En cours au Siège de l'ONU

L’Instance permanente sur les questions autochtones entame une session axée sur la santé humaine, la santé de la planète et les changements climatiques

Vingt-deuxième session,
1re & 2e séances plénières, matin & après-midi
DH/5476

L’Instance permanente sur les questions autochtones entame une session axée sur la santé humaine, la santé de la planète et les changements climatiques

C’est sous l’appel à l’union des esprits, au respect de la Terre nourricière et à la paix du Chef de la nation Onondaga, M. Tadodaho Sid Hill, que l’Instance permanente sur les questions autochtones a ouvert, ce matin, les travaux de sa vingt-deuxième session.  Placée sur le thème « Peuples autochtones, santé humaine, santé de la planète et des territoires et changements climatiques: une démarche fondée sur les droits ». 

À cette occasion, le Secrétaire général a affirmé que les peuples sont en première ligne de la crise climatique et ont la clef de la réponse à ce défi: l’économie verte est loin d’être un concept nouveau pour eux, a estimé M. António Guterres, notant en outre que les peuples autochtones sont depuis des milliers d’années des pionniers de la gestion durable des terres et de l’adaptation aux changements climatiques.  Étant gardiens des 80% de la biodiversité mondiale, les peuples autochtones détiennent les savoirs pour adapter, atténuer et réduire les risques climatiques, a renchéri le Président de l’Assemblée générale, M.  Csaba Kőrösi.

« Le climat est la langue de la vie sur notre planète », a déclaré de son côté le Président de l’Instance permanente qui a insisté sur l’importance de renforcer la participation politique des peuples autochtones.  Les politiques de transition énergétique ne font que renforcer des injustices épistémologiques, politiques et économiques car elles ne prennent pas en compte les peuples autochtones, a ainsi déploré M. Darío José Mejía Montalvo pour qui une action s’impose également pour mettre un terme aux homicides et à la criminalisation des peuples autochtones qui sont arrêtés au seul motif de défendre la planète. 

 L’acuité de la crise climatique ne sera pas réglée tant que persistera l’extraction du pétrole, a prévenu de son côté le Président de la Colombie, évoquant les avertissements d’un dirigeant autochtone.  M. Gustavo Petro a également plaidé pour l’adoption de mesures pragmatiques de protection de la Terre et de l’humanité, notant que le marché ne peut pas apporter des solutions à tout. 

Cette première séance a également été marquée par l’intervention très applaudie de Mme Deb Haaland, Secrétaire de l’intérieur des États-Unis et membre du pueblo de Laguna qui a fait savoir qu’en l’espace de seulement 20 mois, l’Administration Biden-Harris a investi 45 milliards de dollars dans le « pays indien », notamment pour appuyer le travail des tribus face aux changements climatiques.  De même, le mois dernier, le Président Biden a fait de l’Avi Kwa Ame un monument national des États-Unis, désignation qui permettra à la tribu Fort Mojave, entre autres, d’utiliser son savoir traditionnel pour cogérer cette zone de 500 000 hectares située dans le Nevada. 

Les travaux se sont poursuivis dans l’après-midi dans le cadre de deux dialogues interactifs consacrés à la Décennie internationale des langues autochtones (2022-2032), la recommandation générale N°39 sur les droits des femmes et des filles autochtones du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, et les plateformes relatives aux peuples autochtones établies au sein des entités de l’ONU. 

En début de séance, M. Suleiman Mamutov, Mme Hindou Oumarou Ibrahim, Mme Hannah McGlade, Mme Hanieh Moghani et M. Geoffrey Roth ont été élus à la vice-présidence de l’Instance.  Mme Tove Søvndahl Gant assurera quant à elle les fonctions de rapporteuse. 

L’Instance permanente poursuivra ses travaux demain, mardi 18 avril 2023, à partir de 10 heures.

OUVERTURE DE LA VINGT-DEUXIÈME SESSION

Déclarations liminaires

M. DARÍO JOSÉ MEJÍA MONTALVO, Président de l’Instance permanente sur les questions autochtones, a insisté sur l’augmentation des risques auxquels sont confrontés chaque jour les peuples autochtones. Il a rendu hommage aux nombreux dirigeants des peuples autochtones qui ont perdu la vie en défendant leurs peuples et leurs territoires.  Pour les peuples autochtones, notre mission est de prendre soin des territoires au-delà d’une approche anthropocentrique, a poursuivi M. Mejía Montalvo qui a regretté que des millions de personnes souffrent de faim, vivent dans la pauvreté, ou abandonnent leurs maisons et leurs foyers.  Ces réalités appellent des actions et des solutions aux niveaux national et international, a-t-il estimé, relevant en outre que tous les peuples autochtones du monde sont affectés par les changements climatiques, de même que par les changements dans le cycle de l’eau. 

Soulignant que le climat est la langue de la vie sur notre planète, le Président de l’Instance a déclaré que le marché et la méconnaissance de la biodiversité sont à l’origine de la crise climatique actuelle.  Les peuples autochtones sont prêts à se mettre autour de la table pour apporter des solutions, non pas pour suivre des théories ou des idéologies, a-t-il affirmé.  À ce propos, il a salué le travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui a reconnu que les systèmes de connaissances des populations autochtones n’avaient pas besoin d’être validés ou interprétés par la science occidentale, notant en outre que ces systèmes apportent des solutions efficaces pour faire face à la crise. 

Exhortant à reconnaître les droits des peuples autochtones sur leur territoire, leur système de gouvernance et leur culture, il a également insisté sur l’importance de renforcer la participation politique des peuples autochtones.  Les politiques de transition énergétique ne font que renforcer des injustices épistémologiques, politiques et économiques car elles ne prennent pas en compte les peuples autochtones, a déploré M. Mejía Montalvo selon qui les représentants des peuples autochtones doivent participer aux décisions qui touchent notre planète au même titre que les États. Une action s’impose également pour mettre un terme aux homicides et à la criminalisation des peuples autochtones qui sont arrêtés au seul motif de défendre la planète. Il a aussi préconisé des mesures de justice pour combattre la stigmatisation dont souffrent les dirigeants autochtones et mener une action internationale en faveur des populations migrantes.

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a indiqué que les peuples autochtones représentent plus de 5 000 cultures différentes et parlent plus de 4 000 langues.  Les défis qu’ils doivent relever sont identiques, a-t-il dit, en citant notamment la marginalisation, le déni de leurs droits, l’exploitation illégale de leurs ressources, la perte de leurs terres ancestrales et les attaques physiques. Il a rappelé que ces peuples représentent 5% de la population mondiale mais 15% des plus pauvres dans le monde, notant que les femmes, qui sont les gardiennes de l’héritage de ces peuples, souffrent le plus.  « Mon message aujourd’hui est des plus clairs: l’ONU est à vos côtés », a-t-il lancé aux peuples autochtones. 

Le Secrétaire général a rappelé que ces peuples sont depuis des milliers d’années des pionniers de la gestion durable des terres et de l’adaptation aux changements climatiques, en citant notamment la préservation de l’écosystème de l’Amazone.  Il a également évoqué son déplacement l’an dernier auprès du peuple Kaliña, au Suriname, dont la survie est menacée par les changements climatiques. Ces peuples sont désormais en première ligne de la crise climatique, alors qu’ils n’y sont pour rien dans son apparition, a-t-il indiqué.  Il a appelé à redoubler d’efforts pour assurer la justice climatique et augmenter le financement et renforcer les capacités d’adaptation, tout en soulignant que les peuples autochtones ont la clef de la réponse à ce défi: l’économie verte est loin d’être un concept nouveau pour eux.  C’est, au contraire, un mode de vie depuis des millénaires, a relevé M. Guterres selon qui nous avons tant à apprendre de leur sagesse et de leurs connaissances.

Il a par ailleurs salué la participation accrue de ces peuples grâce aux plateformes mises en place au sein des différents processus onusiens, notamment la Convention sur la diversité biologique et la Convention-cadre sur les changements climatiques.  L’ONU est déterminée à faire sonner la voix des peuples autochtones et à promouvoir leurs droits, a ajouté le Secrétaire général qui a appelé à apprendre et valoriser l’expérience des peuples autochtones.

M. CSABA KŐRÖSI, Président de l’Assemblée générale, a dit que cette session de l’Instance permanente sera une occasion pour entendre les préoccupations et les aspirations et pour apprendre la sagesse des peuples autochtones.  Elle est une opportunité pour célébrer leur riche diversité linguistique et culturelle. Les défis actuels qui vont des changements climatiques et des conflits, aux pertes de la biodiversité et aux violations des droits humains obligent à prendre une position honnête et à améliorer la gouvernance mondiale de la santé publique, des systèmes alimentaires et les biens communs mondiaux.  Pour les peuples autochtones, la santé de la planète et la santé humaine sont intrinsèquement liées.  Il nous a fallu beaucoup de temps pour l’apprendre et nous payons un prix énorme pour l’avoir appris trop tard, a regretté le Président. 

Les États Membres doivent comprendre les facteurs ayant un impact sur la santé et le bien-être des peuples autochtones.  Ils doivent les aborder de manière holistique et fondée sur les droits en prenant en compte l’expérience et de la perspicacité des peuples autochtones qui doivent participer aux processus qui affectent leurs droits.  Les savoirs ancestraux autochtones ont ouvert la voie pour le développement de nombreux médicaments modernes, a noté le Président disant qu’étant gardiens de 80% de la biodiversité mondiale, les peuples autochtones détiennent les savoirs pour adapter, atténuer et réduire les risques climatiques.  En suivant leur conseils, nous pouvons être bien mieux placés pour réaliser les ODD.  Il a demandé des solutions qui favorisent la paix, garantissent la protection des droits humains et qui favorisent le développement durable.  Des solutions qui utilisent judicieusement les forces de la nature au lieu d’essayer de les dominer.  Il faut aussi ouvrir les portes à une plus large participation des peuples autochtones dans les économies et les processus politiques, et en particulier dans les décisions affectant leurs modes de vie traditionnels conformément au principe de consentement préalable, libre et éclairé.  Le Président a enfin annoncé que le 20 avril, il tiendra un dialogue interactif avec des peuples autochtones pour renforcer la participation des représentants et institutions autochtones aux travaux de l’ONU.

M. GUSTAVO PETRO, Président de la Colombie, a raconté sa rencontre, il y a 10 ans, avec le chef d’un peuple autochtone en Colombie et la lutte menée par ce dernier contre l’exploitation pétrolière de ses terres.  Il a loué la vision cosmique des peuples autochtones et leur désir d’harmonie avec la nature.  Ces peuples savent des choses que la science occidentale n’a découvert que bien plus tard. Si on enlève le pétrole de la terre, alors l’humanité va périr, a-t-il mis en garde, en rappelant ce que lui a dit ce chef.  Il a précisé que son pays compte 115 peuples autochtones, ces derniers représentant 4% de la population colombienne.  Il a ensuite assuré que son gouvernement continuera de protéger les forêts et la vie. La forêt amazonienne est tout simplement vitale, a dit le Président, en rappelant l’urgence de sa revitalisation, à l’aide des financements nécessaires.  Il a précisé que son pays va contribuer à hauteur de 50 millions de dollars à cet objectif. 

Après avoir loué les connaissances des peuples autochtones dans la protection des forêts, le Chef d’État a rappelé l’acuité de la crise climatique qui, a-t-il insisté, ne sera pas réglée tant que persistera l’extraction du pétrole.  Il a demandé « au grand capital » de cesser d’accumuler et d’être un « allié de la vie ».  Loin d’appeler à la grande révolution contre le capital, « qui n’a d’ailleurs pas eu lieu », le Président a demandé des mesures pragmatiques de protection de la Terre et de l’humanité, notant que le marché ne peut pas apporter des solutions à tout.  Il a exhorté les États à passer à des économies décarbonées et à prendre des décisions immédiates à cette fin.  Enfin, il a rappelé les « milliards et milliards de dollars » nécessaires pour financer les mesures d’adaptation aux changements climatiques. 

Mme LACHEZARA STOEVA, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a déclaré que le thème de la session de cette année, qui met l’accent sur les liens entre la santé humaine et la santé de la planète, est particulièrement pertinent pour le prochain forum politique de haut niveau sur le développement durable, qui aura lieu en juillet.  Rappelant que le forum politique de l’année dernière avait reconnu l’impact disproportionné de la pandémie de COVID-19 sur les peuples autochtones, en particulier en ce qui concerne la discrimination sociale et les inégalités entre les sexes, la Présidente a invité l’Instance permanente à fournir des recommandations et des contributions pour le forum politique de haut niveau de 2023, et à continuer à soutenir la mise en œuvre des ODD.  Elle a également appelé les États Membres à renforcer leur collaboration avec les peuples autochtones dans la mise en œuvre des ODD et pendant le processus d’établissement de rapports, par le biais de leurs examens nationaux volontaires.  Il faut veiller à ce que les droits et les priorités des peuples autochtones figurent dans les examens nationaux volontaires, a-t-elle insisté. 

M. LI JUNHUA, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a salué le thème de la vingt-deuxième session autour des peuples autochtones, de la santé humaine, de la santé de la planète et des territoires et des changements climatiques.  Il a rappelé que les peuples autochtones ont une espérance de vie plus brève que les autres communautés au sein de mêmes pays.  Ils souffrent par ailleurs d’un taux de chômage plus élevé, d’un accès moindre aux services de base, de discriminations et de racisme.  Il a rappelé les conséquences graves des changements climatiques pour la santé et les moyens de subsistance de ces peuples, avant d’insister sur le droit des peuples autochtones à la santé.  L’ONU continue de promouvoir en son sein la mise en œuvre du plan d’action en faveur des peuples autochtones, a-t-il dit.  Le Secrétaire général adjoint a cité comme axes de ce plan la protection des défenseurs des droits de ces peuples et la participation accrue de ces derniers aux processus onusiens. 

Mme DEB HAALAND, Secrétaire de l’intérieur des États-Unis et « fière citoyenne » du pueblo de Laguna du Nouveau-Mexique, a déclaré qu’une nouvelle ère voit le jour pour les peuples autochtones du monde entier, se félicitant notamment que des institutions comme le Vatican rejettent et abrogent les doctrines qui avaient été utilisées à tort « pour justifier le vol et la destruction de nos terres, de nos peuples et de nos identités pendant des centaines d’années ». 

Elle a rappelé qu’aux États-Unis, la pandémie de COVID-19 a exacerbée les inégalités dont souffrent les peuples autochtones et a indiqué que son gouvernement travaille depuis pour établir des partenariats avec les dirigeants et communautés autochtones.  De même, en 2021, l’Administration Biden-Harris a annoncé que 210 millions de dollars seront consacrés au renforcement des capacités dans les zones tribales.  En l’espace de seulement 20 mois, nous avons investi 45 milliards de dollars dans le « pays indien », notamment pour appuyer le travail des tribus face aux changements climatiques.  De même, le mois dernier, le Président Biden a fait de l’Avi Kwa Ame un monument national des États-Unis, désignation qui permettra à la tribu Fort Mojave, entre autres, d’utiliser son savoir traditionnel pour cogérer cette zone de 500 000 hectares située dans le Nevada.  Le Gouvernement américain travaille également avec les tribus d’Alaska pour assurer la protection du saumon, de même qu’avec les communautés autochtones de Hawaii pour appuyer les efforts de revitalisation de la langue. 

Mais ce travail ne peut pas se faire dans le vide, a poursuivi la dignitaire.  Les nations doivent lutter contre la violence et les graves inégalités entre les sexes qui persistent au sein des communautés autochtones dans le monde.  Elle a relevé que les femmes et les filles autochtones sont confrontées à un risque disproportionné de violence sexiste et pâtissent d’un manque d’accès aux services d’aide et de santé.  Afin de remédier à cette situation, elle a indiqué qu’elle avait créé une unité des personnes disparues et assassinées au sein du Bureau des affaires indiennes.  De même, le groupe de travail trilatéral sur la violence contre les femmes et les filles autochtones, auquel participent le Mexique et le Canada, permet de renforcer la collaboration et de partager les meilleures pratiques.  Les femmes et les filles autochtones sont les mieux placées pour répondre aux besoins de leurs communautés et faire avancer les solutions à la crise climatique.  Si nous n’autonomisons pas les femmes en tant qu’innovatrices et leaders, nos objectifs climatiques ne pourront pas être atteints, a-t-elle prévenu.  Mme Haaland a ensuite parlé des mesures prises par l’Administration Biden-Harris pour répondre aux traumatismes intergénérationnels, liés notamment aux politiques d’assimilation forcée.  Les lois sur la restitution des restes ancestraux et du patrimoine culturel sont également appliquées. 

Déclaration

Première autochtone à être nommée à un poste ministériel au Brésil, Mme SÔNIA GUAJAJARA, Ministre des peuples autochtones du Brésil, a déclaré que le temps est venu d’aller de l’avant et de faire participer les peuples autochtones au pouvoir.  Elle a appelé à une action urgente pour arrêter la déforestation de l’Amazonie et recenser les territoires et les connaissances menacés. Elle a également exhorté à préserver les cultures, les langues et les modes de vie autochtones dans le cadre de la Décennie internationale des langues autochtones.  Nous ne pouvons plus reculer et nous devons continuer de revendiquer les droits des peuples autochtones.  L’avenir de la planète est ancestral, c’est pourquoi il ne faut pas permettre que le Brésil et le monde avancent sans nous, a plaidé la Ministre. 

