Conseil de sécurité: en Colombie, concrétiser l’aspiration à la paix exige volonté politique et concertation avec la société civile, selon le Représentant spécial
Un peu plus d’un mois après sa visite en Colombie, le Conseil de sécurité a eu l’opportunité d’entendre, ce matin, le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays, lui présenter les derniers développements sur le terrain et l’état de mise en œuvre de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable de 2016. Le principal défi pour transformer le désir de paix en réalité consiste à canaliser la volonté politique considérable et le dynamisme de la société civile vers des dividendes toujours plus tangibles sur le terrain, a résumé M. Carlos Ruiz Massieu, pour qui cet effort exige que les habitants surmontent leurs divisions.
Dans le cadre du système de justice transitionnelle établi par l’Accord final, la Commission Vérité, coexistence et non-répétition joue un rôle essentiel pour clarifier la vérité historique sur ce conflit, en complément de la Juridiction spéciale pour la paix, chargée d’enquêter sur les crimes les plus graves. Ce mandat, a ajouté M. Ruiz Massieu, est intrinsèquement lié au passage d’une « situation de guerre à une situation de paix ». D’une importance monumentale, cette tâche exige de trouver le bon équilibre entre « rigueur et célérité », ainsi qu’entre les droits à la réparation et à la sécurité des victimes d’un côté, et le processus de réintégration des anciens combattants comparaissant devant la Juridiction de l’autre.
À cet égard, le haut fonctionnaire a salué le fait que la Juridiction s’apprête à annoncer ses premières sanctions, relevant que « les victimes l’exigent sans plus attendre ». Parmi ces victimes, figurent les personnes LGBTQ, au nom desquelles s’est exprimée Mme Marcela Sánchez, la Directrice exécutive de Colombia Diversa, ONG qui défend depuis 20 ans les droits humains de cette communauté, soumise pendant le conflit à des déplacements forcés et exils, des violences sexuelles et des meurtres.
Regrettant le manque de données précises sur le nombre de victimes LGBTQ, l’intervenante a dit craindre que l’on ne connaisse jamais l’ampleur réelle des violations commises à leur encontre, compte tenu de la stigmatisation sociale et de la peur des représailles dont ces personnes font l’objet. Ainsi, face à ce « schéma de persécution sexiste » persistant, de nombreux survivants se retrouvent aujourd’hui sans recours juridique, a regretté l’intervenante.
Une situation à laquelle s’efforce de remédier le chapitre ethnique de l’Accord final et ses dispositions relatives au genre, qui font ressortir l’intersectionnalité du problème, de nombreuses personnes LGBTQ étant aussi membres de communautés autochtones et afro-colombiennes, a relevé le Représentant spécial. Il a dit attendre avec impatience que soit atteint l’objectif de 60% de mise en œuvre du chapitre ethnique d’ici à 2026.
Les États-Unis ont encouragé Bogota à continuer de consulter les organisations de femmes et LGBTQI+ pour élaborer et mettre pleinement en œuvre le premier plan d’action national pour les femmes et la paix et la sécurité en Colombie, et garantir que leurs droits et perspectives soient pleinement intégrés. La Slovénie, qui elle aussi a souligné l’importance de protéger les communautés vulnérables, a attiré l’attention sur les populations rurales qui continuent de souffrir de manière disproportionnée des conflits et des écarts de développement au sein du pays, un sentiment auquel ont fait écho d’autres membres du Conseil.
Dans son dernier rapport en date, présenté aujourd’hui par M. Ruiz Massieu, le Secrétaire général note des progrès encourageants dans l’application de la réforme rurale intégrale, notamment grâce à l’augmentation progressive des fonds destinés à accélérer la mise à disposition de terres et le développement rural dans les régions touchées par la pauvreté et l’inégalité, en particulier les paysans sans terre, les victimes du conflit et les femmes.
