En cours au Siège de l'ONU

Sixième Commission: le Statut de Rome de la CPI omniprésent dans les travaux sur les projets d’articles concernant les crimes contre l’humanité

Soixante-dix-septième session,
39e & 40e séances plénières, matin & après-midi
AG/J/3680

Sixième Commission: le Statut de Rome de la CPI omniprésent dans les travaux sur les projets d’articles concernant les crimes contre l’humanité

La Sixième Commission de l’Assemblée générale, chargée des questions juridiques, a poursuivi aujourd’hui ses échanges sur les projets d’articles concernant les crimes contre l’humanité rédigés par la Commission du droit international (CDI) en vue de l’élaboration éventuelle d’une convention à laquelle ils serviraient de base.  La définition de ces crimes qu’en donne le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) adopté en 1998 a très fortement marqué les discussions.

Les délégations ont d’abord achevé de s’exprimer sur le préambule et l’article 1 du projet d’articles, avant de discuter des articles 2 à 4, regroupés dans un groupe thématique portant sur la définition des crimes contre l’humanité et les obligations générales des États.  Qu’il s’agisse de l’article 2, qui définit les crimes contre l’humanité au sens de l’éventuelle future convention, ou du préambule, qui cite en référence la définition qu’en donne le Statut de Rome, ce dernier a dominé les déclarations et suscité plusieurs échanges interactifs.

Pour nombre d’intervenants, notamment l’Union européenne et ses États membres, mais aussi des délégations latino-américaines et africaines, le Japon ou encore la République de Corée, il est nécessaire, au nom de la cohérence du droit international, que la future convention donne une définition des crimes contre l’humanité qui soit alignée pour l’essentiel sur celle qu’en donne de l’Article 7 du Statut de Rome. 

À l’image de l’Australie, certains États ont toutefois reconnu qu’il fallait entendre les préoccupations des États non parties au Statut de Rome.  Un long échange interactif a eu lieu sur le sujet, durant lequel l’observateur de la Palestine a rappelé que la référence faite dans le préambule à la définition des crimes contre l’humanité donnée par le Statut de Rome ne préjugeait pas de la position de chaque État sur l’adhésion au Statut lui-même.  Nous ne sommes pas là pour adhérer au Statut de Rome mais celui-ci influencera nécessairement nos débats, a-t-il résumé.

En revanche, la Fédération de Russie, non partie au Statut de Rome, a demandé le retrait de la mention de cet instrument qui ne fait pas l’objet d’un appui universel.  Le Statut de Rome ne comptant qu’un nombre limité d’États parties, une définition des crimes contre l’humanité alignée sur celle du Statut ne peut constituer un bon point de départ pour des discussions, a fait valoir son représentant, appuyé par la Chine, qui a rappelé que la définition finale donnée par le Statut avait suscité de multiples controverses. 

Plusieurs autres délégations ont contesté la liste des crimes citée à l’article 2.  L’Iran a voulu y inscrire l’imposition de mesures coercitives unilatérales contre des civils.  El Salvador et l’Argentine ont souhaité élargir l’incrimination relative aux disparitions forcées, calquée sur celle du Statut de Rome, pour l’aligner sur celle, plus récente et plus précise, de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

L’Égypte comme la Gambie se sont quant à elles, inquiétées de certains aspects de la définition des crimes, jugés trop imprécis et, de ce fait, susceptibles de faire l’objet d’interprétations politiques.  Le représentant égyptien a estimé que l’incertitude juridique ainsi créée –qualifiée par le Cameroun de « destination inconnue »- pourrait dissuader d’adhérer à la future convention et donc avoir un effet contre-productif. 

Conscientes de telles préoccupations, la République tchèque comme la Colombie se sont prononcées pour une interprétation « stricte et étroite » de l’article, alors que le Japon souhaitait une discussion plus approfondie afin que les éléments constitutifs du crime soient clarifiés pour tous.  Plusieurs délégations ont néanmoins estimé que la définition proposée « reflète essentiellement le droit international coutumier, les traités existants et les pratiques nationales ».  De ce fait, la République de Corée s’est voulue optimiste sur les chances de surmonter les divergences d’opinions par une attitude constructive et positive des États Membres.

La flexibilité de la définition des crimes proposée dans le projet d’articles a été mise en avant, l’article 2 se définissant comme « sans préjudice de toute définition plus large prévue par tout instrument international, par le droit international coutumier ou par loi nationale ».  L’Italie a qualifié cette définition de « dénominateur commun minimum » et plusieurs délégations ont fait valoir qu’une tel libellé permettra aux États d’élargir ou d’affiner leur propre définition nationale des crimes contre l’humanité pour renforcer les enquêtes, les poursuites et la répression. 

L’obligation générale de prévention des crimes contre l’humanité prévue à l’article 3 a été largement saluée, en particulier parce que, comme l’a fait observer l’Union européenne, les États ont non seulement l’obligation de ne pas commettre de crimes contre l’humanité, mais aussi celle de les prévenir et de les punir, ce qui les amène à prendre des mesures proactives.  Plusieurs délégations se sont également félicitées de la clarification apportée par l’article, qui confirme que des crimes contre l’humanité peuvent être commis en dehors de conflits armés et exclut par ailleurs toute invocation de circonstances exceptionnelles pour justifier leur commission.  En revanche, l’Iran a voulu ajouter à la liste des obligations à la charge des États celle des États étrangers de ne pas intervenir dans les affaires intérieures d’autres États, une demande soutenue par la Fédération de Russie. 

La Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 12 avril, à partir de 10 heures. 

EXAMEN DU PROJET D’ARTICLES SUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL (CDI) 

Groupe thématique 1: dispositions liminaires (préambule et article 1)

Déclarations

M. YONG-ERN NATHANIEL KHNG (Singapour) a félicité la CDI d’avoir pu tenir compte des nombreux points de vue, y compris divergents, des États, ce qui éclaircit les réflexions et précise au fur et à mesure de son examen la portée juridique du projet d’articles.

Mme CROCKETT (Canada) a également salué le travail effectué jusqu’à présent par la CDI pour aboutir à une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Le présent échange de vues est utile, a-t-elle dit, et il nous tarde de discuter avec les cofacilitateurs dans le cadre de débats privés qui devraient se nourrir des vues exprimées par la société civile.  La déléguée a en outre souhaité qu’une place plus large soit accordée à la perspective de genre dans le projet d’articles.  Concernant le préambule, elle a salué les dispositions qui renforcent le sérieux des crimes perpétrés encore partout dans le monde.  Dans l’alinéa 9 reconnaissant le droit des victimes à un traitement équitable, il serait judicieux d’inclure des éléments sur l’expérience des rescapés de crimes contre l’humanité, a également souligné la déléguée, pour qui la portée de l’article 1 est appropriée. 

M. EVGENY A. SKACHKOV (Fédération de Russie) a jugé important d’établir un « équilibre » en indiquant qu’aucune disposition de l’alinéa 2 du préambule ne peut être interprétée comme empiétant sur les affaires intérieures des États.  Quant à l’alinéa 3, il devrait selon lui faire référence aux principes généraux du droit international, y compris les principes de l’égalité souveraine des États et de non-ingérence, et non à la seule Charte des Nations Unies.  Le délégué a en outre considéré qu’il n’est pas judicieux d’inclure dans le préambule l’interdiction des crimes contre l’humanité en tant que norme impérative du droit international.  Tous les États ne sont pas parties au Statut de Rome de la CPI, a-t-il rappelé, en demandant le retrait de la mention de cet instrument qui ne fait pas l’objet d’un appui universel. 

Mme ZOE RUSSELL (Nouvelle-Zélande) a vu dans le projet d’articles une occasion de combler une lacune dans le cadre juridique international, en particulier en ce qui concerne la coopération interétatique au niveau des lois nationales sur la prévention des crimes contre l’humanité, ainsi que dans le domaine de la responsabilité des États.  Il s’agit d’une étape importante dans les efforts visant à garantir la prévention et la responsabilisation, et la Nouvelle-Zélande soutient l’élaboration d’une convention sur leur base.  La déléguée a salué le fait que les projets d’articles aient été formulés d’une manière qui complète le Statut de la CPI, un élément important pour assurer la cohérence de l’ensemble du droit international.  C’est toutefois, a-t-elle rappelé, sur la substance de chaque projet d’articles que les discussions doivent se concentrer, et non sur le Statut de Rome.

Elle a jugé « convaincant » le raisonnement de la CDI concernant le caractère impératif de l’interdiction des crimes contre l’humanité, et apporté son appui à l’objectif général tel qu’énoncé dans le projet d’article premier.

Mme ALESSANDRA FALCONI (Pérou) s’est dite favorable à ce que le projet d’articles de la CDI serve de base à une future convention pour la prévention et la répression des crimes contre l’humanité et a rappelé la nécessité de prévenir de tels crimes et de mettre fin à l’impunité de leurs auteurs.  Elle a apprécié que le préambule précise que l’interdiction des crimes contre l’humanité est une norme impérative du droit international général et que ces crimes font partie des crimes les plus graves pour la communauté internationale dans son ensemble.  La représentante a jugé important que le projet d’articles prenne comme base la définition des crimes contre l’humanité contenue dans l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI, afin d’assurer un traitement cohérent de la question.  Elle a toutefois ajouté que cela ne devrait pas empêcher certains « ajustements » dans le texte, compte tenu de la différence d’objectif du Statut de Rome et du projet d’articles de la CDI.  Elle a jugé positif le fait que les droits des victimes soient explicitement pris en considération, de même que les droits des témoins et le droit des contrevenants présumés à un traitement équitable.  Elle a suggéré que le projet d’articles envisage aussi l’approche des groupes vulnérables, y compris la perspective de genre.  Elle a enfin noté que, conformément au libellé de l’article premier, les articles s’appliqueront à la prévention et à la répression des crimes contre l’humanité.

M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) a trouvé « difficile à justifier » l’inaction « persistante » de la Sixième Commission concernant le texte proposé par la CDI en vue de procéder rapidement à l’élaboration d’une convention sur les crimes contre l’humanité.  Pour surmonter les différentes visions qui s’opposent sur cette question, il a jugé important d’aménager un espace dédié pour identifier les zones de convergence et de divergence, dans l’esprit de la résolution 77/249 de l’Assemblée générale.  En ce qui concerne le groupe thématique 1, le délégué a considéré que le préambule fournit un cadre conceptuel adéquat, ajoutant que le caractère impératif de l’interdiction des crimes contre l’humanité justifie sa codification dans un instrument international.  De même, au sixième alinéa du préambule, il a estimé que la détermination à mettre fin à l’impunité des auteurs de ces crimes énonce tant l’objet que le but de l’instrument.  Le délégué a en outre soutenu la référence aux droits des victimes de crimes contre l’humanité contenue dans le préambule et dans le corps du projet d’articles.  Considérant qu’un instrument international juridiquement contraignant consolidera le cadre juridique international existant, il incombe aujourd’hui à la Sixième Commission de faire avancer ce processus, a-t-il conclu.

Échanges interactifs

Le représentant de la Slovaquie a voulu préciser certains propos tenus la veille par sa délégation et intervenir à la suite des propos de certains de ses collègues sur les références faites au Statut de Rome de la CPI.  À ses yeux, le Statut de Rome ne concerne pas seulement les États parties à la Cour pénale internationale (CPI), car il a fait l’objet d’intenses négociations par un nombre de délégations très supérieur au nombre d’États qui ont ensuite adhéré.  En particulier, a-t-il argué, le préambule du Statut de Rome faisait l’objet d’un très large accord, y compris par des États qui n’ont ensuite pas adhéré au Statut dans son ensemble.  Par ailleurs, le représentant a relevé que si le projet d’articles prévoit la possibilité de traités bilatéraux pour renforcer la coopération entre États dans la lutte contre les crimes contre l’humanité, le cadre multilatéral apporte un « plus ».  Les États doivent accomplir leur devoir en adoptant une législation nationale, mais cela ne limite pas la portée de la convention internationale, bien au contraire.  Encore une fois, les crimes contre l’humanité ne sont pas un concept nouveau, puisqu’ils sont mentionnés, sous un autre nom, dans les conventions de la Haye de 1907. 

Le représentant du Cameroun a répondu que le fait de contribuer à l’élaboration d’une convention n’engage pas les participants, c’est l’adhésion au texte adopté qui engage.  Par ailleurs, alors que le droit pénal repose sur le principe « nullum crime sine lege », cela n’a pas empêché que se tiennent les procès de Nuremberg, antérieurs à l’adoption des grandes conventions.  « Il existe donc bien un droit applicable en l’absence de conventions. »

Déclaration (suite)

Mme ZEBIB GEBREKIDAN (Érythrée) a estimé que les discussions en cours doivent se poursuivre pour établir une définition du crime contre l’humanité « par consensus ».  Sa délégation partage les préoccupations exprimées par d’autres pays quant aux références au Statut de Rome de la CPI dans le projet d’articles, lequel n’est pas reconnu de manière universelle, a-t-elle dit à son tour.  La destruction de l’environnement pourrait être considérée comme une catégorie de crime de cette sorte, a-t-elle par ailleurs signalé, appelant à développer le droit international comme l’y invite selon elle la présente reprise de session de la Sixième Commission. 

Échanges interactifs

Réagissant aux propos de l’Érythrée, le Nigéria a rappelé que nous devons avant tout renforcer le système juridique.  Pour élaborer une convention sur les crimes contre l’humanité, il a estimé que la Commission doit d’abord identifier les lacunes juridiques existantes afin de régler les problèmes qui subsistent et de renforcer le système juridique national. 

Il existe en effet différentes façons d’envisager les lacunes juridiques en ce qui concerne les crimes contre l’humanité, a relevé l’Égypte, pour qui il serait utile de répertorier les cas où l’absence de cadre national ou international juridique approprié a mené à l’impunité. 

Des instruments internationaux ad hoc ont créé le « socle juridique » sur lequel reposent les tribunaux internationaux, a rappelé la Slovaquie.  Il n’existe cependant pas de vide juridique sur le plan matériel, mais plutôt des lacunes « horizontales », élément fondamental qui explique à ses yeux la nécessité d’adopter une convention sur les crimes contre l’humanité. 

Le représentant du Portugal a rappelé que les crimes contre l’humanité étaient les seuls des trois catégories de crimes graves internationaux à ne pas faire l’objet d’une convention internationale dédiée à leur prévention et à leur répression, et à la coopération entre États à cette fin.  C’est à ses yeux ce qui justifie l’intérêt d’une convention. 

Le représentant du Mexique a considéré que lorsque le Statut de Rome de la CPI érige une infraction en crime, cela ne comble pas une lacune.  Ici, le domaine du projet d’articles est plus large: il est question à la fois de prévenir et de réprimer et on ne parle pas seulement de la responsabilité des individus.  Le représentant s’est dit d’accord avec le Cameroun sur la nécessité de bien définir les crimes, mais cela relèvera de la discussion sur l’article 2. 

La représentante de la Suisse s’est associée aux propos du Portugal et du Mexique.  La Convention représentera un « symbole fort » et réaffirmera la responsabilité première des États tout en avançant sur la question de la responsabilisation. 

Le représentant de la Gambie a rappelé que la convention ne se limitera pas à combler des lacunes existantes mais aura aussi une rôle dissuasif.  La prévention est parfois plus efficace, a-t-il estimé.  On mentionne dans cette enceinte les conventions sur les crimes de guerre ou le génocide, ou le Statut de Rome, car le droit a besoin de référence, a-t-il noté, mais nous ne faisons pas référence à « ces institutions établies et connues pour faire pression sur d’autres États afin qu’ils y adhèrent ». 

Le représentant du Cameroun a fait observer à son homologue du Mexique que c’est le préambule qui donne le « la » du texte dans son ensemble et qu’on ne peut donc pas attendre la discussion sur l’article 2.  Si c’est le préambule qui contient la référence à l’Article 7 du Statut de Rome, c’est parce que c’est le préambule qui oriente les articles.  La définition des crimes contre l’humanité est dans le préambule, et pas à l’article 2, c’est donc là qu’il faut en discuter. 

Le représentant de l’Égypte a estimé que les travaux de la CDI portaient sur des questions très litigieuses comme la compétence universelle.  Si l’on veut lutter contre l’impunité, on peut agir dans de nombreux domaines. 

L’observateur de l’État de Palestine a estimé que le Statut de Rome de la CPI, contrairement aux conventions citées par ailleurs, avait clairement défini les crimes contre l’humanité.  Nous ne sommes pas là pour adhérer au Statut de Rome mais celui-ci influencera nécessairement nos débats.  Il a noté que malgré tout ce qui pourra être dit au cours des présents échanges « aucun État ne deviendra partie au Statut de Rome s’il ne le souhaite pas ».  Les conflits en matière de définition sont complexes et constituent un frein sur la voie du développement de nouveaux instruments juridiques internationaux, a-t-il ajouté.  Il reste que nous pouvons faire fond sur le Statut de Rome de la CPI pour avancer sur notre propre voie.

La représentante d’El Salvador a salué l’intervention de l’Égypte, estimant que la communauté internationale n’en est encore qu’à un stade initial de l’étude du projet d’articles.  « C’est dans un second temps qu’il sera possible de renforcer les notions et définitions et d’aller plus loin en matière de collaboration horizontale ».  Elle a demandé de ne pas oublier le caractère progressif du droit international et jugé tout à fait possible d’approfondir le dialogue « si nous mentionnant les éléments figurant dans les systèmes en place et qui peuvent éclairer nos travaux ». 

Le représentant du Cameroun a repris la parole pour faire siens les propos de la Palestine, estimant qu’en effet les définitions « sont fondamentales dans un processus tel que celui-ci: elles fixent le cap en précisant le sens, l’orientation et l’esprit des mots ». 

Déclarations (suite)

M. MAJED S. F. BAMYA, de l’État de Palestine, s’est dit en accord dans l’ensemble avec le projet d’articles.  Il a salué la reconnaissance du fait que les crimes contre l’humanité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde et jugé important de rappeler que l’interdiction de ces crimes relève du jus cogens, sans aucune dérogation possible.  Les règles du droit international coutumier continuent de régir les matières non régies par les dispositions du projet d’articles, a-t-elle ajouté.  Le représentant a apprécié que le préambule rappelle l’obligation des États en termes de prévention, mais aussi de poursuites: pour mettre fin à l’impunité, il ne suffit pas de dissuader ou d’empêcher la commission des crimes, il faut aussi assurer la responsabilité de ceux qui les commettent.  Sachant que la pratique des États au niveau national reste limitée, M. Bamya a jugé précieuse la référence à la définition des crimes contre l’humanité donnée par le Statut de Rome de la CPI, ajoutant qu’elle ne préjugeait pas de la position de chaque État sur l’adhésion au Statut de Rome lui-même.  Le représentant a salué la référence aux victimes et témoins dans le préambule, y voyant une reconnaissance explicite du rôle indispensable de ces deux catégories de personnes dans la prévention et la répression.  Le droit des victimes à la justice et à la réparation est l’un des objectifs de la justice pénale, a-t-il insisté.  Tout en se disant favorable à une référence à un traitement et à un procès équitables des accusés, il a toutefois estimé que ce point devrait être traité dans un paragraphe distinct de celui consacré aux droits des victimes ou témoins.  Au nom de la cohérence et du renforcement des obligations existantes, le représentant a en outre proposé de rappeler dans le préambule un certain nombre de conventions internationales et de faire référence à la Déclaration universelle des droits de l’homme. 

Groupe thématique 2: définition et obligations générales (articles 2, 3 et 4)

Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne, a noté que la définition des crimes contre l’humanité figurant dans le projet d’articles reproduit largement l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI et n’est donc pas nouvelle pour une grande majorité de délégations.  Elle s’est toutefois félicitée que la définition du genre figurant au Statut de Rome ait été supprimée.  Elle a rappelé que la présence de combattants parmi la population civile n’exclut pas le fait qu’une attaque peut être dirigée contre une population civile.  En outre, si cette attaque est généralisée ou systématique, elle n’implique pas nécessairement une vaste zone géographique.  Pour l’Union européenne, les auteurs de crimes contre l’humanité ne se limitent pas aux fonctionnaires ou aux agents de l’État, mais peuvent être le fait d’organisations ou de groupes ayant la capacité et les ressources nécessaires pour planifier et mener une attaque généralisée ou systématique.  La représentante a souligné que les États pouvaient prévoir dans leur législation nationale une définition allant au-delà de celle contenue dans le projet d’articles, et a évoqué des définitions plus larges contenues dans d’autres instruments internationaux ou dans le droit international coutumier.

Quant aux obligations générales prévues à l’article 3, l’Union européenne rappelle que les États ont l’obligation de ne pas commettre de crimes contre l’humanité, mais aussi celle de les prévenir et de les punir.  En outre, l’obligation de ne pas commettre est double:  les États doivent ne pas s’engager par l’intermédiaire de leurs propres organes, ni par l’intermédiaire de personnes sur lesquelles ils exercent un contrôle si étroit que leur comportement est attribuable à l’État.  La représentante a noté que les crimes contre l’humanité n’ont pas besoin d’être liés à un conflit armé et peuvent se produire en temps de paix.  Que cela soit précisé dans l’article 3 est donc pour l’Union européenne « une clarification bienvenue » qui règle un différend de longue date sur la nécessité d’un lien avec un conflit armé, et aligne les crimes contre l’humanité sur le génocide, contrairement aux crimes de guerre qui sont toujours commis en période de conflit armé.  « La triste réalité est que des crimes contre l’humanité ont été largement infligés à des civils dans de nombreuses situations en dehors des conflits armés », a fait observer la représentante, qui s’est également félicitée de la précision selon laquelle « aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier les crimes contre l’humanité ».

Enfin, la représentante a rappelé à propos de l’article 4 que l’obligation de prévention n’est pas spécifique au projet d’articles sur les crimes contre l’humanité mais existe aussi dans d’autres conventions.  Comme la plupart des crimes susceptibles d’être qualifiés de crimes contre l’humanité ont déjà été largement interdits dans de nombreux États, l’inclusion de la prévention en plus de l’interdiction est donc basée sur la pratique des traités précédents.  Si certains États ont estimé que la portée de cette obligation n’était pas claire, elle a rappelé que l’article 4 reflète la jurisprudence de la Cour internationale de Justice (CIJ) et que les États disposent de divers outils pour satisfaire à cette obligation.  Enfin, elle s’est félicitée de l’intention sous-jacente du projet d’articles d’encourager la coopération internationale.

Mme JULIA FIELDING (Suède), au nom des pays nordiques, a soutenu fermement la décision de la CDI de conserver, dans le projet d’article 2, la définition de l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI comme base matérielle de la définition du crime contre l’humanité.  Elle a toutefois salué la décision de la CDI de ne pas retenir la définition du « genre » figurant dans le Statut de Rome, qui ne reflète pas selon elle le droit international actuel.  La représentante a réitéré l’importance du principe de légalité en droit pénal, lequel ne permet pas d’élargir la définition d’une infraction par analogie au détriment d’une personne poursuivie, comme le suggère l’alinéa k) du paragraphe 2 du projet d’article 2.  En ce qui concerne les projets d’articles 3 et 4 (obligations générales et prévention), les pays nordiques réaffirment qu’une éventuelle convention comblerait une importante lacune du droit international et du droit des traités en mettant l’accent sur l’obligation des États de prévenir et de punir les crimes contre l’humanité.  Toutefois, les obligations de coopération interétatique en général, et en matière de prévention en particulier, ne peuvent être interprétées de manière à limiter les obligations existantes à l’égard d’autres crimes.

Mme ELVIRA CUPIKA-MAVRINA (Lettonie), au nom des pays baltes, a estimé que la définition des crimes contre l’humanité figurant à l’article 2 est « claire et complète » et salué son caractère inclusif ainsi que la diversité des circonstances dans lesquelles ces crimes peuvent être commis.  La représentante a constaté que la définition était centrée sur les victimes, et donc conçue pour protéger les droits et les intérêts de la population civile.  Cette orientation est importante, car elle garantit que l’accent reste mis sur la prévention et la répression des crimes qui ont un impact significatif sur les civils, a-t-elle estimé. 

En établissant une définition claire, le projet d’articles garantira que les crimes contre l’humanité sont correctement identifiés et traités, et que les auteurs sont tenus pour responsables de leurs actes, a poursuivi la représentante.  S’ils sont adoptés et mis en œuvre, les articles favoriseront ainsi le respect des droits de l’homme et de l’état de droit et rendront justice aux victimes et aux survivants de tels crimes.  Mme Cupika-Mavrina a estimé que l’obligation générale de prévention des crimes contre l’humanité prévue à l’article 3 représentait une évolution « positive et nécessaire » du droit pénal international.  Ladite obligation encourage les États à prendre des mesures proactives pour empêcher que ces crimes odieux soient commis.  Elle envoie aussi un message fort, à savoir que ces crimes ne seront pas tolérés, et reflète l’engagement de la communauté internationale à défendre les droits humains. 

M. AHMED ABDELAZIZ AHMED ELGHARIB (Égypte) a souligné l’importance du principe de la légitimité, qui exige que soient revus les alinéas de l’article 2 faisant référence selon lui à une catégorie trop large d’actes inhumains de caractère analogue.  Il a ajouté que les définitions des crimes contre humanité proposées dans le projet d’articles ne sont ni les meilleures ni idéales, ne serait-ce que par ce qu’elles ne seront pas acceptées par les États qui ne sont pas parties au Statut de Rome de la CPI.  Avec tant d’inconnues, a-t-il douté, accéder à une convention sera difficile voire impossible pour la plupart des États.  Le délégué a émis d’autres réserves par rapport à l’article 2.  En effet, il a jugé que la Commission avait décidé d’elle-même d’aborder la question visée, « ce qui n’était pas nécessaire, ce qui représente un dépassement de son mandat de la Commission et contrevient aux compétences d’autres enceintes onusiennes ». 

M. MICHAEL HASENAU (Allemagne) a jugé que la définition des crimes contre l’humanité contenue dans l’article 2 du projet d’articles, directement basée sur l’Article 7 du Statut de Rome, semblait constituer une proposition solide et équilibrée, car elle évite de trop entrer dans les détails.  Cette définition laisse ainsi de la place à une législation nationale plus prescriptive qui pourrait déjà exister ou qui serait considérée comme appropriée à l’avenir, a estimé le représentant.  Il a aussi abordé l’article 3, qui énonce l’obligation des États de ne pas commettre, de prévenir et de punir les crimes contre l’humanité.  Pour lui, ce texte représente la disposition la plus importante de la Convention.  L’obligation, a-t-il rappelé, couvre les actes accomplis par les propres organes des États ou par des personnes sous leur contrôle, et interdit les crimes contre l’humanité, qu’ils soient ou non commis en période de conflit armé.  Il a également estimé que l’article 4, en promouvant un réseau de prévention et de coopération multilatérale en réponse aux crimes de masse, ajoute une valeur réelle au cadre existant du droit pénal international.

Intervenant brièvement dans le cadre des échanges interactifs, la représentante de l’Inde a relevé que la CDI n’a pas inclus l’utilisation d’armes nucléaires et les actes de terrorisme dans sa définition des crimes contre l’humanité.  « Ces actes ne sont-ils pas assez graves pour entrer dans cette définition? »

M. EMIL RUFFER (République tchèque) a estimé que l’article 2 garantit l’objectif d’harmoniser la définition des crimes contre l’humanité dans les législations nationales des États.  Il a salué l’approche de la CDI consistant à prendre comme point de référence l’Article 7 du Statut de Rome, lequel contient « la première définition conventionnelle complète, largement reconnue et acceptée » de cette catégorie de crimes.  Pour la République tchèque, tout élargissement ou rétrécissement de la définition pourrait brouiller les lignes de la définition en vertu du droit des traités.  Le représentant a estimé que la souplesse était suffisamment garantie dans l’article, qui prévoit que ce texte est sans préjudice de toute définition plus large prévue par un instrument international, le droit international coutumier ou le droit national.  Il s’est toutefois dit conscient de certaines préoccupations concernant l’interprétation de la définition proposée et s’est prononcé pour une interprétation « stricte et étroite ». 

À propos des obligations générales, le représentant a rappelé que l’article 3 énonce explicitement l’obligation des États de ne pas commettre de crimes contre l’humanité, ce qui vient appuyer la conclusion de la CIJ dans l’affaire du génocide bosniaque.  Les États ne doivent pas commettre de tels crimes et doivent aussi veiller à ce que les personnes placées sous leur juridiction et leur contrôle, « y compris les forces armées, les groupes rebelles et les autres acteurs non étatiques », n’en commettent pas non plus.  Il a jugé bon que l’article 3 oblige à punir les crimes contre l’humanité, qu’ils soient ou non commis en période de conflit armé, et insiste sur le fait qu’« aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit », ne peut être invoquée pour les justifier. 

Le représentant a par ailleurs jugé indispensable l’article 4 sur la prévention, qui exige de la part des États qu’ils mettent en place une infrastructure contre la survenance de crimes contre l’humanité.  Il a rappelé qu’il s’agissait d’obligations similaires à celles figurant dans différents traités internationaux largement approuvés, y compris la Convention contre la torture.  Il a toutefois estimé que l’article 4 pourrait mentionner certains exemples concrets de mesures préventives.  Il a également appuyé le fait que ces mesures doivent être prises « en conformité avec le droit international ».

Mme LIGIA LORENA FLORES SOTO (El Salvador) a insisté sur l’importance d’inclure les violences sexuelles dans toute convention internationale pour la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Elle a également souhaité que la définition des disparitions forcées comme crimes contre l’humanité inclue les disparitions due à des personnes ou groupes de personnes agissant avec l’appui, le consentement ou l’assentiment d’États, ce qui, a ajouté la représentante, serait conforme à la définition donnée par la Convention sur les disparitions forcées.  El Salvador juge en outre fondamental d’encourager un débat sur les enquêtes visant l’appropriation d’enfants liée à des crimes de disparitions forcées.  Selon la représentante, une convention comme celle qui est à l’étude permettra d’améliorer la coopération et l’entraide juridique internationales. 

La représentante de l’Arabie saoudite a déclaré que les « autres actes inhumains » dont il est question à l’alinéa k) du paragraphe 1 du projet d’article 2 seraient difficiles à identifier.  Au paragraphe 2 de l’article 3 (obligations générales), la représentante a jugé redondant de préciser qu’il s’agit de crimes au regard du droit international puisque le projet d’articles définit déjà les crimes contre l’humanité. 

M. CHANAKA LIAM WICKREMASINGHE (Royaume-Uni) a souscrit à la définition des crimes contre l’humanité utilisée à l’article 2, laquelle découle de 75 ans de pratique non sans être acceptée explicitement par les 123 États parties au Statut de Rome de la CPI.  Cette définition repose de plus sur une vaste jurisprudence tant à l’échelle nationale qu’internationale, a-t-il ajouté, et revient à codifier le droit international coutumier, « comme l’estiment les experts ».  Il a ensuite noté que la persécution ne relève des crimes contre l’humanité que si elle est liée à un autre acte au sens du projet d’article 2(1), cette approche étant selon sa délégation plus étroite que celle adoptée dans le Statut de Rome et ailleurs.  Le Royaume-Uni salue la politique de la CPI sur le crime de persécution fondée sur le genre récemment publiée et estime qu’elle peut être un outil d’interprétation utile en ce qui concerne ces crimes, a-t-il encore signalé.  À ce sujet, le délégué a encore fait remarquer que la définition contenue dans le projet d’article antérieur n’était effectivement plus appropriée, « car la persécution de personnes qui ne se considèrent pas comme des hommes ou des femmes risquait de tomber hors du champ d’application des crimes contre l’humanité ».  C’est pourquoi il a salué et appuyé la décision de la CDI de ne pas inclure la définition du genre figurant dans le Statut de Rome dans le projet d’article 2. 

M. MOHAMMAD GHORBANPOUR NAJAFABADI (Iran) a exprimé son désaccord avec les définitions présentées à l’article 2, estimant que l’imposition de mesures coercitives unilatérales contre des civils constitue un crime contre l’humanité.  Les obligations à la charge des États, et notamment celle des États étrangers de ne pas intervenir dans les affaires intérieures d’autres États, devraient à son avis être précisées dans les articles 3 et 4.  Il incombe également aux États d’empêcher que des actes de provocation, d’incitation ou d’instigation ne se produisent sur leur territoire ou sur les territoires qu’ils contrôlent, a-t-il ajouté, afin d’éviter les perturbations au sein d’États souverains ainsi que la commission de crimes contre l’humanité.  Le représentant a ainsi proposé l’ajout d’un nouveau paragraphe 2 au projet d’article 4 disposant qu’aucun État ne peut organiser ou faciliter des activités subversives, terroristes ou armées visant à renverser par la violence le régime d’un autre État, ni s’immiscer dans les troubles civils dans un autre État. 

M. MATTHIJS BOERMA (Pays-Bas) a estimé important d’utiliser la définition du Statut de Rome de la CPI, les différences entre les définitions du droit international devant être évitées pour garantir la sécurité juridique, tant au niveau international que dans la mise en œuvre nationale.  Remettre en cause les définitions du Statut de Rome peut conduire à compromettre certaines réalisations, a-t-il averti, en évoquant la pratique d’autres tribunaux internationaux et du Conseil de sécurité.  En ce qui concerne l’obligation de prévenir, le délégué a noté qu’elle dépend de la capacité des États à influencer d’éventuels auteurs de crimes contre l’humanité, conformément à la Convention sur le génocide et à la jurisprudence internationale, lesquelles peuvent selon lui être appliquées de manière analogue à ce projet d’articles.  Le délégué a jugé que ce point de vue est conforme à la décision de la Cour internationale de Justice (CIJ) dans l’affaire « Bosnie-Herzégovine contre Serbie-et-Monténégro » de 2007.  Les Pays-Bas sont ainsi d’avis que l’obligation de prévenir est correctement précisée dans la jurisprudence de la CIJ, qui fournit des critères juridiques utiles pour évaluer la capacité d’influence d’un État. 

Mme RICCARDA CHRISTIANA CHANDA (Suisse) a rappelé le soutien de son pays au travail de la CDI et à sa recommandation d’élaborer une convention sur la base du projet d’articles, afin de combler la lacune qui subsiste face aux crimes contre l’humanité, des décennies après la codification du génocide et des crimes de guerre.  Elle a rappelé que la future convention doit compléter le droit conventionnel sur les crimes internationaux principaux et sa valeur universelle, par-delà les systèmes et les cultures juridiques, ce qui constituera « un symbole fort ».  Selon la représentante, elle aidera en outre les États à mettre en œuvre leur responsabilité première d’enquêter sur ces crimes et favorisera la coopération interétatique en matière d’enquêtes, de poursuites et de sanctions.  Elle constituera ainsi un outil essentiel pour garantir la reddition des comptes et traduire en justice les auteurs de ces crimes. 

Elle a salué la définition des crimes contre l’humanité donnée dans le projet d’article 2, qui reprend celle du Statut de Rome de la CPI.  Elle a en effet jugé important d’éviter une définition qui s’en écarterait, la CPI étant « appelée à jouer un rôle central dans la poursuite et le jugement » des crimes contre l’humanité.  La représentante a ajouté qu’il était essentiel que le projet d’articles s’efforce plus généralement de prévenir tout conflit avec les textes conventionnels existants.  Elle a également appuyé la disposition selon laquelle la définition donnée l’est sans préjudice de toute définition plus large prévue par tout instrument international, par le droit international coutumier ou par le droit national.  La représentante a aussi salué l’importance donnée à la prévention des crimes contre l’humanité, la jugeant tout aussi importante que la répression des crimes commis.  Elle a estimé bienvenue l’exclusion au projet d’article 3 de toute circonstance exceptionnelle pour justifier de tels crimes.  Rappelant que son pays est résolument engagé dans la lutte contre l’impunité, Elle a souhaité que les discussions interactives soient productives et s’est dite prête à s’y engager de manière constructive.

La représentante de Cuba a jugé ambigu l’alinéa a) du paragraphe 2 du projet d’article 2, notamment en ce qui concerne une attaque envers une population civile.  De même, l’alinéa g) du paragraphe 2 du projet d’article 2 ne présente pas de définition claire du concept de persécution, tandis qu’à l’alinéa i) la définition de la privation de liberté est à ses yeux incomplète. 

M. ALEXANDER MARSCHIK (Autriche) a signalé que, pour des raisons humanitaires, il est du devoir de la communauté internationale de lutter contre l’impunité des auteurs de crimes contre l’humanité et de faire en sorte que justice soit rendue pour les victimes.  À la lumière des crimes horribles auxquels nous assistons en Ukraine, au Myanmar, en Syrie et dans d’autres parties du monde, une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité est devenue plus importante que jamais, a-t-il fait valoir.  Une telle convention comblerait une lacune existante dans le droit des traités internationaux, a-t-il encore dit, avant d’attirer l’attention sur le fait que la définition des crimes contre l’humanité à l’article 2 du projet d’articles codifie le droit international coutumier en vigueur.  Selon le délégué, d’un point de vue juridique, la définition n’est pas « fondée » sur l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI.  En outre, s’il est évident que le Statut de Rome et le projet de convention sont deux instruments juridiques distincts, ils ont en commun la définition des crimes contre l’humanité en vertu du droit international coutumier, ce qui est important pour éviter la fragmentation et assurer la cohérence du système juridique international.  Par ailleurs, le délégué a salué l’obligation des États de « ne pas se livrer à des actes qui constituent des crimes contre l’humanité » formulée à l’article 3 ainsi que l’ajout relatif à l’obligation explicite de prévenir les crimes contre l’humanité. 

M. SERGIO AMARAL ALVES DE CARVALHO (Portugal) a jugé logique que la CDI suive pour sa définition des crimes contre l’humanité celle de l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI qui a été le fruit de longues négociations.  En outre, cet alignement permet d’éviter la fragmentation du droit international.  Cela ne signifie pas qu’une future convention doive reprendre en « copier-coller » la définition donnée par le Statut de Rome, a-t-il néanmoins fait observer, avant de rappeler que la CDI a abandonné la notion de genre mentionnée dans le Statut de Rome.  Il s’est par ailleurs dit ouvert à des modifications concernant la question des disparitions forcées.  Le représentant a rappelé la nécessité de maintenir un équilibre entre la cohérence du droit international et son développement progressif.  Il a pris note des déclarations de ses homologues, y compris les préoccupations exprimées par l’Égypte.  Il a aussi parlé de respect des législations nationales et de coopération juridique internationale.  L’obligation de prévenir n’est pas spécifique au projet d’articles sur les crimes contre l’humanité, a souligné le représentant, rappelant qu’on la trouve aussi dans plusieurs autres conventions internationales.  Il a enfin insisté sur le fait que les mesures prises par un État pour prévenir la commission de crimes contre l’humanité doivent respecter le droit international. 

M. MATÚŠ KOŠUTH (Slovaquie) s’est dit heureux de constater que les définitions contenues dans le projet d’article 2 reflètent dans une large mesure celles de l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI.  Les définitions du Statut de Rome se fondaient sur des travaux substantiels antérieurs de la CDI ainsi que sur une série de réunions préparatoires en vue de la conférence diplomatique de 1998 auxquelles ont participé plus de 160 États, a-t-il rappelé.  Le délégué a donc jugé « légitime et raisonnable » de fixer le point de référence dans le Statut de Rome, ajoutant que cela n’affecte en rien les droits et obligations des États non parties.  S’agissant des définitions contenues dans le projet d’article 2, il a considéré l’exigence qu’une attaque soit « généralisée » ou « systématique » comme « disjonctive ».  Par ailleurs, le délégué a noté avec satisfaction que les deux premières dispositions du projet d’article 3 sont conformes à la jurisprudence pertinente de la Cour internationale de Justice (CIJ).  Quant au projet d’article 4, le délégué a expliqué qu’il précise l’obligation active des États de prévenir et de punir les crimes contre l’humanité, ainsi que l’obligation de diligence raisonnable pour prévenir les crimes contre l’humanité ab initio

M. ENRICO MILANO (Italie) a rappelé que son pays avait toujours été parmi les États souhaitant aligner la définition des crimes contre l’humanité du projet d’articles sur celle de l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI, afin d’éviter les incohérences entre instruments juridiques internationaux.  L’Italie appuie donc l’article 2 tel qu’il est rédigé, d’autant qu’il suit aussi la jurisprudence internationale sur le fait qu’il n’est pas nécessaire que l’attaque constitutive du crime contre l’humanité ait été commise par un fonctionnaire ou un agent de l’État.  Les crimes contre l’humanité peuvent émaner d’entités et d’organisations non étatiques, telles que des groupes politiques de facto, des rebelles ou même des organisations criminelles, a commenté le représentant.  M. Milano s’est également félicité de ce que la définition proposée ne constitue qu’un dénominateur commun minimum, qui ne préjuge pas des définitions plus larges contenues dans d’autres instruments internationaux, le droit international coutumier ou la législation nationale.  L’Italie peut également appuyer l’article 3 sur les obligations générales dans sa forme actuelle, a expliqué le représentant, notant qu’il prévoit que les crimes contre l’humanité ne sont pas nécessairement commis en période de conflit armé.  Enfin, en ce qui concerne l’obligation de prévention définie à l’article 4, il a jugé important que cette dernière doive être menée « conformément au droit international ».  La prévention des crimes contre l’humanité en interne n’implique pas la violation des droits fondamentaux de l’homme, a-t-il fait observer.  Et en externe, elle ne justifie pas des mesures qui dépassent les limites imposées par droit international, y compris en ce qui concerne le recours à la force militaire.

Échanges interactifs

Le représentant de l’Égypte s’est demandé comment s’entendre sur une définition du crime contre l’humanité alors qu’il existe déjà des obligations faites aux États Membres en la matière pour pénaliser ces crimes. 

Réagissant à l’intervention de l’Égypte, la représentante du Nigéria a souligné que le document de la CDI n’est pas un document juridique de négociation mais un document de travail orientant les échanges de la reprise de session.  Sur la définition des crimes contre l’humanité, elle a noté que celle du Statut de Rome de la CPI a été acceptée par 123 pays.  Il faut éviter, a-t-elle dit, de s’écarter des définitions préexistantes agréés sur le plan international, qui s’ajoutent en outre aux définitions nationales.  Au lieu d’ajouter une nouvelle définition, elle a plaidé pour un renforcement des législations nationales par le biais d’une coopération juridique accrue, « plutôt que d’ambitionner une nouvelle convention ».

La représentante de Malte a tenu à souligner que le Statut de Rome est une source d’inspiration constante, et non problématique, des travaux de la CDI.

La représentante de l’Australie, quant à elle, a estimé que la clause « sans préjudice de » n’est qu’un ajout qui permettra aux États de proposer ultérieurement des définitions plus larges.

La représentante de Malte a tenu à souligner que le Statut de Rome est une source d’inspiration constante, et non problématique, des travaux de la CDI. 

La représentante de l’Australie, quant à elle, a estimé que la clause « sans préjudice de » n’est qu’un ajout qui permettra aux États de proposer ultérieurement des définitions plus larges. 

Déclarations (suite)

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a déclaré, au sujet de l’article 2, que, « sans surprise », la définition des crimes contre l’humanité y est une reprise mutatis mutandis de la définition consacrée par le Statut de Rome de la CPI.  Sa délégation, a-t-il dit, campe sur sa position par rapport à cet instrument et s’en trouve « vivement préoccupée ».  Selon lui, la définition des crimes contre l’humanité restituée in extenso esquive « à dessein » le paragraphe 3 in fine de l’Article 7 du Statut de Rome, son absence n’étant selon lui qu’« un trompe œil, tant il est que les juristes chevronnés et éprouvés que vous êtes, savent que le préambule est élément entier du bloc de conventionnalité ».  Pour définir les crimes contre l’humanité, c’est la référence faite au paragraphe 7 du préambule qui fera foi, a continué le représentant.  Or, en tant que pays qui n’est pas partie au Statut de Rome, le Cameroun rappelle que cette définition n’est pas universelle et ne peut donc pas inspirer celle d’un autre texte. 

Le représentant a réitéré sa position selon laquelle l’emploi du terme « sexe » renvoie au sexe masculin et féminin.  C’est pourquoi, s’agissant de la définition du genre, il a noté que l’article qui en dispose ne tient pas compte des mutations des crimes contre l’humanité.  En ce sens, il a également appelé à la prise en compte dans les définitions de l’exploitation non durable des ressources, du pillage qui met en péril ces ressources, « les hypothèques pour les générations futures, compromet ainsi la vie de milliers de personnes appauvries, affamées, sans dignité et transformée pour ainsi dire en de véritables damnés de la terre ».  Prévenons et condamnons aussi ce type de crimes contre l’humanité! s’est-il encore exclamé.  Il a ajouté qu’il faudrait tout autant intégrer parmi les crimes contre l’humanité la destruction des lieux inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, la dépossession illicite, la confiscation ou la destruction des objets d’art ou tout élément lié à la valorisation de la culture.

S’agissant de l’article 3, M. Nyanid a souhaité que les obligations générales des États soient rattachées d’abord aux lois nationales, ensuite aux obligations librement consenties dans le cadre des mécanismes prévus par le droit international afin de s’assurer de la conformité de ces obligations avec l’esprit et la lettre du droit international.  En conséquence, pour sa délégation, l’interdiction de se livrer aux actes constitutifs de crimes contre l’humanité doit être précise et consacrer la capacité de l’État à punir.  Pour ce qui est de l’article 4 relatif à l’obligation de prévention, le représentant a estimé que l’on pourrait encourager les États à rendre les crimes contre l’humanité imprescriptibles afin de dissuader les éventuels criminels.  « Il serait également souhaitable de mettre en exergue le renforcement des capacités et l’appui aux États qui le souhaitent. »

M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a soutenu l’approche adoptée par la CDI au projet d’article 2, qui porte sur les définitions, pour assurer la cohérence avec l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI.  La suppression par la CDI du paragraphe 3 de l’Article 7, qui définit le terme « sexe », peut selon lui servir un objectif « pragmatique » dans l’examen d’un éventuel traité horizontal sur les crimes contre l’humanité.  D’un point de vue politique, le représentant a appuyé une approche de cohérence générale afin de sauvegarder le principe de complémentarité du Statut de Rome.  Il a noté à cet égard que le paragraphe 3 de l’article 2 contient une clause « sans préjudice » qui précise que l’inclusion de la définition du Statut de Rome est sans préjudice de toute définition plus large existant dans d’autres instruments internationaux. 

Après avoir rappelé que la définition des crimes contre l’humanité donnée par la CPI est plus étroite que celle qui a cours en vertu du droit international coutumier, le délégué s’est demandé si des ajustements mineurs pourraient être y apportés afin de tenir compte de la jurisprudence.  Il a par ailleurs identifié des lacunes juridiques qui se traduisent par une « impunité manifeste » pour les crimes d’esclavage et de traite des esclaves en vertu du Statut de Rome, qui devraient à ses yeux figurer dans un éventuel traité.  En ce qui concerne l’obligation de prévention énoncée au projet d’article 4, il a jugé fondamental l’engagement des États à prévenir les crimes contre l’humanité pour assurer la conformité avec la Charte des Nations Unies, tout en précisant que cet objectif ne doit jamais servir de prétexte à une intervention dans les affaires intérieures d’autres États.

Mme ALEXANDRA HUTCHISON (Australie) a reconnu que tous les États Membres de l’ONU ne sont pas parties au Statut de Rome de la CPI, ajoutant qu’elle aimerait continuer à entendre ces derniers afin de connaître leurs préoccupations concernant la définition des crimes contre l’humanité donnée dans le projet d’articles.  Elle a néanmoins insisté sur les avantages qu’il y a à s’inspirer de la définition du Statut de Rome, qui bénéficie d’une acceptation large et interrégionale.  Elle a aussi mis en avant le besoin de trouver un équilibre entre la nécessité d’empêcher une fragmentation inutile du droit international et l’impératif de veiller à ce que la définition reste adaptée à son objectif.  Pour l’Australie, la définition donnée par la CDI est équilibrée et ne comporte que des modifications mineures à la définition du Statut de Rome, afin de s’adapter à un contexte différent. 

La représentante a salué la suppression de la définition du « genre » donnée dans le Statut de Rome, y voyant un moyen de tenir compte d’une « compréhension évolutive de sa signification ».  Elle a rappelé que des termes tels que « religieux » et « racial » n’ont pas non plus été définis.  L’Australie, a-t-elle ajouté, réfléchit à la manière de mieux intégrer l’égalité des sexes en tant que question transversale dans l’ensemble du projet d’articles.  Elle reste « ouverte à l’examen d’ajustements qui garantiraient que toute future convention reste adaptée à son objet ».  La représentante a ensuite appuyé la caractérisation des obligations générales des États définie à l’article 3, conforme à la responsabilité première de l’État en matière de prévention et de répression des crimes internationaux.  Elle a appuyé le fait que des crimes contre l’humanité peuvent être commis aussi bien en temps de paix qu’en temps de conflit armé.  L’Australie se félicite également de l’approche de la CDI concernant l’obligation de prévention et souhaite que la future convention soit explicite sur la nécessité d’un fort contrôle de l’État sur un territoire donné pour que des obligations internationales lui soient imposées au regard de ce qu’il se passe sur ce territoire.

Au titre du mini débat, la République tchèque a répondu à l’Égypte que les commentaires de la CDI au paragraphe 46 sont limpides, comme les orientations de la Commission qui en découlent. 

À l’Australie, le Cameroun a répondu que l’inclusion du Statut de Rome pose un problème car la règle de droit international obéit au caractère de la relativité.  On ne peut pas appliquer une règle de droit du Statut de Rome à un État qui n’y est pas partie.  

Mme RUBINSHSTEIN (Israël) a estimé que la définition du crime contre l’humanité devrait être acceptée le plus largement possible afin de rallier le soutien de la communauté internationale le plus vaste et le plus net.  Or, citer le Statut de Rome de la CPI dans les définitions du projet d’articles peut difficilement permettre de parvenir à cette fin, car le projet d’articles devra in fine s’appliquer dans les législations des États Membres non parties au Statut.  Ainsi la déléguée a-t-elle appelé à trouver un outil pouvant être utilisé par les tribunaux nationaux pour lutter contre les crimes contre l’humanité. 