DIALOGUE THÉMATIQUE SUR LA DÉCENNIE INTERNATIONALE DES LANGUES AUTOCHTONES (2022-2032) ET LA RECOMMANDATION GÉNÉRALE N° 39 SUR LES DROITS DES FEMMES ET DES FILLES AUTOCHTONES DU COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES

Déclaration liminaire

Mme GLADYS ACOSTA VARGAS, ancienne Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, a indiqué que la recommandation générale N° 39 sur les droits des femmes et des filles autochtones du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes cherche à concilier les droits individuels et collectifs afin de combattre les préjugés à leur égard.  Cela implique un changement de paradigme, en particulier la prise en compte de la faculté des femmes à s’adapter dans de nombreux domaines, y compris la gouvernance climatique et la nutrition, ce qui a été confirmé durant la pandémie de COVID-19.  Cette recommandation qui vise à protéger l’exercice des droits des femmes autochtones, doit être traduite dans toutes les langues pour une meilleure diffusion au niveau mondial. Les États parties doivent tenir compte du passé colonial et de ses conséquences négatives notamment l’absence d’accès aux ressources, a ajouté l’intervenante.  Elle a plaidé pour la participation politique des femmes et des filles autochtones, y compris dans les processus de décision.  Le texte recommande en outre aux États de respecter le droit à l’autodétermination et à l’autonomie et assurer un accès à des systèmes de justice autochtone ou autres qui sont exempts de préjugé racial et de genre.  Enfin, cette recommandation protège les droits à la nationalité, à l’éducation, à la santé, à la culture, à la terre et aux ressources naturelles, de même qu’à l’eau, à la nourriture, ainsi que le droit à un environnement sûr, sain et propre. 

Débat interactif

La recommandation générale N° 39 est un pas essentiel vers la protection et la promotion des droits des femmes et des filles autochtones dans les situations de colonialisme, de marginalisation et de violence, s’est félicité le Canada qui a encouragé l’Instance permanente à améliorer la participation des peuples autochtones à l’ONU.  La représentante du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) a recommandé de traduire la recommandation générale N° 39 et de la rendre accessible à tous, y compris grâce à une version numérique. 

La question à laquelle il faut apporter une réponse est pourquoi les filles et les femmes autochtones sont les plus nombreuses à être victimes des violences sexuelles, a estimé la Présidente du Conseil circumpolaire inuit, la Confédération des femmes andines du Pérou dénonçant pour sa part l’impunité dont bénéficient les bourreaux des peuples autochtones qui profitent de système judiciaire laxiste et de leur pouvoir économique. 

S’agissant de la célébration de la Décennie internationale des langues autochtones, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a annoncé que son équipe spéciale a recensé quatre manifestations de sensibilisation de la population à la Décennie, sept journées internationales visant à la mettre en avant, ainsi que 17 plans d’action nationaux pour la mise en œuvre nationale et régionale.  Outre la mise en place de partenariats avec les organismes onusiens comme l’UNESCO, le représentant des peuples autochtones d’Asie a recommandé des plans d’action budgétisés pour promouvoir les langues autochtones au niveau national, en particulier les langues autochtones en danger. Il faut une approche fondée sur les droits humains pour défendre les langues autochtones, a-t-il souligné. 

Au nom des pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède), la Norvège a demandé de simplifier l’utilisation des langues en recourant aux nouvelles technologies, tout en regrettant les difficultés rencontrées pour intégrer les langues autochtones dans les réseaux numériques.  Le représentant des peuples d’autochtones du Mexique a annoncé la création en mai dernier de l’université des langues autochtones du Mexique en vue de protéger les 60 langues autochtones du pays.  L’université du peuple yaqui a aussi été créée à cette fin.  L’Australie a mis en avant les investissements du Gouvernement pour appuyer l’enseignement de la science, de la technologie et des mathématiques pour les filles et les femmes autochtones.  Elle a également annoncé la tenue d’un référendum constitutionnel à la fin de l’année sur l’inclusion des droits des peuples autochtones. 

Certes ce référendum constitutionnel ne suffira pas pour garantir les droits des femmes autochtones qui continuent de subir toutes sortes de violences et de traumatismes, en particulier dans les prisons australiennes, a toutefois prévenu Mme Hannah McGlade, membre de l’Instance permanente (Australie), qui a par ailleurs affirmé que le Gouvernement australien ne met pas en œuvre les recommandations internationales qu’il a ratifiées.  La représentante de la Fédération des femmes autochtones de Bolivie a conseillé de décoloniser les structures de l’État et de la société dans son ensemble. Il faut réconcilier le passé avec le présent sans renoncer aux processus de réparation.  Elle a également recommandé une éducation multilingue pour assurer la transmission du savoir et de la philosophie autochtone.  Également soucieuse de préserver les langues autochtones de l’extinction, Mme Li Nan, membre de l’Instance permanente, a appelé à collecter des données sur le nombre des locuteurs et à les cartographier, et à promouvoir l’apprentissage de ces langues par les livres. 

DIALOGUE INTERACTIF SUR LES PLATEFORMES RELATIVES AUX PEUPLES AUTOCHTONES ÉTABLIES AU SEIN DES ENTITÉS DE L’ONU

Déclarations liminaires

Première oratrice de ce dialogue, Mme JOJI CARINO, Vice-Présidente du Groupe de travail de la Convention sur la diversité biologique relatif à l’article 8 (j) et dispositions connexes de la Convention, a rappelé que cet article reconnaît les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales dont les modes de vie traditionnels présentent un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique.  Elle a insisté sur les avancées enregistrées au sein de ce groupe de travail et a fait savoir que la Conférence des parties a créé un mécanisme de financement permettant la participation des peuples autochtones à toutes les réunions de la Convention.  Elle a également mis en avant l’étroite coopération entre son groupe et l’Instance permanente. 

Mme MYRNA CUNNINGHAM, Présidente du Comité directeur du Forum des peuples autochtones au sein du Fonds international de développement agricole, a indiqué que le FIDA veille à promouvoir le bien-être des peuples autochtones, avec notamment la mise sur pied d’une instance permanente en son sein.  Les politiques du Fonds sont régulièrement actualisées dans le souci d’une meilleure protection des peuples autochtones, notamment en ce qui concerne leurs circuits alimentaires.  Elle a reconnu le rôle moteur de ces peuples dans la lutte contre les effets des changements climatiques, avant de souligner l’importance d’une mobilisation des fonds nécessaires pour financer le FIDA. 

M. GRAEME REED, Point focal sur les peuples autochtones au sein de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatique (CNUCC), a souligné le rôle accru joué par les peuples autochtones au sein de la Convention-cadre.  Il a détaillé l’opérationnalisation de la plateforme relative aux peuples autochtones au sein de la CNUCC.  De nombreuses réunions consacrées aux connaissances traditionnelles des peuples autochtones se déroulent en marge des négociations au sein de la CNUCC, a-t-il indiqué. 

Dialogue interactif 

Lors du dialogue, les délégations ont détaillé leur action pour promouvoir la culture et les langues de ces peuples, à l’instar de la représentante du Chili qui a insisté sur la politique de valorisation des langues autochtones dans son pays, notamment dans les écoles.  Mon pays est déterminé à protéger les cultures et les langues des peuples autochtones, a appuyé la déléguée du Paraguay. Même son de cloche du côté du Guyana, qui compte neuf peuples autochtones dont les langues autochtones sont utilisées dans les enseignements scolaires.  « Nous voulons donner plus de pouvoir aux peuples autochtones », a renchéri l’Équateur, suivi de l’Indonésie qui a mentionné les efforts en cours de revitalisation de 38 langues autochtones, notamment à Bali et à Sumatra. 

De son côté, le Panama a mentionné la plateforme développée par l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples autochtones, avant de regretter la sous-représentation des peuples autochtones dans les différentes instances les concernant.  Une représentante du Fonds vert pour le climat a indiqué que son fonds veille à écouter les voix des peuples autochtones, avant de rappeler l’importance du bon financement de l’action de lutte contre les changements climatiques. 

Le Secrétaire exécutif de la Convention sur la diversité biologique a rappelé l’adoption en 2022 du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.  Ce Cadre reconnaît les efforts inestimables des peuples autochtones dans la protection de la diversité biologique.  Le représentant d’une organisation autochtone s’est toutefois dit préoccupé par ce cadre mondial car les projets de création de zones protégées pourraient être menés sans recevoir l’aval éclairé des peuples autochtones.  Un représentant des peuples autochtones de la Sibérie et de l’est de la Fédération de Russie s’est plaint, quant à lui, des entraves à la participation de ces peuples au Conseil de l’Arctique. De même, une oratrice a tenu à bien distinguer les peuples autochtones des communautés locales, ces deux groupes étant mis sur un pied d’égalité par plusieurs instruments internationaux.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Financement du développement: appels à l’ECOSOC pour réformer l’architecture financière mondiale, inapte à résoudre les défis d’aujourd’hui et de demain

Session de 2023,
1re et 2e séances plénières – matin & après-midi
ECOSOC/7118

Financement du développement: appels à l’ECOSOC pour réformer l’architecture financière mondiale, inapte à résoudre les défis d’aujourd’hui et de demain

À l’ouverture du forum du Conseil économique et social (ECOSOC) sur le suivi du financement du développement, se déroulant du 17 au 20 avril, de nombreux intervenants, dont le Secrétaire général de l’ONU et la Secrétaire au Trésor des États-Unis, ont insisté pour que soit lancée une réforme de l’architecture financière mondiale, afin de parvenir, a suggéré M. António Guterres, à un système capable de soutenir les conditions économiques stables et d’aider les pays à investir dans les objectifs de développement durable (ODD).  Le forum est un processus intergouvernemental à participation universelle chargé d’examiner le Programme d’action d’Addis-Abeba et d’autres résultats en matière de financement du développement, ainsi que les moyens de mise en œuvre des ODD.

Dans son allocution, le Secrétaire général a souligné que le monde subit une crise multidimensionnelle qui a un impact dévastateur sur les plus pauvres et les plus vulnérables.  Il a constaté que les inégalités conduisent déjà à des troubles sociaux aux niveaux local et national, qu’elles font monter les tensions et les risques au niveau mondial. C’est ce contexte, a-t-il expliqué, qui a guidé sa proposition au G20 de lancer un stimulus (500 milliards de dollars par an) afin de passer à un financement abordable à long terme des ODD pour tous les pays dans le besoin.  Il a également appelé à élargir les critères d’éligibilité de financements concessionnels afin qu’ils soient disponibles aux pays à revenu intermédiaire dans le besoin, ainsi qu’aux économies les moins développées.  De même, les pays riches devraient respecter leurs promesses en matière d’aide publique au développement (APD), a-t-il rappelé. 

Le discours du Secrétaire général a aussi abordé la question de la dette, l’occasion pour lui d’assurer que l’ONU, en tant que seule organisation à caractère universel, est prête à faciliter le dialogue inclusif sur la souveraineté de la dette. Il a aussi lancé un appel pour avoir un mécanisme relatif aux droits de tirage spéciaux (DTS) pouvant être mis en place rapidement et automatiquement en temps de crise, tout en arguant que les DTS doivent être canalisés vers les pays qui en ont le plus besoin, y compris par le biais de banques multilatérales de développement.  À plus long terme, nous ne résoudrons pas les défis d’aujourd’hui en nous appuyant sur un système financier qui a contribué à les causer, a-t-il affirmé.  Il a rappelé que l’architecture financière mondiale a été créée pour un monde qui n’existe plus et qu’elle ne peut donc pas relever les défis des pays en développement, appelant à la renouveler.

Il nous faut commencer à jeter les bases d’un système financier international réformé, a acquiescé la Présidente de l’ECOSOC, Mme Lachezara Stoeva, qui a souhaité une architecture plaçant les besoins des pays en développement en son cœur.  Complétant ce diagnostic, le Président de l’Assemblée générale, M. Csaba Kőrösi, a constaté trois grandes déficiences: une architecture financière internationale « profondément injuste »; des fonds alloués qui ne soutiennent pas suffisamment la transition durable; et l’orientation stratégique, celle-là même qui a contribué aux crises. 

Face à l’ampleur des enjeux, la Secrétaire au Trésor des États-Unis, Mme Janet Yellen, a plaidé en faveur « d’actions audacieuses », en donnant en exemple la large coalition regroupant la Banque mondiale, des pays emprunteurs et non emprunteurs ainsi que des pays à revenu intermédiaire ou faible, qui a été mise en place afin de favoriser l’élaboration de réformes dans quatre domaines (vision, structures d’incitation, approches opérationnelles, et capacités financières). Nos travaux préliminaires ont ainsi permis de réviser et de remanier la mission de la Banque mondiale, a-t-elle fait valoir. 

Mais, à elles seules, les réformes du système international ne permettront pas de parvenir à un développement durable, prévient le rapport 2023 du Groupe interinstitutions sur le financement du développement, dont sont saisis les participants au forum.  Les pays doivent donc tracer leur propre voie pour atteindre les objectifs, comme le demandait d’ailleurs le Programme d’action d’Addis-Abeba, en passant par une coopération au développement et un investissement dans les ODD plus solides. 

Après l’ouverture de ses travaux, le forum a adopté son ordre du jour provisoire (E/FFDF/2023/1), avant de tenir trois tables rondes et terminer la journée par son débat général. Au cours de la première table ronde centrée sur les investissements durables en faveur des ODD, plusieurs orateurs ont ciblé la question de la dette comme un goulot d’étranglement pour les pays en développement.  C’est ainsi que l’ONG Eurodad a affirmé que « la dette tue dans l’œuf toutes les possibilités de réaliser les ODD ».  Elle a donc recommandé des solutions urgentes comme l’annulation pure et simple de la dette et le renforcement de l’APD, « dont le déficit ne peut être comblé par un secteur privé avide de profit ». 

Le forum du Conseil économique et social (ECOSOC) sur le suivi du financement du développement reprendra ses travaux demain, mardi 18 avril, à 10 heures.

FORUM SUR LE SUIVI DU FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT

Déclarations liminaires

La Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), Mme LACHEZARA STOEVA, a relevé que l’accès inégal à un financement abordable pour le développement, mis à nu par la pandémie, est devenu encore plus criant.  Nous sommes donc à la croisée des chemins, a-t-elle observé en prévenant que, sans action rapide, les clivages dans le financement du développement deviendront tout simplement des clivages de développement durable.  Elle a appelé à des mesures immédiates pour favoriser une gestion durable de la dette, augmenter les investissements, stimuler le financement climatique, faire progresser la coopération fiscale internationale et sauvegarder la coopération au développement.  En même temps, a-t-elle poursuivi, il est essentiel que nous commencions à jeter les bases d’un système financier international réformé.  Elle a appelé à une architecture de ce système qui place les besoins des pays en développement en son cœur.

La Présidente a rappelé le rôle clef de l’ECOSOC en tant qu’espace inclusif où les perspectives de tous les pays peuvent éclairer les discussions sur les questions de financement d’importance et d’impact mondiaux.  Les résultats du présent forum auront un impact bien au-delà de ces quatre jours, a-t-elle parié.  Changeons de cap avant qu’il ne soit trop tard et respectons les engagements du Programme d’action d’Addis-Abeba issu de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement, a-t-elle lancé en concluant son discours.

Le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES, a commencé par appeler les protagonistes de la crise soudanaise à mettre un terme à la violence.  Il a évoqué des pertes terribles parmi les civils et les humanitaires et a appelé les parties à respecter le droit international humanitaire, tout en assurant que les Nations Unies sont solidaires du peuple soudanais.  Venant à l’objet de la réunion, le financement du développement, il a souligné que le monde est en crise: une crise multidimensionnelle qui suralimente les inégalités et qui a un impact dévastateur sur les plus pauvres et les plus vulnérables.  Un pays sur trois est exposé à un risque élevé de crise budgétaire, a-t-il donné comme exemple en citant aussi la part (plus de 40%) de personnes vivant dans l’extrême pauvreté qui vivent dans des pays affligés par de graves problèmes d’endettement.  Il a évoqué un récent rapport sur les inégalités qui laisse voir que, depuis la pandémie, 1% des plus riches du monde ont capturé près de deux fois plus de nouvelles richesses que le reste du monde.  Les inégalités au sein de certains pays ont régressé au niveau de la situation qui prévalait au début du XXe siècle, a-t-il noté en faisant remarquer que cela correspond à une époque où les femmes n’étaient pas autorisées à voter et où la notion de protection sociale n’était pas généralement acceptée: « Cela nous fait honte à tous. »

M. Guterres a indiqué que le rapport de 2023 sur le financement du développement durable révèle une fracture financière béante qui se transforme rapidement en déficit de développement pour de nombreux pays et en une crise de la confiance et de la solidarité mondiales.  Les inégalités conduisent déjà à des troubles sociaux aux niveaux local et national, a-t-il observé, ajoutant qu’elles font aussi monter les tensions et les risques au niveau mondial.  De ce fait, ne pas agir ne fera qu’aggraver ces problèmes, car la crise climatique s’accélère et les inégalités augmentent, a-t-il mis en garde en concluant qu’« on n’a pas de temps à perdre ».

Le Secrétaire général a déclaré que c’est ce contexte qui a guidé sa proposition au G20 pour lancer un stimulus afin de passer à un financement abordable à long terme des objectifs de développement durable (ODD) pour tous les pays dans le besoin.  Il s’agit d’au moins 500 milliards de dollars par an à orienter dans trois principaux domaines d’action.  Premièrement, il vise à accroître la liquidité pour les investissements dans les transformations dont nous avons besoin pour atteindre les ODD: l’énergie renouvelable, les systèmes alimentaires durables et la quatrième révolution industrielle.  Selon le Secrétaire général, les banques multilatérales de développement ont un rôle important à jouer, notamment en transformant leur modèle économique et en acceptant une nouvelle approche du risque.  Cela inclut de tirer parti de leurs fonds pour attirer de plus grands flux de financements privés vers les pays en développement, a précisé le Secrétaire général. Il a également appelé à élargir les critères d’éligibilité de financements concessionnels afin qu’ils soient disponibles aux pays à revenu intermédiaire dans le besoin, ainsi qu’aux économies les moins développés.  De même, les pays riches devraient respecter leurs promesses en matière d’aide publique (APD). 

