Ouverture des travaux d’une session technique du Forum sur les forêts
Le Forum des Nations Unies sur les forêts (FNUF) a entamé, aujourd’hui, les travaux de sa vingtième session. Au cours des cinq prochains jours, les participants au conclave annuel de cet organe subsidiaire du Conseil économique et social (ECOSOC) vont échanger sur diverses questions relatives à la gestion durable des forêts, en s’appuyant sur les travaux de la session 2024 au cours de laquelle l’arrangement international sur les forêts, adopté en 2015, avait connu un examen à mi-parcours, en attendant l’examen final en 2030.
Les résultats de l’an dernier servent désormais de feuille de route jusqu’en 2030 alors que les échanges techniques vont tourner autour de la mise en œuvre du plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030).
En ouvrant les travaux, le Président du FNUF, M. Ismail Belen (Türkiye), a énoncé trois actions prioritaires, la première étant de promouvoir le rôle moteur des forêts et de leur gestion durable dans la lutte contre les changements climatiques, la perte de biodiversité, la dégradation des terres et la pauvreté.
Il a ensuite appelé à investir dans des forêts saines, ce qui implique davantage de financements, des approches nouvelles et créatives, un soutien à la science et à la technologie, et le renforcement des capacités. Enfin, il importe selon lui d’améliorer l’accès aux données, aux connaissances et aux bonnes pratiques, tout en renforçant les partenariats, en particulier avec ceux qui financent et soutiennent les travaux liés aux forêts.
La Sous-Secrétaire générale à la coordination des politiques, Mme Bjørg Sandkjær, a observé pour sa part que les efforts visant à stopper et à inverser la déforestation et la dégradation des forêts continuent d’être entravés par l’instabilité politique, les menaces sécuritaires, la fragmentation de la gouvernance forestière mondiale, la faible priorité politique accordée aux forêts et la faiblesse des dispositifs de financement et de mise en œuvre.
« Ces défis complexes sont interconnectés, se jouent des frontières et ne peuvent être relevés que par des politiques intégrées, cohérentes et bien conçues, avec des effets multiplicateurs sur la réalisation des objectifs, tant au sein des pays qu’entre eux », a analysé la Sous-Secrétaire générale qui a signalé que chaque année, 7 millions d’hectares de forêts sont convertis à d’autres usages.
« Il n’y a pas de solution aux changements climatiques ni à la perte de biodiversité sans forêts, et surtout sans forêts en bonne santé », a insisté pour sa part le Président de l’ECOSOC. Pour M. Bob Rae, il convient en outre d’aborder le problème de la déforestation en tenant pleinement compte de ses liens avec la pauvreté, le développement industriel, la demande alimentaire et énergétique, et l’impact des changements climatiques. Des forêts bien gérées offrent des solutions naturelles à nombre de nos défis de développement les plus urgents, a-t-il indiqué.
Les défis qui nous attendent sont immenses. Mais avec un objectif commun et une vision claire, nous pouvons garantir que la gestion durable des forêts demeure la pierre angulaire d’une planète plus saine et d’un avenir meilleur pour tous, a déclaré de son côté le Président de l’Assemblée générale, M. Philémon Yang.
Discussion technique sur la mise en œuvre du plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030); progrès accomplis dans la mise en œuvre des conclusions de l’examen à mi-parcours de l’arrangement international sur les forêts; nouvelles questions
Avant d’entamer leur première discussion technique de la journée, les délégations ont entendu la Présidente du secrétariat du Forum des Nations Unies sur les forêts (FNUF) attirer l’attention sur l’insuffisance des ressources du secrétariat, notant que cette insuffisance compromet gravement sa capacité d’exécution. Passant ensuite en revue le travail du secrétariat depuis la précédente session, Mme Juliette Biao a indiqué que celui-ci a mené un important et inédit travail avec le secrétariat de la Convention sur la diversité biologique afin d’analyser les liens entre les objectifs mondiaux pour les forêts et le Cadre mondial de la biodiversité.
La possibilité d’une collaboration systématique visant à faire du centre d’informations du Réseau mondial de facilitation du financement forestier une source complète d’informations et de données sur le financement forestier a également été étudiée. Mme Biao a aussi fait état du lancement d’une nouvelle plateforme de communication en ligne visant à rationaliser les rapports nationaux, afin d’en améliorer considérablement la qualité et la quantité et de produire ensuite un rapport solide sur les objectifs mondiaux pour les forêts en 2026. Le secrétariat prévoit en outre d’élaborer un plan pour la mise en œuvre de la résolution relative à la Décennie des Nations Unies pour le boisement et le reboisement dans le cadre d’une gestion durable des forêts (2027-2036), qui a été adoptée par l’Assemblée générale il y a trois semaines.
