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Conférence sur l’eau: les intervenants au troisième débat interactif plaident pour des solutions fondées sur la nature et des systèmes d’alerte précoce renforcés

Conférence des Nations Unies sur l’eau,
Table ronde # 3 - matin
ENV/DEV/2055

Conférence sur l’eau: les intervenants au troisième débat interactif plaident pour des solutions fondées sur la nature et des systèmes d’alerte précoce renforcés

Lors du dialogue interactif sur le thème « L’eau pour le climat, la résilience et l’environnement: de la source à la mer, biodiversité, climat, résilience et réduction des risques de catastrophe », les États Membres, les agences onusiennes et la société civile ont jugé nécessaire de privilégier des solutions fondées sur la nature pour changer la donne dans un contexte d’insécurité hydrique croissante et en vue de réaliser dans les temps l’ODD 6 (objectif du développement durable sur l’eau propre et l’assainissement).  Ils ont également appuyé l’Initiative sur les systèmes d’alerte précoce aux risques climatiques (CREWS).

Les intervenants, réaffirmant que l’eau est essentielle à la vie des populations et de la planète, ont également plaidé pour des investissements accrus dans les infrastructures vertes et grises afin de répondre ensemble aux enjeux d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques liés à l’eau.  En outre, il a été souligné que l’ONU doit, en vue de la COP28, davantage « parler de l’eau », la France recommandant la nomination d’un envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU sur cette question afin d’en rationaliser la gouvernance.  La France a aussi préconisé que l’eau soit intégrée à la finance-climat, privée et publique, les ressources hydriques devant être déclarées « patrimoine commun à défendre et protéger ».  Concernant la réduction des risques de catastrophes naturelles liés à l’eau, l’Organisation météorologiques mondiale (OMM) a mis l’accent sur la nécessité de parvenir au cours des cinq prochaines années à une couverture planétaire de systèmes d’alerte précoce.  La société civile, de son côté, a plaidé pour une préservation des écosystèmes à l’aide de l’eau et pour une plus large participation des communautés à la réalisation « inclusive » du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Lançant la discussion, M. Hani Sewilam, Ministre des ressources en eau et de l’irrigation de l’Égypte, Coprésident de la séance, a souligné combien il est nécessaire lors de réunions de ce type de sensibiliser l’opinion mondiale à l’état critique des ressources hydriques.  Cette situation entraîne des retards dans la mise en œuvre de l’ODD 6, ODD sans lequel le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ne pourra pas être parachevé, a-t-il prévenu.  Pour le Ministre égyptien, il faut aujourd’hui plus que jamais assurer la sécurité hydrique pour garantir le droit à la vie, à la santé et à des conditions de vie décentes.  À cet égard, il a appelé à des changements profonds dans les politiques publiques de gestion de l’eau « pour utiliser à bon escient les ressources hydriques existantes et protéger la totalité des flux environnementaux ».  Il a également attiré l’attention sur le projet AWARe lancé par la présidence égyptienne de la COP27 pour aborder la sécurité de l’eau dans le cadre de l’adaptation aux changements climatiques.  « J’attends avec intérêt d’entendre vos réussites en matière de gestion de l’eau pour la résilience et j’attends aussi de vous que vous formuliez ou réaffirmiez vos engagements liés à l’eau ».

Le Japon est humide et l’Égypte aride, a poursuivi l’Envoyée spéciale du Premier Ministre du Japon et Coprésidente de la discussion, mais cela ne nous empêche pas de souffrir de pénuries d’eau également.  Mme Yoko Kamikawa a plaidé pour l’établissement d’un cadre de discussion global où générer des résultats axés sur l’action et le partage d’expériences.  Une vague de résilience, telle doit être notre ambition, a-t-elle lancé.  Il faut imaginer des solutions innovantes et créatrices pour sensibiliser aux risques, trouver des financements destinés à équilibrer les infrastructures vertes et grises et nouer des partenariats multipartites efficients.  À chacune de ces étapes, nous devons pouvoir nous appuyer sur des données scientifiques évaluées, servant de base pour développer des systèmes d’alerte rapide et des solutions pérennes d’atténuation des effets des changements climatiques, a également déclaré Mme Kamikawa.  « L’eau étant un socle de paix, je suis convaincue qu’ensemble, forces des secteurs privé et public et simples citoyens, nous pouvons changer la donne ».

M. David Cooper, Secrétaire exécutif par intérim du Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique et modérateur du débat, a rappelé que dans son rapport publié cette semaine, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) adresse un dernier avertissement à l’humanité, à savoir qu’il ne lui reste qu’une décennie pour agir et éviter les pires effets des changements climatiques.  Ceux-ci se font déjà sentir dans le cycle de l’eau caractérisé par les sécheresses, les tempêtes et les inondations, qui mettent en péril la sécurité alimentaire et détruisent des vies.  Ces catastrophes sont à ses yeux le résultat des changements climatiques mais aussi de la destruction des écosystèmes, de la déforestation, et de l’utilisation excessive des eaux.  Une telle dégradation entrave la capacité des écosystèmes à s’adapter aux changements climatiques et à les atténuer, a expliqué M. Cooper, ce qui menace la biodiversité des cours d’eau.  Toutefois, le Cadre mondial de Kunming-Montréal pour la biodiversité, adopté en décembre dernier, esquisse une voie claire à suivre pour renverser ces tendances.  Selon lui, nous devons agir aujourd’hui pour obtenir des résultats avant 2030.

À son tour, M. János Áder, ancien Président de la Hongrie, membre des Water and Climate Leaders, ancien membre du Groupe de haut niveau sur l’eau, a relevé que concevoir et entretenir des infrastructures hydriques représente un défi même pour les pays développés.  Le Ghana, a-t-il mentionné, s’est inspiré de solutions mises en avant lors de conférences sur l’eau présentées en Hongrie.  S’agissant des expériences de financement de construction de nouvelles stations d’épuration, il a estimé qu’un investissement de 5 ou 6 milliards de dollars par an pendant 15 ou 20 ans permettrait d’assurer l’assainissement de l’ensemble de l’Afrique tout en protégeant l’environnement et la biodiversité.  S’il est impossible de mobiliser un tel montant, nous devrions mettre un terme à toutes ces « nobles conférences » et rentrer chez nous, a-t-il tranché ; si au contraire une telle mobilisation est possible, alors les parties prenantes se doivent d’agir dès aujourd’hui.

« Dans un contexte de pression des ressources hydriques et d’explosion du coût de l’énergie », M. Senzo Mchunu, Ministre de l’eau et de l’assainissement de l’Afrique du Sud, a souligné l’importance de mettre en place des services liés à l’eau organisés de manière professionnelle et efficace.  Ce n’est que comme cela que nous pourrons continuer à répondre à la demande en eau, a-t-il assuré. « L’environnement fiscal tendu de nos pays rend difficile en effet de répondre aux exigences de développement des infrastructures de fourniture et de distribution de l’eau, d’où l’importance des partenariats multipartites dans le secteur hydrique dont a parlé la Coprésidente ».  Pour le Ministre sud-africain, des financements de taille sont nécessaires si l’on veut atteindre les ODD, et « nos populations devront utiliser l’eau de manière plus parcimonieuse dans un contexte de raréfaction de la ressource ».

Mme Mariam bint Mohammed Almheiri, Ministre des changements climatiques et de l’environnement des Émirats arabes unis, a témoigné que les investissements massifs de son pays dans le traitement des eaux et la production agricole avaient produit des solutions, réservées au départ pour des régions désertiques, reprises par des pays d’autres régions.  Elle s’est engagée à faire part de ses expériences aux participants.  La COP28 se concentrera sur la gestion durable des ressources hydriques, a-t-elle indiqué, rappelant l’importance de trouver des solutions fondées sur la nature pour entreprendre la restauration vitale des fleuves, des océans et des zones humides.  Les pays vulnérables et fragiles espèrent des investissements accrus dans les systèmes hydriques, comme l’a dit notre collègue sud-africain, a appuyé la Ministre, qui a souligné la pertinence de systèmes d’alerte précoce à faibles coûts et à haut rendement pour générer des données fiables et exploitables sur le lien entre eau et changements climatiques.

Dans la première partie de la discussion, le Portugal et l’Espagne ont confirmé l’importance de réduire la pollution de l’eau et de réfléchir à de nouvelles formes de traitement des eaux usées cela « pour le bien être, la santé publique, la sécurité et la protection environnementale ».  Les deux voisins européens ont évoqué une coalition mondiale en matière d’assainissement, agrée lors de la COP27 en vue d’accélérer la mise en œuvre de l’ODD 6.  La nécessité de mutualiser les alliances pour la résilience face aux sécheresses, par le biais notamment de la numérisation des données relatives au cycle et à la gestion de l’eau, a également été soulignée.  « Comprendre les risques mais aussi les opportunités pour un développement plus résilient lié à l’eau implique de se fonder sur la responsabilité de ne laisser aucun écosystème et aucune communauté de côté », ont renchéri de leur côté les Philippines.

Sur ce segment, la société civile, par la voix du réseau HELP, a mis l’accent sur le fait que bâtir des sociétés durables, résilientes et inclusives exigent que les États investissent sans tarder dans les services d’information hydrologiques mondiaux de demain.  À cet égard, les agences onusiennes ont, comme le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), rappelé qu’elles se tiennent prêtes à aider les États Membres dans l’organisation de leurs dispositifs de protection des systèmes hydriques axés sur la préservation des écosystèmes marins et d’eau douce « compte tenu de leur utilité dans les mécanismes d’adaptation et d’atténuation aux changements climatiques ».  Sur ce dernier point, il a été répété par la Ministre du Japon et l’Union européenne que si l’objectif est de bâtir des sociétés résilientes, il faut mettre à l’épreuve les politiques et solutions à la lumière de la vulnérabilité hydrique.  Dans cette perspective, les solutions fondées sur la nature -protéger et restaurer les écosystèmes et les paysages– peuvent, face à un environnement lourd de menaces, contribuer ensemble à l’adaptation et à l’atténuation.  « La CNUCC appelle tous les pays à galvaniser leurs ressources techniques ou autres à l’appui de ses efforts », a appuyé Le représentant de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.

Les Coprésidents égyptien et japonais de la discussion ont en outre appelé à accroître l’investissement dans les infrastructures vertes et grises pour de nouveau renforcer parallèlement adaptation et atténuation, lesquelles doivent être les piliers des sociétés inclusives futures.  L’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources a aussi défendu les solutions fondées sur la nature.  Leur mise en œuvre doit passer par l’implication de toutes les parties prenantes, « celles qui détiennent terres et eaux, celles touchées par les changements climatiques et mêmes celles à l’origine de la dégradation des systèmes naturels », pour devenir des vecteurs de changement des comportements. 

Concernant la résilience aux catastrophes hydriques et la conservation de la biodiversité, la France et les États-Unis ont rappelé que 9 catastrophes sur 10 sont liées à l’eau et que, à cette aune, l’action prioritaire repose sur le développement rapide de systèmes d’alerte précoce.  La moitié des pays les moins avancés (PMA) en sont dépourvus, a souligné la France, qui a soutenu pleinement l’ambition du Secrétaire général, à travers l’Initiative sur les systèmes d'alerte précoce aux risques climatique (CREWS), de parvenir à une couverture universelle dans les cinq prochaines années, l’accent étant mis sur les PMA et les petits États insulaires en développement (PEID).  L’Initiative CREWS a déjà mobilisé 100 millions de dollars depuis 2015 et permis le lancement de projets dans plus de 75 pays vulnérables, a-t-il été dit.  À cet égard, le Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes a appelé les États Membres à financer ladite Initiative.

L’Organisation météorologique mondiale (OMM)a également attiré l’attention sur les programmes de développement des systèmes d’alerte adoptés lors de la COP27 et qui nécessiteront l’injection de 3,5 millions de dollars par an au cours des cinq prochaines années.  À terme, la couverture universelle offrira un réseau mondial partagé de surveillance hydrologique renforcée et améliorera la disponibilité des données hydriques et hydrologiques. 

Face à une gouvernance mondiale de l’eau trop « éclatée », la France a donc réclamé la nomination d’un envoyé spécial sur l’eau rattaché au Secrétaire général « pour enclencher une dynamique de mobilisation des États en vue de construire une vision partagée et de réunir les conditions de sa mise en œuvre ».  Autres acteurs majeurs du climat, la Chine s’est toutefois contentée de préconiser sur le plan juridique la promotion de normes de protection face aux inondations et le renforcement de la sécurité des locaux des infrastructures hydriques, tandis que le Brésil a réaffirmé l’engagement « zéro déboisement » du nouveau Gouvernement.

D’autres États Membres ont pris part à ce débat interactif: Madagascar, la Jamaïque, les Îles Salomon, le Laos, la Slovaquie, la Grèce, les Fidji, l’Ouganda, le Mexique, la Suède, le Royaume-Uni, la Türkiye, la Russie, Malte, les Pays-Bas, l’Iraq, la Slovénie et le Chili.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conférence sur l’eau: le quatrième dialogue interactif invoque la coopération transfrontalière et la diplomatie pour une utilisation équitable de l’eau

Conférence des Nations Unies sur l’eau
Table ronde # 4 - après-midi
ENV/DEV/2056

Conférence sur l’eau: le quatrième dialogue interactif invoque la coopération transfrontalière et la diplomatie pour une utilisation équitable de l’eau

Seule une coopération transfrontalière étroite entre pays riverains peut assurer une gestion durable et équitable de l’eau, ont fait valoir, cet après-midi, les participants au quatrième dialogue interactif de la Conférence des Nations Unies sur l’eau.  Les délégations ont profité des discussions sur le thème « L’eau pour la coopération: coopération transfrontalière et internationale dans le domaine de l’eau, coopération intersectorielle, y compris la coopération scientifique, et place de l’eau dans le Programme 2030 » pour faire le point sur les instruments bilatéraux et multilatéraux mis en place afin d’assurer le dialogue, le partage des ressources et le renforcement des capacités nécessaires à une coopération transfrontalière réussie. 

Le Ministre de l’eau et de l’assainissement du Sénégal, M. Serigne Mbaye Thiam, a ouvert la séance en notant le « paradoxe » de l’eau, ressource « à la fois rare et abondante », inégalement répartie entre les États et les peuples.  Les changements climatiques, la démographie galopante et la consommation effrénée de l’agriculture et l’industrie risquent cependant de mener à des conflits liés à l’eau alors que plus du tiers des 270 fleuves et lacs transfrontaliers dans le monde ne disposent pas de cadres de coopération.  Le Ministre a appelé à l’établissement de tels cadres et à l’adoption d’instruments susceptibles de renforcer le rôle de « l’hydro-diplomatie » et des organismes de bassin dans la coopération transfrontalière et la prévention des crises.  C’est dans cette optique que le Sénégal a fait inscrire, en 2016, la thématique « eau, paix, sécurité » au programme du Conseil de sécurité.  Il fait également partie de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) et de l’Organisation de mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG), dont les membres ont réalisé des infrastructures et des programmes communs de développement.  Il s’agit là, selon le Ministre, d’un exemple du potentiel de transformation structurelle de la coopération pour les populations qui dépendent des cours d’eau pour leur subsistance.  De même, la Déclaration de Dakar et le Plan d’action des bassins des fleuves, des lacs et des aquifères, lancés lors du neuvième Forum mondial de l’eau à Dakar, en 2022, proposent des mesures concrètes pour faire de l’eau un « trait d’union entre les peuples ».

Les eaux transfrontalières représentent en effet 60% des flux d’eau douce dans le monde, dont dépendent plus de trois milliards de personnes, a observé M. Christian Frutiger, Secrétaire d’État au Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse.  « Dans ces zones frontières, l’eau est à la fois source de vie, et source de tensions », a-t-il relevé, en évoquant « l’un des défis géopolitiques majeurs de notre siècle ».  L’essor démographique et les risques climatiques font en sorte que les conflits liés à l’eau risquent de se multiplier, a-t-il prévenu, en ajoutant qu’une bonne gouvernance de cet « or bleu » peut atténuer ces risques.  Il a cité l’exemple de son pays, « château d’eau de l’Europe » qui partage six cours d’eau et quatre lacs avec ses voisins français, allemand, italien et autrichien.  Toutefois, a-t-il reconnu, le contexte géopolitique n’est pas toujours propice au dialogue entre les États.  Le Secrétaire d’État s’est dit convaincu que la coopération transfrontalière doit inclure la société civile et le secteur privé.

La coopération sur l’eau entre les pays, les secteurs et les communautés scientifiques est en effet fondamentale pour parvenir à la sécurité hydrique, en particulier dans les régions où l’eau se fait rare, a approuvé Mme Rola Dashti, Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO).  La raréfaction de l’eau a une incidence sur la sécurité alimentaire et sur l’économie, mais elle menace aussi la santé, la paix, la sécurité et la stabilité, a-t-elle ajouté.  La diplomatie de l’eau et la coopération sont donc d’autant plus importantes.

M. Tran Hong Ha, Vice-Premier Ministre du Viet Nam, a rappelé que 60% des eaux du Viet Nam découlent d’eaux transfrontières, et que 40% de la population mondiale vit dans des bassins de ce type.  L’eau étant notre ciment commun, il faut considérer ces rivières comme des entités à part entière, en amont et en aval, de la source à la mer.  À cette fin, il a appelé à une gestion collective des différents bassins transfrontières et autres bassins versants.  « Nous pourrions nous inspirer à l’ONU du cadre de gouvernance en vigueur pour le bassin du Mékong », a-t-il proposé avant de souligner l’importance de mieux structurer les organisations et agences de l’eau et d’avoir des engagements financiers à la hauteur des défis.  « Les actions doivent viser en même temps le bien-être des populations et la protection des écosystèmes. »

Les progrès en matière de coopération dans le domaine de l’eau transfrontalière sont sur la mauvaise voie, a reconnu Mme Olga Algayerova, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Europe (CEE), alors que seuls les bassins transfrontaliers de 24 pays font l’objet d’accords opérationnels.  Le manque de coopération sur les eaux partagées entrave la réalisation des objectifs de développement durable et engendre des risques de conflits.  Pour y remédier, la Secrétaire exécutive a invité les États Membres à tirer pleinement parti des instruments juridiques existants, en particulier des deux conventions mondiales des Nations Unies sur l’eau.  La Convention sur l’eau fournit selon elle un cadre juridique permettant de soutenir l’élaboration d’accords dans différents contextes, même si le manque de financement et de capacité de certains pays constitue un obstacle majeur à l’avancement de la coopération.  Les changements climatiques affectent gravement les bassins transfrontaliers, a-t-elle noté, en mettant en garde contre l’adoption de mesures d’adaptation unilatérales susceptibles d’accroitre les tensions. 

Le Secrétaire général de l’Organisation de développement du bassin du fleuve Gambie, M. Daouda Samba Sow, a expliqué que les programmes de développement portés par l’Organisation sont axés sur la gestion intégrée des ressources en eau et la préservation de l’environnement des bassins sous sa juridiction.  L’Organisation coordonne trois bassins transfrontaliers occupant des espaces distincts, et ses 44 ans de coopération non conflictuelle entre les États de l’Afrique de l’Ouest riverains qui en sont membres résument son importance politique ainsi qu’en termes de développement durable et de stabilité autour du fleuve Gambie, a souligné M. Sow.

Lors du dialogue interactif qui a suivi ces exposés, le Conseiller politique principal du Geneva Water Hub, Président du Club de Madrid et ancien Président de la Slovénie, M. Danilo Türk, a estimé que la mise en place de cadres juridiques est essentielle pour assurer la gouvernance et resserrer la coopération concernant les eaux transfrontières.  « La coopération dans le domaine de l’eau est un élément structurant de la paix », a-t-il assuré.

L’existence d’accords juridiques entre États partageant des bassins fluviaux et des aquifères transfrontaliers renforce la coopération en matière de planification et de gestion et permet de faire face à la pression démographique croissante sur l’eau, a considéré le Portugal, rejoint par le Bangladesh, ce qui contribue à la paix et à la stabilité régionales.

L’Égypte a toujours défendu le dialogue entre les neuf pays du bassin du Nil afin de gérer les ressources hydriques sur la base de l’avantage commun, a déclaré son représentant, avant de dénoncer les actions unilatérales prises par l’Éthiopie pour construire un barrage sur le fleuve, « au mépris du droit international ».  Le Mozambique, qui se trouve comme l’Égypte en aval du bassin de rivières, a expliqué demeurer dépendant des flux en amont et devoir adopter des politiques permettant d’assurer son développement.  Lorsque qu’un conflit éclate, le risque de voir cesser la coopération hydrique grimpe en flèche, a confirmé le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), d’où l’importance d’assurer l’accès à l’eau à tous les niveaux.  Dans un milieu fragmenté, l’eau peut cependant être un « ciment » permettant de protéger les ressources et les infrastructures hydriques tout en assurant le respect du droit international humanitaire.

Le monde n’est pas sur une bonne trajectoire pour mettre en œuvre une gestion intégrée des eaux transfrontalières, s’est inquiété le Président de l’Iraq, M. Abdel Latif Rachid.  Son pays fait face à une crise hydrique « très grave » alors que le débit de l’Euphrate continue de baisser, asséchant des sites inscrits au patrimoine de l’UNESCO et réduisant la quantité d’eau potable disponible.  Les changements climatiques accélèrent la crise mondiale de l’eau et la nécessité de nous adapter pour y faire face, a souligné à son tour l’Ouzbékistan, en réitérant son engagement à promouvoir l’agriculture novatrice et l’innovation écologique afin de restaurer les écosystèmes de la mer d’Aral, au moyen notamment d’un premier sommet culturel pour l’Aral.  Pays également enclavé, le Luxembourg a expliqué qu’il se doit de coopérer avec ses voisins dans le domaine de l’eau, « qui ne connaît pas de frontière  », une situation facilitée par l’existence d’un cadre règlementaire adapté en tant que membre de l’Union européenne.

M. Hasan Nasir Jamy, Vice-Ministre et Secrétaire du Ministère des ressources hydriques du Pakistan, a prédit que l’augmentation rapide de la population combinée aux changements climatiques accélérera d’ici à 2025 la transition vers un « monde de stress hydrique », comme l’ont démontré les récentes inondations dévastatrices dans son pays.  À cet égard, le Secrétariat international de l’eau a mis en garde contre les « coûts » financiers et environnementaux de l’inaction.  Encore faut-il posséder une conception commune de la coopération transfrontalière de l’eau, a fait remarquer M. Ahmet Mete Saatçi, professeur émérite et membre du Conseil mondial de l’eau de la Türkiye.  À son sens, la coopération doit reposer sur le partage des avantages, la réciprocité, la bonne volonté et la volonté politique.  Il a établi un parallèle avec la convergence de la science et de la politique qui a marqué la coopération dans la lutte contre la pandémie de COVID-19.

Le Panama a cependant fait valoir que des preuves scientifiques sont nécessaires pour adopter des politiques publiques ciblées et faire en sorte que les engagements volontaires pris par les États désireux de devenir parties à la Convention des Nations Unies sur l’eau soient respectés.  Un appel entendu par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) qui entend diffuser les connaissances permettant de mettre en œuvre les services hydriques transfrontières, une « révolution » qui doit s’inscrire dans le cadre du programme d’action sur l’eau.

La plupart des ressources naturelles de l’Amérique du Sud sont partagées entre deux ou plusieurs États, a informé Mme Maria Gwynn, du Paraguay, maître de conférences et chercheuse à l’Institut de droit international public de l’Université de Bonn, pour qui la coopération est seule à même d’assurer une utilisation durable et équitable de l’eau transfrontalière.  Elle a cité l’exemple de la crise hydrologique de 2020-2021, qui a d’abord provoqué des tensions entre les États riverains, avant de mener au dialogue et au partage d’informations.  Dans les Amériques, plus de 160 projets d’une valeur de près d’un milliard de dollars ont été mobilisés par l’Organisation des États américains (OEA) pour faire de l’eau un vecteur d’intégration entre les pays qui partagent des eaux de surface et des eaux souterraines, en vue d’adopter une approche intégrée au niveau des bassins et de coordonner les relations entre les gouvernements et les institutions.  La Banque mondiale et ses partenaires ont aussi débloqué depuis 2000 plus de 1,1 milliard de dollars pour soutenir les activités de coopération transfrontière.  La Banque a annoncé qu’elle mènera à compter de demain des consultations avec les États Membres sur l’éventualité de créer un centre mondial pour la coopération transfrontière hydrique.

Enfin, pour le Secrétaire d’État au Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, la nomination d’un envoyé spécial des Nations Unies pour l’eau permettrait de mobiliser l’ensemble de la communauté internationale sur cette question névralgique et de l’inscrire parmi les priorités de l’Organisation pour les années à venir.

Le cinquième dialogue interactif de la Conférence des Nations Unies sur l’eau aura lieu demain, vendredi 24 mars, à 10 heures.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité: le Comité 1540 chargé de barrer l’accès des acteurs non étatiques aux armes de destruction massive décrit « une œuvre de longue haleine »

9293e séance – après-midi
CS/15241

Le Conseil de sécurité: le Comité 1540 chargé de barrer l’accès des acteurs non étatiques aux armes de destruction massive décrit « une œuvre de longue haleine »

Le Conseil de sécurité a entendu, cet après-midi, le Président du Comité établi en application de la résolution 1540 (2004) –le « Comité 1540 »- s’exprimer à propos de la mise en œuvre de ce texte qui vise à empêcher que des acteurs non étatiques ne mettent la main sur des armes de destruction massive, notamment à des fins terroristes.  Les délégations ont fait des propositions en vue d’une meilleure mise en œuvre.

Adoptée à l’unanimité le 28 avril 2004 par le Conseil de sécurité en vertu du Chapitre VII de la Charte, la résolution 1540 (2004) affirme que la prolifération des armes nucléaires, chimiques et biologiques et de leurs vecteurs constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales.  Elle décide que les États doivent, entre autres, s’abstenir d’apporter un appui, quelle qu’en soit la forme, à des acteurs non étatiques qui pourraient mettre au point, se procurer, fabriquer, posséder, transporter, transférer ou utiliser des armes nucléaires, chimiques ou biologiques ou leurs vecteurs. 

« L’application intégrale de cette résolution, qui est le pilier majeur de l’architecture internationale de non-prolifération, reste une œuvre de longue haleine, même si des progrès tangibles ont été accomplis », a reconnu le Président du Comité 1540, l’Ambassadeur de l’Équateur Hérnan Pérez Loose, tout en se félicitant que le mandat du Comité ait été prorogé pour 10 années supplémentaires le 30 novembre dernier.

M. Pérez Loose a précisé que huit États Membres n’ont pas encore fourni de rapport initial en vertu de cette résolution, les 185 autres l’ayant fait.  Il a insisté sur la nécessité d’un échange des bonnes pratiques entre États, y compris par le biais d’examens volontaires nationaux.  Le Comité joue un rôle important dans l’appui apporté en vue de l’application de la résolution, a-t-il conclu.

« Le Comité 1540 doit conserver sa capacité à faire face aux évolutions en matière de prolifération des armes de destruction massive afin que les cadres de régulation des États demeurent adaptés aux risques », a déclaré le représentant de la France, en regrettant le désaccord sur certaines lignes directrices encadrant le rôle du Groupe d’experts.  Ce groupe devrait disposer d’un mandat lui permettant de proposer, sur la base du volontariat des États, son assistance quand cela est nécessaire, a poursuivi le représentant de la France, qui a également plaidé pour un approfondissement de la coopération avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ou encore l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).

L’élément clef des travaux du Comité et de son groupe d’experts doit être son attitude respectueuse envers tous les États Membres, a souligné la Fédération de Russie. « Laissons de côté les mentalités et comportements datant de l’époque de la guerre froide et renforçons la coopération », a enfin lancé la Chine, dont le représentant a appelé au retour de l’alliance AUKUS, estimant que les accords visant à acquérir des sous-marins nucléaires portent atteinte au régime de non-prolifération.

De son côté, la Suisse a salué la décision du Conseil d’élaborer un programme pluriannuel de sensibilisation à l’intention des États autour de cette résolution, tandis que Malte souhaitait un rôle accru pour la société civile.  La résolution 1540 ne devrait pas empêcher ceux qui veulent acquérir des technologies à des fins pacifiques de le faire, a déclaré le représentant du Brésil.

NON-PROLIFÉRATION DES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE

M. HÉRNAN PÉREZ LOOSE, Président du Comité établi en application de la résolution 1540 (2004), a déclaré que la résolution 1540 (2004) est un pilier majeur de l’architecture internationale de non-prolifération, visant à empêcher que des acteurs non étatiques ne mettent la main sur des armes de destruction massive, notamment à des fins terroristes.  L’application intégrale de la résolution reste une œuvre de longue haleine, même si des progrès tangibles ont été accomplis, a dit le Président.  Il a rappelé qu’en vertu de la résolution 2663 (2022) adoptée en novembre dernier, le mandat du Comité a été prorogé pour 10 années supplémentaires.  Il a précisé que huit États n’ont pas encore fourni de rapport initial, 185 autres l’ayant en revanche fait.  Il a insisté sur la nécessité d’un échange des bonnes pratiques dans ce domaine, y compris par le biais d’examens volontaires nationaux. 

Le Comité jour un rôle important dans la facilitation de l’assistance apportée aux États Membres en vue de l’application de la résolution précitée.  Le Comité a reçu en 2022 des demandes d’appui technique et financier pour des événements nationaux, de Madagascar à la Sierra Leone.  Le Président a assuré que le Comité, avec l’appui du Groupe d’experts, continuera de se rendre dans des pays, à leur invitation, afin de discuter de leurs plans nationaux.  Le Comité continuera ses efforts de sensibilisation et d’amélioration de la transparence de ses activités.  Enfin, le Président a mentionné le vingtième programme de travail de son comité pour la période du 1er février 2023 au 31 janvier 2024 qui comprend toute une série d’activités en appui à la pleine mise en œuvre de la résolution 1540.

M. ANDRIS STASTOLI (Albanie) a noté que l’année 2022 avait été « dynamique » pour le Comité 1540, qui a pu examiner l’ensemble de la résolution 1540 (2004).  Il s’est également félicité de l’adoption à l’unanimité de la résolution 2663 (2022) qui proroge le mandat du Comité jusqu’en 2032.  Selon le représentant, l’examen complet de la résolution 1540 (2004) a permis de conclure que de grandes avancées ont été réalisées dans son application.  De plus, 185 États Membres sur 193 ont présenté leur rapport initial sur l’application de cette résolution, a-t-il applaudi, avant de réaffirmer le rôle moteur du Comité pour aider les États à s’acquitter de leurs obligations au titre de la résolution.  Constatant que la détention d’armes de destruction massive ne s’est pas essoufflée, il a appelé tous les États Membres à veiller à l’application de la résolution 1540 (2004).  Notre détermination permettrait d’amoindrir la menace de telles armes, a-t-il insisté.  Enfin, il s’est dit d’avis qu’une coopération plus étroite et davantage de sensibilisation auprès de la société civile et de l’industrie contribuerait à l’application de la résolution en toute transparence. 