Deuxièmement, le stimulus pour les ODD vise à lutter contre le coût élevé de la dette et les risques croissants de surendettement, a poursuivi M. Guterres.  Il a rappelé avoir réclamé une initiative ambitieuse de restructuration de la dette qui permette aux pays en détresse d’échanger leur dette à court terme pour de nouvelles sur un plus long terme et à des taux d’intérêt plus bas.  Nous avons également besoin de mécanismes pour inciter les créanciers privés à participer, aux côtés des créanciers officiels, aux restructurations de dettes, a-t-il plaidé.  Il a assuré que l’ONU, en tant que seule organisation à caractère universel, est prête à faciliter le dialogue inclusif sur la souveraineté de la dette, en rassemblant toutes ces discussions qui ont lieu dans différents forums.

Troisièmement, le financement d’urgence doit être élargi, a souhaité M. Guterres.  Sur les 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) accordés par le Fonds monétaire international (FMI) l’an dernier, la règle des quotas en vigueur fait que les pays développés ont reçu 26 fois plus de DTS que les pays les moins avancés (PMA), et 13 fois plus que tous les pays d’Afrique réunis, a-t-il décrié.  Les DTS doivent être canalisés vers les pays qui en ont le plus besoin, y compris par le biais de banques multilatérales de développement, a-t-il argué.  Il a lancé un appel pour qu’on ait un mécanisme relatif aux DTS pouvant être mis en place rapidement et automatiquement en temps de crise.

À plus long terme, nous ne résoudrons pas les défis d’aujourd’hui en nous appuyant sur un système financier qui a contribué à les causer, a-t-il affirmé.  Il a rappelé que l’architecture financière mondiale a été créée pour un monde qui n’existe plus: elle ne peut donc pas relever les défis des pays en développement.  Il est maintenant largement reconnu, a-t-il dit, que nous avons besoin d’un système économique cohérent et coordonné, et qui reflète les réalités de l’économie mondiale d’aujourd’hui; un système qui soutient les conditions économiques stables et aide les pays à investir dans les ODD.  Nous avons besoin d’engagement et de soutien de tous les coins du monde pour renouveler l’architecture financière internationale, pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain, a-t-il conclu.

M. CSABA KŐRÖSI, Président de l’Assemblée générale, s’est dit pleinement conscient des crises interdépendantes auxquelles le monde est confronté, en citant ce proverbe: « quand il pleut, il pleut à verse ».  De la pandémie de COVID-19 à la dégradation de l’environnement, en passant par les inégalités économiques profondes et d’autres défis majeurs, les structures socioéconomiques fragiles ont été poussées jusqu’à leurs limites ces dernières années, et l’absence d’une réponse internationale coordonnée a entraîné un déclin significatif de la croissance économique mondiale, une hausse de l’inflation et une crise de la dette imminente, crise qui touche de plein fouet les pays en développement, a résumé le Président.  Avec plus de la moitié de ces États en situation de surendettement en raison de la baisse de leurs revenus, alors même que les échéances de remboursement de la dette et les taux d’intérêt augmentent et que les coûts d’emprunt s’envolent, il a jugé impératif de se réunir, dans tous les secteurs, pour relever ces défis.  Il a invité pour cela les créanciers publics et privés, nationaux et internationaux, ainsi que les gouvernements, à coordonner de toute urgence leurs efforts pour trouver des solutions aux problèmes structurels de longue date que pose la dette. 

De son point de vue, le système de développement international présente au moins trois grands groupes de déficiences: une architecture financière internationale « profondément injuste »; des fonds alloués qui ne soutiennent pas suffisamment la transition durable; et l’orientation stratégique, celle-là même qui a contribué aux crises.  Or les pratiques de financement semblent ignorer ce diagnostic, a-t-il constaté, estimant que les différents impacts du financement de projets ne sont toujours pas mesurés de manière adéquate.  Appelant à tirer les leçons des erreurs du passé, il a plaidé pour des dépenses plus efficaces en réduisant les externalités négatives.  Afin de garantir un financement accessible et abordable aux pays en développement, il a aussi appelé à renforcer la capacité de prêt et l’efficacité opérationnelle des banques de développement multilatérales et publiques, ainsi qu’à stimuler la mobilisation des ressources nationales.  Enfin, dans le cadre du financement national et international, une meilleure compréhension des impacts globaux serait essentielle, selon lui.  « En résumé, nous devrions renforcer et accélérer la réforme systémique dans le domaine des finances internationales », a conclu le Président.

Mme JANET YELLEN, Secrétaire au Trésor des États-Unis, a plaidé en faveur « d’action audacieuses » pour relever les défis mondiaux qui font peser des menaces sur les progrès en vue de la réalisation des ODD.  Avant même le début de la pandémie de COVID-19, nous étions à la traîne en matière de réduction de la pauvreté, a-t-elle déploré, observant que les défis de la pandémie, des changements climatiques et de la multiplication des conflits ont eu des effets disproportionnés sur les plus pauvres et les plus vulnérables. Il n’est donc plus possible de réaliser nos objectifs en matière de développement si nous omettons de nous attaquer à ces problèmes mondiaux de manière urgente et à grande échelle, a relevé la Secrétaire au Trésor.  Elle a misé sur les banques multilatérales de développement, qui sont un pilier essentiel du système de développement.  Mme Yellen a dit avoir pour priorité de faire évoluer ces institutions afin qu’elles soient en mesure d’entreprendre des actions décisives pour relever ces défis planétaires.

La Secrétaire au Trésor a cité la large coalition regroupant la Banque mondiale ainsi que des pays emprunteurs et non emprunteurs, des pays à revenus intermédiaire ou faible, qui a été mise en place afin de favoriser l’élaboration de réformes dans quatre domaines, à savoir la vision, les structures d’incitation, les approches opérationnelles et les capacités financières.  Nos travaux préliminaires ont ainsi permis de réviser et de remanier la mission de la Banque mondiale, a-t-elle signalé.  Elle s’est également félicitée des mises à jour apportées au diagnostic, à la stratégie nationale et aux mesures d’incitation pour le capital privé et la mobilisation des ressources à l’échelle nationale.  Mme Yellen a appelé, en concluant son intervention, à l’adoption d’un plan de travail ambitieux afin de favoriser une mise en œuvre rapide de ces programmes.

Note du Secrétaire général sur le financement du développement durable 

Présentée par le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. LI JUNHUA, la note (E/FFDF/2023/2), dans laquelle sont exposées les principales conclusions formulées par le Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement dans son rapport pour 2023, dresse un bilan des progrès accomplis dans l’exécution des décisions touchant au financement du développement.  Le rapport du Groupe de réflexion s’appuie sur les données recueillies par plus de 60 de ses membres ainsi que sur leurs savoirs spécialisés et leurs analyses.  Il examine la situation économique mondiale, ses conséquences pour le développement et les transformations industrielles durables ainsi que les progrès réalisés dans les sept domaines d’intervention du Programme d’action d’Addis-Abeba issu de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement.

Dans le contexte macroéconomique mondial extrêmement difficile que nous connaissons aujourd’hui, il est de moins en moins probable que des financements suffisants seront disponibles pour soutenir le développement durable, constate le rapport en prévenant que si rien n’est fait, la fracture financière se traduira par une fracture en matière de développement durable. Les pays vulnérables, dont de nombreux PMA, pays africains et petits États insulaires en développement (PEID), ont toujours besoin d’une aide internationale immédiate et plus soutenue pour financer leur développement durable, note le rapport en s’inquiétant des faibles niveaux d’investissement, en particulier dans de nombreux pays en développement, qui creusent le fossé du développement.  Retarder les investissements dans les transformations durables rendrait le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et les objectifs climatiques impossibles à atteindre et, à terme, exacerberait les problèmes de financement, souligne le rapport.

C’est pourquoi, dans son rapport de 2023, le Groupe de réflexion s’est surtout intéressé aux transformations durables, notamment en prônant une feuille de route pour les gouvernements ainsi que des changements dans le mode de fonctionnement du monde de la finance.  Le Groupe estime que des actions internationales et nationales sont nécessaires pour accroître le financement des objectifs de développement durable, avec d’abord le renforcement des cadres d’action mondiaux concernés.  Mais, à elles seules, les réformes du système international ne permettront pas de parvenir à un développement durable, a souligné le Groupe en appelant les pays à tracer leur propre voie pour atteindre les objectifs.

Parmi ses recommandations, il demande d’intensifier la coopération au développement et l’investissement dans les ODD, en soulignant que l’aide humanitaire et l’aide au développement sont indispensables pour enrayer les crises alimentaires qui s’aggravent.  Le financement de la lutte contre les changements climatiques est insuffisant, note aussi le Groupe avant de rappeler aux donateurs d’APD qu’ils doivent respecter leurs engagements.  L’APD a joué un rôle contracyclique en réponse aux crises successives, apportant un important soutien supplémentaire aux mesures prises pour lutter contre la pandémie de COVID-19, précise le rapport.  Il y a lieu également d’apporter un appui rapide et adéquat aux pays en situation de surendettement, l’objectif ultime étant de réduire l’encours de la dette et d’assurer un allégement à long terme.  Au total, 52 pays en développement, où vit la moitié de la population mondiale en situation d’extrême pauvreté, souffrent de graves problèmes d’endettement et de coûts d’emprunt élevés.  Selon le Groupe, des résolutions précoces de la dette peuvent aider les pays à éviter de faire « trop peu et trop tard ».

Comme autre axe d’efforts, le Groupe plaide pour que l’architecture financière internationale soit améliorée, pour que celle-ci soit plus cohérente et plus efficace, sachant que les débats sur la réforme institutionnelle et les processus correspondants sont toujours en cours.  Une fois achevés, ils devraient permettre de combler certaines lacunes de l’architecture internationale, de mieux l’adapter aux besoins du XXIe siècle et d’accroître le financement des ODD et de l’action en faveur du climat. 

Le rapport plaide aussi pour des mesures au niveau national pour accélérer les transformations industrielles durables.  Il faut une impulsion mondiale en faveur de l’investissement, accompagnée par des actions nationales concertées.  Les pays doivent, à cet effet, renforcer leurs approches stratégiques, notamment par le biais d’une nouvelle génération de politiques industrielles durables et de cadres de financement intégrés.  Le rapport indique également que les systèmes financiers et monétaires mondiaux ne sont pas conçus pour assurer le financement ou la stabilité nécessaires à la réalisation des ODD.  Les règles et les dispositifs de gouvernance existants pour les institutions et les marchés financiers n’ont pas pleinement intégré les trois dimensions –économique, sociale et environnementale– du développement durable.  Ces systèmes mondiaux ne sont toujours pas adaptés pour répondre aux besoins de tous les pays et n’ont pas suivi l’évolution de l’environnement économique et social. 

En matière de données, constate le rapport, le financement des systèmes statistiques et des écosystèmes de données est également resté stable depuis 2015 et a chuté depuis la pandémie de COVID-19. L’APD pour les données et les statistiques était de 0,3% en 2020, soit une fraction des besoins réels, ce qui nécessite une action urgente.  Le Groupe appelle la communauté internationale à accroître les financements destinés aux données et aux statistiques.  Les parties prenantes devraient collaborer pour combler les lacunes en matière de données relatives aux ODD et mettre au point des mesures autres que le produit intérieur brut (PIB).

Table ronde 1 - Faire face à une cascade de crises tout en investissant dans le développement durable: comment faire les bons choix de politiques?

En début de cette session, l’animatrice, Mme HANAN MORSY, Secrétaire exécutive adjointe de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), a relevé que notre monde fait face à une polycrise qui menace la réalisation des ODD.  Ajoutant à la crise sanitaire, les nouvelles tensions géopolitiques, la poussée de l’inflation (situation « unique » sur une génération) et des conditions financières tendues ont entraîné un ralentissement de la croissance mondiale et créé un environnement macroéconomique mondial extrêmement difficile. La table ronde a ainsi permis aux participants d’évaluer les options de politiques monétaire et budgétaire pour les pays qui cherchent à lutter contre l’inflation tout en finançant des mesures pour combler les besoins immédiats et relever les défis structurels à long terme. 

« Il faut des réformes au niveau international », a lancé, d’emblée, le Ministre des finances de la Colombie.  M. JOSÉ ANTONIO OCAMPO a ainsi appelé à poursuivre les négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour aboutir à des solutions sur la question des droits de la propriété intellectuelle.  De même, le cadre de gestion de la dette du G20 devrait ratisser large en tenant compte des avis des PMA, a-t-il ajouté.  Son homologue M. KLEMEN BOŠTJANČIČ, Ministre des finances de la Slovénie, a constaté que les pays ayant des politiques fiscales solides sont ceux qui ont le mieux résisté aux répercussions des récentes crises, y compris la COVID-19.  Il a également souligné que les pays ayant investi dans les filets de sécurité sociale ont le mieux résisté aux pressions des crises.  Le Ministre a dit souscrire à la demande du Secrétaire général de l’ONU qui avait estimé précédemment que l’APD devrait au moins tripler pour faire face aux besoins des pays en développement. 

Évoquant justement un investissement de 300 milliards d’euros, Mme JUTTA URPILAINEN, Commissaire aux partenariats internationaux de l’Union européenne (UE), a expliqué qu’il s’agit pour l’UE d’investir d’ici à 2027 dans divers domaines, dans le cadre du programme « Gateway », afin d’accélérer les transitions verte et numérique et, partant, atteindre les ODD.  Intervenant par visioconférence, elle a également parlé de l’aide apportée par l’UE à ses partenaires pour la promotion d’une administration fiscale efficiente, ainsi que de son travail pour renforcer les capacités des pays à gérer leur dette.  La Commissaire a jugé crucial de réformer les banques multilatérales de développement et d’accroître leur attractivité pour les fonds privés dédiés au financement du développement.

Soucieuse pour sa part d’éviter une dépréciation de la devise, Mme BHUMIKA MUCHHALA, économiste à Third World Network, a demandé que l’on utilise les DTS comme filet de sécurité financier.  Elle a par ailleurs appelé à renforcer la participation des pays en développement dans la prise de décisions des institutions financières internationales, y compris le FMI.  Elle a aussi fait valoir que les inégalités systémiques requièrent une coopération internationale pour y remédier.

À la suite de ces experts des questions financières, les délégations ont pris la parole, comme l’Afrique du Sud qui a proposé que les ministres des finances et les dirigeants de banques centrales des pays du Nord et du Sud se retrouvent afin de proposer des actions prioritaires devant soutenir le plan de relance des ODD du Secrétaire général.  La Slovaquie a fait valoir que la mobilisation des ressources nationales est la base la plus solide pour un développement durable à long terme, pour demander par conséquent de soutenir les gouvernements des pays en développement dans leurs efforts d’élargissement de l’assiette fiscale.  Pour la délégation, il faudrait exploiter le potentiel de la numérisation en tant qu’instrument de promotion de la responsabilité et de la transparence des systèmes fiscaux.  La transparence est cruciale pour renforcer la confiance des populations locales et des bailleurs de fonds, a confirmé la Zambie.

Les États-Unis ont été d’accord pour dire que les crises multiples appellent à changer de cap et à mener des partenariats multilatéraux plus solides.  L’APD ne peut suffire, à elle seule, à financer le développement et il faut également mobiliser le secteur privé, a plaidé la délégation.  Pour l’Indonésie, en ces temps de crises et de défis, il faut davantage investir dans des technologies novatrices.  L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a, elle aussi, misé sur l’innovation.  Elle a rappelé que 100 millions de personnes supplémentaires ont été plongées dans la faim ces derniers temps.  C’est pourquoi elle entend mettre sur pied un mécanisme de facilitation d’importations de produits alimentaires, afin d’aider les pays les plus vulnérables et apporter un soutien à 1,7 milliard de personnes à travers le monde.  Dans cette même intention de facilitation logistique, le Paraguay a mis l’accent sur la question du commerce multilatéral, un défi majeur pour des pays comme lui qui sont sans littoral. 

L’attention a aussi été portée sur les populations rurales, qui figurent parmi les plus marginalisées au monde, selon Rural Development Center.  L’ONG a donc plaidé pour des politiques de discrimination positive comme des bourses d’études en faveur notamment de filles et femmes des communautés rurales. Lui emboîtant le pas, le représentant de Civil Society Mecanism, a estimé que, comme la plupart des crises mondiales viennent de l’hémisphère Nord, les solutions devraient venir du même endroit.  Eurodad, une autre ONG, est revenue à la question de l’endettement: « la dette tue dans l’œuf toutes les possibilités de réaliser les ODD ». Elle a donc recommandé des solutions urgentes comme l’annulation pure et simple de la dette et le renforcement de l’APD, dont le déficit ne peut être comblé par un secteur privé avide de profit. La Commission de l’Union africaine a enfin déclaré que le bon choix de politiques est tout simplement d’appliquer les engagements pris auparavant au sein des Nations Unies. 

Table ronde 2 - Repenser l’architecture financière internationale pour atteindre les objectifs de développement durable

Si le modérateur de la deuxième table ronde, M. ACHIM STEINER, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) s’est félicité de la portée des discussions sur la refonte de l’architecture financière internationale, le Gouverneur de la Banque centrale du Kenya, M. PATRICK NJOROGE, a déploré quant à lui que les faibles projections de la croissance mondiale viennent jeter une ombre sur ces échanges.  Le moment est venu, selon lui, de parler d’une seule voix pour s’attaquer de manière globale à la réalisation des objectifs de développement durable.  Pour ce faire, les institutions de Bretton Woods doivent agir rapidement, renforcer le filet de sécurité financière et élargir leur rôle de catalyseur économique. 