M. SINA ALAVI (Liechtenstein) a estimé que la persécution, telle que définie dans le projet d’article 2, ne peut constituer un crime contre l’humanité que si elle est commise « en relation avec » l’un des autres actes énumérés au paragraphe 1 de ce projet d’article.  Toutefois, en vertu de l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI, la persécution peut constituer l’acte fondateur d’un crime contre l’humanité lorsqu’elle est liée à l’un quelconque des autres actes susceptibles de constituer un crime contre l’humanité, ou lorsqu’elle est en lien avec tout crime relevant de la compétence de la CPI, notamment les crimes de guerre, le génocide et le crime d’agression.  Le délégué a donc proposé d’amender l’alinéa h) du paragraphe 1 du projet d’article 2 pour incorporer une référence à ces trois crimes.  Les définitions des principaux crimes contenues dans le Statut de Rome, y compris les crimes contre l’humanité, ont été utilisées dans différents contextes et ont prouvé leur valeur dans la pratique, a expliqué le représentant. 

M. ALAA NAYEF ZAID AL-EDWAN (Jordanie) a réaffirmé que la convention, si elle est adoptée, ne portera pas atteinte à la souveraineté des États ni à leurs immunités en vertu du droit international.  En outre, a-t-il ajouté, rien dans le projet d’articles n’empiète sur la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) ni n’aide la Cour à exercer son mandat.  Il a ensuite estimé que le préambule incarnait l’objet et le but du projet d’articles et jouerait un rôle important dans son interprétation et sa mise en œuvre.  Le représentant a salué le fait que la définition contenue dans l’article 2 suit largement celle du Statut de Rome, lequel reflète la définition et les éléments des crimes en vertu du droit international coutumier.  En outre, la jurisprudence et les évolutions du droit pénal international, depuis les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo sur les crimes contre l’humanité, s’incarnent dans une telle définition, a-t-il ajouté, avant d’appeler à prendre en compte la jurisprudence de la CPI et celle d’autres cours et tribunaux internationaux et nationaux. 

Le représentant a jugé inutile de dire à l’article 3 que « tout État a l’obligation de ne pas se livrer à des actes constitutifs de crimes contre l’humanité » car, a-t-il argué, ce sont des individus -et non des États- qui commettent de tels crimes.  Ceci est incompatible avec le cœur du projet d’articles qui vise les auteurs individuels de crimes.  Il a rappelé que l’obligation de prévention figurant à l’article 4 était un élément central du projet d’articles et que les mesures prises par un État à cette fin devaient être licites.  Il a en outre estimé que les codes militaires devraient contenir des interdictions, des obligations et des sanctions spécifiques à l’égard de la commission de crimes contre l’humanité. 

M. ANDY ARON (Indonésie) a estimé qu’à ce stade, la Commission gagnerait à examiner plus avant les préoccupations exprimées par plusieurs États Membres au sujet du projet d’article 2 et à discuter de manière approfondie de la nature de la liste des infractions définies comme « crimes contre l’humanité ».  S’il est vrai que les États doivent prendre des mesures pour prévenir la commission de tels crimes par des mesures législatives, administratives ou judiciaires efficaces, il conviendra de clarifier la phrase « ou d’autres mesures préventives appropriées » à l’article 4, qui, en l’état, semble imposer aux États une obligation excessive de prévenir.  Une telle expression laisse également de multiples interprétations ouvertes car l’on ne sait pas dans quelle mesure « d’autres mesures préventives appropriées » s’appliquent dans la pratique, a encore pointé le délégué. 

Mme ALIS LUNGU (Roumanie) s’est félicitée de l’approche de la CDI consistant à ne pas s’écarter de la définition des crimes contre l’humanité du Statut de Rome de la CPI afin d’assurer la cohérence et de prévenir la fragmentation normative.  Les projets d’articles sont à ses yeux le reflet d’une définition contemporaine des crimes contre l’humanité largement acceptée.  Compte tenu des explications fournies dans les commentaires de la CDI, la déléguée a approuvé la décision de ne pas inclure dans les projets d’articles la définition du genre contenue dans le Statut de Rome.  Concernant le projet d’article 3, La déléguée a relevé que l’obligation générale de ne pas se livrer à des actes qui constituent des crimes contre l’humanité comporte deux aspects, à savoir une obligation pour l’État de ne pas commettre ces crimes par l’intermédiaire de ses propres organes ou de personnes sous son contrôle, et une obligation de ne pas aider un autre État dans la commission de tels actes.  Elle a également jugé utile la précision apportée au paragraphe 2, selon laquelle les crimes contre l’humanité sont des infractions au regard du droit international, qu’ils aient été commis dans le cadre d’un conflit armé ou en temps de paix.  Le projet d’article 4 est à cet égard un « pilier » du texte, a-t-elle argué, qui fait explicitement obligation aux États de prévenir la commission de crimes contre l’humanité.

Au titre du mini-débat, le Cameroun, qui réagissait à l’intervention de l’Australie, s’est notamment demandé quelle était la valeur juridique des commentaires de la CDI invoqués par cette délégation.

Mme MARUBAYASHI (Japon) a jugé souhaitable que le projet d’article 2 obtienne un large soutien et recommandé à cette fin que la discussion sur cet article soit approfondie, en prenant en compte la clarté des éléments constitutifs du crime, qui est un principe général du droit pénal.

M. ELIJAH WATERMAN (États-Unis) a reconnu que le projet d’article 2 est tiré presque intégralement de la définition des crimes contre l’humanité figurant à l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI.  Nous convenons que les États parties au Statut de Rome puissent avoir intérêt à garantir que la définition des crimes contre l’humanité dans le projet d’articles soit cohérente avec celle du Statut, a-t-il dit.  « Bien que les États-Unis ne soient pas parties au Statut de Rome, nous reconnaissons que l’Article 7 fournit la liste la plus complète d’actes constitutifs de crimes contre l’humanité dans tout instrument multilatéral, y compris en ce qui concerne le viol et d’autres formes de violence sexuelle. »  S’agissant du projet d’article 3, M. Waterman a salué le fait que le projet d’article s’inspire de l’article 1 de la Convention sur le génocide, en prévoyant que les États s’engagent à prévenir et à punir les crimes contre l’humanité et en précisant que les crimes contre l’humanité constituent des crimes au regard du droit international, qu’ils soient ou non commis en temps de conflit armé.  Concernant le projet d’article 4, il s’est félicité de la précision selon laquelle les efforts visant à prévenir les crimes contre l’humanité doivent être entrepris conformément au droit international « applicable ».  Selon lui, il serait utile de préciser qu’un tel droit applicable suppose également les garanties d’un procès équitable.

Mme CHANG WUN JEUNG (République de Corée) a déclaré qu’une convention visant à prévenir et à punir les crimes contre l’humanité est nécessaire pour combler une lacune majeure du droit international.  La République de Corée juge nécessaire une convention internationale globale pour interdire ces crimes et pour faciliter la coopération entre les États, aussi bien pour les prévenir que pour les réprimer.  Pour la représentante, le projet d’articles, s’il est adopté, fournira une base juridique appropriée, surtout en l’absence de traités bilatéraux sur l’entraide judiciaire ou l’extradition.  Soulignant que le Statut de Rome de la CPI avait contribué à l’introduction d’une loi nationale sur la répression des crimes relevant de la compétence de la Cour et à la sensibilisation du public à ces crimes, Mme Chang a estimé qu’il en serait de même pour le projet d’articles une fois adopté. 

La représentante a noté les opinions et préoccupations variées sur les projets d’articles mais a rappelé que la plus grande partie de leur contenu, y compris la définition des crimes contre l’humanité, reflète essentiellement le droit international coutumier, les traités existants et les pratiques nationales.  Elle s’est donc voulue optimiste sur les chances de surmonter les divergences, grâce à une attitude constructive et positive de la part des États Membres.

Mme Chang a jugé très important d’assurer la conformité des projets d’articles de la CDI avec les dispositions du Statut de Rome pour éviter toute confusion sur la définition des crimes contre l’humanité au niveau international.  La République de Corée soutient donc le libellé des projets d’articles actuels, qui vont dans ce sens, d’autant qu’il est souple et permet aux États d’élargir ou d’affiner leur propre définition des crimes contre l’humanité pour renforcer les enquêtes, les poursuites et la répression.  Se disant consciente qu’il n’est pas possible de satisfaire tous les États Membres avec une seule convention, la représentante a néanmoins estimé qu’il était temps que ceux-ci montrent leur volonté collective de prévenir les crimes contre l’humanité et de protéger les innocents.

M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) a approuvé les critères adoptés par la CDI dans la formulation de l’article 2, sur la base de la définition largement acceptée de l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI.  Bien que tous les États ne soient pas parties au Statut, c’est la première fois dans l’histoire du droit pénal international qu’une définition est obtenue par des moyens conventionnels, du fait de l’évolution du droit international coutumier et de la jurisprudence des tribunaux nationaux et internationaux.  Si la définition contenue dans le Statut de Rome consolide le processus de codification des crimes contre l’humanité, elle n’est pas pour autant « gravée dans le marbre », a-t-il assuré, car l’essence même du droit international est son évolution, conforme à la pratique des États.  Les projets d’articles établissent également que les définitions qu’ils contiennent sont sans préjudice d’autres définitions plus larges prévues dans d’autres instruments internationaux ou dans le droit interne, a ajouté le délégué. 

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a estimé que les articles 2, 3 et 4 reflètent un équilibre entre la codification et le développement progressif du droit international.  S’agissant de la définition des crimes contre l’humanité figurant à l’article 2, il a fait observer que son libellé reprend les progrès normatifs réalisés dans les statuts des tribunaux pénaux internationaux, dans leur jurisprudence et dans d’autres documents pertinents pour l’étude de la CDI.  Autre exemple de cette évolution normative déjà reprise dans le Statut de Rome: les éléments des crimes inclus dans le paragraphe 1, à savoir que les crimes contre l’humanité doivent être commis dans le cadre d’une « attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile ».  Le représentant s’est ensuite félicité de ce que le projet d’articles ne contient pas de définition de la notion de « genre »: ce changement important tient compte de l’évolution du droit international des droits humains et du droit pénal international.  Il a également considéré que l’inclusion de la clause « sans préjudice » au paragraphe 3 de l’article est pertinente, car le projet d’articles laisse la possibilité à d’autres instruments ou à la législation nationale d’avoir des définitions plus larges.

Concernant l’article 3 sur les obligations générales, le représentant s’est dit d’accord avec l’approche selon laquelle les obligations générales de ne pas commettre d’actes constituant des crimes contre l’humanité, de prévenir et de punir ces crimes, ainsi que de ne pas invoquer de circonstances exceptionnelles, doivent être expressément incorporées dans le projet d’articles.  Il faut selon lui analyser ces obligations à la lumière du projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, en particulier les articles 41 et 58.  Enfin, la formulation de l’article 4 en termes généraux permet une interprétation large.  Lors d’une future négociation, la pertinence d’inclure une liste d’actions spécifiques pourrait être discutée. 

En réponse au Mexique, le Cameroun a déclaré que du moment que les projets d’articles ont été adoptés, les commentaires de la CDI ne peuvent servir qu’à appuyer les débats des délégations.

M. ABDULRAHMAN ABDULAZIZ F. A. AL-THANI (Qatar) a souligné la nécessité de maintenir la formule de « l’attaque générale et systématique » qui signifie qu’il y a de nombreuses victimes dans le cadre d’une projet politique prémédité.  Il a rappelé que les termes utilisés dans la définition ont déjà été utilisés dans d’autres enceintes. 

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a appelé à enrichir et peaufiner le projet d’articles, le classement des définitions devant renvoyer aux torts infligés.  Or, qu’il s’agisse de questions substantielles ou juridiques, le terme « ennemi » n’a pas de valeur, à l’inverse de ce celui de crime, a-t-il dit.  Pour l’examen de la situation des belligérants et des accusés, le représentant a appelé à garder à l’esprit la qualité d’être humain.  Par ailleurs, notant que la compétence universelle renvoie au concept d’extraterritorialité, il a souligné que les travaux de la CDI se penchent sur la nature territoriale en explorant des normes capables de couvrir tous les méfaits.  À cet égard, il a indiqué que nombre d’experts plaident pour des procédures « humaines » de reddition de comptes, cela pour « réaffirmer l’humanité face aux crimes les plus inhumains ».  Le représentant a en outre souhaité que la définition de l’extermination soit revue en raison d’un libellé trop large en l’état. 

M. YANG LIU (Chine) a fait valoir que la communauté internationale aura du mal à trouver un consensus sur l’article 2, qui reprend presque mot pour mot les définitions contenues dans le Statut de Rome de la CPI.  Selon lui, l’Article 7 du Statut de Rome n’est pas le reflet du droit international coutumier, et les définitions varient considérablement en fonction des États.  De plus, les définitions de l’article 2 sont « trop larges », et certaines font déjà l’objet de conventions spécifiques.  Le représentant a estimé que les discussions doivent se poursuivre afin de déterminer si des crimes contre l’humanité peuvent être commis en temps de paix, ou encore en cas de conflit extérieur ou civil.  Le paragraphe 1 de l’article 3, qui interdit aux États de commettre des crimes contre l’humanité, est superflu, a-t-il estimé, car selon les commentaires de la CDI, les États ne peuvent se rendre coupables de tels crimes. 

M. AMADOU JAITEH (Gambie) s’est félicité des obligations générales définies aux articles 3 et 4 du projet, notamment l’obligation faite aux États de ne pas commettre de crimes contre l’humanité et celle de prévenir et de punir de tels crimes, qu’ils soient commis en temps de conflit armé ou pas.  De même, il a approuvé l’idée qu’aucune circonstance exceptionnelle ne puisse servir de justification pour commettre des crimes contre l’humanité.  Invoquant les « valeurs conservatrices » de la population gambienne, tant musulmane que chrétienne, le représentant a jugé inacceptable le refus de la CDI de reprendre la définition internationalement acceptée et largement acceptée du genre, selon notamment l’Article 7 du Statut de Rome. 

Il a demandé la suppression du point du projet d’article 2 définissant comme crime contre l’humanité « d’autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale », ainsi que la disposition disant que le projet d’article définissant les crimes contre l’humanité est « sans préjudice de toute définition plus large prévue par tout instrument international, par le droit international coutumier ou par la loi nationale ».  Il les a jugés trop ambigus, vagues et porteurs du risque de conduire à des définitions litigieuses.  Il s’est en revanche félicité des suggestions faites lors de la discussion pour élargir la liste des crimes et a notamment appuyé les suggestions du Cameroun.

Mme ZOE RUSSELL (Nouvelle-Zélande) a noté que le projet d’articles représente une occasion de combler une lacune dans le cadre juridique international, en particulier en ce qui concerne la coopération entre États sur la prévention des crimes contre l’humanité ainsi que dans le domaine de la responsabilité de l’État.  À cet égard, il constitue une étape importante dans les efforts internationaux visant à garantir la prévention des crimes graves et l’établissement des responsabilités.  La déléguée a exprimé son appui à l’élaboration d’une convention basée sur le projet d’articles, qui a été formulé de manière à compléter le Statut de Rome de la CPI et d’assurer la cohérence du droit international.  Il serait toutefois utile d’orienter les discussions sur la substance de chaque article plutôt que sur le Statut de Rome, a fait valoir la représentante.

Mme LUCIA TERESA SOLANO RAMIREZ (Colombie) a déclaré au sujet de l’article 2 qu’outre l’utilité d’avoir une définition précise des crimes en cause dans un instrument de droit pénal international, la définition proposée est nécessaire du point de vue du droit interne.  Il ne fait en effet aucun doute que lorsque l’État se conforme à cette obligation, la définition matérielle du comportement punissable inscrite dans la législation nationale doit être totalement compatible avec la définition générique envisagée à l’article 2, a-t-elle ajouté.  Par ailleurs, la représentante a estimé que la définition de la persécution est peut-être trop étroite et qu’il serait préférable d’utiliser des concepts plus larges contenus dans le droit international coutumier et dans la jurisprudence des tribunaux régionaux tels que la Cour interaméricaine des droits de l’homme.  En ce qui concerne le projet d’article 3, la représentante a souligné que sans préjuger de la nature pénale des crimes contre l’humanité, une interdiction expresse est établie pour les États de se livrer à ces actes.  Cette interdiction est pertinente, et la Colombie se félicite que cet article traite des crimes contre l’humanité non pas exclusivement d’un point de vue punitif, mais reconnaisse plutôt l’obligation de chaque État de ne pas commettre de tels actes.  Enfin, elle a noté avec satisfaction que le projet d’article 4 approfondit l’obligation de prévenir les crimes contre l’humanité établis au paragraphe 2 du projet d’article 3, cette obligation étant élargie à la prévention d’actes pouvant être constitutifs de crimes contre l’humanité.

À la suite d’interventions sur la définition de la persécution, le représentant du Brésil s’est demandé si une telle définition ne risque pas de mener à l’interprétation qu’il ne s’agit pas d’un crime indépendant, mais d’une simple facette des crimes contre l’humanité.  À ses yeux, la persécution devrait être considérée comme un crime en soi. 

M. EVGENY A. SKACHKOV (Fédération de Russie) a rappelé que le Statut de Rome ne compte qu’un nombre limité d’États parties et qu’en conséquence, une définition du crime contre l’humanité alignée sur celle dudit Statut ne peut constituer un bon point de départ pour les discussions.  En outre, la définition de ce crime donnée par le Statut de Rome ne se retrouve pas forcément dans les législations nationales des pays qui l’ont défini.  Il faut aussi garder à l’esprit, a poursuivi le représentant, que le Statut de Rome n’est pas le seul traité international qui donne une définition de ce crime.  Il a cité la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité qui reprend la définition du crime donnée par le Statut du Tribunal militaire de Nuremberg.  Pourquoi ne pas nous en inspirer? a-t-il demandé. 

Le représentant a par ailleurs regretté que le projet d’articles énumère différents éléments qui font que l’on ne comprend pas très bien ce qu’est un crime contre l’humanité.  Une telle situation pourrait compliquer l’application du droit, notamment pour les États qui disposent déjà dans leur législation nationale de leur propre définition, a-t-il prévenu.  Il a cité les propos de certaines délégations sur la définition des disparitions forcées donnée dans l’article 2, laquelle reprend celle du Statut de Rome, mais est différente de celle donnée par la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.  La Russie, a-t-il avoué, n’est pas convaincue qu’une « énumération mécanique » de crimes soit la bonne voie.  Le représentant a jugé « intéressantes » les propositions de plusieurs autres délégations, comme l’Iran ou le Cameroun.  Il a aussi suggéré que la privation de l’accès d’une population à l’alimentation, le renversement d’un Gouvernement ou le néonazisme pourraient également être considérés comme des crimes contre l’humanité.  Il a par ailleurs reproché à l’article 3 de ne pas préciser ce que pourraient être les « circonstances exceptionnelles » que des États pourraient être tentés d’invoquer pour échapper à leur obligation générale de prévenir des crimes contre l’humanité.  Concernant l’article 4 relatif à la prévention, il a estimé qu’il ne fait pas assez référence aux législations internes des États. 

Mme GRANDJEAN (Belgique) s’est réjouie de voir que l’article 2 définit le crime contre l’humanité dans des termes similaires à ceux de l’Article 7 du Statut de Rome.  Il s’agit également de la définition que la Belgique a introduite en 1999 dans son Code pénal lors de l’incrimination en droit belge des crimes contre l’humanité, a-t-elle fait observer, avant de saluer la suppression de la définition du genre telle que reprise dans le Statut de Rome.  Comme expliqué dans le commentaire du projet d’article 2, il convient de tenir compte des développements intervenus au cours des vingt-cinq dernières années en droit international des droits humains et en droit pénal international, et particulièrement en ce qui concerne les crimes sexuels et à caractère sexiste, a-t-elle estimé.  Pour la déléguée, une convention qui ne refléterait pas, dans sa définition du genre, l’état actuel du droit international pourrait marginaliser les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou intersexuées (LGBTQI+) ainsi que d’autres groupes, et risquerait d’entraîner une plus grande impunité pour les crimes sexuels et à caractère sexiste qui constitueraient des crimes contre l’humanité.

Concernant l’article 3, elle a signalé que la Belgique estime que l’obligation de prévention et celle de répression constituent deux obligations distinctes même si la poursuite des crimes contre l’humanité participe sans aucun doute à la prévention de ces derniers, par effet de dissuasion.  Par ailleurs, elle a jugé particulièrement utile que l’article 3 précise explicitement, en son paragraphe 3, qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de conflit armé, d’instabilité politique intérieure ou d’un autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier des crimes contre l’humanité.  Enfin, s’agissant de l’article 4, la représentante a mis l’accent sur la nécessaire coopération internationale entre États, mais également sur la coopération des États avec les organisations intergouvernementales pertinentes.  Si ces dernières ont sans aucun doute un rôle à jouer en termes de prévention, elles ont également des responsabilités importantes en matière de répression des crimes contre l’humanité, a-t-elle conclu.

M. JOSE JUAN HERNANDEZ CHAVEZ (Chili) a souscrit à l’approche générale de l’article 2 en ce sens qu’il fournit une définition conforme au Statut de Rome de la CPI.  Il a toutefois estimé que ce critère général peut faire l’objet d’ajustements pour tenir compte de l’évolution réglementaire depuis 1998 et d’un deuxième aspect de fond, à savoir que l’objet du projet d’articles est différent du Statut de Rome, puisque le projet d’articles ne vise pas à conférer ou délimiter la compétence d’un tribunal international, mais plutôt à prévenir et punir la commission de crimes contre l’humanité.  Selon le représentant, une future convention devrait être appliquée par des tribunaux nationaux disposant d’une base juridictionnelle pour poursuivre tous les crimes contre l’humanité.  À cette fin, le Chili ne propose pas de s’écarter complètement du Statut de Rome, qui constitue une base très raisonnable pour discuter de la définition des crimes contre l’humanité, mais il considère que, dans une future négociation, les États pourraient envisager d’incorporer certains éléments dans les comportements définis à l’article 2, en vue d’assurer la cohérence dans la mise en œuvre future d’un instrument juridiquement contraignant. 

S’agissant de l’article 3, le représentant a estimé qu’il constitue une base acceptable pour entamer une discussion sur la manière de mettre en œuvre les obligations découlant du droit coutumier en la matière, tant pour prévenir que pour réprimer les crimes contre l’humanité.  Les trois paragraphes de ce projet d’article reflètent les obligations découlant de l’interdiction coutumière de ces faits illicites, a-t-il convenu, avant de proposer que le premier paragraphe débute par les mots « Chaque État a l’obligation... ». 

M. YONG-ERN NATHANIEL KHNG (Singapour) a exprimé son accord avec la disposition de l’alinéa b) du projet d’article 4 qui fait obligation aux États de s’efforcer de prévenir les crimes contre l’humanité en coopération avec d’autres États et organisations internationales.  Il faudrait toutefois selon lui préciser la portée d’une telle obligation, et notamment le lien qui existe entre ce projet d’article et l’obligation de prendre des mesures liminaires au regard de l’article 9 et de garantir l’entraide judiciaire visée à l’article 14. 

Mme CROCKETT (Canada) a appuyé la décision de la CDI de ne pas définir le sexe dans le projet de convention, compte tenu de l’évolution des crimes sexuels.  Elle s’est ensuite demandé si la définition de certains crimes contre l’humanité doit être élargie et a soutenu du concept d’omission.  Il faudrait en outre préciser plus avant la définition de violences sexuelles et fondées sur le genre, constitutives pour certaines de crimes contre l’humanité, a encore souligné la déléguée.  Par ailleurs, le Canada ne recommande pas de laisser entendre que seuls des motifs universellement reconnaissables en regard du droit internationale peuvent conduire à la répression des crimes.  Quant à la définition d’une attaque contre une population civile, elle a appelé à une réflexion afin de savoir s’il faut garder la notion que cet acte est commis conformément à une politique.  Enfin, elle a salué le fait que le projet d’article 4 précise qu’une convention ne modifierait pas le droit international humanitaire.

M. ERKAN (Türkiye) a estimé que, dans la définition du crime contre l’humanité, la notion d’attaques « généralisées et systématiques » menées contre des populations civiles est pour le moins ambiguë.  Afin d’éviter toute ambiguïté à ce sujet, il a proposé que les termes « généralisées » et « systématiques » soient traités comme des éléments distincts.  Le représentant a d’autre part rappelé que le Statut de Rome indique que les personnes sont responsables de la commission de crime de génocide.  Il a ajouté qu’à l’article 4 de la Convention sur les crimes de génocide, il est dit que la personne se rendant coupable de génocide ou d’autres actes visés à l’article 3 doit être punie.  Il a également relevé que, selon le premier paragraphe de l’article 3 du projet, l’État a l’obligation de ne de pas se livrer à des actes constitutifs de crime contre l’humanité.  Comme l’État ne peut pas être coupable de crime de génocide, il ne peut pas non plus être coupable de crime contre l’humanité, a-t-il fait valoir, jugeant dès lors que les commentaires de l’article 3 ne sont pas convaincants.  Il s’est donc dit favorable à la suppression du premier paragraphe de l’article 3.  Enfin, pour ce qui est de l’article 4 sur l’obligation de la prévention, le délégué a estimé que l’approche actuelle présente des obligations bien trop nombreuses et trop vastes. 

Mme ALINA J. LLANO (Nicaragua) a souhaité la mise en place d’une justice pénale internationale impartiale, non politisée et complémentaire des juridictions nationales.  Elle s’est toutefois inquiétée du lien existant entre les définitions proposées dans le projet d’articles et le Statut de Rome de la CPI, qui n’a pas de portée universelle.  Les pays qui demandent de faire avancer cette question sans consensus ne semblent pas se préoccuper, avec la même urgence, des causes fondamentales du sous-développement, de la pauvreté et des problèmes structurels à la base des conflits, a fait observer la représentante.  Il incombe à chaque État souverain de choisir sa législation interne, y compris son droit pénal, a-t-elle insisté. 

La représentante des Philippines a indiqué qu’en l’état, son pays pourrait soutenir l’article 2, avec les révisions suggérées: l’article 2(1)(a) pourrait, a-t-elle dit, se lire « homicide volontaire » au lieu de meurtre.  Il faudrait ajouter à l’article 2(1)(d) le mot « arbitraire » pour lire « la déportation arbitraire ou le transfert forcé de population », et, à l’article 2(1)(h) « l’orientation sexuelle » après le mot « genre » de sorte que la liste inclue la persécution fondée sur ce motif, a poursuivi la représentante.  Elle a également soutenu le projet d’article 2(3) étant entendu que si un État souhaitait adopter ou conserver une définition plus large dans sa législation nationale, le projet d’articles ne l’en empêcherait pas.  D’autre part, la représentante a fait remarquer qu’en vertu du droit philippin, aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier des crimes contre l’humanité, ce que le paragraphe 3 de l’article 3 le précise également.  Enfin, elle a indiqué que son pays s’est depuis longtemps conformée à l’obligation contenue dans l’article 4 (a), en prenant des mesures législatives pour prévenir les crimes contre l’humanité.

Mme ALESSANDRA FALCONI (Pérou) a jugé essentiel de préciser à l’article 2 que les crimes contre l’humanité peuvent être commis en temps de conflit armé, en temps de guerre mais aussi en temps de paix, ce qui est conforme à la pratique internationale.  Pour ce qui est de l’article 3, où apparaît la définition du crime contre l’humanité, elle a estimé que la persécution d’un groupe, évoquée à l’alinéa h) du premier paragraphe, doit être comprise comme un acte de crime contre l’humanité, sans lien avec le crime de génocide ou le crime de guerre.  En outre, a-t-elle poursuivi, la disparition forcée des personnes abordée à l’alinéa e) du premier et du deuxième paragraphes ne devrait pas comporter la mention « pendant une longue période ».  Enfin, après avoir plaidé pour une approche préventive, grâce à des mesures législatives, réglementaires et judiciaires, elle a souhaité que la répression de ces crimes soit abordée dans une future convention. 

M. MHD. RIYAD KHADDOUR (Syrie) a fait remarquer que la principale lacune des définitions n’a pas trait aux catégories des violations, qui sont déjà acceptées par tous.  Il a cependant proposé d’y ajouter les blocus, la condamnation à la famine ou encore la déstabilisation des États.  Qui peut décider s’il y a eu attaque généralisée ou systématique contre des populations civiles sinon un autre État? s’est demandé le représentant.  Il ne suffit pas de reproduire des notions vagues et de les promouvoir comme si c’étaient des acquis, a-t-il argué, avant de trancher: la définition proposée est vague et se borne à mentionner des attaques généralisées contre des civils, sans définir aucun de ces termes.

Mme LOUREEN SAYEJ, de l’État de Palestine, a appuyé une définition plus large de « toute population civile », notamment en ce qui concerne la qualification d’une population comme civile dans les conflits armés et la nature collective du crime.  Quant au « en connaissance de l’attaque », la déléguée s’est dite en accord avec la jurisprudence et les commentaires de la CDI, selon lesquels le motif de l’auteur pour avoir participé à l’attaque n’est pas pertinent.  Rien ne justifie des attaques généralisées ou systématiques contre une population civile, a-t-elle ajouté.  S’agissant de « conformément à ou dans le prolongement d’une politique de l’État ou d’une organisation », la déléguée s’est dite d’avis qu’une telle politique n’a pas nécessairement besoin d’être formalisée et peut être déduite de la manière dont les actes se produisent.  Il est important que nous puissions déduire une politique de la manière dont les actes sont commis, a-t-elle insisté.  En ce qui concerne les articles 3 et 4, Mme Sayej a rappelé que l’idée centrale du projet d’articles est de renforcer les lois et la juridiction nationale en ce qui concerne les crimes contre l’humanité et de placer les États parties dans une relation de coopération pour prévenir et punir ces crimes.  Elle a donc jugé essentiel que l’obligation de prendre des mesures internes ne violent pas les normes du droit international, y compris les règles relatives à l’usage de la force et aux droits de l’homme.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission de la population et du développement réfléchit à sa contribution à la réalisation des ODD au sortir de la pandémie de COVID-19

Cinquante-sixième session,
4e séance plénière – matin
POP/1106

La Commission de la population et du développement réfléchit à sa contribution à la réalisation des ODD au sortir de la pandémie de COVID-19

Au deuxième jour de ses travaux, la Commission de la population et du développement a, ce matin, organisé une table ronde multipartite sur la contribution des problématiques de population et de développement au thème principal choisi cette année par le Conseil économique et social (ECOSOC) pour ses travaux, à savoir l’accélération de la reprise au sortir de la pandémie de COVID-19 et la mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

Dirigée par la Vice-Présidente de la Commission, Mme Sylvia Paola Mendoza Elguea (Mexique), cette discussion a donné aux intervenants l’opportunité de rappeler l’importance de l’éducation, question centrale de cette cinquante-sixième session.  La mise en œuvre du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement du Caire de 1994 a également été évoquée comme un levier d’action pour réaliser les objectifs de développement durable (ODD), en particulier les ODD 6 (eau et assainissement), 7 (énergie), 9 (infrastructure), 11 (villes et établissements humains) et 17 (moyens de mise en œuvre).  Des objectifs qui seront examinés par le forum politique de haut niveau pour le développement durable cette année.

Pour la Représentante permanente du Guyana auprès des Nations Unies, les liens entre population et développement revêtent une réalité spécifique dans les petits États insulaires en développement (PEID), exposés à la montée du niveau des eaux.  Pour Mme Carolyn Rodrigues-Birkett, les PEID font également face à une flambée des prix de l’énergie, qui se traduit par une hausse des coûts de production et une perte de compétitivité de leurs produits sur les marchés internationaux.  Dès lors, la déléguée a plaidé pour une architecture financière internationale plus juste, en soulignant la vulnérabilité spécifique des PEID qui ont grandement besoin d’accès à des prêts concessionnels.  Elle a aussi appelé les pays développés à respecter leur promesse de consacrer 0,7% de leur revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement (APD), avant d’émettre l’espoir que le Sommet de l’Assemblée générale sur les ODD de septembre prochain donnera lieu à des propositions concrètes et à des engagements clairs.

Une meilleure cohésion des organes subsidiaires de l’ECOSOC traitant de thématiques connexes et interdépendantes est nécessaire afin de le préparer au mieux à apporter sa contribution à ce sommet, a d’ailleurs estimé la Représentante permanente de l’Argentine auprès des Nations Unies.  Au-delà, Mme Maria del Carmen Squeff a appelé à jeter des passerelles entre les différents organes du système des Nations Unies dans l’optique de réaliser les ODD, rappelant l’importance de la mise en œuvre du Programme d’action de la Conférence du Caire de 1994.  Elle a également plaidé pour transversaliser la dimension du genre dans tous les aspects de la vie sociale, afin de renforcer la place des femmes et des filles dans nos sociétés et le rôle que celles-ci peuvent y jouer. 

Pour Mme Seema Bansal, la Directrice de l’impact social au Boston Consulting Group’s India, il est tout aussi crucial d’agir contre le décrochage scolaire, notamment dans le cycle du secondaire.  Dans de nombreux pays en développement, les élèves du secondaire recherchent une activité rémunératrice, a relevé l’experte, pour qui il faudrait donc envisager d’adapter les programmes scolaires afin de laisser à ces jeunes la possibilité d’exercer une activité à temps partiel.  De même, l’accent devrait être mis sur l’aspect pratique et utilitaire de leur formation en l’adaptant aux besoins du marché de l’emploi.  Il faut aussi s’assurer que les adolescents et les jeunes sont parties prenantes aux décisions relatives à leur santé sexuelle et procréative, a quant à elle suggéré Mme Ana Mosiashvili.  Originaire de Géorgie, cette défenseuse des droits des jeunes a dénoncé l’insuffisance de la sensibilisation à la santé reproductive des jeunes, alors qu’ils sont 1,8 milliard à travers le monde.

Pour s’engager dans un domaine aussi sensible que la santé sexuelle et reproductive, il faut lutter contre les stéréotypes, a estimé de son côté M. Siswanto Agus Wilopo.  Pour le professeur de santé de la population et chercheur à l’Université de Gadjah Mada en Indonésie, dans le contexte de la reprise postpandémique, le renforcement des soins primaires devrait s’accompagner de celui des soins de santé sexuelle et reproductive.  Dans certaines sociétés, les parents ne veulent pas qu’une éducation sexuelle soit dispensée à leurs enfants, a remarqué la déléguée du Honduras, qui a appelé à faciliter la poursuite de la scolarité pour les jeunes femmes enceintes ou mères.  La sensibilisation du public et des enseignants est donc indispensable, a préconisé son homologue de l’Argentine.  M. Wilopo a confirmé l’existence de ces blocages sociétaux, évoquant le fait qu’auparavant dans son pays, le terme « sexuel » était quasiment banni des débats publics, tout en se félicitant que les choses aient évolué entre-temps. 

Insistant sur une démarche respectueuse des droits humains, Mme Mosiashvili a fait valoir celui des jeunes à avoir accès aux services de santé sexuelle.  Au délégué de la Fédération de Russie qui arguait que l’éducation sexuelle pouvait avoir de possibles conséquences négatives, l’activiste géorgienne a rétorqué que des approches spécifiques aux différents contextes culturels devaient être mises en œuvre.  Pour la représentante de l’Argentine, ne pas tenir compte de la multiplicité des modèles familiaux serait un manquement au multilatéralisme. 

Le délégué de la Serbie a évoqué les dysfonctionnements du système multilatéral lorsque la pandémie de COVID-19 a débuté, notamment les inégalités d’accès aux vaccins, une représentante de la société civile parlant d’« une ONU en panne qui doit être réparée ».  Pour la représentante du Guyana, la communauté internationale doit se préparer aux futures pandémies pour éviter de répéter les mêmes erreurs.  Les pays les mieux préparés, a rappelé un représentant de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), disposaient tous d’organismes statistiques efficaces.  D’où le besoin de renforcer ces services dans les pays en développement, afin de pouvoir y identifier les vulnérabilités en temps voulu.  Aux réserves de Cuba, qui se demandait s’il ne fallait pas sélectionner les cibles les plus urgentes à réaliser avant 2030 parmi les plus de 110 contenues dans les 17 ODD, le Guyana a retorqué qu’étant donné l’interconnexion des objectifs, il revient à chaque pays de sélectionner ceux qui lui paraissent les plus pertinents à mettre en œuvre. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement avertit des risques d’escalade liés aux transferts d’armes illicites et non réglementés

9301e séance – matin
CS/15252

Conseil de sécurité: la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement avertit des risques d’escalade liés aux transferts d’armes illicites et non réglementés

Invitée à s’exprimer, ce matin, devant le Conseil de sécurité à l’occasion d’un débat ouvert sur les « risques découlant de la violation des accords sur la réglementation des exportations d’armes et de matériel militaire », la Haute-Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement a mis en garde contre les transferts d’armes illicites et non réglementés qui peuvent déclencher, alimenter et prolonger les conflits armés, mais aussi le terrorisme et la criminalité. 

Intervenant à l’entame de ce débat demandé par la Fédération de Russie, présidente du Conseil en avril, Mme Izumi Nakamitsu a rappelé les différents traités, accords et cadres internationaux, régionaux et bilatéraux de contrôle visant à prévenir et éradiquer le commerce illicite et le détournement d’armes conventionnelles.  Parmi ces instruments, elle a cité le Traité sur le commerce des armes, ainsi que le Programme d’action relatif aux armes légères, l’Instrument international de traçage et le Protocole relatif aux armes à feu, qui, tous, ont pour objet de réglementer le commerce international des armes et de promouvoir la transparence dans les transferts d’armement. 

En effet, a averti la haute fonctionnaire, tout transfert d’armes comporte un risque inhérent de détournement vers des utilisateurs finals non autorisés et devrait donc s’accompagner de contrôles avant et après expédition.  Selon elle, la prévention des détournements passe par la coopération et l’échange d’informations entre les États importateurs, de transit et exportateurs, par des pratiques comptables appropriées et par la sauvegarde des armes et des munitions, ainsi que par des mesures de contrôle douanier et frontalier. 

Lutter efficacement contre le détournement des armes conventionnelles et de leurs munitions impose en outre de pouvoir les tracer, ce qui, de l’avis de la Haute-Représentante, nécessite leur marquage, en plus de la tenue de registres et de la mise en place de protocoles de coopération.  Plaidant pour plus de transparence en la matière afin de contribuer à réduire les tensions et les ambiguïtés, elle a souligné l’importance du Registre des armes classiques de l’Organisation des Nations Unies, mécanisme créé en 1992 par lequel les gouvernements partagent volontairement des informations avec l’ONU sur les armes transférées l’année précédente. 

Le risque de détournement a été commenté par un grand nombre de délégations, qui, pour la plupart, l’ont rapporté à la situation en Ukraine.  Pour les États-Unis, le risque vient essentiellement des groupes séparatistes que Moscou alimente en armes dans l’est du pays.  De surcroît, ont-ils relevé, la Fédération de Russie cherche à obtenir des armes de manière illicite, notamment de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et de l’Iran, et ce, en violation des résolutions du Conseil.  L’Iran, qui ne figurait pas au nombre des intervenants inscrits à ce débat, a demandé la parole pour condamner ces allégations et assurer que son pays n’a jamais transféré d’armes en violation de ses obligations. 

Avec ce débat, ont encore dénoncé les États-Unis, la Fédération de Russie cherche à embellir son image sur la scène internationale alors même qu’elle a lancé une guerre d’agression contre son voisin.  Un avis partagé par le Royaume-Uni, qui a regretté que la Fédération de Russie ait accédé à la présidence du Conseil alors qu’elle ne remplit pas les obligations les plus élémentaires d’un État Membre de l’ONU.  L’Albanie y a vu une situation « difficile et inédite », tandis que le Japon dénonçait un abus de statut destiné à distraire la communauté internationale.  Ce n’est ni plus ni moins qu’une « tentative grossière d’instrumentalisation », a renchéri la France, avant d’accuser la Fédération de Russie de jouer au « pompier pyromane ». 

En réaction à ce qu’elle a qualifié d’« attaques » à son encontre, la Fédération de Russie a constaté que « certains membres » du Conseil ont décidé de réduire ce débat, qui se voulait « dépolitisé », à une « répétition d’accusations infondées ».  Elle y a riposté en accusant les pays occidentaux de violer leurs engagements, notamment en « inondant » l’Ukraine d’armes, au risque qu’elles soient revendues au marché noir et se retrouvent aux mains de la criminalité organisée et de terroristes. 

La Chine s’est elle aussi alarmée du commerce illicite d’armes vers des zones touchées par des conflits.  Après s’être élevée, à l’instar du Bélarus, contre l’utilisation des transferts d’armement « à des fins géopolitiques », elle a appelé les principales puissances militaires à arrêter de s’ingérer par ce biais dans les affaires intérieures des pays.  Elle a aussi regretté que certaines de ces puissances aient mis en place des politiques laxistes en matière de transfert d’armement à des acteurs non étatiques, notamment « un pays » qui représentait 40% des exportations d’armes en 2022 et qui n’a pas signé le Traité sur le commerce des armes.

Résumant la position d’une majorité de membres du Conseil, la France a indiqué que le soutien de son pays et de l’Union européenne (UE) à l’Ukraine vise exclusivement à permettre à ce pays d’exercer son droit à la légitime défense.  Malte a, pour sa part, fait valoir que l’UE dispose de normes de contrôle des exportations des armes parmi les plus élevées au monde et qu’elle a adopté une approche uniforme en matière d’exportation d’armes légères et de munitions, qui réduisent le risque de détournement vers des utilisateurs illicites ou involontaires. 

Face aux flux croissants d’armes en Ukraine, le Brésil s’est réjoui des progrès réalisés en termes de marquage et de traçage, y voyant une meilleure garantie de contrôle et de prévention des détournements.  Favorables au renforcement de ces mesures, afin que les armes ne tombent pas entre de « mauvaises mains », les Émirats arabes unis ont souhaité que les efforts de non-prolifération soient élargis aux armes chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, qui constituent une « menace existentielle ». 

Le Mozambique a, lui, insisté sur la nécessité d’une coopération internationale accrue en matière de contrôle des armes, mettant en avant l’initiative « Faire taire les armes en Afrique d’ici 2030 » qui, à ses yeux, permet de réduire la possibilité de détournement au profit de criminels et de groupes terroristes.  Il a plaidé pour que ce type d’action soit soutenu tant à l’échelon bilatéral que multilatéral. 

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Risques découlant de la violation des accords sur la réglementation des exportations d’armes et de matériel militaire (S/2023/243)

Déclarations

Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a a mis en garde contre les transferts d’armes illicites et non réglementés qui peuvent déclencher, alimenter et prolonger les conflits armés, la violence armée, le terrorisme et la criminalité.  Ces transferts peuvent en outre déstabiliser des régions entières, contribuer aux violations des droits humains et entraîner des violations des embargos sur les armes, a-t-elle ajouté, avant de rappeler les différents traités, accords et cadres internationaux, régionaux et bilatéraux de contrôle des armes mis en place par les États afin de prévenir et d’éradiquer le commerce illicite et le détournement d’armes conventionnelles, de réglementer le commerce international des armes et de promouvoir la transparence dans les transferts d’armes.  Au niveau international, a-t-elle précisé, cela inclut le Traité sur le commerce des armes ainsi que le Programme d’action relatif aux armes légères, l’Instrument international de traçage et le Protocole relatif aux armes à feu.  Ces instruments varient en termes de portée et de composition, mais ils sont tous guidés par le principe primordial de la prévention et de la lutte contre le commerce illicite des armes, a souligné Mme Nakamitsu, indiquant que son bureau soutient les États dans leur mise en œuvre complète et efficace.  À ce titre, elle a invité les États Membres à respecter les obligations internationales qui leur incombent en vertu des accords auxquels ils sont parties. 

De l’avis de la Haute-Représentante, la réglementation du commerce international des armes et la prévention du commerce illicite des armes conventionnelles et des munitions nécessitent des cadres solides pour un contrôle efficace de l’exportation, du courtage, de l’importation, du transit, du stockage et du retransfert des armes et des munitions.  En effet, a-t-elle averti, tout transfert d’armes s’accompagne d’un risque inhérent de détournement des équipements vers des utilisateurs finaux non autorisés. 

C’est pourquoi, et conformément aux normes internationales, tout transfert d’armes et de munitions devrait, selon elle, comporter des évaluations des risques avant le transfert et des contrôles après expédition, tels que des inspections sur place et des vérifications auprès de l’utilisateur final. 

La prévention des détournements passe aussi par la coopération et l’échange d’informations entre les États importateurs, de transit et exportateurs, par des pratiques comptables appropriées et par la sauvegarde des armes et des munitions, ainsi que par des mesures de contrôle douanier et frontalier, a préconisé Mme Nakamitsu. 

Parmi les autres mesures nécessaires, la haute fonctionnaire a cité le traçage des armes et des munitions pour lutter efficacement contre le détournement.  Cela nécessite le marquage des armes conventionnelles et de leurs munitions, la tenue de registres et la mise en place de protocoles de coopération internationale, a-t-elle expliqué, avant de plaider pour la transparence en matière d’armement afin de contribuer à réduire les tensions, les ambiguïtés et les perceptions erronées entre les États Membres.  À cet égard, elle a jugé que le Registre des armes classiques de l’Organisation des Nations Unies, créé en 1992, reste un outil essentiel.  Elle a par conséquent vivement encouragé tous les États Membres à participer à ce mécanisme de transparence en rendant compte des exportations et des importations d’équipements entrant dans les sept catégories d’armes conventionnelles majeures du Registre, ainsi que des armes légères et de petit calibre et des achats effectués dans le cadre de la production nationale.  De même, elle a invité tous les États qui ne l’ont pas encore fait à adhérer au Traité sur le commerce des armes. 

Pour finir, Mme Nakamitsu a souhaité sensibiliser les États sur l’impact du commerce illicite des armes et des munitions sur les femmes, les hommes, les filles et les garçons.  À cette aune, elle les a exhortés à garantir la participation pleine, égale, significative et efficace des femmes aux processus de prise de décisions et de mise en œuvre liés à la maîtrise des armes conventionnelles. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que le contrôle des armements est une « question d’actualité » et que les risques découlant de la propagation des armes, qui vont « jusqu’à tomber entre les mains de terroristes et de criminels », augmentent de manière exponentielle.  Il a rappelé à cet égard que la position commune de l’Union européenne de 2008 sur l’exportation de technologies et de matériels militaires s’applique de manière contraignante à tous ses membres.  Le représentant a d’autre part souligné les efforts de la Fédération de Russie pour soutenir les traités internationaux en vigueur, notamment pour ce qui est de la transmission d’informations au Registre des armes classiques de l’ONU.  À cette aune, il a appelé à limiter le nombre de courtiers internationaux dans la vente d’armes légères et de petit calibre ainsi que dans leur réexportation sans l’accord du pays producteur.  Le délégué a également dénoncé la livraison d’armes par certains États mus par des ambitions géopolitiques au Proche et Moyen-Orient, dans les Balkans et en Afrique du Nord, affirmant que la radicalisation des « forces d’opposition » soutenues par ces pays a entraîné une propagation de ces armes dans le monde entier. 

Le représentant a ensuite regretté que les pays occidentaux ne respectent pas leurs propres préconisations en matière de contrôle des armements.  Il a rappelé que la Fédération de Russie a convoqué plusieurs réunions du Conseil de sécurité sur les répercussions dangereuses de l’envoi massif d’armements au « régime de Kiev », en violation des engagements pris en matière de contrôle des armements, avant d’appeler le Conseil à « réagir » pour faire cessez ces agissements.  Parmi les risques potentiels découlant de cette situation, il a évoqué l’érosion du droit international en matière de livraison d’armes, la violation d’accords bilatéraux interdisant le transfert secondaire d’armement vers des pays tiers sans l’autorisation du pays fournisseur et la dissimulation de livraisons d’armes en passant par des pays tiers.  Il a accusé les États-Unis et leurs alliés d’alimenter ces phénomènes en mettant la pression sur certains États pour qu’ils contreviennent à des accords conclus avec la Russie ou d’autres États afin d’alimenter Kiev en armes.  Le délégué a rappelé à ce propos que, le 30 novembre 2022, le Secrétaire d’État américain, M. Antony Blinken, avait annoncé que la production d’armements de type soviétique allait reprendre dans des États d’Europe orientale, en contravention des accords intergouvernementaux qui exigent, pour ce faire, une autorisation écrite de l’Union soviétique ou de la Russie en tant que pays détenteurs de ces technologies.  Il a aussi soulevé la question de la vérification de l’utilisateur final, qui permet à des armes de se retrouver dans les mains de terroristes ou de criminels, s’inquiétant particulièrement de la dissémination d’armes portatives antichars ou anti-aériennes qui menacent le transport ferroviaire et l’aviation civile. 

Le représentant a en outre rappelé que les pays de l’Union européenne, signataires du Traité sur le commerce des armes, s’étaient engagés à prévenir l’utilisation d’armes susceptibles de compromettre la paix et la sécurité mondiales, de violer le droit humanitaire ou de permettre la commission d’actes pouvant conduire à l’escalade de conflits armés, à la répression ou au génocide.  Il a regretté que des armes soient livrées à un régime qui les utilise pour viser des populations civiles ou des infrastructures essentielles.  Rejetant les accusations selon lesquelles des États livreraient des armes à la Russie, il a accusé les pays occidentaux d’alimenter les conflits et a appelé à lancer des initiatives pour que cela cesse. 

