Décolonisation: le Séminaire régional pour le Pacifique appelle à des mesures novatrices pour ne pas réduire à néant les progrès accomplis vers les ODD
BALI, Indonésie (24-26 mai) -- Avec cette année pour thème « Mesures novatrices pour assurer la réalisation des objectifs de développement durable dans les territoires non autonomes », le Séminaire régional pour le Pacifique du Comité spécial de la décolonisation –communément appelé C-24–, s’est tenu les 24, 25 et 26 mai, à Bali, en Indonésie. Son ambition? Prioriser le règlement des nombreux problèmes auxquels sont confrontés les 17 territoires non autonomes restants dans le monde pour éviter de réduire à néant les progrès réalisés jusque-là par eux en matière de développement durable et d’autodétermination.
Car comme l’a déclaré la Présidente en exercice du Comité spécial de la décolonisation, Mme Menissa Rambally, de Sainte-Lucie, de nouvelles voies sont indispensables pour permettre à ces territoires de se relever de l’impact de la pandémie de COVID-19, notamment sur les systèmes de santé et éducatifs et sur la génération de revenus.
Dans un message vidéo, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a également appelé à se concentrer sur « les aspirations et les besoins des territoires » par le biais de mesures innovantes pour « garantir que les territoires disposent des ressources et du soutien dont ils ont besoin pour promouvoir les ODD, renforcer la résilience et investir dans leur avenir ». De « nouvelles voies pour une coopération plus forte entre les territoires, les puissances administrantes et les principales parties prenantes » sont nécessaires pour relever les nombreux défis auxquels les territoires sont confrontés, selon le chef de l’ONU, notamment « les petites îles qui sont en première ligne de l’urgence climatique ».
M. Tri Tharyat, Vice-Ministre de la coopération multilatérale de l’Indonésie, a rappelé que 15 ans s’étaient écoulés depuis 2008, date à laquelle son pays avait accueilli le Séminaire régional. Depuis, , a-t-il dit, le paysage mondial a considérablement évolué, en particulier en termes d’accès à l’eau potable et d’assainissement, avec un impact profond sur toutes les régions, y compris les territoires non autonomes, a-t-il noté, en mettant en garde contre le fait la moitié du monde est laissée pour compte.
Il a appelé à davantage d’action pour progresser sur les cibles des ODD dans ces territoires et au-delà, en notant que leur réalisation avait stagné, voire été inversée. Dès lors, le thème du Séminaire de cette année lui a semblé d’autant plus opportun, M. Tharyat insistant sur la nécessité d’un « dialogue constructif » pour faire progresser le programme de décolonisation à l’approche du Sommet sur les ODD.
Notant qu’il n’existe pas de solution unique, la Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie, Mme Retno Lestari Priansari Marsudi, a détaillé certaines des mesures visant à renforcer le dialogue entre les territoires et les puissances administrantes par l’intermédiaire du C-24, l’élaboration d’approches novatrices grâce à une plus grande participation des organes et agences spécialisés des Nations Unies, et l’engagement en faveur des aspirations, des besoins et du bien-être de la population des territoires, au cas par cas. « Chaque territoire non autonome est confronté à des problèmes de développement spécifiques, aggravés par la pandémie », a-t-elle rappelé.
Organisé sous les auspices du C-24, le Séminaire a également été l’occasion d’examiner, cette année, les moyens de faire progresser la quatrième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme (2021-2030).
Les discussions du Séminaire ont porté, entre autres, sur le rôle du Comité spécial dans le renforcement de la coopération et de l’engagement avec les puissances administrantes et les parties prenantes concernées, alors qu’il explore des mesures innovantes pour faire avancer l’ordre du jour de la décolonisation.