Partageant ce pessimisme sur les perspectives financières post-COVID-19, M. NICK DYER, Directeur général de l’action humanitaire et du développement au Bureau des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement du Royaume-Uni, a parlé du sentiment de « frustration » qui se répand dans le monde malgré les 50 milliards de dollars de plus qu’a débloqués la Banque mondiale, une somme qui demeure toutefois insuffisante. Le Sommet sur les objectifs de développement durable, qui se tiendra au mois de septembre prochain, doit être, a-t-il plaidé, l’occasion de discuter plus avant des mécanismes de financement et de la manière de déployer les ressources financières nécessaires à la réalisation des objectifs de développement. 

Nous devons passer de la frustration à l’action, a lancé M. MARKUS BERNDT, Directeur général de EIB Global.  Il a appelé à un système regroupant toutes les parties prenantes, avec l’implication des banques multilatérales de développement et une transition déterminée vers les énergies renouvelables.  Le secteur privé doit commencer à émettre des « obligations vertes » et à accorder la priorité à la lutte contre les changements climatiques, tout en allant au-delà des droits de tirage spéciaux (DTS) pour générer davantage de fonds. 

Comme Cuba, l’Union africaine a rappelé, à cet égard, ses appels répétés à une répartition équitable des DTS, en faisant remarquer que les pays africains, souvent parmi les plus vulnérables, n’ont reçu que 5% de ces droits.  En 2020, l’Afrique subsaharienne, a-t-elle insisté, a obtenu moins d’un milliard de dollars du Fonds monétaire international (FMI), alors que d’autres pays ont reçu jusqu’à 15 milliards pour traiter des mêmes problèmes.  Il faut, a martelé l’Union africaine, davantage d’équité et de transparence. 

Pour mettre en œuvre le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement, l’Espagne a prôné le renforcement des banques multilatérales de développement et du système des banques publiques, dans le respect des engagements pris au titre de l’aide publique au développement (APD).  Nous sommes dans une situation de risque sans précédent, mais également à un véritable tournant caractérisé par des opportunités sans précédent, a fait valoir M. AMAR BHATTACHARYA, associé principal à la Brookings Institution. Il a mis les délégations au défi de faire partie de la solution en matière de financement du développement. Nous devons trouver un nouveau modèle de croissance que celui qui a dominé le XXe siècle.  Nous devons, a-t-il souligné, trouvé un modèle moins risqué et plus juste en ce qui concerne la répartition des bénéfices et la réduction de la dette.  Le caractère central du financement du développement doit soutenir l’architecture financière internationale, avec l’appui des banques multilatérales de développement qui doivent collaborer davantage avec le secteur privé afin de parvenir à des solutions « transformatrices ». 

Cette architecture est brisée parce qu’elle se fonde sur un monde qui n’existe plus », s’est avancée Mme MAE BUENAVENTURA, du Mouvement des peuples asiatiques sur la dette et le développement.  Pour atténuer les effets des crises multiples liées au climat et au développement, elle a prescrit la « démocratisation » de la gouvernance économique mondiale et l’élaboration d’un mécanisme de règlement de la dette sous les auspices des Nations Unies, soucieuses de la « souveraineté économique » des États.  Dans ce contexte, elle a attiré l’attention sur l’impact négatif des flux de capitaux spéculatifs et sur la nécessité de réglementer les agences de notation.  Mme Buenaventura a fermement mis en garde contre l’idée d’accorder un rôle plus important à des agences qui ont contribué, selon elle, à l’émergence des crises interconnectées que le monde subit aujourd’hui. 

Il est en effet crucial de nous attaquer au coût élevé du service de la dette et aux risques croissants de l’endettement, a approuvé le Canada, en soulignant le risque que les pays incapables d’investir dans le développement durable n’accentuent leur retard.  S’il faut réformer les institutions de Bretton Woods et les institutions financières internationales, le Népal a néanmoins estimé qu’il faut veiller à ce qu’elles puissent continuer à allouer des ressources à des taux préférentiels aux pays les moins avancés (PMA), afin d’éviter qu’ils ne se retrouvent piégés dans une dette non viable.  Le système financier international doit prévoir des mécanismes susceptibles de favoriser l’inclusion et la participation des pays en développement à la gouvernance économique mondiale, a renchéri le Maroc

Après voir noté qu’il faut être « au bord de la famine » pour que la communauté internationale réagisse aux crises agroalimentaires mondiales, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a appelé à l’harmonisation des modalités d’allocation de fonds dans le secteur agricole et à des mesures incitatives cohérentes au profit du secteur privé.  Une opinion partagée par l’Allemagne, qui a souhaité une réforme de « grande envergure » du modèle de la croissance mondiale, assortie d’investissements accrus dans les biens publics mondiaux, comme le secteur agricole, afin d’en renforcer la résilience et de favoriser une meilleure intégration des institutions de Bretton Woods au système international de développement et aux Nations Unies.  Seule la volonté politique permettra de faire de ces réformes une réalité, a tranché le Bangladesh

Table ronde 3 - Coopération au développement: la résilience à long terme et le rôle des banques multilatérales de développement 

La troisième table ronde, qui a eu pour objet le rôle à jouer par les banques multilatérales de développement (BMD) dans les objectifs mondiaux de résilience, a démarré par une intervention pré-enregistrée de Mme SHEIKH HASINA, Première Ministre du Bangladesh.  Mme Hasina a qualifié la coopération pour le développement d’élément essentiel dans un contexte de crises s’empilant les unes sur les autres.  Les BMD doivent jouer un rôle vital dans les secteurs de la santé et de la technologie; leur impact est très important pour les ODD, a-t-elle déclaré.  Elle a aussi posé un problème de fond, celui du taux d’intérêt des BMD, qui augmente, poussant les pays en développement dans des retranchements de plus ne plus difficiles.  La Première Ministre a appelé à un plan de dette viable pour progresser dans la résilience.

L’animatrice de la table ronde, Mme MARIANGELA PARRA-LANCOURT, Cheffe de l’engagement stratégique et de l’intégration des politiques au DESA, a demandé à M. FRANCISCO ANDRÉ, Secrétaire d’État aux affaires étrangères et à la coopération du Portugal, quelles seraient selon lui les solutions pour que les BMD renforcent leur financement aux pays les plus vulnérables. Récemment revenu de Washington où se tenaient les réunions de printemps de la Banque Mondiale et du FMI, M. André a estimé important que les BMD optimisent leurs prêts en vue d’améliorer leur efficacité, tout en prenant davantage de risques, en vue également de « dialoguer avec les institutions de crédit » et de « réduire par tous les moyens la fracture numérique », dans les PMA notamment, sans pour autant laisser de côté les pays à revenu intermédiaire qui souffrent de nombreuses barrières fiscales.  Tout aussi important selon lui: l’assistance technique doit être livrée de concert avec le soutien financier des BMD.  Quant au secteur privé, il doit se mobiliser et proposer des outils flexibles. 

Se tournant alors vers M. JÜRGEN ZATTLER, Directeur général de la politique de développement international, du Programme 2030 et du climat au Ministère de la coopération économique et du développement de l’Allemagne, la modératrice lui a demandé comment promouvoir une aide efficace malgré les obstacles administratifs.  Il faut, lui a-t-il répondu, mettre à profit la récente réforme de la Banque mondiale, encouragée des années durant par l’Allemagne. Mais la donne a changé, parce que les crises s’accumulent, et que la Banque mondiale ne peut plus aborder les problèmes de façon morcelée.  Des décisions seront donc prises lors de la prochaine réunion de la Banque mondiale en octobre, a-t-il promis.  Ces décisions impliqueront de « modifier complètement l’objectif de la Banque » -aujourd’hui, l’éradication de la pauvreté– pour, à la place, faire en sorte que « la prospérité bénéficie à tout le monde ».  Ce sont deux objectifs différents, a-t-il bien précisé.  « La Banque mondiale a davantage pris conscience du volet prospérité partagée », c’est pourquoi une refondation est nécessaire, a-t-il reconnu.  Enfin, « soyons honnêtes: nous avons essayé de mobiliser le secteur privé, mais nos efforts n’ont pas porté leurs fruits », a regretté l’expert allemand en appelant à être plus imaginatif, plus exhaustif; et à adopter un prisme beaucoup plus large dans ce domaine.

Se faisant voix des PMA, M. PATRICK ZIMPITA, Secrétaire principal du Ministère des finances du Malawi, pays qui préside le Groupe des PMA, a évoqué son pays meurtri par le passage du cyclone Freddy en février.  Ce cyclone n’est pas un phénomène isolé au Malawi, dont la situation monétaire est fortement affectée par les changements climatiques et ses contraintes.  Des coupes budgétaires dans la santé et l’éducation ont dû être effectuées, entravant la réalisation des ODD, a-t-il expliqué.  Le déficit du PIB du Malawi est de 11%, or « il faut bien trouver l’argent quelque part, alors que l’APD se réduit comme peau de chagrin », a lancé M. Zimpita. Il a alors vu les BMD comme son seul recours et a demandé de l’aide aux institutions financières internationales qui, lorsqu’elles se livrent à leurs calculs, devraient « tenir compte de l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle ».  Cela donnerait à son avis un aperçu « plus ventilé » des problèmes de chaque pays.  D’autre part, quand certains ont évoqué la fragmentation croissante de l’architecture financière mondiale, lui a préféré évoquer « le coût exorbitant des transactions imposées par certains gouvernements, considérables pour un petit pays comme le Malawi ».  M. Zimpita a espéré que le forum de cette semaine permettra de réfléchir à comment réduire ce coût.

Comment redoubler d’efforts pour que la valeur de l’APD soit non seulement quantitative, mais aussi qualitative?  M. CARSTEN STAUR, Président du Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a relevé que les donateurs ont davantage délié les cordons de la bourse en cette période de crises multiples.  La mobilisation à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine a été massive, mais il est important de maintenir le niveau d’APD sur le long terme, au-delà des contingences, a-t-il recommandé.  Réagissant aux propos de M. André, qui appelait à débloquer davantage d’APD pour les services publics, et à se pencher sur les financements à condition préférentielle, M. Staur a concédé que dans beaucoup de pays, l’APD est la seule source de financement, quand pour d’autres, elle fait partie d’un bouquet plus large.  Rebondissant sur le coût des transactions évoqué par le délégué du Malawi, l’expert de l’OCDE a appelé à débloquer des fonds pré-affectés.  Ces fonds, essentiels dans le cadre de l’APD, permettent de proposer des mesures de financement raisonnables. 

M. STÉPHANE GUIMBERT, Directeur de la politique des opérations à la vice-présidence de la politique des opérations et des services aux pays de la Banque mondiale, qui participait à la table ronde par visioconférence, a dit que la Banque travaille depuis plusieurs mois avec les partenaires pour renforcer les capacités de financement, mais qu’il faut tenir compte d’« un grand nombre de difficultés qui transcendent les frontières ».  La Banque mondiale s’est engagée à débloquer 232 milliards de dollars de financement pour l’adaptation climatique, l’afflux de réfugiés, la pandémie de COVID-19, entre autres, a-t-il fait valoir en précisant que 32 milliards ont été débloqués l’an dernier.  Les réunions récentes de Washington ont permis d’avancer sur trois fronts: reconduire l’engagement en matière de réduction de la pauvreté, en mettant l’accent sur la résilience et le caractère durable des solutions à trouver; renforcer la coopération, en trouvant des mesures adaptées à chaque crise; et rendre le modèle plus efficace.

Face au poids insoutenable de la dette, M. VITALICE MEJA, membre du réseau Reality of Aid Africa, a appelé à la réaction « la plus rapide possible ».  Jugeant les appels à l’introduction de l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle tout à fait bienvenus, il a aussi fortement critiqué la baisse de l’APD et appelé à ne pas détourner cette aide pour la cause des réfugiés, réfugiés dont doivent s’occuper les pays d’accueil.  D’autre part, les voix des pays pauvres doivent être davantage entendues: on les appelle « clients », or ce sont des « parties prenantes », a-t-il nuancé.

Les délégations ont en majorité pris la parole pour appeler de leur vœux la mise en place d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle.  L’Espagne, tout comme l’Union européenne (UE), l’a jugé essentiel et a appelé à l’inclure à l’avenir dans les perspectives de financement.  Elle a aussi appelé à « trouver un équilibre entre un indice de vulnérabilité multidimensionnelle écologique, et un indice de vulnérabilité multidimensionnelle social ».  Pour le Canada, également favorable à l’indice, il est évident que les BMD doivent adapter leurs mesures pour faire face aux chocs climatiques futurs, et que lorsque de nouvelles sources de capitaux, comme le secteur privé, « frappent à la porte.  Il faut l’ouvrir », a-t-elle déclaré. 

Pour le Maroc, le système des BMD doit se situer au cœur des efforts d’investissement, mais les banques doivent « faire les choses différemment », en réfléchissant davantage au financement de l’adaptation aux changements climatiques ou aux pandémies.  L’Afrique du Sud a appelé les BMD à délivrer des conditions de prêts à plus long terme et à des taux d’intérêt plus bas; tandis que l’Argentine, a souhaité un équilibre entre élargissement du mandat des BMD et augmentation des ressources de ces mêmes banques.  L’Union africaine (UA) a enfin remarqué qu’une convergence de vue émergeait dans les discussions sur la nécessité d’un système financier capable de déployer des réponses rapides, comme pour le cas du Malawi et du cyclone Freddy.  Les financements doivent alors être concédés « à des taux acceptables, à bas coût. C’est une nécessité pour des institutions dignes du XXIe siècle », a-t-il pointé.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission de la population et du développement conclut sa session, axée sur l’éducation et le développement durable, sans parvenir à un accord

Cinquante-sixième session,
9e et 10e séances plénières - matin & après-midi
POP/1109

La Commission de la population et du développement conclut sa session, axée sur l’éducation et le développement durable, sans parvenir à un accord

Après avoir adopté par consensus le thème spécial de sa session 2025 -« Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge »*, la Commission de la population et du développement, a longuement débattu, lors de sa dernière journée de cinquante-sixième session, d’un projet de texte qui a finalement été retiré par son président, faute de consensus sur deux paragraphes du dispositif, dont un ajouté la veille.  Ce projet de résolution sur le thème de la session qui s’achève, à savoir « Population, éducation et développement durable » portait notamment sur les droits sexuels et reproductifs, dont l’éducation sexuelle.  Les nombreuses déclarations des États Membres ont laissé transparaître l’amertume face à ce résultat décevant, comme l’a relevé le délégué du Sénégal, sachant que les délégations avaient travaillé sur un texte de 50 paragraphes.  Elles ont insisté pour que, l’an prochain, la Commission parvienne à un texte convenant à tous et pouvant faire l’objet d’un consensus pour avancer.

Le mandat de la Commission est pourtant clair, a fait observer la Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) dans ses remarques de clôture, il s’agit de promouvoir la santé et le bien-être de millions d’individus notamment des femmes et de filles.  Son président, M. Gheorghe Leucã (République de Moldova), a regretté l’absence de consensus, tout en se félicitant de la richesse des discussions de la session et de la participation des ONG aux manifestations parallèles.  En début de matinée, avant le retrait du texte, il se félicitait de voir les divergences de vues dépassées grâce à un esprit de compromis, une volonté d’avancer vers un résultat consensuel et des sacrifices de la part des délégations.  Selon lui, le texte proposé identifiait des défis en matière d’enseignement et présentait des solutions concrètes pour le secteur de l’éducation. 

Ce sont les paragraphes 16 et 17, ajoutés la veille dans la soirée, qui ont divisé les délégations en deux camps.  Ces dispositions, expliquait le Président ce matin, visaient à venir à bout des dernières différences au nom de centaines de millions d’enfants et d’adultes qui n’ont pas accès à une éducation de qualité.  Le paragraphe 16 avait trait notamment aux droits, devoirs et responsabilités des parents et d’autres personnes légalement responsables des adolescents à donner une « direction » et des « orientations » dans les questions de santé sexuelle et reproductive.  Il contenait aussi une mention sur le respect des valeurs culturelles et des croyances religieuses.

« Ces paragraphes nous inquiètent », a d’emblée dénoncé la Fédération de Russie en s’exprimant également au nom de 21 États Membres suivants: Algérie, Arabie saoudite, Bélarus, Brunéi Darussalam, Cameroun, Égypte, Érythrée, Éthiopie, Gambie, Iran, Iraq, Libye, Mali, Mauritanie, Nigéria, Ouganda, République démocratique du Congo, Sénégal, République arabe syrienne, Yémen et Zimbabwe.  D’après le délégué russe, les préoccupations des 22 délégations opposées à ces paragraphes n’ont pas été inclues par le Président qui a fait circuler son texte jeudi soir à 22h20.  L’Algérie, le Sénégal et d’autres délégations ont argué qu’ils n’avaient pas eu le temps de consulter leur capitale à cause de cette situation, le délégué russe invoquant également le fait qu’aujourd’hui est célébré le vendredi saint orthodoxe dans son pays, un jour non travaillé.  Ce dernier a dénoncé le manque de transparence, l’absence de consultations préalables et la menace au multilatéralisme que représente ce procédé.  Ce texte ne bénéficie pas du consensus et ne fait pas fond sur les succès des années précédentes, a-t-il tranché avant de demander au Président de revenir sur sa décision d’adopter ce texte. 

Le Bélarus s’est élevé contre le paragraphe 16 et a insisté sur le respect des procédures.  « Le texte ne prend aucunement en compte les voix de ces 22 pays et c’est inacceptable. »  Empêché lui aussi de consulter sa capitale à cause de l’arrivée tardive des propositions du Président de la Commission, le Pakistan a dénoncé une démarche qui sape le système multilatéral.  Ces paragraphes portent sur des questions polémiques, a jugé l’Éthiopie qui a réclamé le droit de participer aux négociations sur un pied d’égalité.  Elle a prié le Président de revenir sur cette décision et de préserver la crédibilité de cette Commission comme l’ont fait d’autres délégations.  S’exprimant ensuite en sa capacité nationale, la Russie a brocardé un texte qui a franchi la ligne rouge.

