Conseil de sécurité: préoccupations face à l’aggravation de la crise au Myanmar
Pour sa toute première séance consacrée au Myanmar depuis décembre 2022, le Conseil de sécurité a, ce matin, entendu le Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique lui décrire une situation de crise qui n’a eu de cesse de se détériorer depuis le renversement, il y a trois ans par l’armée, du gouvernement démocratiquement élu, et l’arrestation de ses dirigeants civils, le Président Win Myint et la Conseillère d’État Aung San Suu Kyi.
M. Khaled Khiari a expliqué que, à la suite de ce coup d’État, l’expansion du conflit armé à travers tout le Myanmar a privé les communautés d’accès aux services de base, avec un impact dévastateur sur les droits humains et les libertés fondamentales. Sur fond de bombardements aériens « aveugles » de la part des forces armées nationales et de tirs d’artillerie de part et d’autre, le bilan des victimes civiles ne cesse de s’alourdir, s’est alarmé le haut fonctionnaire.
Dans l’État rakhine, marqué par des déplacements de longue date des populations rohingya, voire de leur exode en masse au Bangladesh voisin, les combats entre les forces de sécurité nationales et l’Armée arakanaise ont atteint des seuils de violence « sans précédent », aggravant les vulnérabilités préexistantes de « la région la plus pauvre du pays ». La majeure partie de celle-ci est actuellement placée sous le contrôle de l’Armée arakanaise, qui chercherait à s’étendre vers le nord, où demeurent de nombreux Rohingya.
Or, les circonstances actuelles qui prévalent dans l’État rakhine n’ouvrent pas de perspectives immédiates de rapatriement sûr, digne, volontaire et durable des réfugiés de cette ethnie persécutée. À cet égard, des mécanismes de protection régionaux efficaces et des efforts de lutte contre la désinformation et les discours de haine sont nécessaires, a préconisé M. Khiari, qui a appelé à s’attaquer aux causes sous-jacentes des déplacements et de l’instabilité, en tenant compte du point de vue des victimes.
Alors que mettre fin à la campagne de violence et de répression politique menée par l’armée est selon lui une « étape vitale », le Sous-Secrétaire général a exprimé son inquiétude quant à l’intention de la junte militaire de procéder à des élections dans un tel contexte, et d’appliquer la loi sur la conscription. Cette annonce, qui a intensifié les troubles sociaux contre l’armée et les violences, a également suscité l’inquiétude du Royaume-Uni, du Japon, de la Slovénie ou encore de Malte.
L’absence des jeunes sur le marché du travail, a constaté M. Khiari, ne fait qu’aggraver les mauvaises perspectives socioéconomiques du pays, en proie aux économies illicites: le Myanmar est devenu un « épicentre mondial » de la production de méthamphétamine et d’opium, parallèlement à une expansion rapide des activités de cybermalveillance, en particulier dans les zones frontalières, où l’effondrement de l’état de droit est manifeste, a précisé le haut fonctionnaire.
Autant d’éléments qui expliquent une situation humanitaire déplorable, selon Mme Lisa Doughten, la Directrice de la Division des financements et des partenariats du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Elle a précisé que 2,8 millions d’habitants du Myanmar sont déplacés, dont 90% depuis la prise du pouvoir par les militaires. Et en 2024, a-t-elle indiqué, l’insécurité alimentaire touchera près de 12,9 millions de personnes, soit près de 25% de la population du Myanmar, tandis que 12 millions auront besoin d’une aide sanitaire d’urgence. Au total, ce sont près de 18,6 millions de personnes qui auront besoin d’une aide humanitaire au Myanmar en 2024, soit 19 fois plus qu’en février 2021, un chiffre vertigineux quand on sait que le Plan de réponse humanitaire pour ce pays cette année n’a reçu que 4% de son financement jusqu’à présent.
La plupart des membres du Conseil ont abondé dans le sens des conclusions du Sous-Secrétaire général, qui a plaidé pour que l’ONU continue de travailler en coopération avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et de soutenir ses efforts pour mettre en œuvre son consensus en cinq points sur le Myanmar. L’annonce, faite par M. Khiari, de la nomination prochaine par le Secrétaire général d’un envoyé spécial pour ce pays a été saluée par la République de Corée, qui a considéré qu’il devrait compléter les efforts de celui de l’ASEAN pour promouvoir un dialogue politique, en vue de l’instauration à terme d’une démocratie inclusive et pacifique. Le Guyana, le Mozambique et les États-Unis ont également appuyé cette nomination, la Suisse considérant qu’il en va de même pour le poste de coordonnateur résident et coordonnateur de l’action humanitaire des Nations Unies, « sans lequel le soutien de l’ONU risque de perdre en efficacité et en crédibilité ».
C’est en effet le sentiment exprimé par le Bangladesh, qui accueille de très nombreux réfugiés rohingya, et a reproché à l’ONU de n’avoir pas réussi à maintenir une présence forte au Myanmar. Revenant sur la résolution 2669 (2022) du Conseil de sécurité, le représentant a regretté qu’elle ne prévoie aucun cycle de rapports périodiques sur les progrès de sa mise en œuvre. Un tel cycle garantirait, selon lui, une attention continue par rapport à la crise dans l’État rakhine et contribuerait à prévenir son escalade. Il a également demandé au Conseil d’assurer le suivi des processus de reddition de comptes et de se pencher sur les violations du droit international humanitaire qui se poursuivent dans cet État.