Depuis notre arrivée au pouvoir, s’est enorgueilli le Ministre des affaires étrangères de la Colombie, M. Luis Gilberto Murillo Urrutia, nous avons acquis 157 191 hectares de terres pour les victimes et avons formalisé 808 815 hectares pour les paysans, ainsi que les communautés autochtones et afro-descendantes, des efforts dont s’est félicité l’Équateur. Et récemment, a poursuivi le Chef de la diplomatie colombienne, le Gouvernement a doté de 3,7 millions de dollars la Juridiction spéciale pour la paix. Il a reconnu que, au nombre des défis à relever pour mettre pleinement en œuvre l’Accord final, figurent les garanties de sécurité pour les anciens combattants, les dirigeants sociaux, les femmes et les communautés autochtones et afro-colombiennes.
Malgré l’engagement des autorités colombiennes, la lenteur du processus a suscité « de justes critiques » à l’égard des signataires de l’Accord final, a estimé la Fédération de Russie, qui a jugé inacceptable la poursuite des attaques menées contre les anciens combattants, lesquels doivent bénéficier de garanties de sécurité adéquates afin de retourner à la vie civile. Toutefois, les dialogues initiés par le Président Petro avec les groupes armés dans le cadre de sa politique de « paix totale » ont rendu le processus de consolidation de la paix dans le pays « plus multiforme et global », s’est félicitée la délégation russe, avant d’appeler à l’élaboration d’une feuille de route à cet effet.
Le Japon a pour sa part salué l’entame d’un processus de dialogue de paix entre le Gouvernement colombien et le groupe armé Segunda Marquetalia, ainsi que l’extension de l’accord de cessez-le-feu signé avec l’Armée de libération nationale (ELN). À ce propos, le Représentant spécial a indiqué que dans un « contexte difficile pour le dialogue », le Gouvernement et l’ELN se réuniront cette semaine à Caracas, au Venezuela. La France a appelé de son côté à la poursuite des négociations avec le groupe autoproclamé État-major central des Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire (EMC FARC-EP).
LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRESSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LA REPRÉSENTANTE PERMANENTE DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53) S/2024/267
Déclarations
M. CARLOS RUIZ MASSIEU, Représentant spécial et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, a déclaré que ce pays a atteint un tournant important en ce qui concerne la mise en œuvre l’accord de paix final de 2016. Comme le Conseil de sécurité a pu le constater lors de sa récente visite, il existe en Colombie un profond désir de paix qui s’étend des plus hauts niveaux du Gouvernement et des institutions étatiques à l’ensemble de la société civile et aux communautés vulnérables des régions encore touchées par le conflit. « Le principal défi pour transformer cette aspiration en réalité est de canaliser la volonté politique considérable et le dynamisme de la société civile vers des dividendes de paix toujours plus tangibles sur le terrain », a résumé le haut fonctionnaire.
Le système de justice transitionnelle établi dans l’Accord final repose sur un équilibre délicat dont le maintien est essentiel pour réaliser la transition souhaitée vers la paix, a poursuivi M. Ruiz Massieu. Dans le cadre de ce système, la Commission Vérité, coexistence et non-répétition a joué un rôle essentiel dans la clarification de la vérité historique sur le conflit, complété par le mandat de la Juridiction spéciale pour la paix, axée sur l’enquête sur les crimes les plus graves. D’une importance monumentale, cette tâche exige de trouver le bon équilibre entre « rigueur et célérité », ainsi qu’entre les droits à la réparation et à la sécurité des victimes d’un côté, et le processus de réintégration des anciens combattants comparaissant devant la Juridiction de l’autre.
La responsabilité de la Juridiction est intrinsèquement liée au passage d’une situation de guerre à une situation de paix. Il s’agit d’une tâche d’une importance monumentale, a expliqué M. Ruiz Massieu qui a salué le fait que la Juridiction se rapproche de l’annonce de ses premières sanctions.
Il a également noté qu’alors que des milliers d’anciens membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire (FARC-EP), qui ont déposé les armes de bonne foi, ont respecté leurs engagements au titre de l’Accord final, la nécessité d’accomplir des progrès concrets et durables dans sa mise en œuvre est devenue de plus en plus pressante avec le temps. Aussi le Représentant spécial a-t-il recommandé une meilleure utilisation de l’architecture de mise en œuvre de l’Accord final, notamment de la Commission de suivi, de promotion et de vérification de l’application dudit accord.
