Conseil de sécurité: appels insistants à donner une chance à la diplomatie afin d’éviter un conflit total entre Israël et l’Iran
Ce matin au Conseil de sécurité, le Secrétaire général et l’écrasante majorité des délégations ont appelé à miser sur la diplomatie afin d’éviter que l’affrontement en cours entre l’Iran et Israël ne dégénère en un « conflit total aux conséquences incalculables », selon l’expression de la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix. La sécurité des installations nucléaires iraniennes frappées par Israël a été au cœur des préoccupations, le Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) appelant à la reprise des inspections menées par cette dernière.
« Donnez une chance à la paix », a lancé le Secrétaire général, M. António Guterres, en avertissant que l’expansion du conflit pourrait « déclencher un incendie que personne ne serait en mesure de contrôler ». Il a exhorté l’Iran à respecter le Traité sur la non-prolifération (TNP), en rappelant que ce pays a déclaré à plusieurs reprises ne pas chercher à se doter de l’arme nucléaire. « Reconnaissons qu’il existe un manque de confiance », a-t-il fait observer.
Pour le Secrétaire général, la seule façon de combler ce fossé est de recourir à la diplomatie pour établir une solution crédible et vérifiable, y compris via un accès complet des inspecteurs de l’AIEA. « Pour que cela soit possible, j’appelle à la fin des combats et au retour à des négociations sérieuses. » Même son de cloche du côté de la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, qui fait le bilan des affrontements: selon les estimations officielles, 224 personnes ont été tuées et 2 500 blessées par les frappes israéliennes en Iran, dont 90% de civils, un chiffre qui serait en réalité deux fois plus élevé. Les frappes iraniennes auraient fait en Israël 24 morts et 915 blessés, dont une grande majorité de civils.
Mme DiCarlo a plaidé pour la reprise du dialogue en vue d’une solution négociée, en estimant que la fenêtre pour éviter une escalade catastrophique n’est pas encore refermée. Elle a salué à ce titre la rencontre entre les Ministres des affaires étrangères de la France, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de l’Iran qui a eu lieu aujourd’hui à Genève. « Le recours à la diplomatie a rarement été aussi impérieux. »
L’AIEA appelle à la reprise des inspections
De son côté, le Directeur général de l’AIEA a exprimé une vive inquiétude quant à la détérioration significative de la sûreté et de la sécurité nucléaires en Iran, à la suite des frappes israéliennes ayant visé plusieurs de ses installations. « Bien qu’aucun rejet radiologique n’ait été observé à ce jour à l’extérieur de ces sites, un risque persiste pour la population iranienne et l’environnement. »
M. Rafael Mariano Grossi a souligné en outre que les stocks d’uranium de l’Iran restent soumis aux garanties, conformément à l’accord de garanties généralisées, précisant que plus de 400 kilogrammes de ces stocks sont constitués d’uranium enrichi jusqu’à 60%. Il est essentiel que l’Agence reprenne ses inspections dès que possible afin de fournir des garanties crédibles qu’aucune quantité n’a été détournée et que toutes les matières concernées, en particulier celles enrichies à 60%, sont comptabilisées, a-t-il indiqué.
Le Directeur général de l’AIEA a également procédé à une mise à jour détaillée des dégâts constatés sur les principaux sites nucléaires iraniens. À Natanz, principal complexe d’enrichissement de l’uranium dans le pays, l’usine principale et l’usine pilote ont subi des destructions sévères. Si aucune élévation du niveau de radiation n’a été détectée à l’extérieur du site, l’installation a subi une contamination à la fois radiologique et chimique.
À Fordou, site clef pour l’enrichissement à 60%, aucun dommage n’a été signalé jusqu’à présent, a poursuivi M. Grossi. En revanche, à Ispahan, quatre installations, dont une usine de conversion d’uranium et un laboratoire chimique, ont été touchées. Là aussi, l’Agence relève une absence d’impact radiologique externe, mais une préoccupation demeure quant à la toxicité chimique. De plus, M. Grossi a attiré l’attention sur les conséquences potentiellement catastrophiques qu’aurait une attaque contre la centrale nucléaire de Bouchehr, seul site iranien en activité abritant une importante quantité de matériaux. Une frappe directe sur cette installation pourrait entraîner, selon ses mots, « un rejet massif de radioactivité dans l’environnement ».
« Le programme nucléaire iranien n’est pas un secret scellé »
Les appels au dialogue et à la diplomatie ont été insistants tout au long de cette séance, à l’instar de celui lancé par la Chine, qui a plaidé pour la négociation afin que la situation ne dégénère pas. « Les grands pays doivent apaiser les tensions, non pas les attiser », a assené la Chine qui, comme le Pakistan, la Fédération de Russie, le Koweït, l’Iraq ou l’Algérie, a condamné l’agression israélienne contre l’Iran.
La Türkiye s’est émue qu’un État non partie au Traité sur la non-prolifération, « qui maintient délibérément l’opacité concernant ses propres capacités nucléaires », attaque l’infrastructure nucléaire d’un État partie soumis à des garanties. L’AIEA n’a pas d’éléments de preuve établissant la volonté de l’Iran de fabriquer une arme nucléaire, a noté pour sa part l’Algérie.