Enfin, les Nations Unies et la Chine ont réalisé des progrès importants dans le règlement de nombreuses questions de fond et juridiques en suspens concernant le bureau proposé pour le Réseau en Chine.
Au cours de la discussion qui a suivi, de nombreuses délégations ont fait le point sur les progrès réalisés en vue d’atteindre les objectifs mondiaux pour les forêts, notamment en termes de reboisement et de gestion durable de leurs forêts.
Ce fut notamment l’appel du Maroc qui, au nom du Groupe des États d’Afrique, a noté que chaque année le monde continue de perdre d’importantes superficies forestières. Pour cela, il est essentiel de s’appuyer sur des initiatives internationales et régionales basées sur des approches intégrées, adaptées aux réalités locales et génératrices de bénéfices multiples y compris en termes d’attractivité pour les investissements.
Les pertes du couvert forestier sont estimées à plus de 80% au cours des 100 dernières années en Afrique de l’Ouest, a confirmé la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), et actuellement, le taux annuel de déforestation s’y situe entre 2 à 3% par an, l’un des plus élevés au monde. La délégation a expliqué ce phénomène par l’expansion des cultures de rente (cacao, palmier à huile), l’exploitation illégale des forêts, l’exploitation minière et l’urbanisation.
S’ajoutent à ces causes les incendies de forêt qui détruisent chaque année des millions d’hectares de forêt, a fait observer le Népal, notant que ce phénomène est exacerbé par la hausse des températures. La résilience aux incendies étant étroitement liée à l’objectif de renforcer la résilience et la capacité d’adaptation de tous les types de forêts aux catastrophes naturelles, la République de Corée a souligné pour sa part l’importance « cruciale » d’une coopération internationale pour lutter contre les feux de forêt. D’autres délégations ont encouragé plus spécifiquement une coopération renforcée entre le FNUF et la Convention-cadre sur les changements climatiques (CCNUCC), notant que les sécheresses et les phénomènes météorologiques extrêmes affaiblissent les écosystèmes forestiers.
Sur ce point, l’Union européenne a salué l’inscription de la question des forêts des zones arides parmi les questions émergentes à l’ordre du jour de la vingtième session du FNUF. Elle a souligné le rôle des forêts des zones arides dans la lutte contre la désertification, la préservation de la biodiversité, le soutien aux moyens de subsistance et la régulation des climats locaux.
La déforestation due au développement des infrastructures et à l’urbanisation a également été identifiée comme l’un des principaux défis en matière de conservation des forêts et de la biodiversité, comme l’ont relevé la Malaisie et d’autres. Le manque de ressources financières et de capacités technologiques adéquates pour appuyer les systèmes nationaux de surveillance de l’écosystème a également été déploré à plusieurs reprises. À ce propos, le Brésil, qui s’apprête à accueillir la trentième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 30), a annoncé le lancement d’un mécanisme de financement des forêts tropicales dont 20% des ressources devront directement appuyer les peuples autochtones et les communautés locales.
Sur une note positive, l’Inde a dit avoir réalisé des progrès considérables dans l’expansion de sa couverture forestière et arborée, qui représente désormais 25,17% de sa superficie.
Contribution des membres du Forum à la mise en œuvre du plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030)
« Il est crucial de créer davantage de forêts protégées à travers le monde, comme le prescrit d’ailleurs l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) », a plaidé à l’ouverture de cette deuxième discussion thématique M. Tomasz Juszcak du secrétariat du Forum. Il a constaté qu’il y a aujourd’hui, une multitude d’accords internationaux relatifs aux forêts, ce qui conduit malheureusement à des doublons: plusieurs entités ciblent les mêmes bailleurs de fonds pour des initiatives liées aux forêts.
Pour l’expert, même si de nombreuses aires protégées forestières sont créées, il est important de mobiliser les moyens et les capacités pour assurer leur protection au quotidien, surtout dans un contexte mondial marqué par l’augmentation de la demande en bois qui accentue la pression sur les ressources ligneuses. Il a appelé à associer davantage la société civile dans la délimitation des aires protégées et à mettre sur pied des mécanismes durables pour financer la gestion des forêts.
Venue présenter les conclusions de la Conférence internationale sur l’afforestation et le reboisement (CIAR) qui s’est tenue à Brazzaville du 2 au 5 juillet 2024, la Ministre de l’économie forestière de la République du Congo a indiqué pour sa part que les participants ont appelé à une résolution de l’Assemblée générale sur ces conclusions. Mme Rosalie Matondo a aussi suggéré l’institutionnalisation de cette conférence internationale tous les deux ans, afin de « faire de l’arbre un vecteur de paix et de prospérité ».