M. ALEXANDRE OLMEDO (France) a rappelé que l’un des principaux défis en matière de prolifération des armes de destruction massive est d’assurer que le Comité 1540 conserve sa capacité de faire face à l’évolution de la situation afin que les cadres de régulation des États restent adaptés aux risques.  Il a regretté le désaccord sur des lignes directrices encadrant le rôle du Groupe d’experts.  Il a estimé que des progrès sont possibles afin d’améliorer l’adéquation des offres d’assistance, dont l’identification n’est pas toujours évidente, et des besoins spécifiques exprimés par certains États.  Le Groupe d’experts devrait également disposer d’un mandat lui permettant de proposer, sur une base volontaire, son assistance quand cela est nécessaire.  Nous devons également approfondir la coopération avec les enceintes appropriées, comme l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ou encore l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, a conclu le délégué.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a dit que le Comité 1540 est la pierre angulaire du régime international de non-prolifération.  Il a affirmé que le Brésil entend jouer un rôle de premier plan dans le fonctionnement du Comité et dans le déploiement régional de ses activités.  Il a appelé à mettre le doigt sur les lacunes du travail du Comité et d’examiner les moyens d’y remédier.  Le délégué a invité le Conseil de sécurité à faire preuve d’un esprit de compromis, comme au mois de novembre dernier quand il a fallu renouveler le mandat du Comité.  Pour sa part, a-t-il promis, le Brésil n’épargnera aucun effort pour mettre pleinement en œuvre la résolution 1540 laquelle ne devrait pas empêcher ceux qui veulent acquérir des technologies et produits nucléaires à des fins pacifiques de le faire, a-t-il déclaré, en évoquant notamment les technologies spatiales. 

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a jugé prometteuse la manière dont les travaux du Comité avancent.  Elle s’est félicitée que le mandat du Comité ait été prorogé pour 10 années supplémentaires, avant de demander un rôle accru pour la société civile.  Elle a encouragé les huit États qui n’ont pas encore fourni de rapport initial à le présenter.  En conclusion, la représentante a dit espérer l’adoption rapide des lignes directrices encadrant le rôle du groupe d’experts.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a constaté que, depuis près de 20 ans, la résolution 1540 (2004) a été un outil sans égal dans l’architecture de non-prolifération, alors que les armes de destruction massive continuent de peser sur la paix et la sécurité internationales.  Formant le vœu que cette résolution continuera d’être mise en œuvre, le représentant a salué l’examen exhaustif proposé ainsi que l’adoption de la résolution 2663 (2022), grâce à laquelle le Conseil de sécurité et le Comité peuvent travailler sur l’architecture de non-prolifération, la surveillance, le contrôle strict et la reddition de comptes.  La résolution 2663 (2022) a en outre permis d’intégrer les femmes dans les travaux du Comité, s’est-il félicité, jugeant qu’elles doivent avoir voix au chapitre pour que des politiques publiques plus efficaces soient envisagées.  Enfin, notant que le risque existe que des groupes non étatiques utilisent l’intelligence artificielle pour mettre au point ou se procurer des armes de destruction massive, le représentant a appelé les entreprises de haute technologie à travailler avec toutes les parties prenantes pour mettre au point des mécanismes préventifs et éviter une telle éventualité. 

M. GENG SHUANG (Chine) a déclaré que les politiques du « deux poids deux mesures » posent des problèmes dans le système international de non-prolifération.  Il a plaidé pour un environnement sécuritaire propice au déploiement du Comité 1540, tout en respectant les buts et principes de la Charte des Nations Unies.  « Laissons de côté les mentalités et comportements datant de l’époque de la guerre froide et renforçons la coopération », a-t-il plaidé. 

Le représentant a invité l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) à jouer un rôle de premier plan, en plaidant pour que la non-prolifération ne soit pas mise au service d’intérêts géopolitiques.  Les technologies devraient être encadrées et davantage règlementées par les gouvernements, a-t-il souligné.  Il a aussi appelé à garantir le droit au progrès, à condition que cela ne se fasse pas au détriment de la paix.  Il a évoqué des accords visant pour certains à acquérir des sous-marins nucléaires, une chose qui pourrait porter atteinte au régime de non-prolifération.  Il a appelé à revenir sur l’accord AUKUS, assurant que, pour sa part, la Chine entendait œuvrer à la paix et la sécurité dans le monde. 

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a mentionné les lacunes dans la mise en œuvre de la résolution, avant de se féliciter que le mandat du Comité ait été prorogé pour 10 années supplémentaires.  Il s’est dit favorable à un échange des bonnes pratiques entre États et a espéré l’adoption rapide des lignes directrices encadrant le rôle du groupe d’experts.  « Le rôle du Comité doit être clarifié », a-t-il estimé, avant de rappeler qu’il revient au Comité de veiller à la bonne application de la résolution 1540 (2004).

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a estimé que la résolution 1540 (2004) est un élément essentiel de l’architecture mondiale de non-prolifération en tant que premier instrument international traitant de la prévention globale de l’acquisition d’armes de destruction massive (ADM) par des acteurs non étatiques.  Tout en saluant le travail réalisé par le Comité 1540 et son groupe d’experts pour aider les États Membres à mettre pleinement en œuvre cette résolution, elle a déploré des lacunes importantes dans ce processus.  À cette aune, la représentante s’est félicitée de ce que le programme de travail récemment élaboré devienne une feuille de route du Comité, notamment la préparation d’un programme pluriannuel de sensibilisation et l’examen des directives concernant le Groupe d’experts.  Elle s’est d’autre part réjouie de la tenue d’une séance d’informations publique prévue plus tard cette année et a dit attendre avec intérêt la poursuite des discussions avec les États Membres et les organisations internationales, régionales et sous-régionales. 

La représentante a rappelé que son pays partage depuis de nombreuses années son expertise en matière de réglementation et de mesures de non-prolifération avec les autres États Membres par le biais de ses programmes de sensibilisation, avec un accent particulier sur la région Asie-Pacifique qui est devenue un centre de production et de distribution dans la chaîne d’approvisionnement mondiale et qui risque davantage d’être la cible des acteurs non étatiques.  Outre la récente réunion régionale pour les parties prenantes organisée à Tokyo par le Gouvernement japonais et le Bureau des affaires de désarmement pour soutenir la mise en œuvre de la résolution 1540 (2004) en Asie, elle a indiqué que, depuis près de trois décennies, le Japon accueille les séminaires asiatiques sur le contrôle des exportations, où sont échangées des connaissances et des expériences afin de mieux lutter contre les risques de prolifération.  En outre, a-t-elle ajouté, le Japon a joué un rôle important, par ses contributions financières, dans la nomination du premier Coordinateur régional de la résolution 1540 dans la région Asie-Pacifique, son objectif étant d’empêcher que les armes les plus dangereuses ne tombent entre les mains d’acteurs non étatiques, y compris de terroristes. 

Mme ALICE JACOBS (Royaume-Uni) a déclaré que, pour maintenir la pertinence de la résolution 1540, il faut continuer de sensibiliser les États Membres afin d’améliorer leur compréhension des obligations, en accordant une plus grande attention au financement des acteurs non étatiques et un plus grand soutien aux pays qui demandent une assistance à la mise en œuvre des dispositions de la résolution.  Nous devrions également intensifier nos efforts pour comprendre comment les progrès rapides de la science et de la technologie modifient le contexte dans lequel les États mettent en œuvre la résolution, a encore préconisé la représentante.  Le Royaume-Uni, a-t-elle dit, vient de soutenir des pays de la région du Pacifique et travaille avec des partenaires pour sensibiliser au problème du financement en Asie du Sud-Est.  Nous pouvons fournir une expertise juridique ainsi qu’un soutien plus large aux États qui cherchent à honorer leurs obligations et à renforcer leurs cadres réglementaires nationaux, a conclu la représentante britannique.

M. DMITRY A. POLYANSKY (Fédération de Russie) a noté avec satisfaction l’adoption du programme de travail du Comité 1540 jusqu’en janvier 2024 et a dit espérer que le Comité sera ainsi en mesure de mettre en œuvre les plans esquissés.  Pour cela, il est selon lui nécessaire de continuer à maintenir une atmosphère de coopération constructive au sein de cet organe subsidiaire et de mener ses travaux dans l’objectif d’atteindre des résultats concrets dans la mise œuvre de la résolution 1540 (2004). 

À cet égard, le représentant s’est félicité que la résolution 2663 (2022) ait prorogé de 10 ans le mandat du Comité et ait décrit l’éventail de ses tâches.  Parmi ces dernières, il a souligné en particulier la coordination des efforts en termes de fourniture aux pays, à leur demande, d’une assistance technique dans les processus de mise en œuvre de la résolution 1540 (2004) au niveau national.  Cette résolution, a-t-il insisté, reste le seul document international universel dans le domaine de la non-prolifération des ADM, à condition que les États créent des systèmes de contrôle nationaux efficaces afin d’empêcher les ADM et leurs moyens de livraison de tomber entre les mains d’acteurs non étatiques. 

Saluant l’esprit de coopération mondiale inhérent à cette résolution, le représentant s’est dit convaincu que la clef du succès des travaux du Comité 1540 doit également être son attitude respectueuse envers tous les États Membres et la prise en compte maximale de leurs intérêts et de leurs besoins. 

M. CHRISTOPHE NANGA (Gabon) a estimé que la résolution 1540 est un maillon essentiel de l’architecture mondiale de non-prolifération et a pour vocation d’empêcher les acteurs non étatiques d’entrer en possession d’armes de destruction massive.  Conformément aux obligations souscrites dans le cadre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et de l’ensemble de ses accords de garantie, et du Traité de Pelindaba qui crée une zone exempte d’armes nucléaires en Afrique, le Gabon soutient le mandat du Comité.  Le représentant a salué les efforts fournis par les États dans le renforcement des mesures empêchant les acteurs non étatiques de fabriquer, acquérir ou transférer des armes nucléaires, chimiques ou biologiques.  Pour lui, le renforcement de l’assistance technique est un élément essentiel qu’il faut renforcer pour favoriser la mise en œuvre de la résolution 1540, en lien avec les organisations internationales, régionales et sous-régionales. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a déclaré que la résolution 1540 (2004) est un pilier majeur de l’architecture internationale de non-prolifération, avant de saluer le renouvellement, en novembre dernier, du mandat du Comité et de son groupe d’experts pour 10 ans.  Le fait que le Comité ait su adopter pour la première fois en trois ans un programme de travail est un développement positif, a jugé le représentant. 

L’application intégrale de la résolution reste une œuvre de longue haleine, a poursuivi le représentant.  Rappelant que la soumission de rapports nationaux constitue une base solide pour faire avancer ladite mise en œuvre, il a encouragé les huit États qui n’ont pas encore fourni de rapport initial à le présenter.  Il a salué la décision du Conseil d’élaborer un programme pluriannuel de sensibilisation à l’intention des États.  Enfin, estimant que le Groupe d’experts est un outil clef pour faire avancer sa mise en œuvre, il a demandé que ce groupe bénéficie de conditions appropriées et que le Comité révise ses directives internes y relatives. 

Mme LINDA KESSE ANTWI (Ghana) a relevé que son pays reste attaché aux travaux du Comité 1540.  Elle a souhaité que soit inclus dans le programme de travail l’examen d’initiatives dédiées au renforcement des capacités nationales.  De même, elle a indiqué que l’engagement du Comité avec des points de contact nationaux permettra, entre autres, d’accroître la sensibilisation et de fournir aux États une meilleure appréciation des objectifs de la résolution.  Si l’appropriation nationale est indéniablement au cœur de la mise en œuvre de la résolution, le partage d’expériences, a-t-elle argué, y compris par le biais de l’examen volontaire par les pairs, présente des moyens importants d’encourager les États à développer des plans d’action nationaux.  Elle a relevé que la mise en œuvre effective de la résolution 1540 est une tâche de longue haleine.  Elle a donc félicité le Président du Comité 1540 et son équipe pour la manière diligente et inclusive avec laquelle ils accomplissent leur travail. 

M. DOMINGOS FERNANDES (Mozambique) a salué le fait que 142 États Membres aient fourni des informations sur leur mise en œuvre de la résolution 1540 (2004).  Il a appelé à la reprise des cours de formation pour les points de contact régionaux, dès que les circonstances le permettront.  Fournir une assistance technique aux États est essentiel pour la mise en œuvre de la résolution 1540, a-t-il souligné.  Il a encouragé tous les États à mettre en œuvre des mesures efficaces de non-prolifération, y compris les contrôles internes pertinents.  Prouvant son engagement et l’importance qu’il accorde aux efforts mondiaux de non-prolifération, le Mozambique a présenté en 2021 son premier rapport national, avec des informations sur les mesures prises pour remplir ses obligations découlant de la résolution 1540 (2004), a indiqué le représentant.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: pour l’Envoyé spécial en Syrie, la coopération humanitaire doit servir d’exemple à un processus politique dans l’impasse

9291e séance – matin
CS/15239

Conseil de sécurité: pour l’Envoyé spécial en Syrie, la coopération humanitaire doit servir d’exemple à un processus politique dans l’impasse

Réuni pour sa séance mensuelle sur la situation politique et humanitaire en Syrie, le Conseil de sécurité a pris la mesure, ce matin, des efforts de secours déployés par l’ONU et ses partenaires après le tremblement de terre qui a dévasté les régions frontalières de la Türkiye et de la Syrie et reconfiguré l’aide apportée dans ce dernier pays, lequel entre dans sa treizième année de conflit.  Pour l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Geir O. Pedersen, la coopération en ce domaine doit servir d’inspiration à un processus politique dans l’impasse.

Le nombre de victimes recensées ne cesse en effet de s’alourdir, avec plus de 56 000 morts à ce jour, et des dégâts matériels estimés par la Banque mondiale à 5,2 milliards de dollars, très probablement plus, a indiqué le Directeur par intérim de la Division des opérations et du plaidoyer au Bureau de la coordination des affaires humanitaires, M. Tareq Talahma.  La moitié des biens détruits sont des bâtiments résidentiels, jetant des millions de personnes dans une précarité que les inondations récentes dans la région n’ont fait qu’aggraver, a-t-il constaté.

En dépit de ces défis, l’ONU a déboursé 40 millions de dollars en l’espace de quelques jours, a fait observer M. Talahma, en précisant qu’avec ses partenaires, l’Organisation a réussi à fournir vivres et argent à 2,2 millions de nécessiteux; des efforts grandement facilités par les approbations des mouvements de personnel ainsi que l’élargissement des passages transfrontaliers dans le nord-ouest de la Syrie.  En effet, avec l’aide de sept agences onusiennes, plus de 900 camions y sont parvenus depuis la Türkiye via les trois points de passage opérationnels à Bab el-Haoua, Bab el-Salam et Raaï, s’est félicité le Directeur par intérim.

Pour l’Envoyé spécial, la réouverture par les autorités syriennes des points de passage de Bab el-Salam et Raaï doit donner un nouvel élan pour relever les défis politiques plus larges antérieurs au séisme.  Outre la situation sécuritaire, M. Pedersen a évoqué la protection des civils, les questions des terres et biens, des moyens de subsistance, des services de base, des infrastructures énergétiques, et le dossier des personnes en détention, enlevées et portées disparues.  Plus tôt ce mois-ci, M. Pedersen a d’ailleurs rencontré des représentants de la Charte pour la vérité et la justice, qui lui ont raconté comment le séisme avait encore exacerbé leur angoisse liée au sort de leurs proches, peut-être victimes des tremblements de terre.

Si plusieurs membres du Conseil de sécurité, dont le Brésil et les États-Unis, se sont félicités de la tenue, le 20 mars dernier, de la conférence des donateurs de Bruxelles, qui s’est soldée par des promesses de contributions d’un montant de 950 millions d’euros en faveur de la population syrienne, il reste cependant beaucoup à faire pour le représentant de l’OCHA, qui a rappelé que le Plan de réponse humanitaire 2023 pour la Syrie, « le plus important au monde », n’est financé qu’à hauteur de 6% actuellement.

La conférence de Bruxelles a d’ailleurs été dénoncée par la République arabe syrienne, qui n’a, selon son représentant, jamais été consultée à ce sujet.  En outre, alors que le Ghana (au nom des A3), l’Albanie, Malte et la Suisse ont repris à leur compte les inquiétudes de l’Envoyé spécial au sujet des personnes disparues, le représentant syrien s’est agacé des tentatives de créer un « nouveau mécanisme international politisé », demandé aujourd’hui par l’Albanie et les États-Unis.  Mon gouvernement, a-t-il tranché, est déterminé à appliquer les procédures prévues dans la localisation de ces personnes, qu’elles aient disparu à cause des agissements des terroristes ou des forces d’occupation étrangères.

La Fédération de Russie a ainsi blâmé les États-Unis pour la situation désastreuse sur le terrain, Washington et ses « satellites » ayant refusé que soit livré à Damas le matériel nécessaire pour déblayer les zones dévastées dans les territoires contrôlés par le Gouvernement.  Même chose pour les engrais destinés à la Syrie, au prétexte qu’il s’agirait d’un produit à « double usage », une « excuse bureaucratique commode », comme du reste les restrictions bancaires, qui dissuadent les entreprises étrangères d’honorer le carnet de commandes de l’ONU, a accusé le représentant russe.

La Fédération de Russie a également mis en cause les frappes aériennes attribuées à Israël contre l’aéroport d’Alep, dont les dernières remontent à hier.  Les dégâts causés à ce site ont conduit à sa fermeture, alors qu’il accueillait les vols humanitaires internationaux et les opérations du Service aérien d’aide humanitaire des Nations Unies (UNHAS), en raison de sa proximité avec les zones détruites par le tremblement de terre.  La Chine, les Émirats arabes unis ou encore le Japon se sont eux aussi émus de cette fermeture.

Si les A3, Malte et la Türkiye se sont prononcés pour la prolongation du mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontière, qui expire le 10 juillet prochain, la Fédération de Russie s’est en revanche interrogée sur sa pertinence.  Puisque les « bandits » de l’organisation terroriste Front el-Nosra n’ont aucune intention de fournir un accès aux travailleurs humanitaires en provenance de Damas, la Fédération de Russie s’est dite de plus en plus convaincue que les livraisons de l’aide partout en Syrie doivent se faire avec l’accord des autorités légitimes.

Par ailleurs, le Royaume-Uni et la France se sont alarmés que la Syrie représente désormais 80% de la production mondiale du captagon, un « narcotrafic étatisé » particulièrement lucratif, puisqu’il générerait plus de 57 milliards de dollars de revenus, profitant « à quelques hommes d’affaires proches du régime et aux milices présentes en Syrie », tout en constituant un facteur de déstabilisation régionale.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. GEIR O. PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a indiqué être tout juste de retour d’Amman, en Jordanie, où il s’est entretenu avec des responsables gouvernementaux de l’Égypte, de la France, de l’Allemagne, de la Jordanie, de la Norvège, du Qatar, de l’Arabie saoudite, de la Turquie, des Émirats arabes unis, du Royaume-Uni, des États-Unis, de l’Union européenne et de la Ligue arabe, à la suite des tremblements de terre tragiques qui ont touché la Syrie et la Türkiye le mois dernier.  Il a expliqué que de ces discussions était ressortie l’absolue nécessité de continuer à fournir des ressources pour soutenir la réponse d’urgence aux séismes –tout en continuant, bien sûr, à soutenir la réponse humanitaire plus large- tant en Syrie que dans les pays voisins.  Aussi l’Envoyé spécial a-t-il salué les promesses de contributions faites lors de la récente conférence internationale des donateurs, qui s’est tenue à Bruxelles.

L’Envoyé spécial a expliqué qu’un calme durable avait été observé sur le terrain au cours du mois écoulé, en particulier dans les zones touchées par les tremblements de terre.  « Brièvement, l’inimaginable est devenu possible, les parties de part et d’autre de la ligne de front s’abstenant largement d’hostilités ».  Malheureusement, nous avons assisté depuis à une recrudescence des incidents, a regretté M. Pedersen: bombardements et tirs de roquettes à travers les lignes de front dans le nord-ouest et le nord-est; raids transfrontaliers menés par l’Organisation de libération du Levant (HTS); allégations des États-Unis d’attaques à la roquette visant les troupes américaines basées à Deïr el-Zor; incident à Afrin au cours duquel des combattants armés de l’opposition ont tiré sur des civils; attaques de Daech; et nouvelles frappes aériennes attribuées à Israël, notamment sur l’aéroport international d’Alep, qui ont entraîné sa fermeture, avec des répercussions sur les opérations humanitaires en cours.

M. Pedersen a donc œuvré avec les principales parties prenantes au retour d’un calme durable, en particulier dans les zones dévastées par le tremblement de terre dans le nord-ouest de la Syrie.  Ainsi, deux points de passage, longtemps fermés, ont été rouverts, avec un assouplissement des sanctions, démontrant que des gestes constructifs sont possibles, s’est félicité l’Envoyé spécial. 

Cette avancée sur le plan humanitaire doit servir d’exemple pour aborder les questions de la réhabilitation post-séisme et les défis politiques plus larges, a estimé M. Pedersen: la situation sécuritaire, la protection des civils, les terres et biens, ainsi que les moyens de subsistance, les services de base, les infrastructures énergétiques sont autant de questions vitales à ses yeux.  Il a également cité le dossier des détenus, des personnes enlevées et portées disparues.  Plus tôt ce mois-ci, l’Envoyé spécial a rencontré des représentants de la Charte pour la vérité et la justice, qui lui ont raconté comment le séisme avait encore exacerbé leur angoisse liée à l’impossibilité de connaître le sort de leurs proches, qui ont peut-être été victimes des tremblements de terre. 

Un certain degré de coopération est donc essentiel pour trouver la marche à suivre, a insisté M. Pedersen, qui a mis en garde contre les approches individuelles, vouées à l’échec.  Il a donné l’assurance qu’il continuerait à dialoguer avec un large éventail de Syriens, notamment des représentants de la société civile et du Conseil consultatif des femmes, qui s’est réuni à La Haye il y a deux semaines.

Préoccupé par le fait que la Commission constitutionnelle ne s’est toujours pas réunie depuis 10 mois, l’Envoyé spécial a regretté que la capacité des Syriens à rechercher une solution globale soit prise en otage par des problèmes « sans rapport avec leur pays ».  La situation actuelle est si inédite qu’elle exige leadership, idées audacieuses et esprit de coopération.  La semaine dernière, a-t-il rappelé, nous avons franchi le cap des 12 ans de guerre en Syrie.  Un processus politique contrôlé par les Syriens, dirigé par les Syriens et facilité par l’ONU, soutenu par la communauté internationale, est plus que jamais essentiel, a encore exhorté l’Envoyé spécial.

M. TAREQ TALAHMA, Directeur par intérim de la Division des opérations et du plaidoyer au Bureau de la coordination des affaires humanitaires, a relevé qu’alors que les équipes continuent de déblayer les décombres, le nombre de morts continue d’augmenter, avec plus de 56 000 décès désormais enregistrés.  En Syrie, la Banque mondiale estime les pertes à 5,2 milliards de dollars, le montant réel étant probablement beaucoup plus élevé.  Les dommages aux bâtiments résidentiels représentent environ la moitié des destructions, laissant des millions de personnes dans des situations de vie temporaires.  Les pluies et les inondations récentes n’ont fait qu’aggraver les difficultés auxquelles sont confrontées de nombreuses familles, obligeant de nombreux campements à déménager, encore une fois, dans des endroits jugés plus sûrs, a-t-il indiqué.  M. Talahma a affirmé que la catastrophe a mis à rude épreuve l’infrastructure de délivrance de l’aide, ce qui a eu un impact sur l’aide humanitaire déjà disponible sur le terrain. 

En dépit de ces défis, quelques heures après les tremblements de terre, l’ONU avait déboursé 15 millions de dollars de son fonds d’urgence, passant à 40 millions de dollars en quelques jours, a fait observer M. Talahma.  En collaboration avec des partenaires, nous avons fourni à 2,2 millions de personnes des vivres d’urgence, des rations prêtes à consommer et des transferts monétaires, a-t-il encore expliqué.  Les approbations pour les mouvements de personnel et les évaluations ont grandement aidé ces efforts.  De même, le passage transfrontalier élargi s’est avéré essentiel dans le nord-ouest de la Syrie.  En effet, plus de 900 camions avec l’aide de sept agences des Nations Unies ont maintenant atteint le nord-ouest de la Syrie depuis la Türkiye via les trois postes frontaliers disponibles à Bab el-Haoua, Bab el-Salam et Raaï.

Il reste encore beaucoup à faire dans les semaines à venir, a reconnu M. Talahma.  Les abris collectifs doivent être décongestionnés et consolidés.  Les retours sûrs, volontaires et dignes doivent être facilités.  Les urgences de santé publique doivent être surveillées, en particulier le choléra, dont une épidémie sévit actuellement.  Les services de santé, d’orthopédie et de chirurgie doivent être renforcés. 

Pour le représentant d’OCHA, la générosité des donateurs est essentielle à ces efforts.  Il a salué la conférence des donateurs européens et internationaux qui s’est tenue à Bruxelles en début de semaine.  Les 7 milliards d’euros promis pour les efforts de réponse pour la Syrie et la Türkiye seront essentiels pour soutenir les efforts de secours dans les mois à venir, a-t-il expliqué.  Il a rappelé qu’environ 15,3 millions de personnes à travers la Syrie, dont beaucoup ont été affectées par le tremblement de terre, ont peu de recours au-delà de l’aide humanitaire pour leurs besoins les plus élémentaires.  Les femmes et les filles ont payé le prix le plus élevé, a-t-il déclaré. 

M. Talahma a aussi rappelé que le Plan de réponse humanitaire 2023 pour la Syrie est le plus important au monde.  Pourtant, il n’est financé qu’à 6% actuellement.  Il a souligné que le Secrétaire général adjoint à l’aide humanitaire, M. Martin Griffiths, vient de terminer sa deuxième mission dans la région depuis le tremblement de terre du 6 février.  La visite a été l’occasion de reprendre d’importantes discussions avec les responsables gouvernementaux et les partenaires humanitaires sur les questions liées à la préservation de l’espace humanitaire.  Les besoins sont grands, mais notre détermination demeure également inébranlable, a-t-il conclu.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil), qui s’est exprimé au nom de son pays et de la Suisse, les deux porte-plume sur le dossier humanitaire syrien, a souligné la crise humanitaire multidimensionnelle en Syrie, que le séisme est venu aggraver.  Le représentant a salué l’ouverture de deux points de passage supplémentaires pour faire transiter l’aide humanitaire de l’ONU, avant de réclamer que les opérations humanitaires transfrontalières et au travers des lignes de front soient placées entre les mains d’acteurs syriens.  Toutes les parties doivent s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international, a-t-il ajouté, en saluant les promesses de dons faites lors de la récente conférence de Bruxelles. 

S’exprimant ensuite à titre national, M. de Almeida Filho a indiqué que son pays avait fait parvenir sept tonnes de nourritures déshydratées aux victimes du séisme.  Une solution militaire est illusoire, a déclaré le représentant, qui a appelé à la pleine application de la résolution 2254 (2015).  Enfin, il a souhaité la reprise des travaux de la Commission constitutionnelle.  Le séisme nous a rappelé que la Syrie ne peut rester dans le statu quo, a-t-il conclu.

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a noté qu’après 12 années de guerre en Syrie, on ne compte plus les victimes, les villes rasées, les personnes assassinées, détenues, déplacés ou réfugiées.  Des générations d’enfants n’ont connu que la guerre et la privation, a déploré le représentant, accusant le « régime Assad » de n’avoir jamais aspiré à la paix et d’avoir au contraire commis des atrocités, pour certaines constitutives de crimes de guerre et de crime contre l’humanité, avec le soutien de la Russie et de l’Iran. 

Pour trouver une solution politique à ce conflit, neuf réunions de la Commission constitutionnelle ont eu lieu avant que ce processus se heurte à la mauvaise foi du régime, a regretté le représentant, qui s’est néanmoins félicité des efforts déployés par l’ONU pour progresser étape par étape.  Mais, selon lui, la participation de toutes les parties exige que le régime syrien rende la pareille et ne reste pas les bras croisés à attendre que la communauté internationale fasse des concessions.  Face à ce régime dictatorial qui a utilisé des armes chimiques contre sa population, perpétré des attaques contre des écoles et des hôpitaux et procédé à d’innombrables détentions arbitraires, « seule une réforme exhaustive permettant d’inverser la vapeur pourrait améliorer la situation sur le terrain », a-t-il affirmé. 

Constatant que plus de 15 millions de Syriens sont aujourd’hui dans le besoin, une situation encore exacerbée par le tremblement de terre du 6 février, le représentant a rappelé que les États-Unis avaient décaissé 16 milliards de dollars en 12 ans pour leur venir en aide.  Les États-Unis ont en outre annoncé leur intention de débloquer 235 millions pour la Syrie et la Türkiye, avec 50 millions supplémentaires promis cette semaine lors de la conférence des bailleurs de fonds accueillie par la Suisse et l’Union européenne, a-t-il ajouté. 

Le représentant a plaidé pour que l’aide puisse être acheminée par toutes les moyens, notamment de manière transfrontalière.  Le passage de l’aide par les postes frontière sauve des vies, a-t-il insisté, applaudissant l’ONU pour avoir obtenu des voies d’accès supplémentaires à titre temporaire.  Toutes les parties doivent s’employer à acheminer une aide efficace et prévisible à la population, sans exploiter le tremblement de terre à des fins politiques, a poursuivi le représentant, dénonçant ceux qui utilisent le prétexte des sanctions pour justifier le non-envoi d’une assistance.  Depuis le 6 février, des équipements médicaux et des vivres sont arrivés dans des zones contrôlées par le régime par voies maritimes, aériennes et terrestres, s’est-il félicité, promettant que les États-Unis continueront à appuyer ceux qui envoie de l’aide dans la plus totale légitimité.  Enfin, après s’être ému du sort des femmes dans ce conflit, il a appelé à la création d’un mécanisme pour répertorier les personnes détenues arbitrairement ou portées disparues. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré que la situation humanitaire en République arabe syrienne et dans les pays voisins est déterminée dans une large mesure par les conséquences du tremblement de terre du 6 février.  Malheureusement, ce mois-ci, Israël a causé à plusieurs reprises des dégâts supplémentaires, a regretté le représentant, qui a affirmé que, les 7 et 22 mars, des avions de chasse israéliens avaient tiré des missiles sur l’aéroport international d’Alep, le plus proche des zones les plus touchées par le tremblement de terre à la frontière turco-syrienne en février.  Non seulement il accueille les vols humanitaires internationaux, mais c’est de là que le Service aérien d’aide humanitaire des Nations Unies (UNHAS) transporte tous les articles de première nécessité dans l’ensemble du pays, a fait observer le représentant russe, qui a déploré la fermeture de cet aéroport. 