De son côté, la Fédération de Russie a souligné que le programme nucléaire iranien n’est pas un « secret scellé », les installations et sites nucléaires de ce pays faisant l’objet d’inspections minutieuses constantes par les inspecteurs de l’AIEA. En outre, l’Iran respecte scrupuleusement ses obligations au titre du Traité et de l’accord de garanties généralisées, a appuyé la Russie qui a accusé Israël d’avoir ignoré les évaluations de l’AIEA. Tout en fustigeant le mépris flagrant affiché par Israël et son principal allié, les États-Unis, pour une solution diplomatique, elle a confié son espoir en une solution qui ne remette pas en cause le droit de l’Iran à des activités nucléaires pacifiques et garantisse la sécurité d’Israël.
« La diplomatie doit prévaloir »
Le Pakistan a lui aussi exhorté le Conseil à dénoncer les attaques israéliennes et à œuvrer à un cessez-le-feu, avant d’inviter l’AIEA à clarifier sa position juridique sur les attaques israéliennes contre les installations nucléaires iraniennes. Ce pays s’est par ailleurs félicité que les États-Unis aient gardé « ouverte » la porte des négociations.
« Il n’est pas trop tard pour le Gouvernement de l’Iran de faire le bon choix », ont en effet déclaré les États-Unis. Le Président Trump a été clair ces derniers jours: les dirigeants iraniens doivent renoncer à leur programme d’enrichissement nucléaire et à toute aspiration d’acquérir l’arme nucléaire, a tranché la représentante américaine, qui a rappelé que le Gouvernement iranien a, à maintes reprises, appelé à la destruction d’Israël et des États-Unis. « Si les États-Unis n’ont pas été impliqués dans les frappes menées par Israël, soyez certains que nous sommes à ses côtés et que nous appuyons ses actions contre les ambitions nucléaires iraniennes, auxquelles Téhéran doit renoncer. »
« Alors que le temps nous est compté », le représentant de la France a fait savoir que son gouvernement, avec ses proches partenaires européens, est prêt à débuter dès maintenant, avec l’Iran, une négociation diplomatique destinée à assurer que l’Iran ne se dote jamais de l’arme nucléaire et de nature à mettre fin au conflit.
Il s’agit, a-t-il détaillé, de s’entendre sur un accord robuste, vérifiable et durable, indispensable pour s’assurer du caractère exclusivement pacifique du programme nucléaire iranien. Des engagements clairs et concrets doivent être pris dès maintenant par l’Iran pour démontrer à la communauté internationale que Téhéran souhaite s’engager dans cette voie et que des résultats rapides pourront être atteints.
« La diplomatie doit prévaloir », a renchéri l’Union européenne, selon qui une sécurité durable ne peut s’obtenir que par la diplomatie, non pas par une action militaire. « Un retour à la diplomatie est urgent et nous avons insisté sur ce point auprès d’Israël et de l’Iran », a déclaré le Royaume-Uni, qui a lui aussi estimé qu’une action militaire ne peut mettre fin aux capacités nucléaires de l’Iran.
Échange d’accusations entre l’Iran et Israël
Assurant que la nature du programme nucléaire de son pays est pacifique, le représentant de l’Iran a estimé que les attaques d’Israël contre des installations nucléaires placées sous la surveillance de l’AIEA créent un précédent dangereux pour la sécurité mondiale. De même, il a dénoncé l’implication directe des États-Unis dans cette guerre illicite d’agression, jugeant « inconscient » le discours du Président des États-Unis menaçant de frapper les installations nucléaires iraniennes.
L’Iran continuera d’exercer son droit à se défendre tant que le Conseil ne se sera pas acquitté de ses responsabilités et que l’agression israélienne n’aura pas cessé, a insisté le représentant iranien qui a exhorté le Conseil à « agir maintenant ». Le Conseil de sécurité, a-t-il insisté, doit condamner les attaques israéliennes et remédier aux risques d’une guerre régionale plus large, en particulier l’implication illicite d’un pays tiers, ainsi que les attaques contre les installations nucléaires sous le contrôle de l’AIEA.
« Comment osez-vous demander à la communauté internationale de vous protéger de votre programme génocidaire? N’avez-vous aucune honte? » a vertement réagi le délégué israélien, qui a par ailleurs accusé le régime iranien d’avoir essayé d’assassiner le Premier Ministre Netanyahou et le Président Trump, et d’avoir « financé, armé et orchestré des attentats terroristes partout dans le monde ».
Justifiant l’opération « Rising Lion », le représentant a affirmé qu’Israël avait agi après l’épuisement des voies diplomatiques, pour « neutraliser une menace existentielle ». « Il n’y a pas de plus grande menace pour la paix mondiale qu’un Iran doté de l’arme nucléaire », a-t-il averti, accusant l’Iran d’avoir enrichi de l’uranium à des niveaux quasi militaires et menti à l’AIEA. Le délégué a également mis en garde contre les capacités balistiques croissantes de ce pays, affirmant que les missiles iraniens pouvaient déjà frapper « Bruxelles, Londres, Paris, Boston ou Rome », et bientôt « New York et Washington ».
« Israël fait maintenant le sale travail pour le reste du monde. Et nous ne nous excuserons pas ni de nous défendre, ni de neutraliser la menace qui plane sur le monde entier », a-t-il dit.
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