Alors que la Chine a demandé que soient respectées la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale du Myanmar, le Bangladesh a assuré n’avoir aucunement l’intention de s’immiscer dans les affaires intérieures de ce pays, ajoutant cependant que compte tenu de la gravité de la crise, le Conseil de sécurité devrait s’impliquer davantage dans son règlement.
La Fédération de Russie a plaidé pour sa part pour la poursuite du processus de réconciliation nationale, affirmant que les groupes armés s’y refusent « sous l’impulsion de l’Occident ».
LA SITUATION AU MYANMAR
Déclarations
M. KHALED KHIARI, Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, a rappelé que plus de trois ans se sont écoulés depuis que l’armée a renversé le gouvernement démocratiquement élu au Myanmar et arrêté ses dirigeants, notamment le Président Win Myint et la Conseillère d’État Aung San Suu Kyi. L’expansion du conflit armé dans tout le pays a privé les communautés locales de leur accès aux services de base, avec un impact dévastateur sur les droits humains et les libertés fondamentales. Sur fond d’informations faisant état de bombardements aériens aveugles de la part des forces armées du Myanmar et de tirs d’artillerie de diverses parties, le bilan des victimes civiles ne cesse de s’alourdir.
Dans l’État rakhine, les combats entre l’armée et l’Armée arakanaise ont atteint un niveau de violence sans précédent, aggravant les vulnérabilités préexistantes dans la région la plus pauvre du pays. L’Armée arakanaise aurait pris le contrôle territorial de la majeure partie du centre de l’État rakhine et chercherait à s’étendre au nord de l’État, où demeurent de nombreux Rohingya, a précisé le haut fonctionnaire. D’une manière générale, les organisations ethniques armées, le Gouvernement d’union nationale, le Conseil consultatif d’union nationale, le Comité représentant la Pyidaungsu Hluttaw et d’autres s’efforcent de surmonter les divisions passées et de dépasser les intérêts d’autonomie ethnique. Aujourd’hui, le Conseil consultatif pour l’union nationale, composé de diverses parties prenantes du Myanmar, a convoqué sa deuxième Assemblée populaire pour mieux définir sa vision commune de l’avenir du pays.
Il sera essentiel de s’attaquer aux causes profondes de la crise des Rohingya pour sortir durablement de la crise actuelle. Tout échec et la poursuite de l’impunité ne feront qu’alimenter le cercle vicieux de la violence au Myanmar, a prévenu le Sous-Secrétaire général, qui a souligné que les femmes et les jeunes comptent parmi les premières victimes. Les circonstances actuelles qui prévalent dans l’État rakhine n’ouvrent pas de perspectives immédiates de rapatriement sûr, digne, volontaire et durable des réfugiés rohingya vers leur lieu d’origine ou de choix. Des mécanismes de protection régionaux efficaces et des efforts précoces pour lutter contre la désinformation et les discours de haine sont donc nécessaires, a souligné M. Khiari, qui a ensuite remercié le Bangladesh de son hospitalité généreuse, permettant à plus d’un million de Rohingya de s’y réfugier. « Il est essentiel que les mesures de protection s’accompagnent d’efforts visant à s’attaquer aux causes sous-jacentes du déplacement et de l’instabilité, des efforts qui doivent être directement informés par les voix des Rohingya eux-mêmes », a-t-il préconisé.
Toute solution à la crise actuelle nécessite des conditions permettant au peuple du Myanmar d’exercer librement et pacifiquement ses droits humains. Mettre fin à la campagne de violence et de répression politique menée par l’armée est une étape vitale. À cet égard, le Secrétaire général a exprimé son inquiétude quant à l’intention de l’armée de procéder à des élections dans un contexte d’intensification des conflits et des violations des droits humains qui règne à travers le pays. De même, l’annonce du Conseil d’administration de l’État sur l’application de la loi sur la conscription a intensifié les troubles sociaux contre l’armée et la violence. L’absence des jeunes sur le marché du travail ne fait qu’aggraver les mauvaises perspectives socioéconomiques du Myanmar, a constaté le Sous-Secrétaire général.
Par ailleurs, les conflits dans les zones frontalières clefs ont affaibli la sécurité transnationale et l’effondrement de l’état de droit a permis aux économies illicites de prospérer. Il y a des raisons de s’inquiéter au-delà de la région. « Le Myanmar est devenu un épicentre mondial de production de méthamphétamine et d’opium, parallèlement à une expansion rapide des opérations de cybermalveillance, en particulier dans les zones frontalières. Avec des moyens de subsistance rares, les réseaux criminels continuent de s’attaquer à une population de plus en plus vulnérable », a relaté M. Khiari. Ce qui a commencé comme une menace de criminalité en Asie du Sud-Est, a-t-il expliqué, est aujourd’hui une crise endémique de la traite des êtres humains et du commerce illicite, avec des implications mondiales.
