Chine et Fédération de Russie) et une abstention (Guyana).  Par ce projet de résolution, le Conseil aurait « considéré qu’il est impératif d’établir un cessez-le-feu immédiat et durable » dans la bande de Gaza, et aurait « appuyé sans réserve l’action diplomatique internationale qui est menée pour parvenir à ce cessez-le-feu dans le cadre de la libération de tous les otages restants ». 

Constatant un approfondissement des divisions entre les membres du Conseil, le Président de l’Assemblée générale s’est néanmoins réjoui de l’adoption, trois jours après le double veto du 22 mars, de la résolution 2728 (2024), qui appelle à un cessez-le-feu immédiat à Gaza pendant le mois du ramadan, en vue d’un cessez-le-feu durable.  Mais, alors que ce mois sacré doit prendre fin demain, « la population palestinienne continuera de prier sous les décombres des mosquées détruites », a déploré M. Dennis Francis, avant d’exhorter le Conseil à faire respecter ses résolutions pour parvenir à un cessez-le-feu effectif, à la libération des otages et à l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire. 

En défense de son recours au veto le 22 mars, la Fédération de Russie a estimé que la décision chinoise et russe a empêché l’adoption d’un texte qui « non seulement ne visait pas à mettre fin aux hostilités à Gaza, mais donnait carte blanche à Israël pour poursuivre ses actions inhumaines dans l’enclave ».  Le projet de résolution des États-Unis ne contenait pas d’exigence directe ni même d’appel au cessez-le-feu, mais délivrait en réalité « une autorisation de tuer davantage de Palestiniens », a-t-elle argumenté.  Ce faisant, le texte laissait à Israël la possibilité de mener de futures opérations à condition que les dommages causés aux civils soient minimisés, ce qui, selon la Russie, est « particulièrement cynique » au vu du nombre effroyable de victimes civiles depuis le début du conflit et dans le contexte d’un possible assaut sur Rafah. 

Pour la délégation russe, le double veto du 22 mars était d’autant plus justifié qu’il a permis l’adoption le 25 mars de la résolution 2728 (2024) initiée par les 10 membres élus du Conseil.  Elle s’est néanmoins alarmée du fait que, confrontés aux vives critiques d’Israël, les États-Unis aient immédiatement qualifié cette résolution de « non contraignante », ce qui pourrait « fournir à Jérusalem-Ouest une échappatoire pour poursuivre ses opérations à Gaza ». Dénonçant cette « ligne irresponsable », elle a sommé le Conseil de faire appliquer ses décisions et a rappelé qu’il « dispose de tous les outils, y compris des sanctions, pour exercer la coercition si la situation l’exige ». 

De son côté, la Chine a dit avoir voté contre le texte proposé par les États-Unis pour tenir compte du mécontentement exprimé à l’égard de ce projet par les pays arabes.  Par ce texte, les États-Unis posaient des conditions préalables à un cessez-le-feu, a-t-elle relevé, estimant que son adoption aurait encouragé la poursuite des massacres à Gaza, au mépris du droit international humanitaire.  Selon la délégation, c’est grâce au veto mis lors de cette séance que les États-Unis sont « revenus à la raison » et n’ont pas bloqué le texte présenté par la suite par les 10 membres non permanents du Conseil. Elle a toutefois regretté à son tour que les États-Unis aient mis en doute le caractère contraignant de la résolution 2728 (2024), après avoir rappelé que ce membre permanent du Conseil avait posé son veto à quatre reprises contre des textes demandant un cessez-le-feu immédiat à Gaza.  

« Nous avons présenté notre projet de résolution de bonne foi, après avoir consulté tous les membres du Conseil et modifié le texte à plusieurs reprises », se sont défendus les États-Unis.  En mettant leur veto, la Chine et la Fédération de Russie ont choisi de nous attaquer plutôt que d’appuyer la diplomatie, ont-ils déploré, rappelant qu’alors que la crise humanitaire s’aggrave à Gaza, ils font tout leur possible pour faciliter l’acheminement de l’aide, tout en poursuivant, aux côtés de l’Égypte et du Qatar, des négociations destinées à permettre la libération des otages.  Le projet de texte rendu caduc par le veto chinois et russe visait à renforcer le mandat de la Coordonnatrice de l’action humanitaire et de la reconstruction à Gaza Sigrid Kaag, appelait à consolider le processus de déconfliction et exprimait son soutien à l’Autorité palestinienne pour qu’elle dirige la Cisjordanie et Gaza après le conflit, a souligné la délégation, en dénonçant les « jeux politiques » de Moscou et Beijing.  Elle a enfin assuré que les États-Unis continueront de faire pression sur Israël pour qu’il prenne des mesures « concrètes et mesurables » afin d’éviter tout préjudice aux civils et aux humanitaires, et insisteront sur la mise en œuvre de toutes les résolutions du Conseil. 

À la faveur de ce débat, les représentants russe et chinois ont appelé les États Membres à soutenir l’initiative de la partie palestinienne visant à reprendre l’examen de la demande d’adhésion à part entière de l’État de Palestine à l’ONU. Ils ont été rejoints par un grand nombre de délégations, à commencer par l’État de Palestine lui-même et l’Arabie saoudite, qui, au nom du Groupe des États arabes, a jugé que cette adhésion serait un jalon essentiel dans la recherche d’un règlement final et la mise en œuvre de la solution des deux États.  L’Afrique du Sud, l’Algérie, le Chili, l’Égypte, la Malaisie, le Maroc, le Qatar ou encore le Venezuela, au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, leur ont emboîté le pas, ce dernier exhortant le Conseil à examiner positivement cette demande en attente depuis septembre 2011. Pour sa part, le Canada, qui s’exprimait au nom du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), a dit soutenir l’aspiration palestinienne à l’autodétermination. 

Israël s’est catégoriquement opposé à l’admission de l’État de Palestine, avertissant le Conseil de sécurité que donner son aval à un tel projet d’adhésion ferait de lui le « Conseil de la terreur ».  « Après le 11 septembre 2001, aurait-on pu envisager qu’Al-Qaida devienne membre de l’ONU? » a interrogé son représentant, pour qui l’Autorité palestinienne, à l’instar du Hamas, est une « entité éprise de génocide » dont le seul objectif est d’annihiler les Juifs et de faire disparaître l’État d’Israël.  Après avoir brandi une photo du Grand Mufti de Jérusalem reçu par Hitler en 1941, il a affirmé que « les racines du conflit sont demeurées inchangées ». « Ce n’est pas un conflit politique pour obtenir des terres mais un conflit qui vise à détruire Israël. » Pour le délégué israélien, un accord ne peut être trouvé qu’à la table des négociations, sans être forcé unilatéralement, comme cela a été le cas avec l’Égypte et la Jordanie, puis plus récemment avec les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc.  Hélas, a-t-il ajouté, l’ONU encourage la création d’un « État terroriste » et ne veut même pas condamner les agissements du Hamas ou organiser une réunion sur le sort réservé aux otages.  Pendant ce temps, le Hamas et le « régime de Téhéran » continuent leurs actions contre Israël, a fulminé le délégué. 

Si la France a, elle aussi, jugé inacceptable que l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité n’aient pas encore pu condamner les actes terroristes du Hamas du 7 octobre dernier, nombre de délégations ont mis l’accent sur l’impunité dont continue de jouir Israël, qui, de l’avis de l’Égypte, « se croit au-dessus du droit international ».  La Puissance occupante devrait être contrainte de mettre en œuvre les résolutions du Conseil et d’ouvrir tous les points de passage frontaliers pour garantir l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire vers Gaza, a-t-elle plaidé, rejointe sur ce point par le Costa Rica et la Norvège, tandis que la République islamique d’Iran appelait à « punir » Israël pour ses crimes.  

Dans l’hypothèse où un État refuserait de mettre en œuvre la résolution 2728 (2024), des mesures devraient être prises à son encontre, a appuyé le Bangladesh, non sans rappeler qu’il a été l’un des cinq États Membres à porter la situation dans les territoires palestiniens occupés devant la Cour pénale internationale (CPI) en novembre 2023.  La délégation a appelé le Procureur de la CPI à accélérer le processus d’enquête, en particulier dans le contexte des atrocités en cours à Gaza.

Outre les résolutions du Conseil, Israël doit aussi respecter les mesures conservatoires découlant des ordonnances de la Cour internationale de Justice (CIJ) du 26 janvier et du 28 mars derniers, ont soutenu le Chili, Malte, le Portugal, le Sénégal et l’Union européenne.  L’Égypte a quant à elle rappelé qu’une résolution du Conseil des droits de l’homme demande clairement l’interdiction d’exportation d’armes vers Israël, reprenant à son compte l’appel lancé à ce sujet par l’État de Palestine et appuyé par la République populaire démocratique de Corée (RPDC). 

Enfin, tout en interrogeant l’influence néfaste du droit de veto –« instrument illégitime d’un autre temps » selon le Sénégal, « prérogative antidémocratique » pour la Colombie- sur la responsabilité du Conseil de sécurité s’agissant du maintien de la paix et de la sécurité internationales, une majorité de délégations ont réaffirmé leur foi dans la solution des deux États.  « Un horizon politique doit être mis en place », a résumé le Japon.  Mais pour ces mêmes pays, parmi lesquels le Luxembourg et la Thaïlande, il importe, dans l’immédiat, que la résolution 2728 (2024) soit dûment mise en œuvre et qu’Israël renonce à son offensive sur Rafah.

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité renvoie le réexamen de la demande d’admission de l’État de Palestine à l’ONU à son Comité d’admission de nouveaux Membres

9597e séance – après-midi
CS/15655

Le Conseil de sécurité renvoie le réexamen de la demande d’admission de l’État de Palestine à l’ONU à son Comité d’admission de nouveaux Membres

Au terme de consultations privées, le Conseil de sécurité a décidé, ce midi, de renvoyer la demande de réexamen de la demande d’admission de l’État de Palestine à l’Organisation des Nations Unies à son Comité d’admission de nouveaux Membres, qui se réunira cet après-midi pour étudier la requête. 

Dans une lettre adressée au Secrétaire général en date du 2 avril 2024, l’Observateur permanent de l’État observateur de Palestine a demandé que la demande d’admission à l’ONU soit réexaminée par le Conseil de sécurité au cours du mois d’avril 2024, en se référant à la demande présentée le 23 septembre 2011. 

Conformément aux dispositions de l’article 59 du Règlement intérieur provisoire du Conseil, à moins que celui-ci n’en décide autrement, une demande d’admission est renvoyée par le Président de cet organe au Comité d’admission de nouveaux Membres dans lequel sont représentés tous les membres du Conseil de sécurité.

En conséquence, la Présidente a indiqué qu’elle soumettra à celui-ci la demande visant à ce que la candidature de l’État observateur de Palestine soit réexaminée au cours de ce mois. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité fait le point sur la situation humanitaire à Gaza suite au meurtre de sept travailleurs de World Central Kitchen

9596E SÉANCE - MATIN
CS/15653

Le Conseil de sécurité fait le point sur la situation humanitaire à Gaza suite au meurtre de sept travailleurs de World Central Kitchen

Le Conseil de sécurité s’est réuni, ce matin, pour faire le point sur la situation humanitaire à Gaza suite à « l’attaque tragique » qui a tué sept travailleurs humanitaires de la World Central Kitchen, le 1er avril.  Commentant cet « incident qui n’est pas isolé », selon les États-Unis, le Directeur de la Division de la coordination du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a appelé les États Membres à conditionner leurs exportations d’armes au respect des règles de la guerre et à coopérer dans la lutte contre l’impunité.  Plusieurs délégations ont demandé en outre l’ouverture d’une enquête internationale indépendante sur « cette tragédie ». 

Selon M. Ramesh Rajasingham, la World Central Kitchen avait informé l’armée israélienne du mouvement de son convoi.  Ces sept victimes rejoignent dans l’au-delà plus de 220 travailleurs humanitaires dont 179 membres du personnel de l’ONU, a-t-il signalé.  « C’est le plus grand nombre de victimes humanitaires des temps modernes », a déploré la Présidente de Save The Children US qui a alerté en outre que 350 000 enfants âgés de moins de 5 ans risquent de mourir de faim dans une famine « provoquée par l’homme ». 

« Si toutes les parties au conflit continuent de violer de manière flagrante l’état de guerre et le droit international humanitaire, avec une responsabilité zéro, et que des nations puissantes continuent de refuser d’utiliser les leviers d’influence à leur disposition, alors la prochaine série de morts massives d’enfants gazaouites ne sera pas causée par des balles et des bombes, mais par la famine et la malnutrition », a prévenu Mme Janti Soeripto. 

Détaillant la situation sur le terrain, le Directeur de la Division de la coordination a alerté que dans toute la bande de Gaza, la nourriture et l’eau potable se font de plus en plus rares.  La semaine dernière, l’ONU et ses partenaires ont fourni une aide alimentaire pour 550 000 personnes par jour, mais cette aide est insuffisante, et le principal obstacle lié à notre capacité à la distribuer à Gaza, en particulier dans le nord, où l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) n’est pas autorisé à opérer, a signalé M. Rajasingham.  Si l’on veut éviter la famine et faire face à la situation humanitaire catastrophique à Gaza, l’UNRWA et toutes les organisations humanitaires impartiales doivent avoir un accès sûr, rapide et sans entrave à tous les civils dans le besoin.  Il n’y a pas de substitut aux services fournis par l’UNRWA, a-t-il insisté. 

La Cour internationale de Justice a ordonné à la Puissance occupante d’alléger les souffrances des Palestiniens, mais celle-ci n’a pas obtempéré et elle refuse également d’appliquer la résolution 2728 (2024) demandant un cessez-le-feu immédiat, a noté l’Algérie qui, avec Malte et la Slovénie, a demandé la tenue de cette réunion. La Slovénie a enjoint à Israël de se conformer pleinement aux mesures provisoires de la Cour des 26 janvier et 28 mars.  Malte a souligné une fois de plus la nécessité urgente d’un cessez-le-feu immédiat et permanent, notant en outre que le recours à la famine comme arme de guerre peut constituer un crime de guerre.  La délégation a également exhorté Israël à permettre que toutes les routes et points de passage disponibles vers et à travers la bande de Gaza puissent être empruntés. 