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) s’est d’abord dit consterné que la Russie ait commencé sa présidence du Conseil en tentant de justifier l’enlèvement d’enfants ukrainiens.  Il a ensuite regretté que le débat de ce jour ait simplement pour objet d’embellir l’image de la Russie sur la scène internationale alors même qu’elle a lancé une guerre d’agression contre son voisin.  S’agissant du thème de cette réunion, le représentant a indiqué que la politique nationale américaine sur le transfert illicite d’armements a été mise à jour cette année.  Le risque de détournement demeure néanmoins patent et les États-Unis prennent ce risque très au sérieux, notamment en prenant des « mesures actives » pour protéger leurs « technologies à double usage » et prévenir leur détournement, a-t-il affirmé.  Il a ajouté qu’en tant que pays envahi, l’Ukraine a tout à fait le droit à la légitime défense, comme le prévoit la Charte des Nations Unies, et la communauté internationale a toutes les raisons de l’aider à se défendre en envoyant du matériel.  Celui-ci apporte un soutien important à l’Ukraine, et des réglementations existent pour éviter son détournement et son usage illicite, a-t-il assuré, relevant que le Gouvernement ukrainien a mis sur pied en 2022 une commission pour renforcer le suivi du matériel fourni. 

Quant à la Russie, elle n’a cessé de propager des mensonges à ce sujet, a poursuivi le représentant, selon lequel le plus fort risque de détournement vient en fait des forces prorusses, Moscou fournissant des armes à des groupes séparatistes dans l’est de l’Ukraine.  La Russie cherche également à obtenir des armes de manière illicite pour poursuivre ses opérations militaires, notamment de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), à qui elle a demandé des missiles et du matériel d’infanterie en novembre 2022, matériel qui est selon lui parvenu aux mains du groupe Wagner.  Ces transferts ont lieu en violation directe des résolutions du Conseil de sécurité, a soutenu l’orateur, pour qui la situation est « alarmante ».  L’Iran a aussi fourni des drones à la Russie, comme le Ministre des affaires étrangères iranien l’a publiquement reconnu, a-t-il ajouté, précisant que ces drones ont servi à attaquer des infrastructures civiles ukrainiennes.  La résolution 2231 (2015) interdit pourtant clairement à tout pays, même membre permanent du Conseil de sécurité, le transfert de drone sans le consentement préalable du Conseil, a-t-il rappelé, avant d’appeler une nouvelle fois la Russie à retirer toutes ses forces du territoire ukrainien souverain. 

M. DARREN CAMILLERI (Malte) a assuré qu’en tant que membre du Groupe de l’Australie, du Groupe des fournisseurs nucléaires et de l’Arrangement de Wassenaar sur le contrôle des exportations d’armes classiques et de biens et technologies à double usage, son pays applique strictement les règlements européens sur le contrôle des exportations de biens à double usage et les annexes correspondantes.  Ces groupes de contrôle des exportations sont des arrangements volontaires composés d’États de toutes les régions qui cherchent à empêcher la prolifération incontrôlée de certaines armes, matières et technologies dangereuses, a-t-il expliqué, pour éviter notamment qu’elles passent entre les mains d’acteurs non étatiques et de terroristes.  En tant qu’État signataire du Traité sur le commerce des armes, Malte encourage son universalisation et sa pleine mise en œuvre, a-t-il poursuivi. 

Le délégué a insisté sur le fait que l’Union européenne dispose de normes de contrôle des exportations des armes parmi les plus élevées au monde et qu’elle a adopté une approche uniforme en matière d’exportation d’armes légères et de munitions, de certificats d’utilisateur et de certificats de conformité à un ensemble de règles communes, qui réduisent le risque de détournement vers des utilisateurs illicites ou involontaires.  Il a fait valoir en outre que le Conseil de surveillance des sanctions de Malte adopte une approche rigoureuse de la mise en œuvre des embargos sur les armes, expliquant que le contournement de ces mesures compromet directement la paix, la sécurité et la stabilité régionales et internationales.  Il a confirmé que Malte a toujours soutenu l’Instrument international de traçage, qui exige que les États veillent à ce que les armes soient correctement marquées et à ce que des registres soient tenus.  Il a dit souhaiter une mise à jour de cet instrument international pour qu’il reste efficace.

Mme JACOBS (Royaume-Uni) a regretté que la Fédération de Russie, à l’origine d’une guerre d’agression contre une nation souveraine, ait accédé à la présidence du Conseil de sécurité alors qu’elle ne remplit pas les obligations les plus élémentaires d’un État Membre de l’ONU. 

De plus, a-t-elle ajouté, en se procurant les armes nécessaires à sa guerre, la Fédération de Russie viole les sanctions de l’ONU qu’elle a contribué à élaborer à l’encontre d’États tels que l’Iran et la République populaire démocratique de Corée (RPDC).  La représentante a en outre déploré les conséquences plus larges de cette guerre sur les prix des denrées alimentaires et des produits de base, qui selon elle risquent d’entraîner d’autres conflits.  Poursuivant, elle a appelé les autres États à cesser d’aider l’armée russe et ses forces affiliées.  « Armer l’État agresseur, c’est alimenter l’instabilité mondiale », a martelé la déléguée, avant d’indiquer que son pays fournit un large éventail d’équipements et de soutien à l’Ukraine et continuera à le faire, « en tant qu’État Membre responsable des Nations Unies ». 

Après avoir rappelé que le détournement et l’utilisation abusive des armes classiques coûtent la vie à des centaines de milliers de personnes chaque année dans le monde et compromettent la sécurité internationale, la représentante a accusé la Fédération de Russie de chercher à saper le travail du Conseil de sécurité en la matière, notamment en s’opposant aux nouveaux textes et en s’abstenant systématiquement sur les résolutions traitant de cette question.  Le Royaume-Uni, a-t-elle dit, est attaché à la pleine mise en œuvre et à l’universalisation du Traité sur le commerce des armes.  De même, il soutient tous les mécanismes onusiens connexes, y compris le Programme d’action des Nations Unies sur les armes légères et de petit calibre.  À ses yeux, si la Fédération de Russie veut vraiment renforcer la paix et la sécurité internationales, sa première action devrait être de se retirer de l’Ukraine et d’assumer ses responsabilités en vertu de la Charte des Nations Unies. 

M. ALEXANDRE OLMEDO (France) a dénoncé une « tentative grossière d’instrumentalisation », indiquant son étonnement de voir la Russie s’inquiéter des conséquences d’une guerre d’agression dont elle porte, seule, la responsabilité.  Si l’Ukraine a aujourd’hui besoin d’armes, c’est parce que la Russie a déclenché cette guerre, a rappelé le représentant, qualifiant le discours russe de « discours d’un pompier pyromane ».  Accusant la Russie de violer les résolutions du Conseil de sécurité pour combler ses réserves de munitions qui s’amenuisent, le délégué a également rappelé l’utilisation par la Russie de drones de combat livrés par l’Iran et l’acquisition des missiles et munitions auprès de la République populaire démocratique de Corée.  Certaines de ces livraisons d’armes bénéficient directement au groupe Wagner, a-t-il pointé du doigt. 

Affirmant ensuite que le soutien de la France et l’Union européenne vise exclusivement à permettre à l’Ukraine d’exercer son droit à la légitime défense et à préserver sa souveraineté, il a estimé que la seule voie pour le retour d’une paix durable est la mise en échec de l’agression russe.  Soulignant le « cynisme » de la Russe qui se réfère à des instruments auxquels elle n’a pas adhéré, le représentant a rappelé que le meilleur moyen d’empêcher les trafics est de mettre un terme aux conflits qui les alimentent.  C’est ce que doit faire la Russie immédiatement en cessant son agression, a-t-il exhorté.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a estimé qu’au-delà de « l’ambivalence ou de l’ambiguïté » des postures nationales ou des différences d’approches, la communauté internationale doit pouvoir rassembler dans « un seul instrument international et universel » toutes les améliorations nécessaires au régime de non-prolifération et renforcer de manière pragmatique chacun des cadres existants, afin de lier plus solidement les États à tout un réseau d’engagements de nature différente mais concourant à la non-prolifération des armes.  Dans cette optique, la dynamique d’action doit selon lui s’intensifier sur un point particulièrement important pour l’avenir de la non-prolifération, à savoir les sanctions vis-à-vis des États ne respectant pas leurs engagements.  Il s’agit là, a-t-il dit, d’un appel à « plus de hardiesse » au sein du Conseil de sécurité pour les questions touchant le plus directement à la paix et à la sécurité internationales, mais aussi au sein de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et des conférences d’examen du Traité sur la non-prolifération (TNP).  Cette hardiesse est également une exigence concernant les transferts illégaux des armes conventionnelles, par une coopération plus étroite au niveau global et au niveau sous-régional, notamment des mesures de traçabilité des armes conventionnelles, a poursuivi le représentant.  Il a enfin jugé crucial, pour le système de sécurité collective, de dissiper toute impression de vide juridique qui laisserait penser que les manquements ou violations au régime de non-prolifération resteraient sans conséquence pour les États qui les commettent. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a appelé tous les États à adhérer au Traité sur le commerce des armes et à mettre en œuvre tous les instruments auxquels ils sont parties.  Il a exhorté les États fournisseurs à respecter le droit international et en conséquence, à veiller à ce que leur livraison d’armes ne serve pas à commettre des crimes de guerre.  Pour ce faire, il a appelé à des mesures d’évaluation des risques avant tout transfert, des certificats d’utilisateurs finals et à des vérifications après expédition.  Enfin, le représentant a insisté sur l’importance de respecter les résolutions du Conseil de sécurité en la matière, s’inquiétant des violations qui sapent les efforts de prévention et de règlement des conflits.

M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) a noté que la prolifération et le trafic illicite d’armements touchent surtout les régions les plus vulnérables du monde, comme le continent africain.  Il a également constaté que certains États Membres violent de manière flagrante les dispositions et les mécanismes convenus, une tendance « très inquiétante », selon lui.  Le représentant a appelé les États dans la capacité de produire des armes légères et nucléaires à s’abstenir de se livrer à une concurrence acharnée sur le marché mondial, cela entraînant une escalade des conflits.  Il a aussi encouragé les pays mettant en œuvre des initiatives nationales à harmoniser leur propre législation afin de se conformer aux obligations internationales.  Le délégué a d’autre part estimé que le commerce des armes légères devait être conforme aux mécanismes internationaux existants, alors même que la diffusion d’armes légères, principalement dans les pays en développement, a exacerbé les conflits et menacé la stabilité et le développement.  La coopération internationale en matière de contrôle des armes est nécessaire, a-t-il pointé en dernier lieu, mettant en avant la stratégie africaine en la matière, « Faire taire les armes d’ici 2030 ».  À ses yeux, des transferts contrôlés d’armes légères et de petit calibre pourraient contribuer à réduire la possibilité que ces armes tombent entre les mains de criminels et de groupes terroristes.  Il a conclu en réclamant que l’initiative africaine ainsi que d’autres dispositifs similaires dans le monde soient soutenus tant à l’échelon bilatéral que multilatéral. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a réaffirmé l’attachement de son pays au Traité sur le commerce des armes.  Il s’est réjoui des progrès sur le marquage et le traçage des munitions, ce qui devrait contribuer à prévenir les détournements et à renforcer le contrôle.  L’adoption d’une série d’engagements politiques devrait pouvoir consolider ces progrès.  Mentionnant les flux croissants d’armes en Ukraine, le représentant a fait valoir que si les exportations d’armes doivent être soumises à des réglementations strictes, il ne faut pas perdre de vue que la solution au conflit commence par la négociation d’un cessez-le-feu.  Il a exhorté ses homologues à se réengager dans une diplomatie proactive pour mettre fin à tous les conflits là où ils existent et pour empêcher qu’ils ne se produisent là où ils sont probables.  C’est notre rôle principal au sein de ce Conseil et c’est un rôle que nous devons réapprendre à jouer de toute urgence, a souligné le représentant. 

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a appelé le Conseil de sécurité à s’associer avec une plus grande détermination aux efforts multilatéraux pour que les principaux producteurs et exportateurs d’armes conventionnelles ne privilégient pas leurs industries au détriment de la stabilité mondiale.  L’Équateur sera toujours préoccupé par les défis posés par le flux illimité d’armes à feu, y compris l’afflux massif d’armes et de munitions dans toute situation de conflit armé, a souligné le représentant.  Qualifiant de fondamentales les mesures de contrôle des exportations, il a appelé le Conseil de sécurité à appuyer la mise en œuvre du Programme d’action des Nations Unies en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères.  Il s’est par ailleurs alarmé du fait qu’en 2022, les dépenses militaires mondiales ont dépassé les 2 000 milliards de dollars, avertissant que cette tendance continuera à s’aggraver en 2023 en raison de l’agression militaire russe en Ukraine.  Après avoir appelé la Fédération de Russie à mettre fin à son occupation militaire en Ukraine, le délégué a dénoncé la violence armée et la militarisation, tout en reconnaissant le droit des peuples à la légitime défense.  S’agissant de l’Ukraine, il a invité le Conseil à s’inspirer des recommandations contenues dans le prochain rapport du Secrétaire général sur les mesures à prendre pour contrer l’occupation militaire de ce pays. 

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a, pour commencer, relevé la situation « difficile et inédite » dans laquelle se trouve aujourd’hui le Conseil, dont la présidence est assurée par un État qui viole la Charte des Nations Unies et les principes fondamentaux qui régissent les relations entre États.  Nous sommes devant une « contradiction fondamentale » quand l’organe chargé de maintenir la paix et la sécurité internationales est présidé par un État qui fait tout pour mettre le monde en péril.  Nous n’avons aucun précédent dans l’histoire et nous comprenons l’inquiétude de l’opinion publique internationale, a souligné le représentant.

Il a poursuivi en mettant en avant la nécessité de préserver et de renforcer les instruments existants, arguant que la mise en œuvre du Traité sur le commerce des armes est un « impératif moral ».  Malheureusement, a-t-il constaté, le monde vit une tendance alarmante où plusieurs États s’écartent de leurs obligations.  Le représentant a pointé un doigt accusateur sur l’Iran qui fournit des armes à ses alliés régionaux et d’autres pays et sur la Russie qui utilise les armes de la RPDC pour détruire l’Ukraine.  L’universalisation du Traité sur le commerce des armes est, a-t-il insisté, un instrument crucial, à même d’atténuer les menaces à une paix, une stabilité et un développement durables. 

M. GENG SHUANG (Chine) a constaté que la situation sécuritaire internationale est marquée par des turbulences importantes, une accélération de la course aux armements et une augmentation des exportations irresponsables d’armes, qui sont autant de « défis colossaux » qui affectent la paix et la sécurité internationales.  Il a appelé au respect des traités en vigueur en la matière et a soutenu leur universalisation.  Il s’est également inquiété du commerce illicite d’armements vers des zones touchées par des conflits, jugeant que cela ne fait que « mettre de l’huile sur le feu ».  Le représentant s’est élevé contre l’utilisation du transfert d’armements à des fins géopolitiques et a appelé les principales puissances militaires à arrêter de s’ingérer dans les affaires intérieures des pays en livrant des armes.  Il a regretté que certaines puissances militaires aient mis en place des politiques laxistes en matière de transfert d’armements à des acteurs non étatiques, notamment « un pays » qui représente 40% des exportations d’armes en 2022, qui n’a pas signé le Traité sur le commerce des armes et qui souhaite transférer des armes à base d’uranium faiblement enrichi.  Il a accusé ce pays de remettre en question la souveraineté d’autres pays en permettant à des forces séparatistes de proliférer.  « De tels agissements ne font qu’augmenter la confrontation, conduisant à plus d’instabilité dans le but de satisfaire des ambitions géopolitiques », a-t-il regretté.

Appelant à développer une architecture de sécurité mondiale « équilibrée », le représentant a rappelé l’initiative de sécurité internationale proposée par le Président Xi Jinping en avril 2022, laquelle repose sur le concept de « sécurité indivisible ».  Il affirmé que « la mentalité de la guerre froide et du jeu à somme nulle » ne devait plus prévaloir et que les intérêts de tous devaient être pris au sérieux afin que l’équilibre des forces permettent d’instaurer la paix et la sécurité dans toutes les régions.  Le délégué a également rappelé que la Chine a adopté une approche prudente en matière d’exportation d’armement, qu’elle respecte scrupuleusement ses obligations de vérification de l’utilisateur final et qu’elle a adhéré en 2020 au Traité sur le commerce des armes. 

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a appelé au respect des accords et engagements internationaux mais également à celui des résolutions du Conseil de sécurité qui énumèrent aussi les obligations des États Membres.  Elle s’est en effet dite préoccupée par les transferts d’armes de l’Iran et de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) vers la Fédération de Russie, en violation des résolutions du Conseil.  Ce dernier, a-t-elle insisté, doit soutenir les enquêtes en la matière pour garantir la pleine mise en œuvre de ses propres décisions.  Concernant les « soi-disant » inquiétudes quant au transfert d’équipements de défense à l’Ukraine, la déléguée a estimé qu’il faut revenir au fond du problème, à savoir l’agression russe, condamnée par l’Assemblée générale, y compris le Japon, comme violation claire et flagrante du droit international et de la Charte des Nations Unies.  Soulignant le droit de l’Ukraine à la légitime défense, elle a jugé ironique que la Fédération de Russie, qui a hésité à soutenir le Traité sur le commerce des armes malgré les appels répétés de la communauté internationale, accuse aujourd’hui les autres d’en violer les dispositions.  Le soutien de la communauté internationale à la cessation de l’agression est « tout à fait légitime » et la Fédération de Russie ne peut abuser de son statut actuel de présidente du Conseil pour distraire la communauté internationale, a conclu la représentante. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a relevé que la montée inquiétante des tensions géopolitiques ces dernières années s’est accompagnée d’une hausse mondiale des dépenses militaires, rappelant qu’elles ont atteint en 2022 le chiffre record de 2 100 milliards de dollars, un chiffre qui pourrait augmenter davantage si la confiance entre les grandes puissances continue de s’éroder.  Soulignant que le droit des États à développer des capacités de sécurité et de défense pour assurer leur autodéfense est tempéré par des risques et des responsabilités, il a fait valoir qu’un secteur de la sécurité efficace et responsable est indispensable pour faire face aux menaces pesant sur la sécurité ou l’intégrité territoriale des États.  Dans le même temps, la prolifération des armes est lourde de conséquences involontaires et constitue une menace importante pour la paix et la stabilité internationales.  À ce sujet, le représentant a souligné les progrès réalisés à ce jour en matière de gestion des transferts d’armes dans le respect du droit international, en citant les normes internationales et les meilleures pratiques pour fabriquer, commercialiser et posséder des armes conventionnelles et des armes nécessaires à l’autodéfense, tout en s’attaquant aux risques de commerce illicite et de détournement.  Il a cité les différents outils, traités et programmes d’action tels que le Registre des armes classiques, le Système des Nations Unies pour l’établissement de rapports normalisés sur les dépenses militaires ou encore le Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects.  Il a toutefois appelé à en faire plus pour accroître l’efficacité du contrôle des armes en mettant fortement l’accent sur les systèmes de suivi et de traçage, pour que les armes livrées dans le cadre de transferts légitimes et de bonne foi ne finissent pas entre de mauvaises mains, en particulier celles de terroristes. 

On ne saurait aborder l’impact déstabilisant de la prolifération illicite des armes sans évoquer les armes de destruction massive, a-t-il poursuivi, en particulier les armes chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires qui constituent une menace existentielle.  Bien que la mise en place d’instruments internationaux réglementant ces armes fasse depuis longtemps l’objet de discussions au sein et en dehors de cette enceinte, il a plaidé pour le renforcement de la participation et de l’application de ces instruments en encourageant tous les États Membres à adhérer au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et à d’autres accords visant à réglementer les armes de destruction massive, et à respecter toutes les obligations internationales pertinentes, y compris les résolutions du Conseil de sécurité.  Enfin, le représentant a fait observer que la discussion d’aujourd’hui a lieu à un moment où des besoins humanitaires urgents et de développement à plus long terme ne sont pas satisfaits de manière adéquate.  Il a donc appelé à ne pas perdre de vue que « chaque dollar dépensé pour des armes est un dollar de moins » pour financer les écoles, les hôpitaux, les services publics et les institutions mêmes qui renforcent la paix et la sécurité internationales.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a fait valoir le droit de chaque État à recourir légitimement à la force sur son territoire, tout en dénonçant la croissance exponentielle du commerce des armes dans le monde.  Il a également rappelé que l’afflux d’armes dans toute situation de conflit ne conduit qu’à une aggravation.  Réaffirmant ensuite l’importance des traités internationaux sur les armes, il a jugé regrettable que, parmi les cinq principaux pays exportateurs d’armes, les deux plus importants, à savoir les États-Unis et la Fédération de Russie, aient choisi de ne pas adhérer au Traité sur le commerce des armes.  Le représentant a ainsi appelé ces deux pays à reconsidérer leur décision, avant d’insister sur la nécessité d’universaliser ce traité. 

Le délégué a par ailleurs estimé qu’une plus grande transparence, dans le cadre de la coopération internationale, est nécessaire pour réduire les risques liés à la production et la vente d’armes.  Citant des mesures régionales de désarmement, telles que la convention de la CEDEAO sur les armes légères et de petit calibre, leurs munitions et autres matériels connexes ou encore le Protocole de Nairobi, il a assuré qu’elles visent à garantir la transparence des transferts d’armes afin de permettre aux États d’identifier et de tracer les armes conventionnelles de manière fiable.  Tout cela est essentiel pour lutter contre le détournement et empêcher l’acquisition de ces armes par des groupes terroristes, a-t-il insisté.  Enfin, après avoir salué l’implication du Conseil de sécurité dans les efforts visant à endiguer le flux d’armes dans les situations de conflit, via le système des sanctions, il a plaidé pour un « recalibrage » de ces dernières afin de garantir que les embargos sur les armes ne sapent pas les efforts légitimes des États qui défendent leur territoire, mais visent plutôt les groupes armés et ceux qui exploitent des accords « opaques » de commerce et de transfert. 

Reprenant la parole en réaction aux « attaques politisées » lancées contre son pays, M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a tenu à préciser que le débat d’aujourd’hui n’a pas été organisé dans l’optique d’accuser les pays occidentaux de pratiquer le « deux poids, deux mesures » ou de discuter de la situation en Ukraine et des dangers liés aux flux d’armes qui y sont envoyés.  Aujourd’hui, l’intention de la Fédération de Russie est d’avoir une discussion « dépolitisée et substantielle » entre les membres du Conseil et les États Membres sur les risques concrets posés par la violation des accords internationaux sur la fourniture de matériels militaires, a-t-il expliqué, ajoutant que ces risques sont bien réels et « que ce n’est pas la faute de la Russie si les politiques des États occidentaux à l’égard de la crise ukrainienne le démontre clairement ».  Constatant que « certains membres » du Conseil ont décidé de réduire ce débat à une « répétition d’accusations infondées » à l’encontre de la Russie, le représentant a cité certains exemples « concrets et strictement factuels » de la manière dont les pays occidentaux violent leurs engagements.  Il a ainsi estimé qu’« inonder le régime de Kiev d’armes » risque de conduire à ce qu’elles tombent dans le « marché noir » ou entre les mains de la criminalité organisée et de terroristes.  Il est maintenant confirmé, selon lui, que des armes fournies par les pays occidentaux ont commencé à « faire surface » dans divers pays européens et remplissent les arsenaux du crime organisé, un fait qui a été « reconnu par les représentants de la police européenne eux-mêmes ».  Selon lui, les signataires du Traité sur le commerce des armes ont complètement ignoré leurs engagements, notamment les pays de l’Union européenne (UE), qui ont fourni des armes à Kiev.  Ces armes ont été utilisées et le sont toujours pour bombarder des civils et des infrastructures civiles dans le Donbass, a-t-il accusé, avant de reprocher aux pays occidentaux de continuer à fournir à Kiev autant d’armes que possible pour prolonger la « crise » et refuser d’envisager des options de cessez-le-feu. 

Affirmant que la contribution cumulée de l’aide militaire directe des membres de l’OTAN au cours de l’année écoulée s’élève à environ 40 milliards de dollars, dont 12 milliards d’euros de l’UE, le délégué a affirmé sans ambages que les pays occidentaux ont toujours ignoré le concept de « comportement responsable », un concept qu’ils prônent pourtant lorsqu’il s’agit de promouvoir leurs propres intérêts.  Les États-Unis et leurs alliés, a-t-il dit, étaient bien conscients des conséquences désastreuses de l’utilisation d’obus d’uranium appauvri lors de l’invasion de la Yougoslavie et de l’Iraq, mais cela n’a pas empêché Londres d’annoncer son intention de fournir de telles munitions à Kiev.  Si les tentatives d’organiser un audit de l’assistance fournie à Kiev par le Congrès américain n’ont pas trouvé de soutien, le 28 février dernier, le Secrétaire américain à la défense a dû lui-même admettre que Washington recevait des rapports faisant état d’une « mauvaise gestion des armes remises au régime de Kiev », a-t-il poursuivi, ajoutant que, pendant ce temps, les marchés d’armes « fantômes » débordent de matériels fournis par les pays occidentaux à Kiev et continuent d’être alimentés.  S’agissant enfin des risques d’intrication entre le complexe militaro-industriel et les gouvernements nationaux, il a averti que les sommes énormes prétendument dépensées pour l’aide à l’Ukraine finissent dans les poches des entreprises occidentales, qui, selon diverses estimations, ont augmenté leurs bénéfices de près de moitié pendant le conflit en Ukraine. 

M. YURI AMBRAZEVICH, Vice-Ministre des affaires étrangères du Bélarus, a rappelé que les armes légères et de petit calibre font 250 000 victimes par an.  Face aux conséquences des armes les plus meurtrières au monde, il a regretté l’inefficacité des mécanismes en vigueur comme en attestent les flux d’armes sur le marché noir, au profit des groupes terroristes.  Il a insisté sur l’importance de la vérification de l’utilisateur final et de l’autorisation préalable de l’État producteur avant toute réexportation.  Il a appelé à une mise en œuvre rigoureuse des mécanismes nationaux et internationaux de contrôle des exportations, dénuée de toute considération géopolitique.  Il a également voulu que soient interdites les livraisons d’armes vers les zones de conflit, même en l’absence d’un embargo, et proposé que le Conseil de sécurité procède à un examen régulier des transferts d’armes vers ces zones.  Le représentant s’est d’ailleurs inquiété de ce que les États membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) multiplient les transferts d’armes vers l’Ukraine, lesquelles finissent par tomber entre les mains des acteurs non étatiques.  Ces armes, a-t-il prévenu, vont bientôt se retrouver chez vous, aux mains de vos groupes extrémistes.  Il est temps, a martelé le représentant, d’instituer un contrôle « dépolitisé » des transferts d’armes. 

M. ARRMANATHA CHRISTIAWAN NASIR (Indonésie) a déploré l’augmentation des ventes d’armes dans le monde alors que l’aide publique au développement (APD), elle, diminue.  Si les États ont le droit d’acquérir des armes, leur détournement, lui, doit être strictement interdit et combattu, a-t-il insisté.  Le représentant a appelé à la mise en œuvre des mécanismes appropriés, au renforcement des capacités des pays en développement et au partage des informations pour renforcer le traçage des armes.  La coopération régionale est particulièrement nécessaire dans ce domaine et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) s’y attelle, a-t-il affirmé.  La responsabilité de lutter contre les flux d’armes incombe à tous les États Membres, sans exception, a-t-il conclu.

À la lumière des récents développements, M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a estimé qu’il est particulièrement important que la communauté internationale s’attaque au problème des flux illicites d’armes vers les organisations terroristes et les groupes de mercenaires privés.  Toutefois, conformément à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, il s’est dit absolument convaincu qu’un pays agressé par son voisin a le droit d’invoquer la légitime défense et aider ce pays n’est pas seulement acceptable, mais juridiquement fondé et moralement juste.  La Pologne, a-t-il dit, est fière de participer à « légitime défense collective » du monde contre un pays qui foule aux pieds les principes les plus fondamentaux de la Charte.  C’est précisément pour que l’histoire tragique de la Pologne ne se répète jamais, que feu le Président Lech Kaczyński s’est tenu en 2008 devant la foule à Tbilissi, quand la Géorgie était sur le point de subir une invasion russe.  Le représentant a rappelé les mots prophétiques du Président Kaczyński: la Russie croit à son retour, 20 ans après son effondrement, et que la domination sera une caractéristique de la région. 

La mission du Président Kaczyński de défendre la souveraineté des pays de la région s’est poursuivie jusqu’au dernier jour de son mandat, brutalement interrompu par un accident d’avion mortel, il y a exactement 13 ans, a précisé le représentant.  Il a regretté que l’enquête sur cette tragédie, qui a coûté la vie à 96 personnes, ne soit toujours pas terminée, parce que la Russie s’obstine à cacher certaines preuves cruciales aux enquêteurs polonais, à savoir les restes de l’avion et les enregistrements de vol, sans justification aucune.  Il a exhorté la Russie à divulguer ces preuves manquantes, à restituer l’épave de l’avion, qui appartient à la Pologne en vertu du droit international, et à coopérer pleinement avec les enquêteurs polonais pour éclaircir toutes les circonstances d’une catastrophe si caractéristique de l’histoire tragique de la région.

M. XOLISA MFUNDISO MABHONGO (Afrique du Sud) a mis en avant le rôle constructif de son pays dans le contrôle des armes classiques, au niveau international, rappelant entre autres qu’il est toujours un des trois principaux coauteurs de la résolution omnibus annuelle de la Première Commission intitulée « Le commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects ».  Le représentant a reconnu que pour certains États, le Traité sur le commerce des armes peut présenter des lacunes, lesquelles ne peuvent en aucun cas devenir un obstacle aux adhésions.  Ce traité, a plaidé le représentant, est un instrument unique en son genre, étant donné qu’il n’existe aucune alternative en ce qui concerne le commerce des armes et la promotion du respect de la Charte des Nations Unies.  Le représentant a appelé tous les États qui se sont engagés à mettre en place une réglementation responsable en matière de contrôle des exportations d’armes classiques à adhérer au Traité et le ratifier au plus vite.

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) est revenu sur la résolution 2616 (2021) qu’il a qualifiée de contribution au renforcement des outils à la disposition du Conseil de sécurité pour obtenir le respect des embargos sur les armes.

Il a insisté sur le soutien et le renforcement des différents cadres communs et a appelé au strict respect du Traité sur le commerce des armes, y compris à l’évaluation des risques qu’il prévoit.  À ceux qui ne sont pas encore parties au Traité, il a rappelé leur responsabilité de mettre en place des normes de précaution strictes pour le transfert des armes, fondées sur des critères objectifs.  Il faut, a-t-il dit, dépasser les intérêts géostratégiques et ceux du secteur privé, qui fait parfois preuve de négligence avec la complaisance des États, a conclu le représentant.

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a déploré que l’architecture internationale de sécurité soit aujourd’hui « démantelée », rendant l’avenir incertain.  Les menaces qui pèsent sur le contrôle des armes sont démultipliées, a-t-elle analysé, quand certains États, connus pour leur malveillance, s’allient à des groupes terroristes.  Dans le contexte régional, elle a constaté un afflux transfrontalier d’armes illicites soutenu activement par les autorités des pays d’origine.  Elle a appelé la communauté internationale à établir les responsabilités de ces pays, avant de s’inquiéter de l’acquisition d’armes de destruction massive par des groupes terroristes, grâce aux nouvelles technologies.  Rappelant le droit des États à la légitime défense, elle a plaidé pour un équilibre entre les obligations des exportateurs et des importateurs, lequel ne saurait entraver le commerce légal des armes classiques.

M. SATTAR AHMADI (République islamique d’Iran) a indiqué que sa délégation a demandé la parole pour donner suite aux « accusations sans fondement » lancées contre son pays, notamment par les États-Unis.  L’Iran, qui est victime de groupes terroristes soutenus par l’étranger et de la criminalité organisée, est profondément préoccupé par le transfert illicite d’armes et la fourniture d’armes légères à des groupes terroristes, a-t-il affirmé.  Condamnant ensuite fermement les allégations des États-Unis et d’autres membres du Conseil, le délégué a souligné que son pays a toujours respecté ses obligations en vertu du droit international et n’a jamais transféré d’armes en violation de ses obligations.  La position de l’Iran sur la crise ukrainienne actuelle est « claire et cohérente », a-t-il fait valoir, avant d’assurer que son pays a toujours plaidé en faveur d’un règlement de ce conflit par des moyens pacifiques.  S’agissant des allégations selon lesquelles l’Iran aurait transféré des armes destinées à être utilisées dans le conflit ukrainien, notamment des drones, il les a qualifiées d’« infondées ».  Il est évident, à ses yeux, que l’objectif premier est de détourner l’attention du transfert massif d’armes de haute technologie des États-Unis et de l’Occident vers l’Ukraine afin de prolonger le conflit. 

Pour les pays en développement, a déclaré M. MOHAMMAD AAMIR KHAN (Pakistan), la coopération internationale est cruciale pour lutter contre l’utilisation illicite des armes classiques et l’établissement de la réglementation nécessaire.  Le renforcement des embargos sur les armes imposés par le Conseil de sécurité est également essentiel, mais au-delà de l’aspect lié à la fourniture des armes, il faut, a estimé le représentant, s’attaquer à la demande, à savoir aux causes profondes des conflits et aux causes sous-jacentes de la criminalité organisée.  Dans la plupart des cas, la paix et la sécurité sont menacées par les États idéologiquement extrémistes, comme ceux qui cherchent à intimider leurs voisins, réprimer les minorités et toute velléité d’autodétermination, a analysé le représentant. 

Les causes profondes des conflits, a-t-il poursuivi, doivent être traitées de manière globale et intégrée.  L’heure est venue de lancer un débat sur les liens entre la production excessive, le commerce et l’utilisation des armes et leur impact sur les sociétés, a-t-il estimé, car on ne peut dissocier le contrôle et l’acquisition d’armes.  Il est tout simplement ironique que les armes, qui alimentent les conflits, viennent d’une région de paix, essentiellement de quatre grands exportateurs.  Le représentant a appelé la communauté internationale à se pencher sur cette question, affirmant que son pays a mis en place un cadre réglementaire strict pour le commerce, l’utilisation et la possession des armes classiques.

M. MOHAMMAD ALI JARDALI (Liban) a fait observer que les conflits en cours au Moyen-Orient sont en grande partie liés à des transferts d’armes illicites, avec pour conséquences une instabilité régionale accrue, la violation des droits humains et la montée en puissance de groupes terroristes ou d’autres acteurs non étatiques.  Grâce aux nombreux accords et traités en vigueur, la communauté internationale a un rôle crucial à jouer pour juguler ce phénomène mais cela ne peut suffire, a estimé le représentant.  Il importe selon lui que les traités soient renforcés, de même que leur suivi et la bonne vérification des destinataires finaux des armes produites.  Les États producteurs d’armes doivent, de leur côté, faire preuve de transparence et communiquer en cas de suspicion de détournement.  Les législations nationales doivent quant à elles prévoir une vérification obligatoire des utilisateurs finals et un renforcement des contrôles aux frontières pour intercepter le matériel détourné, par voie terrestre comme par voie maritime, a-t-il encore préconisé.  À ses yeux, un contrôle effectif et efficace peut jouer un grand rôle pour réduire l’intensité des conflits et diminuer l’escalade de la violence.  Enfin, l’attitude des États Membres doit refléter les résolutions du Conseil de sécurité, a conclu le délégué, pour qui il s’agit de la première condition d’efficacité. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Sixième Commission reprend ses travaux de fond sur les crimes contre l’humanité et la recommandation de la CDI pour une convention internationale

Soixante-dix-septième session,
37e & 38e séances plénières, matin & après-midi
AG/J/3679

La Sixième Commission reprend ses travaux de fond sur les crimes contre l’humanité et la recommandation de la CDI pour une convention internationale

La Sixième Commission de l’Assemblée générale, chargée des questions juridiques, est appelée à se pencher à nouveau cette semaine sur la question des crimes contre l’humanité et sur la possibilité d’élaborer une convention universelle suivant la recommandation de la Commission du droit international (CDI) faite en 2019.

À l’ouverture de la session, ce matin, le Président de la Sixième Commission, M. Pedro Comissário Afonso (Mozambique), a rappelé que l’Assemblée générale avait décidé en décembre dernier que la Commission reprendrait sa session pendant cinq jours, du 10 au 14 avril 2023, et pendant six jours, du 1er au 5 avril et le 11 avril 2024, afin d’échanger des opinions de fond, « notamment de façon interactive », sur tous les aspects du projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, adopté par la CDI. 

Par cette résolution**, inédite depuis 2006, l’Assemblée a également demandé à la Sixième Commission d’examiner plus avant la recommandation formulée par la CDI concernant l’élaboration, par elle ou par une conférence internationale de plénipotentiaires, d’une convention fondée sur ledit projet. 

Le document à l’étude est composé d’un projet de préambule, de 15 projets d’articles et d’un projet d’annexe, avec les commentaires relatifs.  La Sixième Commission a décidé de structurer ses échanges de vues autour de cinq groupes thématiques (clusters): groupe 1–dispositions liminaires (préambule et article 1); groupe 2-définition et obligations générales (articles 2, 3 et 4); groupe 3- mesures nationales (articles 6, 7, 8, 9 et 10); groupe 4- mesures internationales (articles 13, 14 et 15 et annexe);groupe 5-garanties (articles 5, 11 et 12). 

Dans la tradition des « mini débats » de la CDI, un format interactif a été adopté pour permettre aux délégués de réagir aux déclarations de leurs homologues lors des réunions plénières.  Trois cofacilitateurs ont été nommés pour guider les interventions: Mme Sarah Zahirah Binti Ruhama (Malaisie), M. Edgar Daniel Leal Matta (Guatemala) et Mme Anna Pála Sverrisdóttir (Islande). 

Près d’une cinquantaine de pays ont pris la parole aujourd’hui sur le premier groupe thématique, notamment le projet de préambule.

L’Union européenne a estimé que, de manière générale, le projet d’articles ne soulève pas de questions nouvelles.  C’est le résultat de cinq années de travail intense de la part de la CDI, un organe d’experts juridiques respecté, a rappelé la représentante.  Ledit projet constitue donc selon elle une « base importante et solide » pour préparer une convention qui comblerait la lacune existante en droit international conventionnel, un argument appuyé par les États-Unis, le Mexique, l’Afrique du Sud ou l’Australie.

La persistance d’idées très divergentes sur le projet d’articles fait peser un doute sur la viabilité même de son devenir, a pour sa part tranché la Fédération de Russie.  Elle a reproché à « un groupe de pays » d’avoir décidé que le système existant était lacunaire.  Outre la Russie, la Chine, l’Égypte et l’Inde ont critiqué la mention du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) dans le préambule, soulignant qu’il ne s’agit pas d’un instrument universel.  Un instrument portant spécifiquement sur les crimes contre l’humanité « ne doit pas reprendre mot pour mot le Statut de Rome », a fustigé l’Iran.  Le projet d’articles devrait plutôt proposer une définition consensuelle, afin que les États ne soient pas « confinés dans la camisole du Statut de Rome », a imagé le Cameroun.

Si la définition contenue dans l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI a servi de modèle à la définition retenue dans le projet d’articles, le fait d’être un État partie au Statut de Rome n’est pas une condition préalable à l’adhésion à une convention sur les crimes contre l’humanité, ont pourtant nuancé l’Union européenne et divers intervenants.

Une majorité de pays, dont le Bangladesh et la Gambie, ont encore vanté la pertinence des deux grands objectifs visés par le projet d’articles, à savoir la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, et noté que l’interdiction de tels crimes a été acceptée comme une norme impérative du droit international (jus cogens).  Toutefois, la Chine a souhaité que le principe de non-ingérence guide les débats et tout processus normatif à l’avenir.

La Commission a observé en début de journée une minute de silence à la mémoire de Ben Ferencz, le dernier procureur encore en vie des procès de Nuremberg, décédé le 7 avril aux États-Unis à l’âge de 103 ans.  Le Président a salué « un fervent défenseur de la justice internationale ».

La Commission poursuivra ses travaux demain, mardi 11 avril, à partir de 10 heures.

* A/74/10
** A/RES/77/249 

EXAMEN DU PROJET D’ARTICLES SUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL (CDI) 

Déclarations

Groupe thématique 1: dispositions liminaires (préambule et article 1)

Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne, a commencé par insister sur la nécessité d’une convention sur les crimes contre l’humanité, qui ne sont toujours pas couverts par une convention internationale spécifique, contrairement aux autres « crimes internationaux ».  Il y a là une importante lacune normative dans le droit international des traités qu’il convient de combler, a-t-elle insisté, avant de faire valoir qu’une telle convention renforcerait aussi la prévention et la répression au niveau national, ainsi que la coopération interétatique dans les enquêtes et les sanctions à l’encontre des auteurs de crimes contre l’humanité.

Pour l’Union européenne (UE), le projet d’articles de la CDI constitue une « base importante et solide » pour une convention internationale.  Il s’inspire des dispositions relatives à la prévention, à la répression et à la coopération interétatique figurant dans d’autres traités comme la Convention sur le génocide de 1948, la Convention contre la torture de 1984 et la Convention contre la corruption de 2003, textes qui ont été largement ratifiés.  Favorable aux discussions, l’Union européenne estime que, de manière générale, le projet d’articles ne soulève pas de questions entièrement nouvelles.  Il est en outre le résultat de cinq années de travail intense de la part de la CD, un organe d’experts juridiques respecté, a rappelé la représentante.

Concernant le préambule, Mme Popan a estimé qu’il clarifie un certain nombre de questions importantes, notamment par le rappel que l’interdiction des crimes contre l’humanité est une norme impérative du droit international et qu’il est du devoir de chaque État d’exercer sa compétence pénale interne à l’égard des personnes responsables de tels crimes, conformément au principe établi selon lequel la protection de la population incombe en premier lieu à chaque État.  Si la définition contenue dans l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) a servi de modèle à la définition retenue dans le projet d’articles sur les crimes contre l’humanité, le fait d’être un État partie au Statut de Rome n’est pas une condition préalable à l’adhésion à une convention sur les crimes contre l’humanité, a ajouté la représentante.

Concernant le champ d’application matériel de la convention, l’Union européenne estime que les questions non régies par une convention sur les crimes contre l’humanité continueraient de l’être par d’autres règles de droit international, y compris le droit international coutumier.  La codification du droit existant n’est pas l’objectif, qui est plutôt la rédaction d’articles à la fois efficaces et acceptables pour les États.  Pour l’UE, cet objectif a été atteint. 

Enfin, la représentante a rendu hommage à Ben Ferencz, décédé vendredi dernier, qui était le dernier procureur de Nuremberg encore en vie et a invité à s’inspirer de son « plaidoyer de l’humanité en faveur du droit » et de son credo: « N’abandonnez jamais.  N’abandonnez jamais.  N’abandonnez jamais. »

Mme SIGRID WALSOEE SOERENSEN (Danemark), au nom des pays nordiques, a déclaré que, parmi les crimes internationaux les plus graves, les crimes contre l’humanité manquent d’une convention dédiée.  Bien qu’ils soient clairement interdits par le droit international, ces crimes sont une réalité atroce dans le monde entier, a-t-elle ajouté, jugeant que la communauté internationale ne plus tolérer que les civils souffrent tandis que les auteurs des crimes les plus odieux jouissent d’une impunité inacceptable.  Elle a estimé à ce propos que le démarrage sans délai de l’élaboration d’une nouvelle convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité marquerait un pas dans la bonne direction.  « Les pays nordiques considèrent ainsi que le projet d’articles constitue une base solide pour une telle convention. »

Les pays nordiques estiment que le préambule fournit un cadre conceptuel équilibré et bien rédigé pour le projet d’articles, exposant le contexte historique et juridique dudit projet.  Il met en évidence le lien avec le maintien de la paix et de la sécurité, affirme la nécessité d’une prévention des crimes contre l’humanité conformément au droit international et souligne que cette prévention progresse en mettant fin à l’impunité des auteurs de tels crimes.  Pour la représentante, le préambule rappelle « surtout » que l’interdiction des crimes contre l’humanité est une norme impérative du droit international. 

Concernant le premier article sur la portée du projet d’articles, elle a jugé vitales la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, le double objectif du projet d’articles à ce niveau étant nécessaire pour ambitionner la convention la plus efficace possible pour mettre fin aux atrocités.  D’ailleurs, comme le souligne le préambule, les obligations de prévenir et de punir vont de pair, a-t-elle conclu. 

Mme ELVIRA CUPIKA-MAVRINA (Lettonie), s’exprimant au nom des pays baltes, a tenu à rappeler que la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine a statué que de nombreuses violations du droit international et du droit international humanitaire ont été commises en Ukraine, alors que la CPI a émis un mandat d’arrêt pour les crimes commis par la Fédération de Russie.  Elle a approuvé le préambule du projet de convention tel que présenté, estimant qu’il fournit le contexte des crimes contre l’humanité qui continuent de secouer la conscience de l’humanité.  Les responsables de tels crimes ne doivent pas être en mesure d’échapper à la justice, a-t-elle prévenu. 

M. AHMED ABDELAZIZ AHMED ELGHARIB (Égypte) a reconnu que de larges écarts subsistent entre les États Membres sur de nombreux aspects de ces projets d’articles depuis leur adoption en 2019 par la CDI.  Il a jugé de la plus haute importance de rappeler la raison d’être du processus en cours, à savoir engager des discussions approfondies sur les projets d’articles et les recommandations de la CDI.  Toutes les options seront ouvertes lors de la soixante-dix-neuvième session de l’Assemblée générale, a-t-il rappelé, et les délégations ne devraient poursuivre aucun « résultat prédéterminé », mais plutôt identifier les domaines de convergence et tenter de résoudre leurs différences, sur la base d’un consensus et guidées par des instruments internationaux similaires bénéficiant d’une acceptation universelle. 

S’agissant du projet d’articles relevant du premier groupe thématique, le délégué s’est dit d’avis que la référence au Statut de la CPI dans le préambule devrait être supprimée puisqu’il s’agit d’un instrument qui ne jouit pas d’une composition universelle.  En outre, le paragraphe du préambule portant sur le « devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction pénale les crimes contre l’humanité » devrait être limité aux cas où un lien clair est établi entre l’État exerçant sa compétence et le crime.

M. ARIEL RODELAS PEÑARANDA (Philippines) a estimé que le projet de préambule suivait largement le langage du Statut de Rome de la CPI.  Il a en outre rappelé la CDI n’était pas la seule à avoir rappelé que l’interdiction des crimes contre l’humanité était une norme impérative du droit international général (jus cogens) et s’est dit prêt à soutenir une formulation plus forte en ce qui concerne la coopération internationale. 

Concernant le projet d’article 1, les Philippines soutiennent la formulation actuelle sur le champ d’application.  Par ailleurs, le représentant a ajouté que si le projet à l’étude devait devenir la base d’une convention juridiquement contraignante, son pays satisferait déjà à l’obligation du projet d’article 6 sur l’incrimination en droit national puisque les Philippines ont adopté dès 2009 une loi sur les crimes contre le droit international humanitaire, le génocide et les autres crimes contre l’humanité.  Cette loi, a-t-il fait observer, comprend un chapitre substantiel sur la protection des victimes et des témoins, et en particulier sur les réparations. 

M. MICHAEL HASENAU (Allemagne), notant qu’il n’existe actuellement aucune convention régissant la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, a estimé qu’un tel instrument international compléterait le droit des traités sur les crimes les plus graves et favoriserait la coopération interétatique en matière de prévention, d’enquête et de poursuite.  Nous devons combler cette importante lacune pour renforcer la responsabilité et traduire les auteurs de ces crimes devant une juridiction ayant compétence universelle, en particulier en promouvant la prévention et la répression au niveau national comme stipulé dans le préambule et l’article 1 du projet d’articles, a-t-il ajouté.  Le représentant s’est félicité des recommandations formulées par la CDI, lesquelles bénéficient d’un large soutien dans l’ensemble de la communauté internationale.  Il a estimé que les suggestions des différents partenaires ayant été soigneusement évaluées et débattues, « il est temps d’aller de l’avant en s’engageant dans l’élaboration d’une convention sur cette base solide que constitue le projet d’articles ». 

Mme ANA JIMENEZ DE LA HOZ (Espagne) a estimé que le projet d’articles de la CDI contient des éléments importants tels que les définitions, l’introduction de ces crimes dans les législations nationales et la coopération internationale.  Il ne s’agit pas de négocier le texte de la future convention, a-t-elle rappelé, mais plutôt d’établir une base commune appropriée pour réfléchir au moment et à la manière d’entamer une telle négociation.  S’agissant du premier groupe thématique, la représentante s’est félicitée du fait que la définition des crimes contre l’humanité inclue dans le projet d’articles coïncide avec celle qui figure dans le Statut de Rome de la CPI.  Afin d’éviter la fragmentation, il est selon elle essentiel que le droit international pénal soit « unique dans sa typologie ».  Le Statut de Rome a été un grand pas en avant que nous voulons préserver et développer, a-t-elle ajouté.  Pour avancer dans nos travaux, nous devons promouvoir la responsabilité de ceux qui ont commis des crimes contre l’humanité et prévenir la commission de tels crimes à l’avenir, tout en veillant à ce que les victimes obtiennent justice. 

M. EMIL RUFFER (République tchèque) a estimé que le projet de la CDI constituait une « excellente base » pour les négociations et la future convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  De nombreuses dispositions du projet ont été modelées sur les dispositions existantes d’autres conventions internationales largement soutenues, s’est-il félicité.  Il a également apprécié que les articles ne soient pas trop normatifs, ce qui permet aux États de les mettre en œuvre conformément à leur système juridique et à leur pratique.  Ceci devrait encourager la ratification et l’acceptation générale des articles lorsqu’une convention sera conclue.  Les discussions actuelles faciliteront les négociations et l’adoption future de la convention, a prédit le représentant.