De même, le Représentant spécial a appelé le Gouvernement à finaliser les instruments juridiques permettant la mise en œuvre rapide du Programme global de réintégration. La sécurité constitue également un élément clef de la réintégration des anciens combattants et continue d’être une préoccupation majeure. Malheureusement, 11 autres combattants ont été tués depuis la publication du dernier rapport du Secrétaire général, a déploré le haut fonctionnaire. Quant aux dirigeants communautaires, en particulier les autochtones et les Afro-Colombiens, ils subissent encore de plein fouet les conséquences de la violence persistante et de la présence limitée des institutions étatiques dans diverses régions.
Il a espéré que l’élection, le mois dernier, d’un nouveau Procureur général, Luz Adriana Camargo, offrira l’occasion d’enquêter et de poursuivre avec une vigueur renouvelée les responsables de crimes contre d’anciens combattants et dirigeants sociaux, se félicitant que ses priorités immédiates incluent le renforcement de l’unité chargée des enquêtes créée par l’Accord final.
Poursuivant, M. Ruiz Massieu a noté que les cessez-le-feu bilatéraux actuels constituent une étape importante pour renforcer la confiance dans les négociations et réduire la violence dans le pays. Toutefois, ceux-ci ne peuvent pas se substituer aux politiques sécuritaires de l’État visant à assurer protection et bien-être aux communautés touchées par le conflit, a-t-il signalé, appelant à ce que ces efforts soient complémentaires.
Il a ensuite indiqué que dans un contexte difficile pour le dialogue, le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN) se réuniront cette semaine à Caracas, au Venezuela. À cette occasion, il a espéré que des décisions seront prises pour faire avancer l’agenda convenu dans le cadre de l’accord conclu à Mexico en mars 2023, encourageant notamment les parties à réaffirmer leur engagement à parvenir à des accords définitifs, avec des bénéfices tangibles pour les communautés.
Il a par ailleurs pris note des augmentations significatives des allocations budgétaires et des efforts du Gouvernement actuel pour résoudre les conflits liés à la terre. « Un effort continu pour mettre en œuvre ces dispositions, soutenu par des investissements substantiels et l’engagement coordonné de tous les ministères et institutions étatiques concernés, est nécessaire pour surmonter les inégalités qui alimentent depuis longtemps les cycles de violence dans les campagnes », a préconisé le Représentant spécial. De même, le chapitre ethnique de l’Accord final et les dispositions relatives au genre cherchent à remédier à l’exclusion de longue date et à l’impact disproportionné du conflit sur les communautés autochtones et afro-colombiennes, ainsi que sur les femmes et les personnes LGBTQ. « J’attends avec impatience des résultats concrets pour atteindre l’objectif consistant à atteindre 60% de mise en œuvre du chapitre ethnique d’ici à 2026 », a ajouté M. Ruiz Massieu.
Mme MARCELA SÁNCHEZ, Directrice exécutive de Colombia Diversa, ONG qui œuvre depuis 20 ans pour la défense des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et queer (LGBTQ) en Colombie, a centré son intervention sur l’impact que le conflit dans son pays a eu sur cette communauté. En Colombie, a-t-elle rappelé, les personnes LGBTQ ont longtemps été ciblées pour ce qu’elles sont, tout comme les femmes, en raison de normes patriarcales bien ancrées et d’une discrimination sociale et juridique. Parmi les personnes LGBTQ les plus touchées par la violence, les disparitions et les meurtres figuraient les Afro-Colombiens, les transgenres et les adolescents. En mars 2024, le registre de l’unité des victimes a fait état de 6 000 crimes commis contre des personnes LGBTQ pendant le conflit armé, a précisé l’intervenante, ajoutant que, selon le rapport final de la Commission Vérité, coexistence et non-répétition, ces violences comprenaient des déplacements forcés, l’exil, des violences sexuelles et des meurtres. Regrettant le manque de données précises sur le nombre de victimes LGBTQ et sur les crimes qu’elles ont subis durant le conflit armé, l’intervenante a dit craindre que l’on ne connaisse jamais l’ampleur réelle des violations commises, compte tenu également de la stigmatisation sociale et de la peur des représailles. Alors que de nombreuses personnes LGBTQ qui ont survécu à la violence armée se sont retrouvées sans recours juridique, elle a estimé que ces crimes faisaient partie d’un « schéma de persécution sexiste ».