La situation humanitaire du pays est en outre compliquée par la poursuite de l’occupation américaine de Zaevfrata, a soutenu M. Nebenzia, pour qui cette situation démontre une fois de plus que les États-Unis n’ont cure du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie.  Ainsi, alors que la Syrie cherche à mener une politique indépendante, Washington et ses « satellites » lui refusent le droit à un développement autonome, a accusé le représentant.  Ils n’ont ainsi pas livré à Damas le matériel de construction lourd nécessaire pour déblayer les zones dévastées par le tremblement de terre dans les territoires contrôlés par le Gouvernement.  Même chose pour les engrais destinés à la Syrie, au prétexte qu’il s’agit d’un produit à « double usage », une excuse bureaucratique commode pour Washington et Bruxelles, a ironisé le représentant, qui a précisé que les restrictions dans le secteur bancaire dissuadent aussi les entreprises étrangères de prendre des commandes de l’ONU.  Aussi M. Nebenzia a-t-il demandé au Secrétariat de ne pas « couvrir » les États-Unis et l’Union européenne, qui affaiblissent selon lui les efforts entrepris par la communauté internationale. 

Depuis le 9 février, plus de 900 camions avec de l’aide humanitaire à bord sont déjà entrés dans le territoire contrôlé par Damas en passant par trois points de contrôle à la frontière turco-syrienne, a rappelé le représentant.  L’ONU estime que le nombre de ceux qui traversent quotidiennement la frontière a doublé par rapport à 2022, la grande majorité se dirigeant vers Edleb.  Pour la Fédération de Russie, le passage aux trois postes frontière ne pose donc aucun problème et aucun obstacle n’empêche l’ONU de se rendre dans les zones sous contrôle des insurgés dans le nord-ouest de la Syrie.  « Il s’avère qu’en raison de la situation humanitaire désastreuse dans la région, les terroristes ont été heureux d’ouvrir leurs portes à tous les représentants de l’ONU, en leur fournissant les garanties de sécurité nécessaires à l’acheminement des convois en provenance de Turquie », a poursuivi le représentant, qui s’est étonné que le Secrétariat dise ne pas disposer de garanties suffisantes pour les convois humanitaires en provenance de Damas. 

Pour le représentant, l’ONU détourne le regard et reste impuissante, bien que la nécessité d’accroître les acheminements au travers de la ligne de front soit explicitement stipulée dans la résolution 2672 du Conseil de sécurité.  Il a donc appelé les dirigeants de la « branche humanitaire » de l’ONU « à cesser de se cacher derrière des phrases politiquement correctes » et de « flirter » avec les terroristes et leurs commanditaires, et à appeler les choses par leur nom: les « bandits » du Front el-Nosra n’ont aucune intention de fournir un accès aux travailleurs humanitaires en provenance de Damas. 

Dans ces conditions, a remarqué M. Nebenzia, il y a de bonnes raisons de questionner la pertinence du mécanisme transfrontalier, dont le mandat doit expirer très bientôt.  Nous avons à maintes reprises dénoncé le vice de forme de ce mécanisme, qui viole la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, a-t-il rappelé.  L’hypocrisie dont nous sommes témoins en ce qui concerne les livraisons transfrontalières nous convainc de plus en plus que les livraisons partout en Syrie doivent se faire avec l’accord des autorités légitimes, comme c’est le cas de l’ouverture de deux nouveaux points d’entrée à Bab el-Salam et Raaï, a-t-il fait valoir.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a appelé à s’éloigner de la polarisation et la division de la communauté internationale pour résoudre la crise syrienne.  Ainsi, les positions radicales qui font la distinction entre les Syriens à Damas et les Syriens à Edleb doivent être mises de côté.  Le représentant a appelé à une solution définitive à la crise, dénonçant la poursuite des hostilités.  À cet égard, il a fermement condamné les frappes aériennes qui ont causé des dommages à l’aéroport international d’Alep.  Il a aussi appelé à activer le rôle des Arabes dans la résolution des crises arabes, y compris la crise syrienne.  Selon lui, il s’agit d’une condition préalable essentielle pour rétablir la stabilité dans la région.  La Syrie est un pays arabe, et elle ne peut être séparée de la région arabe, a-t-il martelé.  De même, « les pays arabes doivent embrasser la Syrie et l’aider à guérir ses blessures », comme en témoigne la solidarité arabe manifestée après le tremblement de terre. 

En ce qui concerne la situation humanitaire, les Émirats arabes unis continuent de répondre à la situation difficile résultant du tremblement de terre en fournissant des secours et une aide médicale à la Syrie et à la Türkiye, que ce soit par le biais d’hôpitaux de campagne ou en travaillant en étroite collaboration avec les Nations Unies pour alléger les souffrances des personnes touchées.  Les Émirats arabes unis ont ainsi fourni une aide de plus de 300 millions de dollars aux deux pays, dont 20 millions de dollars pour soutenir l’appel éclair pour la Syrie.  À la suite du tremblement de terre, les Émirats arabes unis ont également accueilli plusieurs survivants de Syrie dans un état critique et nécessitant un traitement médical. 

Le représentant a souligné l’importance d’atteindre d’urgence toutes les zones touchées par le tremblement de terre.  Malheureusement, a-t-il dit, l’aide humanitaire n’a pas été fournie par le biais de missions transversales depuis le tremblement de terre, ce qui traduit une dangereuse exploitation de la catastrophe actuelle.  Il a indiqué que les groupes terroristes refusent arbitrairement l’accès humanitaire à l’intérieur de la Syrie, au mépris flagrant des valeurs et principes humanitaires. 

Enfin, le représentant a souligné la nécessité de tout mettre en œuvre pour faciliter le retour sûr et digne des réfugiés syriens dans leur patrie.  Ceci doit être pris en considération lors de la mise en œuvre des projets de relèvement rapide et de reconstruction, a-t-il déclaré.  Les Émirats arabes unis soutiennent le dialogue entre la Syrie et Türkiye pour réaliser des progrès sur le retour des réfugiés.

M. GENG SHUANG (Chine) a salué l’ouverture de deux points de passage supplémentaires pour faire transiter l’aide humanitaire de l’ONU pour les victimes du séisme.  La prochaine étape est la reconstruction des zones détruites, a ajouté le représentant, qui a déploré le manque de progrès en ce qui concerne les opérations d’aide transfrontalières, ainsi que le manque de sécurité dans l’aéroport d’Alep.  Il a appelé à la fin des attaques contre cet aéroport et à la préservation de la souveraineté syrienne. 

Le représentant a aussi réclamé avec insistance la levée des sanctions contre la Syrie et la réouverture des relations diplomatiques avec ce pays.  Tous les pays doivent contribuer à l’instauration d’un environnement propice à la recherche d’une solution politique, a-t-il conclu, en appelant à la fin de la présence des forces étrangères en Syrie.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) s’est félicité des efforts déployés par l’ONU et ses partenaires humanitaires sur le terrain, soutenant l’appel du Secrétaire général à réfléchir aux moyens de décaisser rapidement les fonds nécessaires promis le 14 février dernier. 

Parallèlement à une situation sanitaire désastreuse, le représentant a fait état d’une situation sécuritaire également très précaire, s’alarmant en particulier du sort des femmes, des filles et des enfants.  Il a condamné catégoriquement les attaques menées avec des missiles sur des zones résidentielles de Damas ainsi que celles perpétrées contre l’aéroport international d’Alep, un acte qui a entravé l’acheminement de l’aide humanitaire. 

Dans ce contexte, le représentant a exhorté le Gouvernement syrien à pérenniser l’acheminement de cette aide par les points de passage récemment rouverts et à coopérer avec les institutions onusiennes à cette fin.  La population syrienne a plus que jamais besoin de la solidarité des pays de la région et de la communauté internationale, a-t-il ajouté. 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a constaté que, 12 ans après les premières manifestations de mars 2011, la Syrie reste marquée par le conflit.  Devant le vide laissé par les disparitions, les cendres et les gravats causés par le conflit et, plus récemment, par les tremblements de terre, une solution politique du conflit syrien reste primordiale, a déclaré la représentante, estimant à cet égard que les Syriennes ont un rôle important à jouer pour améliorer les conditions sociales, matérielles, humaines et politiques de leur pays.  Leur participation aux décisions qui engagent leur avenir est conforme au programme pour les femmes et la paix et la sécurité, et à la résolution 2254 (2015), a-t-elle souligné, avant de saluer le caractère inclusif du Comité consultatif des femmes syriennes et ses efforts pour promouvoir le dialogue. 

Dans ce contexte, la représentante a exprimé son soutien aux efforts de l’Envoyé spécial visant à rétablir la confiance entre les différentes parties, assurant que la Suisse continuera de mettre à disposition Genève pour accueillir tous les types de pourparlers et d’initiatives destinés à promouvoir une paix durable en Syrie.  Face aux violations continues du droit international humanitaire et des droits humains commises depuis 2011, elle a appelé toutes les parties au conflit à respecter leurs obligations afin de mettre fin à la situation désastreuse dans laquelle vivent les civils et les personnes privées de liberté.  Jugeant enfin que la justice et la lutte contre l’impunité sont des conditions sine qua non pour permettre une paix durable, elle a réitéré son soutien au travail du Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie et a rappelé le rôle que le Conseil de sécurité peut jouer en la matière. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a relevé que le tremblement de terre du mois dernier avait ajouté une nouvelle tragédie à la crise syrienne.  À la suite du séisme, le Royaume-Uni a annoncé un montant supplémentaire de 52 millions de dollars en faveur de l’assistance humanitaire à la Syrie et la Türkiye pour financer l’alimentation, les fournitures médicales et les abris, a rappelé le représentant.  Selon lui, ces ressources doivent atteindre plus de 4,1 millions de personnes dans le nord-ouest de la Syrie de la manière la plus efficace et la plus efficiente, y compris grâce à un accès transfrontalier prévisible.  Il a constaté que, malgré le tremblement de terre, les hostilités avaient continué, avec des exemples d’attaques des forces du régime blessant des civils. 

La narco-industrie milliardaire de captagon, venue de Syrie, présente un nouveau risque déstabilisant pour la région, a par ailleurs déclaré le représentant.  Il a appelé à une solution inclusive et responsable du conflit, en s’appuyant sur la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.  Il a souligné que la semaine prochaine, le Conseil entendra le Secrétaire général parler du sort des familles qui sont toujours à la recherche de leurs proches.  C’est un problème qui affecte tous les Syriens, de tous les côtés de ce conflit, a-t-il relevé.  Il a dit espérer que les Nations Unies pourront leur donner des réponses.

Mme MITSUKO SHINO (Japon) a rappelé que ce mois marque la douzième année depuis le début de la crise syrienne, ajoutant que le tremblement de terre du 6 février avait été « un cauchemar en plus d’un cauchemar ».  La représentante a jugé nécessaire une « approche sans précédent » pour faire face à cette calamité et demandé une « expansion radicale » de l’aide humanitaire et d’une assistance à long terme pour permettre le redressement rapide de la région touchée.  Signalant que son pays avait déjà fourni environ 18,5 millions de dollars de secours d’urgence et d’assistance humanitaire, elle a rappelé que le Japon, de par son expérience, était en mesure d’identifier ce qui sera nécessaire à l’avenir.

La déléguée a appelé les donateurs à continuer de soutenir généreusement l’appel éclair pour la Syrie et le plan d’intervention humanitaire, ainsi qu’à renforcer la coordination entre les acteurs humanitaires, y compris les ONG et la société civile.  À cet égard, le Japon se félicite de l’accord conclu entre le Gouvernement syrien et l’ONU pour établir deux points de passage transfrontaliers supplémentaires afin de permettre à l’aide d’atteindre le nord-ouest du pays.  Il salue également l’approbation générale par le Gouvernement syrien de l’aide au travers des lignes de front.

La représentante a rejeté les actions militaires qui exploiteraient cette situation d’urgence à des « fins égoïstes » et a jugé extrêmement inquiétantes les récentes frappes aériennes dans le nord-ouest de la Syrie et l’attaque de l’aéroport international d’Alep, qui ont entravé les opérations humanitaires.  Alors que commence le mois sacré du ramadan, « période de réflexion et de retenue », elle a jugé nécessaire un cessez-le-feu à l’échelle du pays à la fois pour acheminer l’aide et pour promouvoir le dialogue politique entre les parties concernées. 

Concernant ce dernier, le Japon est profondément préoccupé par l’absence de calendrier pour la convocation de la neuvième réunion à Genève du Comité constitutionnel, le « seul format qui peut rassembler tous les acteurs pour le dialogue ».  Celui-ci ne doit pas être obstrué par un membre du Conseil de sécurité, a averti la représentante, qui a en outre souhaité que l’intensification récente de l’activité diplomatique régionale créera un environnement plus favorable, afin que l’approche progressive de l’Envoyé spécial puisse produire des résultats tangibles.  Rappelant que c’est le peuple syrien qui a risqué sa vie pour sauver les personnes ensevelies sous les décombres et que c’est lui qui doit mener le processus politique nécessaire à la restauration de la « Syrie digne et belle qui existait avant 2011 », la représentante a conclu en affirmant qu’il est de la responsabilité de ce Conseil de soutenir ce processus.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a indiqué que la France a rehaussé son aide en soutien au peuple syrien lors de la conférence de Bruxelles du 20 mars, en précisant que les engagements des bailleurs internationaux ont atteint 950 millions d’euros pour la population syrienne.  Cette aide permettra de répondre aux besoins vitaux des personnes affectées par le séisme en Syrie, a estimé le représentant. 

Le drame humanitaire du séisme ne peut néanmoins pas faire oublier les réalités de la guerre, a poursuivi M. de Rivière, qui a ajouté: « Dans l’intérêt du peuple syrien, qui aspire à une paix durable, nous resterons fermes et ne ferons pas évoluer notre position vis-vis du régime tant que des progrès réels et durables vers une solution politique fondée sur la résolution 2254 (2015) n’auront pas été accomplis. »  Enfin, il a rappelé que la Syrie représente désormais 80% de la production mondiale du captagon.  Ce narcotrafic étatisé dont le montant est estimé à plus de 57 milliards de dollars bénéficie au régime, à quelques hommes d’affaires proches du régime et aux milices présentes en Syrie et constitue un facteur de déstabilisation pour toute la région, a-t-il averti.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), a estimé que la confluence de 12 années de conflit et d’une catastrophe naturelle aux proportions épiques au milieu de l’hiver rendait plus urgent que jamais le soutien de la communauté internationale à la Syrie.  Remerciant les donateurs qui ont fourni une contribution d’environ 312 millions de dollars, sur les 397 millions requis dans le cadre de l’appel éclair pour le tremblement de terre, il a appelé à relever le défi des 85 millions restants, avant de rappeler que le Plan de réponse humanitaire pour la Syrie reste, lui, sous-financé à plus de 90%.  Face à cette « tragédie », le représentant a déploré les hostilités militaires incessantes des parties, y compris les attaques terroristes de Daech et de Hay’at Tahrir el-Cham (HTS), le long des lignes de front.  Condamnant le ciblage de civils innocents et d’infrastructures civiles, il s’est par ailleurs alarmé des frappes aériennes israéliennes des 7 et 22 mars, qui ont touché l’aéroport international d’Alep et interrompu la distribution de l’aide humanitaire aux victimes du séisme. 

Dans ce contexte, la résolution 2254 (2015) reste pour les A3 la principale feuille de route pour parvenir à la solution politique souhaitée, qui prend en compte le plus large éventail de Syriens, y compris les voix des femmes et de la société civile.  Après avoir réaffirmé son appui aux efforts de l’Envoyé spécial, le représentant a exhorté les parties à s’entendre sur un cessez-le-feu à l’échelle nationale et à coopérer pour sortir de l’impasse actuelle au sein de la Commission constitutionnelle.  Il a également jugé que s’attaquer au problème des détenus et des personnes portées disparues constituerait une mesure de confiance importante. 

Revenant à la situation humanitaire, le représentant a indiqué que les A3 appuient l’utilisation de toutes les modalités possibles pour apporter de l’aide à toute personne dans le besoin en Syrie.  Dans ce cadre, le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontière et les livraisons au travers des lignes de front restent essentiels pour soulager les souffrances du peuple syrien, a-t-il souligné, appelant les parties à travailler en étroite collaboration avec l’ONU pour étendre le soutien à travers les lignes. 

M. DARREN CAMILLERI (Malte) a rappelé les conséquences dévastatrices du tremblement de terre après six semaines.  Tout en saluant le travail des Nations Unies et de ses agences, le représentant a jugé nécessaire d’augmenter la quantité d’aide fournie dans le nord-ouest de la Syrie et de veiller à ce qu’elle arrive là où elle est nécessaire le plus rapidement possible.  Il a pris note des préoccupations de la Commission d’enquête sur la Syrie à cet égard.

Jugeant que les besoins restent « énormes », le représentant a appelé à un soutien accru aux Nations Unies et aux agences humanitaires en Syrie.  Il a noté avec satisfaction de l’augmentation du nombre de camions passant par le nouveau point de passage de Bab el-Salam ces derniers jours, tout en notant que celui de Bab-el-Haoua restait de loin le principal.  Il y a vu la démonstration de l’importance durable du mécanisme transfrontalier, qui « doit rester ouvert et opérationnel ».  Parallèlement, Malte appelle toutes les parties à soutenir et faciliter l’acheminement de l’aide depuis Damas vers le nord-ouest et le nord-est.  Le représentant s’est dit préoccupé par les frappes aériennes qui ont visé l’aéroport d’Alep du fait de leurs implications potentielles sur l’opération humanitaire.

Le délégué a insisté sur le fait qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit syrien.  En revanche, a-t-il ajouté, il existe de nombreux domaines dans lesquels des progrès peuvent être réalisés conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité, « qui reste la seule voie viable pour sortir du statu quo actuel ».  Il a notamment estimé que la libération transparente et vérifiable des personnes détenues arbitrairement, l’obtention d’informations sur le lieu où se trouvent les disparus et sur leur sort, sont à la portée des parties et permettraient une véritable avancée politique.  Il a invité les autorités syriennes à autoriser le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à se rendre dans le pays et à y établir une présence sur le terrain.  Il a aussi souhaité une reprise des travaux de la Commission constitutionnelle à Genève, qui « constituerait un signal positif ».  Malte, a-t-il rappelé, reste favorable à un « véritable processus politique mené et pris en charge par les Syriens, facilité par les Nations Unies, avec toutes les parties prenantes clefs travaillant de manière constructive et cohérente pour le peuple syrien ». 

En conclusion, le représentant a apporté son plein soutien au travail de l’Envoyé spécial et son initiative « pas à pas ». 

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a relevé que, malgré le tremblement de terre, la Syrie demeure un champ de bataille sur lequel quelque 100 000 Syriens sont portés disparus.  La résolution 2254 (2015) reste lettre morte et le « régime d’Assad » est responsable d’atrocités, y compris l’usage d’armes chimiques, a accusé le représentant, qui a appelé à créer un mécanisme pour faire toute la lumière sur le sort des personnes portées disparues, comme l’avait demandé le Secrétaire général de l’ONU.  Il a aussi affirmé que l’aide humanitaire ne doit jamais être politisée, ajoutant qu’à travers elle, la communauté internationale devait montrer aux Syriens qu’ils ne sont pas abandonnés. 

M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a dénoncé les « trois pays » qui cherchent à s’exonérer de toute responsabilité dans le massacre des Syriens.  Ces derniers sont par ailleurs victimes d’un véritable châtiment collectif en raison des sanctions qui leur sont imposées, a ajouté le représentant, qui a dénoncé la mentalité de sélectivité qui est celle des Occidentaux.  Ces derniers n’ont rien fait pour mettre un terme aux attaques systématiques d’Israël contre la Syrie, dont la dernière en date a frappé l’aéroport d’Alep, utilisé pourtant dans l’acheminement de l’aide aux victimes du séisme, a-t-il accusé.  Il a jugé inacceptable que certains protègent Israël au sein de ce Conseil et empêchent ce dernier de s’acquitter de ses responsabilités. 

Le représentant a ensuite dénoncé la politisation de la question des droits humains et l’approche hostile poursuivie au sein de l’ONU par certains pays sur le dossier des personnes disparues en Syrie, en cherchant à créer un « autre mécanisme international politisé », au prix d’une distorsion des faits.  Mon gouvernement est déterminé à appliquer les procédures prévues dans la recherche de ces personnes, qu’elles aient disparu en raison des agissements des terroristes ou des forces d’occupation étrangères, et à les localiser, a-t-il assuré.  Comme autre exemple de politisation, il a mentionné l’organisation de la conférence de Bruxelles en soutien aux victimes du séisme, qui s’est tenue sans coordination avec le Gouvernement de la Syrie.  Enfin, il a déclaré que les exemptions humanitaires aux sanctions ne sont d’aucune utilité et a assuré de l’appui de son gouvernement pour faciliter les opérations humanitaires de l’ONU, en mentionnant l’ouverture, par une décision souveraine, de deux points de passage supplémentaires à la frontière.

Mme ZAHRA ERSHADI (République islamique d’Iran) a jugé que la situation humanitaire en Syrie demeure « complexe », en particulier après le séisme du 6 février.  Tout en saluant les efforts de l’ONU et des organisations humanitaires qui fournissent un appui vital à la population, la représentante a déploré d’importantes lacunes en matière de ressources et a appelé les bailleurs de fonds à maintenir leur soutien à la Syrie.  Elle a souhaité à cet égard que la visite en Syrie du Coordonnateur des secours d’urgence, M. Martin Griffiths, donne lieu à un accroissement de l’aide à ce pays. 

La représentante s’est félicitée, dans ce contexte, des efforts déployés par la Syrie pour faciliter l’accès de l’aide humanitaire, avant d’appeler à une mobilisation internationale pour renforcer l’acheminement de cette aide à travers les lignes de front.  Elle a jugé essentiel que l’aide puisse être fournie de manière impartiale et sans politisation.  De même, il est urgent que la communauté internationale se concentre sur la levée des sanctions « inhumaines » imposées à la Syrie, afin de remédier de manière plus efficace à la crise actuelle.  En tant qu’amie de la Syrie, l’Iran est solidaire du peuple syrien et continuera de lui fournir l’aide nécessaire en cette période difficile, a-t-elle assuré. 

La représentante a ensuite dénoncé le fait que le « régime israélien » poursuive ses agressions contre la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, comme en témoignent les frappes aériennes lancées le 7 mars contre l’aéroport d’Alep et un attentat perpétré hier.  Condamnant ces attaques qui ne font qu’exacerber les souffrances de la population syrienne et constituent une menace pour la sécurité régionale, elle a invité le Conseil de sécurité à s’acquitter de sa responsabilité et à pousser Israël à rendre des comptes. 

La représentante s’est par ailleurs déclarée convaincue que, pour trouver une solution pérenne à la crise syrienne, un processus piloté par la Syrie et facilité par l’ONU est la seule approche viable.  Avec ses partenaires du processus d’Astana, l’Iran continuera de s’employer à assurer une normalisation en Syrie et dans son voisinage, a-t-elle affirmé, réitérant son appui aux travaux de la Commission constitutionnelle et aux efforts de l’Envoyé spécial pour faciliter la reprise des réunions.  Pour finir, après avoir appelé au retrait complet et immédiat de toutes les forces étrangères présentes illégalement sur le sol syrien, elle s’est félicitée des récents contacts diplomatiques renforcés de la Syrie avec ses partenaires régionaux et internationaux, y voyant un pas essentiel pour garantir la sécurité et prospérité du pays. 

M. SEDAT ÖNAL (Türkiye) a relevé que le tremblement de terre avait rendu encore plus compliquée une situation humanitaire déjà fragile en Syrie, ajoutant que la poursuite de l’aide humanitaire transfrontière par les Nations Unies reste vitale. 

Pour le représentant, la crise en Syrie se poursuit et il ne faut pas se permettre de complaisance.  Le processus politique doit être revitalisé, en s’appuyant sur la résolution 2254 (2015) et il faut donc poursuivre la recherche d’une solution politique.  Il est en outre important de créer des conditions d’un retour volontaire sûr et digne des réfugiés syriens.  Pour sa part, la Türkiye est déterminée à mettre à mal les desseins séparatistes des groupes terroristes présents en Syrie, notamment le groupe YPG/PKK et Daech, a ajouté le représentant. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

République populaire démocratique de Corée: le Conseil de sécurité proroge pour un an le mandat du Groupe d’experts du Comité des sanctions

9292e séance – après-midi
CS/15240

République populaire démocratique de Corée: le Conseil de sécurité proroge pour un an le mandat du Groupe d’experts du Comité des sanctions

Le Conseil de sécurité a prorogé aujourd’hui jusqu’au 30 avril 2024 le mandat du Groupe d’experts du Comité des sanctions concernant la République populaire démocratique de Corée (RPDC). 

Adoptée à l’unanimité en application du Chapitre VII de la Charte, la résolution 2680 (2023) reprend le libellé des résolutions des trois années précédentes sur le sujet.  Comme elles, le texte ne mentionne nulle part directement la RPDC mais énumère les différentes résolutions relatives à ce pays, en particulier la résolution 1874 (2009) qui a créé le Groupe d’experts; la résolution 1718 (2006), qui a mis en place le régime de sanctions initial et créé le Comité chargé d’en suivre la mise en œuvre –le « Comité 1718 »-; ainsi que toutes les résolutions adoptées ultérieurement qui ont renforcé le régime de sanctions. 

La résolution 2680 fait en outre référence à la résolution 2664 (2022), relative aux exemptions humanitaires aux sanctions, et notamment au fait que ce texte charge les différents comités des sanctions, « avec l’aide de leur groupe d’experts respectif », de surveiller l’application des dispositions relatives à ces exemptions, y compris contre les risques de détournement. 

La résolution du Conseil demande au Groupe d’experts de présenter au Comité, le 4 août 2023 au plus tard, un rapport de mi-mandat sur ses travaux, et de remettre ledit rapport au Conseil, après en avoir discuté avec le Comité, le 8 septembre 2023.  De même, le Groupe d’experts devra remettre au Comité un rapport final contenant ses conclusions et recommandations au plus tard le 2 février 2024, puis le présenter au Conseil, après en avoir discuté avec le Comité, le 8 mars 2024 au plus tard. 

L’adoption de la résolution reconduisant le mandat du Groupe d’experts intervient alors que la RPDC a effectué depuis le début de l’année une dizaine de tirs de missiles balistiques en violation des résolutions du Conseil de sécurité.  Ces tirs ont provoqué la convocation d’une séance d’information du Conseil de sécurité le 20 mars, lors de laquelle se sont une nouvelle fois opposées les visions de la Chine et de la Fédération de Russie d’une part, des États-Unis et de la République de Corée d’autre part. 

Après l’adoption, le représentant des États-Unis, pays porte-plume, s’est dit ravi que cette résolution permette de poursuivre le travail du Groupe d’experts, qui fournit des informations factuelles au Conseil de sécurité, alors que le monde assiste aux provocations de la RPDC.  Il s’est également réjoui que les dispositions de la résolution 2664 (2022) s’appliquent également au Comité 1718.  Au cours de nos travaux, nous avons évoqué des propositions pour parvenir à un renouvellement technique, notamment les préoccupations sur les fuites, la composition du Groupe d’experts, les évaluations de ce dernier sur les développements en matière de missiles balistiques et les comptes rendus d’incidents, a-t-il expliqué.  Bien que nous n’ayons pas trouvé un terrain d’entente sur toutes ces questions, des discussions vont se poursuivre au sein du Comité, a-t-il ajouté, avant de souligner que la résolution adoptée réaffirme que la prolifération des armes chimiques, biologiques et bactériologiques continue de faire peser une grave menace sur la communauté internationale. 

Le représentant de la Chine a expliqué que son pays plaide en faveur d’une pleine mise en œuvre de toutes les résolutions du Conseil relatives à la RPDC.  La Chine a donc voté pour ce texte, qui est un renouvellement technique.  Le représentant s’est toutefois dit inquiet des conséquences humanitaires des sanctions sur un pays qui se trouve dans une situation difficile et a rappelé que les sanctions ne devaient pas avoir des effets délétères sur les conditions de vie des populations.  Il a en outre déploré que les principaux amendements proposés par sa délégation n’aient pas été pris en compte.  Nous espérons que le Comité et le Groupe d’experts vont travailler d’arrache-pied pour s’améliorer, a—t-il conclu.

De même, la représentante de la Fédération de Russie, tout en réitérant son appui à la résolution adoptée, a déploré que les auteurs américains du texte n’aient pas pris en compte plusieurs propositions importantes quant à la nécessité d’atténuer les effets humanitaires des sanctions sur les civils nord-coréens et de mieux faire fonctionner le Groupe d’experts.  Elle a souhaité que ces problèmes soient examinés avec soin à l’avenir et que le Groupe d’experts puisse s’acquitter pleinement de son mandat, qui consiste à aider le Comité à exécuter le sien.

La représentante de la Suisse a salué l’adoption unanime de la résolution, qui permet le renouvellement du mandat du Groupe d’experts alors que la RPDC continue d’accélérer considérablement son programme illicite d’armement nucléaire et que les restrictions liées à la pandémie continuent à entraver l’accès et l’aide humanitaire à ce pays. 

La représentante du Japon s’est, elle aussi, félicitée de cette adoption unanime.  Évoquant les négociations sur le mandat du Groupe d’experts, elle a reconnu que toutes les vues n’avaient pu trouver leur place dans le projet de résolution en raison d’un manque de consensus.  Elle a toutefois salué le rôle des États-Unis, qui ont maintenu l’unité du Conseil et garanti des discussions équilibrées.  Face à la menace croissante pour la paix et la sécurité internationales émanant de la RPDC, le rôle du Groupe d’experts demeure essentiel, a-t-elle affirmé, notant avec appréciation les rapports du Groupe sur les programmes nucléaire et balistique de la RPDC.  Elle l’a encouragé à continuer de faire part au Conseil de ses connaissances et de son savoir-faire.  La représentante s’est par ailleurs déclarée inquiète face à la situation humanitaire en RPDC, tout en invitant à garder à l’esprit que ce n’est pas le régime des sanctions mais le régime nord-coréen qui en porte la responsabilité.  Enfin, elle a réitéré son soutien au Groupe d’experts pour garantir la pleine application des résolutions du Conseil sur la RPDC. 