M. Ruffer a estimé que le préambule résume bien les principes de base sur lesquels la future convention devrait être fondée.  Il a noté avec satisfaction que le préambule qualifie expressément l’interdiction des crimes contre l’humanité de « norme impérative du droit international général », ce qui est largement reconnu.  Quant à l’article 1 du projet, le représentant a estimé qu’il souligne à juste titre l’importance du projet d’articles et ses deux objectifs principaux, à savoir la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Il a constaté que des dispositions similaires figurent à l’article 1 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Mme SIMAN (Malte) a salué la nouvelle portée des travaux de la Commission, qui s’attelle désormais à des échanges de fond sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  S’agissant du préambule du projet d’articles, elle a estimé qu’il peut jouer un rôle essentiel dans l’application du droit à ce niveau, notamment en ce qu’il reflète le cadre général du projet d’articles en se fondant sur les préambules de traités existants sur les crimes les plus graves.  La représentante a également salué le consensus de la CDI qui reconnaît, toujours au préambule, que les crimes contre l’humanité font partie du jus cogens.  La coopération internationale est nécessaire pour mettre fin aux violations qui frappent la légitimité du jus cogens, a-t-elle insisté.  Enfin, elle s’est félicitée du double objectif et de la portée de l’article 1 du projet d’articles en matière de prévention et de répression des crimes contre l’humanité. 

M. YANG LIU et Mme YANRUI ZHAO (Chine) ont pris la parole à tour de rôle pour rappeler que les projets d’article proposés par la CDI ne constituent pas un avant-projet pour des négociations devant mener à une convention, pas plus que les discussions qui seront menées au cours de cette reprise de session de la Sixième Commission.  Pour ce faire, nous devrons d’abord approfondir nos discussions après les deux reprises de session de la Sixième Commission, a insisté Mme Zhao, sur la base du consensus et dans l’esprit de la résolution 77/249 de l’Assemblée générale.  La représentante a jugé « trop vague » le troisième paragraphe du préambule sur les crimes contre l’humanité.  Les principes de l’égalité souveraine des États et de la non-ingérence dans les affaires des États doivent, selon elle, figurer sur la liste contenue dans le préambule.  La souveraineté législative et judiciaire des États doit aussi être sauvegardée, a-t-elle ajouté.  À ses yeux, le principe de non-ingérence doit guider les débats et tout processus normatif à l’avenir, dans le respect du droit international et de la Charte des Nation Unies.  S’agissant de la mention « l’interdiction des crimes contre l’humanité constitue une norme impérative du droit international général (jus cogens) » contenue dans le préambule, la déléguée a argué qu’une norme impérative doit être reconnue dans son intégralité par la communauté internationale, en soulignant à cet égard l’importance de la pratique nationale des États.  Elle a jugé « inappropriée » la mention du Statut de Rome de la CPI dans le préambule, estimant qu’il ne s’agit pas d’un instrument universel. 

Mme LUCIA TERESA SOLANO RAMIREZ (Colombie) a rappelé l’engagement indéfectible de son pays dans la lutte contre les crimes les plus graves.  L’adoption d’un nouvel instrument international contraignant en la matière constituerait donc un progrès.  Rappelant l’histoire de la Colombie et les crimes qui y ont été commis, la représentante a jugé que son pays pouvait se présenter devant la Sixième Commission avec « l’autorité morale des pays qui ont subi de tels crimes et en ont tiré des enseignements ».  L’approche adoptée par les projets d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité est la bonne, a estimé la représentante.  Concernant le préambule, la Colombie est d’accord sur le fait que l’interdiction des crimes contre l’humanité relève du jus cogens.  S’agissant de l’article 1, il est clair que l’objectif est la prévention puis la répression des crimes contre l’humanité, y compris par le biais de la coopération et de l’entraide internationales, mais en se concentrant sur les mesures qui pourraient être prises au niveau national.  La représentante a estimé qu’il n’y a pas là de conflit avec le Statut de Rome de la CPI, mais complémentarité.  Elle a en outre indiqué qu’elle entendait réagir aux interventions des autres États afin que le travail de la Sixième Commission puisse avancer. 

M. CHANAKA LIAM WICKREMASINGHE (Royaume-Uni) a estimé que l’absence d’une convention multilatérale générale établissant un cadre pour la poursuite nationale des crimes contre l’humanité constitue une lacune « indéfendable », dans la mesure où il existe des instruments pour d’autres crimes graves tels que le génocide et les crimes de guerre.  Il s’est dit favorable à la modification du paragraphe 1 du préambule afin qu’il fasse référence aux « personnes » dans leur ensemble plutôt qu’aux « enfants, femmes et hommes ».  Le représentant s’est dit favorable à l’inclusion d’un libellé dans le préambule sur l’importance d’une approche centrée sur les survivants et d’inclure une référence à la réparation des dommages matériels et moraux, telle que précisée au paragraphe 3 du projet d’article 12.  Concernant le huitième paragraphe du préambule, le délégué a fait valoir qu’il devrait être reformulé pour rappeler qu’il est primordial que les États exercent leur compétence pénale à l’égard des crimes contre l’humanité.  Enfin, en ce qui concerne l’article 1, il a noté qu’il met en évidence les deux objectifs principaux des articles, à savoir la prévention et la répression.

M. MOHAMMAD GHORBANPOUR NAJAFABADI (Iran) a considéré que le préambule de chaque instrument international constitue l’une de ses parties les plus importantes et que le principe de non-intervention dans les affaires intérieures des États contenu dans la Charte des Nation Unies devrait y figurer.  Ce principe est à ses yeux le plus pertinent de ce projet d’articles.  Il a fait valoir que tous les principes pertinents du droit international relatifs audit projet, y compris l’immunité des représentants de l’État et l’immunité des États et de leurs biens, n’ont pas été incorporés selon lui de manière adéquate dans la Charte des Nations Unies.  Par conséquent, le représentant a proposé de supprimer la dernière partie du troisième paragraphe du préambule portant sur les principes pertinents du droit international.  Il n’existe à ses yeux aucun « vide juridique » concernant la répression des crimes contre l’humanité dans le droit international.  Considérant en outre qu’un instrument portant spécifiquement sur les crimes contre l’humanité « ne doit pas reprendre mot pour mot le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) », le délégué a encore proposé de supprimer la référence à l’Article 7 du Statut de Rome ou de remplacer le terme « Considérant » par le terme « Notant » dans le septième paragraphe du préambule.

M. WIETEKE ELISABETH CHRISTINA THEEUWEN (Pays-Bas) a indiqué que, pour préparer leurs commentaires sur les projets d’articles de la CDI, les Pays-Bas demandaient toujours l’avis du Comité consultatif pour les questions de droit international, un organe consultatif indépendant.  Il a annoncé qu’il y ferait référence dans ses interventions.  L’interdiction des crimes contre l’humanité était une norme impérative du droit international général, applicable à tous les États et sans dérogation possible, a déclaré le représentant.  Les Pays-Bas se félicitent donc des clauses relatives au caractère de jus cogens de cette interdiction inclue dans le préambule.  Le représentant a également estimé qu’il pouvait être utile, comme le fait le préambule, de s’inspirer d’instruments juridiques déjà existants.  Les Pays-Bas soutiennent donc l’approche de la CDI consistant à conserver l’essentiel de la définition des crimes contre l’humanité contenue dans le Statut de Rome de la CPI.  En ce qui concerne l’article 1, le représentant a rappelé que les projets d’articles et une éventuelle future convention devraient s’appliquer à la fois à la prévention et à la répression des crimes contre l’humanité. 

M. VICTOR SILVEIRA BRAOIOS (Brésil), rappelant l’appui de son pays à l’élaboration d’une convention, a indiqué, concernant le préambule du projet d’articles, qu’il serait positif d’y incorporer une formulation dans l’esprit des paragraphes du préambule du Statut de Rome de la CDI qui font référence aux principes de la Charte des Nations Unies sur l’interdiction générale du recours à la force et la non-ingérence dans les affaires intérieures des États.  Cela dissipera les craintes d’utilisation abusive d’allégations de crime contre l’humanité en tant que prétexte d’agression et d’ingérence dans les affaires intérieures d’un autre État, facilitant ainsi l’adhésion universelle à une future convention sur ces crimes, a-t-il expliqué.  Concernant l’article 1, le représentant s’est félicité de la reconnaissance de l’interdiction des crimes contre l’humanité en tant que norme impérative du droit international.  Nous félicitons également la Commission du droit international et son rapporteur d’avoir proposé un alinéa du préambule qui prend en considération la définition des crimes contre l’humanité énoncées dans le Statut de Rome, a encore noté le représentant, jugeant primordial d’assurer la cohérence dans la poursuite des auteurs de tels crimes aux niveaux national et international. 

M. MAGYAR (Hongrie) a regretté que contrairement aux crimes de guerre et au crime de génocide, les crimes contre l’humanité restent pour la plupart en dehors du cadre des traités.  Il est donc grand temps, a-t-il argué, de combler ce vide juridique au moyen d’une convention qui contribuerait à lutter contre l’impunité et refléterait la détermination de la communauté internationale à cet égard.  Après l’adoption par la CDI du projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, le représentant a jugé le moment venu de négocier et d’adopter un instrument international juridiquement contraignant sur la base dudit projet.

Mme ARIANNA DEL CARMEN CARRAL CASTELO (Cuba) a déclaré qu’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité devrait rappeler comme principe fondamental que la responsabilité première en la matière incombe à l’État sous la juridiction duquel ces crimes ont été commis.  La force contraignante des instruments internationaux découle du consentement des États dans le processus de formation du droit international, a-t-elle dit.  « Nous ne pouvons pas considérer la CDI comme un organe législatif en soi, chargé d’établir des normes de droit international. »  Sur le contenu des projets d’articles, Cuba considère que les dispositions relatives à l’extradition et à l’entraide judiciaire font l’objet de traités internationaux bilatéraux.  Les bases juridiques utilisées dans le projet d’articles pour la définition des crimes contre l’humanité sont liées au Statut de Rome de la CPI alors que, comme plusieurs autres États, Cuba n’y est pas partie, a déploré la représentante.  Or, pour qu’une future convention soit largement acceptée par la communauté internationale, il faudra tenir compte des différences entre les divers systèmes nationaux de droit en vigueur.  En outre, il existe la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, à laquelle seuls 56 États, dont Cuba, sont parties, alors que de nombreux pays qui soutiennent aujourd’hui la nécessité d’une convention sur les crimes contre l’humanité ne l’ont même pas signée.  Par ailleurs, plus de 80 États négocient actuellement une convention sur l’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition, l’initiative MLA, qui pourrait être considéré comme un complément à l’accord de 1968.  « Étant donné l’incertitude actuelle, Cuba préfère ne pas précipiter le lancement d’une nouvelle négociation complexe. »

La Cofacilitatrice, Mme ANNA PALA SVERRISDOTTIR, est intervenue pour rebondir sur les propos du délégué du Brésil.  Ce dernier a déclaré que ses positions pourraient évoluer au fur et à mesure des échanges, une indication qu’elle saluée, car, a-t-elle rappelé, « il est important que les pays n’oublient pas qu’ils ne sont pas en train de négocier ».  Ainsi, les participants aux échanges seront-ils, peut-être, plus enclins à débattre et échanger en plénière comme ils le font pendant les délibérations privées, a-t-elle espéré.

M. SERGIO AMARAL ALVES DE CARVALHO (Portugal), s’agissant du préambule, a interprété son contenu comme établissant un cadre conceptuel adapté et équilibré pour le projet d’articles, et ce, en définissant le contexte général dans lequel ils ont été élaborés et leurs principaux objectifs.  Nous notons également que le préambule s’inspire en partie du libellé utilisé dans les préambules des traités internationaux relatifs aux crimes les plus graves, notamment la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide et le Statut de Rome de la CPI, a-t-il ajouté.  Le représentant y a salué la référence à la nature de jus cogens des crimes contre l’humanité.  Concernant le projet d’article 1, il a relevé la double portée du projet d’articles qui s’applique à la fois à la prévention et à la répression des crimes contre l’humanité.  Comme d’autres collègues ici présents, nous pensons qu’ils fonctionnent main dans la main et se renforcent mutuellement, a-t-il conclu. 

M. MATÚŠ KOŠUTH (Slovaquie) a considéré que les projets d’articles forment un ensemble « de grande qualité et bien équilibré » qui pourrait servir de base solide aux négociations entre les États.  Le représentant s’est dit d’accord avec la CDI sur le contraste existant entre la réglementation internationale des crimes contre l’humanité et celle portant sur d’autres crimes internationaux, comme le génocide et les crimes de guerre, contraste d’autant plus frappant que les crimes contre l’humanité ne sont pas une nouveauté en droit international.  Or, a-t-il ajouté, l’absence d’un instrument conventionnel spécifique sur les crimes contre l’humanité n’est pas qu’un problème théorique: elle a de graves répercussions sur la vie de millions de victimes de crimes commis dans de nombreux cas en toute impunité.  Pour le représentant, le projet d’articles présente l’avantage de mettre au premier plan la prévention, la coopération internationale entre les États et les intérêts des victimes.  En outre, s’il devient une convention, il renforcera la responsabilité première des États dans la poursuite des crimes contre l’humanité. 

Pour le représentant, le début du préambule est conforme au langage habituel des traités et à d’autres produits de la CDI, et permet de définir le contexte général.  Il fait aussi le lien entre la prévention et la répression des crimes en conformité avec le droit international et les principes de la Charte des Nations Unies.  Quant à l’article 1, le champ d’application qu’il définit est cohérent avec d’autres instruments conventionnels similaires.  Le représentant a en particulier jugé essentiel d’insister sur la dimension préventive.  « Si l’obligation de prévenir était effectivement mise en œuvre, l’obligation de punir deviendrait certainement moins urgente, ce qui devrait être notre objectif principal. »

M. ENRICO MILANO (Italie) a estimé que le préambule devrait contenir un paragraphe reconnaissant l’importante contribution des tribunaux internationaux dans la lutte contre l’impunité et la protection des droits des victimes.  À part cela, l’Italie est satisfaite de l’état du préambule tel qu’il a été rédigé par la CDI.  Concernant l’article 1, le représentant a indiqué que son pays, dans un souci de précision, préférerait éviter la confusion avec d’autres instruments existants établissant des instruments, mécanismes et institutions internationaux chargés de la poursuite et de la répression des crimes contre l’humanité. 

Avançant sur la définition de l’article 2, M. Milano a salué le fait qu’elle a été alignée sur celle de l’article 7 du Statut de Rome de la CPI, afin d’éviter les incohérences entre les instruments juridiques pertinents.  À ce propos, il a souligné que les crimes contre l’humanité peuvent tout à fait émaner d’entités et d’organisations non étatiques, telles que des groupes politiques de facto, des groupes rebelles ou même des organisations criminelles.  S’agissant de l’article 3, le représentant a salué le fait que le paragraphe 2 contient l’élément très important selon lequel les crimes contre l’humanité ne sont pas nécessairement commis dans le contexte d’un conflit armé.  Enfin, commentant l’article 4, M. Milano a indiqué que la prévention des crimes contre l’humanité sur le plan interne n’implique pas la violation des droits humains fondamentaux et ne justifie pas, « à l’extérieur », des mesures dépassant les limites imposées par le droit international, y compris en ce qui concerne le recours à la force militaire.

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a noté « l’existence d’un consensus » sur la lutte contre l’impunité et la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Le représentant a toutefois estimé que le préambule du projet d’articles, fortement inspiré du Statut de Rome de la CPI dont il reprend certains paragraphes ainsi que la définition des crimes contre l’humanité, « risque de compliquer l’adoption d’un instrument juridique spécifique ».  Devant l’absence d’un instrument international juridiquement contraignant spécifiquement consacré à la définition des crimes contre l’humanité, il a fait valoir que le projet d’articles devrait plutôt proposer une définition consensuelle, afin que les États ne soient pas « confinés dans la camisole du Statut de Rome ».  De même, le rappel au paragraphe 4 du préambule que « l’interdiction des crimes contre l’humanité constitue une norme impérative du droit international » pose à ses yeux deux problèmes, à savoir la reconnaissance d’une telle norme jus cogens et la définition précise des crimes contre l’humanité.  Le représentant a estimé à cet égard que les crimes contre l’humanité doivent être prévenus et réprimés principalement par le droit interne des États, « expression de la souveraineté et de l’indépendance au sens de nombreux arrêts de la Cour internationale de Justice ».  Il a proposé, en terminant, une nouvelle version du préambule tenant compte de ses observations. 

M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a rappelé son soutien au projet d’élaboration d’une convention sur la base du projet d’articles, afin « d’élever les crimes contre l’humanité au niveau des crimes de guerre et des génocides » et de leurs propres conventions internationales exigeant des États qu’ils préviennent et punissent ces crimes sur le plan national et qu’ils coopèrent pour y mettre un terme.  Selon le représentant, la future convention devrait principalement codifier le droit international coutumier existant tout en cherchant à incorporer des aspects de développement progressif, par exemple en matière d’extradition et d’entraide judiciaire.  Il a estimé que le Statut de Rome de la CPI, qui fut un « compromis négocié », est le « point de départ » et que les propositions à venir doivent en respecter pleinement l’intégrité.  Le traité universel sur les crimes contre l’humanité que la Sierra Leone souhaite voir advenir devra donc combler le vide existant et assurer des poursuites nationales efficaces, ce qui sera conforme au principe de complémentarité du Statut de Rome. 

Le représentant s’est dit « généralement d’accord » avec le produit présenté par la CDI.  Il a notamment appuyé la reconnaissance dans le préambule que les crimes contre l’humanité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde, car « la paix et la justice doivent occuper une place prépondérante dans notre travail ».  Il a également soutenu la reconnaissance de l’interdiction des crimes contre l’humanité comme relevant du jus cogens.  Il a par ailleurs noté que la définition proposée du crime reflétait largement la « codification » du droit coutumier des crimes contre l’humanité.  Concernant le champ d’application, le représentant a rappelé qu’un futur traité devrait couvrir à la fois les mesures de prévention et de répression. 

Le représentant de la Türkiye a salué le potentiel du projet d’articles pour lutter contre les crimes contre l’humanité, ajoutant que son pays a toujours combattu en faveur du droit international, gage de la paix et de la sécurité internationales.  Toutefois, « les crimes contre l’humanité peuvent faire davantage que d’autres l’objet d’une politisation problématique », a-t-il averti, lançant un appel à la prudence, à la diligence et à la patience pour avancer vers les objectifs communs aux membres de la CDI.  Pour le délégué, une question telle que la référence dans le préambule à la norme impérative du droit international général (jus cogens), laquelle n’est « pas acceptée par tous », mérite d’être discutée plus avant, à l’instar d’autres questions de fond.  Nous suivrons de près les débats et interviendrons quand nous le jugerons nécessaire, a-t-il conclu.

Échanges interactifs

Le représentant du Cameroun a constaté la tendance manifeste de mettre le statut de la CPI au centre du débat.  Or, la question des crimes contre l’humanité est très complexe.  « Ils ont muté. »  Si nous nous enfermons dans la « camisole » du Statut de Rome, nous courons le risque d’avoir des travaux interminables, mais aussi une incompréhension, a-t-il mis en garde.  Il nous faut trouver une définition propre à nous, qui puisse traiter efficacement des crimes contre l’humanité.  Le représentant a cité plusieurs exemples, comme la surexploitation des sols en Afrique ou encore le vol d’œuvres d’arts, qui pourraient avoir un effet sur les générations futures.  Essayons de sortir de la perspective des crimes contre l’humanité limitées à une perspective immédiate, a-t-il plaidé. 

Pour sa part, le représentant de la Sierra Leone a évoqué le travail préparatoire réalisé à la CPI en matière de codification du droit international.  Avec ce projet d’articles, nous essayons de nous doter d’un mécanisme national efficace de répression, a-t-il dit.  Il ne faut « pas chercher à réinventer la roue ».  Pour ceux qui ne sont pas tenus de mettre en œuvre le Statut de Rome de la CPI, la nouvelle convention pourrait avoir un caractère complémentaire.  Mais l’essentiel est que ce traité potentiel complète ce qui existe tout en garantissant l’intégrité du droit international.

La représentante de la Colombie s’est dit d’accord avec son homologue de la Sierra Leone.  Qu’on soit ou non partie au Statut de Rome, celui-ci existe et doit constituer une base de travail.  Ce qui ne nous empêche pas de faire référence à autre chose, a-t-elle ajouté, l’objectif étant d’élaborer le meilleur traité possible.

Le représentant du Portugal a rappelé à son tour que le Statut de Rome existe et qu’il faut assurer une certaine cohérence.  Le Statut n’est pas une « camisole de force », a-t-il réagi, mais une référence.  Or, notre travail consiste à faire fond sur ce qui existe et le Statut de Rome est un travail de longue haleine qui fournit des éléments concernant la définition des crimes contre l’humanité.

« Justement nous sommes là aussi pour réinventer la roue », a rétorqué le représentant du Cameroun, car nous ne devons pas seulement codifier le droit international, mais aussi le développer.

Mme ALEXANDRA HUTCHISON (Australie) a invité les délégations à tirer parti de l’élan des travaux de la Sixième Commission pour parvenir à une convergence sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, qui viendrait combler une lacune dans le cadre juridique international concernant les crimes graves.  S’agissant du groupe thématique 1, la représentante a appuyé le cadre conceptuel établi par le préambule et le champ d’application défini dans le projet d’article 1.  L’accent mis dans le préambule sur la responsabilité première des États d’enquêter sur les crimes contre l’humanité sous-tend selon elle la nécessité d’une telle convention, qui permettrait de doter les États des outils nécessaires pour combler le vide juridique actuel.  La déléguée a jugé « importante » la référence, dans le préambule, à l’interdiction des crimes contre l’humanité en tant que jus cogens, estimant qu’il s’agit d’un crime reconnu par la communauté internationale dans son ensemble.  Elle a par ailleurs dit réfléchir au moyen d’intégrer l’égalité des sexes et les perspectives des aborigènes en tant que questions transversales dans l’ensemble du projet d’articles.

M. EOGHAN MCSWINEY (Irlande) a estimé que la mise en route rapide de l’élaboration d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité enverrait un message clair selon lequel ces crimes ne peuvent être perpétrés en tout impunité.  Le projet d’articles forme la base de choix pour l’élaboration d’un tel instrument, a-t-il ajouté, avant d’assurer que sa délégation attend avec intérêt la conduite des débats de cette reprise de session, auxquels il a souhaité que les États participent « de bonne foi et de manière constructive ». 

Mme LIGIA LORENA FLORES SOTO (El Salvador) a réaffirmé le ferme soutien de son pays au projet d’articles et à son objectif de réduire l’impunité pour la commission de crimes graves.  La jurisprudence constitutionnelle de son pays reconnaît depuis 2016 que les crimes contre l’humanité dénotent un mépris absolu de la dignité humaine et des droits fondamentaux ainsi que la négation de la condition humaine des victimes.  La déléguée a en outre réaffirmé que, par nature, ces crimes sont imprescriptibles au regard du droit international et qu’en conséquence toute mesure nationale qui entraverait l’enquête, l’établissement de la vérité ou l’application d’une justice indépendante et qui refuserait la justice et la réparation intégrale aux victimes, contribuerait à l’impunité.  « Ces crimes ne peuvent donc pas faire l’objet d’une amnistie ou d’une mesure de grâce ».  À ce titre, El Salvador appuie la référence faite dans le préambule à l’article 7 du Statut de Rome de la CPI, cet instrument devenant « la pierre angulaire de la conceptualisation des crimes internationaux ».  El Salvador encourage donc les délégations à respecter ce paramètre afin de ne pas fragmenter l’ordre juridique pénal international existant.  Il appelle en outre à prendre en compte une interprétation harmonisée avec la jurisprudence des systèmes régionaux de droits de l’homme, ce qui permettra d’élargir le concept de crimes contre l’humanité, en particulier en ce qui concerne les dimensions de la réparation pour les victimes.  Il a annoncé qu’il reviendrait notamment sur la notion de « genre » lors de la discussion sur le groupe thématique 2.

M. NOAM CAPPON (Israël) a dit que son pays appelait à une large acceptation des règles s’appliquant à la prévention et à la répression des crimes contre l’humanité.  Eu égard au préambule, notamment son alinéa 7, le délégué a fait remarquer que la référence à l’article 7 du Statut de Rome de la CPI n’était peut-être pas appropriée, du fait qu’elle risque de saper le consensus.  Sinon sur le préambule en général et le projet d’article 1, il a estimé que le document constituait une bonne base de négociation et a dit attendre avec intérêt des délibérations fructueuses.

M. PABLO AGUSTÍN ESCOBAR ULLAURI (Équateur) a considéré que le projet d’articles constitue une base solide pour faire avancer les discussions en vue d’une convention.  Il a appuyé le texte du préambule et l’article 1 qui prévoit la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Il en va de même pour l’alinéa 4 du préambule, qui fait de l’interdiction des crimes contre l’humanité une norme impérative du droit international.  Comme l’indiquent les alinéas 7 et 8, les projets d’articles viennent également compléter d’autres textes d’instruments internationaux déjà adoptés, a souligné le délégué. 

Mme NIDAA HUSSAIN ABU-ALI (Arabie saoudite) a déclaré que lutter contre les crimes contre l’humanité et l’impunité dont ils bénéficient constitue un « noble objectif » et qu’il faut promouvoir le principe de la responsabilité.  Toutefois, a-t-elle critiqué, le libellé de l’article 1 sur le champ d’application ne correspond pas au contexte et doit être modifié. 

M. ANDY ARON (Indonésie) a suggéré que la CDI devrait examiner plus avant les articles à l’étude et trancher sans présager de l’adoption future d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Nous soutiendrons le processus en cours et participerons de manière constructive aux travaux de cette session, a-t-il assuré, ajoutant que le projet d’articles est « un pas dans la bonne direction » pour prévenir et punir les crimes contre l’humanité.  Ces crimes pouvant être perpétrés en temps de conflit armé, il conviendrait de prendre des mesures préventives en temps de paix, a signalé le délégué, notant que les avis divergents sur ce point méritent un examen approfondi du libellé du préambule.  En effet, nous avons la responsabilité de tendre au consensus pour parvenir à un cadre juridique universellement agréé, a-t-il conclu. 

M. MAXIMILIAN GORKE (Autriche) a souscrit pleinement aux commentaires de la CDI selon lesquels l’interdiction des crimes contre l’humanité représente une norme impérative du droit international.  S’agissant de la définition des crimes contre l’humanité telle qu’énoncée dans le Statut de Rome, il a estimé qu’elle permet de « codifier de façon cohérente le droit international coutumier ».  Le délégué a mis en exergue le dernier alinéa du préambule qui explique que la répression des crimes contre l’humanité doit se faire au moyen de mesures nationales et par le renforcement de la coopération internationale. 

Mme ALIS LUNGU (Roumanie)a insisté sur le bien-fondé d’un tel projet: alors que d’autres crimes internationaux fondamentaux sont régis par des traités multilatéraux largement ratifiés, comme les conventions de Genève de 1949 ou la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, les crimes contre l’humanité ne sont pas couverts par un traité international spécifique.  Il est donc nécessaire selon la déléguée de combler cette lacune.  En outre, l’adoption d’un instrument international fournirait un cadre juridique pour encourager les poursuites des auteurs présumés à l’échelon national, et constituerait également une base solide pour la coopération interétatique en matière de prévention, d’enquête et de poursuite de ces crimes.  Concernant la forme du projet d’article 1, la déléguée a noté que la formulation et les commentaires de la CDI indiquaient le champ d’application limité du projet d’articles, qui n’aborde pas d’autres crimes internationaux graves, tels que le génocide, les crimes de guerre ou le crime d’agression.  Bien que cela puisse déjà être déduit de son titre, la Roumanie ne considère pas cette disposition superflue.  Au contraire, sa clarté et sa brièveté pourraient renforcer l’acceptabilité d’un accord.

Reprenant la parole, le représentant du Cameroun a tenu à souligner que le Statut de Rome lui-même, par son article 10, ouvre la voie à la création d’un nouvel instrument.  En outre, le cadre de la CDI est propice à la codification et au développement progressif du droit international.   

Mme MARUBAYASHI (Japon), soulignant l’importance qu’une convention sur les crimes contre l’humanité soit adoptée avec un large soutien, a jugé nécessaire à cette fin de prendre en considération les circonstances propres à chaque pays, y compris la cohérence avec les principes du droit pénal et les systèmes juridiques nationaux.  En particulier, « le projet d’articles ne doit pas avoir d’effets rétroactifs », du fait du principe crucial de l’interdiction de la rétroactivité des peines en matière pénale, comme le prévoit clairement le Statut de Rome de la CPI.  Le Japon souhaite donc que l’interdiction de l’application rétroactive soit explicitement stipulée dans le projet d’articles.

Mme KAJAL BHAT (Inde) a déclaré que l’État est le mieux placé pour poursuivre les crimes contre l’humanité qui relèvent de sa juridiction.  Conformément aux principes fondamentaux du droit international, un lien clair doit en effet être établi pour l’exercice de la juridiction des États pour les crimes commis par leurs ressortissants.  Les instruments juridiques internationaux se penchent déjà explicitement sur les crimes contre l’humanité, a noté la représentante, notamment le Statut de Rome de la CPI et la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide.  Ces projets d’articles ne sont donc ni nouveaux ni universels, a-t-elle relevé, en s’interrogeant sur l’urgence d’adopter ces projets d’articles sans une étude approfondie.  Après avoir noté que son pays n’est pas partie au Statut de Rome, elle a rejeté la « simple transposition » des régimes existants dans une nouvelle convention.  S’agissant du groupe thématique 1, la déléguée a regretté que le préambule s’inspire directement du Statut de Rome, lequel ne fait pas l’objet d’une adhésion universelle.

M. ELIJAH WATERMAN (États-Unis) a reconnu que, plus de 75 ans après les procès de Nuremberg, il n’existe toujours pas de convention multilatérale générale sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Or des crimes contre l’humanité continuent d’être commis, trop souvent en toute impunité, a-t-il souligné, et le projet d’articles de la CDI constitue une étape importante à cet égard.  Il a néanmoins souligné que « la présente reprise de session n’est pas le lieu pour engager des négociations sur le projet d’articles et ne saurait préjuger de la question de savoir s’il faut ou non lancer un processus de négociation d’une convention sur les crimes contre l’humanité ».  Il s’agit plutôt d’une occasion d’échanger nos vues, a-t-il insisté.  Le représentant a ensuite salué le fait que le préambule s’inspire du libellé utilisé dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, les États-Unis considérant cet instrument comme le principal modèle de toute future convention sur la prévention et la répression de crimes contre l’humanité.  Il a en outre estimé que l’article 1 du projet d’articles doit être clarifié à plusieurs égards, aucun élément ne devant être, par exemple, interprété comme autorisant un acte d’agression ou tout autre recours à la force incompatible avec la Charte des Nations Unies.  M. Kelly a aussi demandé que le projet d’articles ne laisse entendre de quelque manière que ce soit qu’il pourrait prétendre modifier le droit international humanitaire ou réprimer une conduite entreprise conformément au droit international humanitaire.

Mme PETRA LANGERHOLC (Slovénie) a réitéré le soutien de son pays à l’option d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité adoptée par l’Assemblée générale ou par une conférence internationale de plénipotentiaires, avant de rappeler le travail « historiquement significatif » de la Sixième Commission à cet égard.  Pour la représentante, l’adoption d’une telle convention renforcerait notamment la capacité des États à poursuivre ces crimes au niveau national et fournirait la base juridique de la coopération interétatique, condition préalable à l’efficacité des enquêtes et des poursuites nationales.  Elle a évoqué à cet égard l’initiative MLA sur l’entraide judiciaire et annoncé que la conférence diplomatique visant à l’adoption d’une convention à ce sujet se tiendra à Ljubljana, en Slovénie, du 15 au 26 mai 2023.  Cette adoption, a-t-elle ajouté, représentera une étape majeure vers le renforcement de la coopération interétatique pour mettre fin à l’impunité des crimes d’atrocité grâce au principe de complémentarité.  Concernant le préambule du projet d’articles sur les crimes contre l’humanité, la représentante a rappelé le devoir de chaque État d’exercer sa juridiction pénale nationale sur les auteurs des atrocités les plus graves qui choquent la conscience de l’humanité.  Elle a enfin appelé à profiter de la présente session pour travailler à l’élaboration d’un plan d’action clair.

Mme KATARZYNA MARIA PADLO-PEKALA (Pologne)a jugé essentiel de compléter le cadre international actuel dans le domaine de la prévention et de la répression des crimes contre l’humanité.  Le projet d’articles préparé par la CDI constitue un très bon point de départ à cet égard.  Elle a aussi noté que le projet d’articles ne dépendait en aucune manière du Statut de Rome.  Ainsi, « la position des États à l’égard de la CPI ne devrait pas affecter ou influencer le travail sur le projet ».  En outre, les discussions en cours ne devraient pas préjuger de l’instrument multilatéral sur l’entraide judiciaire dans la poursuite des crimes internationaux (Initiative MLA).  La déléguée n’a perçu aucune contradiction dans le traitement parallèle des deux instruments, d’autant plus que leur champ d’application matériel ne se chevauche que partiellement.  Le projet d’articles, a-t-elle souligné, s’appuie largement sur des dispositions que la plupart des États ont déjà acceptées dans des traités existants, tels que la Convention contre la torture de 1984 ou la Convention contre la corruption de 2003.  Elle en a déduit que les États prêts à accepter la nécessité de tels traités auront d’autant plus de raisons de soutenir une convention sur la lutte contre le meurtre généralisé ou systématique, l’extermination, le viol ou la torture de la population civile.

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a considéré que les projets d’articles reflètent un équilibre entre les fonctions de codification et de développement progressif du droit international, et que les définitions qu’ils contiennent reposent sur des traités existants, base idéale à ses yeux pour l’adoption éventuelle d’une convention.  Concernant le groupe thématique 1, le représentant a fait valoir que plus les projets d’articles seront liés aux normes fondamentales de la Charte des Nation Unies, plus l’instrument qui en résultera reflétera la « conscience universelle ».  Comme l’ont rappelé divers tribunaux nationaux et internationaux, l’interdiction des crimes contre l’humanité a été acceptée comme une norme impérative du droit international (jus cogens).  Le délégué a souligné l’importance de la complémentarité qui existe entre prévention et répression afin de dissuader la commission d’un crime et de « fermer tous les espaces d’impunité ».  En ce qui concerne l’article 1, il a jugé essentiel qu’une éventuelle convention accorde une attention égale à la prévention et à la répression de tels crimes.  Le représentant a cru déceler l’existence d’un consensus sur l’adoption d’un instrument négocié, sous les auspices de l’ONU et inspiré par les instruments existants, qui aurait le statut de traité et favoriserait la coopération entre les États. 

M. ABDULRAHMAN ABDULAZIZ F. A. AL-THANI (Qatar) a déclaré que le principe d’état de droit est un élément essentiel pour lutter contre les crimes contre l’humanité.  Or le projet d’articles ne tient pas suffisamment compte selon lui de ce principe, les États semblant être privés du droit d’émettre des réserves générales sur le projet de convention.  Ce point doit être clarifié avant que le projet d’articles puisse être complété, a demandé le délégué. 

M. NASIR UDDIN (Bangladesh)a déclaré que la redevabilité face aux crimes contre l’humanité et le respect des victimes étaient essentiels, ajoutant que son pays avait une expérience de ces crimes, commis à l’encontre de sa population lors de sa guerre d’indépendance.  Il a appelé à ce que la prévention et la répression des crimes contre l’humanité soient traitées à part égale, ce que permet le préambule.  Le Bangladesh soutient en outre fortement le principe de la compétence nationale des États, ce que le préambule rappelle aussi.  Les efforts nationaux devant être appuyés par la coopération de la communauté internationale, le délégué s’est félicité des dispositions prévues à cet égard. 

Mme MANTSHO ANNASTACIA MOTSEPE (Afrique du Sud) a rappelé l’appui de son pays au projet d’articles de la CDI.  Elle a évoqué les horreurs endurées par la grande majorité de la population sud-africaine dues au crime d’apartheid, défini comme un crime contre l’humanité.  L’Afrique du Sud soutient aussi le fait que ledit projet soit conforme au principe de complémentarité.  Les États doivent en effet conserver le contrôle des poursuites et des sanctions à l’encontre des auteurs de crimes internationaux.  Ce n’est que lorsque les États ne peuvent ou ne veulent pas le faire que les tribunaux internationaux doivent pouvoir intervenir, a-t-elle souligné.  Pour que les États puissent assumer leurs responsabilités, ils ont besoin de la coopération d’autres États, ce qui est précisément l’objectif de ce projet d’articles.  Toutefois, il est essentiel de tenir compte des « spécificités culturelles » et des « réalités géographiques » de chaque État. 

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a déclaré que le préambule du projet d’articles reflète le droit international contemporain, comme le fait le Statut de Rome de la CPI.  Pour endiguer le cercle vicieux de la violence et promouvoir la lutte contre l’impunité, nous devons appliquer le principe de responsabilité.  La compétence universelle fait fond exclusivement sur la nature du crime, a-t-il noté, en rappelant que les tribunaux nationaux peuvent exercer une compétence universelle pour connaître de crimes graves au regard du droit international.  Toutefois, si la compétence universelle apporte la promesse d’une justice universelle, elle est aussi la source de confusion et d’incohérences, a-t-il mis en garde. 

M. AMADOU JAITEH (Gambie) s’est félicité de la rédaction du préambule et du projet d’article 1, ajoutant que le projet d’articles fournit « des bases parfaites pour prévenir et punir ».  Il a jugé que le champ d’application identifié à l’article 1 est logique, compte tenu de la nécessité de prévenir et de punir pour éviter la répétition de ces crimes.  Il a en revanche regretté le peu de progrès réalisés depuis l’adoption en seconde lecture des projets d’articles et appelé à « oser être différents » dans notre poursuite du développement progressif du droit international et de la promotion des principes directeurs des droits de l’homme, que ce soit au niveau national ou international.  Rappelant que les crimes contre l’humanité ne sont pas des actes illusoires mais de véritables atrocités, le représentant a ajouté que les victimes avaient un besoin urgent de l’intervention des délégués présents pour que soit négociée une convention internationale autonome.  La reprise de session de la Sixième Commission, en 2023 et 2024, doit être l’occasion de procéder à un échange de vues constructif à cette fin, a-t-il enjoint.  Le représentant a appelé à l’union, appelant les délégations à reconnaître leurs divergences de vues et de valeurs pour comprendre la nécessité d’un débat sain, susceptible de déboucher sur une conclusion acceptable, même si elle n’est pas parfaite. 

M. SERGEI A. LEONIDCHENKO (Fédération de Russie) a souligné que la persistance d’idées très divergentes sur le projet d’articles fait peser un doute sur la viabilité même de son devenir.  À ce jour, il n’existe pas de bonnes perspectives pour élaborer une convention autour de ces articles, a-t-il tranché, d’autant que la base juridique pour lutter contre les crimes contre l’humanité existe déjà, formée de conventions importantes qui incarnent le droit coutumier international des traités.  Pour la Russie, un groupe de pays a décidé que ce système était lacunaire, des pays, qui d’après le représentant, « feraient mieux de se concentrer sur le développement de leur juridiction nationale en rapport avec les crimes contre l’humanité ».  Ainsi a-t-il soutenu que la présente reprise de session n’est en rien un processus de négociation, mais un lieu de débat ouvert sur le projet d’articles.  Le délégué russe a ensuite évoqué le mandat d’arrêt lancé par la CPI contre son pays.  Il a fustigé une instance incompétente, une cour qui s’est précipitée pour délivrer un mandat d’arrêt infondé sur le plan juridique « et pour tout dire inhumain ».  En effet, aurait-il fallu abandonner des enfants dans une zone de conflit? a demandé le représentant.  En revanche, a-t-il continué, les incursions de l’OTAN, qui ont fait des centaines de milliers de victimes civiles, n’ont jamais été visées par la CPI, « qui n’a rien fait dans chacune de ces situations pour demander des comptes aux coupables occidentaux ».  La CPI est une marionnette de l’Occident qui n’ira jamais contre les désidératas de ses maîtres, a martelé l’intervenant, qui a assuré que les autorités russes ignoraient tous les documents qu’elle émet. 

M. ELISA DE RAES (Belgique) a souligné que le préambule rappelle le lien existant entre la lutte contre l’impunité pour les crimes contre l’humanité et le maintien de la paix et de la sécurité internationales, faisant ainsi écho aux buts et principes des Nations Unies.  Établir les responsabilités pour les crimes les plus graves est essentiel pour restaurer la confiance de la population dans des institutions inclusives, et pour parvenir à une paix durable.  Le représentant a ajouté que le projet d’articles constitue une bonne base de discussion en vue de l’élaboration d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Une telle convention comblerait la lacune existante en droit international conventionnel, a-t-il dit, saluant à cet égard le fait que l’alinéa 4 du préambule rappelle très justement que l’interdiction des crimes contre l’humanité constitue déjà une norme impérative du droit international général (jus cogens).  Quant à l’alinéa 8, il met l’accent sur la responsabilité première des États dans la poursuite des auteurs de crimes contre l’humanité.  Or, pour être en mesure d’assumer cette responsabilité, il importe que les États se dotent des dispositions législatives, administratives et judiciaires nécessaires, a souligné le représentant, rappelant que ce principe est central dans le système du Statut de Rome qui décrit la Cour pénale internationale (CPI) comme complémentaire des juridictions nationales.  Enfin, le dernier alinéa du préambule insiste aussi sur l’importance de la coopération internationale.  Parce que la lutte contre l’impunité est bien l’affaire de tous les membres de la communauté internationale, y compris des organisations intergouvernementales. 

M. JOSE JUAN HERNANDEZ CHAVEZ (Chili) a salué le préambule en tant que cadre conceptuel idoine pour lancer les négociations.  Le Chili a constaté l’équilibre acceptable des éléments du préambule, tels que l’obligation pour les États Membres d’exercer leurs compétences pénales ainsi que la mention des valeurs fondamentales devant régir l’application du traité.  Il a salué l’alinéa 3 qui, selon lui, établit un lien entre la future convention et la Charte des Nations Unies, ainsi que l’alinéa 4 qui consacre l’interdiction des crimes contre l’humanité comme une norme impérative du droit international (jus cogens).  Les alinéas 5 et 6 se renforcent mutuellement et sont utiles pour définir le champ d’application de la convention, a continué le délégué.  L’alinéa 7, qui garantirait la cohérence entre la convention et le Statut de Rome de la CPI, n’a pas d’incidence sur les États Membres non parties au Statut de Rome puisqu’il n’a pas pour effet l’acceptation automatique de la compétence de la CPI.  Pour le Chili, une future convention est compatible avec le Statut de Rome, puisque ce dernier a pour principe fondamental le principe de complémentarité. 

M. MHD. RIYAD KHADDOUR (République arabe syrienne) a appelé à une plus grande cohérence entre les débats sur le projet d’articles et la résolution 77/249 de l’Assemblée générale.  Le préambule comporte à ses yeux trop peu de garanties et de règles normatives concernant les restrictions souveraines et les normes impératives prévues par la Charte des Nation Unies.  Il a ainsi proposé une nouvelle version du préambule précisant l’interdiction faite aux États de s’ingérer dans les affaires intérieures des autres États.  Des définitions sont en outre présentées comme s’il existait une définition déterminée des crimes contre l’humanité, a déploré le délégué.  De plus, l’alinéa 4 du préambule indique que l’interdiction de ces crimes constitue une norme impérative du droit international, alors que ces crimes ne sont toujours pas définis.  Le représentant a appelé à se fonder sur le Statut de Rome de la CPI, lequel fait état de crimes graves sans les préciser. 

M. HITTI (Liban) a rappelé la pertinence des deux grands objectifs visés par le projet d’articles sur les crimes contre l’humanité, à savoir leur prévention et leur répression.  Le représentant a noté que le préambule contenait d’importantes références: la réaffirmation des principes du droit international consacrés par la Charte des Nations Unies; le caractère de jus cogens de l’interdiction des crimes contre l’humanité; la lutte contre l’impunité et la responsabilité principale des États à cet égard.  Il a noté « avec précaution » la référence faite par le préambule à l’article 7 du Statut de Rome de la CPI définissant les crimes contre l’humanité, rappelant que le projet d’articles en discussion concerne tous les États, qu’ils soient ou non parties au Statut de Rome.  Il a enfin rappelé que le travail réalisé par la CDI visait à renforcer les systèmes juridiques nationaux et la coopération entre États, à travers l’élaboration de dispositions « à la fois efficaces et acceptables pour les États ».  En conclusion, le représentant a estimé qu’une convention contribuerait à renforcer le cadre normatif et que, pour être réellement efficace, celle-ci devait être « largement acceptée, voire universelle ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission de la population et du développement lance sa session 2023 en abordant le thème de l’éducation de qualité, un droit humain fondamental

Cinquante-sixième session,
2e et 3e séances plénières - matin & après-midi
POP/1105

La Commission de la population et du développement lance sa session 2023 en abordant le thème de l’éducation de qualité, un droit humain fondamental

« En Afghanistan et partout ailleurs, l’éducation de qualité est un droit humain et une source de dignité et d’autonomisation économique », a déclaré avec autorité la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, ce matin, dans son discours d’ouverture de la cinquante-sixième session de la Commission de la population et du développement.  Mme Amina J.  Mohammed a ainsi mis l’emphase sur le thème des travaux -« population, éducation et développement durable »- alors que la session 2023 est la première, depuis avril 2019, à se tenir entièrement en présentiel, comme l’a précisé son Président, M. Gheorghe Leucã (République de Moldova).  Ce dernier a rappelé à ce propos que la pandémie de COVID-19 a mis à mal certains des acquis durement gagnés comme les progrès vers l’égalité des sexes dans l’éducation.  C’est donc à juste titre que cette session entend se pencher sur les moyens de promouvoir les résultats du Sommet sur la transformation de l’éducation, que le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, avait organisé en septembre 2022 au Siège de l’ONU.

Les différents intervenants de la séance d’ouverture de ce matin ont unanimement rappelé l’importance d’assurer une éducation universelle.  Le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Li Junhua, a énuméré les bienfaits d’une éducation de qualité en rappelant lui aussi que c’est un droit humain.  Malgré cela, a-t-il mis en garde, 244 millions d’enfants et de jeunes ne sont pas scolarisés et plus de la moitié des enfants et adolescents ne satisfont pas aux normes minimales de compétence en lecture et en mathématiques.  En effet, dans les pays les moins avancés (PMA) et ceux à revenu intermédiaire, jusqu’à 70% d’enfants ne savent pas lire un texte de base à 10 ans, a noté le Directeur général adjoint de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), M. Xing Qu, qui a aussi déploré des taux croissants de dépression et de stress chez les jeunes et les enseignants.  D’où une augmentation du décrochage scolaire et une pénurie d’enseignants. 

Une éducation de qualité est un droit humain fondamental, a insisté la Directrice exécutive du Fond des Nations Unies pour la population (FNUAP).  Mme Natalia Kanem a appelé à protéger et défendre ce droit pour tous, y compris l’éducation complète à la sexualité qui est offerte d’une manière adaptée selon l’âge et la culture.  Cette dernière, a-t-elle expliqué, donne aux jeunes les connaissances, les compétences et les attitudes nécessaires pour développer des relations saines.  Elle permet aux adolescentes d’éviter les grossesses non planifiées et aide les filles et garçons à rester à l’école et à passer en toute sécurité à l’âge adulte.  « Donnez aux gens l’information et le pouvoir de prendre en charge leurs propres droits et de faire leurs propres choix en matière de procréation, et les résultats de développement s’amélioreront », a-t-elle promis.  Cela ne l’a pas empêchée de s’inquiéter pour les femmes qui constituent les deux tiers des 770 millions d’adultes qui ne savent ni lire ni écrire.

« Nous devons être unis et lancer un appel aux autorités de fait de l’Afghanistan pour qu’elles reviennent sur l’interdiction d’éducation et d’emploi aux femmes et filles afghanes », a insisté la Vice-Secrétaire générale de l’ONU qui a placé cette session dans le contexte du retard pris dans la réalisation du quatrième objectif de développement durable, « une éducation de qualité » (l’ODD 4).  Citant le rapport du Secrétaire général intitulé « Population, éducation et développement durable » (E/CN.9/2023/2), Mme Mohammed a exhorté à transformer les systèmes éducatifs en prenant en compte l’évolution démographique.  La clef du débat est le lien entre l’éducation, la technologie et les tendances démographiques, a-t-elle estimé, prévenant qu’il faudra, sur ces questions, des engagements clairs lors du Sommet sur les objectifs de développement durable en septembre. 

La Vice-Secrétaire générale a rappelé à cet égard que la pauvreté numérique est le nouveau visage de l’inégalité entre les sexes.  Elle a demandé des actions délibérées en matière de recherche et développement ainsi que dans le domaine du transfert de technologie pour accroître l’accès des jeunes femmes à la technologie et aux compétences techniques.  Le but est qu’elles puissent poursuivre leurs études et avoir des chances égales de contribuer à la science et à l’innovation.  De plus, les nouvelles technologies rendent l’apprentissage tout au long de la vie accessible et agréable pour les personnes âgées, a ajouté la Directrice exécutive du FNUAP.  Le Directeur général par intérim de l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués (IIASA) a d’ailleurs rassuré sur les conséquences du vieillissement de la population en invitant à prendre en compte les effets de la participation au marché du travail et à l’éducation des différentes catégories de population, dont les personnes âgées.

Pour la population à l’autre bout de la pyramide des âges, l’UNESCO mène des actions « fortes », notamment dans le cadre de sa campagne « Les filles au premier plan », lancée peu après le début de la pandémie de COVID-19 en 2020, qui a atteint 400 millions de personnes et a permis de réduire les écarts filles-garçons.  L’UNESCO renforce aussi les efforts pour intégrer la santé et le bien-être dans les écoles, notamment en veillant à ce que des repas scolaires nutritifs soient fournis. 

En ouvrant sa session, la Commission a adopté son ordre du jour provisoire (E/CN.9/2023/1), avant d’approuver le projet d’organisation de ses travaux (E/CN.9/2023/L.1).  La journée a été marquée par le début du débat général et par un débat d’experts dans l’après-midi, suivi d’un débat interactif, sur les trois rapports du Secrétaire général publié pour cette session.