Constatant que la Colombie reste l’un des pays les plus meurtriers au monde pour les défenseurs des droits des personnes LGBTQ, Mme Sanchez a signalé qu’en 2023, huit d’entre eux ont été tués et que le dernier en date à perdre la vie est le cofondateur de l’association LGBTQ+ Chaparral Diversa, abattu en février dernier à son domicile. Dans près de la moitié de ces cas, les preuves suggèrent que ces défenseurs des droits humains ont été ciblés en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, a-t-elle relevé, avant d’inviter le Conseil de sécurité à agir contre cette violence qui empêche ces défenseurs et d’autres personnes LGBTQ de participer aux efforts de paix et au débat démocratique. Elle a appelé le Conseil à recommander que ces personnes soient impliquées à chaque étape de la consolidation de la paix: négociations, cessez-le-feu, efforts de démobilisation, processus de justice transitionnelle et conception de mesures de réparation. Alors que le Gouvernement colombien se prépare à finaliser son premier plan d’action national sur la résolution 1325 (2000), il est essentiel, selon elle, que les droits des « femmes LBT » soient intégrés et qu’un large éventail d’organisations LGBTQ soient davantage consultées dans sa mise en œuvre.
À cette fin, l’intervenante a également demandé au Conseil d’appeler à la fin de toutes les intimidations, attaques et représailles contre les personnes LGBTQ, les défenseurs des droits humains, les artisans de la paix et les dirigeants de la société civile, et veiller à ce que tous les auteurs soient tenus pour responsables. Elle l’a aussi invité à appeler la Mission de vérification des Nations Unies à donner la priorité aux dispositions de l’accord de paix sur le genre et les chapitres ethniques, ainsi qu’à la centralisation des victimes dans les processus judiciaires. Le Conseil doit par ailleurs exhorter le Gouvernement colombien à inclure l’interdiction de la violence sexuelle liée au conflit et de la violence contre les femmes et les personnes LGBTQ dans tous les futurs accords de cessez-le-feu et dans les négociations avec les groupes armés, a-t-elle ajouté, souhaitant notamment qu’il soutienne le travail de la Juridiction spéciale pour la paix sur les violences sexuelles et reproductives liées aux conflits.
Le représentant du Royaume-Uni a remercié le Gouvernement colombien d’avoir accueilli les membres du Conseil en février dernier afin de constater les progrès et les défis sur le terrain. L’Accord final constitue selon lui une feuille de route pour parvenir à la paix et à la sécurité par le biais de la transformation territoriale. Le délégué a encouragé les autorités colombiennes à tirer pleinement parti de l’architecture de paix de 2016 pour respecter les engagements pris dans l’Accord final. À cet égard, il a considéré la Commission de suivi, de promotion et de vérification de l’Accord final essentielle pour mener à bien ces progrès.
Cependant, a noté le représentant, la violence et la criminalité, dont les meurtres d’anciens combattants et de défenseurs des droits humains, continuent de nuire à la mise en œuvre de l’Accord final. Il a donc appelé le Gouvernement à prendre des mesures urgentes pour remédier à cette situation, en renforçant les mesures de prévention, de protection et de lutte contre l’impunité. La Juridiction spéciale pour la paix a un rôle central à jouer à cet effet, a-t-il rappelé, dans le cadre de l’architecture de justice transitionnelle établie par l’Accord final.