NON-PROLIFÉRATION: RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE

Texte du projet de résolution (S/2023/215)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses résolutions antérieures sur la question, notamment les résolutions 825 (1993), 1540 (2004), 1695 (2006), 1718 (2006), 1874 (2009), 1887 (2009), 1928 (2010), 1985 (2011), 2050 (2012), 2087 (2013), 2094 (2013), 2141 (2014), 2207 (2015), 2270 (2016), 2276 (2016), 2321 (2016), 2345 (2017), 2356 (2017), 2371 (2017), 2375 (2017), 2397 (2017), 2407 (2018), 2464 (2019), 2515 (2020), 2569 (2021) et 2627 (2022), ainsi que les déclarations de sa présidence en date des 6 octobre 2006 (S/PRST/2006/41), 13 avril 2009 (S/PRST/2009/7), 16 avril 2012 (S/PRST/2012/13) et 29 août 2017 (S/PRST/2017/16),

Rappelant également la résolution 2664 (2022) et en particulier son paragraphe 6,

Rappelant la création, en application du paragraphe 26 de sa résolution 1874 (2009), d’un groupe d’experts qui suivrait les directives du Comité pour accomplir les tâches définies audit paragraphe,

Rappelant le rapport d’activité en date du 2 septembre 2022 (S/2022/668) établi par le Groupe d’experts nommé par le Secrétaire général en application du paragraphe 26 de la résolution 1874 (2009) et le rapport final du Groupe, en date du 7 mars 2023 (S/2023/171),

Rappelant les normes méthodologiques applicables aux rapports des mécanismes de surveillance de l’application des sanctions, qui figurent dans le rapport du Groupe de travail informel du Conseil de sécurité sur les questions générales relatives aux sanctions (S/2006/997),

Se félicitant des efforts que fait le Secrétariat pour étoffer et améliorer le registre d’experts du Service du secrétariat de ses organes subsidiaires, compte tenu des indications données par son président dans la note publiée sous la cote S/2006/997, en particulier son paragraphe 11,

Soulignant, à cet égard, qu’il importe que le Groupe d’experts établisse en toute indépendance des évaluations, analyses et recommandations crédibles et étayées par des faits, conformément à son mandat, énoncé au paragraphe 26 de la résolution 1874 (2009),

Considérant que la prolifération des armes nucléaires, chimiques et biologiques et de leurs vecteurs continue de menacer la paix et la sécurité internationales,

Agissant en vertu de l’Article 41 du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1.    Décide de proroger jusqu’au 30 avril 2024 le mandat qu’il a confié au Groupe d’experts au paragraphe 26 de sa résolution 1874 (2009) et modifié au paragraphe 29 de sa résolution 2094 (2013) et au paragraphe 6 de sa résolution 2664 (2022), décide que ce mandat s’appliquera aussi aux mesures imposées par les résolutions 2270 (2016), 2321 (2016), 2356 (2017), 2371 (2017), 2375 (2017) et 2397 (2017), entend réexaminer ce mandat et se prononcer sur sa reconduction le 22 mars 2024 au plus tard, et prie le Secrétaire général de prendre les dispositions administratives requises à cette fin;

2.    Demande au Groupe d’experts de présenter au Comité, le 4 août 2023 au plus tard, un rapport de mi-mandat sur ses travaux, comme prévu au paragraphe 43 de sa résolution 2321 (2016), lui demande également de lui remettre ce rapport, après en avoir discuté avec le Comité, le 8 septembre 2023 au plus tard, lui demande en outre de remettre au Comité, le 2 février 2024 au plus tard, un rapport final contenant ses conclusions et recommandations, et lui demande enfin de lui présenter ce rapport, après en avoir discuté avec le Comité, le 8 mars 2024 au plus tard;

3.    Prie le Groupe d’experts de soumettre un programme de travail au Comité trente jours au plus tard après sa reconduction, invite le Comité à réexaminer périodiquement ce programme de travail et à entretenir des contacts réguliers avec le Groupe d’experts sur ses travaux, et demande au Groupe d’experts d’informer le Comité de toute mise à jour dudit programme;

4.    Souligne que le Groupe d’experts doit établir des évaluations, analyses et recommandations crédibles et étayées par des faits, en toute indépendance et avec objectivité et impartialité, conformément à son mandat, énoncé au paragraphe 26 de la résolution 1874 (2009);

5.    Exprime son intention de continuer à suivre les travaux du Groupe d’experts;

6.    Exhorte tous les États, les organismes des Nations Unies compétents et les autres parties intéressées à coopérer pleinement avec le Comité créé par la résolution 1718 (2006) et avec le Groupe d’experts, en particulier en leur communiquant toute information dont ils disposeraient concernant la mise en œuvre des mesures imposées par les résolutions 1718 (2006), 1874 (2009), 2087 (2013), 2094 (2013), 2270 (2016), 2321 (2016), 2356 (2017), 2371 (2017), 2375 (2017) et 2397 (2017);

7.    Décide de rester saisi de la question. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le Coordonnateur spécial pour le Moyen-Orient salue les initiatives d’apaisement dans un contexte tendu à la veille du ramadan

9290e séance – matin
CS/15238

Conseil de sécurité: le Coordonnateur spécial pour le Moyen-Orient salue les initiatives d’apaisement dans un contexte tendu à la veille du ramadan

Venu présenter au Conseil de sécurité le vingt-cinquième rapport trimestriel du Secrétaire général sur la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016), le Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient a dépeint, ce matin, une situation alarmante sur le terrain alors que débute le mois sacré de ramadan et qu’approchent les célébrations de la Pâque juive.  Déplorant une intensification de la violence de part et d’autre, sur fond de poursuite par Israël de ses activités de colonisation, M. Tor Wennesland a néanmoins vu dans certaines initiatives internationales d’apaisement des tensions un motif d’espoir, contesté par la Fédération de Russie, pour qui l’implication des États-Unis constitue un contournement du Conseil.

Comme l’a rappelé d’entrée M. Wennesland, la résolution 2334 (2016) enjoint à Israël de « cesser immédiatement et complètement toutes activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ».  Or, ces activités se sont poursuivies au cours de la période considérée, a-t-il déploré, avant de les détailler.  Le Coordonnateur spécial a notamment cité l’annonce par Israël de sa volonté de légaliser l’avant-poste de Homesh, via l’abrogation d’une partie de la loi de 2005 sur le désengagement ou encore l’autorisation donnée par le même Gouvernement israélien de créer neuf avant-postes en Cisjordanie occupée, suivie de nouveaux projets pour plus de 7 200 logements dans les colonies, y compris très en profondeur.  Il a également fait état de nouvelles démolitions et saisies de structures palestiniennes dans toute la Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est.

M. Wennesland a ensuite détaillé l’augmentation de la violence quotidienne, illustrée par la mort, entre le 8 décembre 2022 et le 13 mars 2023, de 82 Palestiniens victimes du fait des forces de sécurité israéliennes, auxquels s’ajoutent près de 2 700 blessés, ainsi que du décès de 4 Palestiniens dans des attaques de colons, tandis que 13 civils israéliens et 1 ressortissante étrangère ont été tués par des Palestiniens. 

Évoquant les incidents mortels survenus à Naplouse, Jérusalem-Est, Tel Aviv, Salfit et Houara, M. Wennesland a condamné les déclarations incendiaires des différentes parties au conflit.  Il a également affirmé que « rien ne peut remplacer un processus politique légitime qui résoudra les problèmes fondamentaux à l’origine du conflit ». 

Le Coordonnateur spécial a cependant qualifié de « bienvenus » les appels au calme contenus dans le communiqué final de la rencontre de hauts responsables jordaniens, égyptiens, israéliens, palestiniens et américains qui s’est tenue le 26 février à Aqaba, en Jordanie.  Une supplique qu’ont répétée les cinq mêmes participants lors d’une réunion le 19 mars à Charm el-Cheikh, en Égypte, en écho à la Déclaration présidentielle publiée le 20 février par le Conseil de sécurité et aux appels à la désescalade lancés début mars par l’Union européenne et le Royaume-Uni. 

Plusieurs des membres du Conseil ont salué les initiatives annoncées à Aqaba puis à Charm el-Cheikh pour désamorcer les tensions.  Les Émirats arabes unis ont appelé les parties à s’engager sur la base des communiqués communs de ces réunions et à mettre un terme à toute mesure unilatérale, « sous peine d’aboutir à un niveau de violence qui deviendrait rapidement intenable ».  Une position partagée par le Brésil, le Japon ou encore la France, cette dernière applaudissant les efforts déployés par les États-Unis, l’Égypte et la Jordanie pour réunir les parties pour la première fois depuis de nombreuses années.  L’Équateur a, pour sa part, émis le vœu que ces rencontres soient le « prélude d’un processus démocratique et pacifique » permettant aux parties de trouver un chemin vers la solution des deux États. 

Si la Chine a, elle aussi, dit appuyer les initiatives en faveur d’une désescalade, elle a insisté sur la nécessité de « passer des paroles aux actes », exhortant notamment les forces de sécurité israéliennes à faire montre de la plus grande retenue et à se conformer à leurs obligations en vertu du droit international.  La Fédération de Russie a quant à elle dénoncé la tentative des États-Unis de « monopoliser » le processus de paix et de le « reconfigurer » selon des modèles qui lui conviennent.  Ce faisant, a-t-elle accusé, Washington « contourne » l’autorité du Conseil de sécurité de l’ONU sans tenir compte des solutions internationalement agréées.

De leur côté, les États-Unis ont appelé les parties à la retenue en cette période de fêtes religieuses, à l’instar de l’Albanie, de Malte et de la Suisse.  À cet égard, plusieurs pays se sont, à l’image du Japon, élevés contre les propos sans nuances du Ministre israélien des finances, qui a nié l’existence d’un peuple palestinien.  « Nous avons été, nous sommes et nous serons », a répondu l’Observateur permanent de l’État de Palestine, qui n’a pas manqué de relever que cette déclaration a été prononcée « alors qu’une annexion illégale est plus que jamais en cours ».  Malgré l’occupation et les provocations, les Palestiniens se montrent « déraisonnablement raisonnables » pour empêcher un bain de sang et pour restaurer un horizon d’espoir, a-t-il assuré, en appelant à la mobilisation pour « éviter un incendie qui pourrait tout dévorer ». 

Accusant en retour l’Observateur permanent palestinien de représenter une « autorité de la terreur », le représentant d’Israël a jugé « honteux » que les Palestiniens osent condamner les propos d’un ministre israélien, qui s’est ensuite excusé, tandis que leurs responsables incitent au terrorisme sans jamais condamner les meurtres de civils israéliens.  Il a en outre regretté que la « résolution biaisée » adoptée en 2016 par le Conseil pointe du doigt Israël sans considérer l’attitude de la partie palestinienne.  Au moment où Israël fait montre de sa volonté de négocier, comme l’illustrent les rencontres d’Aqaba et Charm el-Cheikh, il est de la responsabilité de l’Autorité palestinienne de faire cesser les violences, a-t-il martelé, avant de dénoncer un « axe du mal » impliquant le Jihad islamique, le Hamas et d’autres forces anti-israéliennes de la région, notamment le Hezbollah soutenu par le « régime des ayatollahs ». 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Déclarations

M. TOR WENNESLAND, Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, qui s’exprimait en visioconférence, a commencé par rappeler que débute bientôt le mois sacré de ramadan, parallèlement aux fêtes de la Pâque juive.  Adressant ses meilleurs vœux à ceux qui observeront ces jours saints, il a rappelé à tous que le statu quo sur les Lieux saints de Jérusalem doit être respecté et a exhorté l’ensemble des parties à s’abstenir, en cette période sensible, de mesures unilatérales susceptibles d’exacerber les tensions. 

M. Wennesland a ensuite abordé le vingt-cinquième rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016) durant la période du 8 décembre 2022 au 13 mars 2023, rappelant que ce texte du Conseil appelle Israël à « cesser immédiatement et complètement tout activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est » et à « respecter pleinement toutes ses obligations légales à cet égard ».  Ces activités se sont néanmoins poursuivies au cours de la période considérée, a- déploré le Coordonnateur spécial, qui les a ensuite énumérées.  Il a notamment relevé que, le 27 décembre, des colons israéliens ont pris le contrôle d’une parcelle de terre agricole louée par une famille palestinienne à l’Église orthodoxe grecque depuis 1931 dans le quartier de Silwan, à Jérusalem-Est occupée.  En outre, le 2 janvier, le Gouvernement israélien a informé la Haute Cour de justice qu’il avait l’intention de légaliser l’avant-poste de Homesh, construit sur un terrain privé palestinien, notamment en abrogeant une partie de la loi de 2005 sur le désengagement.  Le 12 février, le Gouvernement israélien a annoncé qu’il autorisait neuf avant-postes en Cisjordanie occupée et que le Comité supérieur de planification se réunirait dans quelques jours pour proposer des logements dans les colonies.  Celui-ci a par la suite avancé des plans pour plus de 7 200 logements dans les colonies, dont environ 4 000 situés au plus profond de la Cisjordanie occupée. 

Parallèlement, les démolitions et les saisies de structures appartenant à des Palestiniens se sont poursuivies dans toute la Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est, a indiqué M. Wennesland, précisant que les autorités israéliennes ont démoli, saisi ou forcé des personnes à démolir 331 structures.  Ces actions ont déplacé 388 personnes, dont 89 femmes et 197 enfants, a-t-il ajouté.  Le 7 février, a-t-il noté, les autorités israéliennes ont reporté la démolition d’un immeuble à plusieurs étages abritant 74 Palestiniens à Silwan, dans Jérusalem-Est occupée.

Le Coordonnateur spécial a ensuite constaté qu’en dépit des appels au calme inclus dans la résolution 2334 (2016), la violence quotidienne a considérablement augmenté au cours de la période considérée.  Quatre-vingt-deux Palestiniens, dont une femme et 17 enfants, ont été tués par les forces de sécurité israéliennes, tandis que 2 683 Palestiniens, dont 123 femmes et 320 enfants, ont été blessés, a-t-il précisé, relevant que, parmi eux, 308 ont été blessés par des tirs à balles réelles.  En outre, 4 Palestiniens ont été tués et 89 blessés dans un nombre croissant d’attaques de colons israéliens, lesquels ont également endommagé des biens appartenant à des Palestiniens. 

Dans le même temps, 13 civils israéliens et une ressortissante étrangère ont été tués, tandis que 49 Israéliens et 6 membres des forces de sécurité israéliennes ont été blessés par des Palestiniens lors d’attaques à l’arme à feu et d’autres incidents. 

Au total, a encore précisé M. Wennesland, les forces de sécurité israéliennes ont mené 1 084 opérations de recherche et d’arrestation en Cisjordanie, aboutissant à l’arrestation de 1 906 Palestiniens, dont 133 enfants.  Israël détient actuellement 967 Palestiniens en détention administrative, le nombre le plus élevé depuis plus d’une décennie, a-t-il signalé, avant de détailler les incidents mortels survenus au cours de la période à l’examen à Naplouse, Jérusalem-Est, Tel Aviv, Salfit et Houara. 

Alors que la résolution 2334 (2016) appelle les parties à s’abstenir de toute provocation, ces actes se sont aussi intensifiés, a observé M. Wennesland, déplorant que des responsables du Fatah, ainsi que du Hamas et du Jihad islamique palestinien, aient glorifié les auteurs d’attaques contre des Israéliens et appelé à de nouvelles attaques.  Un haut responsable du Fatah a ainsi qualifié Israël d’« ennemi fasciste qui aime assassiner et faire couler le sang », tandis qu’un ministre israélien a effectué une visite incendiaire dans les Lieux saints de Jérusalem.  De plus, a ajouté le Coordonnateur spécial, plusieurs membres de la Knesset ont salué les attaques des colons contre les Palestiniens et leurs biens à Houara et un ministre israélien a déclaré que Houara devrait être « anéantie » par les autorités israéliennes. 

Dans ce contexte, en dépit des appels du Quatuor pour le Moyen-Orient à des « mesures positives » sur le terrain, les tendances négatives ont pris le dessus, a souligné M. Wennesland.  Le 6 janvier, le Gouvernement israélien a ainsi décidé du transfert de 39 millions de dollars aux familles d’Israéliens tués dans des attentats palestiniens à partir des recettes fiscales de l’Autorité palestinienne retenues par Israël.  Cette mesure, a-t-il rappelé, faisait suite à l’adoption le 30 décembre d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies demandant un avis consultatif à la Cour internationale de Justice (CIJ) concernant l’occupation par Israël du territoire palestinien.  Notant que, le 2 février, le Ministre israélien des finances a annoncé qu’Israël doublerait les déductions mensuelles sur les recettes fiscales qu’il retient sur la base de ce que l’Autorité palestinienne verse aux auteurs d’attaques contre les Israéliens ou leurs familles, le haut fonctionnaire a indiqué que cette situation financière difficile de l’Autorité palestinienne a entraîné des coupes continues dans les salaires du secteur public, avec de graves conséquences sociales.  Parallèlement, a-t-il indiqué, l’ONU a continué de fournir une aide humanitaire et une aide au développement vitale aux Palestiniens de Gaza et reste engagée avec toutes les parties pour réduire les restrictions d’accès afin de soutenir l’économie du territoire et la fourniture des services de base. 

Évoquant ensuite la rencontre le 26 février à Aqaba, en Jordanie, entre de hauts responsables jordaniens, égyptiens, israéliens, palestiniens et américains, M. Wennesland a pris acte du communiqué conjoint, dans lequel les participants israéliens et palestiniens ont réaffirmé « leur engagement envers tous les accords antérieurs et leur volonté d’œuvrer pour une paix juste et durable ».  Il a d’autre part rappelé que, le 20 février, le Conseil de sécurité a adopté une déclaration présidentielle réaffirmant, entre autres, son attachement à la solution des deux États, son opposition aux actions unilatérales et sa condamnation de la violence contre les civils, y compris les actes de terrorisme.  Les 4 et 8 mars, a-t-il ajouté, cinq pays de l’Union européenne plus le Royaume-Uni et les 27 États membres de l’UE ont publié des déclarations condamnant l’augmentation de la violence sur le terrain et appelant à la désescalade. 

En conclusion, le Coordonnateur spécial s’est dit profondément troublé par la poursuite de l’expansion des colonies israéliennes, notamment l’autorisation récente de neuf avant-postes illégaux, la construction de plus de 7 000 logements dans les colonies et l’avancement potentiel des colonies dans la zone E1 qui est cruciale pour la contiguïté d’un futur État palestinien.  Réitérant que les colonies de peuplement israéliennes n’ont « aucune valeur juridique » et constituent une violation flagrante du droit international et des résolutions de l’ONU, il a appelé le Gouvernement israélien à cesser immédiatement ces activités ainsi que les démolitions et saisies de structures palestiniennes.  De l’avis de M. Wennesland, les déclarations de l’UE et du Conseil ainsi que le communiqué conjoint d’Aqaba sont des appels au calme bienvenus.  Si elles sont mises en œuvre, les étapes décrites à Aqaba seraient un début important pour inverser les tendances négatives sur le terrain, a-t-il dit, exhortant les parties à travailler ensemble pour trouver des solutions urgentes et durables.  Enfin, après avoir invité la communauté internationale à renforcer la santé budgétaire et institutionnelle de l’Autorité palestinienne et à soutenir l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), il a soutenu que « rien ne peut remplacer un processus politique légitime qui résoudra les problèmes fondamentaux à l’origine du conflit ». 

Mme LINDA GREENFIELD-THOMAS (États-Unis) a dénoncé la violence en Cisjordanie, ainsi que les incitations à la violence.  Elle a appelé à la désescalade en prévision des différentes fêtes religieuses, en se félicitant des efforts menés à cette fin.  Elle a estimé que cette période de fête doit être une occasion de célébration plutôt que d’affrontement.  Les deux parties peuvent contribuer au retour au calme, a-t-elle dit, en appuyant la solution des deux États.  Si une telle solution semble s’éloigner, nous devons continuer à nourrir de l’espoir en un avenir plus radieux, a conclu la représentante.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est dite préoccupée par la situation en Cisjordanie occupée, où le nombre des victimes d’affrontements entre forces israéliennes et Palestiniens est le plus important depuis des années.  Elle a ensuite condamné les attaques terroristes prenant pour cible Israël, en soutenant le droit d’Israël à la légitime défense.  La représentante a également rappelé que les colonies sur le Territoire palestinien occupé sont illégales au regard du droit international et que la poursuite des activités de peuplement doit cesser.  Elle a demandé aux parties de s’abstenir de toute action unilatérale et à privilégier les mesures de renforcement de la confiance, en particulier à l’approche des fêtes religieuses d’avril.  L’Albanie, a ajouté la représentante, est plus que jamais favorable à une solution à deux États négociée, qui permettrait à la Palestine et à Israël de coexister en paix et en sécurité avec Jérusalem pour capitale commune.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a dénoncé les raids sanglants menés par les Forces de défense israéliennes depuis le début de l’année à Jénine, Jéricho, Naplouse et Houara, au cours desquels une cinquantaine de Palestiniens ont été tués, dont 18 mineurs.  Le représentant a vu une autre source de préoccupation dans l’approbation par la Knesset de projets de loi sur la privation de citoyenneté des Arabes israéliens, avec expulsion ultérieurement vers le Territoire palestinien occupé pour activités terroristes présumées, ainsi que sur le refus d’accorder des traitements et soins médicaux aux prisonniers palestiniens.  Pour le représentant, la situation restera explosive jusqu’à ce que les parties parviennent à des accords mutuellement acceptables sur toutes les questions, dont celle du statut définitif basé sur la solution des deux États. 

Pour la Fédération de Russie, il est devenu évident que l’un des facteurs qui entravent la réalisation d’une paix juste pour les Palestiniens est l’action des États-Unis, qui cherchent à monopoliser le processus de paix et à le reconfigurer selon les « modèles » qui lui conviennent, par exemple en imposant aux Palestiniens une « paix économique » plutôt que de répondre à leurs aspirations légitimes à créer leur propre État indépendant.  Le représentant y a vu la confirmation que Washington contourne l’autorité du Conseil de sécurité de l’ONU sans tenir compte des solutions internationalement agréées.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a appelé les parties à la plus grande retenue et à respecter le statu quo autour des Lieux saints.  L’Autorité palestinienne doit reprendre sa coopération sécuritaire avec Israël, lutter contre le terrorisme et assurer la sécurité dans la zone A, tandis que les forces israéliennes doivent se conformer au droit international et faire montre de retenue.  Israël doit cesser d’approuver des projets de colonisation et l’expulsion de Palestiniens, en particulier à Jérusalem-Est, a tranché le délégué.  Il a estimé que la loi de désengagement de la Knesset sape la solution des deux États et entrave les efforts en faveur de la désescalade.  Enfin, il a condamné les récentes déclarations incendiaires de certains responsables israéliens.

M. LUÍS GUILHERME PARGA CINTRA (Brésil) s’est dit particulièrement préoccupé, dans le contexte de tensions exacerbées au Moyen-Orient, par l’approche des fêtes religieuses d’avril, car le mois sacré du ramadan coïncidera cette année avec les Pâques juive et chrétienne.  En l’absence d’engagement véritable de la part de toutes les parties pour que les célébrations se déroulent pacifiquement, une escalade de la violence est à craindre, a mis en garde le représentant. 

Aussi le Brésil se félicite-t-il de l’accent mis dans le communiqué conjoint de la réunion du 19 mars à Charm el-Cheikh sur la nécessité pour les deux parties de prévenir toute action de nature à remettre en cause le caractère sacré des Lieux saints.  Le représentant a insisté sur la nécessité de poursuivre les mesures de renforcement de la confiance mutuelle, de créer un horizon politique et de régler les questions en souffrance par des pourparlers directs.  S’il a salué la création d’un mécanisme pour prendre les mesures nécessaires en vue d’améliorer les conditions économiques du peuple palestinien et la situation budgétaire de l’Autorité palestinienne, il a également plaidé pour une réconciliation intrapalestinienne.  Il a enfin souligné le rôle joué par la pauvreté, l’insécurité alimentaire et le désespoir dans le recrutement par les forces extrémistes.

M. ADRIAN HAURI (Suisse) s’est dit préoccupé par le niveau élevé de violence et la détérioration de la situation sécuritaire au Proche-Orient.  Constatant que le nombre de victimes civiles des deux côtés ne cesse d’augmenter, le représentant a salué les efforts pour une désescalade et a appelé urgemment les dirigeants de toutes les parties à s’engager de manière déterminée en ce sens.  Il a en revanche qualifié d’inacceptables les déclarations du Ministre des finances israélien qui nient l’existence du peuple palestinien, avant d’exhorter Israël à respecter les accords précédemment conclus en vue d’une solution à deux États, ainsi que le traité de paix de 1994 avec la Jordanie.  Le représentant s’est également inquiété des opérations menées par les forces de sécurité israéliennes en Cisjordanie, qui ont fréquemment pour conséquence un nombre élevé de victimes palestiniennes.  Il a en outre condamné les actes de violence contre les civils palestiniens commis par des colons, notamment à Houara, mais aussi ceux perpétrés par des Palestiniens à l’encontre de civils Israéliens, tels qu’à Tel Aviv le 9 mars.  La violence doit être condamnée sans équivoque par les dirigeants israéliens et palestiniens et ne pas rester impunie, a-t-il dit, avant de rappeler que déjà 16 enfants ont été tués depuis le début de l’année. 

Le représentant a par ailleurs noté avec inquiétude le transfert de gouvernance des affaires civiles des colons en territoire occupé.  Conformément au droit international humanitaire, Israël doit s’abstenir de prendre des mesures qui introduiraient des changements permanents, en particulier démographiques et administratifs, dans le territoire occupé, a-t-il dit, réaffirmant que les colonies sont illégales et constituent un obstacle majeur à une paix basée sur une solution à deux États.  Dans ce contexte, il a appelé au rétablissement de l’unité politique palestinienne, considérant que l’affaiblissement continu de l’Autorité palestinienne et la perte de légitimité de ses institutions constituent des entraves à la paix.  Enfin, en ce début de fêtes religieuses, il a exhorté chacun à faire preuve de retenue, notamment autour des Lieux saints, et a demandé aux autorités compétentes de garantir le respect du statu quo sur l’esplanade des Mosquées/mont du Temple. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a salué les efforts récents consentis par les Palestiniens et les Israéliens en faveur du dialogue et de la désescalade, avant de prendre note avec satisfaction du rapprochement entre l’Iran et l’Arabie saoudite.  Il s’est inquiété de la récente modification de la législation israélienne permettant le retour d’Israéliens dans d’anciennes colonies délaissées, avant de dénoncer la poursuite des activités de colonisation et des démolitions de propriétés palestiniennes.  Il a déploré le niveau de violence élevé des deux côtés, avant de se dire préoccupé par la situation dans les camps de réfugiés palestiniens.  Enfin, il a appelé les parties à faire montre de la plus grande retenue et à s’abstenir de tout acte unilatéral susceptible d’alimenter les tensions.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a exigé que le cycle de violence prenne fin, appelant les acteurs à la plus grande retenue alors que débute la période des fêtes religieuses.  Après avoir salué les efforts des États-Unis, de l’Égypte et de la Jordanie pour réunir les parties pour la première fois depuis de nombreuses années à Aqaba et Charm el-Cheikh, le représentant a affirmé qu’une désescalade durable ne pourra avoir lieu qu’avec l’arrêt de la politique de colonisation menée par Israël. 

Le représentant s’est dit particulièrement préoccupé par l’amendement apporté à la loi israélienne de 2005 sur le désengagement, qui pourrait ouvrir la voie à une légalisation de colonies sauvages au nord de la Cisjordanie.  « Toutes ces mesures unilatérales, en violation du droit international, éloignent chaque jour un peu plus la perspective d’une solution à deux États », a constaté M. de Rivière, qui a souligné qu’elles participent aussi d’une dynamique d’annexion et donc d’une déstabilisation accrue sur le terrain.  Les accords passés doivent être respectés, s’agissant notamment des dispositions relatives à la zone C, a insisté le représentant, pour qui il faut restaurer un horizon politique, seul à même de permettre la mise en œuvre de la solution des deux États.  Les Israéliens et les Palestiniens méritent de vivre en paix et en sécurité, a-t-il ajouté.

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a rappelé que, dans une déclaration présidentielle adoptée il y a un mois, le Conseil de sécurité avait condamné tous les actes de violence, y compris les actions terroristes, et appelé toutes les parties à s’abstenir de toute provocation.  Hélas, a déploré le représentant, les actes de violence n’ont fait que se répéter contre des civils pendant la période à l’examen.  Il faut faire toute la lumière sur ces actions et faire en sorte que leurs auteurs rendent des comptes devant la justice, a-t-il plaidé, non sans observer que de nouveaux actes de provocation ont été signalés de part et d’autre.  Nous savons que le comportement de ceux qui ont autorité a une incidence sur ceux qui les suivent, a-t-il souligné, avant d’exhorter à la retenue pendant la période des célébrations saintes. 

Pour l’Équateur, il est également essentiel que le principe du statu quo soit maintenu à Jérusalem et que le rôle de garant de la Jordanie soit respecté.  Saluant la réunion de haut niveau organisée en février à Aqaba, en Jordanie, ainsi que les récents échanges intervenus à Charm el-Cheikh en Égypte, le représentant a jugé encourageant que le communiqué final de cette dernière rencontre fasse état d’un accord visant à faire baisser les tensions.  Il a souhaité que ces réunions soient le prélude d’un processus démocratique et pacifique permettant aux parties de trouver un chemin vers la solution des deux États. 

M. MOHAMED ABUSHABAB (Émirats arabes unis) a appelé les parties à s’engager en faveur du communiqué commun de Charm el-Cheikh et à mettre un terme à toute mesure unilatérale, sous peine d’aboutir à un niveau de violence qui deviendrait rapidement intenable.  Le représentant a rappelé que ce cycle de violence n’est pas nouveau.  Pour lui, il est le produit d’une série de mesures illégales et d’une soi-disant « gestion du conflit », plutôt que de son règlement.  « Il est de la responsabilité de la communauté internationale de refuser la normalisation de l’escalade actuelle », a poursuivi le représentant, qui a souhaité l’envoi d’un signal unifié fort.  Il a exhorté Israël à mettre un terme à la violence des colons et à tenir responsables les auteurs de violence: « Les raids israéliens, comme ceux récemment conduits à Naplouse et Jénine, doivent cesser. »  Enfin, il a condamné la déclaration incendiaire prononcée par le Ministre israélien des finances qui a appelé à rayer de la carte le village d’Houara.

Préoccupée par le cycle perpétuel de violence et d’instabilité en Palestine, Mme SHINO MITSUKO (Japon) a déploré la récente attaque perpétrée dans le camp de réfugiés de Jénine le 7 mars, laquelle a fait plusieurs morts et blessés.  Son inquiétude porte aussi sur la poursuite de la colonisation en Cisjordanie et du terrorisme sous toutes ses formes et manifestations, notamment le meurtre de deux Israéliens à Houara le 26 février, ainsi que les tirs visant des Israéliens dans plusieurs villes.  La représentante a donc appelé toutes les parties à la plus grande retenue et à éviter toute action unilatérale susceptible d’aggraver la situation.  Ma délégation, a-t-elle précisé, est également préoccupée par la remarque provocatrice du Ministre israélien des finances, dimanche dernier.  La représentante s’est toutefois félicitée de la réunion à cinq qui s’est tenue récemment à Charm el-Cheikh.  Le Japon est disposé à contribuer à l’atténuation des tensions, en vue de la réalisation d’une solution à deux États, comme le Premier Ministre Fumio Kishida l’a indiqué dans sa conversation téléphonique avec le Président israélien, le 14 mars, a rappelé la représentante.

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a déploré la poursuite de schémas alarmants de violence, de terrorisme et de pertes de vies humaines, au mépris des dispositions de la résolution 2334 (2016) et de la déclaration présidentielle adoptée il y a un mois par le Conseil.  La représentante s’est dite particulièrement consternée par le nombre d’enfants victimes, des deux côtés, d’actes de violence.  Elle a aussi regretté le grand nombre de victimes résultant des opérations israéliennes en Cisjordanie, exhortant les autorités d’Israël à faire preuve de retenue dans l’utilisation de balles réelles dans les opérations de recherche et d’arrestation.  Le ciblage de non-combattants non armés et d’enfants est inacceptable, a-t-elle insisté. 