En début de séance, la Commission a confirmé la nomination de ses vice-présidents: Mme Sarah Linton (Australie), M. Imanuel (Indonésie), Mme Sylvia Paola Mendoza Elguea (Mexique), et M. Monei Fetsi Future Rapuleng (Botswana) qui assurera également la fonction de rapporteur de la session.

La Commission reprendra ses travaux mardi 11 avril, à partir de 10 heures.

OUVERTURE DE LA SESSION

Déclarations liminaires

Le Président de la Commission de la population et du développement, M. GHEORGHE LEUCĀ (République de Moldova), a rappelé que cette session 2023 est la première, depuis avril 2019, qui se tient entièrement en présentiel.  La pandémie de COVID-19 a d’ailleurs fait des ravages dans l’éducation, a-t-il regretté en rappelant que plus de 90% des enfants du monde ont vu leur éducation interrompue depuis l’apparition du coronavirus.  Les fermetures d’écoles et autres perturbations ont aggravé la crise mondiale de l’apprentissage, exacerbant les inégalités d’accès à l’éducation et la qualité de celle-ci.  La pandémie a également mis à mal certains des acquis durement gagnés comme les progrès vers l’égalité des sexes dans l’éducation, a récapitulé le Président de la Commission.  C’est d’ailleurs pour récupérer les pertes d’apprentissage liées à la pandémie et pour réorganiser l’éducation dans un monde en évolution rapide que le Secrétaire général a convoqué le Sommet sur la transformation de l’éducation en septembre 2022.  La session de cette année de la Commission entend donc examiner comment promouvoir les résultats du sommet de l’an dernier, a-t-il expliqué.  Selon le Président, la crise mondiale de l’éducation est réelle.  C’est pourquoi il a dit espérer que les délégations parviendront à un consensus sur le projet de résolution sur le thème spécial de la session.  Il a également appelé à combler le fossé entre les sexes dans l’éducation, tout en améliorant la qualité des enseignements.

Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a d’entrée de jeu attiré l’attention des participants à la cinquante-sixième session de la Commission de la population et du développement sur le sort des femmes et des filles afghanes qui font face au défi le plus grave qui soit en matière d’éducation.  « Nous devons être unis et lancer un appel aux autorités de fait de l’Afghanistan pour qu’elles reviennent sur l’interdiction d’éducation et d’emploi aux femmes et filles afghanes », a-t-elle lancé en appelant aussi à soutenir leurs mouvements pour trouver des solutions innovantes.  En Afghanistan et partout ailleurs, l’éducation de qualité est un droit humain et une source de dignité et d’autonomisation économique, a souligné Mme Mohammed. 

La Vice-Secrétaire générale a replacé la session dans le contexte du retard pris dans la réalisation de l’objectif de développement no 4 (ODD 4 sur l’éducation de qualité).  Elle a énuméré les crises qui entravent les efforts en matière d’équité et d’inclusion, de qualité et de pertinence, alors qu’il faut doter les générations actuelles et à venir des compétences pour s’épanouir dans un monde en évolution rapide.  Quelque 263 millions d’enfants et de jeunes ne sont pas scolarisés dont 60% ont entre 15 et 17 ans, a-t-elle donné comme chiffre pour illustrer ses propos.  De plus, a-t-elle ajouté, près de 70% des enfants dans les pays les plus pauvres sont incapables de comprendre un texte de base à l’âge de 10 ans en raison des effets de la pauvreté et de la malnutrition. 

Citant le rapport du Secrétaire général intitulé « Population, éducation et développement durable » (E/CN.9/2023/2), la Vice-Secrétaire générale a exhorté à transformer les systèmes éducatifs en prenant en compte l’évolution démographique.  La clef du débat est le lien entre l’éducation, la technologie et les tendances démographiques, a-t-elle estimé disant qu’elles sont le moteur de l’accélération des ODD.  « Ce sont des questions sur lesquelles il faut des engagements clairs lors du Sommet sur les objectifs de développement durable en septembre. »  L’objectif est la prospérité et le bien-être de tous, a-t-elle insisté en appelant à cet effet à renforcer la capacité des personnes à être les agents de leur propre vie ainsi qu’à autonomiser et aider les femmes et les filles à atteindre leurs objectifs en matière de procréation.

La Vice-Secrétaire générale a aussi dissuadé de faire les choses comme avant.  Chaque étudiant doit être préparé aux changements climatiques et être connecté à Internet et aux innovations numériques, en particulier les jeunes femmes et filles du Sud, a-t-elle encouragé.  Elle a rappelé à cet égard que la pauvreté numérique est le nouveau visage de l’inégalité entre les sexes.  Elle a demandé à la Commission de puiser dans les résultats du Sommet sur la transformation de l’éducation de 2022 afin de créer un nouvel élan pour un mouvement mondial dirigé par des jeunes en vue du Sommet de l’avenir de 2024. 

Selon Mme Mohammed, maintenir l’élan, c’est offrir une éducation de qualité dès le plus jeune âge et la possibilité de l’apprentissage tout au long de la vie pour tous.  Il faut également tirer le meilleur parti de notre diversité démographique.  La technologie change la nature et la disponibilité de l’emploi, a-t-elle remarqué en soulignant aussi son potentiel pour l’inclusion financière des femmes du secteur informel ainsi que pour répondre aux besoins des personnes âgées et handicapées.  « Nous avons besoin de clarté sur la façon de procéder malgré certaines incertitudes », a continué la numéro 2 de l’ONU qui a insisté sur l’éducation des femmes et des filles en particulier dans les domaines de la science et de la technologie.  Elle a demandé des actions délibérées en matière de recherche et de développement et du transfert de technologie pour accroître l’accès des jeunes femmes à la technologie et aux compétences techniques afin qu’elles puissent poursuivre leurs études et avoir des chances égales de contribuer à la science et à l’innovation.  Sans les compétences et les idées de la moitié de la population mondiale, nous ne pouvons pas trouver de solutions aux défis mondiaux qui bénéficient à tous, a prévenu Mme Mohammed.  L’année 2023 est une année charnière à cet égard, a observé la Vice-Secrétaire générale invitant à viser un résultat orienté vers l’action. 

La Directrice exécutive du Fond des Nations Unies pour la population (FNUAP), Mme NATALIA KANEM, a fait observer que lorsqu’une fille est capable de rester à l’école, elle se porte bien sur le plan de la santé et du bien-être tout au long de la vie.  Cependant, lorsqu’elle est forcée d’abandonner l’école, de se marier ou si elle se retrouve enceinte alors qu’elle est encore enfant elle-même, elle est confrontée à une cascade de défis au cours de sa vie.  Des défis qui compromettent sa santé et son bien-être ainsi que ceux de ses enfants, et, en fin de compte, les perspectives de prospérité de sa société.  Pour les femmes et les filles vulnérables en particulier, l’éducation est un élément qui change leur vie, a-t-elle affirmé.  En effet, lorsqu’elles reçoivent les connaissances et les compétences dont elles ont besoin pour connaître et revendiquer leurs droits, les femmes ainsi mieux éduquées sont en meilleure santé, se marient plus tard et sont plus susceptibles de planifier le nombre et l’espacement de leurs enfants.  Elles sont aussi plus susceptibles d’avoir recours aux soins prénataux, de faire vacciner et soigner leurs enfants.  Il y a également plus de chances qu’elles participent au marché du travail formel et aient plus de revenus.  L’éducation réduit également la probabilité de pratiques néfastes comme le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines, et elle réduit le risque de violence sexiste, a-t-elle encore indiqué.

Selon Mme Kanem, une éducation de qualité est un droit humain fondamental, que nous devons protéger et défendre pour tous, y compris l’éducation complète à la sexualité qui est offerte d’une manière adaptée selon l’âge et la culture.  Cette dernière, a-t-elle expliqué, donne aux jeunes les connaissances, les compétences et les attitudes nécessaires pour développer des relations saines, elle permet aux adolescentes d’éviter les grossesses non planifiées, et aide les filles et garçons à rester à l’école et à passer en toute sécurité à l’âge adulte.  « Donnez aux gens l’information et le pouvoir de prendre en charge leurs propres droits et de faire leurs propres choix en matière de procréation, et les résultats de développement s’amélioreront. »

En outre, aujourd’hui, la technologie et l’innovation multiplient les opportunités et élargissent les esprits, a poursuivi la Directrice exécutive.  L’accès et les compétences numériques deviennent impératifs pour presque tout, de l’éducation aux moyens de subsistance.  Les nouvelles technologies rendent l’apprentissage tout au long de la vie accessible et agréable pour les personnes âgées, a ajouté Mme Kanem.  Pourtant, la réalité est que la technologie est de plus en plus souvent mal utilisée et militarisée, a-t-elle déploré, appelant à ne pas permettre que la technologie ajoute une autre couche de désavantage et de discrimination à l’égard des femmes et des filles.  De même, là où les inscriptions scolaires ont augmenté, trop d’enfants restent exclus, incapables de lire, d’écrire ou de calculer.  Les enseignants sont trop peu nombreux, trop sollicités et insuffisamment formés aux méthodes pédagogiques modernes, a-t-elle constaté.  Elle a relevé que les femmes constituent les deux tiers des 770 millions d’adultes qui ne savent ni lire ni écrire, appelant à faire des investissements locaux plus importants pour les sortir de cette situation difficile.  Ainsi, l’aide publique au développement (APD) en faveur de l’éducation doit augmenter, a-t-elle plaidé, parallèlement à un plus grand soutien national au renforcement des systèmes éducatifs.  La Directrice exécutive a noté que la planification du développement dépend de données démographiques désagrégées de qualité, afin de déterminer précisément qui est laissé pour compte, où et pourquoi.  L’année 2030 se rapproche de plus en plus, a—t-elle constaté, avant de demander de tenir compte de toute urgence du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement du Caire de 1994, alors que son trentième anniversaire aura lieu l’an prochain.

M. LI JUNHUA, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a rappelé l’engagement des États Membres au Sommet sur la transformation de l’éducation, en septembre 2022, à donner la priorité à l’éducation dans la réalisation des ODD.  Il a énuméré les bienfaits d’une éducation de qualité qui est un droit humain.  Toutefois, a dit l’intervenant, 244 millions d’enfants et de jeunes ne sont pas scolarisés, et plus de la moitié des enfants et des adolescents ne satisfont pas aux normes minimales de compétence en lecture et en mathématiques.  Si les raisons de cette situation sont nombreuses, il ne faut pas minimiser l’influence de l’évolution démographique, a-t-il fait remarquer soulignant que dans certaines régions du monde, où la capacité budgétaire est limitée, une population d’âge scolaire en croissance rapide rend plus difficile la réalisation de l’ODD 4 (éducation de qualité).  Il a souligné que la baisse de la proportion d’enfants et d’adolescents dans la population atténue la pression sur les budgets de l’éducation et ouvre des opportunités pour renforcer le capital humain des jeunes comme des adultes.

Citant ensuite les ravages de la pandémie de COVID-19 sur les systèmes éducatifs, le Secrétaire général adjoint a demandé de l’aide pour que les pays à faible revenu puissent parvenir à l’universalisation de l’enseignement primaire et secondaire pour tous d’ici à 2030.  À cet égard, a-t-il suggéré, il faut investir dans l’éducation numérique, combler le fossé numérique et élargir l’accès à Internet et aux technologies numériques pour l’éducation.  M. Li a aussi plaidé pour que les migrants aient accès à l’éducation de base et voient reconnus leurs diplômes, qui sont essentiels à leur intégration dans le pays d’accueil et pour que celui-ci tire parti des avantages de la migration en termes de développement.  Cela nécessite également de faire plus pour l’accès à une éducation de qualité pour les filles et les jeunes femmes, a-t-il ajouté.  Il a conclu en souhaitant que cette session trouve des solutions durables à la crise de l’éducation, des solutions qui placent l’humain au centre.

Dans un discours préenregistré, le Directeur général adjoint de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), M. XING QU, a déploré que 244 millions d’enfants ne soient pas scolarisés dans le monde, pour la plupart au niveau secondaire.  Beaucoup d’entre eux, a-t-il précisé, sont des filles et des jeunes femmes qui ont été forcées de quitter l’école à la suite d’un mariage précoce ou d’une grossesse précoce et non désirée.  Il a regretté de plus la pauvreté des apprentissages de millions d’enfants et d’adolescents qui sont pourtant scolarisés.  En effet, dans les pays les moins avancés (PMA) et ceux à revenu intermédiaire, jusqu’à 70% d’enfants ne savent pas lire un texte de base à 10 ans.  À cela s’ajoutent des taux croissants de dépression et de stress chez les jeunes.  Les conséquences de ces facteurs de stress sur la santé et le bien-être entraînent une augmentation du décrochage scolaire et une pénurie d’enseignants, a encore expliqué M. Qu.  Il a rappelé qu’au Sommet sur la transformation de l’éducation, tenu en septembre 2022, près des deux tiers des pays ont déclaré s’inquiéter du bien-être de leurs professeurs et de leurs élèves.  Les dirigeants mondiaux avaient alors envoyé un message fort: transformer l’éducation, c’est transformer les conditions dans lesquelles s’épanouissent les apprenants.

En tant qu’agence garante de la mise en œuvre de l’ODD no 4 portant sur une éducation de qualité, l’UNESCO répond avec des actions fortes dans trois domaines clefs, a informé le Directeur général adjoint.  Il a d’abord parlé de ce que fait l’agence onusienne pour aider les gouvernements et les communautés à combler l’écart entre les sexes à l’école.  Ainsi, par exemple, la campagne « Les filles au premier plan », lancée peu après le début de la pandémie de COVID-19 en 2020, a atteint 400 millions de personnes à travers le monde.  Ensuite, l’UNESCO permet aux gouvernements de fournir une éducation de qualité sur les questions telles que la puberté, la santé sexuelle et reproductive et le VIH, ce que certains pays désignent par « éducation sexuelle » ou encore « éducation à la vie familiale et à la santé ».  Bien que les données de l’UNESCO montrent que plus de 4 pays sur 5 couvrent l’éducation sexuelle dans les programmes scolaires, il a indiqué que la mise en œuvre reste faible malgré le soutien des parents, des enseignants et des leaders religieux.  Enfin, l’UNESCO renforce les efforts pour intégrer la santé et le bien-être dans les écoles, notamment en veillant à ce que des repas scolaires nutritifs soient fournis et en améliorant l’accès à des services de santé.  Ce faisant, l’organe onusien reconnaît que de nombreux garçons et filles ne peuvent tout simplement pas apprendre parce qu’ils sont malades, affamés et marginalisés.  De plus, étant donné que l’apprentissage ne s’arrête pas au moment où un enfant quitte l’école, l’UNESCO appelle à favoriser l’apprentissage tout au long de la vie, afin de promouvoir une citoyenneté active, l’employabilité, la santé, le bien-être et la cohésion des communautés.

M. WOLFGANG LUTZ, Directeur général par intérim de l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués (IIASA), a passé en revue les différentes évolutions des tendances démographiques au fil des années avant d’analyser leurs interactions avec les ODD.  Il a pris l’exemple de la République de Corée, entre 1950 et 2020, qui illustre le fait qu’avec de la volonté politique, les pays pauvres connaissant des taux de fécondité élevés et une forte croissance démographique peuvent rapidement parvenir à l’éducation pour tous à tous les niveaux, comme le veut l’ODD 4.  Puis, l’expert a souligné les liens entre la population et les changements climatiques avant de mettre en garde contre une politique exclusivement consacrée à l’atténuation de leurs conséquences.  L’éducation est un facteur important de l’adaptation aux changements climatiques, a-t-il dit estimant que son rôle est moins connu en ce qui concerne la santé et la survie de l’humanité.  L’amélioration de la qualité de l’éducation est le moteur de l’augmentation des revenus, des progrès de la médecine, d’une meilleure santé et d’une longévité accrue, a-t-il aussi fait valoir.  Une note d’orientation de l’IIASA résumant ces importantes conclusions indique que lorsqu’il s’agit de survie, l’esprit compte plus que l’argent, a partagé son directeur général.

Paraphrasant M. Eric Kandell, de l’Université de Columbia, lauréat du prix Nobel de médecine 2000 pour ses travaux sur le cerveau, M. Lutz a souligné l’importance de la répétition en matière d’apprentissage.  Pour lui, l’éducation peut améliorer la vie des gens jusqu’à prévenir la mortalité précoce.  Il s’est inscrit en faux contre les liens entre les conditions climatiques futures et les capacités des sociétés d’aujourd’hui en matière de santé publique.  Pour lui, il ne fait aucun doute que les climats vont changer, mais aussi que les sociétés seront différentes à l’avenir.  C’est pour cette raison que la communauté scientifique a développé les trajectoires socioéconomiques partagées (SSP) qui fournissent des scénarios socioéconomiques alternatifs pour le reste de ce siècle.  Par ailleurs, le nouveau rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) surabonde de références à ces SSP en tant que moyen scientifique pour avoir la capacité d’adaptation future.

S’agissant enfin du vieillissement de la population, le responsable d’IIASA a estimé moins dangereux le fardeau du vieillissement de la population si l’on prend en compte les effets de la participation au marché du travail et à l’éducation des différentes catégories de population.  Les tendances démographiques sont au cœur du développement durable, a résumé l’orateur pour qui les populations sont en mesure d’apporter l’éclairage nécessaire pour relever les multiples défis d’aujourd’hui et contribuer au bien-être humain durable.

Table ronde 1: examen des rapports du Secrétaire général

Les participants à cette première table ronde de la cinquante-sixième session de la Commission de la population et du développement ont examiné les trois rapports préparés par le Secrétaire général pour servir de base au débat général.  Ils ont mis l’accent sur l’accès à l’éducation des populations vulnérables, notamment les filles, les femmes et les migrants, ainsi que sur le financement nécessaire pour fournir une éducation de qualité.  Une voix s’est élevée, celle de l’Égypte, contre certains éléments de langage utilisés dans les rapports au motif qu’ils ne font pas consensus et ne mentionnent pas les rôles des familles et des pères dans l’instruction de leurs enfants.  Les experts du système des Nations Unies ont renvoyé à cet égard aux recommandations en matière d’accès à l’éducation, d’apprentissage tout au long de la vie et en ce qui concerne leurs liens avec les tendances démographiques.

Présentant le rapport du Secrétaire général sur « Population, éducation et développement durable », Mme Nicole Mun Sim Lai, spécialiste des questions de population du Département des affaires économiques et sociales (DESA), a d’abord souligné les conséquences des inégalités d’accès à l’éducation, en particulier dans les pays en développement, pour mieux exhorter à réduire ces inégalités socioéconomiques.  La spécialiste a insisté sur l’importance de l’inclusion en prévenant que ce processus se fait sur le long terme, au-delà des investissements très rentables dans la petite enfance.  Elle a donc invité à se méfier d’une réflexion à court terme qui risque d’entraver les objectifs à long terme.  « Investir dans la jeunesse, c’est investir dans notre avenir commun et c’est la meilleure façon de se préparer dans la transition vers des sociétés vieillissantes », a-t-elle recommandé. 

Ce sont des efforts continus qu’il faut déployer en matière d’accès à l’éducation et à l’apprentissage tout au long de la vie, a enchaîné Mme Rachel Snow, Cheffe du Service de la population et du développement du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP).  Ainsi, elle a souhaité que les personnes n’ayant pas reçu d’éducation de base puissent le faire plus tard dans leur vie.  De plus, l’éducation doit être gratuite et la formation des enseignants, une priorité.  En plaidant pour cela, Mme Snow a fait remarquer que la qualité des enseignants encourage les parents à envoyer leurs enfants à l’école.  Elle a invité les États Membres à suivre les nombreuses autres recommandations figurant dans les rapports examinés, en particulier celle relative à l’inclusion des jeunes filles dans l’éducation primaire et secondaire, puisque celle-ci est une source de dignité.

La responsable du FNUAP a également souligné que l’éducation joue un rôle important dans l’autonomisation: les jeunes doivent avoir la possibilité d’acquérir des connaissances pour protéger leur santé et mener la vie qu’ils veulent y compris l’éducation sexuelle.  Ainsi, l’éducation sexuelle est un outil qui peut les aider à éviter les mariages et les grossesses précoces.  Mme Snow a aussi abordé la question du financement, en recommandant d’augmenter la part de l’aide publique au développement (APD) consacrée à l’éducation et à la santé, même s’il y a une tendance à la baisse de cette forme d’aide.  À cet égard, l’oratrice a renvoyé les États Membres à leurs engagements pris au cours du Sommet pour la transformation de l’éducation en 2022. 

La question de l’éducation sexuelle de qualité a aussi été soulevée par un responsable de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), M. Christopher Castle, Directeur de la Division pour la paix et le développement durable, qui a plaidé pour un investissement dans ce domaine.  Il a fait valoir que les bénéfices de cette éducation sont connus non seulement en matière de santé, notamment pour une bonne santé physique générale, mais aussi d’égalité entre les sexes et de réduction des mariages précoces.  Il a exhorté à dispenser une éducation sexuelle pour tous les âges, y compris pour les garçons.  Cela nécessite des investissements pour la formation des enseignants, a-t-il prévenu en demandant aussi de lutter contre le harcèlement et la violence.  Il a tenu à préciser que l’éducation sexuelle à l’école doit venir en complément de celle reçue à la maison. 

Un autre expert est venu alimenter le débat, sur les questions liées à l’apprentissage tout au long de la vie et à l’emploi.  M. Srinivas B. Reddy, Chef du Service des compétences et de l’employabilité de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a préconisé de travailler à une harmonisation entre le secteur de l’éducation, le marché de l’emploi et la politique sociale.  En d’autres termes, il faut mettre en place des systèmes holistiques qui répondent aux besoins du marché du travail futur.  Par exemple, les gens doivent pouvoir saisir les opportunités qu’offre l’économie numérique, surtout après la pandémie de COVID-19.  M. Reddy a encouragé à investir dans l’apprentissage de nouvelles compétences pour ceux qui n’ont pas reçu une éducation formelle.  Cela demande des financements équitables, durables et transparents, a-t-il ajouté.  Enfin l’intervenant a insisté sur l’importance de l’accès pérenne à Internet et à l’électricité pour une politique d’apprentissage tout au long de la vie efficace. 

Dans le débat qui a suivi, le représentant de l’UNESCO a tout d’abord répondu à une question de l’Indonésie en faisant valoir que si l’accès à Internet peut compenser le manque d’enseignants, rien ne remplace la présence d’un professeur dans les salles de classe.  L’UNESCO entend participer à la réduction du fossé numérique en partenariat avec le secteur privé, a-t-il assuré.  La responsable du FNUAP a salué à cette occasion l’initiative CONNECT, de l’Indonésie, en la présentant comme un exemple pouvant être suivi par d’autres pays. 

Le représentant de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a renchéri en demandant des actions pour réduire le fossé numérique dont souffrent les migrants.  L’experte du DESA a informé sur ce point qu’il devrait y avoir cette année plus d’offres de formation pour les migrants, tout en regrettant que les gouvernements ne fournissent pas toujours l’éducation nécessaire à ces personnes.  Le responsable de l’OIT a ajouté à ces demandes celle de la reconnaissance des qualifications, des compétences et des diplômes des migrants dans les pays d’accueil.  L’OIT a lancé à cet effet des interventions pour promouvoir les processus mutuels de reconnaissance entre les pays, a-t-il fait savoir en demandant d’aller plus loin.  Pour répondre à l’Égypte qui demandait d’aider les pays hôtes à intégrer les migrants et à reconnaître leurs qualifications, l’OIT a préconisé d’appliquer les normes internationales existantes pour cette reconnaissance en commençant par établir des relations avec les autres pays sur ces questions et à mettre en place des accords de reconnaissance mutuelle.  La responsable du FNUAP a quant à elle souligné le succès des expériences de pays qui ont ouvert leurs portes aux migrants.

Cette question de l’éducation des migrants a également été mise sous les projecteurs par le représentant des étudiants de Yale University qui a demandé aux experts comment l’on peut garantir que les migrants, mais aussi les jeunes issus des minorités et les étudiants pauvres, aient accès une éducation de qualité.  Il a aussi voulu savoir si les étudiants avaient accès aux manifestations parallèles de la présente session.  L’intervenant de l’UNESCO a salué à cette occasion l’accès des jeunes aux travaux de la Commission et à d’autres événements, rappelant l’initiative de l’ONU pour les faire participer afin de réduire la marginalisation des jeunes privés d’éducation.

Sur la formulation des rapports à l’examen, l’Égypte a déploré les éléments de langage utilisés dans les rapports du Secrétaire général alors qu’ils ne font pas consensus.  Il a également dénoncé le manque de références au rôle de parents, en particulier des pères, quant à l’instruction leurs enfants.  Il n’y a pas de solutions uniques à ces questions, a-t-il conclu. 

La question de l’accès à Internet est revenue dans la discussion avec une question de la représentante de la société civile du Mexique: comment faire pour concilier l’éducation environnementale et l’accès à Internet pour lutter contre l’isolement?  L’experte du FNUAP en a profité pour dénoncer le fait que les garçons ont davantage accès à Internet par rapport aux filles, tout en mettant en avant l’importance de l’apprentissage direct et personnel.  Elle a encouragé les gouvernements à géolocaliser toutes les écoles parce que cela est très important pour l’accès des jeunes. 

Autre sujet au centre du débat, le financement de l’éducation a soulevé une question de la Suède qui a demandé aux panélistes de fournir des exemples réussis en matière de transfert d’argent.  Celle du FNUAP a cité les transferts d’argent en Colombie qui ont contribué à une augmentation de 14% de la scolarisation des jeunes colombiens.  Le Nigéria a, lui, voulu savoir comment donner un coup de fouet aux financements de l’éducation en Afrique.  Le FNUAP a renvoyé aux rapports du Secrétaire général qui plaident pour une complémentarité entre les investissements nationaux et l’APD.  Mais pour l’UNESCO, le financement de l’éducation doit venir des budgets nationaux et non de l’APD. 

Dès avant la pandémie, les écoles étaient déjà en crise dans de nombreuses régions, a rappelé le délégué de l’UNESCO en souhaitant qu’elles redeviennent des lieux d’apprentissage en s’inspirant des exemples réussis dans de nombreux autres pays.  Avant de conclure la discussion, la spécialiste des questions de population du DESA a encouragé à se pencher sur les liens entre les tendances démographiques, l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie.  L’OIT a encouragé à placer les politiques d’apprentissage tout au long de la vie au cœur des programmes socioéconomiques.  Il est important de favoriser l’enseignement à distance dans les situations difficiles, a-t-il aussi reconnu. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’ECOSOC pourvoit des sièges vacants dans 13 de ses organes subsidiaires et rejette, après scrutins, cinq des candidatures de la Fédération de Russie

Session de 2023,
17e & 18e séances plénières – matin & après-midi
ECOSOC/7117

L’ECOSOC pourvoit des sièges vacants dans 13 de ses organes subsidiaires et rejette, après scrutins, cinq des candidatures de la Fédération de Russie

Le Conseil économique et social (ECOSOC) a adopté, aujourd’hui, quatre décisions relatives à son fonctionnement avant de pourvoir des sièges vacants dans 13 de ses organes subsidiaires et apparentés.  Pour ce faire, il a dû procéder à des élections à bulletin secret pour six organes subsidiaires où le nombre de candidats d’un ou plusieurs groupes régionaux dépassait celui des postes vacants.  Élue à la Commission de la population et du développement, la Fédération de Russie a en revanche vu ses cinq autres candidatures rejetées par le Conseil. 

« Fait inhabituel », aux dires de la Secrétaire du Conseil, un tirage au sort a par ailleurs été nécessaire pour désigner le deuxième pays du Groupe Asie-Pacifique appelé à siéger à la Commission de la statistique.  À égalité de voix après deux tours de scrutins, la Chine et la République de Corée ont ainsi été départagées, comme le prévoit le règlement intérieur de l’ECOSOC, et la seconde a rejoint l’Inde, élue dès le premier tour pour un mandat de quatre ans qui commencera le 1er janvier 2024. 

À cette même commission, l’Argentine, les États-Unis, la Sierra Leone, la Slovénie, la République-Unie de Tanzanie et l’Ukraine ont été élus par acclamation pour un mandat de quatre ans prenant effet le 1er janvier 2024, tandis que la République tchèque a été élue dès le premier tour de scrutin, aux dépens de la Fédération de Russie, pour le compte du Groupe des États d’Europe orientale.  Elle siègera pour un mandat de trois ans débutant le 1er janvier 2024. 

L’ECOSOC a ensuite élu par acclamation l’Afrique du Sud, le Cameroun, la Chine, la Finlande, le Guatemala, l’Indonésie, l’Italie, le Japon, Madagascar, le Mexique, la République islamique d’Iran, le Royaume-Uni, l’Uruguay et le Zimbabwe à la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale.  Pour le compte du Groupe des États d’Europe orientale, la Pologne et la Hongrie ont été élues au premier tour pour un mandat de trois ans qui commencera le 1er janvier 2024.  L’Arménie a elle aussi été élue pour trois ans à l’issue d’un double vote, après avoir écarté la Fédération de Russie au premier tour et l’Ukraine au second. 

Pour pourvoir les sièges vacants à la Commission de la condition de la femme, le Bangladesh, la Belgique, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Mali, les Pays-Bas et Sri Lanka ont été élus par acclamation pour un mandat de quatre ans prenant effet à la première réunion de la soixante-neuvième session de la Commission en 2024 et expirant à la clôture de la soixante-douzième session de la Commission en 2028.  Du côté du Groupe des États d’Europe orientale, la Roumanie a été élue pour un même mandat après avoir pris le meilleur sur la Fédération de Russie au terme d’un vote.  Pour ce qui est des Pays-Bas, ils succèdent au Danemark, démissionnaire, et siègeront de la date de cette élection à la dernière réunion de la soixante-huitième session en 2024. 

Le Conseil a par la suite élu par acclamation l’Afrique du Sud, l’Argentine, le Burundi, le Chili, la Chine, le Guatemala, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, le Kenya, le Mexique, le Nigéria, le Pérou, le Qatar, Singapour, la Thaïlande, la République dominicaine, la République-Unie de Tanzanie, l’Uruguay et le Zimbabwe à la Commission des stupéfiants pour un mandat de quatre ans prenant effet le 1er janvier 2024.  Pour le Groupe des États d’Europe occidentale et autres pays, l’Autriche, l’Espagne, la Finlande, les États-Unis, l’Italie, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni et la Finlande ont aussi été élus pour quatre ans à l’issue d’un vote. 

Une mise aux voix a également été nécessaire pour élire l’Estonie au Conseil d’administration du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), où elle siégera pour un mandat de trois ans débutant le 1er janvier 2024.  Elle rejoint l’Autriche, El Salvador, les États-Unis, Oman, les Pays-Bas, la République dominicaine, la République-Unie de Tanzanie, le Sénégal, la Suède et le Turkménistan, élus par acclamation pour un même mandat.  Le Canada, l’Irlande et l’Islande entrent eux aussi dans ce Conseil d’administration en remplacement de l’Australie, de la Grèce et du Luxembourg, avec un mandat qui commencera le 1er janvier 2024 et expirera le 31 décembre de la même année.  De même, la Finlande et le Royaume-Uni font leur entrée dans cet organe, où ils remplacent le Danemark et la Türkiye, démissionnaires, pour un mandat qui débutera le 1er janvier 2024 et prendra fin le 31 décembre 2025. 

La Roumanie entre quant à elle au Conseil d’administration du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets pour un mandat de trois ans commençant le 1er janvier 2024.  Elle a pour cela obtenu la majorité requise lors de la procédure de vote, contrairement à la Fédération de Russie qui a été recalée.  Le Brésil, la France, l’Islande, la Jamaïque, Nauru, le Nigéria, le Portugal, le Royaume-Uni et la Tunisie avaient auparavant été élus par acclamation pour un mandat de trois ans à compter du 1er janvier 2024. 

En outre, il a été décidé que les Pays-Bas termineront le mandat du Danemark, démissionnaire, du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2024, tandis que l’Italie remplacera la Türkiye, également démissionnaire, pour le reste de son mandat allant du 1er janvier 2025 au 31 décembre 2025. 

L’ECOSOC a d’autre part élu par acclamation le Bélarus, la Finlande, la Jamaïque et le Luxembourg à la Commission de la population et du développement pour un mandat de quatre ans qui commencera à la première réunion de la cinquante-huitième session de la Commission en 2024 et prendra fin à la clôture de la soixante-et-unième session en 2028.  Dans la foulée, et toujours par acclamation, le Conseil a élu le Bélarus, la Fédération de Russie, le Japon, Madagascar, le Togo et le Zimbabwe à la Commission du développement social pour un mandat de quatre ans débutant à la première réunion de la soixante-troisième session de la Commission en 2024 et prenant fin à la clôture de la soixante-sixième session en 2028. 

Les représentants des États-Unis et du Royaume-Uni se sont dissociés du consensus sur l’élection du Bélarus et de la Fédération de Russie à la Commission de la population et du développement et du Bélarus à la Commission du développement social, faisant valoir que l’agression militaire russe contre l’Ukraine, qu’appuie le Bélarus, viole le droit international et la Charte des Nations Unies.  Élire l’un ou l’autre de ces deux pays « sape la crédibilité et le travail des deux organes », a souligné le délégué des États-Unis. 

Le Conseil a aussi élu par acclamation l’Algérie, l’Allemagne, l’Arabie saoudite, le Cambodge, la Chine, l’Équateur, les États-Unis, la Fédération de Russie, la Gambie, le Guatemala, le Nigéria, le Pérou, le Royaume-Uni, le Togo, la Türkiye et le Zimbabwe au Groupe de travail intergouvernemental d’experts des normes internationales de comptabilité́ et de publication pour un mandat de trois ans qui commencera le 1er janvier 2024. 

La Chine, le Japon, la Pologne, le Royaume-Uni et la Zambie ont, eux, été élus par acclamation au Conseil d’administration du Programme alimentaire mondial (PAM) pour un mandat de trois ans qui prendra effet le 1er janvier 2024.  La Finlande a également été élue par acclamation, après confirmation de sa désignation par son groupe régional pour remplacer la France, démissionnaire.  Elle siègera du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2024.

Au cours de cette même séance plénière, l’ECOSOC a recommandé à l’Assemblée générale les candidatures de l’Afrique du Sud, de l’Allemagne, de l’Arménie, du Brésil, du Cameroun, de la Côte d’ivoire, des États-Unis, de l’Iran, d’Israël, de l’Italie, du Japon, du Mexique, du Pakistan, du Rwanda, du Royaume-Uni et de l’Uruguay au Comité du programme et de la coordination pour un mandat de trois ans commençant le 1er janvier 2024. 

Par ailleurs, compte tenu de la démission de la France, de l’Irlande, de l’Italie, de la Nouvelle-Zélande et de la Suisse du Conseil d’administration de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), le 31 décembre prochain, la Belgique et la Türkiye ont été désignées pour achever le mandat de l’Irlande et de l’Italie, du 1er janvier 2024 jusqu’au 31 décembre 2024, tandis que l’Australie, le Luxembourg et la Suède termineront le mandat de la France, de la Nouvelle-Zélande et de la Suisse allant du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2025. 

Enfin, l’ECOSOC a élu par acclamation au Conseil de coordinationdu Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) l’Australie, le Burundi et la République islamique d’Iran pour un mandat de trois ans qu’ils entameront à partir du 1er janvier 2024.  La Suède a également été élue pour y siéger à la place de la Suisse, démissionnaire, pour un mandat allant du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2024.  Le Cambodge et l’Inde ont, de leur côté, été élus à ce même organe pour un mandat qui commence le jour de leur élection et court jusqu’au 31 décembre 2025. 

En début de séance, l’ECOSOC a adopté par consensus le projet de décision intitulé « Réunion du Conseil économique et social sur la question du passage de la phase des secours aux activités de développement », en vertu duquel cette réunion se tiendra à Genève avant la session du 20 juin prochain sur les questions humanitaires.  Également entériné par consensus, un autre projet de décision précise que le débat consacré aux affaires humanitaires de la session de 2023 du Conseil aura pour thème « Renforcer l’aide humanitaire à un moment de besoins humanitaires mondiaux inédits: stimuler une transformation et des solutions pour remédier aux problèmes urgents de l’aggravation de l’insécurité́ alimentaire et des risques de famine, de l’intensification des risques en matière de protection et des changements climatiques. »  Le débat, qui comprendra quatre tables rondes, se déroulera du 21 au 23 juin à Genève. 

Le Conseil a également décidé de nommer la Représentante permanente de Saint-Kitts-et-Nevis comme membre supplémentaire du Groupe consultatif ad hoc sur Haïti.  La représentante du Canada a salué cette nomination qui, selon elle, améliorera les perspectives de développement économique futur de Haïti.  Pour finir, l’ECOSOC a recommandé à l’Assemblée générale l’élargissement de la composition du Comité́ exécutif du Programme du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, qui passerait ainsi de 108 à 109 États, avant d’élire l’Angola comme membre de cet organe. 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Commission du désarmement: la Haute-Représentante plaide pour des mesures de confiance destinées à freiner l’érosion du régime de non-prolifération

Session de fond de 2023,
383e, 384e et 385e séances plénières - matin & après-midi
CD/3857

Commission du désarmement: la Haute-Représentante plaide pour des mesures de confiance destinées à freiner l’érosion du régime de non-prolifération

Les appels des États Membres en faveur de l’adoption de mesures de transparence et de confiance ont fusé, ce matin, à l’ouverture de la session 2023 de la Commission du désarmement, sur fond d’érosion du régime de non-prolifération et de risque d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique. 

La montée de la rhétorique nucléaire dangereuse, « trop souvent entendue dans le contexte de la guerre en Ukraine », constitue un rappel alarmant que les risques sont bien réels, a reconnu d’emblée la Haute-Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement, Mme Izumi Nakamitsu.  La concurrence stratégique accrue, le renforcement des armes nucléaires dans les doctrines militaires, les investissements dans le nucléaire et la modernisation des arsenaux par les États « dotés » correspondent selon elle à une « course aux armements qualitative », dans un contexte d’érosion du régime de désarmement, de non-prolifération et de maîtrise des armements.

« Il y a un besoin immédiat de désescalade et de réduction des risques », a ajouté la Haute-Représentante, en s’alarmant de « l’érosion de la confiance » dans le régime du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

Après le lancement de sa guerre d’agression contre l’Ukraine, la Fédération de Russie a rompu le consensus sur le document final de la Conférence d’examen du TNP et, en février de cette année, annoncé la suspension de sa participation au Traité New START, fragilisant d’autant la stabilité nucléaire mondiale, a déploré la Lituanie, au nom des pays baltes.  Moscou continue en outre sa rhétorique nucléaire « menaçante et irresponsable », comme son annonce, le 25 mars dernier, du déploiement d’armes nucléaires sur le territoire du Bélarus. 

L’échec des deux dernières conférences d’examen du TNP nous « plonge dans des eaux inexplorées et dangereuses », a regretté l’Afrique du Sud, et démontre la « profonde hypocrisie » des États dotés d’armes nucléaires qui placent leurs arsenaux hors de tout contrôle alors même qu’ils tentent de dissuader les autres pays d’y recourir pour leur propre sécurité. 

Élu Président de la Commission, M. Akan Rakhmetullin, du Kazakhstan, a toutefois noté les progrès réalisés lors des négociations bilatérales et de la dixième Conférence d’examen du TNP, malgré la détérioration de l’environnement sécuritaire mondial depuis la dernière session de fond de la Commission, notamment du fait du conflit en Ukraine. 

Pour les Philippines, qui s’exprimaient au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), le TNP demeure la pierre angulaire du désarmement nucléaire, de la non-prolifération et de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire.  S’il incombe aux États dotés de s’acquitter de leurs responsabilités en matière de désarmement nucléaire, la réduction des risques nucléaires ne peut se faire aux dépens des obligations en matière de désarmement. 

Les mesures de réduction des risques nucléaires ne constituent en effet qu’une « étape transitoire provisoire » du processus de réalisation des objectifs de désarmement complet, a renchéri El Salvador, tout en précisant qu’elles ne peuvent en aucun cas légitimer la possession voire l’existence même des armes nucléaires.

Les puissances nucléaires doivent en effet prendre des mesures concrètes et quantifiables afin d’assurer le respect de leurs obligations en matière de désarmement au titre du TNP, a fait valoir à son tour l’Indonésie, au nom du Mouvement des pays non alignés.  Comme le Maroc, ce pays a jugé urgente l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant permettant de garantir la protection des États non dotés d’armes nucléaires contre le recours ou la menace de recours aux armes nucléaires. 

La communauté internationale est par ailleurs confrontée à des défis accrus en matière de sécurité des activités spatiales, a observé la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, ce qui pourrait compromettre l’accès et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique par les générations futures.  À cet égard, l’Union européenne a fait valoir que l’adoption de normes, de règles et de principes destinés à rendre plus responsables les comportements spatiaux constitue la voie à suivre pour renforcer la sécurité spatiale collective. 

Une opinion partagée par le Chili qui a reconnu l’importance d’intégrer la question de la transparence et des mesures de confiance aux activités spatiales afin de prévenir une course aux armements.  À cette fin, l’adoption d’instruments juridiquement contraignants permettant d’éviter que l’espace extra-atmosphérique ne serve de « rampe de lancement » pour l’agression et la guerre a reçu l’aval de nombreuses délégations. 

Toutefois, a ajouté Cuba, de telles mesures ne devront pas se substituer aux négociations en vue de parvenir à un instrument juridiquement contraignant interdisant la « mise en orbite d’armes de destruction massive ».  Les ressources spatiales doivent en outre être utilisées à des fins pacifiques, sur un pied d’égalité par tous les pays, afin de faire de l’espace extra-atmosphérique une zone protégée destinée au seul développement scientifique et technologique. 

La Haute-Représentante a souhaité à cet effet que le Sommet sur l’avenir, qui se tiendra en septembre de cette année, puisse contribuer à amorcer un processus permettant d’améliorer l’efficacité du régime juridique applicable dans l’espace afin d’élaborer des mesures susceptibles de prévenir une course aux armements.  Dans l’intérêt de notre sécurité, nous ne pouvons permettre que se poursuive la stagnation du mécanisme multilatéral de désarmement et de non-prolifération, a encore dit Mme Nakamitsu. 

En début de séance, la Commission a adopté son ordre du jour et procédé à l’élection de son bureau.  M. Landry Sibomana (Burundi), Mme Helena Ndapewa Kuzee (Namibie), M. Jatuchatra Chommai (Thaïlande) et M. Timothy O’Sullivan (Australie) ont été élus Vice-Présidents.  M. Sibomana agira également à titre de Rapporteur.  Le Groupe de travail I, consacré aux armes nucléaires, sera présidé par M. Kurt Davis (Jamaïque), et le Groupe de travail II sur l’espace extra-atmosphérique par Mme Szilvia Balázs (Hongrie).

La Commission du désarmement poursuivra ses travaux demain, mardi 4 mars, à partir de 10 heures.

OUVERTURE DE LA SESSION DE FOND DE 2023

Déclaration d’ouverture

Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement, a fait état d’un environnement international caractérisé par un contexte géopolitique instable et une concurrence accrue sur les armements stratégiques.  Selon elle, la montée en puissance de la rhétorique nucléaire dangereuse, « trop souvent entendue dans le contexte de la guerre en Ukraine », est un rappel alarmant que les risques nucléaires sont bien réels.  Parmi les multiples tendances ayant contribué à accroître ces risques, la Haute-Représentante a noté la concurrence stratégique accrue, le renforcement des armes nucléaires dans les doctrines militaires, les investissements dans ce type d’armes et la modernisation de leurs arsenaux par tous les États dotés d’armes nucléaires, ce qui équivaut à ses yeux à une « course aux armements qualitative ».  Les progrès technologiques ont également conduit à l’émergence de technologies sophistiquées sur fond d’érosion du régime de désarmement, de non-prolifération et de maîtrise des armements, fondement de notre sécurité collective. 

L’environnement international difficile et le risque accru que des armes nucléaires soient utilisées, par accident ou par erreur de calcul, exigent une action « urgente et résolue », selon Mme Nakamitsu.  « Il y a un besoin immédiat de désescalade et de réduction des risques », a-t-elle ajouté.  Malgré ces défis, elle s’est dite convaincue que le Traité de non-prolifération (TNP) est la pierre angulaire du régime de désarmement et de non-prolifération nucléaires, tout en s’inquiétant de « l’érosion de la confiance » dans le régime du TNP.  Bien qu’il soit loin d’être parfait, le document final de la dernière Conférence d’examen du TNP a été soutenu par tous les États parties, sauf un, a-t-elle rappelé, et contenait des engagements susceptibles de contribuer à réduire les risques actuels et à faire progresser le désarmement nucléaire.  Elle a en outre trouvé encourageant que les États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires aient pu s’entendre sur un plan d’action ambitieux et une déclaration forte condamnant « toutes les menaces nucléaires, qu’elles soient explicites ou implicites ».

Une note d’orientation sur le Nouvel Agenda pour la paix sera publiée en juin 2023 et éclairera les préparatifs du Sommet de l’avenir qui se tiendra en septembre, a ajouté Mme Nakamitsu.  La communauté internationale est par ailleurs confrontée à des défis accrus en matière de sécurité et de sûreté des activités spatiales, qui pourraient compromettre l’accès et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique par les générations futures.  La Haute-Représentante a souhaité à cet égard que le Sommet puisse contribuer à lancer un processus susceptible de consolider et d’améliorer l’efficacité du régime juridique applicable dans l’espace afin d’élaborer les mesures nécessaires pour prévenir une course aux armements.  Dans l’intérêt de notre sécurité, nous ne pouvons pas permettre que l’érosion du régime de désarmement et de non-prolifération et la stagnation du mécanisme multilatéral de désarmement se poursuivent, a-t-elle exhorté, en invitant les États Membres à s’unir pour le revigorer.

Débat général

Mme MARISKA DWIANTI DHANUTIRTO (Indonésie), qui s’exprimait au nom du Mouvement des pays non alignés, a affirmé la validité absolue de la diplomatie multilatérale dans le domaine du désarmement et de la non-prolifération en tant que principe fondamental de la négociation.  Pour elle, il est urgent que les États dotés d’armes nucléaires rendent des comptes s’agissant du respect de leurs obligations en matière de désarmement au titre du TNP et prennent des mesures concrètes, mesurables et assorties d’un échéancier en matière de désarmement nucléaire.  La représentante a souligné que celui-ci ne doit pas être subordonné à des mesures de confiance, des efforts de non-prolifération ou une prétendue stabilité stratégique.  Elle a jugé urgent de conclure un instrument universel, inconditionnel, non discriminatoire et juridiquement contraignant qui protège effectivement tous les États non dotés d’armes nucléaires contre le recours ou la menace de recours aux armes nucléaires en toutes circonstances.  Le Mouvement souligne également l’importance d’une adhésion universelle au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (CTBT), en particulier par tous les États non dotés d’armes nucléaires, a poursuivi la représentante.  Elle a également souhaité qu’une conférence internationale de haut niveau sur le désarmement nucléaire soit convoquée sous l’égide des Nations Unies. 

Le Mouvement réaffirme aussi le droit inaliénable de chaque État à développer la recherche, la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire, a précisé la représentante.  Celle-ci a demandé que les accords de contrôle de la non-prolifération soient transparents et ouverts à la participation de tous les États et qu’ils n’imposent pas de restrictions à l’accès dont ont besoin les pays en développement.  Elle a fait part de la déception des États Membres du Mouvement face à l’échec consécutif des neuvième et dixième conférences d’examen du TNP à adopter un document final consensuel en dépit de leur engagement constructif.  Insistant sur l’importance de la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, la représentante a exigé qu’en attendant que cela se fasse, Israël renonce à la possession d’armes nucléaires, qu’il adhère au TNP sans condition préalable et sans délai supplémentaire, qu’il place rapidement toutes ses installations nucléaires sous les garanties intégrales de l’AIEA et qu’il mène ses activités nucléaires en conformité avec le régime de non-prolifération.  Elle a invoqué la nécessité d’une volonté politique forte et authentique pour soutenir le mécanisme multilatéral de désarmement, en particulier les négociations au sein de la Conférence du désarmement.

Reconnaissant l’intérêt commun de l’humanité et les droits souverains légitimes de tous les États à l’exploration et à l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins exclusivement pacifiques, la représentante du Mouvement s’est dite gravement préoccupée par son éventuelle militarisation.  Il est donc urgent d’entamer des négociations de fond à la Conférence du désarmement sur un instrument juridiquement contraignant et vérifiable au niveau multilatéral sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace, a-t-elle estimé, y compris l’interdiction de placer des armes dans l’espace et l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force contre des objets spatiaux.  En attendant, elle a demandé aux États de s’abstenir de toute mesure unilatérale contraire au droit international susceptible d’entraver ou d’empêcher les activités spatiales menées à des fins pacifiques par les pays en développement, ainsi que la mise en œuvre intégrale, effective et non discriminatoire des principes et traités régissant le droit international de l’espace. 

M. ANTONIO M. LAGDAMEO (Philippines), s’exprimant au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, a déclaré que l’architecture mondiale de paix et de sécurité est confrontée à des tensions accrues entre grandes puissances, à la modernisation des arsenaux nucléaires, à l’accélération de la course aux armements et aux conflits en cours dans différentes parties du monde.  L’ASEAN reste pleinement attachée au renforcement du multilatéralisme et à l’amélioration de la coopération internationale afin de parvenir à la paix et à la sécurité mondiales.  Le représentant a réaffirmé son soutien aux efforts internationaux visant à parvenir à un monde exempt d’armes nucléaires ainsi que son opposition aux essais nucléaires, tout en soulignant l’importance de parvenir à une adhésion universelle au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. 