La ligne rouge pour le Cameroun et l’Iran, ce sont les termes de santé sexuelle et des droits sexuels et reproductifs, qui sont problématiques et ne sont pas acceptables.  Le Nigéria a estimé que le droit des parents de choisir l’éducation morale et religieuse de leurs enfants « n’est pas dépassé » comme l’affirment certaines délégations.  La Libye a insisté sur le droit souverain des États de mettre en œuvre des programmes dans le respect des spécificités nationales.  Pour cette raison, le pays n’a pas soutenu le texte présenté par le Président.

En plus du désaccord sur les dispositions non agréées, la procédure suivie pour introduire ces deux paragraphes a été contestée par les délégations qui souhaitaient leur retrait.  L’Iran a rappelé le Règlement intérieur de la Commission qui stipule qu’une proposition sera discutée au plus tard 24 heures après qu’elle a été distribuée à tous les Membres.  L’Iraq et l’Arabie saoudite ont dit ne pas vouloir rejoindre le consensus sur un texte dont les négociations ont manqué de transparence, et qui n’est pas consensuel.  Le Nigéria a dit être déçu de voir que le paragraphe 16 antérieur a été renommé paragraphe 17, « malgré nos objections », alors même que le paragraphe 16 n’a jamais fait l’objet de discussions avant.  Changer de numéro de paragraphe ne résout pas le problème, a asséné le Cameroun en concluant que le manque de transparence et de respect pour les règles constitue un déni des positions des États Membres.  « On ne peut pas adopter un texte qui nous divise davantage et qui ne reflète pas l’équilibre nécessaire à tous. »  Le Nicaragua a été clair à ce sujet: il n’est pas possible de parvenir à un consensus avec les propositions faites par le Président.

La Gambie, favorable également au retrait de la proposition du Président, a appelé celui-ci à jeter des passerelles et à respecter les lignes rouges des délégations, afin de parvenir au consensus qui doit inclure les positions de toutes les délégations.  L’Indonésie a aussi déploré que le libellé ne prenne pas en compte des préoccupations de certaines délégations.  Les Philippines ont appelé à l’unité des délégations, notamment sur la question de l’éducation.  L’Égypte a jugé surprenant que le libellé provenant de la Déclaration universelle des droits de l’homme, et renvoyant au rôle de la famille dans l’éducation, n’ait pas été pris en compte par les mêmes délégations qui s’accrochent sur un libellé de 2014.  La Malaisie a marqué son désaccord vis-à-vis d’un texte qui ne bénéficie pas de consensus, tandis que l’Afrique du Sud estimait qu’il y avait encore du temps pour parvenir à un consensus et discuter avec les délégations n’étant pas d’accord avec les paragraphes ajoutés.

De l’autre côté, le Costa Rica, le Canada, l’Argentine, le Danemark, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Suède, le Ghana et bien d’autres États ont soutenu les paragraphes qui étaient proposés.  L’Uruguay a ainsi salué le niveau élevé d’ambition du projet de décision en matière d’éducation et de population.  Ce texte, à son avis, préservait un équilibre entre les différents intérêts des délégations.  Pour ce qui est des paragraphes qui n’avaient pas fait l’objet d’un accord, l’Uruguay estimait que la solution présentée par le Président de la Commission permettait de conserver cet équilibre minimum nécessaire pour aborder de manière correcte ce thème.  Le Costa Rica a défendu la transparence des négociations sur les paragraphes 16 et 17 en faisant valoir que tous ceux qui se sont exprimés sur ce texte ont été entendus et pris en compte.  « Entendre maintenant que 22 États sont opposés au texte n’est pas acceptable. »  Le Canada a apprécié les efforts du Président pour parvenir à l’équilibre en incluant les paragraphes 16 et 17 dans le texte, « le même équilibre auquel nous sommes arrivés en 2014 ».  « Il n’y a rien de nouveau dans ce libellé. » 

Défendant elle aussi ces paragraphes, l’Argentine a insisté sur l’importance d’une éducation sexuelle intégrale pour la mise en œuvre du programme de développement durable dans son ensemble.  Pour elle, les paragraphes 16 et 17 représentaient le libellé convenu au sein de la Commission.  Le Danemark a regretté certaines des déclarations faites aujourd’hui qui visaient selon lui à saper les efforts du Président pour parvenir à un résultat.  Le rôle des parents n’est pas un libellé nouveau, c’est un libellé agréé de cette Commission, a-t-il argumenté.  Un libellé convenu il y a 10 ans, ont rappelé la Norvège, le Mexique et le Portugal, et un libellé utile, selon le Royaume-Uni.  Le Danemark a dit avoir accepté ces paragraphes un peu à contrecœur parce que tout le monde voulait un consensus, comme l’ont fait 55 pays qui ont envoyé un message pour soutenir le texte du Président.  Les États-Unis ont assuré de leur soutien au texte qui était proposé par le Président.

Allant plus loin, la Suède, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE), a dit regretter que ce texte n’ait pas été renforcé sur la question de l’éducation sexuelle, malgré un langage précédemment agréé.  Puis, en sa capacité nationale, la Suède a rappelé que la question de la souveraineté nationale est mentionnée dans le paragraphe 2 du dispositif.  Le Honduras a également pris la parole pour soutenir le texte, tout en militant pour un consensus, de même que la Belgique, El Salvador, l’Espagne, l’Ukraine, la Géorgie, l’Allemagne, les Pays-Bas et la France.

La Colombie a tout simplement déploré que certaines délégations reviennent sur des acquis en matière d’éducation des femmes et des filles.  La Papouasie-Nouvelle-Guinée a rappelé que l’éducation est essentielle pour une vie saine des femmes et filles.  La délégation a insisté sur l’éducation intégrale des jeunes, arguant que les paragraphes 16 et 17 du dispositif étaient louables.  En outre, pour la République dominicaine, le document pouvait permettre de soutenir la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Israël aurait souhaité quant à lui un texte plus ambitieux.  Le Ghana a argué que le fait de ne pas offrir une éducation sexuelle aux jeunes ne peut aider les sociétés à avancer, déclenchant une ovation nourrie de la salle.  La Finlande a dit soutenir la position du Ghana, ainsi que le texte du Président, tout comme le Chili qui soutient l’éducation sexuelle intégrale. 

Si, à la fin de la séance du matin, le Président de la Commission a appelé les délégations à mettre à profit la pause pour rechercher un compromis, il a finalement retiré le texte dans son intégralité après avoir entendu les orateurs restants sur le sujet.

Après avoir annoncé sa décision de retirer les paragraphes incriminés, le Mexique a déploré qu’en dépit des efforts des cofacilitateurs et la volonté d’arriver à un résultat, la division et la désinformation aient entravé les objectifs et le mandat de la Commission et du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD).  L’Uruguay a dénoncé une prise en otage de la Commission par un petit nombre d’États.  Le Mexique s’est même dit découragé de voir qu’il y a encore des pays qui refusent de reconnaître des réalités qui font pourtant partie intégrante de qui nous sommes en tant qu’êtres humains. 

La Suède, au nom de l’Union européenne, a déploré que la Commission ne soit pas parvenue à un résultat à cause « d’un petit nombre de délégations ».  Elle a réitéré que sa délégation tient aux droits humains, notamment les droits des femmes et des filles et l’accès à la santé sexuelle et reproductive, aux droits sexuels et reproductifs, aux services de santé et à la participation des jeunes.  Les États-Unis se sont dit désolés de cette absence de résultat pointant du doigt la résistance à l’acceptation de termes déjà reconnus tels que l’éducation sexuelle, la discrimination et l’inclusion des populations marginalisées.  Le Canada, au nom de quelques États, a rappelé que le mandat de la Commission est de mettre en œuvre le Programme d’action de la CIPD ainsi que ses documents finals, qui auraient dû être le point de départ des négociations. 

Le Sénégal a noté de l’amertume dans les discours, étant donné que personne n’est, en fin de compte, content des résultats de la session.  Le délégué a dénoncé l’approche de délégations qui « ne veulent céder aucune virgule dans leur libellé ».  L’Algérie s’est aussi désolée du manque de consensus, regrettant que certaines délégations aient mis l’accent sur des concepts polémiques, en insistant sur un paragraphe et en sabordant ainsi un texte de plus de 50 paragraphes.  L’Iraq a, pour sa part, regretté que certains aient insisté sur l’éducation sexuelle, alors que des millions d’enfants à travers le monde ne bénéficient même pas de la moindre éducation.  La République islamique d’Iran a aussi appelé à respecter les spécificités culturelles des États.  Pour la délégation, les mesures coercitives illégales sont des mesures qui violent les droits humains et ont une incidence sur le droit à l’éducation.  L’Indonésie a salué les efforts de la présidence et du Secrétariat au cours de la présente session.

À cet égard, le Kenya a souligné l’importance d’avoir un document final consensuel qui reflète les intérêts de tous les États Membres et qui évite les questions qui sont sources de discorde.  Il est important de trouver un entendement commun sur les questions importantes que sont l’éducation et le développement durable, en tenant compte des disparités dans les valeurs politiques et contextes nationaux.  Prenant note de la décision du Président de retirer le texte, la représentante kényane a espéré que cela ouvrira la voie à un résultat consensuel à l’avenir.  La Zambie et la Malaisie ont espéré que, l’année prochaine, la Commission pourra trouver un texte convenant à tous et pouvant faire l’objet d’un consensus pour avancer.

Face à l’absence de convergence de vues, le Président a donc estimé que la meilleure solution était de retirer le projet de décision E/CN.9/2023/L.6 dans son ensemble.  Une décision regrettée par le Pakistan, car elle occulte le sort des millions d’enfants privés d’éducation dans le monde au profit des intérêts des certains États.  Nous avons du mal à comprendre cette situation, a avoué la Fédération de Russie disant que les remarques de l’Australie, du Ghana, du Canada et de nombreuses autres collègues ont été prises en compte.  Le Saint-Siège a regretté que la Commission n’ait pas pu mettre de côté les questions polémiques pour adopter une résolution sur l’éducation, la population et le développement durable à cause du mépris constant des préoccupations des délégations concernant des questions polémiques.  Ce processus a déraillé parce qu’on a mis trop l’accent sur les questions de l’éducation complète à la sexualité et sur les questions de santé sexuelle et reproductive et de droits sexuels et reproductifs.  Le Saint-Siège a rappelé qu’il n’y a pas de droit à l’éducation sexuelle dans le droit international ni dans aucun traité international. 

L’Égypte a accusé certaines délégations de ne pas avoir donné la priorité au thème de la session et d’avoir sapé le volet développement de la résolution afin de se soustraire à des engagements préalablement pris vis-à-vis du quatrième objectif de développement durable.  « Elles ont cherché à imposer leur vision de l’éducation. »  L’Australie a insisté sur le fait que l’éducation est un droit humain fondamental qui donne aux enfants et aux adolescents des connaissances, des compétences dont ils ont besoin.  Les États qui ont empêché de parvenir à un résultat aujourd’hui ne veulent pas respecter les engagements préalablement pris il y a neuf ans sur une question contenue dans le Programme d’action de la CIPD, a estimé la délégation australienne en faisant remarquer que l’éducation à la sexualité n’est pas une question abstraite: elle permet aux jeunes de prendre des décisions éclairées sur leur vie et sur leur corps, pour éviter des violences sexuelles fondées sur le genre, les grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles comme le VIH. 

Dans sa remarque de clôture, la Directrice exécutive du FNUAP a regretté l’absence d’un consensus sur le thème de la session de cette année même si les déclarations sur les expériences nationales et les discussions de ces dernières semaines ont montré l’importance de l’éducation de qualité et de l’égalité des chances pour tous et toutes alors que nous essayons précisément de remédier aux revers occasionnés par la pandémie.  Elle a noté que les délégations ont insisté sur la nécessité d’investissement durable dans les infrastructures scolaires, pour avoir également des enseignants de qualité, l’importance d’une éducation de qualité pour les jeunes pour la croissance économique, le pouvoir de l’éducation pour lutter contre la violence fondée sur le genre et les pratiques traditionnelles néfastes.  Elle a salué les débats sur le rôle crucial de l’éducation sexuelle complète qui permet aux jeunes d’insister sur le bien-être et sur leur santé. 

La Sous-Secrétaire générale au Département des affaires économiques et sociales (DESA) a également regretté l’absence de résultat cette année, mais l’objectif de la session a été atteint étant donné qu’il y a eu des nombreux exposés très intéressants et instructifs et des discussions très enrichissantes durant toute cette semaine sur l’importance de l’éducation sexuelle, la lutte contre la mortalité et sur les questions de migration.  Pour mettre en œuvre le Programme 2030, la table ronde de mardi a permis de mettre le doigt sur des complémentarités avec d’autres missions fondamentales de l’ECOSOC, a indiqué l’oratrice promettant de réfléchir aux enseignements tirés de la session de cette année pour préparer l’année prochaine qui marquera le trentième anniversaire du Programme d’action de la CIPD. 

Enfin, le Président de la Commission, M. Gheorghe Leucă a rappelé que pour la première fois en 20 ans, la Commission a examiné les liens entre la population, l’éducation et le développement durable.  Cette évaluation qui est survenue à un moment décisif pour le monde qui fait face à une crise de l’éducation est apparue de façon criante lors du Sommet de la transformation de l’éducation de l’année dernière.  Les débats, cette semaine, ont constaté les défis auxquels se heurte le monde pour garantir une éducation de qualité, inclusive, équitable à même de promouvoir un apprentissage tout au long de la vie pour tous et toutes.  Des solutions très concrètes fondées sur des faits ont été proposées pour résoudre cette crise. 

La Commission de la population et du développement a fait aujourd’hui d’autres recommandations au Conseil économique et social (ECOSOC), dont elle est un organe subsidiaire, et a ainsi adopté un projet de décision** comprenant le calendrier d’examen du rapport sur les tendances démographiques mondiales.  Elle propose ainsi de modifier ce calendrier pour qu’il ait lieu les années impaires, et donc la prochaine fois en 2025. 

La Commission a également adopté l’ordre du jour provisoire*** de sa prochaine session, la cinquante-septième, qui comprendra un débat général sur les mesures pour la poursuite de la mise en œuvre du programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement aux niveaux mondial, régional et national et une évaluation de l’état d’application dudit Programme et de sa contribution au suivi et à l’examen de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 au cours de la décennie d’action et de réalisation en faveur du développement durable.  Elle a, enfin, adopté le rapport**** de sa cinquante-sixième session qui se clôture aujourd’hui, avant d’ouvrir sa cinquante-septième session et d’élire la représentante adjointe du Honduras à sa présidence et Israël à la vice-présidence. 

*E/CN.9/2023/L.3

** E/CN.9/2023/L.4

***E/CN.9/2023/L.2/Rev.1

**** E/CN.9/2023/L.2/Rev.1

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Sixième Commission clôt la première reprise de ses travaux de fond sur les crimes contre l’humanité pour sa soixante-dix-septième session

Soixante-dix-septième session,
45e séance plénière, après-midi
AG/J/3683

La Sixième Commission clôt la première reprise de ses travaux de fond sur les crimes contre l’humanité pour sa soixante-dix-septième session

La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a terminé cet après-midi son examen du projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité adopté par la Commission du droit international (CDI) en 2019.  Elle se penchera à nouveau sur ledit projet et la question de l’élaboration d’une convention selon la recommandation de la CDI lors d’une deuxième reprise de session, du 1er au 5 avril et le 11 avril 2024.

Pendant une semaine, à la demande de l’Assemblée générale*, la Commission a donc échangé des opinions de fond et entendu plus de 260 interventions sur tous les aspects du projet**, y compris quelques « mini débats » dans la tradition de la CDI.

Résumant les travaux, le Président de la Sixième Commission, M. Pedro Comissário Afonso (Mozambique) a discerné, malgré les différents points de vue exprimés, « un fil conducteur » parmi toutes les délégations, à savoir que les crimes contre l’humanité sont « des crimes internationaux graves qui doivent tomber sous le coup du droit pénal, que les États doivent prévenir et punir dans le cadre de leurs systèmes juridiques nationaux ».  Il a reconnu que les avis ont divergé sur des questions telles que la définition des crimes contre l’humanité, la manière dont les principes du droit international et de la Charte des Nations Unies devraient être reflétés et, bien entendu, sur la question de savoir si le moment était venu de prendre une décision concernant la recommandation de la CDI pour une convention. 

Les échanges les plus vifs ont porté sur les dispositions liminaires, notamment le préambule, et sur la définition contenue dans l’Article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), qui a servi de modèle à la définition des crimes contre l’humanité retenue dans le projet d’articles, beaucoup d’États n’étant pas parties au Statut.

« Néanmoins, je pense que nous avons tous bénéficié d’une meilleure compréhension des positions variables de chacun grâce aux éléments formels et interactifs de nos méthodes de travail au cours de cette semaine », s’est félicité le Président.  Il a fait écho à l’opinion exprimée par d’autres selon laquelle cela pourrait être une méthode de travail utile pour la Sixième Commission sur d’autres sujets inscrits à son ordre du jour.

Hier, le représentant de la Division de la codification du Bureau des affaires juridiques du Secrétariat, M. Arnold Pronto, a rappelé, dans le cadre d’un exposé, l’historique des travaux de la CDI sur le thème des crimes contre l’humanité, insistant sur le fait que, dès sa décision d’inclure le sujet dans son programme de travail, la Commission avait déclaré « sans ambiguïté » son intention d’élaborer un ensemble de projets d’articles destinés à servir de base à une convention internationale.  La CDI « prend très au sérieux » chacune des recommandations qu’elle formule, a assuré M. Pronto.  Elle tient systématiquement compte des commentaires formulés par les États quant à la forme finale du texte et adopte généralement ses recommandations par consensus.  « En dernière analyse, la question d’accepter ou non une recommandation de la Commission reste entièrement entre les mains des États Membres. »

Les trois Cofacilitateurs, M. Edgar Daniel Leal Matta (Guatemala), Mme Anna Pála Sverrisdóttir (Islande)et Mme Sarah Zahirah Binti Ruhama (Malaisie), ont présenté leurs rapports oraux sur le fruit des délibérations structurées autour de cinq groupes thématiques lors des séances plénières et officieuses pendant cette reprise de session.