La représentante s’est d’autre part alarmée de la fréquence croissante des actes de terreur, y compris l’attaque terroriste perpétrée à Tel Aviv le 9 mars, dont le Hamas a revendiqué la responsabilité.  Condamnant sans équivoque tout acte terroriste, elle a rappelé à l’Autorité palestinienne son obligation de renoncer à la terreur et de la combattre. 

La représentante a condamné « l’horrible violence » des colons dans les territoires palestiniens occupés, avant de réaffirmer que la poursuite et l’expansion des colonies par Israël, la démolition de maisons et le déplacement de Palestiniens dans les territoires occupés sont autant de violations du droit international et des résolutions du Conseil, y compris la résolution 2334 (2016).  En dépit de ces développements, elle s’est félicitée des appels à la désescalade intervenus lors des réunions d’Aqaba et de Charm el-Cheikh, en particulier à l’approche de la période des fêtes religieuses.  S’agissant enfin du processus de paix, elle a rappelé la dernière déclaration commune des 27 États membres de l’Union européenne, qui exhorte à envisager de « nouvelles perspectives pour la paix », et a salué les engagements constructifs pris avec la Ligue des États arabes pour relancer l’Initiative de paix arabe.

M. GENG SHUANG (Chine) a souhaité par avance un bon mois de ramadan, avant de s’inquiéter de la recrudescence de la violence en Cisjordanie.  S’il a salué les efforts en vue d’une désescalade, notamment ceux entrepris à Charm el-Cheikh, le représentant a insisté sur la nécessité de passer des paroles aux actes.  Il a exhorté les forces de sécurité israéliennes à faire montre de la plus grande retenue et à se conformer à leurs obligations en vertu du droit international. 

Dénonçant la poursuite des activités de colonisation, le représentant s’est inquiété de la récente modification de la législation israélienne permettant le retour d’Israéliens dans d’anciennes colonies.  La préservation de la solution des deux États doit être notre priorité absolue, a-t-il affirmé.  Enfin, il a exhorté tous les acteurs, y compris le Conseil, à s’acquitter de leurs responsabilités en vue d’un règlement du conflit.

Mme ALLEGRA BONGO (Gabon) s’est déclarée inquiète du statu quo observé sur le terrain durant la période à l’examen.  Après avoir déploré l’attaque terroriste perpétrée le 9 mars à Tel Aviv et les affrontements survenus à Jénine le 16 mars, elle a condamné les violences de part et d’autre, tout en estimant qu’aucune cause ne doit légitimer le recours à la terreur.  Selon la représentante, Israël a droit à la sécurité mais il doit exercer ce droit dans le respect du droit international humanitaire.  En outre, en tant que Puissance occupante, Israël doit veiller à ce que les populations civiles palestiniennes soient protégées, a-t-elle ajouté, non sans appeler toutes les parties à faire preuve de retenue et à agir pour rétablir la confiance.  Jugeant à cet égard que l’implication des pays de la région et de ceux qui ont une influence sur les parties est requise, elle a salué la tenue, le 19 mars à Charm el-Cheikh, d’une réunion des responsables politiques et de la sécurité jordaniens, israéliens, palestiniens et américains, dans le cadre de l’accord conclu à Aqaba, en Jordanie, le 26 février. 

La déléguée a ensuite rappelé l’attachement de son pays à la solution des deux États, avant de se déclarer préoccupée par la situation économique de l’Autorité palestinienne.  De même, face aux conséquences humanitaires du conflit, elle a invité la communauté internationale à se mobiliser en faveur de l’UNRWA.  Enfin, elle s’est félicitée qu’une somme de 9,5 millions de dollars ait été ponctionnée du Fonds central pour les interventions d’urgence (CERF) et du Fonds humanitaire pour le Liban pour prévenir la propagation du choléra, une maladie qui affecte 1,5 million de personnes, dont des réfugiés syriens et palestiniens, au Liban.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) a condamné l’expansion des colonies de peuplement et toutes les mesures unilatérales prises par Israël dans le but de modifier la composition démographique, le caractère et le statut du territoire palestinien.  Le représentant a estimé que le respect des résolutions de l’ONU, en particulier celles relatives à la solution des deux États, est crucial.  Se disant préoccupé par l’insécurité croissante, les morts et les blessés parmi les civils palestiniens, il a affirmé que le Conseil avait la responsabilité première d’agir collectivement dans le règlement de ce conflit.  Il a ensuite salué les efforts des partenaires internationaux visant à exercer une influence positive pour le respect de l’état de droit et de la démocratie en Palestine, en créant les conditions nécessaires à la tenue d’élections présidentielle et législatives dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.  Enfin, le représentant a encouragé les parties à poursuivre sur la voie du dialogue et à œuvrer à l’avènement d’une solution à deux États, conformément aux résolutions 242 (1967) et 2334 (2016) du Conseil de sécurité.

Nous existons sur cette terre et nous continuerons d’exister, a déclaré M. RIYAD MANSOUR, Observateur permanent de l’État de Palestine.  « Nous avons été, nous sommes et nous serons. »  Malgré le déni de leurs droits fondamentaux et des tragédies qu’ils ont endurées, les Palestiniens ne disparaîtront pas, a poursuivi l’Observateur permanent qui a déploré que, 75 ans après la « Nakba », un ministre israélien continue de nier l’existence même des Palestiniens et ce, pour justifier ce qui va arriver. 

Cette déclaration a été prononcée alors qu’une annexion illégale est plus que jamais en cours, a accusé M. Mansour, qui a affirmé que les Palestiniens se montraient « déraisonnablement raisonnables » pour empêcher un bain de sang et pour restaurer un horizon d’espoir.  « Cela n’est pas un signe de faiblesse mais le signe d’une sagesse durement acquise », a-t-il assuré. 

M. Mansour a souligné la nécessité de mobiliser tous les efforts afin de mettre un terme à cette annexion et à la violence perpétrée contre les Palestiniens, ajoutant: « Craignez le feu que vous ne pouvez éteindre. »  Nous avons tous le devoir d’agir maintenant, avec tous les moyens à notre disposition, afin de prévenir un incendie qui pourrait tout dévorer, a-t-il ajouté.  Enfin, il a appelé ce Conseil et tous les États Membres à mettre en œuvre les résolutions pertinentes et, avant tout, la résolution 2334 (2016).  La paix est à ce prix, a conclu M. Mansour.

M. GILAD MENASHE ERDAN (Israël) a fait valoir qu’en dépit des « affirmations fallacieuses » du représentant de la Palestine, son pays est sans nul doute la démocratie « la plus vibrante » de la région.  Nul ne peut nier, selon lui, que lorsque des actes de violence sont commis, l’État d’Israël agit pour demander des comptes et déférer les auteurs devant la justice.  Accusant l’Observateur permanent palestinien de représenter une « autorité de la terreur », il lui a reproché de faire mention d’événements qui ne représentent en rien les valeurs d’Israël et de les présenter comme un phénomène à grande échelle.  Ses mensonges n’ont qu’un objectif: « permettre au conflit de durer pour délégitimer l’existence même de l’État d’Israël », a asséné le représentant.  Sur le terrain, alors que les autorités israéliennes enquêtent, les autorités palestiniennes glorifient le terrorisme qui verse le sang d’Israéliens innocents, a-t-il ajouté, jugeant « honteux » que les Palestiniens osent condamner les propos d’un ministre israélien, qui s’est ensuite excusé, tandis que leurs responsables incitent au terrorisme sans jamais condamner les meurtres de civils israéliens.  Le Vice-Président du Fatah a ainsi justifié le meurtre de civils comme étant une « réaction naturelle », a dénoncé le représentant, avant de rappeler qu’il y a un mois, le Président Abbas lui-même a décidé d’ « effacer des faits historiques » en affirmant que les Palestiniens sont les seuls à avoir une autorité sur le mont du Temple et le Mur des lamentations. 

Regrettant que les propos du Président Abbas ne soient jamais condamnés, le représentant a indiqué que, rien qu’en 2021, l’Autorité palestinienne a versé 175 millions de dollars aux familles de terroristes.  Alors que cette pratique se poursuit, « votre silence est assourdissant », a-t-il lancé aux membres du Conseil.  Après avoir dénoncé les célébrations qui ont suivi des attaques terroristes comme celle récente de Tel Aviv, il a vu une corrélation entre les propos de responsables palestiniens et l’escalade de la violence.  À cet égard, il a regretté que la « résolution biaisée » adoptée en 2016 par le Conseil pointe du doigt Israël sans considérer les incitations à la terreur de la partie palestinienne.  La réconciliation est impossible si l’on appelle à assassiner des civils israéliens, a poursuivi le représentant, avant de s’interroger sur la raison pour laquelle le Conseil « n’aborde jamais cette question cruciale ».  Bien que plus de 1 000 attaques terroristes aient été perpétrées, « ce n’est pas sur cela que se concentre le débat d’aujourd’hui », a-t-il accusé.  Pourtant, a-t-il poursuivi, de nouveaux groupes armés palestiniens agissent dans des zones comme Naplouse et Jénine, et « les responsables palestiniens restent les bras croisés; pas Israël ».  C’est pourquoi, a-t-il expliqué, Israël a mis en œuvre des « mesures défensives » pour protéger ses villes. 

De plus, alors que les autorités palestiniennes encouragent la violence, Israël a fait montre de sa volonté de se mettre à la table des négociations, comme cela a été le cas à Aqaba, en Jordanie, puis à Charm el-Cheikh, en Égypte, a fait valoir le représentant.  Mais si Israël est prêt à honorer sa parole, il est de la responsabilité de l’Autorité palestinienne de faire cesser les violences et les incitations à la violence, a-t-il dit, affirmant d’autre part qu’à l’occasion des fêtes religieuses à venir, les autorités israéliennes s’efforceront de protéger les fidèles qui iront prier au mont du Temple/esplanade des Mosquées. 

Avant de conclure, le représentant a mis en garde contre la création d’un « axe du mal » impliquant le Jihad islamique, le Hamas et d’autres forces anti-israéliennes de la région, notamment le Hezbollah.  Ces forces envisageraient, selon lui, de commettre des attentats pendant le mois de ramadan, soutenues par des entités qui cherchent à déstabiliser la région, à commencer par le « régime des ayatollahs ».  L’Iran, a-t-il rappelé, enrichit désormais l’uranium à hauteur de 84% et entend toujours « raser Israël ».  Il a aussi évoqué le sort des femmes dans ce pays et les transferts d’armes iraniennes dans le conflit ukrainien.  « Pourquoi ne discute-t-on pas de ce que personne n’ose voir? », a-t-il demandé, appelant à arrêter le régime iranien et ses supplétifs « dans leur velléités ». 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La première conférence de l’ONU sur l’eau depuis 1977 est convoquée pour accélérer l’accès de tous à l’eau et sa gestion durable d’ici à 2030

Conférence des Nations Unies sur l’eau
1re et 2e séances plénières – matin & après-midi
ENV/DEV/2051

La première conférence de l’ONU sur l’eau depuis 1977 est convoquée pour accélérer l’accès de tous à l’eau et sa gestion durable d’ici à 2030

Plus de 40 ans après la première conférence sur le thème de l’eau tenue à Mar del Plata, en Argentine, des milliers de participants du monde entier se sont donné rendez-vous du 22 au 24 mars 2023, au Siège de l’ONU à New York, dans le cadre d’une conférence « historique » de haut niveau sur l’eau.  Il s’agit notamment de contribuer à la réalisation de l’objectif de développement durable consistant à garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement (ODD 6), ainsi que les autres objectifs et cibles connexes du Programme de développement durable à l’horizon 2030, sachant que l’eau est au cœur de tous les grands défis actuels.

La Conférence des Nations Unies consacrée à l’examen approfondi à mi-parcours de la réalisation des objectifs de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau et le développement durable » (2018-2028), s’est ouverte ce matin, en même temps que la Journée mondiale de l’eau.  Coorganisée par le Royaume des Pays-Bas et le Tadjikistan, elle appelle les intervenants à insister sur la gestion intégrée et durable des ressources en eau à des fins sociales, économiques et environnementales, et sur le renforcement de la coopération et les partenariats à tous les niveaux, et vise à parvenir à un Programme d’action pour l’eau.

En attendant, a tempêté le Secrétaire général de l’ONU, « nous avons brisé le cycle de l’eau, détruit les écosystèmes et contaminé les eaux souterraines ».  Aujourd’hui, a souligné M. António Guterres, près de trois catastrophes naturelles sur quatre sont liées à l’eau.  Une personne sur quatre vit sans services d’eau gérés de manière sûre ou sans eau potable.  Plus de 1,7 milliard de personnes ne disposent pas de systèmes d’assainissement de base.  « Nous n’avons pas une minute à perdre », a pressé le Secrétaire général, pour qui cette conférence est bien plus qu’une conférence sur l’eau.  « C’est une conférence sur le monde contemporain, vu sous l’angle de sa ressource la plus importante. » 

« Nous ne pouvons pas faire face à cette urgence du XXIe siècle avec des infrastructures d’un autre âge », a martelé le Secrétaire général.  Il s’agit de faire de la résilience une priorité et d’opérer un changement radical.  Il faut aller « au-delà des solutions conventionnelles », a renchéri le Président de l’Assemblée générale, M. Csaba Kőrösi, qui a préconisé un système mondial d’information sur l’eau et défendu un pacte pour l’éducation.  À mi-parcours du Programme 2030, le monde est à un tournant décisif, a-t-il encore averti.

« 2030, c’est dans sept ans », a appuyé le Roi Willem-Alexander des Pays-Bas.  Le temps est venu de dépasser les intérêts partiels et sectoriels, d’avoir une vision d’ensemble et de passer à l’action, a-t-il déclaré.  Il a appelé à prendre exemple sur le partenariat formé par son pays avec le Tadjikistan, deux nations que tout oppose géographiquement et qui pourtant représentent virtuellement à elles deux « le monde de l’eau ».  La conférence d’aujourd’hui est historique en ce qu’elle permet de promouvoir et de comprendre clairement les défis liés à l’eau et de rechercher des solutions efficaces, a fait valoir à son tour M. Emomali Rahmon, Président du Tadjikistan.

Le Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires économiques et sociales et Secrétaire général de la Conférence, M. Li Junhua, a prévenu qu’une gestion durable des systèmes hydriques sera nécessaire pour l’adaptation et l’atténuation aux changements climatiques.  Beaucoup a été fait mais avec une population mondiale multipliée par deux, dans de nombreuses régions, l’accès à l’eau, l’assainissement et l’hygiène pour tous (WASH) demeure un rêve, a regretté la Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC).  Chaque jour, a-t-elle noté, deux millions d’heures sont consacrées par les femmes et les filles à la corvée d’eau.  Mme Lachezara Stoeva a demandé qu’il soit fait preuve d’audace sur le thème de l’eau pour pouvoir réaliser les ODD, encourageant à écouter davantage les groupes marginalisés et défavorisés concernant leur accès à l’eau. 

Pour ce faire, plusieurs délégations ont, à l’instar de la Bolivie, la Namibie, l’Allemagne, le Portugal ou encore la Slovénie, appelé, lors du débat général, à nommer un envoyé spécial des Nations Unies pour l’eau. 

Conscients que les voyants sont au rouge pour atteindre l’ODD 6, les petits États insulaires en développement (PEID) du Pacifique, ont plaidé pour un soutien accru en termes de partenariat, de financement et de transfert de technologies.  Une approche appuyée par la délégation libyenne qui a prié les pays développés de considérer très sérieusement l’utilisation de leurs connaissances et de leurs capacités technologiques pour le dessalement, ainsi « nous n’aurons pas besoin de chercher de l’eau sur une autre planète ». 

Alors inspirez-vous des idées innovantes des jeunes et de leur audace pour soutenir la mise en œuvre des engagements de l’action mondiale en faveur de l’eau, a lancé une déléguée de la jeunesse néerlandaise.  Il faut léguer des solutions à la jeunesse, a soutenu la Suisse. 

En début de séance, il a été procédé à l’examen de toutes les questions de procédure et d’organisation, dont l’adoption du règlement intérieur et de l’ordre du jour, l’élection des deux présidents de la Conférence et du Bureau, la création éventuelle d’organes subsidiaires, la nomination des membres de la Commission de vérification des pouvoirs et l’examen les dispositions concernant l’établissement du rapport de la Conférence. 

Cinq dialogues interactifs sont organisés au cours de cet évènement marqué par la publication du rapport ONU-Eau édition 2023 intitulé « Accélérer le changement: partenariats et coopération ». 

En raison de circonstances exceptionnelles, la couverture du dernier segment de la plénière n’a pas pu être assurée.

La Conférence reprendra ses travaux demain, jeudi 23 mars, à partir de 10 heures. 

CONFERENCE CONSACRÉE À L’EXAMEN APPROFONDI À MI-PARCOURS DE LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DE LA DÉCENNIE INTERNATIONALE D’ACTION SUR LE THÈME « L’EAU ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE » (2018-2028)

Déclarations liminaires

M. EMOMALI RAHMON, Président du Tadjikistan et coorganisateur avec les Pays-Bas de la Conférence des Nations Unies consacrée à l’examen approfondi à mi-parcours de la réalisation des objectifs de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau et le développement durable » (2018-2028), a souligné que cette conférence historique coïncide symboliquement avec la Journée mondiale de l’eau.  Il a mis en avant l’action de son pays dans les questions liées à l’eau dans le Programme de développement durable depuis plus de 20 ans.  Il en a voulu pour preuve les neuf résolutions sur ces questions adoptées par l’Assemblée générale à l’initiative de son pays, et dont la mise en œuvre a permis, selon lui, d’établir une base forte pour permettre une action coordonnée mondiale pour les objectifs de l’eau.  Le Président a rappelé que les Membres ainsi que les agences des Nations Unies, notamment le Groupe des Amis de l’eau, ont joué un rôle important pour promouvoir ces objectifs.

Les ressources en eau sont aujourd’hui fortement touchées par différents défis et menaces qui risquent d’avoir une répercussion négative sur tous les aspects de la vie publique, notamment la sécurité alimentaire, et la durabilité de la nature, s’est inquiété le dirigeant.  Dans ce contexte, il a appelé à se concentrer sur les changements climatiques en raison de leur impact sur les ressources en eau potable.  La fonte rapide des glaciers, aussi bien en Arctique que dans l’Antarctique, ainsi que dans les parties continentales de la planète, montre que ce phénomène a bien lieu.  M. Rahmon a souligné que la croissance accélérée de la population mondiale augmente également la demande en eau.  Ainsi, a-t-il précisé, au cours des 50 dernières années la quantité d’eau a diminué de près de 2,5 fois au niveau mondial et plus de quatre fois dans certaines régions, notamment en Asie centrale.  Le Tadjikistan, qui souffre de ce phénomène, a enregistré des pertes économiques et humaines très importantes à cause des catastrophes liées à l’eau, ralentissant ses efforts pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD).  De manière globale, a rappelé le Président, 2 milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et 3,6 milliards n’ont pas accès à un assainissement sûr.  Près de 500 000 personnes meurent de maladies liées à l’eau chaque année.  Ces faits et chiffres montrent, selon lui, que les actions menées par la communauté internationale ne sont pas suffisantes.  C’est ayant ce fait à l’esprit que durant le processus de préparation de la conférence avec les Pays-Bas et d’autres partenaires des Nations Unies, l’accent a été mis sur les engagements permettant d’accélérer les actions pour atteindre les ODD liés à l’eau, a-t-il expliqué.

Le Chef de l’État a, en outre, rappelé que le Programme d’action pour l’eau a été présenté lors de la deuxième Conférence de Douchanbé sur la Décennie de l’eau qui a joué un rôle essentiel dans la préparation de cette conférence.  « Nous allons chercher à travers des efforts intégrés à faire face aux questions de l’eau et des conditions climatiques au sein des Nations Unies, et ce, durant la mise en œuvre de l’Année internationale de la préservation des glaciers (2025). »  Dans ce contexte, a annoncé M. Rahmon, le Tadjikistan compte accueillir une conférence internationale de haut niveau sur la préservation des glaciers en 2025.  Poursuivant, il a assuré que son pays, où 60% de l’eau de l’Asie centrale s’accumule, poursuivra ces efforts pour renforcer et élargir la coopération sur la gestion des ressources en eau transfrontières en Asie centrale pendant sa présidence du Fonds international pour la sauvegarde de la mer d’Aral.  Sur le plan national, le Président a promis de redoubler d’efforts pour accomplir pleinement sa réforme de l’eau d’ici à 2025.  Son pays, qui n’est pas en reste au niveau de l’économie verte, est aujourd’hui classé sixième en termes de production d’énergie venant de ressources en eau renouvelable, s’est-il enorgueilli.  Pour finir, M. Rahmon a jugé que la conférence d’aujourd’hui est historique en ce qu’elle permet de promouvoir et de comprendre clairement les défis liés à l’eau et de rechercher des solutions efficaces.  Il a appelé, en conclusion, à effectuer des efforts conjoints pour atteindre des résultats spécifiques conformément aux engagements de la communauté internationale.

M. WILLEM-ALEXANDER, Roi des Pays-Bas, en tant que coorganisateur avec le Tadjikistan de la Conférence des Nations Unies consacrée à l’examen approfondi à mi-parcours de la réalisation des objectifs de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau et le développement durable » (2018-2028), a évoqué toutes les différences entre leurs deux pays.  L’un, pays aux montagnes vertigineuses, l’autre, pays de polders; l’un en amont, l’autre en aval; l’un enclavé, l’autre côtier.  Dans l’un naissent les fleuves, dans l’autre ils se jettent dans la mer.  Les deux pays semblent former un « couple étrange, opposé », chacun ayant un équilibre hydrique complètement différent et pourtant, « nous sommes ravis de vous accueillir », car ensemble, ils représentent virtuellement « tout le monde de l’eau », a imagé le Roi des Pays-Bas.  Bien plus, a poursuivi M. Willem-Alexander, les deux pays représentent même les petits États insulaires en développement, car une partie du Royaume des Pays-Bas se trouve dans les Caraïbes et comprend Aruba, Curaçao et Saint-Martin, ainsi que les îles de Bonaire, Saint-Eustache et Saba.  Ensemble, « nous voulons souligner que l’eau est notre dénominateur commun », a insisté le Roi.  Dès lors, a-t-il demandé, supprimons toutes les barrières qui séparent les questions liées à l’eau, car tout ce qui mène à une vie décente est directement lié à l’eau. 

Léonard de Vinci avait raison de dire que l’eau est « la force motrice de la nature », a cité le souverain.  Or, a-t-il déploré, cette force est aujourd’hui menacée puisque le monde est confronté à un avenir où l’eau sera trop ou pas assez abondante, ou trop polluée.  Selon les Nations Unies, près de la moitié de la population mondiale souffrira d’un grave stress hydrique d’ici à 2030, a-t-il averti.  Il ne s’agit pas seulement d’un stress, mais d’un stress « important » et les personnes les plus touchées seront celles qui sont déjà vulnérables, a-t-il encore alerté, soulignant que 2030, c’est dans sept ans.

D’après le rapport 2022 sur les objectifs de développement durable qui a dressé un tableau alarmant dans presque tous les domaines, des crises interdépendantes mettent en danger le Programme de développement durable à l’horizon 2030, ainsi que la survie même de l’humanité.  Cela, « nous le savons tous.  Nous le ressentons tous », a martelé M. Willem-Alexander, c’est pourquoi, il a estimé le temps venu de dépasser les intérêts partiels et sectoriels, d’avoir une vision d’ensemble et de passer à l’action.  En tant que membres de la communauté internationale de l’eau, nous pouvons être les moteurs du changement, a-t-il fait valoir.

Le monarque s’est dit encouragé de constater que l’invitation à participer à cette conférence sur l’eau a été acceptée par un si grand nombre de personnes.  Non seulement les membres de l’ONU, mais aussi de nombreuses parties prenantes: des entreprises, des villes, des groupes autochtones, des organisations gérées par et pour les femmes, des organisations de protection de la nature et des instituts scientifiques, a-t-il relevé.  Il est rare qu’une conférence des Nations Unies fasse autant parler d’elle!  Si la jeune génération est également très motivée et prête à contribuer à la recherche de solutions, elle ne peut résoudre tous les problèmes.  Il est, dès lors, de notre responsabilité de faire tout ce qui est en notre pouvoir, a intimé le dirigeant.  Au cours de cette conférence, il va falloir « faire tourner la roue de l’eau », a-t-il résumé, promettant que nous ne nous arrêterons pas tant que l’eau n’occupera pas la place qu’elle mérite dans les agendas et les programmes politiques mondiaux. 

Pour finir, M. Willem-Alexander a informé que tous les engagements, promesses et actions seront rassemblés dans un programme d’action pour l’eau.  Il s’agit de créer un « lien fluide » entre l’eau et le travail d’ensemble des Nations Unies jusqu’en 2030 et au-delà.  Et s’il y a un conseil à donner, a-t-il conclu, c’est de toujours rechercher la compagnie de ceux qui ne sont pas dans votre domaine.  Suivez l’exemple de la République du Tadjikistan et du Royaume des Pays-Bas, cherchez à collaborer dans les eaux troubles du contraste, a-t-il lancé, car l’eau est notre terrain d’entente!

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a dressé un tableau sombre de l’avenir de l’eau, un droit humain compromis par une surconsommation « vampirique » et une utilisation non durable, qui provoque son évaporation en réchauffant la planète.  « Nous avons brisé le cycle de l’eau, détruit les écosystèmes et contaminé les eaux souterraines », s’est lamenté le Secrétaire général.  De fait, a-t-il précisé, près de 3 catastrophes naturelles sur 4 sont liées à l’eau.  Une personne sur quatre, vit sans services d’eau gérés de manière sûre ou sans eau potable.  Plus de 1,7 milliard de personnes ne disposent pas de systèmes d’assainissement de base.  La défécation en plein air est une réalité pour un demi-milliard de personnes.  Et des millions de femmes et de filles consacrent chaque jour plusieurs heures à la corvée d’eau. 

Dans ce contexte, M. Guterres a mis en avant quatre grands domaines d’accélération des résultats.  En premier lieu, il a appelé à combler les lacunes en matière de gestion de l’eau, exhortant les pouvoirs publics à élaborer et mettre en œuvre des plans pour garantir à toutes et tous un accès équitable à l’eau, tout en préservant cette précieuse ressource.  Il a invité les pays à travailler ensemble, par-delà les frontières, pour gérer l’eau conjointement.  L’une des réalisations dont il fut le plus fier lorsqu’il était Premier Ministre du Portugal, a témoigné le Secrétaire général, a été la signature, il y a 25 ans, de la Convention d’Albufeira sur la gestion de l’eau avec l’Espagne.  Une convention qui est toujours en vigueur aujourd’hui, s’est-il enorgueilli, évoquant des initiatives similaires en Bolivie, au Pérou et ailleurs.  À ce sujet, il a demandé instamment à tous les États Membres d’adhérer à la Convention sur l’eau des Nations Unies et de l’appliquer.

Passant ensuite à son deuxième point, le Chef de l’ONU a appelé à investir massivement dans les systèmes d’eau et d’assainissement.  Les propositions en faveur de la relance des objectifs de développement durable et des réformes de l’architecture financière mondiale visent à accroître l’investissement dans le développement durable, a-t-il fait valoir.  Dans ce contexte, il a invité les institutions financières internationales à réfléchir à de nouveaux moyens de développer les solutions de financement et à accélérer la réaffectation des droits de tirage spéciaux.  De même, il a encouragé les banques multilatérales de développement à continuer de multiplier leurs placements dans des projets liés à l’eau et à l’assainissement afin de venir en aide aux pays qui en ont désespérément besoin. 

Troisièmement, le Secrétaire général a recommandé de faire de la résilience une priorité car, a-t-il expliqué, « nous ne pouvons pas faire face à cette urgence du XXIe siècle avec des infrastructures d’un autre âge ».  À cet égard, il a énuméré différentes actions à entreprendre, notamment investir dans des canalisations, des infrastructures de distribution d’eau et des stations d’épuration résilientes face aux catastrophes.  Cela nécessite de nouveaux moyens de recycler et de conserver l’eau.  Cela implique des systèmes alimentaires intelligents, qui protègent le climat et la biodiversité en réduisant les émissions de méthane et la consommation d’eau.  Cela requiert d’investir dans un nouveau système d’information mondial qui permette de prévoir en temps réel les besoins en eau.  Cela signifie, a continué M. Guterres, que chaque personne dans le monde bénéficie de dispositifs d’alerte rapide contre les phénomènes climatiques ou météorologiques dangereux.  Pour cela il faut envisager de nouveaux partenariats public-privé dans le cadre de nos activités, a-t-il souligné. 

Enfin, abordant son quatrième point, le Secrétaire général a appelé à lutter contre les changements climatiques.  De fait, a-t-il analysé, l’action climatique et un avenir durable de l’eau sont indissociables.  Il ne faut ménager aucun effort afin de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius et répondre aux attentes des pays en développement en matière de justice climatique.  Sur cette question, M. Guterres a rappelé qu’il a proposé au G20 un pacte de solidarité climatique par lequel tous les grands émetteurs redoubleraient d’efforts pour réduire leurs émissions, et les pays les plus riches mobiliseraient des ressources financières et techniques pour soutenir la transition des économies émergentes.  M. Guterres a déclaré avoir présenté, en début de semaine, un plan visant à intensifier les efforts pour parvenir à un tel pacte de solidarité climatique, grâce à un programme d’accélération et à la pleine mobilisation de tous. 

« Nous n’avons pas une minute à perdre », a pressé le Secrétaire général, pour qui cette conférence est bien plus qu’une conférence sur l’eau.  « C’est une conférence sur le monde contemporain, vu sous l’angle de sa ressource la plus importante », a-t-il martelé.  Cette conférence doit marquer un progrès décisif, un changement radical, pour amener les États Membres et la communauté internationale non seulement à bien comprendre que l’eau est d’une importance vitale pour la viabilité de notre monde et qu’elle est un outil de promotion de la paix et de la coopération internationale, mais aussi à prendre les mesures qui s’imposent à cet effet.  Car, a-t-il tranché, le moment est venu de prendre des engagements décisifs pour donner vie au Programme d’action pour l’eau.

Il n’y a tout simplement plus assez d’eau douce, s’est alarmé M. CSABA KŐRÖSI, Président de l’Assemblée générale, qui a relevé que l’eau qui coule librement dans les rivières, qui traverse les frontières et qui est répartie sur l’ensemble du globe sous la forme de rivières atmosphériques, fait aujourd’hui gravement défaut.  À mi-parcours du Programme 2030, le monde est à un tournant décisif, a-t-il encore averti, convaincu que « nous ne pouvons pas tenir nos promesses » de durabilité, de stabilité économique et de bien-être mondial à travers l’accélération de « solutions conventionnelles ». 