Pour l’ASEAN, le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) est la pierre angulaire du désarmement nucléaire, de la non-prolifération et de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, a poursuivi le délégué.  À cet égard, il s’est dit déçu des échecs répétés des dernières conférences d’examen du TNP à adopter un document final consensuel.  Dans l’intervalle, il a demandé aux États dotés d’armes nucléaires de s’acquitter dans la plus grande transparence de leurs obligations en matière de désarmement nucléaire.  L’ASEAN réaffirme en outre son engagement à préserver la région en tant que zone exempte d’armes nucléaires et d’armes de destruction massive.  Toutefois, a ajouté le représentant, la réduction des risques nucléaires ne doit pas nuire au respect des obligations en matière de désarmement nucléaire.  Le délégué a réaffirmé le droit inaliénable des États à l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, en particulier pour leur développement économique et social, ainsi qu’à l’accès à l’espace extra-atmosphérique.  Pour sa part, le Réseau des organismes de réglementation de l’énergie atomique de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEANTOM) concentre ses efforts sur le renforcement de la coopération entre les organismes de réglementation nucléaire et du respect des garanties nucléaires dans la région, tout en renforçant sa coopération avec l’AIEA.  Les activités dans l’espace extra-atmosphérique ne doivent pas rester l’apanage exclusif d’un petit groupe d’États, a-t-il argué, en appelant au renforcement des capacités dans les pays en développement.

Prenant la parole au nom du Groupe des États arabes, Mme JEANNE MRAD (Liban) a déclaré que la paix, la stabilité et la sécurité dans le monde ne sauraient être atteintes sans l’élimination totale et irréversible des armes nucléaires et des armes de destruction massive.  Elle s’est dite déçue de l’insuffisance des progrès réalisés en matière de désarmement nucléaire.  Elle a jugé essentiel que soit créée au Moyen-Orient une zone exempte d’armes nucléaires, dénonçant le refus d’Israël d’adhérer aux accords de garanties de l’AIEA.  Ce pays ne doit pas non plus poser des conditions préalables à cette adhésion pour que l’AIEA puisse avoir accès à ses infrastructures nucléaires.  La déléguée a par ailleurs déploré que les dernières conférences d’examen du TNP se soient soldées par des échecs, plaçant la communauté internationale face à ses responsabilités en matière de désarmement nucléaire. 

Le Groupe s’est dit très attaché à la mise en œuvre du TICE, a indiqué la représentante, en appelant tous les États qui ne l’ont pas encore fait à le ratifier.  En tout état de cause, il est impératif de reprendre les négociations permettant de fournir des garanties contre l’utilisation ou la menace d’utiliser des armes nucléaires en toute circonstance, des garanties qui ne peuvent en aucun cas constituer une alternative au désarmement nucléaire à proprement parler.  Cette session donne l’occasion de formuler des recommandations claires à cet égard, s’est félicitée la déléguée.  Pour ce qui est de la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique, la représentante a souligné l’importance des mesures de confiance, plaidant aussi pour la ratification d’un traité universel.  Elle a en conclusion insisté sur l’importance du transfert de technologies dans l’espace extra-atmosphérique, de l’assistance technique et du renforcement des capacités des pays en développement. 

Mme NATACHA TOLSTOI, de l’Union européenne, a souligné que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) est et demeure la pierre angulaire du régime international de désarmement et de non-prolifération nucléaires, et ce en dépit de l’échec de la dernière Conférence d’examen dudit Traité imputable à la politique d’opposition systématique au consensus de la Russie.  Elle a rappelé que les obligations juridiquement contraignantes incombant aux parties au TNP et les engagements pris lors des précédentes conférences d’examen « restent en effet valables ».  Ainsi a-t-elle indiqué que l’UE attend avec intérêt de poursuivre les discussions dans le cadre du Groupe de travail sur le désarmement nucléaire de la Commission, lesquelles pourraient contribuer à la restauration de l’autorité du Traité.  Après avoir condamné la rhétorique nucléaire toujours plus menaçante de la Russie et les annonces de déploiement potentiel d’armes nucléaires russes au Bélarus, Mme Tolstoï a exhorté Moscou à reprendre la mise en œuvre de toutes ses obligations au titre du nouveau Traité de réduction des armements stratégiques américano russe (New START).  Elle a, en outre, appelé la Chine à faire preuve de davantage de transparence concernant son programme nucléaire et la RPDC à respecter les résolutions du Conseil de sécurité en prenant sans délais des mesures visant à poursuivre la dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible de la péninsule coréenne. 

L’intervenante a ensuite rappelé les éléments fondamentaux de la stratégie européenne en matière de défense spatiale.  Sur ses principes de base, elle a notamment indiqué qu’à travers elle, l’UE entend renforcer son rôle de puissance spatiale mondiale en protégeant mieux les systèmes et services spatiaux et en contrant toute action périlleuse entreprise dans l’espace extraatmosphérique.  Et en communiquant de manière ouverte et transparente sur sa stratégie spatiale, les États membres de l’Union européenne entendent également renforcer leur confiance dans l’intérêt supérieur d’une protection de ce patrimoine commun de l’humanité, a-t-elle ajouté.  Mme Tolstoï a expliqué que l’établissement de normes, de règles et de principes pour rendre plus responsables les comportements spatiaux est la voie réaliste à suivre pour renforcer la sécurité collective spatiale et réduire les menaces pesant contre les systèmes spatiaux.  Le rapport du Groupe de travail qui sera soumis à l’Assemblée générale à sa prochaine session devra offrir une définition commune des comportements spatiaux responsables et, partant, proposer les premières préconisations multilatérales en termes de normes, de règles et de principes, a-t-elle rappelé.  Elle a appelé chaque État Membre à faire une contribution constructive au processus de délibérations de la Commission au cours des trois prochaines semaines. 

S’exprimant au nom des pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanie) a constaté que depuis la session 2023, la situation sécuritaire au niveau international a continué de se détériorer considérablement.  Ainsi, depuis plus d’un an, la Russie continue de mener sa guerre d’agression illégale contre l’Ukraine, en violation flagrante de ses obligations en vertu du droit international, y compris la Charte des Nations Unies.  Le représentant a condamné dans les termes les plus fermes ces attaques non provoquées, illégales et cette guerre d’agression à grande échelle contre l’Ukraine.  Il a également rappelé qu’en août dernier, la Russie a rompu le consensus sur le document final de la Conférence d’examen du TNP.  Et en février de cette année, elle a annoncé la suspension de sa participation au Traité New START, fragilisant ainsi la stabilité nucléaire au niveau mondial.  De même, a-t-il regretté, Moscou continue de brandir une rhétorique nucléaire menaçante, irresponsable et dangereuse, avec comme dernier développement sa déclaration en date du 25 mars relative à ses projets de déployer des armes nucléaires sur le territoire du Bélarus.  Pour le délégué, cette annonce représente une nouvelle provocation imprudente et accroît la menace déjà sérieuse que la Russie fait peser sur la sécurité européenne et mondiale.  Elle va également à l’encontre de l’engagement du Bélarus dans le Mémorandum de Budapest, a-t-il ajouté.  Le représentant a donc appelé Moscou à revenir sur cette décision, à respecter tous ses engagements et à se conformer totalement aux dispositions du New START.

En outre, le délégué a appelé la RPDC à mettre en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, à renoncer à tous ses programmes de missiles balistiques et nucléaires de manière complète, vérifiable et irréversible, et de privilégier la diplomatie.  Il s’est aussi dit gravement préoccupé par le fait que l’Iran s’éloigne davantage des engagements pris dans le cadre du Plan d’action global commun.  Il a enfin souligné l’importance du nouveau cycle d’examen du TNP qui est sur le point de débuter à Vienne. 

M. GERARDO PEÑALVER (Cuba) a souhaité qu’à l’issue des travaux de la Commission, les recommandations en matière de désarmement nucléaire formulées par le Mouvement des pays non alignés soient prises en compte, puisqu’elles expriment, a-t-il dit, « les aspirations des deux tiers des États Membres des Nations Unies ».  À ce propos, il a mis l’accent sur la demande répétée des pays membres du Mouvement des pays non alignés que les États dotés d’armes nucléaires respectent leurs obligations juridiquement contraignantes au titre de l’article VI du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires relatives à l’élimination de leurs arsenaux.  Celles-ci sont la voie à suivre pour parvenir à l’élimination complète et irréversible des armes nucléaires, notre objectif commun étant la réalisation d’un monde exempt de ces armes, a-t-il rappelé.  Il a également déploré la défense par les États dotés de leurs doctrines de dissuasion, doctrines qu’il a qualifiées de moyen caché pour poursuivre la modernisation de leurs arsenaux.  Le délégué cubain a ensuite rappelé l’engagement de la majorité des États Membres d’éviter une course aux armements dans l’espace par le biais de mesures de confiance qui, en aucun cas, « ne devront toutefois se substituer au lancement de négociations devant donner lieu à un instrument juridiquement contraignant pour interdire la mise en orbite d’armes de destruction massive ».  Il a répété que les ressources spatiales doivent être utilisées à des fins pacifiques sur un pied d’égalité par tous les pays, lesquels doivent assurer ensemble que l’espace extra-atmosphérique est une zone protégée destinée au seul développement scientifique et technologique. 

M. MAHMOUD DAIFALLAH HMOUD (Jordanie) s’est dit préoccupé de l’absence de progrès tangibles en matière de non-prolifération et de la mise en œuvre des engagements pris au titre du TNP.  Il a regretté l’échec du régime de désarmement et de non-prolifération de ces dernières années, précisant que la Jordanie appuie tous les efforts internationaux déployés dans ce cadre.  Le succès de cette session de la Commission du désarmement lui semble d’autant plus nécessaire à la lumière des échecs successifs pour adopter un document final lors des deux dernières conférences d’examen du TNP.  La Jordanie appelle tous les États parties des Nations Unies à se rallier à la Conférence sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient et à appuyer les efforts des nations de la région en vue d’un traité juridiquement contraignant.  Le représentant a réitéré l’invitation adressée à Israël de participer à la prochaine conférence relative à cette question sans conditions préalables, afin de faire du Moyen-Orient une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive.  Il a également plaidé pour l’élaboration d’un traité international visant à interdire toutes les utilisations non pacifiques de l’espace extra-atmosphérique.

M. XOLISA MFUNDISO MABHONGO (Afrique du Sud) a invité les délégations à faire tout leur possible pour relancer et renforcer le travail de la Commission du désarmement.  Il a constaté que le TNP est également dans une situation désastreuse et a besoin d’être revitalisé.  En 2022, a-t-il rappelé, nous avons assisté au premier échec consécutif de deux conférences d’examen du TNP, ce qui nous plonge dans des eaux inexplorées et dangereuses et nous rappelle jusqu’où les États dotés d’armes nucléaires (EDAN) sont prêts à aller pour placer leurs arsenaux à l’abris des contrôles.  Il a fustigé la profonde hypocrisie qui tente de justifier la possession d’armes nucléaires par des doctrines de dissuasion absurdes, tout en essayant de dissuader les autres de recourir à ces instruments catastrophiques pour leur propre sécurité.  Il a aussi dénoncé les soi-disant États parapluies, qui bénéficient de la protection nucléaire d’États dotés, les invitant de cesser de se cacher derrière la couverture de ces derniers. 

Le représentant a estimé que la guerre en Ukraine devrait servir de plateforme pour l’appel à l’interdiction totale d’utilisation d’armes nucléaires.  Il a appelé tous les États à signer et ratifier sans délai le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.  Il a aussi invité les États de l’annexe 2 du TICE à signer et ratifier sans plus tarder ledit Traité.  La réduction des risques ne peut pas et ne doit pas se substituer à de véritables efforts de désarmement nucléaire, a-t-il insisté.  Il a enfin appelé à des mesures de transparence et de confiance non juridiquement contraignantes en rapport avec les activités dans l’espace extra-atmosphérique. 

Mme CAROLYN RODRIGUES BIRKETT (Guyana) a rappelé le devoir et l’obligation pour chacun des États Membres de progresser vers l’abolition des armes nucléaires.  Elle a dit être profondément préoccupée par la menace continue de l’emploi et la menace du recours aux armes nucléaires.  La représentante a exhorté les délégations à renouveler leur engagement en faveur de la mise en œuvre des engagements en matière de désarmement nucléaire, conduisant à l’élimination totale et complète des armes nucléaires par des actions concrètes, mesurables et assorties de délais, et à travailler ensemble dans tous les cadres multilatéraux existants pour préserver la paix et sécurité.  Elle a appuyé l’universalisation et la mise en œuvre effective du Traité d’interdiction complète des armes nucléaires (TICE).  La déléguée a en outre encouragé tous les États qui ne l’ont pas encore fait à le ratifier et à enrayer le recul accusé sur la question du désarmement nucléaire.  Les mesures de transparence et de confiance dans les activités spatiales sont essentielles pour renforcer la sûreté, la viabilité et la sécurité des opérations spatiales quotidiennes et contribuent au développement d’une compréhension mutuelle s’agissant des activités dans l’espace extra-atmosphérique, a encore ajouté la représentante.  Il faut, a-t-elle dit, respecter les accords existants de limitation des armements et de désarmement dans l’espace extra-atmosphérique, notamment les accords bilatéraux, et du régime juridique existant relatif à l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique.

Mme BENEDICTA KRISTANTI (Indonésie) a souligné l’importance d’une volonté politique forte pour atteindre l’objectif du désarmement.  Les États dotés ont la responsabilité d’avancer vers le désarmement nucléaire, a-t-elle noté, et d’autres mesures doivent être prises par les États Membres afin de ne plus accueillir d’armes nucléaires sur leur territoire.  Nous devons en outre veiller à ce que l’espace ne soit utilisé et exploré qu’à des fins pacifiques, dans l’intérêt de l’ensemble de l’humanité.  Davantage de transparence et de mesures de confiance dans l’espace sont cependant nécessaires pour éviter tout conflit et paver la voie vers l’adoption d’un instrument juridiquement contraignant dans l’espace extra-atmosphérique, a-t-elle estimé. 

M. AHMAD FAISAL MUHAMAD (Malaisie) s’est dit préoccupé par la poursuite sans relâche de l’amélioration et l’augmentation des armes nucléaires, avertissant que la persistance des armes nucléaires dans les doctrines et politiques militaires et de sécurité d’un groupe restreint d’États met en péril l’avenir de tous.  Il a regretté l’échec consécutif des neuvième et dixième conférences d’examen du TNP à parvenir à un résultat substantiel.  « Le TNP est en crise », s’est-il inquiété, appelant à redoubler d’efforts pour garantir la mise en œuvre intégrale et effective de toutes les obligations et engagements qui en découlent, en particulier ceux qui ont trait au désarmement nucléaire.  Bien qu’il n’ait pas été adopté, le projet de document final de la dixième Conférence d’examen du TNP pourrait constituer une bonne base pour la poursuite des délibérations entre les États parties, a-t-il fait valoir. 

Poursuivant, le représentant a affirmé que le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires est pleinement compatible et complémentaire avec le TNP et d’autres instruments de l’architecture mondiale du désarmement.  Il a également estimé que dans le contexte mondial actuel, on ne saurait trop insister sur la nécessité de créer des zones exemptes d’armes nucléaires, jugeant urgent, dans sa propre région, de régler toutes les questions en suspens relatives à la signature et à la ratification par les EDAN du protocole du Traité sur la zone exempte d’armes nucléaires de l’Asie du Sud-Est.  À ce sujet, il s’est dit préoccupé par la situation dans la péninsule coréenne, et a demandé à la République populaire démocratique de Corée de cesser immédiatement ses programmes d’armes nucléaires et de missiles balistiques.  Il a par ailleurs fait part de son soutien au rétablissement et à la poursuite de la mise en œuvre du Plan d’action global commun (PAGC), appelant ensuite à éviter une course aux armements dans l’espace.

M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a déploré à son tour l’échec de la dernière Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, une occasion manquée de « circonscrire les nouvelles menaces et d’avancer dans la réalisation de l’élimination des arsenaux des États dotés d’armes nucléaires ».  À cette aune, il a jugé nécessaire qu’en vue de la tenue cette année du comité préparatoire à la prochaine conférence d’examen du Traité, la Commission propose en fin de session un document comportant des recommandations décisives sur les questions importantes dont sont saisis les États Membres.  Le représentant a en outre souligné l’importance d’avancer dans l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, un projet porté depuis 1995 par son pays, et dans le cadre du processus de négociations en cours à New York depuis 2019.  Concernant la prévention d’une course aux armements dans l’espace, l’Égypte est d’avis que seul un instrument juridiquement contraignant, découlant des travaux du groupe d’experts gouvernementaux et du groupe de travail dédiés, permettra de sécuriser l’espace extra-atmosphérique et d’en permettre une utilisation à des fins pacifiques par tous les pays sur un pied d’égalité. 

Mme PAULA NARVÁEZ OJEDA (Chili) a réitéré son attachement au principe de l’indivisibilité de la sécurité internationale, selon lequel tous les États ont la responsabilité partagée de contribuer à la consolidation d’un ordre international fondé sur la coopération et régi par des règles.  Elle s’est toutefois inquiétée de la détérioration du régime de contrôle des armements construit au fil des décennies.  Un dialogue sur la sécurité stratégique entre les États nucléaires est à ses yeux urgent afin de permettre des relations stables et prévisibles, renforçant la transparence et générant la confiance.  Il est donc essentiel que les débats de la Commission débouchent sur des recommandations de fond.  Le maintien de la paix et de la sécurité internationales sans recourir à la dissuasion nucléaire constitue selon elle un « impératif éthique », un objectif réalisable et conforme au système de protection des droits de l’homme.  Estimant que le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires est sur la bonne voie, la représentante a appelé les États dotés de l’arme nucléaire à accélérer le désarmement et à ne pas participer à une course aux armements « sans raison d’être ».

Le Chili reconnaît par ailleurs l’importance d’intégrer la question de la transparence et des mesures de confiance aux activités spatiales afin de prévenir une course aux armements.  À cette fin, sa déléguée a appelé à la mise en place de normes, règles et principes de comportement responsable face aux menaces des États contre les systèmes spatiaux, y compris, le cas échéant, la négociation d’instruments juridiquement contraignants s’y rapportant.  Les comportements hostiles menant à des perturbations des systèmes spatiaux, avec un risque élevé d’escalade, peuvent selon elle entraîner des conséquences sécuritaires néfastes.  Selon la représentante, la menace principale provient toutefois du placement d’armes dans l’espace extra-atmosphérique, qui ne peut devenir une rampe de lancement pour l’agression et la guerre. 

Mme BERENICE LOW (Singapour) a appelé les États Membres à renouveler leur engagement envers le TNP, marquant sa préoccupation face à l’échec, en août 2022, de la Conférence d’examen d’adopter un document final et ce, pour la deuxième fois consécutive.  Des efforts concertés doivent être déployés pour surmonter les divisions et les méfiances entre les États dotés et les États non dotés d’armes nucléaires, ainsi qu’entre les États dotés, a-t-elle estimé.  Elle a également exhorté l’ensemble des États Membres à faire preuve d’une ferme volonté politique à honorer leurs engagements en matière de désarmement nucléaire et de non-prolifération.  De même, la représentante a appelé à redoubler d’efforts pour assurer l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, exhortant les huit États restants de l’annexe 2 à le ratifier dès que possible.  Elle a estimé que la création de zones exemptes d’armes nucléaires représente un élément de base utile pour créer un monde exempt d’armes nucléaires et a assuré que son gouvernement continuera de travailler de près avec ses partenaires au sein de l’ASEAN pour parvenir à la ratification sans réserve, par les États dotés, du Traité sur la zone exempte d’armes nucléaires de l’Asie du Sud-Est.  La déléguée a par ailleurs insisté sur l’importance de mener de nouvelles discussions sur un cadre international ouvert et inclusif pour assurer la sécurité et la durabilité à long terme de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique.

M. SURIYA CHINDAWONGSE (Thaïlande) a regretté que la Conférence d’examen du TNP ne soit pas parvenue à adopter un document consensuel, avertissant que cet échec ne doit pas devenir la nouvelle norme.  Il a exhorté les États Membres, et en premier lieu les EDAM, à honorer leurs obligations en vertu du Traité.  Il s’est félicité de l’entrée en vigueur du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, ainsi que de l’Initiative de Stockholm pour le désarmement nucléaire, exhortant par ailleurs les EDAN à progresser vers leur ratification du protocole du Traité sur la zone exempte d’armes nucléaires de l’Asie du Sud-Est.  Le représentant a ensuite appelé à la mise en œuvre pratique des Mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales dans le but de prévenir une course à l’armement dans l’espace.

M. LUIS UGARELLI (Pérou) a averti que le scénario d’une guerre nucléaire en Europe, bien qu’extrême, demeure une possibilité.  Il a souligné que l’existence d’armes nucléaires et les politiques de dissuasion nucléaire sont problématiques, notamment si l’on considère que, volontairement ou accidentellement, une catastrophe peut arriver.  De ce fait, a-t-il dit, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, dont le Pérou est partie, est la voie à suivre dans le processus d’élimination totale des armes nucléaires.  Après avoir rappelé l’importance du Traité de Tlatelolco, le représentant a jugé essentiel que les États nucléaires fournissent des garanties de sécurité contre l’emploi ou la menace d’emploi d’armes nucléaires.  Il a aussi appelé à l’entrée en vigueur du TICE. 

Notant que l’espace extra-atmosphérique est devenu le site d’une concurrence mondiale, il a jugé essentiel de soutenir le lancement de négociations pour conclure et approuver un instrument international juridiquement contraignant afin de garantir son utilisation pacifique et prévenir une course aux armements.  Il a aussi plaidé pour des mesures de transparence et de confiance comme étapes intermédiaires à un régime juridique afin de permettre à tous de profiter de la technologie spatiale et d’assurer la sécurité et le développement des nations.

M. MD MONWAR HOSSAIN (Bangladesh) a dit compter sur la bonne foi et la volonté politique des États dotés d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive pour que la Commission puisse transmettre cette année, « pour la première fois depuis des décennies », des recommandations à l’Assemblée générale.  À ceux-ci, il a également demandé de revoir leur position à l’égard du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, un instrument qu’ils ne reconnaissent pas en dépit de son caractère complémentaire avec le TNP.  Il a indiqué que c’est fort de cette conviction que son pays a participé activement, en 2022, à Vienne, à la première Conférence des États parties à ce traité doté d’un important volet humanitaire.  Le représentant a également rappelé le droit inaliénable des pays adhérents aux utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire dans le cadre de l’Agence internationale de l’énergie atomique.  Concernant les autres instruments du désarmement multilatéral, le délégué a notamment plaidé pour l’universalisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, nécessaire à son entrée en vigueur, ainsi que pour la revitalisation de la Conférence du désarmement, où doit être négocié sans délais un traité interdisant la production de matières fissiles à des fins militaires.  En conclusion, il a réaffirmé son attachement à la création d’un instrument juridiquement contraignant de prévention d’une course aux armements dans l’espace. 

M. OMAR KADIRI (Maroc) a déclaré que tous les pays ont le devoir de veiller à l’application rigoureuse de tous les traités internationaux en matière de désarmement, notamment le TNP.  Il a reconnu le rôle clef de la diplomatie multilatérale dans le domaine du désarmement et de la non-prolifération, défis mondiaux majeurs nécessitant selon lui des efforts collectifs et consolidés de la part de la communauté internationale.  Les zones exemptes d’armes nucléaires et de destruction massive constituent par ailleurs des objectifs majeurs au niveau régional, notamment au Moyen-Orient, a estimé le représentant qui a rappelé la ratification par le Maroc du Traité de Pelindaba, qui vise à établir une zone exempte d’armes nucléaires en Afrique.  Pour le représentant, la résolution 77/47 de l’Assemblée générale pourrait fournir une feuille de route concrète pour atteindre l’objectif du désarmement nucléaire en favorisant la conclusion d’une convention globale sur les armes nucléaires.  Le délégué s’est par ailleurs dit convaincu que la coopération régionale est essentielle pour lutter contre le commerce illicite des armes classiques qui continue d’exacerber l’instabilité en Afrique et d’alimenter le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, notamment au Sahel.  Les mesures de confiance dans l’espace sont en outre primordiales pour favoriser la stabilité des activités spatiales en réduisant les risques de malentendus et de conflits, a-t-il noté. 

M. CARLOS AMORÍN (Uruguay) a estimé que la seule garantie efficace contre l’emploi d’armes nucléaires ou la menace de leur emploi est leur interdiction totale et leur élimination de manière transparente, vérifiable et irréversible.  Il a demandé aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité de respecter leur déclaration du 3 janvier 2022 s’engageant à éviter la guerre entre États détenteurs d’armes nucléaires et à préserver et respecter les accords bilatéraux et les engagements multilatéraux en matière de non-prolifération, de désarmement et de maîtrise des armements.  L’Uruguay, a ajouté le délégué, est déçu que le consensus n’ait pas prévalu lors de la Conférence d’examen du TNP de l’année dernière.  Soulignant en outre l’importance de créer des zones exemptes d’armes nucléaires, le délégué a invité les autres régions du monde à s’inspirer du Traité de Tlatelolco, qui fête cette année son cinquante-sixième anniversaire. 

L’Uruguay appuie l’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques, conformément aux buts et principes de la Charte des Nations Unies.  À cet égard, il faut élaborer un instrument contraignant pour prévenir et interdire la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.  À cette fin, les recommandations du Groupe d’experts gouvernementaux sur la cybersécurité constituent une bonne base pour les délibérations sur ce sujet, a noté le délégué avant de dire qu’il faut adopter des mesures internationales visant à renforcer la transparence et la confiance dans les activités spatiales. 

Mme ANA MARICELA ÁVILA BECERRIL (Costa Rica), appelant à éviter une impasse sur le désarmement nucléaire, a regretté que la dernière Conférence d’examen du TNP ait échoué à adopter un document final consensuel.  Elle a salué l’issue de la première réunion des États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, appelant ensuite à saisir l’occasion de cette session de la Commission du désarmement pour restaurer sa crédibilité et progresser sur la voie du désarmement nucléaire en développant des mécanismes de renforcement de la confiance mutuelle.  Elle a engagé les États à faire de cette commission un espace de dialogue constructif afin de parvenir à une compréhension commune. 

Tout comme un incident nucléaire entraînerait des conséquences mondiales, une catastrophe dans l’espace nous affecterait tous, a-t-elle poursuivi en plaidant en faveur du dialogue et de l’instauration d’un climat de confiance, notamment au sein du Groupe de travail.  Ce dialogue doit également faire face aux profondes transformations et aux nouvelles réalités que connaît le paysage spatial, a-t-elle noté, avec de nouveaux acteurs qui ne sont pas exclusivement des États, mais aussi des acteurs privés, universitaires et non gouvernementaux.  Il appartient aux États de garder à l’esprit les préoccupations de ces acteurs qui n’ont pas de siège à la table des discussions, a fait valoir la représentante.

M. SARMAD MUWAFAQ MOHAMMED AL-TAIE (Iraq) a dit sa préoccupation devant l’existence d’armes nucléaires et la possibilité de leur emploi ou la menace d’y recourir.  Il a aussi dénoncé la hausse des dépenses militaires consacrées aux armes nucléaires, qui va de pair avec l’absence continue de progrès tangibles dans le désarmement nucléaire, comme en témoigne l’échec récent de l’adoption d’un document final de la dixième Conférence d’examen du TNP.  Il a appelé à la création, dans les plus brefs délais, d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.  Il a rappelé qu’Israël est le seul pays de la région dont les installations militaires ne font pas l’objet de surveillance de l’AIEA.  Le représentant a appelé à l’universalité de toutes les conventions et traités sur les armes de destruction massive, en particulier les armes nucléaires.  À cet égard, il a invité tous les États à signer ou ratifier le TICE, en particulier ceux indiqués dans l’annexe 2 du Traité.  Par ailleurs, il a estimé que l’espace extra-atmosphérique est partagé par l’humanité et devrait rester un héritage à explorer à des fins pacifiques pour tous.  Le délégué s’est donc dit opposé au déploiement d’armes à des fins défensives ou offensives dans l’espace extra-atmosphérique, ainsi qu’à toute course aux armements.

Mme NOHRA QUINTERO-CORREA (Colombie) a demandé des mesures urgentes et efficaces pour l’élimination complète des armes nucléaires conformément au TNP, regrettant l’échec des deux dernières conférences d’examen.  Elle a appelé à diminuer le rôle et l’importance des armes nucléaires dans les doctrines militaires et les politiques de sécurité.  Un dialogue renouvelé est nécessaire à cet égard, a suggéré la déléguée, insistant en outre sur l’obligation juridique d’un désarmement nucléaire général et complet.  En ce qui concerne la non-prolifération, il est nécessaire de renforcer le système de garanties et de vérification nucléaires et de promouvoir son universalisation.  La représentante a également relevé que la création de nouvelles zones exemptes d’armes nucléaires, et la consolidation de celles existantes sont une mesure importante pour contrer le risque de prolifération et contribuer au désarmement. 

Poursuivant, la représentante a voulu que tous les États puissent accéder aux avantages des technologies spatiales grâce à un cadre réglementaire international actualisé.  La Colombie est attachée à l’utilisation et à l’exploration de l’espace extra-atmosphérique à des fins exclusivement pacifiques, a fait savoir l’oratrice qui a appelé à garantir la viabilité à long terme des activités spatiales.  Préoccupée par les dangers des débris spatiaux, notamment ceux qui utilisent l’énergie nucléaire, elle a fait part de son appui à un instrument juridiquement contraignant qui permette de clarifier la responsabilité des pays en cas de collisions d’engins spatiaux. 

Mme JULIA RODRIGUEZ ACOSTA (El Salvador) a demandé aux États Membres qui ne l’ont pas encore fait de signer l’architecture internationale de désarmement.  S’agissant des mesures de réduction des risques nucléaires, la représentante a soutenu qu’il s’agit d’une étape transitoire provisoire pendant que le processus de réalisation des objectifs de désarmement complet se poursuit, tout en précisant qu’elles ne sauraient se substituer à l’obligation des États dotés de respecter leurs engagements en matière de désarmement et ne peuvent en aucun cas légitimer la possession voire l’existence même d’armes nucléaires.

En ce qui concerne les mesures de transparence et de confiance visant à prévenir une course aux armements dans l’espace, la déléguée a réaffirmé la nécessité de veiller à ce que l’espace extra-atmosphérique demeure un environnement pacifique, sûr et durable pour le bénéfice de tous.  À cette fin, elle a joint sa voix aux pays qui réclament la négociation rapide d’un instrument juridiquement contraignant.  Elle a salué les discussions en cours sur les mesures de transparence et de renforcement de la confiance, qui visent à prévenir les erreurs de calcul et à réduire les perceptions erronées.  Elle a également jugé positives les déclarations des États dotés selon lesquelles ils ne seront pas les premiers à placer des armes dans l’espace.  De même, l’adoption de la résolution 77/41 de l’Assemblée générale sur les essais destructifs de missiles antisatellites à ascension directe marque selon elle un pas en avant important. 

M. MUHAMMAD ZAYYANU BANDIYA (Nigéria) a exhorté les États dotés à faire preuve de volonté politique et de flexibilité rappelant leur obligation en matière de désarmement nucléaire.  Le représentant a rappelé que selon la Cour internationale de Justice (CIJ), les États ont l’obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à bien les négociations sur le désarmement nucléaire.  Il s’est inquiété de l’augmentation des dépenses militaires mondiales, même avant la guerre en Ukraine, et du non-respect par les États dotés du régime de non-prolifération.  Il a rappelé que selon la CIJ, la menace ou l’emploi d’armes nucléaires constitue un crime contre l’humanité. 

Il a regretté l’échec des neuvième et dixième conférences d’examen du TNP à adopter un document final, et a insisté sur l’importance de respecter les engagements pris lors des conférences d’examen de 1995, 2000 et 2010.  Une conférence internationale de haut niveau sur le désarmement nucléaire devrait être convoquée, a plaidé l’orateur.  Il a appelé à une utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique, notant que la technologie spatiale a l’immense potentiel de profiter tant aux pays développés qu’aux pays en développement.  Il est donc nécessaire de promouvoir un accès égal et non discriminatoire à l’espace extra-atmosphérique et d’y prévenir la course aux armements par le biais d’un instrument juridiquement contraignant à cet égard. 

Mme MARÍA DEL CARMEN SQUEFF (Argentine) a estimé qu’afin que les négociations sur la non-prolifération prospèrent, il faut que les pays dotés y prennent part, et que des mesures soient prises afin de renforcer le régime de vérification et consolider les acquis.  Elle a exhorté les pays dotés à respecter les préceptes du TNP et à se conformer pleinement à leurs obligations en vertu du Traité.  La représentante a souligné que l’Argentine dispose d’un important programme nucléaire depuis plus de sept décennies au cours desquelles le pays a clairement démontré la vocation pacifique dudit programme.  Elle a également rappelé la signature du Traité de Tlatelolco en 1967 qui a établi la première zone exempte d’armes nucléaires dans une région densément peuplée.  L’Argentine et le Brésil ont en outre créé, en 1991, une agence commune de contrôle des matières nucléaires, renforçant ainsi la vocation de non-prolifération de la région d’Amérique latine et des Caraïbes.  La représentante a ensuite appelé à la non-militarisation de l’espace extra-atmosphérique, et a soutenu la négociation d’un traité interdisant le placement d’armes dans l’espace. 

Pour M. MITCHELL FIFIELD (Australie), la Commission est un mécanisme important pour rapprocher le monde du désarmement nucléaire.  Il faut chercher à progresser, a-t-il insisté, en dépit de l’échec de la Conférence d’examen du TNP.  C’est d’autant plus important à la lumière des défis actuels.  Le représentant a dénoncé le non-respect par la Russie du traité New START, jugeant qu’il est plus que jamais important de mettre en œuvre des mesures pratiques de réduction des risques nucléaires.  Il a rappelé que le mois dernier, son pays a organisé l’atelier de l’ASEAN sur cette question, en partenariat avec les Philippines.  Dans ce cadre, un document d’orientation a été élaboré qui doit maintenant être approuvé au niveau ministériel.  S’agissant de la menace spatiale, le représentant a appelé à des résultats consensuels au sein du Groupe de travail 2, y compris sur les normes et les règles facultatives en faveur de la transparence dans les activités spatiales.  Il a conclu, en insistant sur le fait qu’il n’a jamais été plus important pour la Commission du désarmement de parvenir à un résultat positif.

Mme SOPHEA EAT (Cambodge) a souligné qu’au niveau régional, le Cambodge reste fermement attaché au respect du Traité sur la zone exempte d’armes nucléaires de l’Asie du Sud-Est.  Au niveau national, a-t-elle ajouté, l’article 54 de la Constitution cambodgienne interdit la fabrication, l’utilisation et le stockage d’armes nucléaires, chimiques ou biologiques.  Par ailleurs, la représentante a fait remarquer que son pays, avec le soutien du Bureau des affaires de désarmement, a organisé avec succès cette année un atelier national pour sensibiliser les décideurs politiques aux enjeux de la résolution 1540 (2004) du Conseil de sécurité sur la non-prolifération des armes de destruction massive.  En vue des délibérations qui attendent les délégations au cours des trois prochaines semaines, la représentante a appelé ses homologues à réaffirmer leurs engagements fermes en faveur de la diplomatie du désarmement afin qu’il soit proposé, à l’issue de la session, des recommandations consensuelles pour résoudre les différends et réduire les tensions géostratégiques. 

M. NEVILLE GERTZE (Namibie) a souligné que cette session se tient à un moment où les appels se multiplient pour revigorer le multilatéralisme et veiller à ce que les institutions qui régissent l’ordre international soient adaptées à leur finalité et contribuent, plutôt que de nuire, à l’objectif de renforcer la paix, la sécurité et la stabilité dans le monde.  Pourtant, a-t-il constaté, aujourd’hui, les armes nucléaires posent de nouveau une menace existentielle.  Il a regretté l’échec des deux dernières conférences d’examen du TNP dans un contexte de tensions géopolitiques accrues et alors que la communauté internationale doit se préparer à élaborer un nouvel agenda pour la paix.  Il a jugé essentiel que les États Membres s’engagent sérieusement en faveur de l’objectif de débarrasser le monde des armes nucléaires.  Il est donc impératif que les États dotés d’armes nucléaires prennent conscience de l’impératif de leur soutien et de leur rôle, notamment en termes de garanties de sécurité, en s’engageant dans un désarmement complet, a-t-il fait valoir.  Une démarche qui s’appuie sur la coopération et les négociations multilatérales inclusives entre États est la seule voie possible pour progresser dans la lutte contre la prolifération verticale et horizontale des armes nucléaires et contenir leurs potentielles conséquences humanitaires, a-t-il insisté. 

Mme AL-SHAKARCHY (Royaume-Uni) a dit qu’alors que les États œuvrent pour un monde plus pacifique et plus stable grâce au désarmement, certains font le contraire comme la Fédération de Russie qui a lancé, il y un an, une attaque préméditée et non provoquée contre l’Ukraine.  Cette invasion continue de jeter une ombre sur les efforts de désarmement, sans compter que les attaques contre la centrale nucléaire de Zaporijia ont menacé la sûreté et la sécurité nucléaires, mettant en danger la population ukrainienne, les États voisins et la communauté internationale.  La représentante a dénoncé la rhétorique nucléaire « irresponsable » de la Fédération de Russie.  Les États qui bafouent les normes internationales ne devraient pas être tolérés, a-t-elle martelé. 

Elle a aussi avoué son inquiétude quant à l’expansion rapide de l’arsenal nucléaire de la Chine et le développement de ses capacités, sans transparence, ni contrôle de bonne foi ni mesures de réduction des risques.  Notant également les menaces posées par les programmes nucléaires et de missiles balistiques de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et l’Iran, elle a appelé ces deux pays à cesser l’escalade et à respecter les résolutions du Conseil de sécurité.  Les actes de la Fédération de Russie constituent de graves problèmes pour le régime de désarmement et de non-prolifération nucléaires et compromettent l’architecture de sécurité mondiale, a conclu la représentante, avant de demander à Moscou de revenir immédiatement au respect du Traité New START et à des discussions constructives avec les États-Unis. 

M. LEMOS PIRES (Portugal) a lancé un appel au désarmement multilatéral aux États dotés d’armes nucléaires pour qu’ils respectent leurs engagements en vertu du TNP et s’engagent de bonne foi sur la voie de l’élimination de leurs arsenaux.  Pour ce qui est de la prévention d’une course aux armements dans l’espace, le représentant a souhaité que la communauté internationale adopte des mesures et des normes garantissant des comportements responsables vis-à-vis de l’espace extra-atmosphérique mais aussi de l’espace cybernétique, lesquels ne sauraient devenir les nouvelles frontières des conflits de demain. 

Mme THOA THI MINH LE (Viet Nam) s’est inquiétée d’une nouvelle course aux armements alors que les dépenses militaires mondiales atteignent des niveaux record.  Dans le même temps, les régimes internationaux de contrôle des armements progressent peu, voire enregistrent un recul.  L’érosion de la confiance n’est pas propice au maintien de la paix et de la sécurité internationales en général et aux efforts de non-prolifération et de désarmement, en particulier, a-t-elle souligné.  Elle a signalé qu’il incombe aux États de revitaliser la Commission du désarmement laquelle constitue, avec la Conférence du désarmement, l’unique organe de négociations multilatérales.  Elle a exhorté les États, en particulier les États dotés d’armes nucléaires, à redoubler d’efforts pour la mise en œuvre du TNP, notamment son article VI.  Nos délibérations en matière de désarmement et de non-prolifération nucléaires doivent toutefois tenir compte de la nécessité d’un équilibre entre le désarmement, la non-prolifération et l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, a-t-elle insisté. 

En tant que membre du Conseil des gouverneurs de l’AIEA, le Viet Nam, a-t-elle indiqué, s’efforce de promouvoir l’application de la technologie nucléaire à des fins pacifiques, et participe activement au Forum régional de l’ASEAN sur les questions politiques et de sécurité d’intérêt commun.  La déléguée s’est félicitée de l’adoption de la résolution A/RES/77/250 de l’Assemblée générale qui a créé un nouveau groupe d’experts chargé de faire des recommandations sur l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.  L’accès à l’espace est en effet un droit inaliénable. 

M. TSUKAMOTO (Japon) a condamné l’agression russe contre l’Ukraine, soulignant qu’en tant que seul pays à avoir subi des bombardements atomiques pendant la guerre, le Japon ne peut absolument pas accepter les menaces nucléaires de la Russie, et encore moins l’utilisation des armes nucléaires.  Le délégué a réaffirmé que son pays est déterminé à faire respecter un ordre international fondé sur l’état de droit et a condamné la déclaration du Président Putin sur le déploiement d’armes nucléaires tactiques au Bélarus.  Pointant du doigt les activités de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), qui a déjà lancé, à deux reprises cette année, des missiles balistiques intercontinentaux, dont celui qui a atterri dans la zone économique exclusive du Japon, le représentant a exigé que ce pays respecte toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et revienne rapidement au plein respect du TNP et des garanties de l’AIEA. 

Il a souligné l’engagement de son pays en faveur d’un monde sans armes nucléaires, comme en témoigne l’organisation du Sommet du G7 à Hiroshima cette année.  Il a regretté qu’un seul État ait bloqué l’adoption par consensus du document final de la dernière Conférence d’examen du TNP.  Il s’est toutefois félicité de la résolution 77/68 de l’Assemblée générale concernant le « Traité interdisant la production de matières fissiles pour la fabrication d’armes nucléaires ou d’autres dispositifs explosifs nucléaires ».  Il a demandé à tous les États concernés de déclarer ou de maintenir des moratoires sur la production de ces matières.  Le représentant les a aussi exhortés à signer et à ratifier le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, qui, après 25 ans, n’est toujours pas entré en vigueur.  En attendant, nous demandons instamment à tous les États concernés de déclarer ou de maintenir les moratoires sur les explosions expérimentales d’armes nucléaires. 

Le représentant a également plaidé pour la réduction des risques nucléaires, tout en soulignant que cela ne saurait se substituer au désarmement nucléaire.  Il a indiqué que son pays reste fermement résolu à faire de l’espace extra-atmosphérique un environnement pacifique, sûr, sécurisé et durable.  Le Japon participe d’ailleurs activement au groupe de travail sur la réduction des menaces spatiales, en établissant des normes, des règles et des principes de comportement responsable.  À cet égard, le Japon réitère son engagement à ne pas procéder à des essais de missiles antisatellites destructeurs à ascension directe, ce qui constitue la première étape d’un comportement responsable, conformément à la définition agréée.  Le représentant a conclu en mettant l’accent sur l’importance des mesures de transparence et de confiance pour éviter les malentendus et les erreurs de calcul dans les activités spatiales. 

Mme NATHALY GUERRERO (Mexique) a rejeté le bien-fondé des doctrines nucléaires avancé par les États dotés qui, en réalité, continuent de perfectionner leurs arsenaux, ce qui a pour effet d’éloigner l’exercice effectif du droit à l’utilisation pacifique de l’énergie atomique des pays non dotés.  Elle a lancé un appel à la restauration de la légitimité du désarmement multilatéral, en insistant sur le fait que la majorité des États et des peuples aspirent à la paix et à la stabilité.  La communauté internationale considère l’ONU comme l’unique instance pour avancer sur cette voie, a-t-elle dit, assurant le Président de la Commission et ses homologues que sa délégation ne ménagera aucun effort pour que des recommandations consensuelles sur le désarmement nucléaire et la sécurisation de l’espace soient adoptées à l’issue de la présente session. 

M. DAMOUA GUILLAUME ANGORA (Côte d’Ivoire) a indiqué que la priorité demeure l’élimination totale et irréversible des armes nucléaires.  Dans le contexte actuel, il a jugé urgent que les États dotés s’engagent, sans délai, dans des actions résolues de réduction du risque nucléaire, de renforcement de la transparence et de confiance.  À cet égard, l’engagement qu’ils ont pris en janvier 2022, d’œuvrer à prévenir toute guerre nucléaire et d’éviter toute course à l’armement nucléaire doit être concrètement mis à exécution.  Il faudrait également explorer ou redynamiser des initiatives, y compris bilatérales, de maîtrise des armements, a souhaité le représentant.  En dépit de l’absence d’accord à la dixième Conférence d’examen l’an dernier, les efforts et les nombreux acquis au titre du TNP doivent être préservés, poursuivis et renforcés, a—t-il dit.  Il serait également essentiel d’intensifier la lutte contre le terrorisme nucléaire. 

Le délégué a appelé la communauté internationale à promouvoir davantage la coopération internationale et à soutenir le rôle central de l’AIEA, ainsi que l’assistance technique qu’elle fournit dans le domaine nucléaire.  Il a ensuite indiqué que son pays réaffirme sa ferme opposition à la transformation de l’espace extra-atmosphérique en un nouveau théâtre d’implantation d’armes et d’affrontements militaires.  Il incombe ainsi à l’ensemble des États, surtout ceux disposant de moyens et de technologies spatiaux avancés, d’adopter un comportement responsable et de prévenir une course aux armements, a argué le représentant. 

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a réitéré le rejet par sa délégation de tout déploiement d’armes nucléaires qui par définition remet en cause les efforts de non-prolifération.  Il a également dénoncé leur modernisation et le développement de nouveaux types d’armes nucléaires.  Selon le représentant, le désarmement et la non-prolifération nucléaires doivent marcher main dans la main et tous les États respecter leurs obligations au titre du TNP.  Il s’est dit encouragé par les résultats de la première réunion des États parties au TICE, qui s’est tenue à Vienne en juin 2022, saluant sa déclaration finale et son plan d’action.  Il est temps maintenant de passer à l’action, a exhorté le représentant.  En ce qui concerne les activités dans l’espace extra-atmosphérique, il a promu une utilisation exclusivement pacifique, s’opposant à la course aux armements.  Il a plaidé à cet égard en faveur de l’élaboration de règles de comportements volontaires compatibles avec le droit international.

Mme NOEMI ESPINOZA MADRID (Honduras) a condamné les essais d’armes nucléaires, la modernisation et le développement technologique de nouveaux types d’armes autonomes, avant d’appeler à l’élimination des armes de destruction massive par la négociation multilatérale et selon les principes de vérification, d’irréversibilité et de transparence.  Elle a par ailleurs catégoriquement défendu l’application du droit international humanitaire dans le contexte de toutes les délibérations sur le désarmement général et complet.  Elle a insisté sur la nécessité pour les êtres humains d’exercer un contrôle, un jugement et une participation appropriés en ce qui concerne l’utilisation des systèmes d’armes létales autonomes, afin de garantir qu’en cas d’utilisation, tous les États respectent à tout moment les principes du droit international, et que les êtres humains restent responsables des décisions relatives à l’utilisation de la force.  En tant qu’État partie au Traité de Tlatelolco, le Honduras soutient les initiatives visant à créer d’autres zones exemptes d’armes nucléaires, a indiqué la déléguée, en réitérant l’appel à tous les pays du monde pour qu’ils s’engagent à n’utiliser l’énergie nucléaire qu’à des fins pacifiques et dans le cadre d’une coopération scientifique responsable.  Soutenant l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins exclusivement pacifiques, la représentante a souhaité plus de mesures et de stratégies pour renforcer la cybersécurité et l’utilisation d’un espace sûr, stable, accessible et pacifique, régi par un instrument juridiquement contraignant universel. 

M. MARTIN KIMANI (Kenya) a estimé que la menace que des armes ou des matières nucléaires tombent entre les mains de terroristes et de groupes criminels est réel et « immédiat ».  Et cette menace est davantage rendue existentielle par l’utilisation abusive de l’intelligence artificielle quand il s’agit d’armes de destruction massive, a-t-il ajouté.  Face à la prolifération persistante, le rôle de la Commission du désarmement est plus critique que jamais, a-t-il relevé.  Il a donc exhorté les États Membres à démontrer l’unité et la flexibilité nécessaires au cours de cette session pour assurer l’adoption consensuelle des projets de rapports relatifs aux armes nucléaires et à l’espace extra-atmosphérique.  Le Kenya, a-t-il dit, exhorte tous les États dotés d’armes nucléaires et ceux bénéficiant du « parapluie nucléaire » à adopter des doctrines de défense et de sécurité qui excluent ces armes.  En tant qu’État partie au Traité de Pelindaba, le Kenya est pleinement conscient du rôle important joué par les zones exemptes d’armes nucléaires en matière de désarmement.  À cet égard, il a exhorté tous les États à mettre en œuvre les recommandations et résultats des conférences relatives à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, jusqu’à ce que cet objectif soit réalisé.  Enfin, le Kenya soutient l’appel à l’adoption d’un cadre juridique pour prévenir une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.

M. JASSER JIMENEZ (Nicaragua) a jugé injustifiable qu’au milieu de multiples crises sociales, économiques et environnementales, les arsenaux nucléaires continuent d’augmenter, de se moderniser et de se développer, mettant en danger l’espèce humaine et tous les êtres vivants.  Les ressources économiques utilisées dans la modernisation des armes nucléaires, dans l’expansion des alliances militaires, dans l’agression et la déstabilisation des pays devraient selon lui être affectées au développement et à la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Le Nicaragua reste attaché à l’élimination totale des armes nucléaires et au respect du TNP.  Le représentant s’est félicité de l’entrée en vigueur du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et des résultats positifs de la première Assemblée des États parties.  Il a estimé nécessaire de continuer à renforcer le régime juridique de l’espace extra-atmosphérique afin de garantir la sécurité et la transparence dans la conduite des activités spatiales. 