Les contributions nationales volontaires
Comme le prévoit le plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017- 2030), les membres du Forum peuvent présenter les contributions liées aux forêts qu’ils entendent apporter à d’autres instruments et objectifs internationaux relatifs aux forêts. Ce fut le cas au cours de cette session, avec plusieurs initiatives relatives à la gestion durable des forêts, notamment dans le cadre de l’action climatique.
Face aux enjeux climatiques, la République démocratique du Congo (RDC) se présente comme un « pays-solution » au vu de son massif forestier parmi les plus importants au monde. Le Gouvernement a mis en place des programmes, tel que celui intitulé « Couloirs verts » afin de préserver les forêts du pays. Pour faire face au réchauffement de la planète, l’Afrique du Sud a prévu de planter 10 millions d’arbres en 5 ans. Le pays a déjà mis 4 millions de plants en terre et entend planter un millions d’autres le 24 septembre 2025 au cours d’une journée citoyenne placée sous le slogan « Mon arbre, mon oxygène ».
La Malaisie compte parvenir à la neutralité carbone d’ici à l’année 2050 grâce au potentiel de séquestration du carbone de ses forêts. Le pays a d’ailleurs dépensé 180 millions de dollars depuis 2019 pour la gestion de ses aires protégées. L’Autriche a dit appuyer l’innovation dans le secteur du bois, alors que la République de Corée a évoqué une plateforme de financement participatif permettant au public de faire des dons à partir de 3 dollars pour soutenir la gestion durable des forêts.
Au nom de l’Union européenne, la Pologne a rappelé que l’Union est à l’initiative de nombreux programmes de restauration des écosystèmes forestiers à travers le monde. Le Royaume-Uni a indiqué avoir pris plusieurs engagements pour mobiliser des ressources financières en faveur des forêts au niveau international. La Slovaquie a pour sa part évoqué un programme national lancé en 2017, avec 36 millions d’euros déboursés par le Gouvernement pour appuyer les fonctions non productives des forêts (fonctions écologiques, sociales, culturelles…). La Nouvelle-Zélande a lancé un programme national pour sélectionner les essences d’arbres les plus résistantes à la sécheresse et aux feux de forêt.
En Jamaïque, les autorités ont mis en œuvre des plans de gestion des réserves forestières, tout en associant les communautés locales se trouvant dans ces forêts. D’ici à 2030, le pays entend en outre planter des essences endémiques dans ses forêts, en plus de 30 000 arbres dans les parcs urbains. De son côté, le Costa Rica a récemment adopté un mécanisme national de certification du bois afin d’améliorer la traçabilité des produits ligneux et soutenir les conditions de vie des communautés forestières. Au Brésil, les autorités espèrent créer pas moins de 250 000 emplois grâce à un programme de reboisement de la forêt amazonienne qui cible 12 millions d’hectares d’ici à 2030, année charnière de l’agenda internationale sur les forêts et le développement durable.
Les contributions du Partenariat de collaboration sur les forêts, des partenaires régionaux et sous-régionaux et des grands groupes
En ouverture du troisième et dernier échange de la journée, le Président du Partenariat de collaboration sur les forêts a fait part des recommandations de ce dispositif informel volontaire pour atteindre les objectifs forestiers mondiaux 1, 3 et 5. S’agissant de l’objectif 1, dont le but est d’inverser la perte et la dégradation du couvert forestier, avec une cible visant à augmenter la superficie forestière mondiale de 3% d’ici à 2030, M. Zhimin Wu a appelé à tirer parti de la dynamique créée par la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes et la Décennie des Nations Unies pour le boisement et le reboisement dans le cadre d’une gestion durable des forêts à compter de 2027 récemment adoptée. À cette fin, a-t-il précisé, les membres du Partenariat fournissent aux pays qu’ils soutiennent des conseils stratégiques coordonnés et une assistance technique.
Pour ce qui est de l’objectif 3, centré sur la protection des forêts, il a demandé aux États de redoubler d’efforts pour étendre les aires protégées, accroître la proportion de produits forestiers légaux et durables et développer les chaînes de valeur associées, tout en contribuant à la création d’emplois en zones rurales et urbaines.
Enfin, concernant l’objectif 5, destiné à promouvoir une gouvernance forestière inclusive, il a plaidé pour une coordination accrue des politiques intersectorielles au niveau national en soutien de la gestion durable des forêts. Il s’agit là d’une stratégie clef pour respecter les engagements pris dans le cadre des accords multilatéraux sur l’environnement, a souligné M. Wu, avant de présenter le nouveau plan de travail du Partenariat pour 2025-2028, lequel vise à accélérer les progrès vers les objectifs forestiers mondiaux.
