9586e séance – matin
CS/15641

Gaza: le Conseil de sécurité fait sienne une résolution rédigée par ses 10 membres élus et appelant à un cessez-le-feu immédiat pendant le ramadan

Après en avoir reporté le vote de 48 heures pour permettre la tenue d’ultimes négociations, le Conseil de sécurité a, ce matin, adopté un texte proposé par ses 10 membres élus, qui appelle à un cessez-le-feu humanitaire immédiat dans la bande de Gaza pendant le mois du ramadan. 

La résolution 2728 (2024) « exige un cessez-le-feu humanitaire immédiat pendant le mois du ramadan, qui soit respecté par toutes les parties et mène à un cessez-le-feu durable ».  Elle exige également « la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages et la garantie d’un accès humanitaire pour répondre à leurs besoins médicaux et autres besoins humanitaires », tout en insistant sur « la nécessité urgente d’étendre l’acheminement de l’aide humanitaire aux civils et de renforcer la protection des civils dans l’ensemble de la bande de Gaza ». 

Ce texte, le dixième soumis à un vote au Conseil depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, il y a près de six mois, a recueilli 14 voix pour, aucune voix contre et une abstention (États-Unis).  Le résultat a été salué par une salve d’applaudissements dans la salle du Conseil. Les deux précédents textes adoptés sur cette crise, les résolutions 2712 (2023) et 2720 (2023), n’appelaient pas à un cessez-le-feu.  Vendredi dernier, les veto de la Chine et de la Fédération de Russie avaient entraîné le rejet d’un projet de résolution soumis par les États-Unis, qui jugeait « impératif d’établir un cessez-le-feu immédiat et durable » dans le territoire palestinien. 

Avant le vote de ce matin, qui a été précédé d’une minute de silence en hommage aux victimes de l’attentat perpétré vendredi soir à Moscou, la Fédération de Russie a regretté que le mot « permanent », concernant le cessez-le-feu auquel appellent les auteurs du texte après le ramadan, ait été retiré du projet final lors des dernières consultations.  Considérant que tout autre libellé serait sujet à une « interprétation large » et permettrait à Israël de poursuivre ses opérations militaires, elle a proposé un amendement oral consistant à rétablir l’adjectif biffé.  Sa proposition, qui a recueilli 3 voix pour (Algérie, Chine et Fédération de Russie), une voix contre (États-Unis) et 11 abstentions, n’a pas été adoptée, faute d’un nombre de voix suffisant. 

En présentant le nouveau projet de résolution au nom des E10 (les 10 membres élus du Conseil), le Mozambique a fait valoir que son adoption constituerait un « nouveau jalon » sur lequel pourrait faire fond le Conseil afin de régler de façon globale la crise qui sévit à Gaza.  La plupart des membres du Conseil ont acquiescé à l’issue du vote: la Slovénie a parlé d’un « jour à marquer d’une pierre blanche », la Suisse d’un « signe d’espoir », tandis que la République de Corée soulignait la « signification historique » du texte adopté.  L’Algérie y a vu, pour sa part, « la première étape d’un processus visant à concrétiser les aspirations du peuple palestinien ». 

Les divisions géopolitiques se sont toutefois invitées dans les explications de vote. Justifiant leur abstention sur cette résolution qu’ils ont qualifiée de « non contraignante », les États-Unis ont déploré que certaines de leurs propositions de modification n’aient pas été retenues, en particulier celle demandant l’ajout d’une condamnation du Hamas. La représentante américaine a par ailleurs exhorté la communauté internationale à exiger du Hamas qu’il accepte « l’accord sur la table », fruit des efforts diplomatiques que déploient les États-Unis, l’Égypte et le Qatar pour obtenir un arrêt des hostilités en échange d’une libération des otages, affirmant ne rien attendre à ce sujet de la Russie et de la Chine, « qui n’ont toujours pas condamné l’attaque terroriste du 7 octobre et ont même opposé leur veto, la semaine dernière, à une résolution qui condamnait ces attaques odieuses ». Ces pays, a-t-elle accusé, ne souhaitent pas qu’une paix durable soit atteinte par la voie diplomatique et utilisent ce conflit pour diviser le Conseil. 

La Chine s’est inscrite en faux, non sans souligner les différences entre le projet rejeté vendredi dernier et celui adopté aujourd’hui.  Aux yeux de son représentant, le nouveau texte est « sans équivoque » dans son exigence d’un cessez-le-feu immédiat, alors que le précédent, « flou et ambigu », posait des conditions préalables.  En outre, a-t-il relevé, la résolution 2728 (2024) reflète l’aspiration de la communauté internationale et bénéficie du soutien du monde arabe.  Pour le délégué chinois, il est temps que les États-Unis cessent leur « travail d’obstruction » du Conseil. Estimant que le texte adopté constitue « une première étape vers un cessez-le-feu durable et pérenne », il a remercié le Secrétaire général de l’ONU et les organisations humanitaires de leurs efforts, tout en se félicitant des actions menées pour obtenir la libération des otages.  Il a également appelé Israël à coopérer et a demandé à tous les États Membres de reprendre leur financement de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).

Sur la même ligne, la Fédération de Russie a dit avoir voté en faveur de cette résolution « parce qu’il reste essentiel d’exiger des parties un cessez-le-feu », même si le libellé du texte se limite au mois du ramadan et reste « ambigu pour la suite ».  Revenant lui aussi sur le vote de vendredi dernier, le délégué russe a estimé que le texte dont était alors saisi le Conseil représentait « une autorisation à continuer de tuer les civils palestiniens », ce que l’Algérie, la Chine et le Fédération de Russie ne pouvaient accepter.  De fait, a-t-il argué, le texte adopté aujourd’hui est « en quelque sorte le fruit de l’utilisation du droit de veto le 22 mars ».  En réponse aux accusations proférées par certains contre son pays, il a rappelé que la Fédération de Russie a condamné « dès le départ » les attaques du 7 octobre dernier, avant de remercier tous ceux qui ont présenté leurs condoléances à la suite de l’attaque terroriste qui a fait plus de 147 morts à Moscou. 