M. MOHAMMAD ALI JARDALI (Liban), après avoir indiqué que son pays espère que la Commission adoptera des recommandations claires au titre de la question du désarmement nucléaire, a rappelé l’importance de l’adoption de la résolution prônant la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’armes de destruction massive au Moyen-Orient lors de la Conférence d’examen du TNP de 1995.  Ce document faisait partie intégrante de la prorogation indéfinie du Traité, a-t-il souligné, s’attardant ensuite sur le processus de négociation en cours à New York sur la création d’une telle zone.  La première Conférence a été présidée par la Jordanie en 2019, la seconde par le Koweït en 2021 et la troisième par le Liban en 2022, noté le délégué, pour qui ces efforts reflètent le sérieux de l’engagement des participants à ce processus visant à débarrasser la région de toutes les armes de destruction massive.  Nous appelons tous les États dotés d’armes nucléaires, en particulier les trois dépositaires du TNP qui ont coparrainé la résolution de 1995, à soutenir les efforts de la Conférence et à déployer les moyens nécessaires pour que toutes les parties concernées participent à ses travaux, a-t-il encore demandé.  Le délégué a estimé que seul un engagement de tous les pays de la région peut en effet la placer « sur la voie indispensable de la sécurité et de la stabilité ». 

Mme DEBORA FISHER (États-Unis) a réaffirmé l’attachement de son pays au contrôle des armements, au désarmement et à la non-prolifération.  Elle a rappelé que son pays a réduit de 88% son arsenal nucléaire à un niveau record et respecté le moratoire sur la protection des matières fissiles depuis 1982.  Les progrès ont été mis à mal, a-t-elle dit, par la grave détérioration de l’environnement international en matière de sécurité, à savoir, la « la guerre préméditée » de la Russie contre l’Ukraine.  Les actes de la Russie sont une violation flagrante de l’Article 2 de la Charte des Nations Unies, a-t-elle martelé, en dénonçant également le non-respect par la Russie du Traité New START.  La suspension du Traité n’a aucune validité juridique, a-t-elle martelé.  L’environnement qui résulte des actes de la Russie est encore aggravé par les actions de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et l’élargissement du programme nucléaire de l’Iran.  La représentante a dénoncé les velléités de certains pays qui choisissent la compétition dans de nouveaux domaines pour servir leurs intérêts au mépris des risques nucléaires.

Elle a appelé la Russie à revenir au Traité New START et à recevoir les inspecteurs de l’AIEA sur son territoire.  Elle a dit attendre l’entrée en vigueur du Traité sur les matières fissiles et regretté que la Chine soit le seul État doté d’armes nucléaires à n’avoir pas encore proclamé un moratoire sur la production de ces matières.  Les États-Unis, a-t-elle conclu, plaident pour le respect du moratoire sur les essais nucléaires et la réduction des risques nucléaires, de la manière qu’ils insistent sur la confiance et la transparence s’agissant des activités spatiales. 

Droits de réponse

La représentante de la Fédération de Russie a rejeté les accusations des pays occidentaux s’agissant de l’opération militaire spéciale en Ukraine justifiée par le coup d’État anticonstitutionnel de 2014.  Elle a accusé « le régime de Kiev » d’attaquer la population du Donbass, de se prévaloir d’une « nature nazie », d’imposer un blocus socioéconomique et de commettre des meurtres dans le sud-est de l’Ukraine.  Elle a aussi dénoncé les fournitures d’armes à l’Ukraine, arguant que l’Occident n’est pas intéressé par la cessation des hostilités dans le Donbass.  Nous allons atteindre nos objectifs, a affirmé la représentante, en expliquant qu’il s’agit de démilitariser l’Ukraine, de la contraindre à renoncer à son régime nazi et de protéger l’intégrité territoriale et la sécurité de la Fédération de Russie et de sa population. 

S’agissant de la coopération nucléaire avec le Bélarus, la représentante a rejeté le concept de mission de dissuasion des pays de l’OTAN qui ne vise qu’à élargir l’espace géographique du déploiement des armes nucléaires américaines aux frontières russes et bélarusses.  Nous avons fait preuve de retenue et nous avons tenté de convaincre Washington de la nécessité de retirer ses armes.  Les mesures prises par la Russie pour assurer sa sécurité participe d’une réaction nécessaire à la politique de déstabilisation menée au fil des ans par les pays de l’OTAN engagés dans leur guerre hybride et déterminés à nous infliger une défaite tactique. 

En ce qui concerne la décision prise par la Russie de suspendre le Traité New START, la représentante a expliqué que ce n’est qu’une suite logique à la dégradation des relations russo-américaines.  Pour nous, a-t-elle dit, la situation a totalement changé.  Alors qu’un front commun de l’OTAN paraît de plus en plus évident, dans le domaine du nucléaire, nous ne pouvons faire fi de l’arsenal nucléaire des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni.  La suspension du Traité est donc inévitable et justifiée.  Comme signe de sa bonne volonté, a affirmé la représentante, la Russie respecte toujours les restrictions prévues par l’accord sur les armements stratégiques offensifs et elle continuera d’informer les États-Unis du nombre de ses missiles balistiques intercontinentaux.  Ces mesures permettront d’assurer un degré suffisant de prévisibilité dans les domaines balistique et nucléaire, a conclu la représentante. 

Son homologue de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a, à son tour, rejeté le tableau erroné sur la nature des tensions géopolitiques dans la péninsule coréenne et dans la région qui sont la conséquence des politiques hostiles des États-Unis, des sanctions et des menaces inédites à sa souveraineté et l’intégrité territoriale de la RPDC.  Nous avions pourtant mis en garde contre les provocations américaines et la possibilité d’arriver à un point de rupture et à une guerre nucléaire.  Le représentant a ainsi dénoncé les manœuvres militaires des États-Unis et de la République de Corée, dont l’objectif non avoué est de capturer Pyongyang.  Notre politique de dissuasion nucléaire est donc là pour assurer l’équilibre des forces dans la région et éviter une nouvelle guerre. 

Le délégué a en outre accusé le Royaume-Uni de violer le régime de non-prolifération, dans le cadre du partenariat AUKUS, comme en témoigne le déploiement de ses forces dans les eaux territoriales sud-coréennes.  C’est une politique hostile qui compromet gravement notre souveraineté et notre intégrité territoriale, a martelé le représentant.  Personne, a-t-il tonné, ne peut nous empêcher de renforcer nos capacités de dissuasion qui, par ailleurs, ne visent aucun État ni groupes d’États.  Le représentant a ensuite accusé le Japon d’augmenter ses dépenses militaires.  Ce pays prétendument pacifique, a-t-il dit, tombe le masque et recherche une rupture, en se prétextant d’une soi-disant politique de défense, après avoir infligé un énorme préjudice au peuple de la péninsule coréenne.  Ces agissements ne sont rien moins qu’une provocation qui pourrait semer le chaos.  Le Japon doit renoncer à son militarisme et au largage de ses eaux contaminées dans les eaux internationales, a prévenu le représentant.

Le représentant de la Chine a répondu aux États-Unis que leur déclaration cherchait à ternir la politique de son pays, celle-ci étant transparente et prévisible en matière de désarmement nucléaire.  Nous sommes déterminés à mener une politique de légitime défense, cela en tant qu’unique pays parmi ceux dotés d’armes nucléaires à s’être engagé de longue date à respecter le principe de non-emploi en premier d’une arme nucléaire, a-t-il ajouté.  Selon lui, le moratoire sur la production de matières fissiles n’est pas pertinent car dépourvu de lignes et d’engagements clairs.  Par ailleurs, les États-Unis sont mal placés pour mener des campagnes de diffamation contre la Chine, alors qu’ils scellent des alliances équivoques avec d’autres États Membres susceptibles de relancer une course aux armements et de déstabiliser les équilibres stratégiques régionaux. 

La représentante des États-Unis a qualifié les propos de la Russie d’absurdes, propos qui culminent désormais dans une réécriture éhontée et insensée de l’histoire.  En outre, la Russie a violé de manière unilatérale le Traité New START en décidant d’une suspension n’ayant aucune validité juridique, a-t-elle dit, ajoutant que son pays respecte pour sa part pleinement ses engagements au titre du Traité, et ce par le biais de contremesures qu’autorise le droit international.  À la Chine, la représentante a répété que les États-Unis restent préoccupés par les activités de modernisation de ses arsenaux nucléaires, ce que les autorités chinoises se refusent à reconnaître. 

À son tour, le représentant de l’Ukraine a accusé la délégation russe de mensonge et affirmé qu’il n’y a pas de nazis dans son pays.  De même, il a assuré que ce n’est pas l’Ukraine, mais la Russie qui sera démilitarisée.  Il a accusé ce pays de cibler des civils en Ukraine et de faire planer le risque d’une catastrophe nucléaire sur toute l’Europe en occupant la centrale nucléaire de Zaporijia.  Le représentant a également souligné que l’annonce de déploiement d’armes nucléaires au Bélarus est une violation des engagements internationaux de la Russie. 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Après six années d’impasse, la Cinquième Commission recommande enfin à l’Assemblée générale une résolution sur la gestion des ressources humaines de l’ONU

Soixante-dix-septième session,
28e séance plénière - soir
AG/AB/4417

Après six années d’impasse, la Cinquième Commission recommande enfin à l’Assemblée générale une résolution sur la gestion des ressources humaines de l’ONU

La Cinquième Commission, chargée des questions administratives et budgétaires, a clôturé ce soir sa première reprise de session et adopté, par consensus, la très importante résolution sur la gestion des ressources humaines de l’ONU, qui échappait à un accord depuis six ans.  La Commission a aussi adopté des textes sur les questions spéciales relatives au budget ordinaire pour 2023, le Corps commun d’inspection et le fonctionnement administratif et financier de l’ONU.*  Parmi les questions reportées figure celle du Fonds pour la consolidation de la paix, repoussée pour la troisième fois consécutive, « malgré des progrès dans les négociations ».  Cette question, a assuré le Président de la Cinquième Commission, M. Phillipe Kridelka, de la Belgique, sera au cœur de la deuxième reprise de session, à partir du 1er mai.

Les textes, qui ont tous été adoptés dans une version provisoire en anglais, paraîtront aussitôt que possible dans toutes les six langues officielles de l’ONU, a encore assuré le Président.  L’Assemblée générale se prononcera le mardi 18 avril à partir de 10 heures.

Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, Cuba s’est félicité de ce que la question la plus importante abordée au cours de cette reprise de session, à savoir la résolution relative à la gestion des ressources humaines de l’ONU, en négociations depuis des années, ait été adoptée grâce à l’esprit constructif dont ont fait montre nombre de ses collègues.  Nous avons pu obtenir un résultat qualifié d’ambitieux par le Secrétariat de l’ONU, s’est-il enorgueilli.  Le personnel, a renchéri l’Union européenne, est l’actif le plus précieux de l’Organisation.  Elle s’est réjouie de ce que la résolution contienne une des refontes les plus importantes jamais entreprises jusqu’ici.  Le texte, a précisé l’Union européenne, couvre un large éventail de politiques sur la manière d’attirer les talents, de les recruter et de les retenir, sur une base géographique la plus large possible.  Voilà un pas dans la bonne direction, a commenté Oman, au nom du Conseil de coopération du Golfe, un pas qui nous conduira à une meilleure représentation des pays sous-représentés au sein du personnel de l’ONU.  La jeunesse saoudienne est désireuse de participer à l’action de l’ONU, a insisté l’Arabie saoudite, avant d’exhorter l’Organisation à attirer les éléments les plus compétents.  Nous avons besoin d’un personnel qui représente tous les peuples du monde, a acquiescé le Royaume-Uni, en mettant en avant l’épanouissement dudit personnel. 

Avec cette résolution, nous avons fait en sorte que l’ONU soit à la hauteur de la tâche et des défis du XXIe siècle, ont renchéri les États-Unis.  Grâce à la résolution, l’Organisation va pouvoir avancer sur la base d’un système de mobilité qui facilitera les transferts de compétences, entre le Siège et les bureaux extérieurs, et permettra de rajeunir le personnel.  Peut-être que l’on ne se demandera plus si le système des Nations Unies dispose vraiment de la main d’œuvre et des processus nécessaires pour donner suite aux résultats des sommets et des conférences.  Nous avons aussi adopté, a ajouté l’Union européenne, une série de directives ambitieuses, y compris sur la parité entre les sexes, l’indépendance du Bureau de la déontologie, une approche consolidée des droits des victimes d’abus et d’exploitation sexuels et le renforcement de la responsabilité dans la lutte contre toutes les formes de mauvaise conduite.  Cela fait trois ans en effet, a rappelé le Japon, que nous n’avons pas fourni d’orientations solides au Secrétariat sur la question de l’application du principe de responsabilité.  Au nom du Groupe des États d’Afrique, l’Ouganda a mis en exergue la question du racisme et de la discrimination raciale au sein de l’Organisation, se félicitant de la nomination d’un conseiller spécial chargé de lutter contre le racisme sur le lieu de travail. 

Ce dernier, qui a plaidé pour un investissement dans la prévention et la consolidation de la paix, a salué le travail réalisé tout au long de la session mais s’est dit déçu que la Commission n’ait pu dégager un consensus sur le Fonds pour la consolidation de la paix, et ce, pour la troisième fois consécutive.  Le Pérou a milité en faveur d’un nouveau fonds prévisible et pérenne, qui en plus d’être abondé par des contributions volontaires des États Membres, devra aussi bénéficier d’une ponction du budget ordinaire de l’ONU.  Les États-Unis ont, quant à eux, regretté l’incapacité de progresser sur les questions touchant à l’informatique, étant donné la rapidité des progrès technologiques et le risque cybernétique très concret auquel se heurte l’Organisation.  À ce regret, l’Union européenne a ajouté celui concernant le manque de progrès dans la question relative à la gestion de la chaîne d’approvisionnement.  Pour avoir les meilleurs résultats possibles, la clef, a-t-elle souligné, c’est la faculté de la Commission à faire preuve de transparence.  Un engagement actif, des procédures inclusives et des débats tenus de bonne foi donnent toujours lieu à des décisions de très bonne qualité, a conclu le Royaume-Uni.

Toujours ce soir, la Commission a recommandé à l’Assemblée générale de nommer M. de Minhong Yi de la République de Corée, au Comité des contributions, en remplacement de sa compatriote Mme Ji-sun Jun, dont la démission a pris effet le 28 février 2023.  M. Yi siégera au Comité jusqu’au 31 décembre 2023.**

Avant de fermer ses portes, la Commission a entendu le Contrôleur des Nations Unies, M. Chandramouli Ramanathan, parler de la suite donnée à la résolution 76/280 dans laquelle l’Assemblée générale demande la restitution aux États Membres des soldes des opérations de paix clôturées, au 31 mars.  Sur les 81,4 millions dollars dus aux pays contributeurs de troupes, 29 millions ont été versés à 10 pays en argent liquide et 8,6 millions ont servi à renflouer les quotes-parts de six autres États.  Nous attendons toujours, a dit le Contrôleur, de savoir comment les 11 pays restants veulent procéder avec la somme de 43,8 millions de dollars qui leur est due.  En outre, un montant de 135 millions de dollars sera restitué aux États dès que les instructions seront reçues, a encore indiqué le Contrôleur, sans oublier de souligner que les soldes des opérations de paix clôturées ont été une véritable « bouée de sauvetage » pour atténuer la crise de trésorerie imputable aux retards dans le versement des contributions au budget ordinaire de l’ONU.

*A/77/C.5/L.31; A/77/C.5/L.30; A/77/C.5/L.26; A/77/C.5/L.32; A/77/C.5/L.33
**A/77/102/Add.1

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’ECOSOC réfléchit aux moyens de rendre la coopération fiscale internationale plus inclusive et efficace dans le contexte actuel de crises multiples

Session de 2023,
15e et 16e séances plénières – matin & après-midi
ECOSOC/7116

L’ECOSOC réfléchit aux moyens de rendre la coopération fiscale internationale plus inclusive et efficace dans le contexte actuel de crises multiples

L’édition 2023 de la réunion spéciale du Conseil économique et social (ECOSOC) sur la coopération internationale en matière fiscale, organisée aujourd’hui, a été l’occasion d’identifier les options susceptibles de rendre le régime fiscal international plus inclusif et efficace dans le contexte actuel de crise économique, de hausse du coût de la vie, de montée des inégalités et de changements climatiques.  Deux tables rondes ont ainsi permis d’explorer les moyens de renforcer à cette fin l’architecture de coopération fiscale internationale et d’utiliser la fiscalité comme levier politique pour faire avancer la transition vers les sources d’énergie renouvelables. 

Comme l’a exposé Mme Lachezara Stoeva, Présidente de l’ECOSOC, en ouverture de cette réunion spéciale, il est aujourd’hui urgent de renforcer la coopération fiscale internationale pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, ainsi que contre les flux financiers illicites, ces activités ayant pour caractéristique commune de priver les pays des ressources dont ils ont besoin pour faire face à l’impact des crises actuelles et pour investir dans les objectifs de développement durable (ODD) et l’action climatique. 

Alors que 52 pays en développement, parmi lesquels figurent un grand nombre de pays à revenu intermédiaire, souffrent de graves problèmes d’endettement, il importe de « faire davantage avec les mêmes moyens », notamment en mobilisant les ressources nationales et en renforçant la coopération fiscale internationale, a renchéri la Vice-Secrétaire générale, Mme Amina Mohammed.  « Le monde n’est pas confronté à une crise des ressources, mais à une crise du partage », a-t-elle ajouté, en appelant à « sauver les ODD » via la promotion de systèmes fiscaux internationaux équitables. 

Les besoins des pays en développement sont au cœur des travaux du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale, a indiqué à cet égard l’un de ses coprésidents, M. Mathew Gbonjubola.  Le Comité s’emploie à aider ces pays à mobiliser des ressources nationales pour le développement durable en élargissant leur assiette fiscale, en renforçant et numérisant l’administration fiscale et en contribuant à la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales.  L’objectif est d’offrir des options à ces pays pour qu’ils puissent, en toute connaissance de cause, « choisir l’approche qui leur convient le mieux dans leur situation particulière », a-t-il dit. 

Centrée sur la « promotion d’une coopération fiscale internationale inclusive et efficace aux Nations Unies », conformément à la résolution A/RES/77/244 adoptée par l’Assemblée générale en décembre dernier, la première table ronde a donné lieu à un débat sur la nature du cadre de coopération à privilégier.  Au Ministre des finances de la Colombie, qui a dit souscrire au projet de convention multilatérale contraignante examiné à l’ONU pour répondre aux questions fiscales de demain, le Président du Forum de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la transparence fiscale a répondu en faisant valoir les progrès majeurs réalisés ces dernières années, notamment dans le cadre de la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale. 

C’est par ce biais que, depuis 2009, la transparence fiscale des comptes bancaires et du commerce numérique a été accrue et que nouvelles normes pour les pays en développement ont été définies, a souligné le responsable de l’OCDE, rejoint par le représentant de l’Union européenne, qui a jugé inutile de mettre en place un nouveau cadre de coopération.  Mieux vaudrait, selon ce dernier, améliorer la coopération entre les instances existantes « qui ont fait leurs preuves en matière de lutte contre les flux financiers illicites et de mobilisation des ressources nationales ».  Un avis partagé par l’ensemble des pays occidentaux présents, dont la France, laquelle a appelé à ne pas dupliquer les efforts en cours mais à les renforcer, l’ONU devant, à ses yeux, se concentrer sur la mobilisation des ressources domestiques en cohérence avec les ODD et le Programme d’action d’Addis-Abeba relatif au financement du développement. 

Cette vision des choses a été battue en brèche par un expert du Gouvernement indien, également membre du Comité d’experts, qui a qualifié d’« inadapté » le système de l’OCDE, conçu selon lui par les seuls pays développés pour régler les problèmes causés par la crise financière de 2008.  Il a donc invité l’ONU à piloter un processus intergouvernemental en matière de coopération fiscale, rejoint par la Ministre des finances du Nigéria, qui a appelé à l’élaboration d’un cadre « simple, acceptable et juste », capable de taxer les revenus à la source et de prendre en compte le potentiel fiscal associé aux services numériques « pour que nos pays puissent enfin percevoir ce type d’impôt ». 

Favorables eux aussi à la création d’un instrument juridiquement contraignant, à la fois transparent, démocratique et équitable, les représentants du Groupe des 77 et la Chine, du Groupe des États d’Afrique et de pays parmi lesquels les Philippines, la Thaïlande, Singapour, l’Argentine et la Fédération de Russie ont appuyé, dans cette perspective, la proposition du Secrétaire général de l’ONU de mettre en place un comité ad hoc intergouvernemental à composition non limitée chargée de faire des recommandations sur les meilleures façons de renforcer l’inclusivité et l’efficacité en matière de fiscalité.  En appui à cette position, plusieurs organisations de la société civile ont plaidé pour l’élaboration d’une convention type de l’ONU encadrant les processus fiscaux internationaux.  Selon elles, la résolution A/RES/77/244, adoptée par consensus, doit permettre de redonner pleinement la main à l’ONU, « seule instance vraiment universelle en matière de coopération fiscale ». 

La seconde table ronde, qui avait pour thème « la fiscalité comme levier politique pour faire avancer la transition énergétique », a entendu un responsable de la Banque mondiale défendre le bien-fondé d’une taxe carbone.  Outre le fait qu’elle permettrait d’augmenter l’assiette fiscale, une écotaxe d’un montant de 75 dollars par tonne de CO2 contribuerait à soutenir les systèmes de santé nationaux affaiblis, a-t-il avancé.  Pour l’expert du World Resources Institute Mexico, la taxe carbone seule ne peut toutefois suffire et doit s’accompagner d’une élimination progressive des subventions aux combustibles fossiles et d’une tarification implicite du carbone dans les taxes d’accise existantes sur les carburants. 

RÉUNION SPÉCIALE SUR LA COOPÉRATION INTERNATIONALE EN MATIÈRE FISCALE

Déclarations liminaires

Mme LACHEZARA STOEVA, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a ouvert cette réunion spéciale de l’ECOSOC consacrée à la coopération internationale en matière fiscale, en indiquant qu’elle réunit des représentants des États Membres, du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale, des organisations internationales et régionales, de la société civile, des universités et du secteur privé.  Pour Mme Stoeva, la réunion de cette année tombe à point nommé car elle fait suite à des appels au sein des Nations Unies en faveur d’une coopération fiscale internationale plus inclusive et plus efficace, y compris de l’Assemblée générale.  Cette réunion, a-t-elle indiqué, sera l’occasion d’engager un dialogue holistique entre parties prenantes en réponse à ces appels dans le contexte actuel de crise économique, de hausse du coût de la vie, de montée des inégalités et de crise climatique.  Il est en effet urgent de renforcer la coopération fiscale internationale pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, ainsi que contre les flux financiers illicites, ces activités ayant pour caractéristique commune de priver les pays des ressources dont ils ont besoin pour faire face à l’impact des crises actuelles et pour investir dans les objectifs de développement durable et l’action climatique. 

Mme Stoeva a précisé que deux tables rondes seront organisées au cours de cette réunion, la première se concentrant sur la promotion d’une coopération fiscale internationale inclusive et efficace, conformément à la résolution 77/244 adoptée par l’Assemblée générale le 30 décembre 2022.  Il s’agira d’identifier les principales faiblesses et lacunes de l’architecture de coopération fiscale internationale et de réfléchir à la façon dont elles peuvent être abordées de manière plus inclusive et efficace.  Les discussions porteront aussi sur les principes et les approches de la fiscalité internationale sur lesquels il existe un accord général et qui pourraient constituer la base d’une coopération fiscale internationale renforcée, a-t-elle indiqué.  En outre, cette table ronde examinera la convergence des discussions intergouvernementales sur ce sujet avec celles à venir du Sommet sur les objectifs de développement durable et du Sommet de l’avenir. 

La deuxième table ronde abordera le rôle de la fiscalité en tant que levier politique pour faire avancer la transition énergétique durable, a expliqué la Présidente de l’ECOSOC, selon laquelle les participants examineront de manière intégrée les considérations pertinentes à soumettre aux gouvernements et aux autres parties prenantes impliquées dans ces transitions, notamment dans le contexte de la crise économique et énergétique actuelle.  Ces discussions seront l’occasion d’examiner comment la politique fiscale peut soutenir les efforts de transition énergétique des pays en développement, mais aussi d’identifier les mesures fiscales et de mobilisation des ressources intérieures les plus importantes pour la transition énergétique dans des secteurs tels que les industries extractives. 

S’exprimant dans un message préenregistré, la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme AMINA J. MOHAMMED, qui est Présidente du Groupe des Nations Unies pour le développement durable, a relevé que selon la dernière analyse du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), 52 pays en développement –soit 40% du total- souffrent de graves problèmes d’endettement, y compris un grand nombre de pays à revenu intermédiaire.  Cela signifie qu’il faut « faire davantage avec les mêmes moyens », notamment en mobilisant les ressources nationales et en renforçant la coopération fiscale internationale.  Les flux financiers illicites liés à la fiscalité, l’évasion et la fraude fiscales subtilisent en effet des ressources indispensables; des ressources dont les gouvernements ont pourtant besoin pour investir dans le redressement, la résilience et les objectifs de développement durable (ODD).  Mme Mohammed a ajouté que certains régimes fiscaux nuisent au développement durable à long terme, ceux qui octroient des « avantages injustes », tels que des subventions accordées à l’industrie des combustibles fossiles, au détriment d’une planète vivable pour les générations futures.  La Secrétaire générale adjointe a donc appelé à agir de manière décisive pour sauver les ODD, en favorisant une coopération fiscale internationale inclusive et efficace, et en promouvant des systèmes fiscaux internationaux équitables. 

« Le monde n’est pas confronté à une crise des ressources, mais à une crise du partage », a martelé la haute fonctionnaire en reconnaissant aussi une crise de la gestion de ces ressources.  Elle a préconisé l’utilisation de politiques fiscales comme « levier » pour favoriser la transition des combustibles fossiles vers les sources d’énergie renouvelables, utilisation qui pourrait accélérer considérablement la transition verte.  Des politiques fiscales soigneusement planifiées pourraient également garantir que cette transition soit juste, a-t-elle pointé: les populations vulnérables en bénéficieraient grâce à un accès égal à l’énergie, à des possibilités d’emploi décent et à une protection sociale universelle.  À l’échelon mondial, le Secrétaire général continuera d’appeler à une relance à grande échelle des ODD, sous l’égide du G20, afin que tous les pays puissent accéder au financement nécessaire pour investir dans le développement durable.  Elle a pour cela mis en avant une triple approche: d’abord, un plus grand allègement de la dette, ensuite, davantage de financements concessionnels, et enfin, un financement d’urgence pour les pays en ayant besoin.  À cet égard, a-t-elle conclu, la coopération fiscale internationale joue un rôle essentiel, non seulement pour mobiliser les ressources indispensables mais aussi pour s’attaquer à « la racine du problème: les inégalités systémiques ».

M. MATHEW GBONJUBOLA, Coprésident du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale, a commencé par une brève mise à jour du rôle et du travail de cet organe subsidiaire d’experts de l’ECOSOC, dont les membres siègent à titre personnel, bien que nommés par des gouvernements et mandatés par le Secrétaire général de l’ONU.  Le mandat du Comité, a-t-il précisé, consiste à accorder une attention particulière aux besoins des pays en développement dans le contexte de la coopération fiscale internationale et, en particulier, dans son travail d’élaboration de normes et de politiques internationales et de production de conseils pratiques.  Par le biais de directives à l’intention des gouvernements et des administrateurs fiscaux, le Comité s’emploie à aider les pays à mobiliser des ressources nationales pour le développement durable en élargissant leur assiette fiscale, en renforçant l’administration fiscale et en contribuant à la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, a expliqué son coprésident.  De plus, a poursuivi M. Gbonjubola, le Comité relève les défis auxquels sont confrontés tous les pays, en développement comme développés, pour maintenir une assiette stable de l’impôt sur les sociétés, ce qui l’amène à se pencher sur les conventions fiscales et les prix de transfert.  Le Comité a ainsi introduit de nouvelles dispositions dans le Modèle de convention des Nations Unies concernant les doubles impositions entre pays développés et pays en développement, afin d’autoriser les retenues à la source sur les paiements pour les services numériques fournis à distance.  Toutefois, la pandémie ayant accéléré le travail à distance, le Comité se pose la question de savoir si l’exigence de présence physique dans le pays où le revenu est généré reste appropriée, a indiqué l’expert. 

Dans le même temps, a relevé M. Gbonjubola, le Comité a élargi son programme de travail pour répondre à un certain nombre d’autres préoccupations politiques des pays en développement, telles que celles liées aux impôts sur la fortune et aux impôts indirects, y compris la fiscalité de la santé.  Le Comité travaille également sur des questions pratiques, en particulier la numérisation des administrations fiscales et l’augmentation de la transparence fiscale, qui peuvent affecter directement la mobilisation des ressources nationales des pays en développement et l’efficacité de la coopération fiscale internationale.  Suffisamment agile pour traiter de questions transversales, comme par exemple le rôle de la fiscalité dans l’avancement de la transition énergétique, le Comité s’appuie sur des groupes multipartites et multidisciplinaires, dont les travaux aboutissent à un projet d’orientations soumis pour examen à l’organe lors de ses sessions semestrielles, a encore précisé le Coprésident, faisant état de la participation active d’observateurs des États Membres, d’organisations internationales et régionales, d’universités, de la société civile et du secteur privé.  Cette coopération fiscale internationale « offre des options aux pays afin qu’ils puissent, en toute connaissance de cause, choisir l’approche qui leur convient le mieux dans leur situation particulière », a-t-il assuré. 

Table ronde 1: Promouvoir une coopération fiscale internationale inclusive et efficace aux Nations Unies

Mme LISELOTT KANA, Coprésidente du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale, a lancé la discussion en demandant aux participants d’identifier les meilleures pratiques pouvant aider à rendre la coopération fiscale internationale « réellement efficace pour se rapprocher des ODD et des priorités du Programme d’action d’Addis-Abeba ».  En la matière, a-t-elle demandé, quelles sont les faiblesses identifiées, comment y remédier, et, plus généralement, comment s’y prendre pour renforcer une telle coopération et sur la base de quels principes?

Le Ministre des finances de la Colombie, M. JOSE ANTONIO OCAMPO, a répondu que les principes à retenir sont l’inclusivité et la démocratie, lesquels sont « fondamentaux pour mettre en place un système fiscal juste et équitable ».  Il a ensuite rappelé combien la pandémie de COVID-19 a rendu les gouvernements vulnérables, les contraignant à s’endetter pour aider les populations à y faire face, ce qui a mécaniquement réduit leurs recettes fiscales.  Selon lui, il faut aujourd’hui investir dans la relance et restaurer la confiance dans l’action publique et la finance internationale.  Sur ce dernier point, il a salué la réussite des projets sur l’érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices (BEPS), qui a montré qu’il est possible de coopérer fiscalement et juridiquement à bon escient.  Sur la question qui a dominé la discussion, relative au cadre de coopération internationale en matière fiscale devant être privilégié, M. Ocampo a d’abord plaidé la neutralité, jugeant nécessaire que le dialogue, tant à l’ONU qu’à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le dialogue porte davantage sur les besoins des pays en développement.  « Dans tous les cas, les processus et délibérations doivent être guidés par la règle du consensus, car nombre de dossiers nécessitent une coordination universelle, qu’il s’agisse de la fiscalité des services, de l’imposition des travailleurs mobiles, de l’impôt sur la fortune ou encore de la simplification des prix de cession interne. »  Toutefois, le Ministre colombien a souscrit au projet à l’examen à l’ONU d’une convention multilatérale, « contraignante » et au fonctionnement basé sur le modèle de la Convention internationale concernant les statistiques économiques, au sein de laquelle tous les pays pourraient échanger sur un pied d’égalité sur les solutions fiscales de demain pour répondre aux défis de la mobilité, du numérique et de la mondialisation.  Pour mettre en place un ordre mondial fiscal, la résolution A/RES/77/244 de l’Assemblée générale doit guider l’action commune des États, a-t-il encore avancé, la durabilité des règles fiscales internationales du futur devant découler d’une coordination accrue visant la satisfaction des besoins particuliers des pays en développement et le renforcement de leurs capacités fiscales. 

Pour M. GAËL PERRAUD, qui préside le Forum de l’OCDE sur la transparence fiscale et copréside le Cadre inclusif G20-OCDE pour le projet BEPS, il convient de ne pas oublier les progrès majeurs réalisés ces dernières années en matière de transparence et d’échange d’information, notamment dans le cadre de la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale.  C’est par ce biais que, depuis 2009, a été nettement accrue la transparence fiscale des comptes bancaires et du commerce numérique, et qu’ont été définies de nouvelles normes pour les pays en développement, a-t-il indiqué, précisant que, grâce à ces avancées, l’OCDE a identifié 30 milliards d’euros de revenus supplémentaires.  En 2022, ces mêmes pays ont reçu des informations sur 32 millions de comptes pour une valeur estimée à 2 400 milliards d’euros, a-t-il signalé, appelant à la poursuite d’efforts destinés exclusivement à permettre à davantage de pays en développement de bénéficier des échanges automatiques.  Il a par ailleurs qualifié d’historiques les accords politiques mis en place pour lutter contre l’optimisation fiscale, le chantier BEPS ayant produit ses fruits pour que soient mieux répartis les bénéfices des plus grands groupes industriels et pour soumettre ces derniers à un niveau minimum mondial de taxation. 

De son côté, M. RASMI DAS, membre du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale et représentant du Département des recettes du Ministère des finances de l’Inde, a jugé inadapté le système de l’OCDE, qui reste conçu pour protéger le pouvoir fiscal des États Membres qui sont des pays de résidence.  Et si beaucoup a été fait pour répondre aux préoccupations des pays en développement, « il n’est pas possible, par exemple aux organisations régionales, de se substituer à un organe universel », a fait remarquer l’expert.  Il a ainsi recommandé de prendre des mesures pour revenir sur les règles liées à l’attribution du pouvoir fiscal des pays, lequel ne peut plus reposer, à l’heure du numérique et de la dématérialisation, sur l’identification du commerce des biens tangibles et physiques.  En outre, il a pointé du doigt le fait que les règles fiscales internationales, quand elles sont retouchées à la marge, le sont dans le cadre des BEPS 1 et 2, qui ont été conçus par les seuls pays développés pour régler les problèmes causés par la crise financière de 2008.  Le slogan de la présidence indienne du G20 est, « Une planète, une famille, un avenir », a rappelé l’orateur en estimant qu’on gagnerait tous en prospérité et on réaliserait les ODD ensemble et dans les temps si l’ONU se devait de piloter un processus intergouvernemental en matière de coopération fiscale.  Mme ZAINAB AHMED, Ministre des finances du Nigéria, a appuyé les propos de M. Das, appelant à l’élaboration d’un cadre simple, acceptable, juste, capable de taxer les revenus à la source et de prendre en compte le potentiel fiscal associé aux services numériques « pour que nos pays puissent enfin percevoir ce type d’impôt ». 

« L’ONU doit être la maison de la fiscalité internationale! », s’est exclamé, M. YARIV BRAUNER, universitaire, qui a affirmé que la coopération fiscale ne peut être efficace que si elle est inclusive.  « Sinon, l’histoire le montre, les pays qui n’ont pas voix au chapitre se désengagent et l’iniquité entraîne l’illégitimité des échanges. »  À son tour, il a estimé nécessaire qu’à l’ONU ait lieu une discussion normative se penchant sur une révision profonde des droits d’imposition.  Lui aussi a plaidé pour une refonte du principe d’imposition selon la source et pour la recherche de solutions à la question des revenus apatrides.  « Sachez-le, le monde de la fiscalité a les yeux rivés sur les Nations Unies », a-t-il dit. 

Les représentants de Cuba, au nom du Groupe des 77 et la Chine, et de la Sierra Leone, au nom du Groupe des États d’Afrique, ont défendu avec vigueur le lancement de discussions, à New York, sur le renforcement de la coopération fiscale internationale, discussions desquelles pourrait découler un instrument onusien juridiquement contraignant, qui soit transparent, démocratique et équitable.  À cet égard, ils ont appuyé la proposition du Secrétaire général de l’ONU de mettre en place un comité ad hoc intergouvernemental à composition non limitée chargé de faire des recommandations sur les meilleures façons de renforcer l’inclusivité et l’efficacité en matière de fiscalité.  Ces groupes de pays ont également souligné l’importance de s’attaquer aux pratiques nuisibles en matière fiscales qui les privent des ressources nécessaires à l’atteinte des ODD d’ici à 2030.  La Bolivie, les Philippines, la Thaïlande, Singapour, l’Argentine ou encore la Fédération de Russie ont appuyé ces propos. 

À ceux-ci, le représentant de l’Union européenne a insisté sur le fait que lutter contre l’évasion fiscale et les flux financiers illicites représente un intérêt commun à tous les pays, le renforcement de la coopération internationale étant fondamental dans ce domaine.  L’esprit de consensus doit souffler dans les processus internationaux de réformes fiscales et la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba, a-t-il poursuivi, considérant qu’il n’est pas nécessaire de mettre en place un nouveau cadre de coopération intergouvernementale « qui pourrait donner lieu à la mise en concurrence des instances existantes ».  Il a par conséquent plaidé pour l’amélioration de la coopération entre ces instances, « qui ont fait leurs preuves en matière de lutte contre les flux financiers illicites et de mobilisation des ressources nationales ».  En écho, la France a appelé à ne pas dupliquer les efforts en cours mais à les renforcer, le Secrétariat de l’ONU devant dans ce contexte se concentrer sur la mobilisation des ressources domestiques en cohérence avec les ODD et le Programme d’action Addis-Abeba, « compte tenu de ce qui reste à faire en matière, par exemple, de taxation indirecte et d’imposition de la propriété foncière ».  Dans cette optique, renforcer les capacités des administrations fiscales est pertinent, a dit la délégation française.  Le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, le Liechtenstein, l’Espagne ou encore le Canada ont abondé dans ce sens.  Le représentant canadien a ajouté que, que parmi les instances évoquées par l’UE, le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales compte à présent 166 membres.  « Il faut le dire, le secret bancaire a été levé, il n’existe plus de lieu dans le monde où les fonds peuvent être cachés. »

Les États-Unis, quant à eux, ont souhaité que le rapport du Secrétaire général de l’ONU sur la coopération fiscale, « comme le demande d’ailleurs la résolution A/RES/77/244 », analyse tous les efforts en cours sur les questions soulevées par l’UE et le Canada.  Le Secrétariat doit voir où les Nations Unies peuvent avoir une valeur ajoutée plus marquée, a encore indiqué le représentant, pour qui le cadre inclusive OCDE porte indéniablement ses fruits, « comme l’a expliqué M. Perraud ». 

Après que le représentant du Fonds monétaire international (FMI) a rappelé l’engagement des institutions financières de l’ONU à aider les pays en développement à réformer leurs administrations et systèmes de collectes fiscales, la société civile a fait entendre sa voix.  Le Réseau européen de la dette et du développement, l’organisation Digital Cooperation Organization, l’Alliance mondiale pour les questions fiscales et South Center ont unanimement souhaité la création d’une convention type de l’ONU encadrant les processus fiscaux internationaux.  Selon eux, la résolution A/RES/77/244 adoptée par consensus à l’Assemblée générale doit permettre de redonner pleinement la main à l’ONU, seule instance vraiment universelle, en matière de coopération fiscale.  « L’OCDE bloquait les travaux à ONU sur les questions fiscales », s’est souvenue la représentante du Réseau européen de la dette et du développement, se réjouissant que la résolution ait « enfin changé la donne ». 

Les Pays-Bas ont suggéré de ne pas faire des divergences de vues entre membres de l’OCDE et non-membres une fin en soi.  L’évidence est que les premiers ont plus d’influence; que l’Angola n’aura jamais plus d’influence que les États-Unis, a-t-il dit, ajoutant néanmoins que « mon pays, membre de l’OCDE, n’aura jamais plus d’influence que l’Inde ou la Chine ».  Il s’est ensuite rallié à la position de l’UE, du Canada et des États-Unis, estimant qu’il n’est pas nécessaire de créer un nouvel instrument de coopération internationale en matière de fiscalité.

Le Pakistan a demandé à l’OCDE d’écouter ses États membres qui, à l’instar de certains présents dans la salle, souhaitent un cadre multilatéral « où tous les pays sont sur un pied d’égalité ».  Enfin, au nom de la société civile, la Chambre de commerce internationale, à la différence des autres organisations ayant pris la parole ce matin, a recommandé d’éviter la fragmentation des cadres fiscaux internationaux. 

Table ronde 2: La fiscalité comme levier politique pour faire avancer la transition énergétique

Comment la politique fiscale peut-elle aider les pays en développement dans leur transition énergétique? s’est interrogée la modératrice de la seconde table ronde, Mme SUSANNE ÅKERFELDT, Conseillère principale auprès du Ministère des finances de la Suède.  Deux grands outils ont été évoqués lors de cette discussion: la mise en place d’une taxe carbone, avec des retours d’expérience de panélistes du Mexique et d’Afrique du Sud; et l’arrêt immédiat des subventions aux énergies fossiles. 

Dans un vif plaidoyer, Mme VANESSA CORKAL, Conseillère politique principale à l’Institut international du développement durable, a rappelé que « si nous voulons créer des normes et des régimes fiscaux mondiaux alignés sur la durabilité et la responsabilité, l’élimination des subventions aux combustibles fossiles fondées sur la fiscalité est une condition préalable fondamentale ».  L’absence de cadre mondial contraignant signifie que l’incitation à rediriger ces subventions –accordées tant au producteur qu’au consommateur d’énergie fossile- laisse à désirer.  « Au lieu de cela, nous avons constaté que les lacunes dans les définitions permettent aux gouvernements de continuer à subventionner les combustibles fossiles », a-t-elle pointé.

M. DIRK HEINE, Responsable monde des aspects climatiques de la politique budgétaire à la Banque mondiale, a axé son intervention sur les bienfaits d’une taxe carbone.  Il s’agit non seulement du moyen le plus efficace de réduire les émissions, mais aussi une base fiscale importante et en grande partie inutilisée.  Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, « une taxe carbone s’élevant en moyenne à 75 dollars par tonne de CO2 est nécessaire d’ici à 2030 dans tous les pays », a-t-il rappelé.  Cette taxe pourrait rapporter entre 0,5% et 3% du PIB en recettes fiscales nationales et contribuer à un assainissement budgétaire ou à financer les dépenses post-COVID, telles que le renforcement des systèmes de soins de santé mal en point.  De plus, en réduisant les polluants atmosphériques dangereux tels que les particules fines, les taxes sur le carbone améliorent la qualité de l’air au niveau local, « ce qui pourrait contribuer à lutter contre les 3 millions de décès prématurés dus à la pollution de l’air ambiant dans les pays en développement chaque année ».  Pour ces raisons et d’autres encore, les économistes, dont 28 lauréats du prix Nobel, sont de plus en plus nombreux à réclamer des taxes sur le carbone.  « Il est grand temps que les ministères des finances tiennent compte de leurs conseils et soutiennent les politiques fiscales, macroéconomiques et de développement durable. »

Deux panélistes ont justement relaté un retour d’expérience dans leur pays respectifs en matière d’imposition sur le carbone.  M. CARLOS MUÑOZ PIÑA, Directeur de la recherche et de l’intégrité des données au World Resources Institute, a relaté que son pays, le Mexique, est passé d’un pic de 1,8% du PIB consacré aux subventions aux carburants en 2008 à une génération de recettes fiscales positives sur les carburants équivalant à 1,6% de son PIB en 2018.  Dans le même temps, des changements institutionnels ont permis au pays de s’engager sur la voie d’une « taxation positive du carbone », à la fois de manière explicite, avec l’introduction par le Mexique d’une taxe d’accise sur le CO2, et de manière implicite, avec une nouvelle taxe sur les carburants.  « Une économie à revenu faible ou moyen ne peut pas faire grand-chose, surtout s’il ne s’agit pas d’un grand pays ou d’un pays riche en pétrole, en ce qui concerne les prix du marché international.  Mais elle peut agir sur ses taxes sur les combustibles fossiles pour corriger le signal. »

S’expriment par visioconférence depuis son pays, l’Afrique du Sud, M. CHRISTOPHER AXELSON, Directeur en chef de l’unité d’analyse économique de la fiscalité au sein du Trésor public, a évoqué la difficile mise en place d’une taxe carbone, dans un contexte social compliqué, alors même que son montant, 9 dollars par tonne, est loin d’atteindre les 75 dollars préconisés par M. Heine.  « De longues consultations ont été menées avec l’industrie et le public.  Cela n’a pas été facile dans un pays où la croissance économique a été faible et où le chômage est exceptionnellement élevé », a-t-il concédé.  Toute politique fiscale susceptible de restreindre la croissance ou de nuire à l’emploi a suscité une forte opposition populaire en Afrique du Sud: « nous avons dû procéder à de nombreux ajustements pour répondre aux besoins d’industries particulières ».  L’expérience sudafricaine a fait dire à la Sous-Secrétaire générale LIGIA NORONHA, qui est Cheffe du Bureau de New York du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), que sensibiliser la population est un élément essentiel à la réussite d’un projet de taxe carbone.  « L’opposition politique et sociale est souvent un obstacle majeur, les impacts des taxes environnementales évoluant avec le temps, et les décideurs politiques doivent surveiller attentivement les impacts sociaux », a-t-elle insisté. 

Estimant la montagne à gravir extrêmement haute, la Roumanie a fortement réagi.  Après la COVID-19, la guerre en Ukraine, l’inflation, les nouveaux prix élevés de l’énergie, le pays se trouve « face à un vrai dilemme ».  Pour réduire sa consommation de « fossile sale », la Roumanie ne perçoit pas de solution en dehors d’institutions comme l’ONU.  Introduire une taxe carbone « serait du suicide » pour une petite économie telle que la sienne, a fait valoir la délégation.

M. Heine, de la Banque mondiale, a tenté de rassurer.  Il n’existe selon lui « pas de preuve que la compétitivité d’un pays industriel va dérailler avec l’introduction d’une taxe carbone ».  Un producteur de ciment, par exemple, serait encouragé à rationnaliser la quantité d’énergie utilisée et à produire un maximum dans le pays, « de la façon la plus verte possible »: il y a des solutions acceptables mêmes pour les petits pays, a-t-il insisté.  La Banque mondiale et le FMI offrent des formations aux pays souhaitant renforcer leurs capacités en matière d’imposition, a-t-il ensuite fait remarquer à la délégation du Pakistan, qui s’inquiétait de possibles tensions au sein de différents ministères d’un même gouvernement.  « Comment avez-vous pu aller de l’avant? », a demandé à ce sujet la modératrice, Susanne Akerfeldt, au représentant sudafricain.  L’expert de l’Afrique du Sud, M. Axelson, a expliqué que si l’on commence par imposer des « taux bas », l’industrie va l’accepter: « les industriels aussi veulent changer, ils ont beaucoup de pression pour réduire les émissions à moyen et long terme ». 

Que faire pour les ménages pauvres que ces mesures touchent?  « Même au Canada, en Ontario, c’est difficilement accepté », a reconnu Vanessa Corkal, l’experte de l’Institut international du développement durable, qui a préconisé de remplacer les subventions en faveur de l’énergie fossile « en augmentant le financement des services sociaux ».

En conclusion, M. Muñoz Piña, de World Resources Institute, a insisté sur l’importance d’avoir des « mécanismes progressifs », afin d’éviter les accrocs, et de soutenir la transition industrielle.  L’experte du PNUE, Mme Noronha, a exhorté les pays à « absolument solliciter une assistance technique pour se faire aider » dans leurs réformes fiscales.  « Inutile de construire un nouvel édifice trop complexe, il faut simplement améliorer l’efficacité des systèmes existants; la Banque mondiale et le FMI ont élaboré des modèles pour vous aider », a conclu le représentant de la Banque mondiale, M. Dirk Heine.

Déclarations de clôture

En clôture de cette réunion spéciale, M. NAVID HANIF, Sous-Secrétaire général au développement économique, est revenu sur les deux questions examinées aujourd’hui, à savoir la promotion d’une coopération fiscale internationale qui soit inclusive et l’élaboration de politiques fiscales efficaces pour opérer une transition énergétique qui tienne compte de la crise actuelle.  La table ronde organisée sur la première question a souligné la nécessité d’une amélioration de la coopération internationale en matière fiscale, a-t-il noté, constatant qu’un grand nombre de participants ont appelé à des solutions multilatérales.  Beaucoup ont estimé que les institutions ne répondent pas suffisamment aux priorités des pays en développement.  Observant que certains ont plaidé pour des actions du bas vers le haut, afin d’identifier les questions prioritaires pour les pays en développement, M. Hanif a estimé qu’il s’agit en effet d’une première étape si nous souhaitons nous attaquer à ces problèmes.  Dans l’immédiat, il est essentiel, selon lui, de « faire une pause » et se livrer à une réflexion pour déterminer les défis et les opportunités, afin de rendre la coopération fiscale internationale plus inclusive et efficace.  Si d’aucuns considèrent que les solutions multilatérales doivent être élaborées par le biais d’une coopération entre tous ceux qui peuvent contribuer, le Sous-Secrétaire général a jugé que cela doit se faire sous les auspices de l’ONU, qui est l’organe le plus inclusif.

Dans le même temps, a-t-il ajouté, les participants ont partagé leurs différentes perspectives.  Certains ont parlé des possibilités qui s’offrent à nous en matière de structures de gouvernance, en vue de mieux refléter les priorités de tous les États Membres, en particulier des pays en développement.  Rappelant que l’ONU est une enceinte de délibérations pour débattre des options et des résultats « qui fonctionnent pour tout le monde », M. Hanif a jugé essentiel de mettre en place des règles faciles à appliquer.  C’est important pour les pays en développement et cela bénéficiera au système fiscal international, a-t-il affirmé, avant d’appeler les États Membres à saisir l’occasion de ce « moment charnière » pour bâtir un système « accepté par tous et qui fonctionne pour tout le monde ».  Le moment est venu de le faire, ici à l’ONU, pour financer la réalisation des ODD d’ici à 2030, a-t-il dit.