Le Royaume-Uni, l’Australie et la Pologne, dont des ressortissants ont été tués le 1er avril par la frappe israélienne, ont souligné que les travailleurs humanitaires ne doivent jamais être pris pour cibles, la représentante britannique exhortant en outre Israël à mettre en place immédiatement un mécanisme de déconfliction efficace.  Il faut également permettre l’acheminement de l’aide à Gaza et apporter des changements immédiats dans la campagne militaire afin de protéger les civils. 

L’Observateur permanent de l’État de Palestine a regretté pour sa part qu’il ait fallu le meurtre d’étrangers pour que certains reconnaissent le sort réservé aux Palestiniens depuis 180 jours.  Personne ne devrait armer ou protéger ceux qui commettent des atrocités, a-t-il exigé se disant « scandalisé » du limogeage de deux officiers supérieurs israéliens à la suite de la tragédie du 1er avril.  C’est donc ça la punition pour avoir commis des crimes de guerre?  Qui sera tenu responsable des dizaines de milliers de civils palestiniens tués? s’est-il emporté. 

« Peiné » par la tragédie qui a coûté la vie aux sept travailleurs de World Central Kitchen à Gaza, le délégué israélien a affirmé que les forces israéliennes respectent à la lettre le droit de la guerre et ne ciblent jamais des civils ni des travailleurs humanitaires.  Les résultats de l’enquête sur cet incident montrent selon lui qu’il s’agit d’une erreur d’identification, pour laquelle deux responsables ont été licenciés.  S’agissant de l’acheminement de l’aide humanitaire, il a fait savoir qu’Israël a facilité l’entrée de 19 000 camions et qu’aucune limite n’est imposée au montant de l’aide qui entre à Gaza.  Les problèmes d’acheminement s’expliquent par le pillage du Hamas et l’incapacité de l’ONU à gérer les livraisons, a pointé le délégué. 

Les États-Unis ont toutefois estimé qu’Israël « n’en a pas fait assez » pour protéger les travailleurs humanitaires et les civils.  Israël doit annoncer et mettre en œuvre une série de mesures concrètes et mesurables pour répondre aux problèmes des civils touchés, des souffrances humanitaires et de la sécurité des travailleurs humanitaires, a martelé le représentant qui a prévenu que « la politique des États-Unis concernant Gaza sera déterminée par la réaction immédiate d’Israël sur l’ensemble de ces points ».

Alors que la famine se dessine à Gaza, la délégation américaine a également estimé que les restrictions imposées à l’UNRWA sont inacceptables, invitant par ailleurs à ne pas ignorer que les actions du Hamas mettent également en péril les travailleurs humanitaires. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Déclarations

M. RAMESH RAJASINGHAM, Directeur de la Division de la coordination du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a signalé que le conflit à Gaza aura duré six mois ce dimanche.  Citant les chiffres du Ministère de la santé de Gaza, il a indiqué que plus de 32 000 personnes ont été tuées et plus de 75 000 ont été blessées dont deux tiers sont des femmes et des enfants.  Quelque 17 000 enfants sont aujourd’hui non accompagnés ou séparés de leur famille et 1,7 million de personnes, soit 75% de la population, ont été déplacées de force.  Comme la population ne bénéficie pas de protection contre les dangers d’un conflit armé, elle doit être autorisée à la chercher ailleurs, a plaidé le haut fonctionnaire. 

Touchant mot du meurtre des sept travailleurs humanitaires de la World Central Kitchen, M. Rajasingham a indiqué que cette organisation avait informé l’armée israélienne du mouvement de ses employés.  Cette attaque tragique n’était pas un incident isolé dans ce conflit.  Ces sept victimes rejoignent dans l’au-delà plus de 220 travailleurs humanitaires dont 179 membres du personnel de l’ONU, a-t-il déploré.  Les allégations de violations graves du droit international humanitaire doivent faire l’objet d’une enquête et les suspects doivent être poursuivis.  Il a également appelé les États Membres à exercer des pressions diplomatiques et économiques; à conditionner leurs exportations d’armes au respect des règles de la guerre et à coopérer dans la lutte contre l’impunité. 

La tragédie du 1er avril était une tragédie pour la population de Gaza, a-t-il poursuivi.  World Central Kitchen et l’ONG « ANERA » ont suspendu leurs opérations au milieu d’une crise d’insécurité alimentaire sans précédent.  Et dans toute la bande de Gaza, la nourriture et l’eau potable se font de plus en plus rares.  Dans le nord, l’UNICEF signale qu’un enfant sur six souffre de malnutrition aiguë et que 3% d’entre eux nécessitent un traitement immédiat.  Cette situation exige une action concertée « maintenant », a-t-il insisté.  Toute tergiversation est indéfendable.  Il a indiqué qu’en dépit des dangers, les travailleurs humanitaires continuent la distribution de nourriture, d’eau, d’articles médicaux, d’articles non alimentaires, de carburant et procèdent à des évacuations sanitaires.  La semaine dernière, l’ONU et ses partenaires ont fourni une aide alimentaire pour 550 000 personnes par jour.  L’UNRWA continue de gérer sept centres de santé, qui dispensent 23 000 consultations par jour, et a administré 53 000 vaccins depuis le début de la guerre. 

Mais l’aide actuelle est insuffisante, s’est inquiété le haut fonctionnaire et le principal obstacle à voir avec notre capacité à la distribuer à Gaza, en particulier dans le nord, où l’UNRWA n’est pas autorisé à opérer.  Si l’on veut éviter la famine et faire face à la situation humanitaire catastrophique à Gaza, l’UNRWA et toutes les organisations humanitaires impartiales doivent avoir un accès sûr, rapide et sans entrave à tous les civils dans le besoin.  Il n’y a pas de substitut aux services fournis par l’UNRWA, a-t-il insisté.  Cette tragédie ne peut pas se poursuivre.  Tous les otages doivent être immédiatement libérés et bien traités.  La population de Gaza a besoin que soient respectés le droit international humanitaire, l’ordonnance de la CIJ et les décisions du Conseil.  Elle a besoin que cette guerre dévastatrice cesse, a-t-il tranché. 

Mme JANTI SOERIPTO, Présidente et Directrice exécutive de Save The Children US, a déclaré que 203 travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza – le plus grand nombre de victimes humanitaires « des temps modernes ». Elle a rendu hommage à ces personnels, presque tous palestiniens.  C’étaient des professionnels respectueux des principes internationaux qui gouvernent l’aide humanitaire: « Ils ont respecté leur part éthique du contrat.  Les parties à ce conflit –y compris les membres du Conseil de sécurité de l’ONU– ne l’ont pas fait », a-t-elle tranché. 

Après des mois de refus systématique et délibéré de l’accès humanitaire, des enfants meurent aujourd’hui de malnutrition et de déshydratation à Gaza, a constaté Mme Soeripto.  Privés de nourriture et d’eau à cause d’un blocus brutal et illégal, ils meurent de faim. La première chose qui m’a frappée en arrivant sur place, c’est le nombre d’enfants sans chaussures.  Du verre et des décombres partout et ils n’ont pas de chaussures, a-t-elle insisté.  Ils courent partout, en quête de nourriture et d’eau parce qu’il n’y a pas assez d’eau autorisée à entrer à Gaza.  Près de 350 000 enfants âgés de moins de 5 ans risquent de mourir de faim à l’heure actuelle, dans une famine « provoquée par l’homme », s’est alarmée la Directrice exécutive, précisant que la situation dans le nord de la bande est particulièrement préoccupante. 

Si toutes les parties au conflit continuent de violer de manière flagrante l’état de guerre et le droit international humanitaire, avec une responsabilité zéro, et que des nations puissantes continuent de refuser d’utiliser les leviers d’influence à leur disposition, alors la prochaine série de morts massives d’enfants gazaouites ne sera pas causée par les balles et les bombes, mais par la famine et la malnutrition, a prévenu l’oratrice.  « Soyons clairs: l’indécision et l’inaction sont un choix. Et les choix entraînent des conséquences: une malnutrition sévère n’est pas une mort tranquille ou indolore ». 

Mme Soeripto a également indiqué que plus aucun enfant n’est scolarisé à Gaza où 80% des établissements scolaires ont été détruits.  Presque tous les équipements éducatifs de la bande de Gaza –chaises, bureaux, tableaux blancs, manuels scolaires– ont été soit détruits par les bombardements incessants, soit brûlés par des civils désespérés pour essayer de se réchauffer. 

À tout cela s’ajoutent les attaques persistantes contre le personnel et les installations humanitaires, qui restreignent encore davantage les opérations et les mouvements humanitaires.  Nous entendons les dirigeants du monde souligner l’importance de l’accès humanitaire et appeler à la déconfliction, à la protection des civils, à des enquêtes rapides et au respect du droit humanitaire.  « Ce discours crée la fausse impression que le système humanitaire à Gaza est une priorité.  Ce n’est pas le cas.  Les mots masquent l’inaction et l’apathie », a dénoncé l’intervenante.  « La vie humaine n’est pas une priorité – ni la vie des civils, des enfants et des femmes, et encore moins celle des humanitaires. Une enquête ne suffit pas.  Nous avons besoin d’action.  Nous avons besoin de changement.  Et nous en avons besoin maintenant », a exigé Mme Soeripto. 

Elle a appelé le Conseil de sécurité à adopter une résolution de cessez-le-feu permanent, prévoyant des mesures robustes pour garantir le respect par les parties au conflit du cessez-le-feu et des résolutions déjà adoptées.  Et les États Membres doivent cesser d’alimenter la crise en cours avec leurs livraisons d’armes aux parties en conflit. 

Je sais que les résolutions adoptées dans cette salle n’entraînent pas immédiatement un changement de comportement sur le terrain, a poursuivi la Présidente de Save The Children US.  À Gaza la semaine dernière, les bombardements à Rafah ont semblé s’intensifier dans la soirée après l’adoption de la résolution 2728 (2024).  « Mais ce qui se passe dans cette salle est important, pour la responsabilité et pour l’établissement de normes que nous attendons de tous que chacun respecte », a-t-elle insisté.  Elle a appelé le Secrétaire général à lister toutes les parties au conflit comme auteurs de violations graves contre les enfants dans son prochain rapport annuel sur les enfants et les conflits armés.  Confrontés à une crise de responsabilité, nous devons y remédier pour briser le cycle de la violence et prévenir de nouvelles violations à l’avenir.  Ceux qui sont assis dans cette salle disposent des outils nécessaires pour faire face à cette crise.  Il leur manque simplement la volonté politique de les utiliser.  Au nom de tous les enfants de Gaza, je vous exhorte à agir, a conclu la Directrice exécutive. 

Le représentant de l’Algérie a rappelé que l’agression contre les Palestiniens innocents dure depuis six mois maintenant.  « Six mois de barbarie et de châtiment collectif, six mois qui mettent au défi l’humanité en chacun d’entre nous. »  Il a rappelé que la Cour internationale de Justice a ordonné à la Puissance occupante d’alléger les souffrances des Palestiniens, mais noté que celle-ci n’a pas obtempéré et qu’elle refuse également d’appliquer la résolution 2728 (2024) demandant un cessez-le-feu immédiat.  Il a ensuite dénoncé l’assassinat des membres de World Central Kitchen.  « Comme l’a dit José Andres, le fondateur de World Central Kitchen, c’était une attaque systématique, qui a ciblé une voiture après l’autre. » 

Il a demandé que l’indignation soulevée par ces morts soit la même que pour la mort de civils palestiniens.  Il a en effet rappelé que la Puissance occupante a tué plus de 33 000 Palestiniens, dont 70% d’enfants et de femmes.  « Pourquoi les autorités de la Puissance occupante ont fait part de leurs excuses pour ces sept personnes tuées, et pas pour les milliers de Palestiniens massacrés depuis six mois? » a demandé le délégué.  « Pour nous, toutes les vies comptent. »  Enfin, il a estimé que la communauté internationale ne peut rester passive alors « que la vie se retire de Gaza. »  Au nom de l’humanité, nous devons agir maintenant, a conclu le représentant. 

La représentante du Guyana a déploré que la résolution 2728 (2024), adoptée il y a deux semaines, soit totalement ignorée tandis que la situation humanitaire continue de se détériorer.  Depuis le 25 mars, a-t-elle noté, l’hôpital Chifa a été entièrement détruit et le monde a été témoin d’une attaque des plus brutales contre un convoi de World Central Kitchen, entraînant la mort de sept membres du personnel.  La déléguée a réitéré que les mécanismes de déconfliction ne fonctionnent pas, ce qui compromet la sécurité des travailleurs humanitaires dans la bande de Gaza. 

Ces « meurtres aveugles » de membres du personnel humanitaire, y compris de l’ONU, constituent à ses yeux une tendance de ce conflit dont les civils subissent les conséquences.  La stratégie de punition collective infligée au peuple palestinien a fait de la famine une méthode de guerre, a-t-elle ajouté, comme en témoignent ces « attaques sauvages ».  « Nous connaissons les résultats de cette stratégie: malnutrition, famine, maladie et décès. »   Considérant que le droit international humanitaire interdit le recours à la famine comme arme de guerre, la représentante a déclaré que ceux qui apportent une aide humanitaire aux civils affamés devraient être « protégés et non ciblés ».  De même, le financement adéquat de l’UNRWA doit être assuré, et des routes supplémentaires ouvertes vers Gaza, a plaidé la déléguée. 

Le représentant de la Slovénie a dénoncé l’utilisation de la famine comme arme de guerre à Gaza. Il a estimé que seul un cessez-le-feu immédiat pourrait changer la situation sur le terrain, laquelle signe selon lui « l’échec absolu de la communauté internationale ».  Un accès humanitaire complet, sûr, sécurisé et sans entrave est absolument indispensable pour faire entrer de la nourriture, de l’eau et des médicaments en quantité suffisante, a-t-il plaidé, appelant également à la restauration des services de santé, d’eau et d’assainissement, à un approvisionnement en énergie et à la fourniture d’abris adéquats aux civils. Alors que la famine s’installe à Gaza, il a enjoint à Israël de se conformer pleinement aux mesures provisoires de la Cour internationale de Justice (CIJ) des 26 janvier et 28 mars. Notant que l’« effroyable attaque » contre World Central Kitchen fait suite à celles subies par Médecins Sans Frontières (MSF), l’UNRWA et d’autres, il a condamné toutes les attaques contre le personnel humanitaire et médical, avant d’appeler à la responsabilisation.  Le représentant a enfin rappelé que les trois résolutions sur la situation à Gaza adoptées par le Conseil, notamment la résolution 2728 (2024), sont contraignantes et a espéré qu’elles seront mises en œuvre pour faire cesser les souffrances de la population civile et des otages ainsi que les retombées de ce conflit dans toute la région. 