Il a souligné que l’eau est un bien public mondial et a appelé à adapter les politiques, législations et financements en conséquence.  Il faut travailler en faveur des personnes et de la planète, a-t-il plaidé, mettant en garde contre la procrastination et le profit, « même en période de fracture géopolitique croissante ».  Selon lui, un avenir coopératif et sûr en matière d’eau commence par la volonté politique, l’intelligence économique, la tolérance culturelle et l’acceptation.  Il a proposé la conception d’une culture financière commune respectueuse de l’eau, du climat et de la biodiversité.  Un financement qui, a-t-il dit, profite à tout le monde, depuis les autochtones et les marginalisés aux chanceux nés de parents fortunés. 

Il est urgent d’arrêter de gaspiller l’eau, a insisté le Président de l’Assemblée générale, recommandant des politiques intégrées en matière d’utilisation des terres, de l’eau et du climat qui aident à rendre les populations et la nature résilientes et à nourrir ceux qui ont faim et dont le nombre ne cesse de croître.  Il a également plaidé pour des politiques intégrées qui permettront de bénéficier de l’eau comme levier d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques et qui favoriseront la coopération, afin de garantir l’accès de tous à l’eau potable et à l’assainissement.  Il s’agit d’un droit humain et d’une question de dignité, a-t-il tranché. 

M. Kőrösi a également recommandé la création d’un système mondial d’information sur l’eau pour résoudre le dilemme de la disponibilité, de la demande et du stockage de l’eau.  Dans ce contexte, il a encouragé à se mettre d’accord sur un pacte pour l’éducation afin de disposer des connaissances, de la sagesse et d’une nouvelle façon de penser pour concevoir et mettre en œuvre un programme intégré pour l’eau, le climat, l’énergie et l’alimentation. 

Pour ce faire, le Président de l’Assemblée générale a appelé à être « inclusif et innovant ».  Il faut associer la gouvernance publique législative et exécutive et l’ingéniosité du secteur privé, a-t-il estimé, appelant à faire preuve d’audace et opérer des changements de comportement qui sont la base d’un avenir plus juste, plus inclusif, plus durable et plus résilient pour tous.  Ces changements doivent faciliter la coopération et l’action pour un avenir global afin de passer de solutions réactives à des solutions proactives dans le domaine de l’eau, a-t-il ajouté.  M. Kőrösi a ensuite invité à réfléchir à des solutions durables, pragmatiques, solidaires, fondées sur la science pour des lendemains meilleurs pour tous. 

Mme LACHEZARA STOEVA, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a déclaré que nous ne faisons pas assez pour protéger l’eau, élément essentiel du développement durable.  En 1977, a-t-elle rappelé, les dirigeants du monde se sont réunis pour la première Conférence sur le thème de l’eau, en Argentine.  Quarante-six ans plus tard, en matière politique, c’est toute une époque, un chapitre qui se tourne, a-t-elle commenté.  Beaucoup a été fait mais avec une population mondiale multipliée par 2, dans de nombreuses régions, l’accès à l’Eau, Assainissement et Hygiène pour tous (WASH) demeure un rêve.

La Présidente de l’ECOSOC a appelé à faire preuve d’audace sur le thème de l’eau pour pouvoir réaliser les ODD, encourageant à écouter davantage les groupes marginalisés et défavorisés concernant leur accès à l’eau.  Elle a notamment relevé que chaque jour, deux millions d’heures sont consacrées par les femmes et les filles pour la corvée d’eau: les impacts négatifs de la gestion de l’eau sont basés sur le genre, selon la Présidente. 

Elle a aussi appelé à écouter la jeunesse pour une meilleure gestion de l’eau ainsi que les populations autochtones, « gardiennes de la nature ».  Leurs connaissances traditionnelles, leur savoir doivent être valorisés et reconnus.  L’éducation est aussi primordiale: au-delà des simples formations en ingénierie, il faut que l’éducation autour de l’eau infuse dans toute la société, a appuyé Mme Stoeva.  La Présidente a appelé à une nouvelle approche économique de l’eau pour une gestion durable « plus holistique », et à intégrer cette approche à différentes politiques commerciales. 

Les campagnes de sensibilisation de l’ECOSOC auront un grand rôle à jouer, a-t-elle indiqué, précisant que son prochain forum de la jeunesse sera l’occasion, pour les jeunes de s’exprimer sur ces enjeux.  Le forum sur le suivi du financement du développement permettra aussi de mettre en avant le partenariat public-privé sur l’eau, a-t-elle assuré.  « Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre un demi-siècle supplémentaire », a conclu Mme Stoeva. 

M. LI JUNHUA, Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires économiques et sociales et Secrétaire général de la Conférence, a appelé à ne pas perdre de vue la décennie mondiale sur l’eau qui se trouve à mi-parcours, de même que le Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Il a déploré le fait que trop de personnes sur la planète n’ont toujours pas accès à une eau propre.  Il faut, a-t-il dit, réfléchir à la façon dont nous pouvons mieux valoriser l’eau.  Il a rappelé qu’il y a un lien entre l’eau, l’alimentation et l’énergie.  Une gestion durable des systèmes hydriques sera donc nécessaire pour l’adaptation et l’atténuation aux changements climatiques.  De ce fait, une résilience des écosystèmes ne sera possible qu’à ces conditions.  M. Li a enfin demandé aux délégations de réaffirmer leurs engagements en faveur d’un avenir durable, et d’en assurer le suivi. 

Débat général

M. LUIS ALBERTO ARCE CATACORA, Président de l’État plurinational de Bolivie, a déclaré que la Constitution bolivienne reconnaît l’eau comme un « droit à la vie ».  Cette reconnaissance est le résultat de la lutte du peuple bolivien qui, en l’an 2000, s’est mobilisé dans la soi-disant guerre de l’eau, obtenant pour la première fois dans l’histoire que les droits des peuples priment sur les intérêts des entreprises privées.  Mais il reste beaucoup à faire, a dit le Président, estimant que sans changement radical de cap, l’humanité et la planète sont menacées de mort étant donné que plus de 800 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et que plus de 2,5 milliards n’ont pas accès à l’assainissement de base.  En conséquence, des milliers de filles et de garçons meurent chaque jour de maladies liées au manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement. 

Pour M. Arce Cataroca, la crise de l’eau n’est pas seulement un problème environnemental, mais aussi un problème social et économique.  Par conséquent, il faut une transition vers un système économique plus durable et équitable qui vise la santé à long terme de la Terre nourricière et des personnes.  Le fardeau de cette crise accable de manière disproportionnée les communautés vulnérables d’où l’importance de donner la priorité aux besoins de ces communautés avec équité et justice sociale, économique et écologique, a-t-il insisté.  Le Président a suggéré de rétablir l’équilibre des fleuves, des lacs et des systèmes de vie liés à l’eau de la planète, sur la base de la sagesse des peuples.  Il a recommandé plusieurs actions: faire de l’eau et de l’assainissement un droit humain; reconnaître que l’eau est le centre de la vie; créer un mécanisme intergouvernemental permanent pour l’eau à l’ONU, afin de promouvoir la gestion et la conservation de l’eau, l’éradication de la pauvreté et le développement intégral; nommer un envoyé spécial des Nations Unies pour l’eau; reconnaître le rôle des peuples autochtones, des paysans et des communautés locales dans la gestion communautaire de l’eau; annuler les dettes des pays en développement; et exhorter les pays développés à fournir davantage de ressources financières, d’assistance et de transfert de technologie aux pays en développement.  Le dirigeant a également exhorté les gouvernements à mettre à jour les lois pour garantir la protection et la conservation des sources d’eau, ainsi qu’un accès équitable et juste à l’eau pour tous les êtres vivants.  En conclusion, il a dit l’importance de reconnaître la relation qui existe entre l’eau et la souveraineté alimentaire des peuples, et le fait que l’eau est un facteur de paix et d’intégration des peuples. 

M. ABDULLATIF JAMAL RASHID, Président de l’Iraq, a relaté que la crise de l’eau dans son pays, sorti exsangue de la guerre, affecte déjà les moyens de subsistance, fait disparaître des emplois, provoque des déplacements à un rythme alarmant, et fait peser des menaces importantes sur la sécurité alimentaire et la biodiversité.  Sans une intervention immédiate, les pénuries d’eau feront peser des risques importants sur le système agroalimentaire et la stabilité de la société iraquienne, a-t-il averti.  Au cours du siècle dernier, l’Iraq a connu de nombreux épisodes de sécheresse, mais ces dernières années, ils ont gagné en fréquence: un signe fort de l’impact négatif des changements climatiques, selon le Président.  Le Tigre et l’Euphrate sont les artères vitales de l’Iraq, a-t-il expliqué.  Leurs rives marécageuses constituent un élément essentiel de la civilisation humaine et jouent un rôle clef dans la vie du pays.  L’incapacité des régimes précédents à tirer parti des technologies modernes, améliorer les systèmes d’irrigation et moderniser le secteur agricole en temps voulu a contribué à l’ampleur de la crise de l’eau que connaît aujourd’hui l’Iraq, a déploré le Président.  À cela il faut ajouter « les politiques de l’eau des pays voisins » qui, selon lui, ont un impact direct sur les moyens de subsistance de millions d’Iraquiens et provoquent « des migrations massives » ainsi qu’une « instabilité sociale et économique ». 

Alors que les besoins en eau de son pays sont appelés à augmenter au cours de la prochaine décennie en raison de la croissance démographique, du développement économique et des effets des changements climatiques, ses principales ressources, le Tigre et l’Euphrate, continuent de diminuer en raison des politiques de l’eau de ses voisins, a insisté M. Rashid.  Le comportement des pays voisins de l’Iraq -la Türkiye, la République arabe syrienne et la République islamique d’Iran- limite le flux d’eau douce, en raison de la construction de barrages, de projets d’irrigation et de structures hydrauliques de dérivation, sans tenir compte des conséquences dévastatrices de la diminution du flux d’eau en Iraq et de la détérioration de la qualité de l’eau, y compris une salinité accrue.  La désertification, a encore averti le dirigeant, menace aujourd’hui près de 40% de l’Iraq, un pays qui possédait autrefois les terres les plus fertiles et les plus productives de la région.  Il a donc réclamé de toute urgence une coopération plus large avec les pays voisins, en particulier la Türkiye; la formation d’un comité permanent avec des experts techniques et juridiques; la conclusion d’accords régionaux à l’échelle du bassin; et la garantie d’un mécanisme d’application pratique, sous les auspices de l’ONU, « pour s’assurer qu’il y a des rations d’eau adéquates et équitables pour tout le monde ». 

M. MOKGWEETSI ERIC KEABETSWE MASISI, Président du Botswana, a évoqué le problème majeur de la salinité de l’eau disponible dans le pays.  Ainsi, 18% du budget national est dédié à la gestion des ressources en eau.  Le Gouvernement a établi une stratégie nationale en 2021 pour une meilleure gestion des ressources en eau.  Même si l’accès à l’eau potable est assuré pour plus de 90% de la population, le Président a promis davantage de financement en faveur des projets hydriques, avec l’utilisation de technologies intelligentes pour une meilleure gestion de l’eau et pour assurer la sécurité hydrique du Botswana. 

Mme ŽELJKA CVIJANOVIĆ, Présidente de la présidence de la Bosnie-Herzégovine, a souligné l’importance de la modernisation du secteur de l’eau, priorité stratégique pour son pays et une étape essentielle vers son intégration à l’Union européenne (UE).  Cependant, a fait remarquer la Présidente, les besoins de modernisation de ce secteur en Bosnie-Herzégovine nécessitent des investissements extrêmement importants.  C’est également le cas des pays les plus pauvres qui auront besoin d’un soutien substantiel de la part des pays les plus riches, a insisté Mme Cvijanović. 

Afin d’assurer la viabilité financière des investissements d’infrastructure dans le secteur, a-t-elle indiqué, les principaux partenaires internationaux de développement de son pays ont mis en place en 2020 la Water Alliance BiH, une plateforme de consultation et de coordination pour soutenir la modernisation du secteur des services de l’eau de la Bosnie-Herzégovine.  Cette approche soutient la mise en œuvre des réformes nécessaires et des changements systémiques dans le secteur des services de l’eau, en s’alignant davantage sur la législation de l’UE relative à l’eau, a expliqué l’oratrice.  En conséquence, a-t-elle assuré, nos plans de développement pour l’avenir sont largement basés sur des investissements dans le secteur de l’énergie. 

Malheureusement, a-t-elle déploré, en Bosnie-Herzégovine, parfois les intérêts politiciens étriqués prennent le pas sur la logique économique élémentaire.  C’est le cas de nombreux projets hydroélectriques importants, qui font l’objet d’obstructions et de blocages inutiles de la part de certains acteurs politiques.  Toutefois, cela n’entravera pas notre détermination à utiliser les potentiels hydroélectriques qui constituent une grande opportunité de développement, a-t-elle assuré.

Mme NATAŠA PIRC MUSAR, Présidente de la Slovénie, a déclaré que son pays est l’une des nations les plus riches en eau d’Europe et que la Constitution slovène consacre l’eau comme un droit humain fondamental.  Elle a exhorté à protéger les écosystèmes aquatiques et à assurer l’accès à l’eau potable pour tous.  Pour que l’action climatique soit efficace, il faut garantir le droit à l’eau potable et à l’assainissement et concevoir des politiques qui répondent aux besoins de tous, a-t-elle estimé.

Pour y parvenir, la Présidente slovène a appuyé la nomination d’un envoyé spécial pour l’eau qui aiderait à mobiliser de nouvelles actions indispensables.  Elle a également appelé à tenir des réunions intergouvernementales de haut niveau sur l’eau tous les deux ou trois ans afin de maintenir l’élan généré par cette conférence et faire le suivi.  Il faut aussi concrétiser les engagements, a-t-elle souligné, appelant notamment à promouvoir l’égalité des genres dans la gouvernance de l’eau.  Elle a indiqué que la Slovénie et d’autres membres du Groupe d’Amis sur l’eau et la paix sont en train de mettre sur pied une plateforme en ligne de connaissances sur l’eau qui offrira une formation gratuite sur la gestion de l’eau.  La Présidente a ensuite invité l’assistance à la dixième réunion des parties à la Convention sur l’eau que la Slovénie accueillera en octobre 2024. 

M. MOSSA ELKONY, Vice-Président du Conseil présidentiel du Gouvernement d’unité nationale de la Libye, a déclaré que la crise de l’eau que connaît actuellement le monde, la Libye l’a toujours connue, son pays souffrant d’une très forte pauvreté hydrique en raison des faibles précipitations dans le désert du Sahara.  Il a indiqué que le régime précédent avait tenté de creuser des trous dans le désert pour transférer l’eau d’aquifères vers le nord du pays, mais ce réseau, construit sur des milliers de kilomètres, n’a hélas pas mis fin aux problèmes.  Selon lui, la rivière artificielle libyenne ne devrait pas dépendre des aquifères mais de l’eau de mer, une eau de mer qui serait désalinisée.  Il a estimé que la création de centres de recherches spécialisés dans le dessalement de l’eau est la seule solution à la crise hydrique mondiale.  Les pays développés devraient très sérieusement utiliser leurs connaissances et leurs capacités technologiques pour le dessalement: ainsi, « nous n’aurons pas besoin de chercher de l’eau sur une autre planète », a déclaré le Vice-Président.  La Terre contient suffisamment d’eau pour tous, les technologies modernes et les compétences permettront d’assurer la sécurité hydrique sur le long terme.  Le dignitaire a, par ailleurs, fait savoir qu’à l’échelle régionale, une instance conjointe est envisagée pour réfléchir au partage équitable des ressources hydriques que constituent les lacs et aquifères que la Libye partage avec le Tchad et l’Égypte. 

M. MOHAMMED B.S.  JALLOW, Vice-Président de la Gambie, a souligné que le pays dépend du fleuve Gambie pour l’irrigation, le transport, la pêche, la production de sel et d’autres services.  Au vu de l’importance de ce fleuve, la Gambie et le Sénégal ont créé l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMGV) en 1978, avant d’être rejoints par la Guinée et la Guinée-Bissau.  Il a salué le fait que 95% de la population a accès à l’eau potable et 72% des ménages a accès à des facilités sanitaires.  Malheureusement, la Gambie est fortement vulnérable aux changements climatiques, et les inondations records de l’été 2022 ont eu un impact dévastateur sur le paysage urbain, avec notamment de nombreux morts, des familles déplacées, et de nombreuses pertes de biens dans la capitale du pays, Banjul, ainsi que dans des zones de la côte ouest du pays.  Au vu de l’importance des changements climatiques et de ses impacts sur la Gambie, le pays a établi une « Vision 2050 » qui est une stratégie de long terme sur les changements climatiques, avec pour ambition de parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050.  Les autorités nationales entendent également améliorer la gestion des ressources en eau afin de veiller à ce que le secteur agricole soit moins impacté par la rareté des pluies. 

M. KAUSEA NATANO, Premier Ministre des Tuvalu, prenant la parole au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique (PEID), a indiqué que d’aucuns pourraient supposer que ces pays répartis sur le continent bleu du Pacifique, qui équivaut à 15% de la surface de la Terre, entourés par l’océan, disposent d’un approvisionnement stable en eau.  À son grand regret, a-t-il informé, près de la moitié des habitants de la région n’ont toujours pas accès à une eau propre et sûre, ni à des installations sanitaires.  Les statistiques montrent que non seulement « la région du Pacifique est à la traîne », mais qu’elle est, en outre, « très mal classée pour tous les indicateurs de l’ODD 6 ».  De plus, a averti le Ministre, les sources d’eau autrefois sûres et stables sont menacées par les changements climatiques.  De nombreuses îles sont confrontées à l’intrusion d’eau salée dans leurs nappes phréatiques en raison de l’élévation du niveau de la mer.  Dans une région où la moitié des pays n’ont pas d’eau de surface et dépendent uniquement des eaux souterraines « il s’agit déjà d’une catastrophe », s’est-il lamenté.

Les cycles de plus en plus extrêmes de sécheresse et d’inondation et leur impact sur l’accessibilité de l’eau affectent à leur tour les cultures de subsistance et des secteurs clefs tels que le tourisme, la santé et l’éducation.  De fait, a martelé M. Natano, l’accès à une eau propre, sûre et fiable, ou son absence, a un impact évident sur la capacité des États à atteindre leurs objectifs en matière de développement durable. 

Alors, que faire pour atteindre l’ODD 6, en particulier, et le Programme à l’horizon 2030 dans son ensemble? s’est-il interrogé, appelant à des soutiens, par le biais de partenariats, de la coopération internationale, du financement et du transfert de technologies, y compris dans l’espace numérique, pour renforcer la résilience et garantir la sécurité de l’eau pour l’avenir.  Poursuivant, le Premier Ministre, a fait valoir que les systèmes de gestion de l’eau doivent être construits en fonction des besoins des PEID, être adaptés à leur petite échelle et leur faible population, et éviter d’endommager leurs écosystèmes océaniques.  Il a réaffirmé que l’accès des PEID au financement de la lutte contre les changements climatiques continue d’être un facteur clef du succès dans la réalisation de l’ODD 6.  Or, a-t-il déploré, seuls 2% de l’ensemble des fonds d’adaptation leur ont été fournis, jusqu’à présent.

S’exprimant ensuite en sa capacité nationale, M. KAUSEA NATANO, Premier Ministre des Tuvalu, a expliqué que les ressources financières et les ressources en eau douce limitées font que les technologies appropriées sont un élément clef des efforts visant à assurer la résilience climatique et hydrique.  Pour se prémunir contre les pénuries d’eau, les Tuvalu ont recherché des sources alternatives telles que le dessalement.  Cependant, celles-ci sont coûteuses à exploiter et à entretenir, et ne peuvent pas être utilisées seules pour protéger les Tuvalu des impacts de la sécheresse.  Pour finir, le Chef du Gouvernement a recommandé une approche moins onéreuse qui est de gérer et conserver correctement les ressources en eau limitées et de les alimenter en utilisant des sources d’énergie renouvelables.  Il a, en outre, conseillé, d’augmenter de manière significative la résistance aux impacts de la sécheresse en investissant dans des approches de réduction des risques de catastrophes, plutôt qu’en s’appuyant sur une réponse immédiate aux catastrophes.  L’évaluation des risques et la mise en place de systèmes d’alerte précoce et des réponses efficaces peuvent permettre à nos populations de se préparer à des périodes de sécheresse prolongées, a-t-il raisonné, tout en reconnaissant que ces systèmes et ces réponses restent toutefois onéreux. 

Mme SAARA KUGONELWA-AMADHILA, Première Ministre de la Namibie, a déclaré que son pays est l’un des plus secs d’Afrique subsaharienne, avec un climat semi-aride, un facteur qui limite le développement.  La gestion efficace des ressources en eau est fondamentale pour atteindre l’ODD 6, a-t-elle attesté, la Namibie s’efforçant d’assurer l’équité dans l’accès à l’eau et à l’assainissement, en particulier pour les communautés rurales.  Aujourd’hui, environ 97% de la population urbaine et 87% de la population rurale ont accès à l’eau potable.  Selon la Cheffe du Gouvernement, un accès universel requiert le transfert de technologies.  Elle a appelé à nommer un envoyé spécial de l’ONU pour l’eau dont le rôle contribuerait grandement à améliorer la coordination entre les divers organes qui traitent de la question.  Au niveau national, a-t-elle poursuivi, le Gouvernement investit dans le développement des infrastructures hydrauliques et la réhabilitation des canalisations dans les zones côtières.  Il vient aussi d’adopter la version révisée de la Stratégie d’assainissement et d’hygiène (2022-2027) pour une approche coordonnée en la matière.  Enfin, la Première Ministre a salué le Programme progressiste d’investissement pour l’eau en Afrique (AIP) qui vise à mobiliser 30 milliards de dollars par an pour renforcer la résilience face aux changements climatiques d’ici à 2030. 

Au nom du Groupe des 77 et la Chine, Mme INÉS MARÍA CHAPMAN WAUGH, Vice-Présidente de Cuba, a souligné que les pays en développement ont besoin d’un financement international accru, d’un renforcement de leurs capacités et d’un transfert de technologies respectueuses de l’environnement pour parvenir à une gestion efficace de l’eau.  Le Groupe réaffirme que l’aide publique au développement pour le secteur de l’eau devrait être augmentée.  Il juge impératif d’étendre la coopération internationale aux pays en développement dans les activités et les programmes liés à l’eau et à l’assainissement.  Actuellement, plus de 50% des villes du monde souffrent de pénuries d’eau récurrentes.  Les estimations suggèrent que 6 700 milliards de dollars sont nécessaires d’ici à 2030 -et 22 600 milliards de dollars d’ici à 2050- pour atteindre l’ODD 6, a-t-elle relevé.  Mme Chapman Waugh s’est inquiétée du niveau élevé de stress hydrique en Afrique du Nord, en Afrique subsaharienne, en Asie occidentale, en Asie centrale et méridionale et en Amérique du Sud, ainsi que dans la région du lac Tchad.  Elle a aussi réaffirmé la nécessité de s’engager à améliorer la coopération transfrontalière en matière de gestion de l’eau, conformément au droit international applicable. 

S’exprimant ensuite au nom de son pays, Mme INÉS MARÍA CHAPMAN WAUGH, Vice-Présidente de Cuba, a illustré les efforts cubains en matière de stockage de l’eau, incarnés par le programme « Volonté hydraulique » mis sur pied par Fidel Castro.  Elle a mentionné la construction de 242 barrages, de 800 micro-barrages et plus de 16 000 bassins versants.  La gestion de l’eau de Cuba est renforcée par la science et l’innovation et la présence d’un personnel formé et compétent, en vertu des capacités cubaines en ressources humaines et de son large réseau d’écoles, d’instituts polytechniques, d’universités, d’instituts de recherche et de centres de formation.  Malgré tous ses efforts, a regretté la Vice-Présidente, Cuba est confrontée aux défis du blocus économique, commercial et financier criminel imposé par le Gouvernement des États-Unis, principal obstacle à l’obtention de meilleurs résultats, à l’accès à des financements externes et aux nouvelles technologies.  L’inscription arbitraire de Cuba sur la liste des États présumés promoteurs du terrorisme, publiée par le Département d’État des États-Unis, a aggravé cette injustice de façon exponentielle.  Malgré ces obstacles, Cuba continue vaille que vaille d’œuvrer à la réalisation de l’ODD 6.  La Vice-Présidente s’est félicitée de la prochaine tenue, en novembre de cette année, de la vingt-quatrième réunion des directeurs ibéro-américains de l’eau à La Havane.  Cette réunion, a-t-elle espéré, permettra de concrétiser des projets durables, dont un programme spécialisé de formation postuniversitaire dans les centres universitaires cubains dans le domaine de la gestion intégrée de l’eau. 

M. TRAN HONG HA, Vice-Premier Ministre du Viet Nam, a estimé que la restauration des ressources en eau doit être menée en parallèle avec les efforts mondiaux pour restaurer les écosystèmes naturels, préserver la biodiversité et s’adapter aux changements climatiques.  Il a plaidé pour la mise en place d’un cadre juridique mondial basé sur la science pour guider et coordonner l’exploitation, l’utilisation et la restauration durables des ressources en eau.  Selon lui, il est nécessaire d’établir rapidement des pôles scientifiques et technologiques sur l’eau dans différentes régions du monde, et de créer un réseau de systèmes de surveillance des bases de données sur l’eau.  Il faut également planifier suffisamment l’exploitation et l’utilisation des ressources en eau, et améliorer la qualité de ces ressources dans les rivières.  Le dignitaire a aussi appelé à établir des organisations ou agences de gestion de l’eau sous l’égide de l’ONU, telles qu’un comité scientifique sur les eaux transfrontalières ou un conseil fluvial international.  En outre, il est nécessaire de créer un fonds financier pour les bassins fluviaux transfrontaliers, ou alors d’élargir la fonction de financement des bassins fluviaux du Fonds pour l’environnement mondial.  De même, il a plaidé pour la mise en place de normes morales et en rapport avec la gestion des ressources en eau, notamment transfrontalières.  Le Vice-Premier Ministre a ensuite indiqué que le Viet Nam entend s’assurer que d’ici à 2025, 100% des grands bassins fluviaux nationaux bénéficieront d’une gestion et d’une distribution harmonieuses des ressources en eau pour faire face à la pénurie.  Et à l’horizon 2030, tous les ménages des zones urbaines auront accès à de l’eau potable, a-t-il assuré. 

Mme SANTIA J.  O.  BRADSHAW, Vice-Première Ministre de la Barbade, a indiqué que bien que pauvre en eau, son pays dispose d’un réseau d’approvisionnement datant de 1856, avec une couverture de près de 99%.  Toutefois, avec près de 98% des ressources en eaux souterraines entièrement exploitées et des sécheresses plus fréquentes, l’île a commencé à connaître des problèmes d’approvisionnement en eau dans les zones d’altitude, ainsi qu’une augmentation des niveaux de salinité dans les aquifères côtiers, a déploré Mme Bradshaw.  Les effets prévus des changements climatiques, à savoir la diminution des précipitations, les sécheresses fréquentes, l’élévation du niveau de la mer et l’augmentation des températures, sont donc considérés comme des menaces majeures pour le bien-être de l’île, a-t-elle indiqué. 

La dignitaire a ensuite indiqué que toutes les écoles et tous les établissements de santé ont accès à des services d’eau potable et d’assainissement adéquats, et qu’il n’y a pas de défécation à l’air libre.  Toutefois, pour atteindre ce niveau de mise en œuvre, la Barbade a dû dépenser un montant disproportionné de son revenu national pour simplement rester à jour, a fait valoir la Vice-Première Ministre.  Et compte tenu de l’impact potentiel de la crise climatique sur la région des Caraïbes, le maintien de ce niveau de mise en œuvre peut lui-même devenir insoutenable sans soutien technique et financier.  C’est dans cet esprit que son pays a récemment présenté l’initiative Bridgetown dont l’objectif est de veiller à ce que les pays en développement qui en ont le plus besoin soient en mesure d’obtenir des financements adéquats pour atteindre les ODD. 

Mme DUBRAVKA SUICA, de l’Union européenne (UE), a constaté que le stress hydrique est un problème mondial et a appelé à intégrer la question de la gestion de l’eau aux niveaux local, régional, continental et mondial.  L’accès à une eau potable, salubre et sûre et à l’assainissement est un droit humain qui doit être réalisé pour tous sans compromettre les droits des générations futures, a-t-elle souligné.  Face au déséquilibre entre la demande en eau et l’offre en eau, il faut promouvoir l’efficience, la réutilisation de l’eau et promouvoir des économies circulaires dans le secteur de l’eau et au-delà. 

Elle a appelé à mobiliser les ressources financières et des investissements durables.  Nous devons également nous adapter à des scénarios de pénurie en eau, a-t-elle préconisé avertissant que l’inaction aujourd’hui se traduira par des coûts bien plus élevés dans quelques années.  Elle a aussi appelé à davantage de coopération au sein et entre les pays, ainsi qu’au partage de données et des connaissances scientifiques.  Il faut en outre renforcer la gouvernance au niveau mondial.  Selon elle, cela signifie la désignation d’un envoyé spécial de l’ONU pour l’eau pour qu’enfin la question de l’eau pourra se faire entendre dans les débats publics mondiaux.  Nous ne pouvons pas nous satisfaire du statu quo, a prévenu l’oratrice exhortant à œuvrer ensemble pour que l’eau figure à l’ordre du jour de toutes les organisations mondiales. 

Mme EVELYN WEVER-CROES, Première Ministre d’Aruba, s’exprimant au nom des Pays-Bas, a relevé que les causes profondes de la pénurie en eau sont nos modèles de production et de consommation.  Pour y faire face, elle a appelé à donner la priorité à l’eau dans la prise de décisions, tant en économie qu’en politique, insistant en outre sur l’importance de placer l’eau au cœur de l’élaboration des politiques.  Elle a indiqué que l’engagement des Pays-Bas en faveur de l’eau couvre des secteurs comme le financement, le renforcement des capacités, la gouvernance, les données, l’innovation et de nouvelles formes de collaboration.  L’eau a besoin d’une attention politique continue au plus haut niveau, a-t-elle insisté, en demandant que les voix des générations futures soient également entendues. 

Justement, la déléguée de la jeunesse des Pays-Bas, Mme SARA OEI, a estimé qu’agir sur l’eau, c’est obtenir des résultats sur tous les ODD, y compris les droits humains, la santé, l’action climatique, l’égalité des sexes, la jeunesse, et la question des inégalités socioéconomiques.  Les jeunes des Pays-Bas, a-t-elle dit, veulent que la nature et toutes les eaux soient désignées comme des personnes morales, afin de garantir des solutions fondées sur la nature aux problèmes hydriques.  Des millions d’enfants sont actuellement en danger à cause des questions d’eau, a souligné la jeune représentante.  Elle a invité la communauté internationale à s’inspirer des idées innovantes des jeunes et de leur audace pour appuyer la mise en œuvre des engagements de l’action mondiale en faveur de l’eau. 

M. RO FILIPE TUISAWAU, Ministre des travaux publics des Fidji, qui s’exprimait au nom du Forum des îles du Pacifique, a pressé le monde à agir maintenant pour atteindre l’objectif de 1,5 degré Celsius en réduisant radicalement les émissions de carbone et en accélérant considérablement le passage à une économie mondiale qui ne dépende pas des combustibles fossiles. 