Il existe des arguments évidents en faveur d’une plus grande unité internationale et d’un plus grand soutien à la région. Comme le demande ce Conseil, l’ONU continuera de travailler en coopération avec l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) et de soutenir ses efforts pour mettre en œuvre le consensus en cinq points sur le Myanmar. Le Secrétaire général, a annoncé le haut fonctionnaire, prévoit de nommer un envoyé spécial « dans les prochains jours » pour collaborer avec l’ASEAN, les États Membres et toutes les parties prenantes afin de progresser vers une solution politique à la crise dirigée par le Myanmar. Le Chef de l’Organisation continue d’ailleurs d’appeler à une réponse internationale unifiée et encourage les États Membres, en particulier les pays voisins, à tirer parti de leur influence pour ouvrir des canaux humanitaires conformément aux principes internationaux, mettre fin à la violence et rechercher une solution politique globale, qui mène à un avenir inclusif et pacifique pour le Myanmar. Le rôle du Conseil de sécurité et la mise en œuvre de la résolution 2669 de décembre 2022 restent cruciaux à cet égard, a conclu M. Khiari.
Mme LISA DOUGHTEN, Directrice de la Division des financements et des partenariats du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a indiqué que le conflit au Myanmar connaît ses pires niveaux de violence depuis 2021 ce qui affecte gravement la population et a des répercussions alarmantes sur les pays voisins. Elle a expliqué que le peuple craint quotidiennement pour sa vie, en particulier depuis la récente mise en œuvre de la loi sur la conscription nationale, tandis que sa capacité à accéder aux biens et services de base est poussée à ses limites. Elle a précisé que 2,8 millions de personnes ont été déplacées, dont 90% depuis la prise du pouvoir par les militaires, et nombre d’entre elles ont besoin d’un accès urgent à la nourriture, à un abri et à la sécurité. À mesure que le nombre de personnes en fuite augmente, il sera essentiel de maintenir l’attention internationale et régionale sur le renforcement de la protection des réfugiés dans la région, a-t-elle remarqué. Elle a également indiqué qu’en 2024, l’insécurité alimentaire touchera près de 12,9 millions de personnes, soit près de 25% de la population du Myanmar, et que 12 millions de personnes auront besoin d’une aide sanitaire d’urgence. Les enfants subissent de plein fouet les conséquences de cette crise qui risque d’avoir des répercussions permanentes sur leur vie, a-t-elle redouté, signalant qu’un tiers des enfants en âge d’être scolarisés ne le sont pas actuellement.
Forte de cet état des lieux, Mme Doughten a expliqué que cette année, quelque 18,6 millions de personnes auront besoin d’une aide humanitaire au Myanmar, soit 19 fois plus qu’en février 2021. Elle a fait part de la détermination de l’ONU à venir en aide au plus grand nombre possible de ces personnes, mais pour ce faire, « nous avons besoin du soutien urgent de la communauté internationale pour remédier aux facteurs qui limitent considérablement notre capacité d’action ». À ce titre elle a souligné l’urgence d’un financement plus important de la réponse humanitaire, signalant que le Plan de réponse humanitaire de 2024 pour le Myanmar n’a reçu que 4% de son financement. Elle a plaidé pour un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave aux personnes dans le besoin, exhortant les parties à ne pas politiser l’acheminement de l’aide. Le Conseil de sécurité doit faire comprendre aux parties qu’il est impératif que les humanitaires puissent atteindre toutes les personnes dans le besoin au Myanmar, a-t-elle insisté. De même, elle a demandé au Conseil de soutenir les efforts pour permettre de fournir l’aide en toute sécurité et de veiller à la protection du personnel humanitaire, en rappelant que 155 travailleurs humanitaires ont été arrêtés ou détenus par diverses parties entre janvier 2022 et février 2024.
La représentante du Royaume-Uni a condamné les forces armées du Myanmar qui ont mené des frappes aériennes dans tout le pays. « Rien ne justifie le meurtre de civils. » Elle a dit suivre avec une profonde inquiétude les informations crédibles faisant état de la détention forcée et du recrutement de Rohingya, à la suite de l’annonce de la conscription par l’armée. Face à la situation « catastrophique » pour les civils dans l’État rakhine, et plus largement au Myanmar, elle a appelé la communauté internationale à prendre des mesures. La représentante a exhorté à trouver un processus politique, plus d’un an après l’adoption de la résolution 2669 (2023). Elle a dénoncé le refus de l’armée du Myanmar de s’engager de manière significative dans les efforts internationaux visant à parvenir à une solution pacifique à la crise alors que le Conseil a exprimé son soutien au consensus en cinq points de l’ASEAN. L’armée doit rendre des comptes pour ses actes, a exigé la déléguée en souhaitant que le Conseil se montre solidaire du peuple du Myanmar.
La représentante a aussi appelé à résoudre la crise humanitaire dans ce pays réitérant l’appel du Conseil en faveur d’un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave et rappelant son aide conséquente au pays, depuis 2017, qui bénéficie aux Rohingya et à d’autres minorités musulmanes de l’État rakhine. Les conditions ne sont pas propices au rapatriement des Rohingya, a-t-elle cependant noté. Le Myanmar ne doit pas devenir une crise oubliée, a-t-elle lancé en appelant à redoubler d’efforts pour bâtir un Myanmar pacifique et inclusif et préparer un avenir meilleur pour le peuple du Myanmar. Elle a conclu en demandant que l’ONU nomme sans plus tarder un envoyé spécial qui contribuera à faire avancer ces efforts.