Évoquant ensuite la deuxième table ronde, consacrée à l’imposition comme levier politique pour préparer la transition énergétique et atteindre les ODD, M. Hanif a estimé que des politiques fiscales efficaces peuvent nous permettre d’optimiser l’utilisation des ressources, encourager la transition vers des économies à faible teneur en carbone et dégager la marge budgétaire dont les gouvernements ont besoin.  Ces politiques, a-t-il souligné, peuvent faciliter l’accès à une énergie bon marché et aider les pays à atteindre leurs objectifs en matière climatique et de durabilité.  Cela va toutefois nécessiter une coopération qui promeut des politiques fiscales justes, avec une coordination internationale, a-t-il relevé, invitant les États à investir dans la production d’énergies propres.  S’agissant enfin de la question des recettes fiscales nationales, le Sous-Secrétaire général a appelé à trouver un équilibre entre le besoin de lever des impôts et les objectifs environnementaux.  Cela aidera les pays à réduire leurs émissions de CO2 et à s’adapter à l’impact des changements climatiques, a-t-il assuré.

Mme LACHEZARA STOEVA, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a remercié l’ensemble des participants pour leurs contributions.  Selon elle, l’engagement actif des responsables des administrations fiscales, des ministères des finances et des missions permanentes à New York, ainsi que d’un large éventail d’autres parties prenantes, a mis en évidence des « perspectives multisectorielles » qui resteront à l’ordre du jour du programme mondial de développement dans les mois à venir.  Les discussions d’aujourd’hui ont fourni des options et des idées sur la façon de relever les défis et les opportunités dans la promotion d’une coopération fiscale internationale inclusive et efficace aux Nations Unies, s’est-elle félicitée, assurant que ces idées contribueront certainement à l’effort mondial visant à construire un système fiscal international juste et efficace pour le développement durable.  En outre, a observé Mme Stoeva, la réunion a mis en exergue des expériences très intéressantes et instructives, ainsi que des idées concrètes sur le rôle de la politique fiscale dans le soutien à la transition énergétique, y compris l’accès à l’énergie.  Celles-ci contribueront sans aucun doute à renforcer le soutien aux pays dans l’élaboration et la mise en œuvre de politiques dans des domaines tels que les mécanismes de tarification du carbone et le rôle de la fiscalité environnementale dans la transition énergétique et la collecte des recettes des pays en développement, a-t-elle conclu, se disant impatiente de poursuivre ces travaux pour remettre les ODD sur la bonne voie et faire progresser l’action climatique.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’annonce d’un accord pour le déploiement d’armes nucléaires tactiques russes au Bélarus suscite inquiétude et controverses au Conseil de sécurité

9300e séance – matin
CS/15250

L’annonce d’un accord pour le déploiement d’armes nucléaires tactiques russes au Bélarus suscite inquiétude et controverses au Conseil de sécurité

Après l’annonce, le 25 mars par le Président Vladimir Putin, d’un accord conclu avec son homologue bélarussien Aleksandr Lukashenko pour installer des armes nucléaires tactiques russes sur le territoire du Bélarus, le Conseil de sécurité s’est réuni aujourd’hui pour examiner ce que le Royaume-Uni a qualifié de « nouvelle tentative d’intimidation et de coercition », mais qui a été présenté tant par la Fédération de Russie que par le Bélarus comme une réponse à des « provocations agressives » de l’Occident. 

« Le risque d’utilisation d’une arme nucléaire est actuellement plus élevé qu’il ne l’a jamais été depuis la fin de la guerre froide », a alerté pour sa part la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement pour qui la guerre en Ukraine « représente l’exemple le plus aigu de ce risque ».  Mme Izumi Nakamitsu en a également profité pour rappeler que les États parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qu’ils soient ou non dotés d’armes nucléaires, devaient respecter strictement les engagements et les obligations qu’ils ont contractés en vertu du celui-ci.  Ce respect, a-t-elle souligné, est un élément essentiel de la prévention de la dissémination et de l’utilisation des armes nucléaires, ainsi que de leur élimination, laquelle reste « la priorité absolue » des Nations Unies en matière de désarmement. 

À l’origine de la séance, les États-Unis ont dénoncé un comportement déstabilisant et accusé la Russie de nier ses obligations en matière de non-prolifération et de chercher à intimider tous ceux et celles qui cherchent à aider l’Ukraine à exercer son droit à la légitime défense.  La France y a vu une violation du Mémorandum de Budapest et a jugé inacceptable que la menace de l’emploi des armes nucléaires soit utilisée par la Russie à des fins de coercition dans le cadre de sa guerre d’agression contre l’Ukraine.  Plusieurs intervenants ont dénoncé en outre une rhétorique nucléaire « irresponsable » -Royaume-Uni ou encore Japon- ou au moins « imprudente » -l’Union européenne- susceptible d’aggraver une situation déjà tendue. 

Plusieurs autres membres du Conseil ont exprimé leur inquiétude, à l’image du Gabon, pour qui ces déclarations, croisées aux livraisons massives d’armes à l’Ukraine, placent le monde à un « tournant dangereux de la guerre dans lequel l’utilisation de l’arme nucléaire apparaît de plus en plus comme une option ».  C’est pourquoi Mme Nakamitsu a souligné que, dans les domaines liés aux armes nucléaires, « tous les États doivent éviter de prendre des mesures qui pourraient conduire à une escalade, à une erreur ou à un mauvais calcul ».  Des propos repris par plusieurs membres du Conseil, dont les Émirats arabes unis, l’Équateur ou encore le Ghana, qui a jugé « réels » ces risques.  Ces pays et d’autres ont appelé à la désescalade et à la reprise du dialogue. 

La Chine a ainsi demandé à la communauté internationale de créer d’urgence les conditions propices à la paix et à la reprise rapide des négociations.  Son représentant a en outre rappelé la déclaration du « P5 » -les cinq puissances nucléaires au titre du TNP- de janvier 2022 selon laquelle « une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée », également citée par la France et le Royaume-Uni et à laquelle le représentant russe a une nouvelle fois confirmé souscrire. 

« L’annonce récente faite par Putin démontre bien que la signature d’accords n’a aucune valeur à ses yeux », a rétorqué l’Ukraine selon qui il n’aura fallu que quatre jours au Chef d’État russe pour violer la Déclaration conjointe sur l’approfondissement du partenariat de coordination stratégique global à l’ère nouvelle, récemment signée avec la Chine.  La Russie démontre son échec à s’imposer sur le champ de bataille, a considéré le représentant ukrainien, pour qui Moscou, dans une tentative désespérée « d’éviter l’inévitable », à savoir sa défaite militaire en Ukraine, agite à présent la menace de l’« apocalypse nucléaire ». 

Estimant que cette séance n’avait pas de raison d’être, le représentant russe a pointé du doigt les « missions nucléaires conjointes », dans le cadre desquelles des membres européens de l’OTAN accueillent sur leur territoire des armes nucléaires tactiques américaines, les jugeant incompatibles avec la lettre comme avec l’esprit du TNP.  Mme Nakamitsu a rappelé que la question se posait « depuis des décennies », tout en ajoutant qu’à l’exception de celui annoncé le 25 mars, ces arrangements étaient tous antérieurs au TNP et que les positions des États parties concernés étaient « connues de tous ».  Le Brésil a rappelé la sienne, selon laquelle tout accord de partage nucléaire est incompatible avec les articles I et II du TNP, ce qu’a contesté le représentant des États-Unis. 

Dénonçant la « duplicité » des Occidentaux, la Fédération de Russie a vu « l’apothéose de leur hypocrisie » dans leurs tentatives de se présenter comme des champions de la paix tout en livrant sans arrêt armes et munitions à l’Ukraine et en jugeant inacceptable un cessez-le-feu pourtant réclamé dans les récentes initiatives internationales visant à résoudre la situation, initiatives « que la Russie salue ». 

Les États-Unis, a encore accusé le délégué russe, veulent « consolider leur propre domination géopolitique et entraver le processus objectif d’établissement d’un monde multipolaire », tandis que « l’Occident global » veut imposer son « ordre fondé sur des règles », intrinsèquement néocolonial et sans aucun rapport avec le droit international, qui ne vise qu’à garantir à tout prix la prospérité du « milliard d’or ». 

De telles actions obligent la Fédération de Russie et le Bélarus à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris militaires, pour assurer leur sécurité, a-t-il tranché.  C’est aussi le discours qu’a tenu le représentant du Bélarus, pour qui le déploiement potentiel d’armes nucléaires russes sur le territoire de son pays serait en conformité avec le TNP: puisque le contrôle de ces armes relèvera exclusivement de la Fédération de Russie, il n’y aura donc pas de transfert, a-t-il argué. 

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

Mme IZUMI NAKAMITSU, Secrétaire générale adjointe et Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a rappelé que, le 25 mars, la Fédération de Russie avait annoncé qu’elle était parvenue à un accord avec le Bélarus pour stationner des armes nucléaires non stratégiques sur le territoire de ce pays.  Elle a ensuite ajouté que, dans les domaines liés aux armes nucléaires, elle tenait à « être claire dès le départ: tous les États doivent éviter de prendre des mesures qui pourraient conduire à une escalade, à une erreur ou à un mauvais calcul; tous les États parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qu’ils soient ou non dotés d’armes nucléaires, doivent respecter strictement les engagements et les obligations qu’ils ont contractés en vertu du Traité ».

Pour la Haute-Représentante, le respect de ces engagements et obligations est un élément essentiel de la prévention de la dissémination et de l’utilisation des armes nucléaires et de l’élimination des armes de destruction massive.  Il est donc au cœur du maintien de la paix et de la sécurité internationales et l’élimination des armes nucléaires reste « la priorité absolue » des Nations Unies en matière de désarmement.

Mme Nakamitsu a rappelé que la question de l’accueil par un État non doté d’armes nucléaires de telles armes venant d’un État doté se pose « depuis des décennies, dans différentes régions et dans le cadre de différents arrangements ».  Toutefois, a-t-elle fait observer, à l’exception de l’annonce du 25 mars, ces arrangements sont tous antérieurs au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. 

La question du « partage nucléaire » a fait l’objet de débats intenses lors de la négociation du TNP, a également rappelé Mme Nakamitsu, qui a précisé qu’elle avait fait l’objet de discussions ultérieures, notamment lors des conférences d’examen du TNP.  Les États parties ont adopté des positions différentes, qui sont connues de tous et consignées dans les résumés des différentes conférences d’examen, a-t-elle ajouté. 

Le risque d’utilisation d’une arme nucléaire est actuellement plus élevé qu’il ne l’a jamais été depuis la fin de la guerre froide, s’est inquiétée la Secrétaire générale adjointe, pour qui la guerre en Ukraine « représente l’exemple le plus aigu de ce risque ».  L’absence de dialogue et l’érosion de l’architecture de désarmement et de contrôle des armements, combinées à une rhétorique dangereuse et à des menaces voilées, sont les principaux moteurs de ce risque potentiellement existentiel, a-t-elle déploré.

Répétant que les États doivent éviter de prendre des mesures qui pourraient conduire à une escalade, à une erreur ou à un mauvais calcul, Mme Nakamitsu les a appelés à renouer de toute urgence le dialogue pour désamorcer les tensions et mettre en œuvre des mesures de transparence et de confiance.  Elle s’est fait l’écho de l’appel lancé par le Secrétaire général à la Fédération de Russie et aux États-Unis pour qu’ils reviennent à la pleine mise en œuvre du traité New START. 

La mise en œuvre accélérée des engagements pris dans le cadre du TNP peut également contribuer à renforcer la stabilité internationale, a ajouté la Haute-Représentante, qui a exhorté tous les États parties au TNP à respecter pleinement leurs obligations et à s’engager immédiatement dans des négociations sur les armes nucléaires pour réduire le risque nucléaire et désamorcer les tensions.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a dénoncé l’annonce par la Russie de son intention de déployer des armes nucléaires tactiques au Bélarus de même que ses actions qui mettent en danger la sécurité mondiale et régionale.  Quant à la justification du Bélarus, qui prétend avoir besoin de ces armes pour se protéger de l’OTAN, elle est tout simplement risible, a-t-il affirmé.  Faire planer la menace de l’apocalypse est toujours dangereux, a prévenu le représentant selon lequel le Kremlin brandit l’arme nucléaire à chaque fois qu’il se retrouve au pied du mur ou acculé comme aujourd’hui.  Or, le fait d’agiter cette menace met à mal les principes et dispositions du TNP, de l’architecture de désarmement et du système de sécurité internationale dans son ensemble, nous ramenant à la mentalité de la guerre froide.  Pourtant, a-t-il relevé, pas plus tard qu’en janvier 2022, les États dotés de l’arme nucléaire affirmaient dans une déclaration conjointe qu’une guerre nucléaire ne saurait jamais être gagnée et que par conséquent elle ne devrait jamais être menée.  À cette occasion, ces mêmes pays avaient également dit leur désir d’œuvrer à un environnement sécuritaire permettant de progresser dans le désarmement nucléaire en garantissant la sécurité absolue de tous.  Eh bien, il semblerait que la Russie ait oublié ces belles théories, s’est ému le représentant, qui a estimé que plus que jamais, il fallait aider l’Ukraine à se défendre. 

ROBERT A. WOOD (États-Unis) a dénoncé le comportement déstabilisant de « Putin » qui menace de déployer des armes tactiques au Bélarus, qualifiant de « ridicule » l’argument selon lequel ce déploiement serait justifié par l’utilisation de munitions perforantes.  Le déploiement annoncé n’a rien à voir avec de telles munitions -qui sont utilisées depuis des décennies et détenues par Moscou elle-même- mais a tout à voir avec les tentatives du Kremlin de limiter ou de dissuader l’appui international apporté à l’Ukraine, a analysé le délégué.  Et même si Moscou ne veut pas que l’Ukraine puisse se défendre contre les chars russes, le fait est que les chars russes n’entreraient pas en contact avec ces munitions perforantes si les chars russes ne se trouvaient pas sur le territoire souverain de l’Ukraine.  Il n’existe aucune raison crédible pour que Moscou place des armes nucléaires au Bélarus, a-t-il insisté.

En envahissant l’Ukraine, a enchaîné le délégué, la Russie a bafoué le Mémorandum de Budapest de 1994.  Elle a bloqué le consensus lors de la dernière conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et elle a refusé de resouscrire au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques.  La Russie a ainsi nié ses obligations en matière de non-prolifération, s’est indigné le représentant, et elle cherche à présent à intimider tous ceux et celles qui cherchent à aider l’Ukraine à exercer son droit à la légitime défense.  Reprochant à certains membres du Conseil de fermer les yeux face au conflit, il a souligné que le refus de voir la vérité ne mène pas à la paix, alertant que la menace nucléaire pourrait considérablement changer la nature même de cette guerre.  Il a exhorté le « régime de Lukashenko » de mettre fin à sa collaboration avec la Russie et, à cette dernière, de mettre un terme à sa guerre d’agression en Ukraine. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a noté avec inquiétude l’annonce selon laquelle la Russie entend déployer des armes nucléaires au Bélarus, un développement qui contredirait ses condamnations répétées des systèmes de partage nucléaire, notamment lors de la dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).  L’annonce soulève également des préoccupations concernant les engagements pris par la Russie dans le contexte du TNP, a ajouté le représentant.  Il a condamné tout type de menaces nucléaires proférées par la Russie dans le cadre de son agression militaire contre l’Ukraine, exprimant la préoccupation de la Suisse devant l’érosion continue du système de contrôle d’armes nucléaires.  Le délégué s’est ainsi ému de la décision de la Russie de suspendre sa participation au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques (New START) et de l’annonce faite par les États-Unis visant à limiter les notifications de leur côté.  Il a ensuite exhorté les parties à redoubler d’efforts en vue de conclure un nouvel accord avant l’expiration en 2026 de ce dernier traité bilatéral portant sur les armes nucléaires. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) s’est dit préoccupé par les récentes informations concernant le déploiement par la Russie d’armes nucléaires tactiques au Bélarus, un mois après la suspension de sa participation au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques.  Ces informations se croisent avec celles relatives aux livraisons massives d’armes à l’Ukraine, a-t-il relevé, y compris de munitions à uranium appauvri.  Il est donc évident, à ses yeux, que nous nous trouvons à un tournant dangereux de la guerre dans lequel l’utilisation de l’arme nucléaire apparaît de plus en plus comme une option.  Qu’elle serve de dissuasion ou qu’elle soit mise au service de la propagande des belligérants, la rhétorique du recours au nucléaire fait redouter le pire pour le monde, a mis en garde le représentant, ajoutant que ces développements vont à l’encontre des objectifs internationaux de désarmement et de non-prolifération nucléaires prescrits par le TNP.  Par-dessus tout, cette tendance à la banalisation de l’arme nucléaire et de l’exhibition de la force est périlleuse pour l’humanité, s’est indigné le délégué dont le pays ne soutiendra jamais l’emploi ou la menace d’emploi d’armes nucléaires; ni d’aucune arme de destruction massive. 

M. GENG SHUANG (Chine) a déclaré que les armes nucléaires sont une épée de Damoclès qui pèse au-dessus de nous.  Il a rappelé que la Chine s’est engagée en faveur d’une stratégie nucléaire défensive, et à ne pas avoir recours à ces armes contre des nations non nucléaires.  Le représentant a demandé à toutes les puissances nucléaires de ne pas déployer d’armes nucléaires à l’étranger et de retirer celles qui le sont déjà.  La confiance mutuelle et la coopération sont essentielles à cet égard, a martelé le représentant.  Il a appelé les États dotés de l’arme nucléaire à respecter la déclaration conjointe qu’ils ont adoptée en janvier dernier, soulignant en outre qu’une guerre nucléaire ne peut jamais être gagnée. 

Sur la crise ukrainienne, le représentant a appelé à protéger les centrales nucléaires, à veiller à ce que les armes nucléaires ne soient pas utilisées et à ce qu’une guerre nucléaire ne soit pas déclenchée.  Le recours ou la menace du recours à l’arme nucléaire doivent être évités à tout prix, a-t-il appuyé.  Il a insisté sur l’impératif de reprendre le dialogue, de promouvoir sans tarder un règlement politique, et d’éviter tout acte qui serait susceptible d’exacerber les tensions et de prolonger la guerre.  La communauté internationale doit créer d’urgence les conditions propices à la paix et à la reprise rapide des négociations, a-t-il insisté.

M. DARREN CAMILLERI (Malte) a rappelé que, depuis le début de l’agression russe contre l’Ukraine, le monde retient son souffle alors que Moscou mène des activités militaires imprudentes à l’intérieur et autour d’installations nucléaires civiles en Ukraine, et continue d’occuper la plus grande centrale nucléaire d’Europe à Zaporijia, posant ainsi un risque important d’incident radiologique.  Depuis plus d’un an, a-t-il poursuivi, la paix et la sécurité internationales sont menacées, en raison des menaces nucléaires inacceptables brandies par la Russie contre son voisin, un État indépendant, souverain et non doté d’armes nucléaires qui a volontairement renoncé à son arsenal.  L’Ukraine l’a fait de bonne foi, en échange de garanties sécuritaires de la part de la Russie, des garanties aujourd’hui « trahies », a dénoncé le représentant.  En outre, il y a quelques semaines à peine, la Russie a déclaré qu’elle suspendait sa participation au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques, le dernier accord bilatéral de contrôle des armes nucléaires conclu avec les États-Unis, a-t-il encore regretté.  Le délégué a appelé la Russie à cesser immédiatement sa guerre d’agression et à retirer toutes ses forces des frontières internationalement reconnues de l’Ukraine.  À ce stade, la dernière chose à faire serait de faire encore monter les enchères, a mis en garde le délégué. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a rappelé qu’en janvier 2022, les membres du « P5 » avaient déclaré qu’une « guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée ».  Tant qu’elles existeront, ces armes devraient servir à dissuader les agressions et prévenir la guerre.  Et pourtant, a ajouté le représentant, malgré cet engagement, depuis le début de l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie, le Président Putin a utilisé une « rhétorique nucléaire irresponsable ». 

Aucun autre pays n’a évoqué la perspective d’une utilisation nucléaire dans ce conflit, a fait observer le représentant, pour qui « personne ne menace la souveraineté de la Russie ».  Il a vu dans l’annonce du 25 mars la « dernière tentative en date d’intimidation et de coercition » du Président Putin.  Mais « cela n’a pas fonctionné et ne fonctionnera pas », a-t-il affirmé, ajoutant que le Royaume-Uni continuera à soutenir l’Ukraine pour qu’elle se défende.

Le Président Putin a affirmé que l’élément déclencheur de son annonce était la fourniture par le Royaume-Uni de munitions à l’uranium appauvri à l’Ukraine, ainsi que de chars Challenger, a noté le représentant.  Mais, a-t-il ajouté, la Russie « sait parfaitement qu’il s’agit de munitions conventionnelles », accusant Moscou d’avoir menée une nouvelle « tentative délibérée d’induire en erreur ». 

Le représentant a salué l’appel du Président chinois Xi à la communauté internationale pour qu’elle s’oppose conjointement à l’utilisation ou à la menace d’utilisation d’armes nucléaires.  Disant prendre note de la déclaration commune sino-russe selon laquelle les armes nucléaires ne devraient pas être déployées à l’étranger, il a affirmé que, malgré ses déclarations d’intention, la Russie n’avait cessé de saper l’architecture de contrôle des armements qui sous-tend notre sécurité collective.  Il a ainsi attribué à des « violations persistantes du Traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) par la Russie » l’effondrement de ce traité en 2019 et a rappelé que la Russie avait, en début d’année, suspendu sa participation au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques (New START). 

Le Président Lukashenko n’a jamais caché son souhait de voir la Russie installer des armes nucléaires au Bélarus, a encore accusé le représentant, qui lui a demandé instamment de cesser de faciliter ainsi les « actions imprudentes » et génératrices d’escalade de la Fédération de Russie. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a rappelé la position de principe de son pays sur la nécessité pour la Fédération de Russie de mettre fin à son agression contre l’Ukraine comme base pour la recherche d’une solution politique au conflit et s’est alarmé du bilan humanitaire de la guerre, qui ne cesse de s’alourdir.  Face aux destructions des infrastructures civiles, le représentant a rappelé aux belligérants leur obligation de respecter le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire et a attiré l’attention sur les conséquences qu’entraînent les violations en matière de responsabilité.  Il a également rappelé les répercussions du conflit au-delà de l’Ukraine, en particulier pour les pays du Sud. 

Le représentant a appelé à reconnaître que la guerre en cours sape les relations entre les États et entraîne des conséquences perturbatrices et indésirables.  C’est pourquoi, a-t-il ajouté, nous devons redoubler d’efforts pour amener les parties belligérantes à la table du dialogue et de la diplomatie. 

Le délégué a jugé « réels » les risques stratégiques découlant d’actions délibérées ou d’erreurs de calcul dans le contexte du conflit ukrainien.  Rappelant l’opposition permanente de son pays aux armes nucléaires et aux doctrines stratégiques de modernisation des arsenaux, il a appelé les États à reculer et changer de cap.  Il a aussi estimé que le régime de non-prolifération nucléaire avait besoin « de bonne foi, de dialogue, de confiance et de renforcement de la confiance » pour prospérer.  Le représentant a plaidé en faveur d’un règlement pacifique du différend par la poursuite des négociations sur la base de la Charte et du droit international et a encouragé tous les États qui sont en mesure d’exercer une influence positive sur les parties belligérantes à les inciter à s’abstenir de rejeter les initiatives et les propositions de paix potentielles.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit vouloir apporter des éclaircissements sur l’origine réelle de la menace pour la paix et la stabilité.  Il a décrit une architecture de sécurité mondiale victime d’une « grave érosion » du fait des États-Unis et de leurs alliés, les accusant de s’être lancés, depuis la fin de la guerre froide, dans un « processus de rupture et de démantèlement systématique et cohérent » d’accords clefs et du climat de confiance dans le domaine de la sécurité, processus dicté exclusivement, selon lui, par le désir des États-Unis de consolider leur propre domination géopolitique et d’entraver le processus objectif d’établissement d’un monde multipolaire. 

Confirmant la déclaration du P5 de janvier 2022 selon laquelle aucune guerre nucléaire ne saurait être gagnée, le représentant a énuméré les accords internationaux auxquels les États-Unis ont mis fin ou dont ils ont provoqué l’effondrement: fin du traité soviéto-américain sur les missiles antibalistiques en 2003, retrait en 2019 des États-Unis du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (Traité FNI), retrait en 2020 du Traité « Ciel ouvert »; violation par les États-Unis du nouveau Traité de réduction des armements stratégiques qui a amené la Russie à en suspendre l’application le 21 février dernier. 

M. Nebenzia a, de même, accusé les États-Unis d’avoir sapé l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien par son retrait unilatéral, d’avoir refusé de ratifier le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), notant en outre qu’ils n’avaient toujours pas rempli leurs obligations au titre de la Convention sur les armes chimiques (CIAC) et bloquent de surcroît le renforcement du régime de la Convention sur les armes biologiques par la création d’un mécanisme de vérification efficace.  Le représentant a encore mentionné le refus des États-Unis de ratifier l’Accord d’adaptation du Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe, « détruisant ainsi les fondements de la sécurité paneuropéenne ».  Il a, enfin, reproché aux États-Unis d’avoir rejeté les propositions de la Russie dans le cadre de la reprise en 2021 du dialogue global russo-américain sur la stabilité stratégique. 

Pour le représentant, il n’y avait « aucune raison objective » de convoquer la réunion d’aujourd’hui.  En effet, a-t-il affirmé, dans les années 90, la Russie a « tout mis en œuvre pour retirer les armes nucléaires de l’ex-Union soviétique et les installer sur son territoire ».  La Russie, a-t-il ajouté, a aussi appelé à plusieurs reprises les États-Unis à faire de même en rapatriant leurs armes nucléaires sur leur territoire national et à mettre fin aux violations de longue date du TNP par les États-Unis et d’autres membres de l’OTAN dans le cadre des « missions nucléaires conjointes » incompatibles avec la lettre comme avec l’esprit du TNP. 

Le représentant a affirmé que la coopération de la Russie avec le Bélarus ne viole en aucun cas ses obligations internationales en matière de non-prolifération.  Il a rappelé que le Président Putin avait explicitement indiqué qu’il n’y avait pas de transfert d’armes nucléaires, mais un transfert au Bélarus de systèmes de missiles tactiques rapides Iskander-M, un rééquipement d’avions de l’armée de l’air bélarussienne et la construction d’une installation spéciale de stockage d’armes nucléaires tactiques sur le territoire du Bélarus, « qui sera sous le contrôle de la Russie ». 

M. Nebenzia a ensuite insisté sur l’opacité du déploiement d’armes nucléaires tactiques américaines en Europe, dont l’emplacement exact n’a pas été révélé, citant toutefois les estimations selon lesquelles entre 100 et 150 bombes nucléaires tactiques américaines seraient actuellement déployées dans le cadre de la coopération nucléaire de l’OTAN en Europe, notamment aux Pays-Bas, en Belgique, en Italie, en Allemagne et en Türkiye.  Il a aussi mentionné les appels lancés ces dernières années pour « étendre la géographie des sites de stockage nucléaire américains » vers l’Est et l’annonce en octobre 2022 par la Pologne de la négociation de sa participation à des « missions nucléaires conjointes ».  Il est évident que de telles actions nous obligent à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris militaires, pour assurer la sécurité de la Russie et du Bélarus, a affirmé le représentant. 

Pour le représentant, la préoccupation des pays occidentaux pour la stabilité mondiale « semble extrêmement hypocrite ».  Il a dénoncé des « activités provocatrices permanentes en dehors de l’Europe », citant en particulier l’accord AUKUS entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, un « bloc qui provoque globalement des tensions, sape les efforts de maintien de la paix et de la stabilité dans la région Asie-Pacifique et ouvre la voie à une nouvelle course aux armements ». 

Accusant les Occidentaux de « duplicité », le représentant en a vu un exemple dans la décision du Royaume-Uni de fournir à l’Ukraine, en plus de chars de combat, des obus à uranium appauvri, « munitions toxiques » utilisées en ex-Yougoslavie et en Iraq avec des « conséquences désastreuses pour les populations ».  S’il se souciait réellement de sa population, le « régime de Kiev » aurait dû refuser ces munitions pour ne pas se mettre en danger et éviter la contamination future des terres. 

Dénonçant la dissimulation par les Occidentaux des crimes commis contre la population russe dans l’est du pays, M. Nebenzia a vu « l’apothéose de leur hypocrisie » dans leurs tentatives de se présenter comme des champions de la paix tout en livrant sans arrêt armes et munitions.  Il a également dénoncé leurs déclarations sur le caractère inacceptable d’un cessez-le-feu en Ukraine en réponse aux récentes initiatives internationales visant à résoudre la situation, « que la Russie salue ».  L’approche sans principe et incohérente de l’Occident collectif face au conflit ukrainien illustre à quel point l’ordre fondé sur des règles n’a rien à voir avec le droit international » et ne vise qu’à garantir à tout prix la prospérité du « milliard d’or ». 

Pour M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil), il semble évident que le désarmement nucléaire marche à reculons.  Il a déploré que tous les États dotés d’armes nucléaires renforcent leurs arsenaux, soit quantitativement, soit qualitativement, soit les deux.  Par ailleurs, il a estimé que tout accord de partage nucléaire est incompatible avec les articles I et II du TNP, rejetant les arguments selon lesquels ces accords ne constitueraient pas un « transfert », ou que les accords préexistants qui n’étaient pas conformes aux dispositions du TNP pourraient bénéficier d’une « clause de sauvegarde » dans le Traité.  Le texte de ces articles est clair et leur intention encore plus, a tranché le représentant.

Répondre aux violations par des violations semble être devenu la logique dominante dans le contrôle des armes aujourd’hui, a-t-il encore déploré.  À son avis, en réduisant les canaux de communication, en augmentant les facteurs d’incertitude et en réduisant la confiance, le monde devient moins sûr pour les États dotés d’armes nucléaires comme pour ceux qui n’en sont pas dotés.  Aussi le délégué a-t-il instamment demandé à tous les membres de ce Conseil, et en particulier aux États dotés d’armes nucléaires, de s’engager à nouveau en faveur du contrôle des armements, du désarmement et de la non-prolifération et de s’acquitter de toutes leurs obligations au titre du TNP.  Si dans d’autres domaines du droit international, la suspension des obligations peut parfois être la réponse appropriée à une violation d’un traité, cela ne devrait jamais être la réponse dans les domaines du désarmement et de la non-prolifération nucléaires, a fait remarquer le délégué: tout d’abord, parce que cette suspension, en elle-même, peut violer l’obligation de l’article VI du TNP de freiner la course aux armements et de s’engager dans le désarmement, mais aussi, et peut-être surtout, parce que les risques dans ce domaine sont plus élevés que dans presque tous les autres.  Le représentant a prévenu que les violations des obligations en matière de contrôle des armes nucléaires et de désarmement menacent de déclencher des processus imprévisibles de course aux armements qui accroissent considérablement les risques d’escalade volontaire et involontaire.  Toutes les parties doivent donc rétablir le dialogue, restaurer les mécanismes existants de contrôle des armes et de désarmement et travailler à la mise en place de nouveaux mécanismes qui leur permettront de respecter pleinement toutes leurs obligations au titre du TNP, a préconisé le représentant.

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a rappelé que le 1er mars 2022, quelques jours à peine après le début de l’agression militaire contre l’Ukraine, 13 pays actifs dans le domaine du désarmement nucléaire et de la non-prolifération, dont l’Équateur, ont publié un communiqué commun rejetant l’ordre donné par la Fédération de Russie de placer les forces de dissuasion nucléaire en état d’alerte maximale, et exhortant ce pays à prendre des mesures urgentes en faveur du désarmement nucléaire.  Regrettant qu’un an plus tard, le discours et les actions de la Russie aient continué d’attiser au lieu d’apaiser les inquiétudes mondiales, le représentant a exigé qu’il soit mis fin à tout recours à la menace nucléaire, alertant des conséquences pour la région et le monde de toute interprétation ou calcul erroné.  Il a regretté l’annonce faite par la Russie, en février dernier, de suspendre sa participation au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques et l’a instamment invitée à honorer ses obligations dans le cadre de l’architecture internationale de sécurité et de non-prolifération. 

Le représentant a déploré en outre que quatre jours après le début de l’agression militaire contre l’Ukraine, le Bélarus ait organisé un référendum pour supprimer de sa constitution son statut d’État exempt d’armes nucléaires, et qu’il ait désormais l’intention d’accepter le déploiement d’armes nucléaires tactiques sur son territoire.  À ce sujet, le délégué a condamné l’annonce faite par la Russie de déployer des armes nucléaires tactiques au Bélarus, au mépris de ses obligations internationales, jugeant la situation d’autant plus alarmante dans le contexte de l’agression militaire qu’elle continue d’infliger à l’Ukraine.  Les actions et le discours de la Russie alimentent le risque de guerre nucléaire, a mis en garde le représentant en appelant à la désescalade afin de réduire ces risques et d’éviter tout accident.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a constaté que la guerre en Ukraine a forcé la communauté internationale à affronter les dangers et les complexités associés aux armes nucléaires, aux matières nucléaires inactives et aux conflits armés à proximité et sur le site d’une centrale nucléaire.  Il s’est inquiété du risque d’accidents et d’erreurs de calcul dans un contexte de tensions croissantes et d’intensification des conflits.  Il ne faut ne pas se limiter à analyser la légalité de chaque action individuelle alors que c’est l’ensemble de ces actions qui nous rapproche de plus en plus d’une catastrophe nucléaire, a affirmé le représentant.  Il s’est déclaré convaincu qu’aujourd’hui le dialogue reste possible, évoquant le récent accord entre la Russie et l’Ukraine visant à prolonger l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire.  Il a espéré que ce même esprit permettra de faire avancer la diplomatie dans le domaine de la sûreté et la sécurité nucléaires.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a condamné l’annonce faite par le Président russe d’un accord conclu entre la Russie et le Bélarus pour y déployer des armes nucléaires.  Il s’agit là d’un coup supplémentaire porté par la Russie à l’architecture de maîtrise des armements, à la stabilité stratégique en Europe et à la paix et la sécurité internationales, a déploré le représentant.  En annonçant son intention de déployer des armes nucléaires à l’extérieur de ses frontières, elle contrevient à nouveau à ses engagements internationaux, en particulier ceux du Mémorandum de Budapest, et aggrave une situation déjà instable.  Le représentant a appelé au respect de la déclaration du P5 en date du 3 janvier 2022, endossée par Vladimir Putin, sur la prévention de la guerre nucléaire et des courses aux armements.  Il a jugé inacceptable que la menace de l’emploi des armes nucléaires soit utilisée par la Russie à des fins de coercition dans le cadre de sa guerre d’agression contre l’Ukraine, et a condamné l’utilisation du territoire bélarussien comme base arrière et rampe de lancement des frappes russes contre les infrastructures civiles d’Ukraine.  La France, a-t-il ajouté, appelle solennellement le régime bélarussien à ne pas franchir un pas supplémentaire dans l’escalade en revenant sur sa décision d’accepter le déploiement d’armes nucléaires sur son territoire.

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a condamné les propos du Président Putin concernant la décision de la Fédération de Russie de déployer des armes nucléaires tactiques au Bélarus, qui accroît encore la tension, avant d’accuser la Russie « d’abuser » de son statut d’État doté d’armes nucléaires par une « rhétorique irresponsable ».  Le Japon ne pourra jamais accepter les menaces nucléaires de la Russie, et encore moins l’utilisation d’armes nucléaires, a ajouté le représentant, qui a appelé les autres États Membres à s’abstenir de tout soutien, direct ou indirect, à de telles actions.

Le représentant a rappelé que, le mois dernier, la Fédération de Russie avait également annoncé la suspension de la mise en œuvre du traité New START, mesure que le Japon « regrette profondément » et sur laquelle le représentant a demandé à la Fédération de Russie de revenir immédiatement.  Le Japon condamne la menace russe d’utiliser des armes nucléaires, qui constitue une menace grave et inacceptable pour la paix et la sécurité de la communauté internationale.  La Russie ne doit pas mettre fin au record de 77 ans de non-utilisation d’armes nucléaires, a ajouté le représentant, qui a appelé les États Membres à renouveler leur engagement à travailler ensemble pour maintenir et renforcer le régime du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et promouvoir le désarmement et la non-prolifération nucléaires ainsi que la maîtrise des armements.

En conclusion, le représentant a demandé instamment tant à la Fédération de Russie qu’au Bélarus de cesser toute action susceptible d’accroître les tensions, ajoutant que la Russie devait immédiatement mettre fin à sa guerre d’agression, retirer toutes ses troupes et son équipement militaire de l’Ukraine.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) a rappelé que son pays n’a cessé d’attirer l’attention sur le risque d’erreur stratégique et sur la possibilité que la guerre en Ukraine ne dégénère en un conflit plus vaste et plus dangereux.  La menace du recours aux armes nucléaires envoie un signal dangereux parce qu’elle peut précipiter la reprise de la course aux armements nucléaires et parce qu’elle constitue un renversement de l’engagement de la communauté internationale en faveur d’un monde dénucléarisé, a-t-il fait observer.  Alors que le Conseil délibère sur cette question, il a appelé à réfléchir à l’exemple donné par le continent africain dans la promotion d’un monde dénucléarisé, notamment avec le Traité de Pelindaba qui fait de l’Afrique une zone exempte d’armes nucléaires.  L’Afrique est un continent qui ne possède pas d’armes nucléaires et qui s’est engagé à le rester, a-t-il martelé.  Demandant instamment à toutes les nations de tirer les leçons historiques de l’utilisation tragique d’armes nucléaires à Hiroshima et Nagasaki, il les a exhortées à renouveler leur engagement en faveur d’un monde dénucléarisé.  Toutes les parties concernées doivent engager un dialogue constructif et travailler ensemble pour trouver des solutions pacifiques à leurs problèmes de sécurité, conformément aux principes et aux objectifs de la Charte des Nations Unies, a imploré le délégué en encourageant la communauté internationale à rester unie dans son engagement en faveur du désarmement nucléaire, de la non-prolifération et de la promotion de la paix et de la sécurité dans le monde.  Il n’existe pas d’autres options civilisées et pacifiques plus simples à notre disposition, selon lui. 

M. WOOD (États-Unis) a repris la parole pour accuser la Fédération de Russie d’avoir multiplié les fausses informations et d’avoir notamment violé le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) en déployant un missile interdit dès 2017, ce qui a amené son pays à se retirer de ce traité, une mesure « regrettable » mais pour laquelle « il n’y avait pas d’autre choix », a-t-il ajouté.  Il a également déclaré que la Russie n’avait pas eu, pendant 40 ans, d’opposition fondamentale au « partage nucléaire » de l’OTAN et ce, jusqu’à « l’invasion de la Crimée » en 2014.  Il a nié que les États-Unis violent ou aient l’intention de violer le TNP, en soulignant que Washington respecte pleinement ses obligations en vertu de cet instrument, invitant les pays qui accusent les États-Unis à relire le Traité.  Le représentant a jugé préférable de discuter des projets de déploiement d’armes nucléaires au Bélarus, « une menace fondamentale pour la paix et la sécurité internationales ».  Quant à « notre collègue russe », il ne s’est pas pleinement expliqué sur les différents aspects du respect de ses obligations internationales s’agissant de la maîtrise des armements, a-t-il observé. 

M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a repris la parole à son tour pour remercier le représentant des États-Unis d’avoir reconnu que c’est son pays qui avait quitté le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) en 2019.  Il a dit avoir l’intention d’envoyer un courrier aux membres du Conseil pour décrire les mesures prises et préciser qui est à l’origine de quoi à ce sujet.  Il a notamment rappelé que c’est le Président Trump qui avait, début 2019, annoncé le retrait des États-Unis du Traité FNI.  Il a ensuite demandé à son homologue des États-Unis s’il confirmait que des armes nucléaires tactiques se trouvent en Europe.

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a indiqué avoir demandé la tenue de cette séance à la suite de la dernière déclaration en date de la Fédération de Russie au sujet de son intention de déployer des armes nucléaires tactiques sur le sol du Bélarus, une nouvelle provocation du « régime criminel de Putin » qui remet en cause les principes fondamentaux du TNP.  Alors qu’aujourd’hui marque le quatre cent unième jour de la guerre, la Russie démontre son échec à s’imposer sur le champ de bataille, a considéré le représentant, pour qui Moscou, dans une tentative désespérée « d’éviter l’inévitable », à savoir sa défaite militaire en Ukraine, agite à présent la menace de l’« apocalypse nucléaire ».  L’annonce récente faite par Putin démontre bien que la signature d’accords n’a aucune valeur à ses yeux, a affirmé le représentant qui a rappelé que le Président russe avait signé en janvier 2022 la Déclaration conjointe des dirigeants de cinq États dotés de l’arme nucléaire sur la prévention de la guerre nucléaire et de la course aux armements. 

Et il ne lui a fallu que quatre jours cette fois-ci pour violer une autre promesse qu’il a faite avec son homologue de la Chine, dans la Déclaration conjointe sur l’approfondissement du partenariat de coordination stratégique global à l’ère nouvelle, dans laquelle est stipulé que « tous les États dotés de l’arme nucléaire devraient s’abstenir de déployer des armes nucléaires en dehors de leur territoire national ».  Il faut d’ailleurs porter au crédit de la Chine d’avoir poliment rappelé à la Russie qu’une guerre nucléaire ne peut être gagnée et que la prolifération doit être combattue, a commenté le délégué ukrainien.  La Russie a par ailleurs été le seul pays à bloquer le consensus sur le document final de la Conférence d’examen du TNP, qui s’est déroulée en août 2022, et a également suspendu sa participation au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques

L’Ukraine, en revanche, a toujours été un membre responsable de la communauté internationale, qui a contribué de manière inédite au désarmement nucléaire en adhérant au TNP et en signant le Mémorandum de Budapest de 1994, la conduisant à renoncer à son arsenal nucléaire, s’est enorgueilli le représentant.  Face à la menace agitée aujourd’hui par la Russie, il est crucial que les nations responsables prennent des actions décisives ayant force de dissuasion et enrayent l’érosion de l’architecture de désarmement et de non-prolifération par Moscou. 

M. VALENTIN RYBAKOV (Bélarus) a déclaré que son pays n’avait eu de cesse de contribuer au processus de désarmement nucléaire, comme en témoigne son action.  Le Bélarus a ainsi choisi volontairement en 1993 de renoncer aux armes nucléaires et a adhéré au TNP, devenant le premier État de l’ex-URSS à agir ainsi avant de bénéficier en 1994 des garanties offertes par la Fédération de Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni dans le cadre du Mémorandum de Budapest.  Or, a fait observer le représentant, le Bélarus fait l’objet de multiples sanctions unilatérales et pressions qui constituent des violations évidente du Mémorandum de Budapest ainsi que des ingérences flagrantes dans les affaires intérieures d’un État indépendant. 

Face au renforcement de menaces militaires dans les États voisins, le Bélarus a dû prendre les mesures qui s’imposaient pour assurer sa défense, a expliqué le représentant, qui a assuré que lesdites mesures avaient un caractère exclusivement défensif.  Les accords conclus avec la Fédération de Russie s’inscrivent pleinement dans le cadre du droit international, a-t-il ajouté.  Le déploiement potentiel d’armes nucléaires sur le territoire du Bélarus constitue la réponse nécessaire aux menaces et sont prises « en stricte conformité » avec le TNP car le contrôle de ces armes relèvera exclusivement de la Fédération de Russie: il n’y aura donc pas de transfert, a-t-il ajouté.

Le Président du Bélarus s’est adressé aujourd’hui au peuple et à l’Assemblée nationale et a indiqué que le pays n’entendait pas attaquer qui que ce soit mais choisissait la réponse adéquate face à une menace extérieure, a poursuivi le représentant.  La coopération entre le Bélarus et la Fédération de Russie n’est pas une nouveauté, a-t-il ajouté , avant de rappeler que, pour sa part, l’OTAN mène, de longue date, des « missions nucléaires conjointes ».  Il a aussi rappelé que plusieurs pays européens membres de l’OTAN accueillent sur leur territoire quelque 150 bombes nucléaires américaines tandis que quelque 250 avions ont été préparés pour les transporter. 

M. Rybakov a dit remercier l’Ukraine d’avoir porté la question de ce jour au Conseil de sécurité, lequel doit prendre conscience, tout comme la population mondiale, du danger que constituent les « missions nucléaires conjointes » de l’OTAN, qui doivent prendre fin.  Le représentant a appelé les États-Unis à retirer des territoires européens leurs armes nucléaires tactiques et a suggéré que « le prochain président du Conseil de sécurité » –la Fédération de Russie- convoque une séance du Conseil sur cette question.  N’interférez pas dans nos affaires intérieures et occupez-vous de vos propres problèmes, y compris en matière de droits humains, a ensuite lancé le représentant, qui ajouté que les pays qui prenaient des sanctions à l’égard du Bélarus n’avaient « pas la moindre idée de ce que pense le peuple du Bélarus » avant de s’en prendre vivement au représentant de l’Albanie. 

M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne (UE), a condamné l’annonce par la Russie, le 25 mars, de son intention de déployer des armes nucléaires sur le territoire du Bélarus et de la conclusion d’un accord avec ce pays à cette fin.  Cette annonce, qui s’inscrit dans le cadre d’une rhétorique nucléaire imprudente et continue de la part de la Russie, constitue une nouvelle étape irresponsable qui aggrave une situation déjà tendue, a-t-il fait valoir.  Il a également reproché au régime bélarussien d’être complice de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine et d’avoir renoncé à la position déclarée du Bélarus d’être un territoire non nucléaire, tel que stipulé dans sa constitution avant sa révision l’an dernier.  Notant que le Bélarus peut encore choisir de refuser d’accueillir les armes nucléaires russes, il a appelé les autorités bélarussiennes à cesser immédiatement de soutenir la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine et à revenir sur toute décision qui ne ferait qu’aggraver les tensions dans la région. 

Le représentant de l’UE a également rappelé qu’il y a un peu plus d’un an, le 3 janvier 2022, la Russie a signé la déclaration commune des États dotés de l’arme nucléaire, réaffirmant qu’« une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée », un engagement réitéré le 22 mars dans sa déclaration conjointe avec la Chine.  La Russie agit en contradiction flagrante avec les engagements dont elle s’est engagée à être la gardienne, s’est indigné le délégué.  Il a exhorté la Russie et le Bélarus à revenir sur cette décision et à respecter tous leurs engagements susmentionnés, ajoutant que l’UE demande également à la Russie de reprendre la mise en œuvre du nouveau Traité de réduction des armements stratégiques.

M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a exprimé sa vive inquiétude à l’annonce des projets de la Fédération de Russie de déployer des armes nucléaires tactiques et leurs vecteurs au Bélarus, une décision qui constituerait une « escalade irresponsable » et ne ferait qu’accroître les tensions en Europe consécutives à l’agression de la Russie contre l’Ukraine.  Elle constituerait également un risque majeur pour l’intégrité du système mondial de non-prolifération, a ajouté le représentant.  « La stratégie de Moscou, dont Aleksandr Lukashenko s’est fait l’écho aujourd’hui, est claire: intimider, provoquer, entraver les efforts visant à mettre fin à la guerre de la Russie contre l’Ukraine », a souligné le représentant, qui a dénoncé cette rhétorique de la confrontation. 

Le délégué a également condamné les efforts continus de la Russie pour subordonner totalement le Bélarus, « tant politiquement que militairement », et instrumentaliser davantage Minsk dans la poursuite de sa politique agressive.  La Russie, a-t-il accusé, n’a cessé de violer ses engagements en matière de contrôle des armements, l’un des actes les plus récents ayant été la suspension de sa participation au nouveau Traité de réduction des armements stratégiques.  Mais n’oublions pas l’effondrement du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire en 2019, qui est également dû aux décisions de la Russie, a dénoncé le représentant. 

Les menaces répétées d’utilisation d’armes nucléaires sont totalement irresponsables et inacceptables, même si elles se résument à un « bluff politique », a estimé le délégué.  Il a appelé la Russie et le Bélarus à s’abstenir de poursuivre leurs plans annoncés et à respecter leurs engagements internationaux, de même que tous les États à redoubler d’efforts pour renforcer le système de non-prolifération et écarter le risque d’une apocalypse nucléaire. 

M. REIN TAMMSAAR (Estonie), qui s’exprimait au nom des pays baltes (Lettonie, Lituanie et Estonie), a rappelé qu’il y a un peu plus d’un an, la Russie a signé la déclaration commune du P5 réaffirmant qu’« une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée ».  La semaine dernière, la Russie a réaffirmé ce principe dans une déclaration commune avec la Chine.  Mais quelques jours plus tard, les masques sont tombés: la Russie a de nouveau eu recours à une rhétorique nucléaire dangereuse et irresponsable en révélant son prétendu plan de déploiement d’armes nucléaires au Bélarus.  En agitant la menace d’une escalade nucléaire, le Kremlin espère dissuader l’Ukraine d’exercer son droit inhérent à l’autodéfense, et intimider ses soutiens.  Mais le chantage nucléaire ne fonctionne pas, a tranché le représentant, et nous ne nous laisserons ni intimider ni dissuader.  Il a indiqué que les pays baltes poursuivront leur soutien à l’Ukraine tant que la Russie n’aura pas retiré toutes ses forces du territoire de l’Ukraine.  Il a ensuite demandé au Bélarus de cesser de jouer le rôle de catalyseur de la guerre illégale menée par la Russie en Ukraine et d’être complice de ses manœuvres désespérées pour menacer ses voisins et déstabiliser l’Europe. 

Relevant par ailleurs que la Russie assumera la présidence du Conseil de sécurité, demain 1er avril, date de l’anniversaire du massacre de Boutcha, il a jugé « honteux, humiliant et dangereux » pour la crédibilité et le fonctionnement efficace de cet organe qu’un pays qui mène une guerre d’agression contre son voisin, qui menace le monde d’armes nucléaires et dont le dirigeant est un criminel de guerre faisant l’objet d’un mandat d’arrêt permanent de la CPI, prenne la tête d’un organe dont l’objectif premier est de préserver la paix et la sécurité internationales.

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