Se basant sur le rapport de synthèse « sans équivoque » du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié cette semaine, il a averti que les changements climatiques d’origine humaine produisent de nombreux phénomènes météorologiques extrêmes dans toutes les régions du monde.  Le Ministre a décrié les effets négatifs généralisés des changements climatiques sur les communautés vulnérables qui ont historiquement le moins contribué à la crise, évoquant des données scientifiques claires en la matière et des conséquences qui font partie des réalités du quotidien.  « Il était temps d’agir hier! » a-t-il ironisé. 

Poursuivant, le représentant du Forum des îles du Pacifique a indiqué que ce continent bleu est l’une des régions du monde où l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est le plus faible.  De fait, 43% des habitants des pays insulaires du Pacifique n’ont pas même accès à des installations d’eau potable et 65% n’ont pas accès à des installations sanitaires de base respectivement.  Il a par ailleurs exhorté à davantage de projets innovants, citant les nombreuses initiatives de sa région, qu’il s’agisse du Partenariat pour la résilience du Pacifique, de l’Association de l’eau et des eaux usées du Pacifique, du Conseil météorologique du Pacifique ou encore de la Facilité pour l’infrastructure régionale du Pacifique, qui soutient le partage d’informations et la coordination des partenaires de développement.  Pour finir, M. Tuisawau a estimé à 1,2 milliard de dollars le montant de l’investissement nécessaire pour le secteur de l’eau dans les îles du Pacifique afin atteindre les objectifs de développement durable liés à cette ressource.

M. JULIO CESAR ARRIOLA, Ministre des relations extérieures du Paraguay, s’exprimant au nom des États membres du Comité intergouvernemental de coordination des pays du bassin du Rio de la Plata (Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay et Uruguay), a expliqué que le bassin de la Plata, formé par les réseaux hydrographiques des fleuves Paraguay, Paraná, Uruguay et la Plata, est le deuxième plus grand bassin d’Amérique du Sud et le cinquième plus grand bassin du monde, et que la nappe de l’aquifère de Guarani, troisième réserve d’eau souterraine du monde, s’étend sur une grande partie du bassin.  Voici 50 ans, les cinq pays ont signé un traité pour le développement harmonieux et équilibré de cette réserve d’eau souterraine, ainsi que pour l’exploitation optimale et l’utilisation rationnelle de ses ressources naturelles, afin d’en assurer la pérennité.  Or, les pays membres du Comité font face aujourd’hui à l’une des pires sécheresses du siècle depuis 2019, a expliqué le Ministre.  Cette sécheresse a compromis l’utilisation de cette ressource vitale pour la consommation humaine, la production d’énergie et la sécurité alimentaire.  Convaincus qu’il est possible de trouver des solutions gagnant-gagnant pour la gestion des ressources en eau, les pays du Comité promeuvent l’action conjointe des États pour atteindre les objectifs liés à l’eau.  Dans cet esprit, le Ministre paraguayen a suggéré d’accroître la coopération pour le financement des programmes et projets liés à l’eau; de consolider les organisations régionales pour promouvoir la coopération dans le domaine des bassins transfrontaliers; de donner la priorité au renforcement des acteurs locaux et des capacités nationales pour assurer la durabilité des programmes; et enfin, d’intégrer le critère d’efficacité et de non-duplication des efforts dans l’exécution de ces programmes.

Mme STEFFI LEMKE, Ministre fédérale de l’environnement, de la conservation de la nature, de la sûreté nucléaire et de la protection des consommateurs de l’Allemagne, a déclaré que l’accès à l’eau potable et à un assainissement adéquat sont des droits humains.  Sans eau, il n’y a pas de nourriture.  Cependant, dans de nombreux endroits du monde, l’agriculture ne s’est pas encore adaptée aux conditions résultant de la crise climatique.  Cela a ajouté une crise alimentaire à la crise de l’eau, attisée par l’agression de la Russie contre l’Ukraine.  Pour que ces crises multiples ne se détériorent davantage, la gestion responsable de l’eau est essentielle, a défendu la Ministre dont le Gouvernement vient d’adopter une stratégie nationale de l’eau pour soutenir la mise en œuvre nationale de l’ODD 6.  Au niveau international, elle a dénoncé une mise en œuvre trop lente, trop fragmentée et mal coordonnée de cet objectif. 

Les Dialogues sur l’eau de Bonn ont élaboré des recommandations concrètes dans le cadre d’un processus interrégional inclusif, a témoigné Mme Lemke, comme la signature des accords intergouvernementaux sur la gestion des eaux transfrontalières.  Deux projets de la Team Europe Initiative soutiennent des partenaires en Afrique et en Asie centrale dans la gestion transfrontalière des ressources en eau partagées.  Pour réaliser l’ODD 6, la Ministre a préconisé des approches innovantes en matière de financement et souligné que l’Initiative internationale sur le climat soutient la gestion intégrée de l’eau comme l’une des mesures clefs pour l’atténuation des changements climatiques, l’adaptation et la conservation de la biodiversité.  Pour surmonter la crise mondiale de l’eau, il faut tenir des réunions régulières sur l’eau, au plus haut niveau.  L’Allemagne appelle à une meilleure coordination entre les donateurs et l’ONU et à nommer un envoyé spécial de l’ONU pour l’eau, se disant disposée à y contribuer financièrement. 

M. FERNANDO ANDRÉS LÓPEZ LARREYNAG, Ministre de l’environnement d’El Salvador, a expliqué que son gouvernement entend favoriser l’accès de tous les Salvadoriens à l’eau.  Dans ce cadre, une loi générale sur les ressources en eau a été présentée à l’Assemblée législative afin de réglementer son utilisation, sa conservation et sa protection, ainsi que pour garantir la reconnaissance de l’accès à l’eau comme un droit fondamental.  Cela permettra notamment d’empêcher la privatisation de la ressource et sa surexploitation, a-t-il voulu croire.  Le Ministre a évoqué des projets miniers à l’extérieur du pays, mais près des frontières qui menacent les écosystèmes et la souveraineté de son pays sur ses ressources en eau.  Il a appelé à la solidarité, au bon sens et aux bonnes pratiques qui garantissent l’utilisation durable des ressources en eau.  El Salvador entend lancer le projet de réservoirs artificiels d’eau de pluie pour profiter des 2 000 mm de précipitations qu’il reçoit chaque année.  Nous avons des actions d’adaptation aux changements climatiques, à travers des programmes de reboisement dans les bassins versants pour protéger les sources d’eau, a assuré M. López.

Mme JOËLLE WELFRING, Ministre de l’environnement, du climat et du développement durable du Luxembourg, a salué l’appel d’avoir des réunions intergouvernementales régulières sur l’eau au sein de l’ONU, estimant nécessaire que l’eau retrouve une place au plus haut niveau de l’agenda politique.  Dans ce contexte, elle a soutenu la création d’un poste d’envoyé spécial des Nations Unies sur l’eau. 

Elle a indiqué que le Luxembourg encourage la promotion et la mise en œuvre de politiques inclusives et équitables d’accès et d’utilisation de l’eau, pour tous les secteurs et usages domestiques, notamment en tenant compte des principes du pollueur-payeur et utilisateur-payeur ainsi que de la gestion des risques y associés.  Cette approche des risques est d’autant plus importante, sachant que l’eau d’une bonne qualité est une ressource qui sera de plus en plus rare et précieuse avec les impacts des changements climatiques, a-t-elle relevé. 

Elle a également jugé primordial d’aborder les impacts des changements climatiques sur l’eau en mettant en œuvre des mesures d’adaptation pour accroître la résilience climatique des services d’eau et d’assainissement.  Le trop peu et le trop d’eau s’alterneront de manière beaucoup plus fréquente et seront la nouvelle «°normalité°».  Il faudra vivre avec, a-t-elle souligné, notant que des coopérations à tous les niveaux seront nécessaires pour faire face à ces défis.  Elle a également appelé à renforcer la Convention sur l’eau, instrument unique juridiquement contraignant, promouvant notamment la gestion durable des ressources en eau partagées.  Les principes de la Convention sont applicables partout et dans tous les secteurs et y adhérer permettra une meilleure gestion de nos ressources pour les générations futures, a-t-elle souligné.

Mme DEBRA ANNE HAALAND, Secrétaire à l’intérieur des États-Unis, a déclaré que les pays font face à un moment décisif dans la lutte contre la crise de l’eau et a appelé à gérer correctement ce don qu’est l’eau.  Elle a fait savoir que les États-Unis comptent plus de deux millions de personnes qui n’ont pas accès à une eau potable propre.  En outre, les peuples autochtones courent 19 fois plus de risques d’avoir des problèmes de canalisation dans leur domicile et de manquer d’accès à une eau sûre chez eux.  Il faut agir rapidement pour défendre la prospérité sur le long terme des communautés du monde entier, a-t-elle exhorté.  Elle a ensuite indiqué que l’Administration Biden-Harris, qui a lancé une approche commune pour assurer la sécurité de l’eau pour les générations à venir, s’engage envers le Programme d’action pour l’eau avec une contribution de 49 milliards de dollars d’investissements pour s’assurer que l’eau propre et l’assainissement restent une priorité dans le monde.  

Les États-Unis envisagent également d’investir plusieurs centaines de millions de dollars afin de soutenir les solutions locales pour relever les défis de l’eau et de l’assainissement dans les pays d’Afrique subsaharienne, d’Amérique latine, d’Asie et ailleurs.  Les États-Unis prévoient des financements pour les entreprises par le biais de prêts et entendent mobiliser des financements privés et publics pour soutenir les infrastructures d’eau propre et d’assainissement.  À travers les législations récemment adaptées comme la loi sur les infrastructures, les États-Unis prévoient des centaines de millions de dollars de nouveaux financements pour faire face à cette crise, a fait savoir Mme Haaland. 

M. GILBERTO PICHETTO FRATIN, Ministre de l’environnement et de la sécurité énergétique de l’Italie, a indiqué que cette Conférence représente un moment historique afin de renouveler l’engagement international en faveur de la protection de l’eau.  Il a détaillé les efforts de son pays, en indiquant que 4,38 milliards d’euros ont été alloués sur le plan national à cette fin.  Il a mentionné plusieurs projets, dont celui appelé « Renaturation du Pô » avec un investissement de 357 millions d’euros pour améliorer la qualité de l’eau et la biodiversité.  Sur le plan international, le Ministre a mentionné la création du fonds italien climatique qui sera doté de 840 millions de dollars d’ici à 2026.  Plus de 69 millions d’euros ont été alloués à des projets de coopération internationale.  Il y a quelques semaines, a-t-il ajouté, l’Italie et l’Éthiopie ont signé un accord de plus de 30 millions d’euros en vue de la protection de l’eau, de la gestion des terres et de la création d’emplois.  L’eau doit rester tout en haut de l’ordre du jour international, a-t-il conclu.

M. JANAINA TEWANEY MENCOMO, Ministre des relations extérieures du Panama, a déclaré que l’atout le plus précieux dont dispose son pays, le fameux canal par lequel transitent 6% du commerce mondial, est le seul canal aménagé à être alimenté par de l’eau douce pour fonctionner.  Par conséquent, une bonne gestion de l’eau et de nos sources est cruciale non seulement pour son pays, mais aussi pour le commerce mondial, le monde globalisé et la continuité des chaînes d’approvisionnement, a fait observer le Ministre.  Avec « notre voisin et frère », le Costa Rica, nous partageons quatre fleuves, a-t-il dit, avant d’évoquer le mécanisme de coopération transfrontalière Sixaola, qui implique directement les autorités locales des deux pays et leurs communautés, y compris les acteurs de la société civile et les représentants de groupes autochtones en tant que responsables de la gestion du bassin, les deux nations étant unies par un pont. 

Mme MARIA ANTONIA YULO-LOYZAGA, Secrétaire d’État de l’environnement et des ressources naturelles des Philippines, a déclaré que son pays avançait de manière décidée pour réaliser l’ODD 6 avec la création d’un bureau de gestion des ressources en eau au sein du Secrétariat de l’environnement.  Associé à d’autres bureaux, ce bureau adopte une approche de gestion des risques à l’échelle des communautés, a-t-elle précisé.  Les typhons, les pluies torrentielles et les maladies qu’elles entraînent, ainsi que la sécheresse impactent durement l’alimentation du pays et bien d’autres secteurs, a indiqué la dignitaire qui a précisé que les pertes se sont élevées à 10 milliards de dollars rien que l’an dernier.  Ces catastrophes naturelles, qui ne se limitent pas à l’archipel des Philippines, doivent pousser la communauté internationale à monter un véritable programme mondial de résilience de l’eau.  L’oratrice a appelé à mieux incorporer le thème de l’eau dans les cadres existants, tels que le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophes.  Les Philippines souhaitent également lancer un projet de résolution sur WASH cette année, et s’engagent à alimenter les connaissances et les partenariats dans le domaine, a indiqué la Secrétaire d’État.

M. NIZAR BARAKA, Ministre de l’équipement et de l’eau du Maroc, a indiqué que l’année 2022 fut l’année la plus sèche connue par le pays, avec comme conséquence une réduction de plus de 40% de ses ressources en eau.  Ces sécheresses successives ont eu un effet négatif sur la nappe phréatique et la quantité d’eau disponible pour chaque Marocain, s’est-il inquiété.  Il a expliqué que grâce à l’ancien Roi, Hassan II, des infrastructures tels que des barrages ont permis de mieux gérer les ressources en eau.  Avec le Roi Mohammed VI, une feuille de route a été initiée pour poursuivre ces actions.  Un projet entend par exemple dessaler l’eau de mer en utilisant l’énergie éolienne.  Le Maroc recycle également des millions de mètre cube d’eau et entend aussi irriguer plus d’un million d’hectares de terres agricoles d’ici à l’année 2030. 

M. DUARTE CORDEIRO, Ministre de l’environnement et de l’action climatique du Portugal, a indiqué que 2022 a été l’année la plus sèche dans l’histoire récente de son pays.  Les précipitations ont diminué de 15% ces 20 dernières années.  Il a détaillé les efforts du Portugal en vue d’une gestion plus durable de l’eau, en indiquant notamment la recherche de nouvelles sources, notamment par le biais de la désalinisation.  Il a mentionné l’appui apporté par le Portugal aux efforts visant à lutter contre les effets des sécheresses et des inondations au Mozambique et à assainir l’eau au Cabo Verde.  Nous devons améliorer nos financements et créer les institutions nécessaires pour une bonne gouvernance de l’eau, a tranché le Ministre.  Enfin, il s’est dit en faveur de la nomination d’un envoyé spécial de l’ONU pour l’eau afin de « donner un visage à cette problématique ».

M. MIGUEL CEARA HATTON, Ministre de l’environnement et des ressources naturelles de la République dominicaine, a partagé l’expérience de son pays ces deux dernières années s’agissant de la gestion de l’eau.  Le Gouvernement a opéré un changement important dans la gouvernance et la structure institutionnelle de l’eau et la situation a commencé à changer.  Après avoir recensé les besoins, l’exécutif a ainsi estimé qu’il fallait investir environ 9 milliards de dollars ou 8% du PIB sur la question de l’eau.  Il a mis en place une stratégie à moyen et à long terme pour pouvoir dépenser l’argent de manière utile et commencé par créer un cabinet chargé de l’eau avec la participation de toutes les institutions liées à ce secteur.  Une vision sur la durée qui permet d’investir davantage de fonds publics dans l’eau afin de satisfaire aux besoins les plus urgents. 

Ensuite, a expliqué le Ministre, un débat sur l’eau a été organisé en juin 2021 pour discuter des propositions du Gouvernement.  L’objectif principal était de consolider la politique nationale pour réglementer, planifier, protéger et préserver les ressources en eau.  Ce débat s’est soldé par la Vision 2021-2036 sur l’eau.  Le Ministre a informé des problèmes liés à l’irrigation et au gaspillage soulignant qu’il faut 3 000 litres d’eau pour produire une livre de riz.  Le Gouvernement est en train de mettre la dernière main à une loi sur l’eau qui sera soumise sous peu au Parlement et prend en compte cette triple dimension des droits humains, des ressources humaines et ressources économiques.  

M. WALID FAYYAD, Ministre de l’énergie et des ressources hydrauliques du Liban, a appelé la communauté internationale à aider les pays en développement souffrant de crises, telles que le surendettement et l’insécurité alimentaire, notamment grâce à des financements internationaux qui soutiendraient des projets d’investissement dans le secteur de l’eau et de l’assainissement.  Pour ces pays en développement, il a aussi demandé des programmes d’appui technique et de renforcement des capacités.  Le Ministre a rappelé que depuis 2011, le Liban a reçu les réfugiés syriens qui représentent désormais 30% de la population libanaise.  Ces Syriens s’ajoutent aux Palestiniens installés depuis fort longtemps au Liban.  Le Ministre a appelé les donateurs à appuyer les efforts du Gouvernement libanais et à établir des programmes de soutien ciblant directement les réfugiés.  C’est comme si la France accueillait 20 millions d’étrangers, ou comme si les États-Unis en accueillaient 100 millions, a-t-il indiqué à titre d’exemple.  Dans ce contexte, le Liban a établi une stratégie nationale du secteur de l’eau et de l’assainissement qui nécessite des fonds.  M. Fayyad a présenté un plan de financement aux donateurs internationaux, mais la communauté internationale semblait peu enthousiaste à soutenir le Liban, a-t-il regretté.

Mme MAISA ROJAS, Ministre de l’environnement du Chili, a déclaré que son pays a l’intention de consacrer des ressources et de prendre des mesures pour assurer un accès universel et équitable à l’eau potable, à un prix abordable, en particulier dans les zones rurales les moins peuplées.  Son gouvernement s’est également fixé des objectifs précis en termes de qualité et de traitement de l’eau, de régénération et de réutilisation des eaux grises et traitées, au travers de projets de loi qui autorisent l’utilisation de ces eaux pour l’irrigation dans les activités forestières et agricoles et le changement des normes relatives aux déversoirs sous-marins.  Le Chili, a indiqué la Ministre, compte poursuivre la transparence de l’information à travers le développement de plateformes accessibles au public portant sur les écosystèmes au niveau du bassin, la qualité de l’eau, l’efficacité et la gestion intégrée des ressources en eau, le tout dans le respect de l’Accord d’Escazú.  Pour un pays avec la diversité territoriale et climatique comme le sien, il est essentiel de travailler sur la sécurité de l’eau et l’ODD 6 au niveau du bassin, a-t-elle encore indiqué.  Pour cette raison, la Ministre a fait part de trois grands axes complémentaires que sont l’élaboration et la mise en œuvre des plans stratégiques pour les ressources aquifères dans les bassins, la préparation d’un projet de loi qui crée les Conseils de bassin, en tant que composante essentielle du système de gestion de l’eau, et le renforcement des travaux et des accords conclus dans le cadre du Protocole spécifique additionnel sur les ressources en eau partagées.  

M. ANXIOUS JONGWE MASUKA, Ministre des terres, de l’agriculture, des pêches, de l’eau et du développement rural de Zimbabwe, a reconnu que son pays n’atteindra pas l’ODD 6 en 2030.  Mais le Gouvernement a élaboré une stratégie pour s’assurer de la disponibilité de l’eau y compris pour l’agriculture.  Il veut ainsi créer un système agricole résilient notamment pour la culture de maïs et de blé.  En outre, le Gouvernement a lancé la construction de 12 barrages pour utiliser 9 milliards de m3 d’eau pour la production agricole et énergétique.  Le Ministre a également évoqué l’élaboration d’un projet visant à amener l’eau dans la deuxième ville du pays et la création d’un programme d’investissement au niveau rural pour que 82% de la population rurale ait accès à l’eau propre.  L’exécutif entend aussi améliorer la gestion et l’efficience de la fourniture d’eaux.  S’agissant de la coopération transfrontière, le Ministre a salué l’excellence de la coopération avec les pays de la région pour faciliter la gestion transfrontière de l’eau.  Il a terminé en appelant à la nomination d’un envoyé spécial de l’ONU pour l’eau et des investissements supplémentaires dans les infrastructures en eaux.  

Mme CECILIA ABENA DAPAAH, Ministre de l’eau et de l’assainissement du Ghana, a déclaré que la nature interdépendante de l’ordre mondial prouve la nécessité de gérer ensemble l’eau afin d’éviter les conflits.  Conscient de cette réalité, le Ghana est devenu en septembre 2020 partie à la Convention sur l’eau et a travaillé avec le Togo sur un projet transfrontière relatif à l’eau, a-t-elle indiqué.  Le Ghana met également la priorité sur la distribution de l’eau, et est le premier pays à avoir signé le programme Assainissement et eau pour tous (SWA), atteignant ainsi les objectifs du millénaire bien avant la date limite.  

M. ABDELMONEM BELATI, Ministre de l’agriculture, des ressources hydrauliques et de la pêche maritime de la Tunisie, a rappelé que son pays est l’un de ceux qui souffrent de la raréfaction de ses ressources en eau, précisant que la part par habitant est estimée à environ 420 mètres cubes par an.  Il a mis en cause la demande croissante dans tous les secteurs en raison du développement économique et social et les effets négatifs des changements climatiques.  C’est la raison pour laquelle le secteur de l’eau en Tunisie a bénéficié d’investissements dans de vastes infrastructures hydrauliques afin de mobiliser les ressources en eau traditionnelles et non traditionnelles, par exemple des barrages connectés entre eux, ainsi que des usines de dessalement d’eau de mer et de traitement des eaux usées.  

M. MOHAMED ABDEL ATY, Ministre des affaires hydriques et de l’irrigation de l’Égypte, a dit considérer l’eau comme un droit au même titre que les autres droits humains.  L’Égypte, a-t-il dit, est une nation confrontée à la pénurie d’eau du fait du peu de précipitations.  Nous sommes en-dessous du seuil de pauvreté hydrique, a-t-il déclaré en rappelant que 75% des ressources en eau du pays sont dédiées à l’agriculture.  Le pays recycle de l’eau pour ses besoins de consommation.  Il a ensuite appelé à une gestion concertée des ressources en eau.  Il a estimé que le barrage de la Renaissance a été construit en Éthiopie sur 12 ans sans consultation avec les pays voisins.  De même, son exploitation sans collaboration met en danger les 150 millions d’Égyptiens voisins, a averti M. Aty.  Le Ministre a indiqué que ce barrage pourrait entraîner des conséquences socioéconomiques considérables dans son pays.  Il a enfin appelé à la création d’un poste d’envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU sur l’eau. 

M. RABUN OUK, Ministre du développement rural du Cambodge, a indiqué que son pays a la chance d’être doté d’abondantes ressources en eau, en ajoutant que l’accès à ces ressources est la priorité de son gouvernement.  Nous appelons l’eau « l’or blanc » en lien avec le renforcement du secteur du tourisme, qui est « l’or vert », a dit le Ministre, en citant le festival de l’eau et le festival de la mer au Cambodge.  Il a insisté sur les progrès accomplis en vue d’un meilleur accès à l’eau ces 10 dernières années.  En 2010, a-t-il précisé, 38% de la population avait accès aux services d’assainissement, contre 77% en 2022.  Enfin, le Ministre a appelé à appuyer les programmes qui promeuvent une gestion et une utilisation durables de l’eau en vue de son accès universel. 

M. COLLIN CRAOL, Ministre du logement et de l’eau du Guyana, a déclaré que son gouvernement a adopté une stratégie de développement à faible émission de carbone à l’horizon 2030.  Celle-ci prévoit une gestion plus intégrée des ressources en eau, parallèlement à d’autres priorités nationales telles que l’énergie et la sécurité alimentaire.  La stratégie incarne aussi la contribution guyanienne à la lutte contre les changements climatiques par la préservation des ressources forestières et par la transition vers des sources d’énergie propres et renouvelables. 

Faisant partie du bassin du fleuve Amazone, le Guyana reste attaché à la coopération transfrontalière régionale.  L’Amazonie fournit une pléthore de services écosystémiques, dont une riche biodiversité; elle joue un rôle crucial dans la régulation du climat mondial et assure le cycle de 20% de l’eau douce de la planète.  Le Guyana, en collaboration avec les autres États membres de l’Organisation du traité de coopération amazonienne (OTCA), continue de travailler sur des initiatives transfrontalières visant à surveiller la qualité et la quantité de l’eau, tout en promouvant l’utilisation harmonieuse de cette vaste ressource, dans le respect des droits des habitants de la région. 

Le Ministre a ensuite appelé à l’échange de technologies et d’innovations entre les pays développés et les PEID, les pays en développement sans littoral (PDSL) et les PMA.  Le financement de la réutilisation de l’eau, de la désalinisation et du traitement des eaux usées reste un défi majeur pour les petits États: il doit être une priorité absolue pour promouvoir un accès équitable à l’eau potable pour tous, a-t-il insisté.

M. NORBERT TOTSCHNIG, Ministre fédéral de l’agriculture, de la sylviculture, des régions et de la gestion de l’eau de l’Autriche, a appelé à nommer un envoyé spécial de l’ONU pour l’eau afin de renforcer la coordination mondiale, de donner une voix à l’eau et aux deux milliards de personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable.  Il a indiqué que l’Autriche, au cœur des Alpes, a la chance d’être dotée de riches ressources naturelles en eaux.  Toutefois, elle est confrontée aux conséquences des changements climatiques et doit gérer lesdites ressources de manière responsable.  

Pour le Ministre, cette responsabilité signifie investir dans la sensibilisation de la population, en particulier les jeunes, pour promouvoir une utilisation responsable de l’eau.  Il a également appelé à investir dans les innovations pour déployer des technologies de pointe dans les infrastructures d’eau douce et d’eaux usées.  De même, il a préconisé d’investir dans des systèmes d’alerte précoce et des mécanismes de surveillance pour détecter et prévenir le gaspillage de l’eau, les pollutions et les catastrophes naturelles telles que les inondations.  Enfin, il a recommandé d’explorer les opportunités d’investissement pour atteindre les ODD, comme la transition vers des systèmes d’énergie renouvelable.  Il a également insisté sur l’importance de la coopération à tous les niveaux et l’augmentation des financements. 

M. JUMAA HAMIDU AWESO, Ministre de l’eau de la République-Unie de Tanzanie, a indiqué que son pays s’est engagé en faveur d’un programme d’investissement dans l’eau de plusieurs milliards de dollars pour la période 2023-2030.  Ce programme garantira à l’échelle nationale la sécurité hydrique et la résilience aux chocs climatiques, a-t-il expliqué.  Il a insisté sur l’importance de la coopération et de partenariats pour relever les défis nationaux, régionaux et mondiaux liés à l’eau, y compris dans le cadre de l’atténuation et l’adaptation aux impacts des changements climatiques et la prévention de la pollution de l’eau à toutes les échelles.  

Le Ministre s’est réjoui du fait que le pourcentage de personnes ayant accès à l’eau potable dans les zones rurales a augmenté au cours des trois dernières années, passant de 65% en 2019 à 77% en décembre 2022.  De même, pour les zones urbaines, les chiffres sont passés de 78% à 88%.  Dans cette optique, la République-Unie de Tanzanie a acquis des équipements lourds pour l’évaluation des eaux souterraines et leur exploration.  Le pays entend également bâtir des barrages pour contenir les eaux de pluie et s’en servir pour l’irrigation agricole.  

M. FIDINIAVO RAVOKATRA, Ministre de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène de Madagascar, a indiqué que son pays est actuellement à pied d’œuvre sur deux importants projets de construction d’infrastructures en eau.  Tout d’abord, des travaux de mobilisation de rivière Efaho, financé par l’État, sont en cours, avec la construction d’un pipeline long de 97 kilomètres afin d’alimenter 60 villages particulièrement vulnérables à la sécheresse, et d’irriguer des centaines de milliers d’hectares de plaines pour une véritable transformation socioéconomique de la région Sud de Madagascar.  Ensuite, la mise en place de bassins de rétention d’eau dans 12 régions de l’île, a poursuivi le Ministre, en affirmant que Madagascar s’engage à augmenter le budget alloué par l’État malagasy et à mobiliser davantage de financement de la part de ses partenaires techniques et financiers.  Il est également déterminé à redoubler d’efforts pour donner une plate-forme et un soutien solide aux recherches liées aux nouvelles technologies pour l’accès à l’eau, a souligné M. Ravokatra.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Eau, assainissement et santé au cœur de la première table ronde de la Conférence

Conférence des Nations Unies sur l’eau,
Table ronde # 1- matin
ENV/DEV/2052

Eau, assainissement et santé au cœur de la première table ronde de la Conférence

La Conférence sur l’eau, qui a démarré ce matin à New York, a débattu du thème de l’eau pour la santé, lors du premier échange interactif se tenant en parallèle du débat général et auquel a pris part une trentaine d’intervenants, représentants des États Membres, de la société civile et des agences des Nations Unies.  Coprésidant la réunion, le Ministre dominicain de l’environnement a averti d’emblée qu’à mi-parcours de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau et le développement durable » (2018-2028), la mise en œuvre de l’ODD 6 (objectif du développement durable sur l’eau propre et l’assainissement) est insuffisante.  S’il a rappelé que l’accès à l’eau est un droit humain dont tout citoyen doit être en mesure de jouir, le Ministre s’est inquiété des données fournies par l’ONU, selon lesquelles la rareté en eau touche 40% de la population mondiale et 1,8 milliard de personnes utilisent chaque jour une source d’eau potable polluée.

À l’évocation de ces chiffres, et à l’appel du Ministre britannique de l’énergie, du climat et de l’environnement de s’inspirer de la réussite du Gouvernement indien, en passe d’assurer un accès à une eau propre à des « populations gigantesques », les États Membres du monde en développement, notamment, ont répondu en mettant l’accent sur l’état d’avancement des projets WASH (acronyme pour « Eau, Assainissement et Hygiène pour tous ») entrepris dans le cadre de l’ODD 6.  S’ils ont mis en avant leurs réussites, ils ont néanmoins lancé un appel unanime à l’aide internationale pour, selon les termes de la Colombie, « nous sortir de la privation de notre droit humain à l’eau ».  Interpellant les pays les plus riches, le Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement a relayé, sous les applaudissements de la société civile, le message en faveur de la « justice hydrique » de 500 organisations « dirigées pour la plupart par des femmes autochtones ».

D’entrée, le Ministre de l’environnement et des ressources naturelles de la République dominicaine, M. Miguel Ceara Hatton, a expliqué les raisons de « l’échec » dans la mise en œuvre des objectifs relatifs à l’eau: la crise liée à la pandémie de COVID-19, suivie de celles qu’a entraînée la crise en Ukraine, ont grevé les dépenses publiques des États et fait exploser les coûts de l’énergie.  Or, a-t-il rappelé, « l’eau, c’est la vie, et son accès est un droit humain dont tout citoyen doit être en mesure de jouir ».  Inquiet des chiffres précités, le Ministre a aussi attiré l’attention sur le fait que la majorité des enfants de moins de 5 ans qui meurent dans les pays en développement décèdent de maladies liées à un accès à l’eau.  Pour atteindre l’ODD 6, « il va falloir multiplier par 4 les progrès que nous accomplissons actuellement », a-t-il prévenu car si des pays sont plus en avance que d’autres, l’humanité accuse un réel retard en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène pour tous.