En ce qui concerne les dialogues de paix en cours, le délégué a salué la prolongation du cessez-le-feu avec l’ELN ainsi que les progrès réalisés dans la libération des détenus. Ce groupe doit maintenant respecter ses engagements à protéger les populations civiles et à se conformer au droit international humanitaire. Enfin, le représentant a condamné les récentes attaques perpétrées par le groupe Estado Mayor Central contre des civils et les forces de sécurité.
Le représentant de la Suisse a rappelé que la garantie de justice et de reddition des comptes pour les crimes commis est essentielle au succès du processus de paix, notant que la Juridiction spéciale pour la paix est au cœur de ces efforts. Il a appelé à une coordination renforcée entre les autorités compétentes pour assurer une préparation adéquate à la mise en œuvre de la justice réparatrice avant que les premières peines ne soient prononcées. Il s’est dit préoccupé par la poursuite des violences à l’encontre des groupes marginalisés, en particulier les « peuples indigènes » et les Afro-Colombiens. Il a salué le renouvellement du cessez-le-feu bilatéral provisoire avec l’ELN pour 180 jours, malgré les difficultés rencontrées lors du dernier cycle de négociations. Il a pris note avec inquiétude des récents actes de violence perpétrés par l’EMC FARC-EP, en demandant que l’engagement explicite dudit groupe d’améliorer la protection des civils soit respecté.
Le représentant des États-Unis a salué la poursuite du dialogue entre le Gouvernement colombien et l’ELN, y compris dans le cadre du sixième cycle de pourparlers à Cuba, ainsi que le déploiement par la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie de plus de 100 personnes pour soutenir le mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu bilatéral. Le délégué a encouragé le Gouvernement colombien à continuer de consulter régulièrement les organisations de femmes et LGBTQI+ pour élaborer et mettre pleinement en œuvre le premier plan d’action national pour les femmes et la paix et la sécurité en Colombie, et pour garantir que leurs droits et perspectives soient pleinement intégrés.
Le représentant a condamné les actes de violence meurtriers perpétrés par les FARC-EP les 16 et 17 mars 2024 contre les communautés autochtones de la municipalité de Toribio, et s’est dit très préoccupé par l’intensification de la violence dans des régions telles qu’Antioquia, Cauca, Chocó, Nariño et Putumayo, qui menace particulièrement la sécurité et le développement des communautés autochtones et afro-colombiennes. Dans ce contexte, l’accès humanitaire sans entrave, en particulier pour les organisations de déminage humanitaire, ainsi que la protection des civils, restent d’une importance capitale, a-t-il estimé.
L’ELN, les FARC-EP et la Segunda Marquetalia restent désignées comme organisations terroristes étrangères en vertu de la loi américaine, et ces désignations démontrent la solidarité des États-Unis avec les efforts de la Colombie pour soutenir les victimes dans leur quête de vérité et de justice, a précisé le représentant. Selon lui, les processus de paix passés ont clairement montré qu’une stratégie sécuritaire est essentielle pour faire pression sur les groupes armés illégaux afin qu’ils négocient de bonne foi et éviter l’impunité pour leurs abus.
Le représentant de la Fédération de Russie a salué l’exemple « unique et inspirant » de la Colombie qui a accepté volontairement des obligations « très difficiles » en matière de réconciliation nationale, sous le contrôle du Conseil de sécurité. Le pays a en outre accueilli favorablement la visite des membres du Conseil en février de cette année. Malgré l’engagement des autorités colombiennes en faveur de la pleine mise en œuvre de l’Accord final, la lenteur du processus suscite selon lui « de justes critiques » à l’égard des signataires de l’Accord final. Il a jugé inacceptable la poursuite des attaques menées contre les anciens combattants, qui doivent selon lui bénéficier de garanties de sécurité adéquates afin de retourner à la vie civile.