Les perspectives des puissances administrantes -États-Unis, France, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni– de plusieurs territoires non autonomes et d’autres parties prenantes ont été analysées au cours des discussions. Spécialiste de la décolonisation, M. Roch Wamytan a sollicité le soutien du C-24 dans l’affaire portée devant la Cour internationale de Justice (CIJ), afin de permettre au peuple de Nouvelle-Calédonie d’exercer son droit à l’autodétermination, même après le référendum de 2021. Il a demandé à l’ONU de jouer un rôle de médiateur afin de garantir des négociations libres et équitables avec la France. Plus généralement, l’expert a argué que la résilience des territoires est mise à rude épreuve, la cohésion sociale, l’égalité des sexes et le bien-être de la population étant essentiels à la pleine souveraineté des populations de ces territoires.
Les participants se sont ensuite penchés sur les développements politiques des territoires non autonomes dans les Caraïbes. Tout en reconnaissant que le cadre de décolonisation de l’ONU est toujours très pertinent pour cette région, où le processus est inachevé, le représentant des îles Vierges britanniques a présenté cinq demandes concrètes au C-24: une mission de visite du Comité sur place en 2023; une assistance renforcée des départements compétents de l’ONU pour aider le gouvernement territorial à mener une campagne d’éducation locale sur les options permettant d’atteindre une pleine autonomie ainsi que sur la mobilisation des ressources. Il a également exhorté l’ONU à partager officiellement l’évaluation de l’autonomie réalisée par l’expert indépendant en gouvernance, M. Carlyle Corbin, avec les membres du C-24 avant la session de fond du Comité en juin à New York.
Les situations au Sahara occidental, aux Îles Falkland (Malvinas) et à Gibraltar ont aussi occupé le devant de la scène au cours de cette édition du Séminaire. Pour M. Sidi Mohamed Omar, du Front POLISARIO, la seule option reste l’expression « démocratique, véritable et libre » du souhait du peuple sahraoui d’exercer son droit inaliénable et « non négociable » à l’autodétermination et à l’indépendance. Mme Bahiya Ghalla, qui a pris la parole en tant que représentante de la population sahraouie et Vice-Présidente élue du Conseil régional, a réfuté les affirmations du Front POLISARIO selon lesquelles le territoire est occupé par des militaires marocains. Elle a rétorqué que la souveraineté du Maroc sur ce territoire, qui a bénéficié du lancement du modèle de développement du Sahara marocain financé à hauteur de 8 milliards de dollars depuis 2015, contribue à la promotion du développement durable dans divers secteurs sur le continent africain.
De son côté, le délégué de l’Espagne a noté l’impact négatif de la sortie du Royaume-Uni de l’UE, à laquelle s’est opposée une grande majorité des habitants de Gibraltar, affirmant que le Brexit fragilise les progrès du territoire dans la réalisation des ODD liés à l’environnement, à l’accès à l’eau et à l’assainissement, à la réduction des inégalités, sans compter l’impact sur les espaces non cédés et les zones voisines. Il a jugé nécessaire d’atténuer ces conséquences, l’objectif ultime étant de créer une zone de prospérité partagée englobant toute la région de Campo de Gibraltar et de Gibraltar.
Le Conseiller Karl Thrower a donné son point de vue sur le référendum retardé de Sainte-Hélène, déclarant que la principale préoccupation de l’île était sa dépendance financière à long terme vis-à-vis du Royaume-Uni, compte tenu des multiples défis auxquels le territoire est confronté, y compris son isolement géographique et une assiette fiscale qui se rétrécit.
Les conclusions et recommandations du Séminaire, telles qu’oralement amendées, seront adoptées au mois de juin par le Comité spécial de la décolonisation.
Les 17 territoires non autonomes inscrits à l’ordre du jour de l’ONU sont: Anguilla, les Bermudes, Gibraltar, Guam, les Îles Caïman, les Îles Turques et Caïques, les Îles Vierges américaines, les Îles Vierges britanniques, les Îles Falkland (Malvinas), Montserrat, la Nouvelle-Calédonie, Pitcairn, la Polynésie française, le Sahara occidental, les Samoa américaines, Sainte-Hélène et les Tokélaou.
Le Venezuela a annoncé vouloir organiser le prochain Séminaire du C-24 à Caracas, au Venezuela, en 2024.