Le représentant du Japon a regretté que les actions concrètes qu’il a continuellement demandées à l’armée du Myanmar n’aient pas été menées, à savoir l’arrêt de la violence, dont les frappes aériennes; la libération des personnes détenues, dont la Conseillère d’État Aung San Suu Kyi et d’autres dirigeants de la Ligue nationale pour la démocratie; et la restauration prompte du système politique démocratique du pays. Il s’est inquiété de la prolongation de l’état d’urgence par l’armée sans qu’elle cherche une solution pacifique, déplorant les victimes civiles du fait des frappes aériennes et la conscription annoncée en février.
Le délégué a regretté que le Conseil ne se soit pas prononcé sur les « actes inhumains » commis contre le peuple du Myanmar lors de frappes aériennes sur la ville de Minbya, dans l’État rakhine, qui ont fait beaucoup de victimes parmi les civils. « Continuer à réduire le Conseil au silence ne ferait qu’accélérer les violations commises au Myanmar », a mis en garde le représentant. Il a aussi conseillé au Conseil de réitérer son soutien à la centralité de l’ASEAN et a encouragé le Président de l’ASEAN et son envoyé spécial à dialoguer avec toutes les parties prenantes concernées au Myanmar, dans les pays voisins et avec les principaux partenaires régionaux. Le délégué a rappelé la nécessité de respecter les droits de l’homme et souligné l’aide humanitaire majeure qu’apporte son pays.
Le représentant de la Fédération de Russie a estimé que le format ouvert choisi pour la tenue de cette réunion ne permet pas une conversation « calme et non politisée », doutant du bien-fondé de la « diplomatie du mégaphone » sur ce dossier. Il a déclaré que les causes profondes de la crise au Myanmar résident dans son passé colonial, notant que pendant les décennies de son règne sur le pays, le Royaume-Uni a monté les différents peuples et groupes ethniques du pays les uns contre les autres, y compris dans l’État rakhine. « L’essence de la politique cupide britannique n’a pas changé, ce sont juste les méthodes qui ont changé », a-t-il affirmé. Faute de pouvoir influencer les autorités du Myanmar par les armes, le Royaume-Uni a adopté des mesures restrictives illégitimes et tente d’utiliser l’ONU et le Conseil de sécurité pour exercer une pression politique, a reproché le représentant.
Partisan d’une approche dépolitisée et non conflictuelle dans les discussions sur les moyens de résoudre le problème des personnes déplacées de l’État rakhine, le représentant a appelé à promouvoir un dialogue direct entre Nay Pyi Taw et Dhaka sur la base des accords bilatéraux existants. Il a également demandé à la communauté internationale d’aider le Myanmar et le Bangladesh à mettre en œuvre les accords pertinents et les programmes de développement pour l’État rakhine, tout en respectant la souveraineté des deux pays. Il a pris note des mesures prises par l’Envoyé spécial de l’ASEAN pour le Myanmar pour promouvoir le dialogue et mettre en œuvre le consensus en cinq points. Le représentant a estimé que les travaux du mécanisme consultatif trilatéral associant le Bangladesh, le Myanmar et la Chine sont très prometteurs. Il a plaidé pour la poursuite du processus de réconciliation nationale, « que les groupes armés refusent sous l’impulsion de l’Occident », appelant en outre à appuyer le développement socioéconomique des territoires habités par les minorités ethniques dans l’État rakhine et d’autres parties du pays.
Le délégué a jugé inadmissible d’utiliser les difficultés objectives existantes pour faire pression sur Nay Pyi Taw et tenter d’ébranler la situation interne du Myanmar. C’est précisément le but des démarches entreprises par certains pays pour impliquer la Cour internationale de Justice et la Cour pénale internationale dans la question de l’État rakhine, a-t-il affirmé en plaidant pour une approche qui placerait la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance du Myanmar au cœur des préoccupations.
Le représentant de la République de Corée a relevé que le Myanmar est devenu un refuge pour la criminalité transnationale organisée ainsi que le plus grand producteur d’opium au monde. Il a regretté l’absence d’envoyé spécial de l’ONU au moment où les Nations Unies devraient utiliser ses outils. Il a salué la tenue de cette réunion du Conseil sur le Myanmar, plus de trois ans après que le pays a été plongé dans le conflit, le chaos et la misère. Il est urgent de mettre en place un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave, ainsi qu’une coordination renforcée entre les acteurs humanitaires au Myanmar, a plaidé le délégué. Le retour rapide d’un coordonnateur résident des Nations Unies dans le pays devrait doter l’ONU d’une orientation humanitaire stable et de haut niveau, a-t-il espéré. Le délégué a déploré que les conditions de retour volontaire, sûr, digne et durable des réfugiés rohingya se soient détériorées. La République de Corée a fourni plus de 36 millions de dollars d’aide humanitaire pour soutenir le peuple rohingya depuis 2017, a-t-il aussi indiqué.