À sa suite, la Cheffe de la Section Forêt et bioéconomie de la Commission économique pour l’Europe a mis l’accent sur les forêts boréales, qui représentent 42% des zones forestières mondiales et un tiers du stock de carbone terrestre. Sur la base d’une étude lancée par la Commission sur l’influence fondamentale de ces zones sur la biodiversité, elle a averti que la région boréale se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde. Elle a donc appelé à agir de toute urgence, notant qu’en réponse à ce réchauffement, qui met à l’épreuve la gestion durable des forêts, la région Europe utilise des solutions innovantes comme la bioéconomie circulaire.
Dans le même esprit, la responsable du programme Ressources naturelles et espèces sauvages de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a présenté la stratégie forestière de cette organisation régionale, centrée sur la protection des forêts en zones arides. Pour répondre au défi d’une gestion durable, elle a appelé les membres du Forum et les bailleurs de fonds à nouer des partenariats avec les organisations régionales et sous-régionales.
La Coordonnatrice du grand groupe des agriculteurs et des petits propriétaires forestiers a, pour sa part, rendu compte des travaux du mécanisme de coordination de l’arrangement international sur les forêts qu’elle préside. Elle s’est félicitée du mandat dont dispose ce mécanisme, qui a notamment permis de renforcer le réseau des grands groupes et d’accroître leur coordination sur la thématique des forêts. Elle a aussi fait état d’une stratégie de levée de fonds en faveur de la gestion durable des forêts.
À la suite de ces interventions, la Jamaïque a salué le travail du Réseau mondial de facilitation du financement forestier, qui lui a permis de bénéficier d’un soutien considérable pour mobiliser des financements en faveur du secteur forestier. Parmi ses autres partenaires dans ce domaine, elle a cité le Fonds pour l’environnement mondial, l’Union internationale pour la conservation de la nature, le Fonds vert pour le climat, l’Union européenne (UE) et les Gouvernements de l’Allemagne et du Canada.
Après le Japon, qui a souligné le rôle de chef de file de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en matière de gestion durable des forêts, la Pologne, qui s’exprimait nom de l’UE, a insisté sur l’importance du Partenariat de collaboration sur les forêts, notamment sa nouvelle initiative sur l’intégration de la biodiversité, qui cherche à faire fond sur les complémentarités entre le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal et les objectifs forestiers mondiaux.
Des alliances avec les partenaires régionaux et infrarégionaux devraient permettre de surmonter les contraintes budgétaires actuelles, a estimé la Suisse.
La Malaisie a indiqué avoir lancé, à Bornéo, des projets de restauration des paysages et de résilience côtière, notamment sous la forme de mangroves. Elle a également souligné le rôle important joué par les partenariats dans la préservation des forêts tropicales, jugeant que le Forum devrait améliorer l’accès à des informations techniques et le partage de connaissances et des plateformes d’apprentissage. Le Botswana a également plaidé pour un appui technique de la part du Forum pour renforcer les connaissances institutionnelles et l’expertise nécessaires pour la gestion durable des forêts. De son côté, l’Inde a appelé le Forum à appuyer les efforts visant à identifier la riposte aux défis qui se posent aux forêts par le biais d’actions collectives appropriées.
Les États-Unis ont encouragé le Forum à continuer de travailler de manière collaborative pour garantir que tous les efforts pertinents soient conformes les uns aux autres et ne présentent pas de doublons. La délégation a par ailleurs rappelé que les États-Unis ont participé à la mise au point du cadre de gouvernance des incendies, un document directeur pour tous les pays qui font face à des incendies et qui reconnaît l’importance d’une gestion intégrée des feux de forêts. De son côté, la Nouvelle-Zélande a indiqué avoir achevé des recherches sur le caractère inflammable de certains végétaux, dont les résultats informeront ses décisions « sur ce que nous plantons ».
En début de séance, le Forum a adopté son ordre du jour provisoire. Il a également élu par acclamation, Mme Maria Sokolenko (Fédération de Russie) comme Vice-Présidente et Rapporteuse des vingtième et vingt et unième sessions du Forum, les autres Vice-Présidents étant M. Abderrahim Houmy (Maroc), M. Javad Momeni (République islamique d’Iran) et M. Andrés Napuri Pita (Pérou).
Le Forum des Nations Unies sur les forêts poursuivra ses travaux demain, mardi 6 mai, à partir de 10 heures.
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