Toutefois, les dialogues initiés par le Président Petro avec les groupes armés dans le cadre de sa politique de « paix totale » ont rendu le processus de consolidation de la paix dans le pays « plus multiforme et global », a fait valoir le délégué, avant d’appeler à l’élaboration d’une « feuille de route » à cet effet. De plus, a-t-il ajouté, le cessez-le-feu conclu avec l’Armée de libération nationale (ELN) semble fonctionner. Le délégué s’est félicité de la contribution de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie afin de prévenir d’éventuels affrontements entre les parties dans le cadre du mécanisme de surveillance et de vérification de la trêve. Quels que soient les progrès réalisés sur les différentes pistes de négociation, la mise en œuvre de l’Accord final doit rester la priorité inconditionnelle de tous les efforts de consolidation de la paix, a-t-il noté.
La représentante du Guyana, au nom des A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana), a déclaré que la Colombie demeure un exemple positif de résolution d’un conflit par la voie du dialogue. La récente visite du Conseil en Colombie a permis de faire le point sur les défis qui demeurent en ce qui concerne la mise en œuvre de l’accord de paix. Elle a salué les mesures prises afin d’améliorer la participation des organisations afro-colombiennes à la réforme agraire. Elle s’est néanmoins dite préoccupée par le manque de progrès s’agissant du volet ethnique de l’Accord final. Elle a condamné les récents actes de violence perpétrés par l’EMC FARC-EP contre les communautés autochtones ayant conduit à la mort d’un dirigeant autochtone. Elle a salué les progrès accomplis par la Juridiction spéciale pour la paix. Elle a plaidé pour une coordination efficace entre les autorités, la Juridiction et les autres acteurs afin que les peines, qui doivent bientôt être prononcées, soient appliquées. Enfin, elle a condamné le meurtre d’anciens combattants, en notant que 87 d’entre eux ont été tués depuis la signature de l’Accord final alors qu’ils bénéficiaient de mesures de protection.
La représentante de la France a salué l’engagement du Gouvernement colombien à mettre en œuvre de manière intégrale l’accord de paix de 2016 et l’a encouragé à poursuivre sur cette voie pour que cet engagement se traduise par des changements concrets, notamment dans les domaines du développement, de la réforme rurale, de l’accès à la terre et de la justice transitionnelle. Elle s’est également félicitée des efforts déployés par le Gouvernement colombien dans le cadre des négociations avec les groupes armés, voyant dans la prolongation du cessez-le-feu avec l’Armée de libération nationale (ELN) un pas supplémentaire vers la paix en Colombie. Dans l’intérêt des communautés touchées par la violence, les négociations doivent se poursuivre avec le groupe autoproclamé EMC FARC-EP, a-t-elle affirmé, avant de prendre acte des progrès accomplis par la Juridiction spéciale pour la paix. La représentante s’est déclarée convaincue que les premières peines restauratives ouvriront un nouveau chapitre dans le cadre de la réconciliation. Enfin, après avoir souligné le rôle essentiel que joue la Mission de vérification des Nations Unies dans le soutien à la mise en œuvre de l’Accord final, elle a indiqué que la France se tient prête à examiner une extension du mandat de la Mission à la surveillance de la mise en œuvre des engagements pris à l’issue des discussions avec l’EMC FARC-EP.
Le représentant de l’Équateur s’est félicité de la priorité accordée à la mise en œuvre de la réforme rurale, grâce à l’allocation progressive de fonds pour accélérer la mise à disposition de terres et le développement rural dans les régions touchées par la pauvreté et les inégalités. Il a encouragé le Gouvernement à poursuivre ses efforts pour finaliser le tout premier cadastre du pays. Il est en outre primordial de travailler pour accélérer l’exécution du chapitre ethnique, à hauteur d’au moins 60% d’ici à 2026.
Le délégué s’est dit préoccupé par la violence persistante dans les zones rurales, et a jugé crucial que les initiatives de dialogue entre le Gouvernement et les groupes armés progressent pour mettre définitivement un terme à toutes les activités qui menacent la paix en Colombie et dans la région. La violence contre les dirigeants sociaux, en particulier envers les femmes, doit être éradiquée. Et les meurtres de défenseurs des droits humains, de dirigeants autochtones, d’ascendants africains et de paysans doivent faire l’objet d’enquêtes et leurs auteurs être traduits en justice, a-t-il exigé. Le nombre élevé de déplacements forcés touchant de manière disproportionnée les communautés ethniques, qui représentent 67% des personnes touchées, rend la présence de l’État essentielle dans ces zones, a ajouté le délégué.