Le représentant a insisté sur la nécessité de nommer un envoyé spécial de l’ONU, arguant que l’ampleur et la complexité de la crise au Myanmar exigent plus que des efforts nationaux, bilatéraux ou régionaux. L’ONU doit faire respecter la Charte des Nations Unies sur le terrain et encourager le dialogue entre les parties. L’envoyé spécial devrait sensibiliser les parties au droit international, aux principes humanitaires et à la manière dont les droits humains peuvent servir de source de légitimité. Il devrait aussi compléter les efforts de l’Envoyé spécial de l’ASEAN pour promouvoir les conditions d’un dialogue politique visant à accélérer le processus politique en vue de l’instauration d’une démocratie inclusive et pacifique au Myanmar. Réitérant l’importance du soutien du Conseil aux efforts menés par l’ASEAN, le délégué a informé que son pays accueille plus de 25 000 personnes du Myanmar.
La représentante de la Suisse a condamné l’escalade des conflits armés au Myanmar depuis le coup d’État militaire. Alarmée par les frappes aériennes menées par les militaires « birmans », notamment celles du 18 mars dernier dans la commune de Minbya, qui auraient tué et blessé de nombreux civils, elle a déclaré que ce n’est qu’un exemple des possibles crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans le pays. Dans l’État rakhine en particulier, le conflit exacerbe les vulnérabilités et les discriminations préexistantes, tout en aggravant les tensions intercommunautaires, a relevé la déléguée.
En outre, a-t-elle exigé, les restrictions à l’accès humanitaire qui empêchent l’aide de parvenir aux communautés vulnérables doivent cesser. L’accès humanitaire doit être complet, sûr et sans entrave, et la protection, la sûreté et la sécurité des personnels humanitaire et médical pleinement assurées. À cet égard, la représentante a engagé l’ASEAN à pleinement mettre en œuvre le consensus en cinq points. Une coordination étroite entre l’ONU et les acteurs régionaux, l’ASEAN en premier lieu, est d’ailleurs essentielle, notamment pour le travail de médiation et de dialogue inclusif, ainsi que pour l’acheminement de l’aide, a-t-elle souligné. Aussi est-il impératif de nommer rapidement un envoyé spécial, pour assurer une coordination et une coopération efficaces avec l’ASEAN. Il en va de même pour le poste de coordonnateur résident/humanitaire des Nations Unies, sans lequel le soutien de l’ONU risque de perdre en efficacité et en crédibilité, a mis en garde la représentante. Alors qu’un suivi de la résolution 2669 s’impose, la Suisse est prête à soutenir une action unie et décisive par l’élaboration d’un nouveau produit de ce Conseil, a précisé la déléguée en conclusion.
Le représentant de l’Algérie s’est dit préoccupé par la poursuite de la situation désastreuse au Myanmar qui a un impact sur les civils partout dans le pays, y compris dans l’État rakhine. Il a appelé à trouver des solutions pacifiques et globales aux défis du Myanmar tout en insistant sur l’importance du respect des principes de la non-ingérence et du respect de la souveraineté et en soulignant que le dialogue est de mise. Les parties doivent faire preuve de retenue et respecter le droit international et le droit international humanitaire, a demandé le représentant soucieux de la protection de la population dans son ensemble, y compris les Rohingya. Il a exhorté la communauté internationale à fournir de manière urgente une aide humanitaire à tous les réfugiés et déplacés, demandant aux parties concernées d’accorder la priorité à la vie digne et à s’attaquer aux causes profondes du conflit, quel que soit l’ethnicité ou la religion. Avant de conclure, le représentant a souligné l’importance des initiatives régionales pour renforcer le dialogue, la réconciliation, la paix et la stabilité au Myanmar, notamment celle de l’ASEAN.
Le représentant de la Sierra Leone a condamné les violences contre les civils et appelé à leur protection. Les parties au conflit ne doivent pas utiliser d’armes explosives dans les endroits très fréquentés comme les marchés et les lieux de culte. L’extension du conflit dans l’État rakhine ne fait qu’exacerber les vulnérabilités et la discrimination préexistantes. La Troïka mise en place par l’ASEAN devrait être pleinement exploitée, a estimé le délégué pour qui le Conseil doit soutenir la mise en œuvre du consensus en cinq points convenu par l’ASEAN en 2021, afin de rétablir la paix et la stabilité, et trouver une solution politique globale. La cessation des hostilités dans l’ensemble du Myanmar est un élément clef d’un processus pacifique et démocratique.
Prenant note du fait que l’Envoyé spécial de l’ASEAN pour le Myanmar a pris contact avec les dirigeants de l’armée et certains chefs des groupes ethniques armés, à Bangkok, en Thaïlande, le représentant s’est félicité d’une initiative importante et conforme à la résolution 2669 (2022). Il a conclu en réclamant aux parties un accès humanitaire sans entrave et en soulignant l’importance d’un soutien financier accru pour que l’aide parvienne aux quelque 5,3 millions de personnes dans le besoin.
La représentante du Guyana a estimé qu’aucune solution à la crise humanitaire ne pourra être trouvée tant qu’un cessez-le-feu durable, dans tout le pays, ne sera pas instauré et que des mesures fermes ne seront pas prises pour remédier à la situation politique et économique du pays. Après avoir condamné vigoureusement les attaques contre des civils ainsi que le recrutement et l’utilisation d’enfants par les forces et groupes armés, la déléguée a appelé au retour sûr et digne des réfugiés rohingya et des autres personnes déplacées. Elle a exhorté toutes les parties au conflit à honorer leurs obligations en vertu du droit international. Le Guyana, a précisé la représentante, appelle au plein respect de la résolution 2669 (2022) et à la mise en œuvre rapide du consensus en cinq points de l’ASEAN, et attend avec impatience la nomination « dans les meilleurs délais » d’un envoyé spécial de l’ONU.