Le représentant de la Suisse a regretté qu’en dépit de l’adoption de la résolution 2728 (2024), qui exige un cessez-le-feu immédiat à Gaza, les combats s’y poursuivent, sur fond d’aggravation de l’insécurité alimentaire, ce territoire étant rapidement devenu l’endroit le plus dangereux au monde pour les humanitaires. L’insécurité généralisée et les restrictions de mouvement forcent les organisations présentes sur le terrain à suspendre leurs opérations et ce, au moment où les besoins sont les plus importants, a-t-il noté.  Par conséquent, il a estimé que l’ensemble du système d’aide risque de s’effondrer, le maintien du corridor d’aide maritime en provenance de Chypre étant notamment en péril.

L’UNRWA ainsi que d’autres organisations humanitaires doivent avoir un accès sans entrave aux nécessiteux, a exhorté le délégué.  « Chaque jour compte », a-t-il lancé en citant la classification intégrée des phases de la sécurité alimentaire (IPC) qui craint un risque de famine d’ici à la fin du mois de mai 2024.  Et selon l’UNICEF, Gaza connaît le pire niveau de malnutrition infantile au monde, a-t-il encore fait valoir.  Le représentant a rappelé que, le 28 mars 2024, la Cour internationale de Justice (CIJ) a demandé à Israël de travailler en étroite collaboration avec l’ONU afin d’assurer, sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence.  Sa délégation attend donc que ce pays s’y conforme.  En outre, un cessez-le-feu immédiat est le seul moyen de ne pas perdre plus de vies civiles, a ajouté le délégué.

La représentante du Royaume-Uni, rappelant que trois des employés de World Central Kitchen tués étaient de nationalité britannique, a déclaré que les travailleurs humanitaires ne doivent jamais être pris pour cibles.  Israël doit en faire bien plus pour les protéger, a dit la déléguée. Elle a ensuite exhorté Israël à mettre en place immédiatement un mécanisme de déconfliction efficace.  Il est capital que les personnes qui sauvent des vies puissent le faire, a-t-elle insisté.  Elle a invité Israël à faire tout son possible afin de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire nécessaire à Gaza.  Cette aide est pour l’heure insuffisante, a-t-elle jugé.  Enfin, elle a demandé des changements immédiats dans la campagne militaire israélienne afin de protéger les civils, exigeant notamment l’application immédiate de la résolution 2728 (2024). 

Le représentant de la Fédération de Russie a rappelé qu’il ne reste que quatre jours avant la fin du ramadan et constaté que, à en juger par la rhétorique des dirigeants israéliens, le cessez-le-feu immédiat auquel appelle la résolution 2728 (2024) n’est pas à l’ordre du jour.  En conséquence, le nombre total des Palestiniens tués dans la bande de Gaza dépasse désormais les 33 000, dont plus de 13 000 enfants, tandis que 70% des bâtiments résidentiels de l’enclave ont été détruits, a-t-il dénoncé, avant de relever que la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 est arrivée à la conclusion que « le seuil permettant à Israël de commettre le crime de génocide a été dépassé ».  Mme Francesca Albanese a également qualifié de « camouflage humanitaire » les déclarations des autorités israéliennes sur leur prétendu respect du droit international humanitaire lors de l’opération militaire à Gaza, a-t-il poursuivi, avant de réitérer l’appel de son pays à un arrêt immédiat des hostilités pour prévenir « une apocalypse humanitaire et une famine massive à Gaza ». 

Notant qu’Israël ne met en œuvre aucune des trois résolutions adoptées par le Conseil sur la situation à Gaza, notamment la résolution 2728 (2024) qui exige un cessez-le-feu immédiat, le représentant a estimé que l’organe devrait convenir des mesures à prendre contre « Jérusalem-Ouest », lesquelles pourraient par exemple inclure « un embargo sur les armes et d’autres types de sanctions ».  Dans ce cas, le Conseil devrait agir « à l’unisson », a-t-il dit, jugeant inacceptable que certains membres « envoient des signaux remettant en question la nécessité de mettre en œuvre les résolutions adoptées par le Conseil ». 

Le représentant a d’autre part estimé que les « mesures palliatives », telles que le largage aérien d’aide humanitaire et la construction d’une jetée maritime temporaire, n’amélioreront pas la situation dans la bande de Gaza.  Selon lui, ces opérations de « relations publiques humanitaires » dissimulent le refus ou l’incapacité de prendre des mesures pour mettre fin à l’effusion de sang et garantir un accès humanitaire sûr et sans entrave.  De surcroît, a-t-il ajouté, la situation est considérablement aggravée par la crise alimentée par Israël autour de l’UNRWA, qui, à la suite d’accusations « à la fiabilité très discutable », connaît de graves difficultés financières et ne peut plus opérer, d’autant plus qu’Israël lui refuse l’accès au nord de Gaza. Cela doit cesser, a martelé le représentant, avant d’évoquer la sécurité du personnel humanitaire et la mort de sept employés de l’organisation bénévole World Central Kitchen à la suite de frappes israéliennes ciblées.  Observant que cet incident a provoqué une vive réaction dans les capitales occidentales, les victimes étant majoritairement occidentales, il a rappelé que les attaques de missiles israéliens contre des installations humanitaires à Gaza ont déjà entraîné la mort de 224 travailleurs.  Ces atrocités feront-elles l’objet d’une enquête? a-t-il demandé, voyant un « deux poids, deux mesures » compte tenu du traitement subi par l’UNRWA. 

Dénonçant une utilisation de la famine comme méthode de guerre, le représentant a noté que la Puissance occupante a décidé d’ouvrir temporairement les postes frontière d’Erez et de Kerem Shalom à la veille de cette réunion du Conseil « afin de réduire l’intensité de l’indignation susmentionnée dans les capitales occidentales ».  À ses yeux, cela ne change pas le tableau d’ensemble.  Le Conseil est tenu de garantir la pleine mise en œuvre par toutes les parties au conflit de toutes ses décisions visant à mettre fin à la violence à Gaza, à accroître l’aide humanitaire aux civils et à empêcher leur déplacement forcé.  Ce n’est qu’après cela que l’on pourra réfléchir à de nouvelles initiatives visant à un règlement à long terme du conflit palestino-israélien sur une base juridique internationale connue, a-t-il conclu. 

Le représentant du Japon a constaté que la mort de sept travailleurs humanitaires de World Central Kitchen à la suite de frappes israéliennes a déclenché l’indignation mondiale et amené d’autres organisations humanitaires à suspendre leurs opérations.  Qualifiant ces attaques d’« absolument inacceptables », il a appelé Israël à tout faire pour empêcher que de tels incidents ne se reproduisent, avant de rappeler que la famine se propage dans le territoire palestinien.  Si les attaques contre les travailleurs humanitaires se poursuivent, ces derniers ne pourront pas mener à bien leur travail vital, et ce, même si de nombreux pays, dont le Japon, ont repris le financement de l’UNRWA, a-t-il ajouté.  

Le représentant a plaidé pour que l’aide soit acheminée à Gaza par tous les moyens possibles, qu’ils soient terrestres, aériens ou maritimes.  Il a espéré à cet égard que l’annonce récente de l’ouverture du terminal d’Erez permettra à davantage d’aide humanitaire d’atteindre la population gazaouite.  Enfin, après avoir exhorté toutes les parties concernées à parvenir sans plus tarder à un cessez-le-feu, conformément à la résolution 2728 (2024) du Conseil, il a réitéré l’appui de son pays aux efforts diplomatiques en cours menés par les États-Unis, l’Égypte et le Qatar pour faire taire les armes, accélérer les livraisons humanitaires et œuvrer à la libération des otages.

Le représentant de la Chine a qualifié la situation à Gaza de « catastrophe humanitaire sans nom », plus de 33 000 civils innocents ayant perdu la vie dans les combats.  Malgré l’adoption par le Conseil, en mars, de la résolution 2728 (2024) exigeant un cessez-le-feu immédiat, les hostilités se poursuivent et des milliers d’enfants et de femmes sont victimes au quotidien des bombes et de la famine. Devant un tel constat, le représentant chinois a appelé à la mise en œuvre urgente de cette résolution.  Israël doit en outre cesser son attaque contre Gaza et le « châtiment collectif » qu’il inflige à sa population. 

Face à la famine et à l’effondrement du système médical de l’enclave, Israël doit mettre en œuvre les mesures conservatoires de la Cour internationale de Justice (CIJ) et autoriser l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza à travers tous les points de passage, a poursuivi le délégué.  Il a condamné fermement l’attaque récente contre un convoi humanitaire, en invitant Israël à respecter le droit international humanitaire.  Ce conflit nous rappelle une nouvelle fois que seule la pleine réalisation de la solution des deux États permettra de corriger les injustices historiques dont souffre le peuple palestinien, a-t-il ajouté.  Pour faire de cette revendication une réalité, le délégué a demandé d’appuyer la demande de l’État de Palestine de devenir membre à part entière de l’Organisation. 

Le représentant de la France a condamné la frappe israélienne qui a causé la mort de sept personnels humanitaires de l’ONG World Central Kitchen.  Il a dit avoir demandé aux autorités israéliennes de mener une enquête approfondie et de ne pas laisser les responsables de cet acte impunis.  La protection des travailleurs humanitaires doit être garantie en toutes circonstances, conformément au droit international humanitaire, a-t-il rappelé en demandant l’acheminement massif de l’aide humanitaire à la population civile de Gaza de façon sûre et sans entrave, avec la coordination des Nations Unies.  La France prend note des mesures annoncées ce jour par le Gouvernement israélien pour accroître l’aide humanitaire à Gaza, a dit le représentant qui a souhaité leur mise en œuvre sans délai ainsi que des mesures supplémentaires pour appliquer le droit international humanitaire. 

Le délégué français a exigé que le droit de la guerre et les principes humanitaires de précaution et de proportionnalité dans la conduite des hostilités soient respectés. Il a demandé la pleine mise en œuvre de la résolution 2728 (2024) et un cessez-le-feu immédiat et durable, ainsi que la protection des civils et l’entrée massive de l’aide d’urgence.  Il a réaffirmé son opposition à une offensive terrestre à Rafah et exigé la libération immédiate et inconditionnelle des otages détenus par le Hamas et d’autres groupes terroristes.  Parvenir à un cessez-le-feu est une priorité absolue de la France.  Il est urgent de poser les bases d’un règlement politique durable pour mettre en œuvre la solution des deux États, a-t-il plaidé en rappelant que le projet de résolution soumis par la France s’inscrit dans cette perspective. 

Le représentant de l’Équateur a rendu hommage aux sept employés de World Central Kitchen tués cette semaine.  « Les travailleurs humanitaires ne doivent jamais être pris pour cible », a-t-il exhorté.  Il a souligné le travail vital accompli à l’UNRWA et demandé aux États qui le peuvent de soutenir financièrement cette agence.  Il a demandé l’application immédiate de la résolution 2728 (2024) afin que la liste des tués à Gaza ne s’allonge pas.  Si cette résolution avait été appliquée, des civils et des agents humanitaires seraient encore en vie et les otages auraient pu rentrer chez eux, a noté le délégué en conclusion. 

Le représentant de la République de Corée s’est dit consterné par le meurtre de sept membres du personnel de World Central Kitchen, organisation qui, à elle seule, a fourni plus de 35 millions de repas chauds à travers Gaza depuis le début de la catastrophe actuelle.  Aucune des parties au conflit ne doit attaquer les travailleurs humanitaires et entraver l’accès à l’aide humanitaire, a-t-il exhorté.  Il a demandé la levée des obstacles à la fourniture de l’aide à Gaza, comme l’exige la résolution 2728 (2024).  Il a espéré que l’annonce faite hier par le Gouvernement israélien au sujet des mesures visant à accroître le flux d’aide en direction de Gaza entraînera des améliorations tangibles sur le terrain.  Simultanément, les procédures de notification humanitaire et les mécanismes de déconfliction doivent être améliorés pour empêcher que des incidents tels que celui qui a causé la mort de membres de World Central Kitchen ne se reproduisent.  Enfin, le délégué a de nouveau appelé à la mise en œuvre de la résolution 2728 (2024), soulignant qu’un cessez-le-feu humanitaire immédiat « est le seul moyen viable de garantir un accès sûr et sans entrave à l’aide humanitaire ».

Le représentant des États-Unis a constaté que les dispositions des résolutions récentes du Conseil exigeant de protéger le personnel humanitaire « n’ont pas été respectées », comme l’a démontré la frappe qui a tué sept travailleurs de World Central Kitchen.  « Nous savons tous que ce n’était pas un incident isolé », a-t-il ajouté, ce conflit étant l’un des plus meurtriers pour les travailleurs humanitaires.  Jugeant ces incidents « inacceptables », le représentant a déclaré qu’Israël « n’en a pas fait assez » pour protéger les travailleurs humanitaires et les civils.  C’est pourquoi la résolution présentée le mois dernier par les États-Unis exigeait que toutes les parties au conflit respectent les mécanismes de déconfliction ainsi que les systèmes de notification humanitaire.  Israël doit annoncer et mettre en œuvre une série de mesures concrètes et mesurables pour répondre aux problèmes des civils touchés, des souffrances humanitaires et de la sécurité des travailleurs humanitaires, a martelé le représentant.  La politique des États-Unis concernant Gaza sera déterminée par la réaction immédiate d’Israël sur l’ensemble de ces points, a-t-il ajouté. 

Le représentant s’est dit impatient de prendre connaissance du résultat de l’enquête concernant des liens entre le personnel de l’UNRWA et le Hamas.  Dans l’intervalle, étant donné la famine qui se dessine à Gaza, le délégué a estimé que les restrictions imposées à l’UNRWA sont inacceptables.  Il a aussi invité à ne pas ignorer que les actions du Hamas mettent également en péril les travailleurs humanitaires.  L’aide humanitaire doit être facilitée de toute urgence pour atténuer les effets d’une famine qui ne saurait tarder, a-t-il noté, toute la population de l’enclave étant désormais soumise à des niveaux aigus d’insécurité alimentaire.  Enfin, la délégation américaine a exhorté le Premier Ministre israélien et le Hamas a accepter l’accord proposé. 