Le représentant de la République de Corée a déclaré que la visite des membres du Conseil en Colombie a permis de constater que le Gouvernement et le peuple colombiens aspirent sincèrement à la paix au moyen de la mise en œuvre de l’Accord final et de la politique de paix totale. Il a salué la priorité accordée par les autorités colombiennes aux réformes rurales afin de s’attaquer aux causes profondes des problèmes que traverse le pays. Néanmoins, plus de sept ans après la signature de l’Accord final, force est d’admettre que les processus fonciers et la redistribution des terres accusent du retard. Le délégué a estimé que la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie pourrait contribuer à cette approche en fournissant davantage d’informations aux parties prenantes. Selon lui, la Juridiction spéciale pour la paix a un rôle essentiel à jouer pour mettre en œuvre l’Accord final. En dépit des progrès réalisés, le représentant s’est inquiété des tensions entre la Juridiction et les anciens leaders des FARC, tout en insistant sur l’importance de mettre en œuvre la justice transitionnelle malgré les obstacles.
La représentante du Japon a appuyé l’engagement de la Colombie en faveur d’une « paix totale » sur la base du concept de « sécurité humaine », qui plaide pour la protection et l’inclusion de tous les individus. Elle s’est félicitée des progrès enregistrés par la Juridiction spéciale pour la paix, avant de saluer la bonne mise en œuvre du plan d’action national au titre du programme pour les femmes et la paix et la sécurité. Elle a salué l’entame d’un processus de dialogue de paix entre le Gouvernement et Segunda Marquetalia, ainsi que l’extension de l’accord de cessez-le-feu signé avec l’ELN. Enfin, elle a salué le soutien apporté par la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie aux efforts de paix.
La représentante de la Slovénie s’est dite rassurée, après la visite du Conseil de sécurité en Colombie le mois dernier, par l’engagement du Gouvernement à mettre en œuvre l’accord de paix final et à parvenir à une paix globale et inclusive dans le pays. Elle a salué en particulier les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la réforme rurale globale, qui constitue selon elle un aspect fondamental de l’Accord final. Elle s’est en revanche déclarée préoccupée par l’augmentation signalée des violations graves contre les enfants, notamment leur recrutement et leur utilisation par des groupes armés. Appelant à la cessation immédiate de toutes les violences contre la population civile, y compris les formes de violence sexuelle et sexiste, elle a souligné la nécessité de mesures urgentes pour protéger les communautés autochtones et afro-colombiennes, ainsi que les groupes vulnérables tels que les femmes, les enfants, les personnes LGBTQ+, les défenseurs des droits humains, les artisans de la paix et les dirigeants de la société civile.
Pour la représentante, le cessez-le-feu doit être complété par des mesures concrètes qui bénéficieront aux communautés, en particulier les populations rurales qui continuent de souffrir de manière disproportionnée des conflits et des écarts de développement. Dans cette optique de renforcement de la présence intégrée de l’État, elle a salué les efforts déployés par le Gouvernement pour faire progresser les initiatives de dialogue dans le cadre de sa politique de paix totale. À ses yeux, l’annonce du plus long cessez-le-feu jamais enregistré avec l’ELN marque un pas important dans la bonne direction. S’agissant enfin du travail effectué par la Juridiction spéciale pour la paix, elle a encouragé le Gouvernement à soutenir ce mécanisme de justice transitionnelle, notamment dans ses poursuites des cas de violence sexuelle et fondée sur le genre. Sans justice, aucune paix ne peut être véritablement durable, a-t-elle conclu.