La représentante de la France a dit être très préoccupée par la poursuite des violences et des exactions commises par la junte « en Birmanie » contre la population, ainsi que par le sort des réfugiés et des déplacés internes, notamment issus de la minorité rohingya. La situation dans l’État rakhine est aujourd’hui particulièrement critique, et menace la stabilité régionale, a-t-elle alerté. Elle a appelé à un engagement plus résolu de la communauté internationale, indiquant que la France a doublé son aide humanitaire à la population « birmane ». De même, elle a demandé la pleine application de la résolution 2669 (2022), et a appelé à la cessation des violences, ainsi qu’à la libération de l’ensemble des prisonniers politiques dont la Conseillère d’État, Aung San Suu Kyi, et le Président de la République, Win Myint. Elle a aussi appelé à la nomination rapide d’un envoyé spécial du Secrétaire général pour « la Birmanie ».
Le représentant du Mozambique s’est inquiété de l’aggravation de la situation au Myanmar. Il a constaté que l’approche militaire prévalente s’est avérée inefficace et intenable, provoquant un cercle vicieux de violence marqué par l’impunité. Il s’est également inquiété de l’impact déstabilisateur du conflit pour la région. Notant que le plan de réponse humanitaire n’a reçu que 7% de son financement, il a souligné l’importance des contributions supplémentaires pour soulager les souffrances des civils. Le représentant a exhorté les parties à mettre en œuvre le consensus en cinq points de l’ASEAN et la résolution 2669 (2022) du Conseil de sécurité. Il a également appelé à la nomination d’un nouvel envoyé spécial du Secrétaire général pour le Myanmar. Seuls un dialogue inclusif et un règlement politique négocié permettront de résoudre la crise et de mettre un terme aux souffrances de la population.
La représentante de la Slovénie s’est dite profondément préoccupée par l’escalade du conflit qui s’est désormais étendu à tout le pays. Elle a salué le rôle central de l’ASEAN dans la recherche d’une solution à cette crise et ses efforts pour mettre en œuvre son consensus en cinq points. Toutefois, devant l’aggravation de la situation, la déléguée a encouragé cette organisation régionale à renforcer ses efforts en faveur du rétablissement de la paix, de la démocratie et du retour à un régime civil. La situation actuelle mérite des délibérations régulières au Conseil de sécurité, a-t-elle estimé.
La représentante a ensuite condamné toutes les obstructions délibérées à l’aide humanitaire, y compris celles imposées aux communications et à la libre circulation par l’armée et les intimidations à l’encontre du personnel humanitaire. Elle s’est dite en particulier préoccupée par la détérioration de la crise dans l’État rakhine, notamment pour les Rohingya, qui ne peuvent retourner chez eux de manière volontaire, sûre, digne et durable. La représentante s’est également dite inquiète d’une loi que vient d’annoncer l’armée sur le service militaire obligatoire, car, s’est-il expliquée, les jeunes pourraient être soumis à une conscription sans aucune procédure d’appel. Elle s’est dite particulièrement préoccupée par les informations faisant état de recrutements forcés, d’enlèvements et d’autres formes d’abus et de violence, en particulier dans l’État rakhine. La représentante a appelé à la pleine mise en œuvre de la résolution 2669 du Conseil de sécurité et à une transition démocratique, dont le retour à un régime civil.
Le représentant de l’Équateur a réaffirmé que l’objectif d’une paix durable au Myanmar ne sera possible qu’avec la mise en œuvre effective de la résolution 2669 (2022), le retour à l’état de droit et la création d’un système transparent d’établissement des responsabilités qui permette de juger les auteurs de violations des droits de l’homme devant les instances internationales, dont la Cour pénale internationale. Le représentant a demandé à la junte militaire de cesser de cibler la population civile, de libérer les prisonniers politiques, d’instaurer un cessez-le-feu définitif et de respecter les accords établis dans le consensus en cinq points. Partageant la préoccupation du Secrétaire général face à la détérioration de la situation socioéconomique et humanitaire, et l’escalade de la violence, il a voulu que l’on s’attaque aux causes profondes du conflit et que l’on reprenne la voie diplomatique proposée par l’ASEAN et soutenue par la communauté internationale.
Compte tenu du nombre croissant de victimes de violence, d’enfants et de jeunes recrutés par les milices, de personnes tuées, de détentions arbitraires et des cas de violences sexuelles comme tactique de guerre, le représentant a estimé qu’il est impératif que le Conseil de sécurité continue d’examiner de près la situation au Myanmar. Il a insisté sur l’impératif qu’il y a à assurer la sécurité et la libre circulation du personnel de l’ONU et des agences humanitaires, à lever les obstacles bureaucratiques à l’aide et à supprimer les pratiques discriminatoires qui empêchent cette aide de parvenir à toutes les populations dans le besoin et à respecter le principe de « non-refoulement ». Les autorités du Myanmar doivent travailler avec le HCR et l’OIM pour trouver des solutions durables, a souhaité le représentant.