Tout en condamnant à son tour cette manifestation du terrorisme, le représentant d’Israël s’est demandé « pourquoi le Conseil établit une différence entre des Russes morts lors d’un concert et des Juifs morts lors d’un festival de musique ».  Près de six mois se sont écoulés depuis que le Hamas a provoqué cette guerre et le Conseil n’a toujours pas condamné « le massacre le plus barbare du peuple juif depuis l’Holocauste », s’est-il indigné, avant de rappeler qu’à la suite du retrait israélien de Gaza en 2005, les Gazaouites ont élu le Hamas, « une organisation terroriste qui a fait de Gaza une machine de guerre, peut-être avec l’aide d’employés de l’UNRWA ».  Tout en dénonçant la résolution « honteuse » adoptée ce jour, le délégué a pris acte du libellé appelant à la libération des otages. Il a enjoint au Conseil de joindre le geste à la parole, avertissant que, tant que le Hamas refusera de se plier à cette demande, « on ne pourra faire autrement que de poursuivre sur la voie militaire ». 

De son côté, l’Observateur permanent de l’État de Palestine a constaté qu’il aura fallu « six mois et près de 100 000 Palestiniens tués ou mutilés » pour que le Conseil exige enfin un cessez-le-feu à Gaza, où les habitants restent à la merci de la mort, de la famine, des déplacements et des maladies. Alors que plus d’un million de personnes sont actuellement retranchées à Rafah et qu’Israël menace toujours d’y mener une opération militaire en dépit des appels répétés de la communauté internationale à y renoncer, il a remercié les membres non permanents du Conseil d’avoir porté la résolution adoptée aujourd’hui.  Il a également salué l’unité du monde arabe en soutien de ce texte et s’est projeté vers l’avenir.  À présent, a-t-il dit, « toutes les forces doivent converger pour que le cessez-le-feu qui vient d’être demandé par le Conseil de sécurité puisse se réaliser ». 

Cet appel a été partagé par de nombreuses délégations, notamment par le Guyana, pour qui cette résolution n’est qu’un « début », d’autant plus que le mois sacré du ramadan prendra fin dans 15 jours seulement. « Nous devons nous concentrer sur la manière de parvenir à une pause humanitaire immédiate en vue d’une paix durable sans reprise des combats », a renchéri le Royaume-Uni. Cela implique selon lui de former un nouveau gouvernement palestinien pour la Cisjordanie et Gaza, d’accompagner ce changement d’un programme de soutien international, de supprimer la capacité du Hamas à lancer des attaques contre Israël et de rouvrir un horizon politique.  Après le ramadan, le Conseil devra établir un cessez-le-feu permanent et œuvrer au relèvement et à la stabilisation de la bande de Gaza, ont ajouté le Yémen, au nom du Groupe des États arabes, et la France, celle-ci insistant également sur l’importance de « remettre le processus politique sur des rails ». À cet égard, le délégué français a indiqué que son pays proposera une initiative au Conseil « dans les prochains jours ». 

Si la Sierra Leone a invité les pays qui ont une influence sur les parties à s’impliquer davantage dans ces efforts pour faire cesser le « châtiment collectif » des Gazaouites, plusieurs États ont insisté sur le caractère crucial des négociations en cours à Doha.  Le Japon a ainsi appuyé les « pourparlers à quatre » visant à lier l’instauration d’un cessez-le-feu et la libération de tous les otages restants. Il a été rejoint par l’Équateur et Malte, cette dernière formant le vœu que ces discussions aboutiront très prochainement à des résultats tangibles.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Texte du projet de résolution (S/2024/254)

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies,

Rappelant toutes ses résolutions antérieures sur la situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne,

Demandant de nouveau à toutes les parties au conflit d’adhérer aux obligations que leur impose le droit international, y compris le droit international humanitaire et le droit international des droits humains et, à cet égard, déplorant toutes les attaques perpétrées contre des civils et des biens de caractère civil ainsi que tous les actes de violence et d’hostilité contre des civils et tous les actes de terrorisme, et rappelant que les prises d’otages sont prohibées par le droit international,

Se déclarant profondément préoccupé par la situation humanitaire catastrophique qui règne dans la bande de Gaza,

Prenant note de l’action diplomatique en cours menée par l’Égypte, les États-Unis d’Amérique et le Qatar, visant à parvenir à la cessation des hostilités, à obtenir la libération des otages et à accroître la fourniture et la distribution de l’aide humanitaire,

1.    Exige un cessez-le-feu humanitaire immédiat pendant le mois du ramadan qui soit respecté par toutes les parties et mène à un cessez-le-feu durable, exige également la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages et la garantie d’un accès humanitaire pour répondre à leurs besoins médicaux et autres besoins humanitaires, et exige en outre des parties qu’elles respectent les obligations que leur impose le droit international à l’égard de toutes les personnes qu’elles détiennent;

2.    Insiste sur la nécessité urgente d’étendre l’acheminement de l’aide humanitaire aux civils et de renforcer la protection des civils dans l’ensemble de la bande de Gaza et exige à nouveau la levée de toutes les entraves à la fourniture d’une aide humanitaire à grande échelle, conformément au droit international humanitaire et aux résolutions 2712 (2023) et 2720 (2023);

3.    Décide de rester activement saisi de la question.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.