Le représentant de la Sierra Leone a rendu hommage au personnel humanitaire, qui, malgré la volatilité de la situation à Gaza et les dangers encourus, a continué d’aider la population civile à accéder à une aide vitale.  Rappelant que les trois résolutions adoptées par le Conseil sur cette situation exigent des parties qu’elles respectent leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, il s’est dit préoccupé par l’absence de respect flagrant de ces décisions en dépit de leur caractère contraignant.  Il s’est également alarmé des frappes récurrentes et souvent fatales qui ciblent des travailleurs humanitaires, dont plus de 220 ont trouvé la mort à Gaza.  

Alors que la famine gagne du terrain chaque jour dans l’enclave palestinienne, il a appelé à la mise en place urgente de mesures de déconfliction.  Il a également exhorté les parties au conflit à mettre pleinement en œuvre les résolutions du Conseil, avant de réaffirmer la pertinence des mesures provisoires de la CIJ, qui obligent Israël à coopérer avec l’ONU pour fournir à l’échelle nécessaire des services de base et une aide humanitaire.  Enfin, après avoir souligné l’importance de faire en sorte que des comptes soient rendus pour toutes les violations du droit international, il a réitéré l’appui de son pays au rôle vital que joue l’UNRWA et a appelé à relancer des discussions de paix au niveau politique.  

Le représentant du Mozambique a déclaré que l’adoption de la résolution 2728 (2024) est la preuve qu’aucun membre du Conseil ne trouve les opérations militaires incessantes à Gaza justifiées.  Ces opérations ne semblent pas respecter le droit de la guerre, comme le montre le nombre élevé de travailleurs humanitaires tués.  Il a déploré la mort des employés de World Central Kitchen et dénoncé l’attaque contre l’hôpital Chifa en violation de la quatrième Convention de Genève.  Il a exhorté Israël à remédier à la crise humanitaire à Gaza, en permettant l’ouverture de davantage de voies terrestres d’acheminement de l’aide.  Il a aussi appelé les États Membres à appuyer l’UNRWA qui joue un rôle vital à Gaza.  Enfin, le délégué a estimé que la solution des deux États est capitale pour un Moyen-Orient stable et pacifique.

La représentante de Malte s’est dite profondément choquée par la mort de sept travailleurs humanitaires de World Central Kitchen, tués par Israël à Gaza le 1er avril, exigeant une enquête approfondie, indépendante et urgente sur cet « événement totalement inacceptable » qui, a-t-elle ajouté, souligne une fois de plus la nécessité urgente d’un cessez-le-feu « immédiat et permanent ».  Elle a observé que les obstacles « bureaucratiques et administratifs onéreux et arbitraires » imposés par Israël empêchent la facilitation sûre, rapide et sans entrave de l’aide humanitaire vers et à l’intérieur de Gaza, alors qu’un demi-million de personnes sont au bord de la famine. 

Après avoir rappelé que la résolution 2417 (2018) indique clairement que le recours à la famine comme arme de guerre peut constituer un crime de guerre, la représentante a affirmé qu’Israël doit permettre que toutes les routes et points de passage disponibles vers et à travers la bande de Gaza puissent être empruntés.  L’ouverture annoncée de ceux d’Erez et de Kerem Shalom, ainsi que du port d’Ashdod, constitue une évolution nécessaire et positive, s’est félicitée la déléguée maltaise, pour qui la mise en œuvre complète et rapide de ces mesures est fondamentale. 

Reprenant la parole, le représentant de la Fédération de Russie a dénoncé le cynisme des États-Unis après que ce pays a critiqué le veto russe et chinois exercé sur un projet de résolution américain.  Ce texte ne comprenait pas d’appel à un cessez-le-feu et donnait carte blanche aux forces militaires israéliennes.  Les États-Unis doivent cesser de livrer des armes à Israël, a conclu le délégué, en rappelant que ces armes sont utilisées pour tuer des civils palestiniens.

L’Observateur permanent de l’État de Palestine a décrit la détresse d’un père assistant impuissant à la lente mort de son enfant de deux mois après avoir passé des jours entiers à chercher de la nourriture dans le nord de Gaza, en vain. Il a également cité le cas d’une mère qui tentait de trouver de la farine: pendant son absence, ses enfants ont été tués dans un bombardement.

Combien de temps ces parents devront-ils attendre avant d’être tués eux aussi?  Israël détruit les maisons, tue des familles entières, déplace toute la population, démoli les hôpitaux et s’assure qu’aucune aide ne puisse parvenir à notre peuple, a accusé l’intervenant.  Israël tue les survivants, ceux qui sauvent des vies, ceux qui fournissent une aide et ceux qui informent.  Il suffit d’être Palestinien pour être tué.  Essayer d’aider les Palestiniens suffit pour se faire tuer. 

Poursuivant, il s’est indigné de l’attaque contre l’hôpital Chifa et du meurtre du personnel humanitaire de World Central Kitchen « qui n’est pas un incident isolé ».  Depuis des mois, Israël cible ceux que les lois de la guerre protègent.  L’Observateur a regretté qu’il ait fallu le meurtre d’étrangers pour que certains reconnaissent le sort réservé aux Palestiniens depuis 180 jours.  « C’est impardonnable », a-t-il dit.  Israël, qui a tué plus de 32 000 Palestiniens et mutilé plus de 72 000 autres, a créé une famine affectant plus de 2 millions de personnes et ignore la résolution du Conseil exigeant un cessez-le-feu immédiat. 

Il a rappelé que la CIJ a ordonné à deux reprises à Israël de prendre des mesures pour prévenir la menace réelle et imminente de génocide, affirmant qu’Israël a délibérément enfreint cet ordre.  Personne ne devrait armer ou protéger ceux qui commettent des atrocités.  Ces auteurs doivent être tenus responsables. L’Observateur s’est dit « scandalisé » du limogeage de deux officiers supérieurs israéliens à la suite de la tragédie du 1er avril.  C’est donc ça la punition pour avoir commis des crimes de guerre?  Qui sera tenu responsable des dizaines de milliers de civils palestiniens tués? s’est-il emporté.  Nous savions tous ce qui allait arriver il y a six mois, nous savions et vous saviez qu’Israël allait recourir à des massacres aveugles, à une destruction et dévastation totales, et que la famine était en route.  Ce génocide a été annoncé par les dirigeants israéliens.  Cela a été perpétré en plein jour et discuté lors de vos réunions.  Il faut agir maintenant pour mettre un terme à ces massacres, a-t-il plaidé.

Le représentant d’Israël a exprimé la « peine » de son pays face à la tragédie qui a coûté la vie à des travailleurs de World Central Kitchen à Gaza, assurant que les forces israéliennes ne ciblent jamais des civils ni des travailleurs humanitaires. Les résultats de l’enquête sur cet incident montrent selon lui qu’il s’agit d’une erreur d’identification, pour laquelle deux responsables ont été licenciés.  « Nous n’avons pas commencé cette guerre, et nous n’avons pas voulu cette guerre », a-t-il insisté, en évoquant « les attaques et les massacres » perpétrés par des « terroristes impitoyables ».  Israël, a-t-il assuré, « respecte à la lettre le droit de la guerre ».  Contrairement au Hamas, ses forces armées prennent toutes les précautions nécessaires pour minimiser les dommages civils.  « Est-ce que vous avez quelque chose à dire quant à la façon dont le Hamas a fait de l’hôpital Chifa une base terroriste? » a-t-il demandé aux membres du Conseil.  « Nous avons été massacrés et nous luttons maintenant pour ne pas l’être à nouveau », a martelé le délégué en soulignant la nécessité de neutraliser le Hamas.  Si ce groupe libère tous les otages, le conflit prendra fin aujourd’hui, a-t-il prédit. 

Après 180 jours, le Conseil de sécurité n’a toujours pas été en mesure de condamner les attentats d’octobre dernier, a poursuivi le représentant.  Cet organe s’est contenté selon lui d’exiger un cessez-le-feu sans condition, une « recette pour la violence et la survie du Hamas ». Pour dénouer l’impasse, il a appelé le Conseil à désigner le Hamas en tant qu’organisation terroriste.  Tel-Aviv a déjà facilité l’entrée de 19 000 camions chargés d’aide humanitaire, aucune limite n’étant imposée au montant de l’aide qui entre à Gaza.  Selon le délégué, les problèmes d’acheminement de l’aide humanitaire s’expliquent par le pillage du Hamas et l’incapacité de l’ONU à gérer les livraisons.  Comme les agences de l’ONU n’arrivent pas à mettre en place un mécanisme efficace de distribution, elles jettent la pierre à Israël. « Malgré tous ces mensonges, Israël fait tout pour faciliter l’aide », a souligné le délégué.  C’est pourquoi il a décidé d’accroître la quantité d’aide qui entre à Gaza, notamment en ouvrant davantage de points de passage. 

Pour le représentant, les Nations Unies ont rapidement oublié les horreurs du 7 octobre pour se focaliser sur la situation dans l’enclave.  Malgré les roquettes et les missiles lancés depuis Gaza et le Liban, l’ONU a décidé d’ignorer cette situation.  Devant l’inaction du Conseil de sécurité, il a estimé qu’il incombe à Israël d’agir. 

S’exprimant au nom du Groupe des États arabes, le représentant de l’Arabie saoudite a condamné l’attaque ciblée à laquelle la « machine de guerre » israélienne a procédé contre un convoi humanitaire à Gaza, entraînant la mort de travailleurs dont le seul crime était d’apporter de l’aide à des personnes dans le besoin.  Voyant dans cette attaque une preuve supplémentaire des violations commises par la Puissance occupante à l’encontre du personnel humanitaire, il a rendu hommage aux travailleurs de World Central Kitchen et d’autres organisations qui mettent leur vie en péril pour servir des innocents.  Il a ensuite dénoncé l’utilisation de la faim comme arme de guerre, avant de constater qu’Israël continue de fermer des points de passage, d’empêcher l’afflux d’aliments, d’eau et de carburant, et de cibler des civils qui tentent d’accéder à cette aide.  Pour le représentant, l’attaque perpétrée contre un convoi de World Central Kitchen confirme les intentions génocidaires de la Puissance occupante.  Il a donc appelé à l’ouverture d’une enquête internationale sur cet incident qui survient six mois après le début d’une agression ayant fait au moins 33 000 morts dans la population palestinienne. 

Après avoir rappelé que la résolution 2728 (2024), adoptée le 25 mars dernier, appelait à un cessez-le-feu immédiat pour le mois du ramadan, le représentant a exhorté le Conseil à prendre une résolution au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies pour faire en sorte que la Puissance occupante respecte ses résolutions et les ordonnances de la CIJ, donne accès à l’aide humanitaire et mette fin à son agression contre le peuple palestinien.  Le représentant a ensuite réaffirmé le soutien du Groupe des États arabes à l’UNRWA, dont le rôle est « irremplaçable » pour la population gazaouite.  Condamnant le fait que l’armée israélienne ait tué 176 membres de l’UNRWA à Gaza, il a salué la décision des « pays amis » qui ont repris leur financement de cette agence onusienne afin qu’elle puisse reprendre ses activités dans ses cinq zones d’opération. 

Le représentant de l’Australie s’est déclaré horrifié par la trajectoire du conflit à Gaza et la crise humanitaire « catastrophique » qui y règne.  Parmi les travailleurs humanitaires tués à Gaza, figurent Zomi Frankcom, une ressortissante australienne, et ses collègues de World Central Kitchen, a-t-il déploré.  Nous avons été très clairs avec le Gouvernement israélien quant au fait qu’une enquête transparente et impartiale soit menée pour établir les responsabilités dans cet incident, a indiqué le délégué, qui a également exigé la mise en œuvre intégrale de la résolution 2728 (2024) par toutes les parties au conflit.  L’ouverture par Israël de points de passage doit maintenant se traduire par un élargissement de l’aide humanitaire en direction de Gaza, a-t-il demandé, avant d’exiger un cessez-le-feu humanitaire immédiat: « les otages doivent être libérés, les civils protégés, l’aide acheminée », a ajouté le représentant.

Le représentant de la Pologne a rappelé qu’un des employés de World Central Kitchen tués, Damian Soból, était de nationalité polonaise.  Il a transmis ses condoléances à la famille et aux amis de ce dernier.  « Que son âme repose en paix. »  Il a qualifié de profondément perturbants les détails de l’attaque contre le convoi de World Central Kitchen, attaqué à trois reprises par l’armée israélienne, alors que celle-ci avait été notifiée, a déploré le délégué.  Tout en rappelant le droit d’Israël à se défendre, il a rappelé que ce droit doit être exercé en conformité avec le droit international, y compris le droit international humanitaire.  Les travailleurs humanitaires doivent être protégés en toutes circonstances, a-t-il insisté.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Crimes contre l’humanité: la Sixième Commission entend les rapports oraux des cofacilitateurs

Soixante-dix-huitième session,
46e séance plénière, après-midi
AG/J/3712

Crimes contre l’humanité: la Sixième Commission entend les rapports oraux des cofacilitateurs

La commission de l’Assemblée générale chargée des questions juridiques a poursuivi aujourd’hui sa deuxième reprise de session consacrée au « projet d’articles » sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, après une première reprise de session en avril 2023. Ce projet d’articles, adopté en 2019 par la Commission du droit international (CDI), doit servir de base aux négociations envisagées pour l’élaboration d’une convention universelle sur cette question.

Les délégations ont entendu cet après-midi les rapports oraux des cofacilitateurs pour faire le bilan des quatre premiers jours de travaux.  Les États Membres ont achevé hier de débattre du projet d’articles, groupe thématique par groupe thématique, leurs discussions étant résumées dans les communiqués de presse suivants: lundi 1er avril, mardi 2 avril, mercredi 3 avril et jeudi 4 avril

La Sixième Commission se réunit pendant six jours ce mois d’avril pour travailler sur ce projet de convention qui vise à combler une lacune du droit international.  En effet, si des conventions internationales existent déjà pour le crime de génocide et les crimes de guerre, il n’en existe aucune traitant des crimes contre l’humanité. 

Jeudi 11 avril sera le prochain et dernier jour de cette deuxième reprise de session.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Sixième Commission conclut son examen du projet d’articles sur les crimes contre l’humanité et se penche sur la recommandation de la CDI

Soixante-dix-huitième session,
44e & 45e séances plénières – matin & après-midi
AG/J/3711

La Sixième Commission conclut son examen du projet d’articles sur les crimes contre l’humanité et se penche sur la recommandation de la CDI

Après avoir complété ses délibérations concernant le cinquième et dernier groupe thématique du projet d’articles de la Commission du droit international (CDI) sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, la Sixième Commission a entrepris, cet après-midi, son examen de la recommandation de la CDI en vue de l’élaboration d’une convention internationale.  En matinée, la Commission a également conclu son examen du groupe thématique 4, concernant les mesures internationales. 