Le représentant des États-Unis a condamné les atrocités de la junte militaire au Myanmar où la situation présente une menace à la sécurité internationale et à celle de la région indopacifique. Le Myanmar est devenu l’un des producteurs mondiaux d’opium, a indiqué le délégué attirant ensuite l’attention sur les conséquences dévastatrices des frappes aériennes de la junte sur les civils. Il a aussi mis l’accent sur la gravité des impacts des engins explosifs sur la population civile et le refus d’accès de l’aide humanitaire. Le représentant a rappelé l’appel lancé par l’Assemblée générale en vue de tarir le flux d’armes au Myanmar et restreindre l’accès de la junte au carburant pour l’empêcher de mener ses frappes aériennes.
Réitérant le danger des engins non explosés, le délégué a cité un rapport de l’ONU pour dire que le nombre des victimes civiles de ces armes a plus que doublé depuis le début du conflit. Il a donc souhaité que soient menées des opérations de déminage pour sauver des vies. Le représentant a détaillé l’aide (2,4 milliards de dollars) fournie par son pays pour répondre à la crise humanitaire au Myanmar avant d’appeler les donateurs à augmenter leurs contributions respectives. Il faut également assurer l’acheminement sûr et sans entrave de l’aide, a-t-il plaidé. Enfin, il a rappelé la nécessité de nommer sans tarder un nouvel envoyé spécial pour le Myanmar, soulignant aussi l’importance de la résolution 2669 (2022) et du consensus en cinq points de l’ASEAN.
Le représentant de la Chine a souligné la nécessité pour la communauté internationale de rester objective et impartiale s’agissant du Myanmar et de respecter la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale de ce pays. Elle doit selon lui encourager les parties concernées à résoudre leurs différends par la voie du dialogue et de consultations afin de parvenir à un cessez-le-feu le plus rapidement possible. La récente flambée des combats dans l’État rakhine a eu des conséquences sur le processus de rapatriement entamé depuis le Bangladesh grâce aux pays de la région et à l’ONU, a observé le délégué, pour qui il faut créer des conditions propices et un environnement « habilitant » pour améliorer ce processus. La Chine, pays voisin du Myanmar, a participé aux efforts diplomatiques en vue de faciliter ces rapatriements en proposant une approche en trois étapes, a rappelé le délégué, pour qui il n’existe pas de « baguette magique » pour régler la crise. Aucune solution ne peut être imposée de l’extérieur, a-t-il considéré, estimant que des sanctions du Conseil de sécurité contre le Myanmar ne feraient qu’aggraver les hostilités et « jeter de l’huile sur le feu de la confrontation ».
La représentante de Malte s’est dite alarmée par l’escalade du conflit dans l’État rakhine. Notant que cette brutalité est rendue possible par l’afflux continu d’armes et de technologies provenant de sources extérieures au Myanmar, elle a appelé le Conseil à continuer à réévaluer la situation et à mettre fin à l’accès, par la junte militaire, aux armes et matériel connexe utilisés pour commettre ces crimes. La mise en œuvre de la loi sur la conscription marque, selon elle, un nouveau jalon dans la campagne de la junte contre ceux-là mêmes qu’elle est censée protéger: en recrutant de force des jeunes hommes et femmes, la junte non seulement perpétue son règne de la terreur, mais renforce également sa capacité à commettre davantage d’atrocités tout en terrorisant la population. Les jeunes sont contraints de fuir le pays pour éviter la conscription, a-t-elle constaté, alors que les femmes et les jeunes filles sont de plus en plus vulnérables aux mariages précoces, à la traite des êtres humains et à d’autres formes d’exploitation et de violence fondée sur le genre. Saluant les défenseurs des droits des femmes et les organisations de la société civile au Myanmar, la déléguée a insisté sur le fait qu’ils ont besoin d’un soutien urgent et appelé à la levée des restrictions substantielles qui entravent leurs activités.
Réaffirmant une fois de plus la centralité du rôle de l’ASEAN dans le règlement de la crise au Myanmar et le soutien de Malte à ses efforts de médiation conformément au consensus en cinq points, la représentante a toutefois estimé que les développements récents exigent que le Conseil de sécurité en fasse plus. Seize mois après l’adoption de la résolution 2669 (2022), l’appel du Conseil à une cessation immédiate de toutes les violences au Myanmar est resté lettre morte, a-t-elle observé en appelant à ne pas se faire d’illusions: « des solutions efficaces exigent une action décisive du Conseil de sécurité ».
Le représentant de la Malaisie s’est dit préoccupé par les informations faisant état d’une intensification de la violence et des violations des droits de l’homme à l’encontre de la population de l’État rakhine. Il s’est également dit alarmé par les recrutements forcés et de l’utilisation des Rohingya comme boucliers humains. La communauté internationale ne peut rester silencieuse face à de telles atrocités. Elle doit exiger des mesures immédiates et concrètes pour mettre fin à la violence, protéger les civils et assurer l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire à ceux qui en ont besoin, sans discrimination. Le soutien de la communauté internationale aux efforts de l’ASEAN dans le cadre du consensus en cinq points est important ainsi que la mise en œuvre intégrale de la résolution 2669 (2022) du Conseil de sécurité, a souligné le représentant.