La Sixième Commission se réunira le 1er juin prochain pour élire son bureau pour sa soixante-dix-huitième session, qui se tiendra du 2 octobre au 17 novembre 2023. 

* A/RES/77/249 
** A/74/10

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Colombie: en dépit de violences persistantes, la  « politique de paix totale » du Président Petro progresse favorablement, salue le Représentant spécial

9303e séance – matin
CS/15255

Colombie: en dépit de violences persistantes, la  « politique de paix totale » du Président Petro progresse favorablement, salue le Représentant spécial

À l’occasion de sa réunion trimestrielle sur la situation en Colombie, le Conseil de sécurité a entendu, ce matin, le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies dans ce pays faire état de progrès significatifs dans la mise en œuvre de la « politique de paix totale » du Président colombien Gustavo Petro Urrego, marquée notamment par la promotion du dialogue avec les groupes armés et l’application de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable conclu en 2016 avec les anciennes Forces armées révolutionnaires de Colombie–Armée populaire (FARC-EP). 

M. Carlos Ruiz Massieu a débuté son exposé en se félicitant de la présence à cette réunion du Ministre des affaires étrangères de la Colombie, M. Álvaro Leyva, et de M. Rodrigo Londoño, ancien commandant des FARC-EP, aujourd’hui Président du parti des Communs.  La participation de ce dernier témoigne, selon lui, de l’engagement de milliers d’anciens combattants en faveur de l’Accord final. 

Le Représentant spécial n’a pas manqué d’évoquer la récente rencontre entre le Président Petro et M. Londoño à Bogota, ainsi que leur visite conjointe dans l’ancienne zone territoriale de formation et de réintégration de Mesetas, dans le département de Meta, à la suite des menaces proférées par un groupe armé illégal à l’encontre de dizaines d’ex-combattants et de leurs familles.  Il y a vu un « exemple frappant » de la manière dont les parties peuvent travailler ensemble pour relever les multiples défis auxquels le processus de paix reste confronté. 

Au cours de cette visite, s’est félicité M. Massieu, le Président Petro a annoncé plusieurs mesures visant à renforcer le processus de réintégration des anciens combattants et à assurer leur sécurité, mais aussi à accélérer la mise en œuvre de l’Accord final, notamment par le biais d’efforts de dialogue destinés à réduire les niveaux de violence des groupes armés illégaux.  Le Chef de la Mission de vérification des Nations Unies a ainsi salué « l’esprit constructif » qui a caractérisé les deux premiers cycles de négociations entre le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN), au Venezuela et au Mexique.  Il a formé le vœu que les pourparlers du prochain cycle, qui se tiendront prochainement à Cuba, donneront des résultats supplémentaires en matière de réduction de la violence et de participation de la société à la construction de la paix. 

« Les groupes armés doivent reconnaître que le Gouvernement actuel est démocratique et progressiste, et que leur lutte contre lui est inutile », a abondé le Président du parti des Communs, avant de les appeler à un cessez-le-feu immédiat.  Pour M. Londoño, la victoire des « forces progressistes et pacifiques » lors de l’élection présidentielle de l’an dernier est « une chance pour le pays ».   Toutefois, a-t-il nuancé, les groupes dissidents ayant repris les armes ne représentent qu’un « pourcentage minuscule » des signataires de l’accord et l’État colombien n’a jamais pleinement respecté son engagement d’occuper les régions abandonnées par les anciennes FARC-EP, ce qui a permis à divers groupes criminels de se reconstituer. 

L’ex-commandant des FARC-EP a ajouté que la situation des groupes signataires est aujourd’hui « critique » en raison du manque de terres à exploiter et du manque de projets productifs qui garantiraient leur réinsertion.  Cette situation, a-t-il expliqué, a entraîné une « diaspora de signataires » dans différentes régions, rendant difficile la mise en œuvre de l’accord de 2016 et renforçant le découragement.  En appui de ce constat, M. Ivan Šimonović, Président de la Commission de consolidation de la paix, a plaidé pour une accélération de la mise en œuvre des programmes de développement à visée territoriale et de la réforme rurale globale de l’accord, essentiels à ses yeux pour permettre un accès plus équitable aux terres pour les populations rurales et touchées par le conflit, en particulier les anciens combattants.  Le Brésil, qui figure parmi les pays garants de l’accord, a souligné à son tour que la pleine réintégration des anciens combattants dans la vie civile dépend de l’accès à la terre, au logement, à la sécurité et aux projets productifs. 

À l’instar du Royaume-Uni, les membres du Conseil ont été nombreux à déplorer que la violence et la faible présence de l’État dans de nombreuses régions du pays continuent d’entraîner des conséquences graves sur la vie quotidienne des Colombiens.  Cela entrave la mise en œuvre de nombreux aspects de l’Accord final, y compris la sécurité des anciens combattants et le volet ethnique, a regretté la délégation britannique, rejointe sur ce point par la France, Malte et les Émirats arabes unis.  La consolidation de la paix dépend à la fois de la mise en œuvre intégrale de l’accord et de la capacité des autorités à contrôler la violence encore perpétrée par des groupes armés, qui affecte de manière disproportionnée les Afro-Colombiens, les populations autochtones, les femmes et les populations les plus vulnérables, a fait valoir le Brésil. 

Dans ce contexte, la demande de la Colombie, réitérée aujourd’hui par son Ministre des affaires étrangères, d’un élargissement éventuel du mandat de la Mission de vérification des Nations Unies à la surveillance des accords de cessez-le-feu passés avec les groupes armés a globalement été soutenue.  L’Équateur a toutefois insisté sur le fait que ces accords doivent être mis en œuvre de bonne foi et ne sauraient en aucun cas être utilisés comme passe-droit pour affaiblir la présence de l’État, au détriment du bien-être de la population, avec le risque de voir proliférer les activités illicites.  La Fédération de Russie a, pour sa part, souhaité qu’on évalue en premier lieu les risques et les menaces, tandis que le Japon en appelait à une discussion constructive au sein du Conseil sur la meilleure façon de procéder. 

Considérant qu’il est de son « devoir » d’attirer l’attention du Conseil sur le fait que la Colombie « a des ennemis qui s’opposent au processus de paix », le Chef de la diplomatie colombienne s’est prononcé pour une commission d’enquête internationale des Nations Unies afin de se pencher sur les allégations de violations du droit international dans le pays.  Le processus de paix ne peut pas être mis à mal par des « parties externes » qui ont conduit à la formation de groupes dissidents afin d’affaiblir l’accord de 2016, a-t-il martelé.  Il est, selon lui, indispensable d’envisager la création d’une telle commission d’enquête ou d’un groupe d’experts indépendants, dans le but de ramener la paix totale dans tout le pays et au-delà.   

LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRESSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LA REPRÉSENTANTE PERMANENTE DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53, S/2023/222)

Déclarations

M. CARLOS RUIZ MASSIEU, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, qui présentait au Conseil le dernier rapport du Secrétaire général sur cette mission, a salué la présence à cette réunion du Ministre des affaires étrangères de la Colombie, M. Álvaro Leyva, et de M. Rodrigo Londoño, ancien commandant des Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP), partie signataire de l’Accord final, et aujourd’hui président du parti des Communs.  Le leadership de M. Londoño dans la transition de la guerre à la paix a été et continuera d’être fondamental, a-t-il dit, voyant dans sa participation un témoignage de l’engagement de milliers d’anciens combattants en faveur de l’Accord final.  La récente rencontre entre le Président Gustavo Petro et M. Londoño à Bogota, ainsi que leur visite conjointe à l’ancienne zone territoriale de formation et de réintégration de Mesetas, dans le département de Meta, à la suite d’une grave menace proférée par un groupe armé illégal à l’encontre de dizaines d’ex-combattants et de leurs familles, sont un exemple de la manière dont les parties peuvent travailler ensemble pour relever les multiples défis auxquels le processus est confronté et pour faire progresser la mise en œuvre, a fait valoir le Représentant spécial, qui a lui-même participé à la visite. 

M. Ruiz Massieu a indiqué qu’au cours de cette visite, le Président Petro, dont c’était le premier déplacement dans l’une de ces zones, a annoncé plusieurs mesures visant à renforcer le processus de réintégration et la sécurité, ainsi qu’à accélérer la mise en œuvre de l’Accord final de manière plus générale.  Regrettant que les anciens combattants aient dû quitter la zone en question où ils avaient investi beaucoup d’efforts en vue de leur réintégration à la vie civile, il s’est néanmoins réjoui qu’un plan de réinstallation ordonnée dans un nouveau lieu, avec une plus grande sécurité et un accès à des terres productives, ait été convenu pour eux et leurs familles.  Il a assuré que la Mission continuera à accompagner les anciens combattants et leurs familles, et à suivre les progrès des mesures annoncées, avant de souligner que la sécurité des anciens combattants des FARC-EP, ainsi que celle des leaders sociaux, hommes et femmes, est et doit demeurer une priorité de premier plan. 

Le Représentant spécial a souhaité, à cet égard, mettre en exergue l’importance cruciale des deux aspects de la « politique de paix totale » mise en avant par le Gouvernement actuel en Colombie: d’une part, la tâche essentielle qui consiste à mettre pleinement en œuvre l’Accord final et, d’autre part, ses efforts par le dialogue, aussi difficiles soient-ils, pour réduire les niveaux de violence des autres groupes armés illégaux afin d’élargir le champ de la paix dans le pays.  Ces derniers jours, a-t-il noté, le Gouvernement a clairement manifesté son engagement en faveur de l’Accord final, notamment en décidant de créer un bureau dirigé par un fonctionnaire de haut niveau au sein de la présidence, chargé de veiller à la mise en œuvre globale de l’Accord final.  En outre, le Président a également annoncé son intention de lever les entraves juridiques et bureaucratiques à la mise en œuvre dudit accord, s’est-il félicité. 

Faisant remarquer que, pour la première fois, le rapport du Secrétaire général inclut des questions liées à la réforme rurale globale et au chapitre ethnique de l’Accord final, le Représentant spécial a précisé qu’il s’agit d’apporter aux zones rurales reculées les infrastructures et les investissements dont elles ont besoin, de garantir un accès équitable à la terre et de remédier aux conséquences spécifiques subies par les communautés ethniques au cours du conflit.  La Mission coopère déjà avec le Gouvernement et les entités de l’État, ainsi qu’avec les mécanismes créés par l’accord, alors qu’ils s’efforcent de répondre aux attentes des paysans colombiens, des communautés indigènes et afro-colombiennes, a indiqué M. Ruiz Massieu.  Dans les régions gravement touchées par le conflit, comme la côte pacifique, les progrès réalisés dans l’application des dispositions de l’accord visant à accroître la présence de l’État et à offrir des possibilités de développement aux communautés historiquement négligées peuvent contribuer à s’attaquer aux causes profondes du conflit, tandis que les mesures de désescalade par le dialogue peuvent contribuer à réduire la violence, créant ainsi de meilleures conditions pour sa mise en œuvre, a-t-il souligné. 

S’agissant de la Juridiction spéciale pour la paix, le Représentant spécial a fait état de progrès dans l’accomplissement de son mandat, qui consiste à enquêter sur les crimes commis par toutes les parties au cours du conflit et à les sanctionner.  Alors que les entités de l’État se préparent à mettre en œuvre les premières peines réparatrices, la phase de jugement a commencé dans des affaires impliquant d’anciens commandants des FARC-EP, des membres des forces de sécurité publique et des tierces parties civiles, a-t-il signalé.  M. Ruiz Massieu a également évoqué les processus de dialogue de paix en cours, et plus précisément les négociations entre le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN) qui continuent de progresser.  Saluant l’esprit constructif qui a caractérisé les deux premiers cycles de dialogue au Venezuela et au Mexique, il a espéré que les pourparlers du prochain cycle, qui aura lieu à Cuba le mois prochain, donneront des résultats supplémentaires en termes de réduction de la violence et de participation de la société à la construction de la paix.  La perte tragique de vies humaines lors d’événements récents souligne toutefois la nécessité urgente pour les parties de progresser dans la négociation d’un cessez-le-feu bilatéral, a insisté le haut fonctionnaire, en rappelant qu’un processus de dialogue est en cours entre le Gouvernement et le groupe qui se présente comme le haut commandement central, groupe dissident des anciennes FARC-EP. 

M. IVAN ŠIMONOVIĆ (Croatie), Président de la Commission de consolidation de la paix, a encouragé le Conseil de sécurité à continuer d’apporter un soutien unifié au Gouvernement colombien dans ses efforts destinés à mettre en œuvre l’Accord final, notamment les dispositions relatives aux populations autochtones et afro-colombiennes.  Un soutien particulier devrait, selon lui, être apporté aux efforts du Gouvernement pour mettre en œuvre les programmes de développement à visée territoriale (PDET) et la réforme rurale globale de l’Accord final, qui sont essentiels pour renforcer la présence de l’État dans les zones touchées par les conflits et pour permettre un accès plus équitable aux terres pour les populations rurales et touchées par le conflit, y compris les femmes rurales et les anciens combattants.  Pour le Président de la Commission de consolidation de la paix, il faut également appuyer le Gouvernement dans la réintégration socioéconomique des anciens combattants en tant qu’élément clef pour une paix durable en Colombie.  Le Conseil, a-t-il ajouté, devrait par ailleurs souligner la nécessité de garantir la sécurité et la protection des anciens combattants, des dirigeants sociaux et des communautés, en particulier les communautés afro-colombiennes et autochtones, qui continuent d’être victimes de violences dans les zones encore touchées par les agissements de groupes armés illégaux et où la présence de l’État est limitée.

M. RODRIGO LONDOÑO, Président du parti des Communs, formation politique fondée par les anciennes FARC-EP, a rappelé que le point 1 de l’Accord final prévoyait, afin de trouver une solution raisonnable à la concentration « scandaleuse » de la propriété rurale, la création d’un fonds foncier entre les mains de l’État, composé initialement de 3 millions d’hectares sur une période de 12 ans, à remettre à ceux en ayant le plus besoin et étant disposés à les exploiter.  Or, aujourd’hui, plus de six ans après la signature de l’accord, les chiffres officiels indiquent que seulement 251,122 hectares -soit à peine 8,37%- ont été attribués, a-t-il déploré.  Il y a vu un manque de volonté politique du précédent Gouvernement d’Iván Duque Márquez, selon lui « manifestement opposé » à la mise en œuvre de l’accord.  Concernant les autres grands aspects du point 1, qui consiste en des plans de réforme rurale visant à réduire la pauvreté rurale de 50% en 15 ans, M. Londoño a qualifié leur mise en œuvre de « médiocre » en raison, une fois de plus, d’une absence de volonté politique de l’Administration Duque et d’un risque élevé de corruption.  Il a ainsi parlé d’un détournement par des fonctionnaires de l’État de plus de 500 milliards de pesos.  Quant au point 2 de l’accord, relatif à la participation politique, il accuse un retard considérable du fait de l’insuffisance des ressources allouées, a-t-il encore dénoncé.  Estimant que le système « n’a jamais été mis en œuvre », il a accusé le Gouvernement précédent de n’avoir rien fait pour créer une chaîne de télévision pour les partis et les organisations d’inspiration sociale, et de n’avoir pas non plus pris la peine de procéder aux ajustements réglementaires nécessaires. 

Selon M. Londoño, les groupes dissidents ayant repris les armes représenteraient un « pourcentage minuscule » des signataires de l’accord.  Si leurs activités laissent beaucoup à désirer moralement et politiquement, l’État colombien, lui, n’a jamais respecté son engagement d’occuper les régions abandonnées par les anciennes FARC-EP après avoir déposé les armes, ce qui a permis à divers groupes criminels de se reconstituer, a-t-il regretté.  Le Président du parti des Communs a ajouté que la situation des groupes signataires est « critique » en raison du manque de terres à exploiter et du manque de projets productifs qui garantiraient leur réinsertion.  Cette situation, a-t-il expliqué, a entraîné une « diaspora de signataires » dans différentes régions du pays, rendant difficile la mise en œuvre de l’accord et renforçant le découragement.  En outre, le Gouvernement précédent a alloué des sommes « dérisoires » à son programme de substitution des cultures illicites prévu au point 4 de l’accord, rendant inapplicable une politique d’éradication dans les campagnes colombiennes.