S’agissant du groupe thématique 5, qui comprend les projets d’articles 5 (Non-refoulement), 11 (Traitement équitable de l’auteur présumé de l’infraction) et 12 (Victimes, témoins et autres personnes), l’Union européenne a reconnu qu’au cours de la reprise de session de la Commission d’avril 2023, plusieurs délégations avaient exprimé leurs préoccupations au sujet du projet d’article 5, du fait de son faible soutien à la pratique générale des États et à l’opinio juris, ainsi que des craintes de politisation qu’il suscite.  Les États-Unis ont en outre constaté que certains pays ont éprouvé des difficultés à s’acquitter de leurs obligations en la matière. 

Pourtant, a argué la délégation européenne, avec l’appui du Brésil et de la Suisse, l’inclusion du non-refoulement dans un nombre important de traités internationaux, combinée à la pratique des États qui en découle, a élevé ce principe au rang de droit international coutumier.  Il s’agit pour les Pays-Bas d’un « principe fondamental du droit international » destiné à empêcher que des personnes ne soient exposées à des crimes contre l’humanité.  L’obligation de non-refoulement étant, selon la CDI, de nature « absolue », aucune exception ne devrait être envisagée à l’application de ce principe, a renchéri l’Autriche. 

À l’opposé, la Chine, la Fédération de Russie et la Jordanie ont estimé que cette obligation, de même que le libellé du projet d’article lui-même, ne reflètent pas le droit international coutumier.  En outre, cette disposition n’est pas nécessaire, dans la mesure où le retour des personnes serait régi par les règles pertinentes du droit international des réfugiés.  L’Iran a souscrit à cet avis, en mettant en garde contre une interprétation arbitraire de ces dispositions qui rendrait « inefficace » la coopération internationale sur cette question. 

Pour ce même projet d’article, les pays nordiques, par la voix de l’Islande, ont favorisé le critère de « risque grave » plutôt que celui de « motifs sérieux », concernant le risque d’être victime d’un crime contre l’humanité.  Dans la même veine, le Nigéria a appelé à préciser ces « motifs sérieux ».  Considérant qu’un tel libellé laissait une large place à l’interprétation et risquait de mener à la « politisation » des procédures juridiques, la Fédération de Russie a réclamé la suppression pure et simple du projet d’article 5. 

En ce qui concerne le projet d’article 11, l’Union européenne a noté que bien que l’expression « pleine protection » des droits puisse être interprétée différemment selon les systèmes juridiques, une énumération des droits qu’elle recouvre suffirait à apaiser les préoccupations exprimées.  Comme la République de Corée, la Nouvelle-Zélande a cependant observé que les garanties qui y sont énoncées renvoient aux droits et garanties découlant du droit international sur le traitement équitable.  « Quelle que soit la gravité de l’infraction, les États sont tenus de respecter pleinement ces droits », a insisté l’Italie. 

Pour sa part, le Brésil, appuyé par le Kenya, a mis en garde contre toute tentative de reproduire le langage de la Convention Ljubljana-La Haye sur la coopération internationale pour les enquêtes et les poursuites concernant le crime de génocide, négociée hors du cadre de l’ONU et jouissant d’une adhésion limitée, ou encore de reformuler le projet d’articles de la CDI afin de le rendre compatible avec cet instrument. 

Toujours dans le groupe thématique 5, l’Union européenne, les pays nordiques et la Roumanie ont considéré que les éléments de procédure pénale et de réparation qui figurent au projet d’article 12 sur les victimes, témoins et autres personnes, à savoir la réparation, la restitution, l’indemnisation, la satisfaction, la cessation ainsi que les garanties de non-répétition, permettront de « rétablir » la dignité des victimes de crimes contre l’humanité.  Tout en souscrivant à cette analyse, la France a jugé préférable de traiter de la question des victimes dans un article distinct de celle des témoins. 

Néanmoins, ont ajouté les Pays-Bas, ce projet d’article est cohérent avec l’évolution générale du droit pénal national, régional et international visant à renforcer la position juridique des victimes de crimes internationaux, évolution qui se manifeste notamment par le renforcement du rôle des victimes lors de procédures pénales et dans la possibilité de demander réparation.  Dans ce contexte, la délégation néerlandaise a salué l’inclusion d’une base de coopération judiciaire permettant la saisie et la confiscation à des fins de réparation dans la Convention de Ljubljana-La Haye, laquelle constitue à ses yeux un « jalon » dans le droit pénal international. 

La Nouvelle-Zélande et Singapour ont salué la flexibilité qui résulte du paragraphe 3 du projet d’article 12, lequel permet de préserver le pouvoir discrétionnaire des États quant aux modalités des réparations.  Cette approche reconnaît en outre que divers scénarios peuvent survenir lorsque de tels crimes sont commis, nécessitant des réparations adaptées à chaque circonstance.  Après avoir noté que la plupart des États intègrent déjà des garanties similaires à leurs systèmes nationaux, la République de Corée et l’Australie ont également approuvé cette approche de la CDI. 

C’est justement sur cette base que chaque État devrait, selon l’Inde et la Chine, être libre de déterminer les modalités des réparations, s’agissant notamment de l’indemnisation pour préjudice moral.  À ce sujet, la Sierra Leone a relevé que les petits États ne disposent pas forcément des moyens de verser des réparations.  Les États-Unis se sont en outre interrogés sur le « droit d’obtenir réparation » énoncé au paragraphe 3 de ce projet d’article. 

La Sixième Commission a par ailleurs conclu, en matinée, son examen du groupe thématique 4, consacré aux mesures internationales, qui regroupe les projets d’articles 13 (Extradition), 14 (Entraide judiciaire) et 15 (Règlement des différends), ainsi que le projet d’annexe sur les modalités de l’entraide judiciaire.  S’agissant du projet d’article 13, le Cameroun a jugé « spécieux » les arguments évoqués au paragraphe 11 qui tendent, selon lui, à légitimer le refus d’extradition tout en empiétant sur la souveraineté de l’État requérant.  De son côté, l’État de Palestine s’est félicité, au projet d’article 15, du choix offert aux États de s’adresser à la Cour internationale de Justice (CIJ) en cas d’échec des négociations. 

En fin de journée, la Commission a tourné son attention sur la recommandation de la CDI de 2019 d’élaborer une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  « Avec le crime de génocide et les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité constituent les crimes les plus graves connus de l’humanité », menaçant la paix, la sécurité et le bien-être du monde, a déclaré l’Union européenne.  Or, si des conventions existent concernant les deux premiers, il n’en existe aucune sur les crimes contre l’humanité, une lacune dans le cadre des traités internationaux qui doit être comblée, ont convenu nombre de délégations, dont l’Argentine, l’Irlande et la Jordanie. 

Cette situation « inquiétante » est aggravée par le fait qu’un nombre considérable de pays ne disposent pas de législation nationale criminalisant de tels actes, a confirmé le Timor-Leste, pour la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP).  S’il est vrai que plusieurs États ont mis en place des cadres législatifs nationaux à cet effet, le groupe CANZ (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) a fait valoir, par l’entremise de l’Australie, qu’un instrument conventionnel permettrait d’harmoniser les définitions nationales de ces crimes tout en renforçant la base de la coopération internationale ainsi que l’application cohérente du principe de complémentarité.  « De telles lacunes ouvrent la voie à l’impunité », a-t-il observé. 

Au nom d’un groupe d’États d’Amérique latine, la Bolivie a estimé que le projet d’articles de la CDI constitue une « base solide » pour entamer des négociations en vue de l’adoption d’une telle convention, sur la base d’un texte rassemblant l’ensemble des contributions des États Membres.  Un avis partagé par le Chili, pour qui le projet d’articles demeure néanmoins « perfectible », dans le souci d’intensifier la coopération judiciaire tout en évitant la politisation et de nouvelles controverses entre les États.  En dépit des divergences « substantielles » qui persistent entre ceux-ci, les États-Unis se sont dits impatients d’en discuter les modalités, tandis que l’Indonésie et la Gambie ont insisté sur l’importance de parvenir à un consensus. 

Au contraire, l’Iran a dit ne « pas être encore convaincu » de l’existence d’une lacune dans l’ordre juridique international sur ce sujet, les instruments internationaux et accords bilatéraux d’entraide judiciaire existants fournissant selon lui des bases juridiques suffisantes.  Comme la Fédération de Russie, la Chine a constaté pour sa part, lors de cette reprise de session, des divergences quant à la nécessité d’élaborer une convention sur la base du projet d’articles.  La politisation de tels crimes est « l’obstacle majeur qui se lève sur la rédaction d’une convention », a-t-elle ajouté, avant d’appeler à « cesser d’exploiter les crimes contre l’humanité en tant que moyen d’oppression ». 

« Plus de quatre ans après que la CDI a finalisé son projet d’articles, il est temps pour nous tous d’aller de l’avant », a lancé la Suisse, en attendant la décision de la Sixième Commission, attendue lors de sa soixante-dix-neuvième session, sur l’opportunité de donner suite au projet d’articles. 

La Sixième Commission poursuivra ses travaux demain 5 avril à 15 heures, pour entendre les rapports oraux des cofacilitateurs, puis à nouveau le 11 avril, pour conclure les travaux de cette deuxième reprise de session. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: préoccupations face à l’aggravation de la crise au Myanmar

9595e séance – matin
CS/15652

Conseil de sécurité: préoccupations face à l’aggravation de la crise au Myanmar

Pour sa toute première séance consacrée au Myanmar depuis décembre 2022, le Conseil de sécurité a, ce matin, entendu le Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique lui décrire une situation de crise qui n’a eu de cesse de se détériorer depuis le renversement, il y a trois ans par l’armée, du gouvernement démocratiquement élu, et l’arrestation de ses dirigeants civils, le Président Win Myint et la Conseillère d’État Aung San Suu Kyi. 

M. Khaled Khiari a expliqué que, à la suite de ce coup d’État, l’expansion du conflit armé à travers tout le Myanmar a privé les communautés d’accès aux services de base, avec un impact dévastateur sur les droits humains et les libertés fondamentales.  Sur fond de bombardements aériens « aveugles » de la part des forces armées nationales et de tirs d’artillerie de part et d’autre, le bilan des victimes civiles ne cesse de s’alourdir, s’est alarmé le haut fonctionnaire. 

Dans l’État rakhine, marqué par des déplacements de longue date des populations rohingya, voire de leur exode en masse au Bangladesh voisin, les combats entre les forces de sécurité nationales et l’Armée arakanaise ont atteint des seuils de violence « sans précédent », aggravant les vulnérabilités préexistantes de « la région la plus pauvre du pays ».  La majeure partie de celle-ci est actuellement placée sous le contrôle de l’Armée arakanaise, qui chercherait à s’étendre vers le nord, où demeurent de nombreux Rohingya. 

Or, les circonstances actuelles qui prévalent dans l’État rakhine n’ouvrent pas de perspectives immédiates de rapatriement sûr, digne, volontaire et durable des réfugiés de cette ethnie persécutée.  À cet égard, des mécanismes de protection régionaux efficaces et des efforts de lutte contre la désinformation et les discours de haine sont nécessaires, a préconisé M. Khiari, qui a appelé à s’attaquer aux causes sous-jacentes des déplacements et de l’instabilité, en tenant compte du point de vue des victimes. 

Alors que mettre fin à la campagne de violence et de répression politique menée par l’armée est selon lui une « étape vitale », le Sous-Secrétaire général a exprimé son inquiétude quant à l’intention de la junte militaire de procéder à des élections dans un tel contexte, et d’appliquer la loi sur la conscription.  Cette annonce, qui a intensifié les troubles sociaux contre l’armée et les violences, a également suscité l’inquiétude du Royaume-Uni, du Japon, de la Slovénie ou encore de Malte. 

L’absence des jeunes sur le marché du travail, a constaté M. Khiari, ne fait qu’aggraver les mauvaises perspectives socioéconomiques du pays, en proie aux économies illicites: le Myanmar est devenu un « épicentre mondial » de la production de méthamphétamine et d’opium, parallèlement à une expansion rapide des activités de cybermalveillance, en particulier dans les zones frontalières, où l’effondrement de l’état de droit est manifeste, a précisé le haut fonctionnaire. 

Autant d’éléments qui expliquent une situation humanitaire déplorable, selon Mme Lisa Doughten, la Directrice de la Division des financements et des partenariats du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).  Elle a précisé que 2,8 millions d’habitants du Myanmar sont déplacés, dont 90% depuis la prise du pouvoir par les militaires. Et en 2024, a-t-elle indiqué, l’insécurité alimentaire touchera près de 12,9 millions de personnes, soit près de 25% de la population du Myanmar, tandis que 12 millions auront besoin d’une aide sanitaire d’urgence.  Au total, ce sont près de 18,6 millions de personnes qui auront besoin d’une aide humanitaire au Myanmar en 2024, soit 19 fois plus qu’en février 2021, un chiffre vertigineux quand on sait que le Plan de réponse humanitaire pour ce pays cette année n’a reçu que 4% de son financement jusqu’à présent. 

La plupart des membres du Conseil ont abondé dans le sens des conclusions du Sous-Secrétaire général, qui a plaidé pour que l’ONU continue de travailler en coopération avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et de soutenir ses efforts pour mettre en œuvre son consensus en cinq points sur le Myanmar. L’annonce, faite par M. Khiari, de la nomination prochaine par le Secrétaire général d’un envoyé spécial pour ce pays a été saluée par la République de Corée, qui a considéré qu’il devrait compléter les efforts de celui de l’ASEAN pour promouvoir un dialogue politique, en vue de l’instauration à terme d’une démocratie inclusive et pacifique.  Le Guyana, le Mozambique et les États-Unis ont également appuyé cette nomination, la Suisse considérant qu’il en va de même pour le poste de coordonnateur résident et coordonnateur de l’action humanitaire des Nations Unies, « sans lequel le soutien de l’ONU risque de perdre en efficacité et en crédibilité ». 