Il a voulu que l’on s’attaque aux causes profondes du conflit, notamment aux lois et politiques qui privent les Rohingya de leurs droits à la citoyenneté. Une aide humanitaire soutenue et un soutien politique sont essentiels pour assurer la sûreté et la sécurité de toutes les communautés de l’État rakhine et pour faciliter le retour sûr, volontaire et digne des Rohingya. La communauté internationale doit redoubler d’efforts pour apporter une réponse coordonnée et durable à la situation au Myanmar. Elle doit faire davantage pour créer un environnement propice au rétablissement de la démocratie. Les aspirations et les intérêts du peuple du Myanmar doivent être satisfaits, a insisté le représentant sans oublier de rappeler que son pays abrite toujours le plus grand nombre de réfugiés rohingya en Asie du Sud-Est. La communauté internationale devra soutenir les efforts de rapatriement et de réinstallation dans d’autres pays.
Le représentant de l’Indonésie s’est inquiété de la détérioration de la situation humanitaire au Myanmar et de l’intensification de la violence dans l’État rakhine. Il a estimé que le consensus en cinq point de l’ASEAN demeure le cadre de référence pour résoudre la crise politique au Myanmar, y compris l’État rakhine. Il a également souligné que la question des Rohingya est essentielle pour trouver une issue pacifique à la crise. Il a appelé à la mise en œuvre d’accords trilatéraux pour appuyer la reprise du rapatriement des déplacés, ainsi qu’au renforcement de l’aide accordée aux réfugiés rohingya. La coopération doit aussi être renforcée pour éviter que les Rohingya ne tombent entre les mains des trafiquants d’êtres humains. Il a également appelé à assurer un accès humanitaire sans entrave.
Le représentant du Bangladesh, dont le pays a accueilli plus d’un million de membres de la minorité rohingya depuis 2017, a mis en garde contre l’escalade en cours qui pose de nouveaux risques d’implications transfrontalières dans l’État rakhine. La situation y a empiré avec la reprise du conflit entre l’armée du Myanmar et l’Armée arakanaise, a-t-il expliqué en déplorant que les civils, en particulier les minorités rohingya, en soient les principales victimes. Ils sont maintenant confrontés au choix difficile entre le recrutement forcé par l’armée du Myanmar ou la fuite vers les villages contrôlés par l’Armée arakanaise, où les risques de violence communautaire sont en hausse. Les conséquences du conflit ont également été exacerbées par les restrictions continues des mouvements et des communications, les activités économiques limitées et le manque d’aide humanitaire adéquate. Cette situation constitue une véritable menace pour le Bangladesh et ses habitants vivant dans les districts limitrophes, a signalé le délégué, ajoutant que si elle n’est pas rapidement réglée, le conflit en cours dans l’État rakhine risque de menacer la paix et la stabilité de toute la région.
L’escalade récente a d’ores et déjà affecté le rythme des préparatifs pour le rapatriement des Rohingya au Myanmar, a-t-il indiqué, y voyant une autre source de tensions, en particulier dans les camps de Rohingya et dans les communautés d’accueil environnantes à Cox’s Bazar. Il a appelé le Myanmar à faire preuve d’une véritable volonté politique et à coopérer avec le Bangladesh pour mettre en œuvre les accords bilatéraux de retour, signés en 2017 et 2018, avant de solliciter également un engagement significatif et efficace de la communauté internationale, en particulier des organisations régionales, des pays de la région et des pays voisins, pour rétablir la paix et la stabilité dans l’État rakhine et soutenir la réintégration des futurs rapatriés. Signalant au passage qu’aucun progrès n’a pu être réalisé au cours des six dernières années et que pas un seul Rohingya n’a pu être rapatrié dans le cadre des accords bilatéraux signés, le représentant a noté que la résolution 2669 (2022) souligne la nécessité de créer les conditions nécessaires au retour volontaire, sûr, digne et durable des réfugiés rohingya et des personnes déplacées, ainsi que la nécessité de s’attaquer aux causes profondes. Or, a-t-il argué, les causes profondes de la vulnérabilité des minorités rohingya sont principalement ancrées dans le cadre juridique et politique discriminatoire du Myanmar. Si l’on ne s’attaque pas à ces causes sous-jacentes, les efforts bilatéraux et régionaux ont peu de chances d’aboutir, a-t-il estimé.
Le représentant a reproché à l’ONU de n’avoir pas réussi à maintenir une présence forte au Myanmar, notant que le poste d’envoyé spécial est resté vacant pendant près d’un an et que le poste de coordonnateur de l’action humanitaire l’est aussi depuis longtemps, alors même que près de 18 millions de personnes au Myanmar ont besoin d’aide humanitaire, dont 1,7 million dans la seule région de Rakhine. Revenant sur la résolution 2669 du Conseil, il a regretté qu’elle ne prévoie aucun cycle de rapports réguliers sur les progrès de sa mise en œuvre, à l’exception d’un briefing ponctuel de l’Envoyé spécial du Secrétaire général. Un cycle périodique garantirait, selon lui, une attention continue par rapport à la crise dans l’État rakhine et contribuerait à prévenir son escalade. Il a également demandé au Conseil d’assurer le suivi des processus de reddition de comptes et de se pencher sur les violations du droit international humanitaire qui se poursuivent dans cet État. Le délégué a tenu à préciser que le Bangladesh n’a aucunement l’intention de s’immiscer dans les affaires intérieures du Myanmar, ajoutant que compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil de sécurité doit être plus impliqué dans son règlement.