La discussion doit s’orienter sur des exemples concrets de progrès en matière de WASH, a recommandé le Coprésident de la table ronde, M. Zac Goldsmith of Richmond Park, Ministre des territoires d’outre-mer, du Commonwealth, de l’énergie, du climat et de l’environnement du Royaume-Uni.  Pour changer la donne, il faut aider les gouvernements, a-t-il dit, citant la réussite du Gouvernement indien qui est en passe d’assurer un accès à une eau propre à des « populations gigantesques ».  Il a par ailleurs annoncé le lancement par son pays de Wash System for Health, un programme doté de 18 millions de livres et destiné aux populations les plus marginalisés de cinq pays partenaires en développement.

La Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Mme Catherine Russell, a insisté sur le fait que l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est un droit humain essentiel à notre survie et au développement économique.  Lorsque les enfants ont accès à l’eau potable, ils ont moins de risque de contracter des maladies véhiculées par l’eau et plus de chance d’être en bonne santé et d’aller à l’école.  Un tel accès favorise en outre la parité hommes-femmes, a ajouté Mme Russell, sachant que ce sont souvent les femmes et les filles qui vont chercher l’eau à pied, les exposant à la violence et à l’épuisement.  Si elle a noté les progrès -depuis l’an 2000, 2 milliards de personnes ont eu accès à l’eau potable et 2,5 milliards à l’assainissement-, elle les a jugés insuffisants alors qu’un million de personnes continuent de mourir chaque année de maladies liées à la mauvaise qualité de l’eau, les enfants au premier chef.  Nous devons donc renforcer l’accès aux services WASH pour sauver des vies et transformer les communautés, comme le fait l’UNICEF depuis 17 ans, a-t-elle lancé en demandant à la communauté internationale et aux partenaires au développement de se joindre à ces efforts.

La Ministre de l’eau et de l’assainissement du Malawi, Mme Abida Sidik Mia, a justement témoigné des efforts de son pays dans ce sens: les services WASH font partie intégrante de la lutte contre des maladies telles que la typhoïde, la grippe et le choléra.  Elle a souligné l’importance d’investir dans de telles infrastructures en faisant valoir que, malgré la flambée de choléra depuis 2022, la maladie a été largement contenue dans le pays.  Toutefois, le Malawi a récemment été frappé par le cyclone tropical Freddy qui a fait des milliers de victimes et aggravé la vulnérabilité de milliers d’autres, alors que 30% de la population n’a pas accès à une eau propre, a rappelé la Ministre.  Elle aussi a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle appuie financièrement la reconstruction et l’aménagement d’infrastructures d’accès à l’eau et à l’assainissement.  Le Malawi compte pour sa part créer un fonds, mobiliser les ressources et mener des initiatives en vue de canaliser les investissements. 

Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Filippo Grandi, qui s’exprimait au « nom de 103 millions de réfugiés et de personnes déplacées à travers le monde », a souligné combien le manque d’accès à l’eau, les épisodes de sécheresse ou d’inondations, ou encore les conflits causent des déplacements massifs et périlleux de populations.  « Les changements climatiques font en outre que les populations se déplacent de régions en régions plus ou moins dépourvues d’accès pérenne à l’eau. »  C’est dans ce contexte que le Haut-Commissariat a suggéré aux bailleurs de fonds de réfléchir à la question de l’inclusion, en évitant de promouvoir la multiplication de l’implantation de systèmes parallèles d’accès à l’eau, a dit M. Grandi en conseillant plutôt de rapprocher les systèmes existants aux niveaux national et régional.  Il a jugé « bien sûr » vital d’investir dans les infrastructures WASH dans les pays de départs des réfugiés et des déplacés. 

En Inde, en l’espace de cinq ans, les autorités nationales et locales ont construit 110 millions de toilettes individuelles, a déclaré pour sa part le Ministre adjoint au Ministère de la province indienne de Jal Shakti, M. Vikas Sheel, en précisant que l’accès à celles-ci est passé de moins de 30% à 43%.  Ainsi, dès 2018, sa province a atteint l’ODD 6, a-t-il annoncé en se félicitant de cette réalisation six ans en avance par rapport à l’échéance de 2030.  Il a signalé que cette réalisation avait coûté 35 milliards de dollars, précisant que les budgets publics ont investi dans l’amélioration de la qualité de l’eau et la durabilité de son accès.  « Parce que nous sommes convaincus que la participation des communautés est de la plus haute importance, nous avons confié un rôle à chacun dans toutes les étapes de la réalisation de l’ODD 6, de la planification à la maintenance en passant par l’opérationnalisation », a-t-il aussi fait valoir.

Pour appuyer les communautés en vue d’améliorer leur accès à l’eau, M. Jagan Chapagain, Secrétaire général de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), a appelé à se concentrer sur des actions efficaces assorties de partenariats.  Pour lui, l’un des moyens les plus efficaces est d’accroître l’accès aux services WASH et d’intégrer ceux-ci aux systèmes de santé publique, en prévoyant des programmes WASH « ciblés et inclusifs ».  Il a aussi conseillé d’intégrer à ces programmes les grands objectifs mondiaux de santé, tels que la couverture médicale universelle et la lutte contre les pandémies.  La FICR et les Pays-Bas ont lancé à cet effet le programme intitulé « L’eau au cœur de l’action climatique » afin de renforcer les interventions précoces dans ce domaine.  S’agissant du Malawi, il a relevé que ce pays déjà aux prises avec le choléra et frappé par un cyclone ne doit pas recourir à des solutions à court terme face aux changements climatiques.

Concernant le suivi de la réalisation de l’ODD 6 dans la région indienne de Jal Shakti, M. Sheel, reprenant la parole, a précisé apporter un service en eau a plus de 110 millions de personnes et se concentrer sur la mesure des progrès et la communication au plus grand nombre sur ce point.  Il a donné comme exemple le « tableau de bord » des agences d’exécution qui permet à tout un chacun de suivre les opérations.  Les gouvernements locaux tiennent compte des griefs et des plaintes sur la qualité d’eau, ce qui permet de rationaliser d’autant plus le suivi d’exécution des projets WASH, a expliqué M. Sheel.  Des comités de responsables de l’eau dans les villages, « dont 50% sont des femmes », contribuent aussi à ce suivi, a-t-il ajouté.

Lors de l’échange entre les panelistes et les États Membres, la société civile et les agences de l’ONU, le Sénégal a indiqué que les projets WASH sont essentiels dans son pays pour assurer que l’eau est bien mise au service de la santé des populations.  Il a parlé de la coopération interministérielle qui veille à ce que les lois sur l’eau, la santé et l’assainissement soient appliquées de manière coordonnée.  « En outre, c’est aussi une approche WASH qui commande nos politiques de prévention des infections véhiculées par l’eau ainsi que la professionnalisation des plaidoyers publics auprès des personnels de santé. »  Le Liban, qui a rappelé que le programme WASH libanais a été créé pour répondre à l’afflux de 5 millions de réfugiés syriens, a indiqué qu’en 2020, une nouvelle stratégie a été adoptée pour relancer les efforts d’assainissement, en attirant de nouveaux investissements auprès des bailleurs spécialisés dans cette approche.

De son côté, la Tunisie, soulignant que 98,4% de la population tunisienne a accès à une eau potable, a jugé difficile de garantir un tel droit « quand la ressource devient aussi limitée ».  La situation de pénurie va s’aggraver dans les pays en développement en raison du réchauffement climatique, intensifiant l’impact socioéconomique qui risque de freiner l’accès au développement durable, a prévenu la délégation qui a, à cette aune, demandé aux bailleurs internationaux et aux États Membres d’honorer leurs engagements financiers au titre de la lutte contre les changements climatiques « en vue de façonner des sociétés plus équitables ».

Ses propos ont trouvé un écho similaire auprès de l’Ouganda, du Zimbabwe et du Mozambique, qui ont appelé à la mobilisation de financements novateurs pour que leurs projets WASH puissent être parachevés d’ici à l’horizon 2030.  L’Éthiopie a indiqué que la Corne de l’Afrique, « qui subit l’alternance cruelle de sécheresses et d’épisodes violents d’inondations », a besoin de 5 milliards de dollars d’aide internationale pour atteindre l’ODD 6 à cette date.  À ses homologues africains, le Bénin a recommandé de hisser leur budget de financement de l’accès à l’eau potable au-dessus de 50%, la part restante pouvant être abondée par le secteur privé et les partenaires financiers de l’ONU.

La Colombie et l’Argentine ont également demandé aux partenaires internationaux de les accompagner sur la voie de la modernisation des infrastructures WASH, soulignant que les communautés de leurs zones rurales peuvent jouer un rôle essentiel de porteurs de projets innovants, à faible coût et facilement appropriables localement par les entrepreneuses en gestion locale de l’eau.  La Thaïlande et les Îles Salomon ont à leur tour demandé l’aide des partenaires internationaux, en particulier pour donner un coup d’accélérateur au développement des compétences et des équipements nécessaires à l’instauration de réseaux d’agence de l’eau maillant la totalité des territoires.

« La guerre aussi détruit l’environnement et les infrastructures hydrique », a lancé la Pologne, pour qui l’agression russe en Ukraine compromet les stratégies WASH et l’atteinte de l’ODD 6 dans les pays de la région.  Or sans ODD 6 réalisé, les autres objectifs ne pourront être pleinement accomplis, a-t-elle prévenu.  La Russie a préféré évoquer l’efficacité de l’action publique russe dans la lutte contre la circulation des maladies transmissibles par l’eau.  D’autres États Membres ont pris part à ce débat interactif: la Mauritanie, le Niger, la Barbade, le Pérou, l’Italie, le Togo, l’Arménie et la Namibie.

Du côté de la société civile, le Parlement des jeunes nigérians sur l’eau, l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, les Femmes autochtones et l’organisation Congo Handicap ont plaidé pour une société inclusive donnant aux groupes vulnérables le rôle de décideur qui leur revient localement dans la gestion de l’eau.

Pour ce qui est des agences du système onusien, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) ont réaffirmé leurs engagements d’améliorer le sort des réfugiés, des migrants et des femmes, autant de populations souffrant d’un accès restreint à l’eau salubre.

Le secteur privé, par la voix de l’Organisation panafricaine de l’assainissement et du Groupe UNILEVER, ont lancé un appel à une collaboration accrue entre autorités nationales et locales et monde de l’entreprise.  La représentante d’UNILEVER a annoncé le lancement d’une coalition sur l’hygiène « forte de l’engagement du Gouvernement britannique et de conventions signées avec près de 30 ONG spécialisées dans l’eau ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Les participants au second dialogue interactif de la Conférence sur l’eau appellent à relâcher la pression sur les ressources hydriques

Conférence des Nations Unies sur l’eau,
Table ronde # 2 - après-midi
ENV/DEV/2053

Les participants au second dialogue interactif de la Conférence sur l’eau appellent à relâcher la pression sur les ressources hydriques

Face aux dynamiques démographiques à la hausse qui exacerbent la demande en eau dans les domaines agricole, industriel et énergétique, les participants au second dialogue interactif de la Conférence des Nations Unies sur l’eau ont demandé l’adoption de mesures concertées permettant d’améliorer la gestion de l’eau et de réduire le stress hydrique devenu critique dans de nombreuses régions du monde.  Sur le thème de « l’eau et le développement durable: valorisation de l’eau, liens entre l’eau, l’énergie et l’alimentation, et développement économique et urbain durable », cette discussion a été l’occasion pour les délégations de la société civile, d’ONG, d’États Membres et d’institutions des Nations Unies de partager leurs préoccupations et de présenter leurs solutions pour faire face à la « crise systémique » de l’eau à l’échelle internationale.

L’eau joue un rôle de catalyseur pour le développement en connectant tous les objectifs de développement durable (ODD), a d’abord fait remarquer Mme Dubravka Šuica, Vice-Présidente de la Commission européenne chargée de la démocratie et de la démographie.  Une gestion des eaux non durable, ajoutée à la pollution, à la perte de diversité, aux changements démographiques et aux longues périodes de sécheresse, nuit à la production agricole et énergétique.  Si nous ne changeons pas la manière dont nous utilisons et conservons l’eau, la société se heurtera à des conséquences dramatiques, s’est alarmée la Vice-Présidente.  Elle a assuré que, depuis 2019, l’Union européenne mise sur une croissance durable fondée sur le pacte vert pour l’Europe, qui est le cadre stratégique en la matière, tandis que la loi européenne sur l’eau établit les règles pour assurer une gestion durable de l’eau.  Le but est de se tourner vers un modèle économique permettant d’assurer un secteur alimentaire plus rentable et plus durable, a-t-elle expliqué en prônant d’adopter des approches plus sobres en ressources hydriques, de combattre la pollution à la source, de promouvoir des solutions plus naturelles ainsi que des investissements durables, comme c’est le cas pour la Stratégie européenne pour la biodiversité.

L’eau est en effet une ressource économique stratégique déterminante sur le plan environnemental et le développement, a convenu M. Li Guoying, Ministre des ressources hydriques de la Chine.  Il s’est inquiété du fait que plus de deux milliards de personnes vivent dans un environnement affecté par un important stress hydrique, qui plus est dans une ère émaillée de défis mondiaux.  Les effets combinés des changements climatiques et des activités humaines en augmentation ont créé des risques additionnels en matière de sécurité hydrique qui rendent d’autant plus importante la réalisation des objectifs de développement durable relatifs à l’eau, a noté le Ministre.  Il a souligné que les gouvernements et les peuples aspirent ainsi plus que jamais à une coopération bilatérale et multilatérale étroite dans le domaine de l’eau, accompagnée de garanties concernant la protection de l’environnement aquatique.  La Chine applique pour sa part le concept de gouvernance de l’eau, en faisant de la conservation et de la distribution égale de l’eau une priorité, en collaboration avec le secteur privé.  Le Ministre a appelé à garder à l’esprit les intérêts communs de l’humanité en assurant davantage de coopération et de partage dans la gestion des ressources hydriques.

La modératrice de la discussion, Mme Myrna Cunningham Kain, du Groupe des peuples autochtones sur le développement durable en Amérique latine et dans les Caraïbes, a indiqué qu’elle vit depuis l’enfance avec la conviction que l’eau est un élément central de l’identité culturelle humaine.  Elle est une question qui traverse tous les ODD, a-t-elle observé, ajoutant attendre des intervenants qu’ils s’attardent sur l’interaction eau-énergie-alimentation-écosystèmes.  « En tant que peuples autochtones engagés à participer activement auprès des gouvernements et de l’ONU à œuvrer à la protection des ressources en eau dans le plein respect de nos droits, nous vous demandons de réfléchir aujourd’hui à une gouvernance durable en eau de demain, afin qu’il soit remédié à la crise climatique actuelle », a-t-elle indiqué aux panélistes.

La « grande disparité » qui subsiste entre pays développés et pays en développement en termes d’accès à l’eau a d’abord été soulignée par le Ministre des affaires étrangères du Bangladesh, M. A. K. Abdul Momen, qui a relevé qu’au rythme actuel, 1,6 milliard de personnes dans le monde, en particulier dans les pays les moins avancés (PMA), risquent de rester sans accès à l’eau potable, et 2,8 milliards de personnes de voir l’accès à des services d’assainissement limité.  Il s’est inquiété de l’absence de données de surveillance concernant la qualité de l’eau dont dépend près de la moitié de la population mondiale.  De même, plus de 733 millions de personnes, soit un dixième de la population mondiale, vivent dans des zones de stress hydrique élevé ou critique.  Face à cette « crise de l’eau », il a donc jugé impératif que le Programme d’action sur l’eau mette l’accent sur le financement et les innovations technologiques.  Il a averti à cet égard que l’architecture financière internationale telle qu’elle est actuellement ne permettra pas de remplir les engagements pris envers les peuples des pays en développement.  À cette fin, a-t-il rappelé, 16 PMA, dont le Bangladesh, revendiquent le respect de leurs droits en vertu des engagements de développement adoptés au niveau international.  Enfin, le Ministre a indiqué que le Bangladesh a entrepris une « valorisation de l’eau » en vue d’introduire des prix fictifs dans les secteurs à forte intensité d’eau comme l’agriculture et l’industrie, en tenant compte des risques climatiques.

M. Tālis Juhna, Vice-Recteur à la recherche et professeur à l’Université technique de Riga (Lettonie), a pour sa part souligné l’importance du rôle tenu par les universités en tant que moteurs de l’innovation en matière de développement des nouvelles technologies vertes.  À cet égard, il a souligné l’importance d’une généralisation de l’approche WEFE (interaction eau-énergie-alimentation-écosystèmes) dans les sphères académiques et d’un rapprochement de la recherche en ce domaine des marchés industriels et agricoles.  Le potentiel est immense, a-t-il ajouté, se disant confiant dans la capacité de l’approche WEFE à remettre le système global à l’équilibre pour permettre aux gouvernants de mieux lutter contre les pénuries alimentaires et répondre aux défis climatique et sécuritaire.  Il a ainsi indiqué que des innovations tels que les jardins verticaux, les infrastructures vertes pour recollecter les eaux de pluie ou encore la récupération des phosphores dans les effluents devraient être implantées dans les procès industriels.  Enfin, selon lui seule la volonté politique des États permettra de faire de l’approche WEFE une norme, l’établissement de celle-ci passant par une collaboration accrue entre universités, industries et gouvernements, et la multiplication des partenariats et incubateurs d’écoentreprises.

Un appel entendu par Mme Dinara Ziganshina, Directrice du Centre d’information scientifique de la Commission interétatique pour la coordination de l’eau en Asie centrale, pour qui les pays de la région doivent « voir » les avantages concrets de la coopération dans les domaines de l’eau, de l’énergie, de l’alimentation et du climat, notamment d’un point de vue économique.  Pour renforcer la coopération intersectorielle dans ce domaine, nous avons besoin selon elle de preuves plus convaincantes et d’instruments pratiques permettant d’orienter la réflexion des décideurs et de renforcer la planification du développement.  À ses yeux, seuls le développement ciblé des capacités, la recherche et le dialogue politique et technique sauront mener à des progrès dans la gestion des ressources en eau.  Il nous revient donc de cultiver notre propre avenir sécurisé et paisible en matière d’eau, a-t-elle conclu.

« Savoir comment chaque goutte d’eau dans le monde est utilisée. »  Cela doit être l’objectif ultime de l’approche WEFE (interaction eau-énergie-alimentation-écosystèmes), a recommandé M.  Yong-deok Cho, Secrétaire général du Conseil asiatique de l’eau, en misant sur les systèmes intégrés de gestion.  Rappelant que 55% de la population asiatique sera urbanisée d’ici à 2030, ce qui accroîtra la pression accrue sur la ressource en eau et la production attenante d’énergie et de denrées alimentaires, le panéliste a expliqué que le Conseil asiatique de l’eau axe son travail sur le développement de solutions concrètes pour aboutir au partage le plus équilibré possible de l’eau sur le plan régional.  Il a précisé à ce propos que la cinquantaine de projets portés par le Conseil se basent sur la compréhension maximale de toutes les complexités inhérentes à une gestion durable et partagée de l’eau.  M. Cho a plaidé pour l’établissement d’un mécanisme dans lequel toutes les parties prenantes trouveraient leur place dans la définition des priorités et les processus décisionnels liés à l’interaction eau-énergie-alimentation-écosystèmes.  Il a également souligné l’importance de mettre au point des innovations consommant moins d’eau pour lutter rapidement contre le stress hydrique et ses effets délétères.  Notamment, il a suggéré la création de plateformes régionales de collecte des données afin de résoudre le dilemme voulant que la génération de nombre d’énergies renouvelables exige encore trop de consommation en eau.

Prenant la parole pour dialoguer avec les panélistes, la Première Ministre d’Aruba (Pays-Bas), Mme Evelyn Wever-Croes, a fait le constat suivant: « Pour la première fois de l’histoire de l’humanité, le cycle de l’eau a été perturbé ».  La demande en alimentation devrait augmenter de moitié d’ici à 2050 et l’eau sera d’autant de plus en plus rare, a-t-elle prévenu craignant notamment que cela alimente de nouveaux conflits.  Le moment est donc venu d’ajouter l’eau aux considérations alimentaires, a-t-elle lancé en demandant que le cycle de l’eau soit considéré comme un bien public mondial.

Près de 70% de l’eau douce est en effet utilisée pour l’agriculture, a relevé Mme Claudia Sadoff, du Consultative Group on International Agricultural Research (CGIAR), qui a fait de l’amélioration des systèmes d’approvisionnement en eau une priorité.  Pour ce faire, nous devons renforcer la résilience des agriculteurs et des infrastructures hydriques tout en assurant une gestion efficace de l’eau, au moyen d’une plus grande coopération transfrontalière, a-t-elle recommandé.

En Iraq, a fait savoir la délégation de ce pays, les réserves en eau ne cessent de diminuer en raison de la réduction des pluies et des dynamiques démographiques à la hausse dans ce pays où les moins de 19 ans représentent près de la moitié de la population, ce qui accroît d’autant la pression sur les ressources financières, les infrastructures et les services publics.  Un problème que partage l’Éthiopie, où seulement 2% de la population a accès à une eau salubre à domicile et où divers projets d’énergie renouvelable et de récoltes résistantes aux sécheresses ont été lancés.

Le Ministre de la protection de l’environnement et des ressources naturelles de l’Ukraine a rappelé que l’invasion de son pays fait courir des risques alimentaires et hydriques dans le monde entier.  La Fédération de Russie détruit délibérément les champs ukrainiens, contamine ses cours d’eau et empêche l’irrigation des champs, a-t-il dénoncé, soulignant que cela compromet la capacité de l’Ukraine à respecter ses obligations découlant de l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire et cause la famine dans plusieurs pays.

Le Ministre des ressources hydriques et de l’irrigation de l’Égypte a considéré pour sa part, comme le Chili, que l’eau est indispensable pour assurer le droit à la vie et une condition sine qua non de la réalisation des autres droits humains.  S’il a jugé utile l’interaction eau-énergie-alimentation-écosystèmes, il s’est toutefois inquiété des inégalités mondiales qui constituent une menace pour les plus vulnérables au stress hydrique, comme en Égypte, où plusieurs dépendent du Nil pour leur survie.  Nous devons valoriser l’eau en tant que vecteur des droits humains, a opiné le Mexique, en lançant un appel à cette « valorisation » de l’eau.  La délégation a souligné à cet égard l’importance de l’assainissement pour les populations les plus vulnérables ainsi que la nécessité d’une meilleure gouvernance de l’eau.

Afin de surmonter ces défis interconnectés, la Vice-Présidente de la Commission européenne chargée de la démocratie et de la démographie a plaidé pour des solutions basées sur la nature, en repensant l’agriculture et en privilégiant le développement durable dans le cadre d’une économie circulaire fondée sur une évaluation précise des besoins.  Un avis partagé par l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), qui s’est dite prête à participer au renforcement des capacités des pays en développement ainsi qu’à l’échange de bonnes pratiques.  Une approche globale, intégrée et systémique est nécessaire pour assurer la préservation des ressources en eau douce « rares, précieuses et irremplaçable », a renchéri le Ministre des ressources hydriques de la Chine.

Au Maroc, le dessalement de l’eau sera bientôt affecté au secteur agricole et à la production industrielle, ce qui permettra d’affecter l’eau conventionnelle aux besoins en eau potable de la population, a fait savoir M. Nizar Baraka, Ministre de l’équipement et de l’eau.  L’essor de la population urbaine exerce déjà une pression accrue sur les ressources en eau et la fourniture de services, a noté Mme Maimunah Mohd Sharif, Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat), phénomène aggravé par les changements climatiques et les conflits.  Ainsi, à l’horizon 2050, 1,9 milliard de citadins seront confrontés à des pénuries saisonnières d’eau sans un aménagement du territoire et des transports urbains adéquats.

La gouvernance de l’eau est inadaptée et doit être repensée, a diagnostiqué Mme Ngozi Okonjo-Iweala, Directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).  À ses yeux, l’approche politique sur les ressources hydriques doit reposer sur l’efficacité et l’équité, et non sur les infrastructures hydriques coûteuses et les subventions agricoles nuisibles.  À cet égard, le commerce constitue selon elle un véhicule permettant la diffusion de la technologie nécessaire à une meilleure gestion des ressources en eau ou à un meilleur traitement des eaux usées.

Nous avons besoin pour l’eau d’un mécanisme à même de « changer la donne », comme l’a fait le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) pour les changements climatiques, a acquiescé M. Abou Amani, Directeur des sciences de l’eau, Secrétaire du Programme hydrologique intergouvernemental de l’UNESCO, en plaidant pour une évaluation mondiale de l’eau basée sur la science et exploitant les nouvelles technologies avec l’appui d’une plateforme intergouvernementale regroupant science et politique.

Le troisième dialogue interactif de la Conférence des Nations Unies sur l’eau se tiendra demain, jeudi 23 mars, à partir de 10 heures.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Journée pour l’élimination de la discrimination raciale: à l’Assemblée, le Secrétaire général demande aux États Membres des plans d’action nationaux d'ici à fin 2023

Soixante-dix-septième session,
62e séance plénière– matin
AG/12495

Journée pour l’élimination de la discrimination raciale: à l’Assemblée, le Secrétaire général demande aux États Membres des plans d’action nationaux d'ici à fin 2023

L’Assemblée générale a, ce matin, commémoré la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, à l’occasion de laquelle le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a appelé chaque gouvernement à adopter, d’ici à décembre au plus tard, un plan d’action national complet assorti d’un calendrier pour lutter contre ce fléau. 

Cette journée est observée chaque année le 21 mars pour commémorer ce jour de 1960 où, à Sharpeville, en Afrique du Sud, la police a tué 69 participants à une manifestation pacifique contre l’apartheid.  En proclamant la Journée internationale en 1966, l’Assemblée avait engagé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour éliminer toutes les formes de discrimination raciale.

Cette année, elle coïncide avec les 75 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Pourtant, nous sommes encore loin de réaliser l’égalité en dignité et en droits pour tous, a constaté M. Guterres, qui a donc vu dans ces plans d’action nationaux et leurs échéanciers un moyen d’accélérer la cadence, en tablant sur des législations et des politiques antidiscriminatoires élaborées à partir de données vérifiables.

Le Chef de l’Organisation a également appelé tous les États à ratifier la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et à mettre en œuvre leurs obligations et engagements sans délai, tandis que le Luxembourg, au nom du Groupe des États d’Europe occidentale et autres États, a encouragé à la mise en œuvre de cet instrument juridiquement contraignant.  Convaincu que la société civile et le secteur privé ont un rôle à jouer, le Secrétaire général a appelé les entreprises à prendre des mesures urgentes pour éliminer la discrimination raciale dans les produits et services, et sur les lieux de travail.

Selon le haut fonctionnaire, le racisme n’est pas inné, mais une fois appris, il peut acquérir un pouvoir destructeur sur les individus et les sociétés.  Et une fois instrumentalisé à des fins politiques, il peut ouvrir la voie aux génocides, a-t-il mis en garde. 

Au sein du système des Nations Unies, a poursuivi M. Guterres, la mise en œuvre d’un plan d’action stratégique pour l’éradication du racisme progresse, tandis que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a défini cinq priorités: adopter et mettre en œuvre des lois et politiques nationales complètes; établir et renforcer les institutions nationales indépendantes des droits humains et les organismes de promotion de l’égalité; collecter et publier des données ventilées par race, nationalité, ethnicité, sexe, genre, âge, ou encore statut migratoire; assurer la participation effective des groupes raciaux et ethniques aux processus de prise de décisions; et envisager des réparations pour les séquelles de la discrimination raciale. 

La Sierra Leone, qui s’est exprimée au nom du Groupe des États d’Afrique, a d’ailleurs estimé que la justice réparatrice est cruciale vis-à-vis des torts historiques que sont l’esclavage, l’apartheid et le colonialisme, une analyse partagée par la Barbade, qui a pris la parole au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), groupe régional pour lequel cette justice participe aussi au développement durable des pays concernés.  Les pays africains, a dit le Cameroun, continuent d’attendre que les responsables de la traite transatlantique et de la colonisation assument leurs responsabilités. 

Le Président de l’Assemblée générale, M. Csaba Kőrösi, a pour sa part observé que sur Internet, le racisme prend des formes toujours aussi néfastes, les réseaux sociaux pouvant être vecteurs de violence raciale et même de génocide, avant d’appeler gouvernements et entreprises à se mobiliser, en prenant appui sur le Programme d’action de Durban.  En l’absence d’une gouvernance internationale du cyberespace, les réseaux sociaux sont devenus un terreau de propagation de discours de la haine, a confirmé la Tunisie, qui a rappelé qu’elle a été l’un des pionniers de l’abolition de l’esclavage, dès 1846.

Les États-Unis ont rendu hommage à ces héros anonymes qui se battent contre la discrimination raciale, comme le cousin de la représentante américaine, Vince, qui a défendu le droit de vote des Noirs dans les années 50.  Elle a reconnu que son pays a un lourd bilan en matière de discrimination raciale, dont elle-même fut la victime.  Pourtant, a déclaré Mme Thomas-Greenfield, « je suis fière de mon pays et des progrès accomplis, y compris par l’Administration Biden, qui s’est engagée à démanteler les racismes systémique et structurel ».

Sentiment de fierté repris à son compte par le maire de New York, M. Eric Adams, qui a indiqué que sa ville figure en tête de la lutte contre la discrimination raciale dans le pays.  Rappelant qu’il n’est que le second maire afro-américain de New York, il a salué le fait que rien que cette année, les crimes de haine ont reculé de près de 70% à New York.

La montée en puissance des discours racistes, parfois tenus par des personnalités publiques et politiques, entravent les efforts pour bâtir des sociétés fondées sur la dignité et la tolérance, a déploré de son côté la Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale.  Mme Verene Albertha Shepherd a constaté que de nombreux groupes sont toujours confrontés à des inégalités durables, legs du colonialisme et de la traite transatlantique, qui exigent des réparations.  La Présidente a donc encouragé les États qui ne l’ont pas encore fait à suivre l’exemple d’acteurs non étatiques, en s’engageant dans une conversation sur la justice réparatrice avec les descendants des peuples colonisés et des victimes de la traite transatlantique.

Le Brésil a indiqué avoir pris des mesures pour lutter contre la discrimination raciale et protéger les droits des personnes d’ascendance africaine.  Depuis 1988, la Constitution fédérale stipule que le racisme est un crime sans prescription possible.  C’est parce qu’il nécrose le tissu social que l’Équateur a invité les États à redoubler d’efforts pour parvenir à des sociétés plus justes.  Au nom du Groupe des pays d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC), les Bahamas ont salué la création de l’Instance permanente pour les personnes d’ascendance africaine, appelant à la proclamation d’une deuxième Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, alors que la première prendra fin en décembre 2024. 

L’Union européenne (UE) a expliqué que d’importants efforts avaient été faits par ses États membres pour lutter contre la discrimination raciale, et que la recherche de consensus doit prévaloir au sein de l’ONU dans ce combat.  Les Îles Salomon, qui ont pris la parole au nom du Groupe des États d’Asie et du Pacifique, ont recommandé quant à elles de mettre l’accent sur la lutte contre les stéréotypes.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.