C’est en effet le sentiment exprimé par le Bangladesh, qui accueille de très nombreux réfugiés rohingya, et a reproché à l’ONU de n’avoir pas réussi à maintenir une présence forte au Myanmar.  Revenant sur la résolution 2669 (2022) du Conseil de sécurité, le représentant a regretté qu’elle ne prévoie aucun cycle de rapports périodiques sur les progrès de sa mise en œuvre.  Un tel cycle garantirait, selon lui, une attention continue par rapport à la crise dans l’État rakhine et contribuerait à prévenir son escalade.  Il a également demandé au Conseil d’assurer le suivi des processus de reddition de comptes et de se pencher sur les violations du droit international humanitaire qui se poursuivent dans cet État. 

Alors que la Chine a demandé que soient respectées la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale du Myanmar, le Bangladesh a assuré n’avoir aucunement l’intention de s’immiscer dans les affaires intérieures de ce pays, ajoutant cependant que compte tenu de la gravité de la crise, le Conseil de sécurité devrait s’impliquer davantage dans son règlement. 

La Fédération de Russie a plaidé pour sa part pour la poursuite du processus de réconciliation nationale, affirmant que les groupes armés s’y refusent « sous l’impulsion de l’Occident ».

LA SITUATION AU MYANMAR

Déclarations

M. KHALED KHIARI, Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, a rappelé que plus de trois ans se sont écoulés depuis que l’armée a renversé le gouvernement démocratiquement élu au Myanmar et arrêté ses dirigeants, notamment le Président Win Myint et la Conseillère d’État Aung San Suu Kyi.  L’expansion du conflit armé dans tout le pays a privé les communautés locales de leur accès aux services de base, avec un impact dévastateur sur les droits humains et les libertés fondamentales.  Sur fond d’informations faisant état de bombardements aériens aveugles de la part des forces armées du Myanmar et de tirs d’artillerie de diverses parties, le bilan des victimes civiles ne cesse de s’alourdir.

Dans l’État rakhine, les combats entre l’armée et l’Armée arakanaise ont atteint un niveau de violence sans précédent, aggravant les vulnérabilités préexistantes dans la région la plus pauvre du pays.  L’Armée arakanaise aurait pris le contrôle territorial de la majeure partie du centre de l’État rakhine et chercherait à s’étendre au nord de l’État, où demeurent de nombreux Rohingya, a précisé le haut fonctionnaire.  D’une manière générale, les organisations ethniques armées, le Gouvernement d’union nationale, le Conseil consultatif d’union nationale, le Comité représentant la Pyidaungsu Hluttaw et d’autres s’efforcent de surmonter les divisions passées et de dépasser les intérêts d’autonomie ethnique. Aujourd’hui, le Conseil consultatif pour l’union nationale, composé de diverses parties prenantes du Myanmar, a convoqué sa deuxième Assemblée populaire pour mieux définir sa vision commune de l’avenir du pays.

Il sera essentiel de s’attaquer aux causes profondes de la crise des Rohingya pour sortir durablement de la crise actuelle.  Tout échec et la poursuite de l’impunité ne feront qu’alimenter le cercle vicieux de la violence au Myanmar, a prévenu le Sous-Secrétaire général, qui a souligné que les femmes et les jeunes comptent parmi les premières victimes.  Les circonstances actuelles qui prévalent dans l’État rakhine n’ouvrent pas de perspectives immédiates de rapatriement sûr, digne, volontaire et durable des réfugiés rohingya vers leur lieu d’origine ou de choix.  Des mécanismes de protection régionaux efficaces et des efforts précoces pour lutter contre la désinformation et les discours de haine sont donc nécessaires, a souligné M. Khiari, qui a ensuite remercié le Bangladesh de son hospitalité généreuse, permettant à plus d’un million de Rohingya de s’y réfugier. « Il est essentiel que les mesures de protection s’accompagnent d’efforts visant à s’attaquer aux causes sous-jacentes du déplacement et de l’instabilité, des efforts qui doivent être directement informés par les voix des Rohingya eux-mêmes », a-t-il préconisé.

Toute solution à la crise actuelle nécessite des conditions permettant au peuple du Myanmar d’exercer librement et pacifiquement ses droits humains.  Mettre fin à la campagne de violence et de répression politique menée par l’armée est une étape vitale.  À cet égard, le Secrétaire général a exprimé son inquiétude quant à l’intention de l’armée de procéder à des élections dans un contexte d’intensification des conflits et des violations des droits humains qui règne à travers le pays. De même, l’annonce du Conseil d’administration de l’État sur l’application de la loi sur la conscription a intensifié les troubles sociaux contre l’armée et la violence.  L’absence des jeunes sur le marché du travail ne fait qu’aggraver les mauvaises perspectives socioéconomiques du Myanmar, a constaté le Sous-Secrétaire général.

Par ailleurs, les conflits dans les zones frontalières clefs ont affaibli la sécurité transnationale et l’effondrement de l’état de droit a permis aux économies illicites de prospérer.  Il y a des raisons de s’inquiéter au-delà de la région.  « Le Myanmar est devenu un épicentre mondial de production de méthamphétamine et d’opium, parallèlement à une expansion rapide des opérations de cybermalveillance, en particulier dans les zones frontalières.  Avec des moyens de subsistance rares, les réseaux criminels continuent de s’attaquer à une population de plus en plus vulnérable », a relaté M. Khiari.  Ce qui a commencé comme une menace de criminalité en Asie du Sud-Est, a-t-il expliqué, est aujourd’hui une crise endémique de la traite des êtres humains et du commerce illicite, avec des implications mondiales.

Il existe des arguments évidents en faveur d’une plus grande unité internationale et d’un plus grand soutien à la région.  Comme le demande ce Conseil, l’ONU continuera de travailler en coopération avec l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) et de soutenir ses efforts pour mettre en œuvre le consensus en cinq points sur le Myanmar.  Le Secrétaire général, a annoncé le haut fonctionnaire, prévoit de nommer un envoyé spécial « dans les prochains jours » pour collaborer avec l’ASEAN, les États Membres et toutes les parties prenantes afin de progresser vers une solution politique à la crise dirigée par le Myanmar.  Le Chef de l’Organisation continue d’ailleurs d’appeler à une réponse internationale unifiée et encourage les États Membres, en particulier les pays voisins, à tirer parti de leur influence pour ouvrir des canaux humanitaires conformément aux principes internationaux, mettre fin à la violence et rechercher une solution politique globale, qui mène à un avenir inclusif et pacifique pour le Myanmar.  Le rôle du Conseil de sécurité et la mise en œuvre de la résolution 2669 de décembre 2022 restent cruciaux à cet égard, a conclu M. Khiari.

Mme LISA DOUGHTEN, Directrice de la Division des financements et des partenariats du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a indiqué que le conflit au Myanmar connaît ses pires niveaux de violence depuis 2021 ce qui affecte gravement la population et a des répercussions alarmantes sur les pays voisins. Elle a expliqué que le peuple craint quotidiennement pour sa vie, en particulier depuis la récente mise en œuvre de la loi sur la conscription nationale, tandis que sa capacité à accéder aux biens et services de base est poussée à ses limites.  Elle a précisé que 2,8 millions de personnes ont été déplacées, dont 90% depuis la prise du pouvoir par les militaires, et nombre d’entre elles ont besoin d’un accès urgent à la nourriture, à un abri et à la sécurité.  À mesure que le nombre de personnes en fuite augmente, il sera essentiel de maintenir l’attention internationale et régionale sur le renforcement de la protection des réfugiés dans la région, a-t-elle remarqué.  Elle a également indiqué qu’en 2024, l’insécurité alimentaire touchera près de 12,9 millions de personnes, soit près de 25% de la population du Myanmar, et que 12 millions de personnes auront besoin d’une aide sanitaire d’urgence.  Les enfants subissent de plein fouet les conséquences de cette crise qui risque d’avoir des répercussions permanentes sur leur vie, a-t-elle redouté, signalant qu’un tiers des enfants en âge d’être scolarisés ne le sont pas actuellement. 

Forte de cet état des lieux, Mme Doughten a expliqué que cette année, quelque 18,6 millions de personnes auront besoin d’une aide humanitaire au Myanmar, soit 19 fois plus qu’en février 2021.  Elle a fait part de la détermination de l’ONU à venir en aide au plus grand nombre possible de ces personnes, mais pour ce faire, « nous avons besoin du soutien urgent de la communauté internationale pour remédier aux facteurs qui limitent considérablement notre capacité d’action ».  À ce titre elle a souligné l’urgence d’un financement plus important de la réponse humanitaire, signalant que le Plan de réponse humanitaire de 2024 pour le Myanmar n’a reçu que 4% de son financement.  Elle a plaidé pour un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave aux personnes dans le besoin, exhortant les parties à ne pas politiser l’acheminement de l’aide.  Le Conseil de sécurité doit faire comprendre aux parties qu’il est impératif que les humanitaires puissent atteindre toutes les personnes dans le besoin au Myanmar, a-t-elle insisté.  De même, elle a demandé au Conseil de soutenir les efforts pour permettre de fournir l’aide en toute sécurité et de veiller à la protection du personnel humanitaire, en rappelant que 155 travailleurs humanitaires ont été arrêtés ou détenus par diverses parties entre janvier 2022 et février 2024. 

La représentante du Royaume-Uni a condamné les forces armées du Myanmar qui ont mené des frappes aériennes dans tout le pays.  « Rien ne justifie le meurtre de civils. »  Elle a dit suivre avec une profonde inquiétude les informations crédibles faisant état de la détention forcée et du recrutement de Rohingya, à la suite de l’annonce de la conscription par l’armée.  Face à la situation « catastrophique » pour les civils dans l’État rakhine, et plus largement au Myanmar, elle a appelé la communauté internationale à prendre des mesures.  La représentante a exhorté à trouver un processus politique, plus d’un an après l’adoption de la résolution 2669 (2023).  Elle a dénoncé le refus de l’armée du Myanmar de s’engager de manière significative dans les efforts internationaux visant à parvenir à une solution pacifique à la crise alors que le Conseil a exprimé son soutien au consensus en cinq points de l’ASEAN.  L’armée doit rendre des comptes pour ses actes, a exigé la déléguée en souhaitant que le Conseil se montre solidaire du peuple du Myanmar.

La représentante a aussi appelé à résoudre la crise humanitaire dans ce pays réitérant l’appel du Conseil en faveur d’un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave et rappelant son aide conséquente au pays, depuis 2017, qui bénéficie aux Rohingya et à d’autres minorités musulmanes de l’État rakhine.  Les conditions ne sont pas propices au rapatriement des Rohingya, a-t-elle cependant noté.  Le Myanmar ne doit pas devenir une crise oubliée, a-t-elle lancé en appelant à redoubler d’efforts pour bâtir un Myanmar pacifique et inclusif et préparer un avenir meilleur pour le peuple du Myanmar.  Elle a conclu en demandant que l’ONU nomme sans plus tarder un envoyé spécial qui contribuera à faire avancer ces efforts.

Le représentant du Japon a regretté que les actions concrètes qu’il a continuellement demandées à l’armée du Myanmar n’aient pas été menées, à savoir l’arrêt de la violence, dont les frappes aériennes; la libération des personnes détenues, dont la Conseillère d’État Aung San Suu Kyi et d’autres dirigeants de la Ligue nationale pour la démocratie; et la restauration prompte du système politique démocratique du pays.  Il s’est inquiété de la prolongation de l’état d’urgence par l’armée sans qu’elle cherche une solution pacifique, déplorant les victimes civiles du fait des frappes aériennes et la conscription annoncée en février. 

Le délégué a regretté que le Conseil ne se soit pas prononcé sur les « actes inhumains » commis contre le peuple du Myanmar lors de frappes aériennes sur la ville de Minbya, dans l’État rakhine, qui ont fait beaucoup de victimes parmi les civils.  « Continuer à réduire le Conseil au silence ne ferait qu’accélérer les violations commises au Myanmar », a mis en garde le représentant.  Il a aussi conseillé au Conseil de réitérer son soutien à la centralité de l’ASEAN et a encouragé le Président de l’ASEAN et son envoyé spécial à dialoguer avec toutes les parties prenantes concernées au Myanmar, dans les pays voisins et avec les principaux partenaires régionaux.  Le délégué a rappelé la nécessité de respecter les droits de l’homme et souligné l’aide humanitaire majeure qu’apporte son pays.

Le représentant de la Fédération de Russie a estimé que le format ouvert choisi pour la tenue de cette réunion ne permet pas une conversation « calme et non politisée », doutant du bien-fondé de la « diplomatie du mégaphone » sur ce dossier.  Il a déclaré que les causes profondes de la crise au Myanmar résident dans son passé colonial, notant que pendant les décennies de son règne sur le pays, le Royaume-Uni a monté les différents peuples et groupes ethniques du pays les uns contre les autres, y compris dans l’État rakhine.  « L’essence de la politique cupide britannique n’a pas changé, ce sont juste les méthodes qui ont changé », a-t-il affirmé.  Faute de pouvoir influencer les autorités du Myanmar par les armes, le Royaume-Uni a adopté des mesures restrictives illégitimes et tente d’utiliser l’ONU et le Conseil de sécurité pour exercer une pression politique, a reproché le représentant.

Partisan d’une approche dépolitisée et non conflictuelle dans les discussions sur les moyens de résoudre le problème des personnes déplacées de l’État rakhine, le représentant a appelé à promouvoir un dialogue direct entre Nay Pyi Taw et Dhaka sur la base des accords bilatéraux existants.  Il a également demandé à la communauté internationale d’aider le Myanmar et le Bangladesh à mettre en œuvre les accords pertinents et les programmes de développement pour l’État rakhine, tout en respectant la souveraineté des deux pays.  Il a pris note des mesures prises par l’Envoyé spécial de l’ASEAN pour le Myanmar pour promouvoir le dialogue et mettre en œuvre le consensus en cinq points.  Le représentant a estimé que les travaux du mécanisme consultatif trilatéral associant le Bangladesh, le Myanmar et la Chine sont très prometteurs.  Il a plaidé pour la poursuite du processus de réconciliation nationale, « que les groupes armés refusent sous l’impulsion de l’Occident », appelant en outre à appuyer le développement socioéconomique des territoires habités par les minorités ethniques dans l’État rakhine et d’autres parties du pays. 