De l’avis de M. Londoño, la victoire électorale des « forces progressistes et pacifiques » lors de l’élection présidentielle de l’an dernier est une chance pour le pays.  « Les groupes armés doivent reconnaître que le Gouvernement actuel est démocratique et progressiste, et que leur lutte contre lui est inutile », a-t-il déclaré, avant de les appeler à un cessez-le-feu.  Louant le soutien de la communauté internationale, en particulier des Nations Unies, il a fait part d’un sentiment d’espoir.  Le Président Petro a proposé d’acheter les 3 millions d’hectares du fonds foncier aux éleveurs avec une somme « astronomique », a-t-il applaudi, invitant la communauté internationale à contribuer à la réalisation de cet objectif, alors que les anciens combattants ont un besoin urgent de logements et de terres pour travailler sur des projets productifs durables.  Cela suppose une condition essentielle: que leur vie, leur sécurité et leur stabilité soient garanties, comme l’a promis l’État aux points 2 et 3 de l’accord, a ajouté le Président du parti des Communs, pour qui il est de la plus haute importance que le Conseil de sécurité influence les parties en ce sens. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déploré que la violence et la faible présence de l’État dans de nombreuses régions du pays continuent d’entraîner des conséquences graves sur la vie quotidienne de trop de Colombiens, en particulier dans les communautés rurales, afro-colombiennes et autochtones.  Cela entrave la mise en œuvre de nombreux aspects de l’Accord final, y compris la sécurité des anciens combattants, a-t-elle constaté, soulignant l’importance pour le Gouvernement colombien de réduire la violence dans tout le pays, y compris au cours de la prochaine série de pourparlers avec l’Armée de libération nationale (ELN).  Dans ce contexte, la représentante a accueilli favorablement la demande de la Colombie d’élargir le rôle de la Mission de vérification des Nations Unies.  Notant que la violence est motivée par la criminalité liée au trafic de drogue, elle a encouragé le Gouvernement à s’attaquer à ceux qui profitent de la misère et de la destruction.  Elle a dit attendre avec intérêt de travailler avec les autorités colombiennes pour s’attaquer à ce problème avec une vigueur renouvelée.  S’agissant de la réforme rurale, la déléguée a appelé à créer un nouvel élan dans l’application du plan national de développement et à soutenir les anciens combattants vivant en dehors des zones de réintégration.  À ses yeux, la Colombie reste un exemple du pouvoir de transformation de la paix, mais il convient de tirer parti de l’Accord final et d’assurer une paix durable dans tout le pays, ce qui nécessitera des investissements continus. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana, Mozambique), a salué la détermination et les efforts de l’Administration du Président Petro en faveur de l’Accord final de 2016 en Colombie.  Il a exprimé le soutien des A3 au processus de réconciliation nationale dans le contexte de la consolidation de la paix en Colombie, ainsi qu’au dialogue inclusif auquel le Gouvernement colombien a associé la société civile, les anciens membres des FARC-EP, les femmes et les populations autochtones.  Il s’est également félicité de l’accord conclu entre le Gouvernement colombien et les FARC-EP afin de prolonger de quatre ans le mandat de la Commission de suivi, de promotion et de vérification de la mise en œuvre de l’Accord final.  Le représentant a d’autre part applaudi les actions entreprises par le Président Petro dans le cadre de sa politique de paix totale, en engageant divers groupes armés dans des pourparlers de paix.  À ce sujet, il a noté avec satisfaction les résultats du deuxième cycle de négociations de paix entre le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN), le 10 mars à Mexico.  Les A3 encouragent les parties à maintenir le même niveau d’engagement en vue de la tenue du troisième cycle de négociations qui aura lieu ce mois-ci à Cuba, a-t-il ajouté.  De même, les A3 soutiennent la demande du Gouvernement colombien d’étendre le mandat de la Mission de vérification des Nations Unies afin d’inclure le contrôle et la vérification des futurs accords avec d’autres groupes armés.

Notant que, malgré les efforts déployés par le Gouvernement colombien, le processus de paix se heurte encore à des difficultés, le représentant a condamné l’attaque perpétrée par l’ELN le 29 mars dernier, avant d’encourager vivement toutes les parties concernées à accorder toute leur attention au processus de négociation et à s’abstenir de toute mesure susceptible de compromettre les efforts de paix et de stabilité.  Alors que la question de la réforme rurale est de la plus haute importance pour la construction d’une société durable, pacifique et égalitaire, les A3 saluent la proposition de plan de développement national, y compris l’allocation d’un budget important à cet effet, ainsi que les actions en justice visant à restituer plus d’un million d’hectares de terres aux cinq territoires prioritaires que sont Chocó, Guaviare, Nariño et Córdoba, a conclu le délégué.

Mme SHINO MITSUKO (Japon) s’est félicitée de la mise en œuvre ciblée de l’Accord final en Colombie ainsi que des dialogues en cours avec les groupes non-signataires dans le cadre de la politique de « paix totale », notamment les pourparlers de paix engagés entre le Gouvernement et l’ELN sur le prochain cycle de négociations relatif à un cessez-le-feu.  Prenant note de la demande faite au Conseil par le Ministre colombien des affaires étrangères concernant l’élargissement éventuel du mandat de la Mission de vérification des Nations Unies pour soutenir les efforts menés dans le cadre de la politique de « paix totale », la déléguée a plaidé pour que des discussions constructives aient lieu avec les autres membres du Conseil sur la meilleure façon de progresser à cet égard.  Comme l’a souligné le Président de la Commission de consolidation de la paix, une réforme rurale globale et la mise en œuvre du chapitre ethnique de l’Accord final, notamment sur la base de l’inclusivité et des principes de sécurité humaine, sont essentielles à la consolidation de la paix, a-t-elle souligné.  La représentante s’est cependant déclarée préoccupée par le niveau de violence dans le pays, considérant qu’il est crucial d’établir et de mettre en œuvre des mécanismes de sécurité et de justice appropriés. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a dit soutenir toute action qui contribuerait à la mise en œuvre de l’Accord final.  Il a également reconnu la pertinence du plan de développement national présenté par le Gouvernement colombien, dans lequel les réformes rurales font figure de priorité.  Permettre un accès plus équitable et plus large à la terre pour la population affectée par le conflit est en effet de la plus haute importance pour continuer à construire le chemin vers la paix, a-t-il soutenu.  Jugeant que la réussite du projet de réintégration des ex-combattants est aussi un élément essentiel pour une paix stable et durable, le délégué a salué l’approbation de nouveaux projets pour leur réinsertion socioéconomique.  Il a aussi souligné l’importance pour l’État colombien de s’engager dans le processus de justice transitionnelle.  Favoriser une meilleure coordination entre le Gouvernement et la Commission Vérité, coexistence et non-répétition est selon lui crucial pour bannir l’impunité et susciter la confiance en la justice, en particulier pour toutes les victimes du conflit.

Saluant d’autre part les efforts déployés par le Gouvernement colombien pour dialoguer avec d’autres groupes armés, le représentant a appuyé la décision de suspendre, le cas échéant, les décrets bilatéraux de cessez-le-feu.  En effet, les accords de cessez-le-feu doivent être mis en œuvre de bonne foi, a-t-il fait valoir.  Ils ne peuvent en aucun cas être utilisés comme passe-droit pour affaiblir la présence de l’État, au détriment du bien-être de la population, avec le risque de voir proliférer les activités illicites, a souligné le délégué.

Mme FRANCESCA GATT (Malte) a noté que, depuis janvier dernier, la Colombie fait preuve de détermination vers une paix durable.  Malgré les progrès, le pays souffre de niveaux élevés de violence, y compris à l’encontre des femmes dirigeantes et d’anciens combattants, a déploré la représentante en demandant que des ressources soient allouées à leur sécurité.  Elle s’est dite particulièrement préoccupée par les risques auxquels sont confrontés les Afro-Colombiens et les peuples autochtones, qui continuent d’être touchés de manière disproportionnée par les déplacements massifs et l’emprisonnement.  Plus de 25 000 membres de ces communautés ont été déplacés ou emprisonnés de force au cours des trois premiers mois de 2023, a-t-elle déploré, avant de dénoncer le recrutement d’enfants par des groupes armés illégaux, notamment parmi les enfants autochtones et afro-colombiens.  La déléguée s’est également alarmée des disparitions forcées dans le pays, dont le nombre est estimé à plus de 100 000.  Les familles méritent des réponses sur le sort de leurs proches, a-t-elle plaidé, appelant le Gouvernement à accorder la priorité à cette question cruciale, y compris la recherche des personnes disparues.  Enfin, après avoir exprimé son soutien au système de justice transitionnelle et aux progrès accomplis pour assurer la vérité, la justice et des réparations aux victimes de toutes les parties au conflit armé, elle a demandé l’ouverture d’enquêtes sur les cas de violence sexuelle et sexiste. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a estimé que la recherche de la paix doit passer par le dialogue.  À cette aune, elle a salué la conclusion du deuxième cycle de négociations organisé à Mexico avec l’Armée de libération nationale (ELN) en espérant que ces discussions permettront d’aboutir à un cessez-le-feu durable.  Elle a également salué les efforts déployés par les autorités colombiennes pour consolider les cessez-le-feu en cours avec plusieurs groupes armés.  À ses yeux, la Mission de vérification des Nations Unies devra jouer, le moment venu, un rôle pour surveiller la mise en œuvre de ces différents engagements afin de faire reculer la violence.  À cet égard, la représentante s’est déclarée préoccupée par le niveau de violence qui touche certaines régions, avant de condamner les attaques qui ont ciblé récemment les forces de l’ordre colombiennes.  Selon elle, cela montre que les garanties de sécurité demeurent insuffisantes pour les anciens combattants, les défenseurs des droits de l’homme et les représentants de la société civile. 

Saluant par ailleurs l’engagement du Gouvernement colombien en matière d’accès à la terre et de réforme rurale, la représentante a estimé que la présentation du plan de développement national au Congrès constitue une occasion d’avancer sur ce dossier, à condition toutefois d’y consacrer les financements nécessaires.  La France salue également la priorité donnée par le Gouvernement à la mise en œuvre des chapitres ethniques de l’Accord final, a-t-elle indiqué, appelant le Gouvernement à poursuivre sur cette voie afin d’offrir de nouvelles opportunités socioéconomiques viables aux populations qui ont souffert du conflit.  La déléguée s’est d’autre part félicitée des progrès constants accomplis par la Juridiction spéciale pour la paix, notamment le début de la phase de procès, qui ouvre la voie à l’édiction de peines restauratives et à un nouveau chapitre sur le chemin de la réconciliation.  Jugeant enfin que l’Accord final en Colombie est un « acquis historique », elle a vu dans l’extension de quatre années supplémentaires de la Commission de suivi, de promotion et de vérification de l’Accord final une étape importante. 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERSWYL (Suisse) s’est alarmée de la violence à l’encontre des dirigeantes et dirigeants sociaux, des défenseuses et défenseurs des droits de l’homme et des anciens combattants en Colombie.  La violence liée au conflit et les déplacements et confinements de civils, principalement d’origine afro-colombienne et autochtone, qui en résultent nécessitent des mesures humanitaires et de désescalade rapide, a-t-elle estimé.  Elle a aussi condamné l’utilisation de mines antipersonnel, qui touchent de manière disproportionnée les civils.  La représentante s’est ensuite félicitée de l’ouverture, notamment grâce au plaidoyer continu de la société civile, de la onzième et dernière affaire jugée par la Juridiction spéciale pour la paix sur les violences sexuelles et fondées sur le genre.  « Le processus d’élaboration participatif de recommandations en matière de réparations souligne l’approche centrée sur les victimes du processus de justice transitionnelle en Colombie », a-t-elle souligné.  La déléguée a donc appelé à optimiser la coordination institutionnelle et l’allocation financière pour le système intégral, afin d’assurer une capacité de mise en œuvre adéquate, y compris des recommandations de la Commission vérité, coexistence et non-répétition.  Enfin, elle a souhaité que le Conseil de sécurité puisse une nouvelle fois faire preuve d’unité en répondant à l’appel de la Colombie visant à élargir le mandat de la Mission de vérification à la surveillance des cessez-le-feu.  Dans cette éventualité, la Suisse reste disposée à soutenir de tels efforts basés sur son expérience de longue date. 

Mme AMEIRAH AL-HEFEITI (Émirats arabes unis) a salué les efforts continus du Gouvernement colombien pour la mise en œuvre de l’Accord final.  Elle demeure cependant préoccupée par la persistance de la violence et des menaces dirigées contre les civils, y compris les anciens combattants, ainsi que contre les dirigeants politiques et communautaires.  Face à cela, la mise en œuvre des garanties de sécurité prévues par l’accord reste selon elle l’un des outils clefs pour améliorer leur situation et leur offrir la protection nécessaire.  La paix et la sécurité durables en Colombie reposent à la fois sur la mise en œuvre complète de l’accord et sur la poursuite des mesures visant à réduire la violence au sein des communautés colombiennes: ces deux éléments se renforcent mutuellement, a-t-elle souligné.  Qualifiant d’encourageants les progrès réalisés dans le cadre du dialogue et des différents processus de paix, elle a cependant rappelé la nécessité de cesser toute hostilité pour que ces efforts paient.  La représentante a donc dit attendre avec impatience le prochain cycle de pourparlers de paix à Cuba, qui pourrait contribuer à consolider la paix.  Les recommandations du Secrétaire général sur le rôle que pourrait jouer à l’avenir la Mission de vérification seront également utiles pour soutenir ces efforts, a-t-elle ajouté. 

La déléguée a aussi insisté sur le bien-fondé d’initiatives de réinsertion basées sur les communautés et menées localement, pour enraciner le processus et garantir que les victimes de violence soient au centre des préoccupations.  La participation pleine, égale et significative des femmes et l’inclusion des jeunes sont tout aussi fondamentales.  À cet égard, l’augmentation de la participation des femmes ex-combattantes de près de 15% en un an, selon le rapport du Secrétaire général, est un pas dans la bonne direction, a-t-elle noté.  Enfin, concernant la Commission Vérité, coexistence et non-répétition, elle a insisté sur la nécessité de mettre l’accent sur la lutte contre les crimes de violence sexuelle. 

M. GENG SHUANG (Chine) a salué les efforts pour parvenir à une « paix totale » en Colombie, notamment la mise en œuvre l’Accord final.  Toutes les parties doivent travailler de concert pour avancer sur la voie d’une stabilité à long terme et de la paix, a-t-il plaidé.  Le représentant a notamment souhaité que le nouveau cycle de pourparlers prévus à Cuba en mai permette de parvenir à un cessez-le-feu permanent et à une solution politique.  Il a demandé à la communauté internationale de promouvoir les pourparlers de paix.  Selon lui, des investissements durables sont nécessaires pour la mise en œuvre de l’accord et du plan national de développement, en particulier pour la réforme rurale, la réintégration des ex-combattants et combattantes et la substitution des cultures illicites.  Dans ce contexte, le délégué s’est dit inquiet face à l’insécurité et à la violence dans certaines régions du pays.  Il a encouragé le Gouvernement colombien à redoubler d’efforts pour le déploiement de forces dans les zones touchées par le conflit afin de dissuader les éléments violents et de protéger les femmes, les enfants et des minorités ethniques.  Il a conclu son propos en saluant le travail de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a salué les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord final en Colombie, notamment en ce qui concerne la réforme rurale, la participation politique des anciens combattants et l’attention portée aux victimes du conflit.  La récente extension, en janvier, du mandat de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, notamment au suivi des chapitres de l’accord relatifs à la réforme rurale et à l’approche ethnique, représente un pas important vers le renforcement du processus de paix dans le pays, a-t-il estimé.  Félicitant le Gouvernement du Président Petro pour les efforts qu’il déploie afin de parvenir à une « paix totale » sur son territoire, le représentant a estimé que la consolidation de la paix dépend à la fois de la mise en œuvre intégrale de l’accord et de la capacité des autorités à contrôler la violence encore perpétrée par d’autres groupes armés, qui affecte de manière disproportionnée les Afro-Colombiens, les populations indigènes, les femmes et les populations les plus vulnérables. 

Le représentant a d’autre part réaffirmé l’engagement du Brésil à soutenir, en tant que pays garant, le dialogue entre le Gouvernement colombien et l’Armée de libération nationale (ELN), se félicitant des résultats du deuxième cycle de négociations et de la perspective de progrès à la suite de l’accord de Mexico.  Il a toutefois noté que, malgré les défis importants déjà surmontés, des difficultés subsistent dans la mise en œuvre du processus de paix.  Selon lui, la situation en matière de sécurité des anciens combattants, des dirigeants sociaux et des défenseurs des droits humains reste préoccupante et les efforts visant à garantir leur protection et à prévenir la violence doivent être intensifiés.  La pleine réintégration des ex-combattants dans la vie civile dépend de l’accès à la terre, au logement et aux projets productifs, a-t-il souligné, appelant aussi à renforcer les politiques visant à résoudre le grave problème de la violence fondée sur le sexe. 

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a déclaré que son pays reste déterminé à appuyer la Colombie dans la mise en œuvre de l’Accord final.  Les États-Unis s’efforcent de promouvoir la diversité, l’inclusion et l’équité en Colombie, en s’attaquant aux inégalités et à l’exclusion socioéconomique, questions qui touchent de manière disproportionnée les communautés afro-colombiennes et autochtones, a-t-il fait remarquer.  La présentation du plan national de développement du Président colombien est un pas important, a estimé ensuite le représentant, avant de prendre note des efforts du Gouvernement colombien pour négocier avec les groupes dissidents et autres groupes armés non signataires de l’accord de 2016.  Les efforts actuellement déployés doivent aussi tenir compte de la nécessité de lutter contre la production illicite de stupéfiants, a rappelé le délégué, qui s’est alarmé de la violence persistante visant les communautés afro-colombiennes et autochtones, les activistes environnementaux et des droits humains ainsi que les femmes.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a loué l’engagement sans faille des parties colombiennes pour consolider la paix.  Il a également jugé essentiel de promouvoir l’Accord final, saluant au passage la présence à cette réunion du Ministre des affaires étrangères de la Colombie.  La coopération entre le Gouvernement colombien et les groupes armés demeure pertinente, et la mise en œuvre de l’accord prioritaire pour consolider la confiance, qui est « l’ingrédient le plus important pour parvenir à la paix », selon le délégué.  Si d’importants défis subsistent, notamment pour améliorer la sécurité dans les zones touchées par le conflit, tout doit être mis en œuvre pour que la violence ne soit pas un obstacle et pour mettre l’accent sur la composante rurale de l’accord, a-t-il encore plaidé.  Il a par ailleurs dit soutenir toute proposition visant à élargir le mandat de la Mission des Nations Unies, en particulier pour qu’elle vérifie la bonne mise en place du cessez-le-feu.  La Colombie est devenue un « exemple de succès » et l’Albanie continuera de soutenir les efforts pour une « paix totale », a conclu le représentant. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a noté que le processus de paix en Colombie évolue à un rythme rapide.  Toutefois, le problème fondamental réside dans les garanties offertes aux anciens combattants.  En outre, les violences persistent, marquées par les affrontements entre l’État et les groupes armés pour le contrôle de territoires et la lutte contre le trafic de drogue.  Le représentant a dit attendre avec intérêts les conclusions des prochaines négociations entre les autorités et les groupes rebelles, appelant de ses vœux un cessez-le-feu.  Pour parvenir à ce résultat, il importe que toutes les parties colombiennes participent à ces initiatives, a-t-il dit.  Concernant l’élargissement éventuel du mandat de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, le délégué a souhaité que soient d’abord évalués les risques et les menaces.  Il a aussi recommandé de vérifier un cessez-le-feu bilatéral entre les forces gouvernementales et les groupes armés et de désarmer les autres groupes concurrents.  Soulignant l’importance du dialogue dans ces processus, il a cependant estimé qu’il ne doit pas se tenir au détriment de la mise en œuvre de l’Accord final.  Enfin, après avoir déploré les incidents enregistrés au mois de mars, le représentant a estimé que la réconciliation ne pourra se faire « en un clin d’œil ».  À ses yeux, il est encourageant de voir que les autorités colombiennes sont « conscientes de la difficulté de la tâche » et prêtes à la poursuivre. 