Le représentant de la Chine a déclaré que la visite du Conseil en Colombie a permis de constater les progrès importants réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord final, ainsi que les difficultés qui subsistent. La communauté internationale et le Conseil doivent saisir l’occasion de cette visite pour faire le bilan de la consolidation du processus de paix en Colombie à la lumière des dernières évolutions sur le terrain. À cette fin, nous devons promouvoir le développement national et œuvrer à une paix durable, a-t-il argué, tout en relevant le manque de progrès dans la réforme des zones rurales, la redistribution des terres et la réintégration des anciens combattants. Il a exprimé l’espoir que la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie saura apporter un appui adéquat à cet égard.
Le délégué s’est par ailleurs félicité de la prolongation du cessez-le-feu entre le Gouvernement et l’ELN, dans l’attente de progrès lors de la septième série de négociations entre les deux parties. Face aux violences qui se poursuivent dans certaines régions du pays, il a jugé fondamental de mettre en place un environnement sûr, susceptible d’accroître la confiance de la population dans le processus de paix, par le biais notamment de la Juridiction spéciale pour la paix.
La représentante de Malte a plaidé pour une mise en œuvre renforcée de l’Accord final au moyen de mesures concrètes sur le terrain aboutissant à des résultats tangibles et transformateurs. Elle a salué les pourparlers de paix en cours avec l’ELN. Toutes les parties doivent renforcer leurs engagements en faveur de la protection des civils, y compris les enfants, a dit la déléguée, en plaidant pour le renforcement de la présence de l’État sur tout le territoire colombien. Elle a rappelé que 1 200 défenseurs des droits humains et responsables communautaires ont été tués depuis 2016, dont 150 en 2023. Elle a souhaité que des progrès seront accomplis en ce qui concerne le premier plan d’action national de la Colombie au titre du programme pour les femmes et la paix et la sécurité. Enfin, elle a salué les progrès engrangés par la Juridiction spéciale pour la paix.
M. LUIS GILBERTO MURILLO URRUTIA, Ministre des affaires étrangères de la Colombie, a déclaré venir au Conseil de sécurité « pour parler de paix et non de guerre ». Saluant le soutien unanime de la communauté internationale à la politique de paix totale de son gouvernement, illustré par la visite des membres du Conseil en février, il a rappelé que, ce 9 avril, la Colombie célèbre la Journée nationale de mémoire et de solidarité avec les victimes du conflit armé interne. Selon lui, la meilleure façon de rendre leur dignité aux victimes est de surmonter le conflit et de construire une Colombie pacifique, qui permette d’obtenir l’égalité des chances pour l’ensemble de la population, en particulier dans les régions les plus touchées par le conflit armé. Insistant sur la diversité sociale et linguistique des territoires de son pays, le Ministre a souligné l’importance du chapitre ethnique de l’Accord final. Il s’est ainsi réjoui que les membres du Conseil aient pu découvrir un espace territorial de formation et de réinsertion à Caquetá et partager avec les communautés de la côte Pacifique. Dans ces territoires où des affrontements armés ont eu lieu, la paix et l’espoir sont désormais en train de se construire, a-t-il souligné.
Concernant la mise en œuvre de l’accord de paix de 2016, le Ministre a fait état de « progrès décisifs ». Depuis notre arrivée au pouvoir, s’est-il enorgueilli, nous avons acquis 157 191 hectares de terres pour les victimes et nous avons formalisé 808 815 hectares de terres pour les paysans, ainsi que les communautés autochtones et afro-descendantes. Récemment, a-t-il poursuivi, le Gouvernement a alloué 450 milliards de pesos, soit 3,7 millions de dollars, à la Juridiction spéciale pour la paix afin de renforcer son mandat consistant à rendre la justice, clarifier la vérité et indemniser les victimes. Ces actions visent à répondre aux lignes directrices établies dans l’Accord final, mais aussi dans le plan national de développement et la politique de paix totale, a-t-il expliqué. Parmi les nombreux défis qu’il reste à relever pour parvenir à la pleine mise en œuvre de l’Accord final, il a cité les garanties de sécurité pour les anciens combattants, les dirigeants sociaux, les femmes et les communautés autochtones et afro-colombiennes. Il a ensuite proposé au Conseil d’inviter désormais les signataires de la paix en tant que parties contractantes de l’Accord final en Colombie.