Le délégué a jugé inadmissible d’utiliser les difficultés objectives existantes pour faire pression sur Nay Pyi Taw et tenter d’ébranler la situation interne du Myanmar. C’est précisément le but des démarches entreprises par certains pays pour impliquer la Cour internationale de Justice et la Cour pénale internationale dans la question de l’État rakhine, a-t-il affirmé en plaidant pour une approche qui placerait la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance du Myanmar au cœur des préoccupations. 

Le représentant de la République de Corée a relevé que le Myanmar est devenu un refuge pour la criminalité transnationale organisée ainsi que le plus grand producteur d’opium au monde.  Il a regretté l’absence d’envoyé spécial de l’ONU au moment où les Nations Unies devraient utiliser ses outils.  Il a salué la tenue de cette réunion du Conseil sur le Myanmar, plus de trois ans après que le pays a été plongé dans le conflit, le chaos et la misère.  Il est urgent de mettre en place un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave, ainsi qu’une coordination renforcée entre les acteurs humanitaires au Myanmar, a plaidé le délégué.  Le retour rapide d’un coordonnateur résident des Nations Unies dans le pays devrait doter l’ONU d’une orientation humanitaire stable et de haut niveau, a-t-il espéré.  Le délégué a déploré que les conditions de retour volontaire, sûr, digne et durable des réfugiés rohingya se soient détériorées.  La République de Corée a fourni plus de 36 millions de dollars d’aide humanitaire pour soutenir le peuple rohingya depuis 2017, a-t-il aussi indiqué. 

Le représentant a insisté sur la nécessité de nommer un envoyé spécial de l’ONU, arguant que l’ampleur et la complexité de la crise au Myanmar exigent plus que des efforts nationaux, bilatéraux ou régionaux.  L’ONU doit faire respecter la Charte des Nations Unies sur le terrain et encourager le dialogue entre les parties.  L’envoyé spécial devrait sensibiliser les parties au droit international, aux principes humanitaires et à la manière dont les droits humains peuvent servir de source de légitimité.  Il devrait aussi compléter les efforts de l’Envoyé spécial de l’ASEAN pour promouvoir les conditions d’un dialogue politique visant à accélérer le processus politique en vue de l’instauration d’une démocratie inclusive et pacifique au Myanmar.  Réitérant l’importance du soutien du Conseil aux efforts menés par l’ASEAN, le délégué a informé que son pays accueille plus de 25 000 personnes du Myanmar. 

La représentante de la Suisse a condamné l’escalade des conflits armés au Myanmar depuis le coup d’État militaire.  Alarmée par les frappes aériennes menées par les militaires « birmans », notamment celles du 18 mars dernier dans la commune de Minbya, qui auraient tué et blessé de nombreux civils, elle a déclaré que ce n’est qu’un exemple des possibles crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans le pays.  Dans l’État rakhine en particulier, le conflit exacerbe les vulnérabilités et les discriminations préexistantes, tout en aggravant les tensions intercommunautaires, a relevé la déléguée.

En outre, a-t-elle exigé, les restrictions à l’accès humanitaire qui empêchent l’aide de parvenir aux communautés vulnérables doivent cesser.  L’accès humanitaire doit être complet, sûr et sans entrave, et la protection, la sûreté et la sécurité des personnels humanitaire et médical pleinement assurées.  À cet égard, la représentante a engagé l’ASEAN à pleinement mettre en œuvre le consensus en cinq points.  Une coordination étroite entre l’ONU et les acteurs régionaux, l’ASEAN en premier lieu, est d’ailleurs essentielle, notamment pour le travail de médiation et de dialogue inclusif, ainsi que pour l’acheminement de l’aide, a-t-elle souligné. Aussi est-il impératif de nommer rapidement un envoyé spécial, pour assurer une coordination et une coopération efficaces avec l’ASEAN.  Il en va de même pour le poste de coordonnateur résident/humanitaire des Nations Unies, sans lequel le soutien de l’ONU risque de perdre en efficacité et en crédibilité, a mis en garde la représentante.  Alors qu’un suivi de la résolution 2669 s’impose, la Suisse est prête à soutenir une action unie et décisive par l’élaboration d’un nouveau produit de ce Conseil, a précisé la déléguée en conclusion.

Le représentant de l’Algérie s’est dit préoccupé par la poursuite de la situation désastreuse au Myanmar qui a un impact sur les civils partout dans le pays, y compris dans l’État rakhine.  Il a appelé à trouver des solutions pacifiques et globales aux défis du Myanmar tout en insistant sur l’importance du respect des principes de la non-ingérence et du respect de la souveraineté et en soulignant que le dialogue est de mise. Les parties doivent faire preuve de retenue et respecter le droit international et le droit international humanitaire, a demandé le représentant soucieux de la protection de la population dans son ensemble, y compris les Rohingya.  Il a exhorté la communauté internationale à fournir de manière urgente une aide humanitaire à tous les réfugiés et déplacés, demandant aux parties concernées d’accorder la priorité à la vie digne et à s’attaquer aux causes profondes du conflit, quel que soit l’ethnicité ou la religion.  Avant de conclure, le représentant a souligné l’importance des initiatives régionales pour renforcer le dialogue, la réconciliation, la paix et la stabilité au Myanmar, notamment celle de l’ASEAN.

Le représentant de la Sierra Leone a condamné les violences contre les civils et appelé à leur protection.  Les parties au conflit ne doivent pas utiliser d’armes explosives dans les endroits très fréquentés comme les marchés et les lieux de culte.  L’extension du conflit dans l’État rakhine ne fait qu’exacerber les vulnérabilités et la discrimination préexistantes.  La Troïka mise en place par l’ASEAN devrait être pleinement exploitée, a estimé le délégué pour qui le Conseil doit soutenir la mise en œuvre du consensus en cinq points convenu par l’ASEAN en 2021, afin de rétablir la paix et la stabilité, et trouver une solution politique globale. La cessation des hostilités dans l’ensemble du Myanmar est un élément clef d’un processus pacifique et démocratique. 

Prenant note du fait que l’Envoyé spécial de l’ASEAN pour le Myanmar a pris contact avec les dirigeants de l’armée et certains chefs des groupes ethniques armés, à Bangkok, en Thaïlande, le représentant s’est félicité d’une initiative importante et conforme à la résolution 2669 (2022).  Il a conclu en réclamant aux parties un accès humanitaire sans entrave et en soulignant l’importance d’un soutien financier accru pour que l’aide parvienne aux quelque 5,3 millions de personnes dans le besoin.

La représentante du Guyana a estimé qu’aucune solution à la crise humanitaire ne pourra être trouvée tant qu’un cessez-le-feu durable, dans tout le pays, ne sera pas instauré et que des mesures fermes ne seront pas prises pour remédier à la situation politique et économique du pays.  Après avoir condamné vigoureusement les attaques contre des civils ainsi que le recrutement et l’utilisation d’enfants par les forces et groupes armés, la déléguée a appelé au retour sûr et digne des réfugiés rohingya et des autres personnes déplacées.  Elle a exhorté toutes les parties au conflit à honorer leurs obligations en vertu du droit international.  Le Guyana, a précisé la représentante, appelle au plein respect de la résolution 2669 (2022) et à la mise en œuvre rapide du consensus en cinq points de l’ASEAN, et attend avec impatience la nomination « dans les meilleurs délais » d’un envoyé spécial de l’ONU.

La représentante de la France a dit être très préoccupée par la poursuite des violences et des exactions commises par la junte « en Birmanie » contre la population, ainsi que par le sort des réfugiés et des déplacés internes, notamment issus de la minorité rohingya.  La situation dans l’État rakhine est aujourd’hui particulièrement critique, et menace la stabilité régionale, a-t-elle alerté.  Elle a appelé à un engagement plus résolu de la communauté internationale, indiquant que la France a doublé son aide humanitaire à la population « birmane ».  De même, elle a demandé la pleine application de la résolution 2669 (2022), et a appelé à la cessation des violences, ainsi qu’à la libération de l’ensemble des prisonniers politiques dont la Conseillère d’État, Aung San Suu Kyi, et le Président de la République, Win Myint.  Elle a aussi appelé à la nomination rapide d’un envoyé spécial du Secrétaire général pour « la Birmanie ».

Le représentant du Mozambique s’est inquiété de l’aggravation de la situation au Myanmar.  Il a constaté que l’approche militaire prévalente s’est avérée inefficace et intenable, provoquant un cercle vicieux de violence marqué par l’impunité.  Il s’est également inquiété de l’impact déstabilisateur du conflit pour la région.  Notant que le plan de réponse humanitaire n’a reçu que 7% de son financement, il a souligné l’importance des contributions supplémentaires pour soulager les souffrances des civils.  Le représentant a exhorté les parties à mettre en œuvre le consensus en cinq points de l’ASEAN et la résolution 2669 (2022) du Conseil de sécurité.  Il a également appelé à la nomination d’un nouvel envoyé spécial du Secrétaire général pour le Myanmar.  Seuls un dialogue inclusif et un règlement politique négocié permettront de résoudre la crise et de mettre un terme aux souffrances de la population.

La représentante de la Slovénie s’est dite profondément préoccupée par l’escalade du conflit qui s’est désormais étendu à tout le pays.  Elle a salué le rôle central de l’ASEAN dans la recherche d’une solution à cette crise et ses efforts pour mettre en œuvre son consensus en cinq points.  Toutefois, devant l’aggravation de la situation, la déléguée a encouragé cette organisation régionale à renforcer ses efforts en faveur du rétablissement de la paix, de la démocratie et du retour à un régime civil.  La situation actuelle mérite des délibérations régulières au Conseil de sécurité, a-t-elle estimé.

La représentante a ensuite condamné toutes les obstructions délibérées à l’aide humanitaire, y compris celles imposées aux communications et à la libre circulation par l’armée et les intimidations à l’encontre du personnel humanitaire.  Elle s’est dite en particulier préoccupée par la détérioration de la crise dans l’État rakhine, notamment pour les Rohingya, qui ne peuvent retourner chez eux de manière volontaire, sûre, digne et durable.  La représentante s’est également dite inquiète d’une loi que vient d’annoncer l’armée sur le service militaire obligatoire, car, s’est-il expliquée, les jeunes pourraient être soumis à une conscription sans aucune procédure d’appel.  Elle s’est dite particulièrement préoccupée par les informations faisant état de recrutements forcés, d’enlèvements et d’autres formes d’abus et de violence, en particulier dans l’État rakhine.  La représentante a appelé à la pleine mise en œuvre de la résolution 2669 du Conseil de sécurité et à une transition démocratique, dont le retour à un régime civil.

Le représentant de l’Équateur a réaffirmé que l’objectif d’une paix durable au Myanmar ne sera possible qu’avec la mise en œuvre effective de la résolution 2669 (2022), le retour à l’état de droit et la création d’un système transparent d’établissement des responsabilités qui permette de juger les auteurs de violations des droits de l’homme devant les instances internationales, dont la Cour pénale internationale.  Le représentant a demandé à la junte militaire de cesser de cibler la population civile, de libérer les prisonniers politiques, d’instaurer un cessez-le-feu définitif et de respecter les accords établis dans le consensus en cinq points. Partageant la préoccupation du Secrétaire général face à la détérioration de la situation socioéconomique et humanitaire, et l’escalade de la violence, il a voulu que l’on s’attaque aux causes profondes du conflit et que l’on reprenne la voie diplomatique proposée par l’ASEAN et soutenue par la communauté internationale. 

Compte tenu du nombre croissant de victimes de violence, d’enfants et de jeunes recrutés par les milices, de personnes tuées, de détentions arbitraires et des cas de violences sexuelles comme tactique de guerre, le représentant a estimé qu’il est impératif que le Conseil de sécurité continue d’examiner de près la situation au Myanmar.  Il a insisté sur l’impératif qu’il y a à assurer la sécurité et la libre circulation du personnel de l’ONU et des agences humanitaires, à lever les obstacles bureaucratiques à l’aide et à supprimer les pratiques discriminatoires qui empêchent cette aide de parvenir à toutes les populations dans le besoin et à respecter le principe de « non-refoulement ».  Les autorités du Myanmar doivent travailler avec le HCR et l’OIM pour trouver des solutions durables, a souhaité le représentant.

Le représentant des États-Unis a condamné les atrocités de la junte militaire au Myanmar où la situation présente une menace à la sécurité internationale et à celle de la région indopacifique.  Le Myanmar est devenu l’un des producteurs mondiaux d’opium, a indiqué le délégué attirant ensuite l’attention sur les conséquences dévastatrices des frappes aériennes de la junte sur les civils.  Il a aussi mis l’accent sur la gravité des impacts des engins explosifs sur la population civile et le refus d’accès de l’aide humanitaire.  Le représentant a rappelé l’appel lancé par l’Assemblée générale en vue de tarir le flux d’armes au Myanmar et restreindre l’accès de la junte au carburant pour l’empêcher de mener ses frappes aériennes. 

Réitérant le danger des engins non explosés, le délégué a cité un rapport de l’ONU pour dire que le nombre des victimes civiles de ces armes a plus que doublé depuis le début du conflit.  Il a donc souhaité que soient menées des opérations de déminage pour sauver des vies. Le représentant a détaillé l’aide (2,4 milliards de dollars) fournie par son pays pour répondre à la crise humanitaire au Myanmar avant d’appeler les donateurs à augmenter leurs contributions respectives.  Il faut également assurer l’acheminement sûr et sans entrave de l’aide, a-t-il plaidé. Enfin, il a rappelé la nécessité de nommer sans tarder un nouvel envoyé spécial pour le Myanmar, soulignant aussi l’importance de la résolution 2669 (2022) et du consensus en cinq points de l’ASEAN. 

Le représentant de la Chine a souligné la nécessité pour la communauté internationale de rester objective et impartiale s’agissant du Myanmar et de respecter la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale de ce pays.  Elle doit selon lui encourager les parties concernées à résoudre leurs différends par la voie du dialogue et de consultations afin de parvenir à un cessez-le-feu le plus rapidement possible.  La récente flambée des combats dans l’État rakhine a eu des conséquences sur le processus de rapatriement entamé depuis le Bangladesh grâce aux pays de la région et à l’ONU, a observé le délégué, pour qui il faut créer des conditions propices et un environnement « habilitant » pour améliorer ce processus.  La Chine, pays voisin du Myanmar, a participé aux efforts diplomatiques en vue de faciliter ces rapatriements en proposant une approche en trois étapes, a rappelé le délégué, pour qui il n’existe pas de « baguette magique » pour régler la crise.  Aucune solution ne peut être imposée de l’extérieur, a-t-il considéré, estimant que des sanctions du Conseil de sécurité contre le Myanmar ne feraient qu’aggraver les hostilités et « jeter de l’huile sur le feu de la confrontation ».

La représentante de Malte s’est dite alarmée par l’escalade du conflit dans l’État rakhine.  Notant que cette brutalité est rendue possible par l’afflux continu d’armes et de technologies provenant de sources extérieures au Myanmar, elle a appelé le Conseil à continuer à réévaluer la situation et à mettre fin à l’accès, par la junte militaire, aux armes et matériel connexe utilisés pour commettre ces crimes.  La mise en œuvre de la loi sur la conscription marque, selon elle, un nouveau jalon dans la campagne de la junte contre ceux-là mêmes qu’elle est censée protéger: en recrutant de force des jeunes hommes et femmes, la junte non seulement perpétue son règne de la terreur, mais renforce également sa capacité à commettre davantage d’atrocités tout en terrorisant la population.  Les jeunes sont contraints de fuir le pays pour éviter la conscription, a-t-elle constaté, alors que les femmes et les jeunes filles sont de plus en plus vulnérables aux mariages précoces, à la traite des êtres humains et à d’autres formes d’exploitation et de violence fondée sur le genre.  Saluant les défenseurs des droits des femmes et les organisations de la société civile au Myanmar, la déléguée a insisté sur le fait qu’ils ont besoin d’un soutien urgent et appelé à la levée des restrictions substantielles qui entravent leurs activités.

Réaffirmant une fois de plus la centralité du rôle de l’ASEAN dans le règlement de la crise au Myanmar et le soutien de Malte à ses efforts de médiation conformément au consensus en cinq points, la représentante a toutefois estimé que les développements récents exigent que le Conseil de sécurité en fasse plus.  Seize mois après l’adoption de la résolution 2669 (2022), l’appel du Conseil à une cessation immédiate de toutes les violences au Myanmar est resté lettre morte, a-t-elle observé en appelant à ne pas se faire d’illusions: « des solutions efficaces exigent une action décisive du Conseil de sécurité ».

Le représentant de la Malaisie s’est dit préoccupé par les informations faisant état d’une intensification de la violence et des violations des droits de l’homme à l’encontre de la population de l’État rakhine.  Il s’est également dit alarmé par les recrutements forcés et de l’utilisation des Rohingya comme boucliers humains.  La communauté internationale ne peut rester silencieuse face à de telles atrocités.  Elle doit exiger des mesures immédiates et concrètes pour mettre fin à la violence, protéger les civils et assurer l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire à ceux qui en ont besoin, sans discrimination.  Le soutien de la communauté internationale aux efforts de l’ASEAN dans le cadre du consensus en cinq points est important ainsi que la mise en œuvre intégrale de la résolution 2669 (2022) du Conseil de sécurité, a souligné le représentant.

Il a voulu que l’on s’attaque aux causes profondes du conflit, notamment aux lois et politiques qui privent les Rohingya de leurs droits à la citoyenneté.  Une aide humanitaire soutenue et un soutien politique sont essentiels pour assurer la sûreté et la sécurité de toutes les communautés de l’État rakhine et pour faciliter le retour sûr, volontaire et digne des Rohingya.  La communauté internationale doit redoubler d’efforts pour apporter une réponse coordonnée et durable à la situation au Myanmar.  Elle doit faire davantage pour créer un environnement propice au rétablissement de la démocratie.  Les aspirations et les intérêts du peuple du Myanmar doivent être satisfaits, a insisté le représentant sans oublier de rappeler que son pays abrite toujours le plus grand nombre de réfugiés rohingya en Asie du Sud-Est.  La communauté internationale devra soutenir les efforts de rapatriement et de réinstallation dans d’autres pays.

Le représentant de l’Indonésie s’est inquiété de la détérioration de la situation humanitaire au Myanmar et de l’intensification de la violence dans l’État rakhine.  Il a estimé que le consensus en cinq point de l’ASEAN demeure le cadre de référence pour résoudre la crise politique au Myanmar, y compris l’État rakhine.  Il a également souligné que la question des Rohingya est essentielle pour trouver une issue pacifique à la crise.  Il a appelé à la mise en œuvre d’accords trilatéraux pour appuyer la reprise du rapatriement des déplacés, ainsi qu’au renforcement de l’aide accordée aux réfugiés rohingya.  La coopération doit aussi être renforcée pour éviter que les Rohingya ne tombent entre les mains des trafiquants d’êtres humains.  Il a également appelé à assurer un accès humanitaire sans entrave.

Le représentant du Bangladesh, dont le pays a accueilli plus d’un million de membres de la minorité rohingya depuis 2017, a mis en garde contre l’escalade en cours qui pose de nouveaux risques d’implications transfrontalières dans l’État rakhine.  La situation y a empiré avec la reprise du conflit entre l’armée du Myanmar et l’Armée arakanaise, a-t-il expliqué en déplorant que les civils, en particulier les minorités rohingya, en soient les principales victimes.  Ils sont maintenant confrontés au choix difficile entre le recrutement forcé par l’armée du Myanmar ou la fuite vers les villages contrôlés par l’Armée arakanaise, où les risques de violence communautaire sont en hausse.  Les conséquences du conflit ont également été exacerbées par les restrictions continues des mouvements et des communications, les activités économiques limitées et le manque d’aide humanitaire adéquate.  Cette situation constitue une véritable menace pour le Bangladesh et ses habitants vivant dans les districts limitrophes, a signalé le délégué, ajoutant que si elle n’est pas rapidement réglée, le conflit en cours dans l’État rakhine risque de menacer la paix et la stabilité de toute la région.

L’escalade récente a d’ores et déjà affecté le rythme des préparatifs pour le rapatriement des Rohingya au Myanmar, a-t-il indiqué, y voyant une autre source de tensions, en particulier dans les camps de Rohingya et dans les communautés d’accueil environnantes à Cox’s Bazar.  Il a appelé le Myanmar à faire preuve d’une véritable volonté politique et à coopérer avec le Bangladesh pour mettre en œuvre les accords bilatéraux de retour, signés en 2017 et 2018, avant de solliciter également un engagement significatif et efficace de la communauté internationale, en particulier des organisations régionales, des pays de la région et des pays voisins, pour rétablir la paix et la stabilité dans l’État rakhine et soutenir la réintégration des futurs rapatriés.  Signalant au passage qu’aucun progrès n’a pu être réalisé au cours des six dernières années et que pas un seul Rohingya n’a pu être rapatrié dans le cadre des accords bilatéraux signés, le représentant a noté que la résolution 2669 (2022) souligne la nécessité de créer les conditions nécessaires au retour volontaire, sûr, digne et durable des réfugiés rohingya et des personnes déplacées, ainsi que la nécessité de s’attaquer aux causes profondes.  Or, a-t-il argué, les causes profondes de la vulnérabilité des minorités rohingya sont principalement ancrées dans le cadre juridique et politique discriminatoire du Myanmar.  Si l’on ne s’attaque pas à ces causes sous-jacentes, les efforts bilatéraux et régionaux ont peu de chances d’aboutir, a-t-il estimé.

Le représentant a reproché à l’ONU de n’avoir pas réussi à maintenir une présence forte au Myanmar, notant que le poste d’envoyé spécial est resté vacant pendant près d’un an et que le poste de coordonnateur de l’action humanitaire l’est aussi depuis longtemps, alors même que près de 18 millions de personnes au Myanmar ont besoin d’aide humanitaire, dont 1,7 million dans la seule région de Rakhine.  Revenant sur la résolution 2669 du Conseil, il a regretté qu’elle ne prévoie aucun cycle de rapports réguliers sur les progrès de sa mise en œuvre, à l’exception d’un briefing ponctuel de l’Envoyé spécial du Secrétaire général.  Un cycle périodique garantirait, selon lui, une attention continue par rapport à la crise dans l’État rakhine et contribuerait à prévenir son escalade.  Il a également demandé au Conseil d’assurer le suivi des processus de reddition de comptes et de se pencher sur les violations du droit international humanitaire qui se poursuivent dans cet État.  Le délégué a tenu à préciser que le Bangladesh n’a aucunement l’intention de s’immiscer dans les affaires intérieures du Myanmar, ajoutant que compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil de sécurité doit être plus impliqué dans son règlement.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Sixième Commission: les délégations affichent leurs divergences sur les mesures nationales de lutte contre les crimes contre l’humanité

Soixante-dix-huitième session,
42e & 43e séances plénières, matin & après-midi
AG/J/3710

Sixième Commission: les délégations affichent leurs divergences sur les mesures nationales de lutte contre les crimes contre l’humanité

Imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, responsabilité des personnes morales, compétence universelle, peine de mort…  Les délégations se sont divisées sur de nombreux points au troisième jour des travaux de la Sixième Commission, en charge des question juridiques, consacrés à l’examen du « projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité » devant mener à une future convention.  C’est sur un projet élaboré par la Commission du droit international en 2019 que la Commission discute au cours de cette seconde reprise de session. 

Les discussions, très techniques, ont traité du groupe thématique 3 sur les mesures nationales visées aux projets d’articles 6 (incrimination en droit interne), 7 (établissement de la compétence nationale), 8 (enquête), 9 (mesures préliminaires lorsque l’auteur présumé de l’infraction se trouve sur le territoire) et 10 (obligation d’extrader ou de poursuivre).  Le groupe thématique 4 sur les mesures internationales a également été abordé. 

Première pomme de discorde, le paragraphe 5 du projet d’article 6 qui prévoit que la position officielle d’une personne ayant commis un crime contre l’humanité ne constitue pas un motif d’exonération de la responsabilité pénale.  « De notre point de vue, le libellé de ce paragraphe est suffisamment clair et ne porte pas préjudice aux immunités des représentants de l’État », a réagi le Canada, en souhaitant l’ajout d’une disposition sur la prohibition d’une amnistie pour les auteurs de tels crimes. 

La Fédération de Russie a, au contraire, proposé de compléter ledit paragraphe 5 par une référence à l’immunité des représentants de l’État de la juridiction pénale étrangère.  « Il ne doit y avoir aucune tentative visant à déroger à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », a tranché l’Iran.  La Chine, l’Algérie et le Royaume-Uni ont tenu à rappeler que cette immunité demeure régie par le droit coutumier. 

La Russie a également reproché le « caractère vague » du paragraphe 3 du projet d’article 6 sur la responsabilité pénale des chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques pour les crimes contre l’humanité commis par leurs subordonnés, si ces premiers le savaient.  « Il peut être problématique de déterminer quand un commandant savait ou ne savait pas », a dit la délégation, appuyée notamment par l’Égypte.  L’Australie a, au contraire, estimé que ce paragraphe offre un niveau de flexibilité approprié. 

Le paragraphe 6 du même projet d’article, qui prévoit que les crimes contre l’humanité ne sont soumis à aucun délai de prescription, a également divisé les délégations.  « La Suisse soutient l’absence de prescription pour des crimes contre l’humanité, ce qui correspond à notre législation au niveau national », a déclaré la déléguée de ce pays, appuyée notamment par la Nouvelle-Zélande, le Portugal, le Royaume-Uni ou encore la Roumanie. 

La délégation du Japon a néanmoins indiqué que, dans le droit japonais, certains crimes sont frappés de prescription, comme cela est le cas dans d’autres pays.  « À ce titre, le Japon estime nécessaire de faire montre de prudence en ce qui concerne l’abolition du délai de prescription pour tous les actes constitutifs de crimes contre l’humanité au sens du présent projet d’article », a déclaré la délégation. 

Autre point de dissension, le paragraphe 7 dudit projet d’article 6, selon lequel tout État prend les mesures nécessaires pour que les crimes contre l’humanité soient passibles de peines appropriées qui prennent en compte leur gravité.  « La France souhaite rappeler le combat mené contre la peine de mort ainsi que toutes les peines physiques assimilables à des traitements inhumains et dégradants et ce, quelle que soit la gravité des faits réprimés », a déclaré cette délégation, en souhaitant que cette peine soit explicitement écartée.  La Suisse a aussi rappelé son « opposition ferme » à la peine de mort. 

« Nous jugeons regrettable que certains États utilisent cette discussion pour imposer leurs points de vue et valeurs à d’autres État »», a rétorqué le délégué de Singapour.  Il s’est ainsi opposé à toute idée d’interdire la peine capitale, rappelant que le droit international n’empêche pas son utilisation.  « Ma délégation n’exclut pas la peine capitale pour punir de tels crimes », a appuyé le Cameroun, tandis que l’Afrique du Sud a, au contraire, rappelé que sa Constitution consacre « un droit inhérent à la vie ». 

Toujours dans le thème de l’incrimination en droit interne (projet d’article 6), le paragraphe 8 sur l’établissement de la responsabilité des personnes morales pour crimes contre l’humanité a également donné lieu à des positions très différentes.  Bien qu’elle ne soit pas prévue par le Statut de Rome, cette question est importante, a déclaré la France.  À ce titre, il pourrait selon elle paraître opportun d’y consacrer un article spécifique. Un avis aux antipodes de ceux de l’Iran ou encore d’Israël qui ont estimé que ce paragraphe ne reflète pas le droit coutumier.  Il n’y a pas de consensus sur cette question, a également affirmé la Chine, appuyée par la Fédération de Russie. 

Le projet d’article 7 sur l’établissement de la compétence nationale a également nourri les dissensions.  À l’instar de l’Éthiopie, l’Arabie saoudite a estimé que ce paragraphe ouvre la voie à un « enracinement » du principe de compétence universelle et à des abus.  L’Irlande a, au contraire, salué le fait que cet article prévoie une « quasi-compétence universelle sur la base d’un traité », tandis que l’État de Palestine a mis en garde contre toute tentative visant à introduire des réserves ou des dérogations à ce projet d’article. 

Enfin, l’Irlande s’est dite confiante dans la capacité des délégations à surmonter les divergences sur ce groupe thématique 3 et à passer rapidement « à une prochaine étape ».  Abordant le groupe thématique 4, l’Irlande et le Brésil ont soutenu, en écho au débat sur le groupe thématique précédent, une référence explicite au refus d’extradition vers un État qui applique la peine de mort en l’absence de garantie que cette peine ne sera pas appliquée envers la personne extradée. 

La Sixième Commission poursuivra ses débats demain, jeudi 4 avril, à partir de 10 heures.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.