M. ÁLVARO LEYVA DURÁN, Ministre des affaires étrangères de la Colombie, a expliqué qu’en tant que chef de la diplomatie de son pays, son devoir consiste à surveiller et à suivre de près les choses pour que « la paix totale y advienne réellement ».  Alors même que le monde est « en danger », que l’humanité assiste, « perplexe », aux événements qui surviennent jour après jour, c’est un honneur pour mon pays d’être un « modèle », a-t-il déclaré.  « Nous sommes une fois encore réunis pour constater que le dialogue et la paix sont réellement la victoire et non la guerre », a-t-il poursuivi.  Le Ministre a souhaité que le Conseil de sécurité donne une suite favorable à l’élargissement du rôle de la Mission de vérification en Colombie.  Il a ensuite estimé qu’il faut établir une distinction sur le plan juridique entre les négociations de portée politique et les pourparlers qui ont eu lieu relativement à la compétence des tribunaux ordinaires, soulignant à cet égard l’importance d’accepter le cadre normatif existant.  « Le Gouvernement colombien veut ramener une paix totale dans le pays, mais on ne va pas demander au Conseil de sécurité de s’occuper de quelque chose qui relève des tribunaux ordinaires, d’où la nécessité d’éviter toute confusion », a précisé le Ministre.  S’il s’est dit disposé à signer et approuver chacun des paragraphes du rapport qui a été présenté aujourd’hui, il a fait état de certains points « préoccupants », notamment le paragraphe 15, où il est indiqué que la Juridiction spéciale pour la paix a déposé une plainte au pénal contre d’anciens membres du Bureau du Procureur général pour obstruction à la justice, escroquerie au jugement et dissimulation de preuves, infractions qui auraient été commises en 2018 au cours de la procédure de garantie de non-extradition de l’ancien chef des FARC-EP, Seuxis Paucias Hernández Solarte, alias Jesús Santrich, qui a depuis repris les armes.

Pour moi, a souligné le chef de la diplomatie colombienne, « c’est un devoir que d’appeler l’attention du Conseil de sécurité sur le fait que nous avons des ennemis qui s’opposent au processus de paix ».  Aussi a-t-il suggéré de créer une commission d’enquête internationale des Nations Unies pour enquêter sur les allégations de violation du droit international.  Le processus de paix ne peut pas être mis à mal par des parties externes qui ont conduit à la création de groupes dissidents afin d’affaiblir l’accord, a-t-il fait valoir.  Il est selon lui indispensable d’envisager la création d’une telle commission d’enquête ou d’un groupe d’experts indépendants, dans le but de ramener la paix totale dans tout le pays et au-delà. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Sixième Commission entend un exposé du Secrétariat sur la recommandation de la CDI en faveur d’une convention sur les crimes contre l’humanité

Soixante-dix-septième session,
43e & 44e séances plénières, matin & après-midi
AG/J/3682

La Sixième Commission entend un exposé du Secrétariat sur la recommandation de la CDI en faveur d’une convention sur les crimes contre l’humanité

Au quatrième jour de sa reprise de session, la Sixième Commission (affaires juridiques) a entendu un exposé exhaustif de M. Arnold Pronto, représentant la Division de la codification du Bureau des affaires juridiques du Secrétariat, sur la recommandation de la Commission du droit international (CDI) concernant l’élaboration d’une convention fondée sur son projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité. 

Les délégations ont également examiné le cinquième et dernier groupe thématique dudit projet relatif aux garanties (articles 5, 11 et 12).  Si elles ont généralement insisté sur la nécessité de répondre aux besoins des victimes de crimes contre l’humanité, les délégations ont aussi débattu du principe de non-refoulement et du droit d’obtenir réparation. 

M. Pronto a d’abord rappelé aux États que le pouvoir de la CDI de formuler des recommandations vient de son statut, adopté en 1947, par l’Assemblée générale, laquelle lui a confié la mission « d’encourager le développement progressif du droit international et sa codification », comme le prévoit la Charte des Nations Unies.  Les organes subsidiaires de l’Assemblée générale ont pour fonction de faire des recommandations à celle-ci, or, dans le cas de la CDI, il s’agit, a précisé M. Pronto, d’une véritable obligation, son travail sur un texte particulier étant techniquement incomplet sans une recommandation d’action.

Aux questions soulevées pendant les discussions sur le caractère contraignant des recommandations de la CDI, Arnold Pronto a répondu que si elles ne sont pas statutairement contraignantes, elles n’en demeurent pas moins « très importantes », car elles font partie du mécanisme mis en place pour concrétiser les objectifs de la Charte.  « Toute recommandation de la CDI est donc déterminante dans le développement du droit international contemporain. »  M. Pronto a en outre assuré qu’en dernière analyse la question d’accepter ou non une recommandation de la Commission reste « entièrement entre les mains des États Membres ».

Après l’exposé du représentant du Bureau des affaires juridiques, le Mexique a appelé à la poursuite du travail d’amélioration du dialogue entre la CDI et la Sixième Commission, le Portugal lui emboîtant le pas en suggérant que, l’an prochain, la reprise de session se concentre sur l’étude de points spécifiques, sachant que la Sixième Commission doit se concentrer sur l’examen particulièrement prenant du rapport de la CDI pendant sa session ordinaire.  « Le travail des délégations consiste à “faire” le droit international, avec la collaboration de la CDI même si les relations entre les deux organes mériteraient d’être améliorées », a de son côté déclaré la Colombie. 

Sur le devenir du projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, M. Pronto a expliqué que toute décision de donner suite à la recommandation y relative de la CDI doit être reflétée dans une résolution adoptée par l’Assemblée générale.  Il a par conséquent renvoyé les délégations au rapport que le Secrétariat préparera pour la quatre-vingtième session de l’Assemblée.

En début de séance, l’Union européenne a indiqué, au sujet du projet d’article 5, que le principe de non-refoulement constitue une protection essentielle en vertu du droit des droits de l’homme et des réfugiés, et du droit international humanitaire et coutumier.  En tant que tel, ce principe n’est pas nouveau, mais elle s’est félicitée de le voir explicitement mentionné dans le document à l’étude.  Concernant le projet d’article 11, la représentante a noté que les États membres de l’UE attachent une grande importance au droit de l’auteur présumé d’une infraction à un traitement équitable. 

Pour sa part, le Cameroun a considéré que le libellé portant sur l’application du principe de non-refoulement pourrait, en l’état, ouvrir la voie à tous les abus et à l’insécurité juridique, « du moment où il amène l’État requis à apprécier et à qualifier des faits qui se déroulent en territoire étranger ».  La Chine a fait valoir qu’il n’existe pas de consensus sur l’application de ce principe en cas de commission de crimes contre l’humanité, souhaitant que la Sixième Commission continue de débattre plus avant des dispositions proposées.  La Russie est allée plus loin, arguant que le projet d’article 5 sur le non-refoulement ne constitue pas un élément du droit pénal international, mais découle plutôt de la protection des droits humains.  Son représentant n’a vu « aucune justification » à l’inclusion de cet article. 

« Il faut répondre aux besoins des victimes et des survivants, car l’application du principe de responsabilité peut être à leurs yeux plus importante encore que la procédure pénale », a plaidé le Royaume-Uni.  Fort de cette conviction, son délégué a proposé à la CDI qu’elle tienne des consultations avec les survivants de crimes contre l’humanité pour examiner si le libellé sur les réparations pourrait être renforcé.  L’Iran a déclaré concernant la question des réparations, que seules les juridictions où le crime a été commis sont compétentes pour examiner une demande de réparation.  « Pour indemniser les victimes présumées d’un crime contre l’humanité, ces autorités compétentes doivent en outre respecter strictement le principe de l’immunité des États et de leurs biens », a avancé le représentant pour qui ce principe doit être reflété dans l’article 12.

La Colombie et l’Argentine ont souhaité l’insertion d’une définition des victimes, afin d’éviter toute fragmentation du droit international.  Pour le Mexique, il est important d’insister sur l’importance de la santé mentale des victimes ou témoins de crimes contre l’humanité.  Sri Lanka a plaidé pour que les réparations prennent plusieurs formes et permettent in fine aux victimes « de recouvrer leur humanité ». 

La Sixième Commission se réunira demain, vendredi 14 avril, à 15 heures, pour achever les travaux de sa reprise de session. 

EXAMEN DU PROJET D’ARTICLES SUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL (CDI) 

Groupe thématique 4: mesures internationales (articles 13, 14 et 15 et annexe)

Déclaration (suite et fin)

M. NOAM CAPPON (Israël) a déclaré que les questions d’extradition et d’entraide judiciaire font l’objet de nombreux traités bilatéraux et multilatéraux, en plus d’être régies par le droit international coutumier.  « Nous ne devons donc pas réinventer la roue », a-t-il argué, en plaidant pour conserver l’équilibre fondamental entre les États.  S’agissant des exceptions aux règles d’extradition fondées sur des délits politiques, il a émis des réserves sur la formulation actuelle qui pourrait selon lui présenter des vides juridiques.  Il nous faut veiller à ce qu’on ne puisse pas abuser du projet d’articles et qu’il puisse bénéficier d’un vaste appui des États Membres tout en restant un outil efficace pour prévenir et sanctionner les crimes contre l’humanité, a-t-il conclu.

Groupe thématique 5: garanties (articles 5, 11 et 12)

Déclarations

Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne, a indiqué au sujet du projet d’article 5 que le principe de non-refoulement constitue une protection essentielle en vertu des droits de l’homme, des droits des réfugiés et du droit humanitaire international et coutumier.  En tant que tel, ce principe n’est pas nouveau ni spécifique au projet d’articles sur les crimes contre l’humanité, mais nous nous félicitons néanmoins qu’il soit explicitement mentionné dans le document, a-t-elle dit.  Concernant le projet d’article 11, la représentante a noté que les États membres de l’UE attachent une grande importance au droit à un procès équitable et à une procédure régulière, qui sont particulièrement pertinents dans le cadre des procédures pénales.  Nous nous félicitons donc vivement d’un projet d’article sur cette importante question, a-t-elle appuyé, ajoutant qu’au niveau de l’UE, le droit des suspects et des personnes poursuivies à un procès équitable est inscrit comme principe général dans les constitutions de ses États membres et en vertu de l’article 6 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.  Cela garantit que toute personne soupçonnée ou accusée dans le cadre d’une procédure pénale est innocente jusqu’à preuve du contraire, a encore expliqué Mme Popan.  Enfin, pour ce qui est du projet d’article 12, elle a estimé que le point de vue des victimes doit être pris en compte au stade approprié de la procédure pénale.  Toutefois, la portée de ce texte pourrait être plus ambitieuse en incluant une disposition distincte sur les droits de l’enfant.

Mme VIRPI LAUKKANEN (Finlande), s’exprimant au nom des pays nordiques, a rappelé que le principe de non-refoulement prévu au projet d’article 5, essentiel en droit international, est présent dans de nombreux instruments de droits de l’homme et ancré dans le droit coutumier.  La représentante a ensuite rappelé que les pays nordiques accordent beaucoup d’importance à la régularité de la procédure et à la protection des droits de l’accusé, garanties par le projet d’article 11.  Soulignant que les mesures visant la protection des victimes et témoins figuraient dans de nombreuses conventions de droits de l’homme, elle s’est félicitée que le projet d’article 12 reflète fidèlement l’évolution du droit en la matière, et notamment les différentes formes possibles de réparation.  Il existe toutefois d’autres droits pour les victimes, comme celui à la vérité, a-t-elle ajouté. 

M. AHMED ABDELAZIZ AHMED ELGHARIB (Égypte) a convenu, au sujet du principe de non-refoulement, qu’« aucun État ne peut expulser, refouler, remettre ou extrader une personne vers un autre État où il existe des motifs sérieux de croire qu’elle risquerait d’être victime d’un crime contre l’humanité ».  Cependant, il n’a pas accepté l’approche employée à l’article 5(2) pour déterminer si de tels motifs existent ou non.  Pour sa délégation, alors que des dispositions similaires sont prévues dans la Convention de 1984 contre la torture et la Convention internationale de 2006 pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, cette approche est particulièrement inadaptée à une éventuelle convention sur les crimes contre l’humanité.  En effet, une telle disposition confond selon lui un crime international atroce avec des violations moins graves, et d’autre part, elle ouvre la porte à la politisation et à la tentative d’imposer l’exercice de la compétence par certains États où l’auteur présumé pourrait être simplement présent aux dépens d’États ayant un lien réel avec le crime allégué.

M. MICHAEL HASENAU (Allemagne) a estimé que le groupe thématique 5 renvoie aux instruments sur les droits humains, notamment le projet d’article 5 sur le non-refoulement qui établit une interdiction fondamentale d’envoyer des personnes vers des États où elles seraient en danger.  En outre, les normes portant sur les droits des témoins et des victimes lors des procédures pénales visées au projet d’article 12 sont à ses yeux nécessaires et feront l’objet de plus amples discussions en vue de l’élaboration d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité. 

M. EMIL RUFFER (République tchèque) a salué le projet d’article 5 concernant l’application du principe de non-refoulement, rappelant qu’il se trouvait déjà notamment dans le droit des réfugiés, les Conventions de Genève et les traités relatifs aux droits humains.  Soulignant la nécessité d’interdire l’envoi des personnes dans un pays où elles pourraient être en danger, le représentant a estimé que le projet d’article sert bien cet objectif.  De même, il a estimé que le projet d’article 11 reflète bien les droits et garanties de traitement équitable des auteurs présumés d’infractions énoncés dans les instruments universels et régionaux relatifs aux droits de l’homme. 

Le projet d’article 12 reflète l’attention croissante portée aux victimes dans le cadre de la justice pénale internationale, y compris leur participation à la procédure pénale et la réparation de leurs souffrances, a salué le représentant, qui a appuyé son inclusion dans la future convention.  Tout en jugeant suffisant « à première vue » le projet d’article actuel, le représentant a assuré qu’il écouterait avec intérêt les éventuelles préoccupations des autres délégations, par exemple sur la distinction entre le devoir d’un État de fournir réparation et le devoir de l’auteur de l’infraction de le faire.

Mme AUGISTINA SIMAN (Malte) a estimé que le principe de non-refoulement constitue une protection essentielle en vertu du droit international des droits de l’homme, des réfugiés, humanitaire et coutumier.  Elle a donc appuyé fermement la décision d’inclure dans le projet d’articles l’interdiction d’expulser, de refouler, de remettre ou d’extrader une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risquerait d’être victime d’un crime contre humanité.  La représentante a fait remarquer que le droit à réparation des victimes de crimes contre l’humanité énoncé à l’article 12 sert l’objectif fondamental de répondre au préjudice subi par les victimes par la fourniture d’avantages directs.  Elle a aussi noté qu’il est largement reconnu par de nombreux instruments juridiques au niveau mondial et régional.  Elle a estimé qu’au moment de choisir le type de réparations à accorder, les États devraient adopter une approche axée sur les victimes et placer celles-ci et leurs besoins individuels au centre des procédures de réparation.  Ils devraient donc envisager d’établir un critère minimum qui limite leur pouvoir discrétionnaire en la matière, a-t-elle suggéré.  La représentante a proposé que l’un de ces critères soit la participation des victimes au processus de détermination des réparations.

Mme LUCIA TERESA SOLANO RAMIREZ (Colombie) a considéré que le projet d’article 5 sur le non-refoulement s’entend sans préjudice d’autres obligations similaires découlant de traités ou du droit international coutumier.  Ce projet d’article manque de clarté quant à sa relation avec le paragraphe 11 de l’article 13, selon la représentante.  En ce qui concerne le projet d’article 11 relatif au traitement équitable de l’auteur présumé d’une infraction, elle a estimé que des garanties plus importantes doivent être incluses, tant dans le processus judiciaire que dans la phase d’enquête.  En Amérique latine, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a reconnu à cet effet un large éventail de garanties procédurales pénales et de protection des droits humains, qui mériteraient à ses yeux d’être incluses dans cette disposition.  S’agissant du projet d’article 12 sur la protection des victimes, témoins et autres personnes, la représentante a noté que les réparations envisagées pour des dommages matériels et moraux sont à la fois individuelles et collectives.  Il est vital que les droits des victimes de crimes contre l’humanité soient protégés par un éventuel traité en la matière, a-t-elle argué, puisqu’il s’agit là d’un aspect fondamental de leur prévention.  À cet égard, elle a évoqué la possibilité que le projet d’article 12 consacre une définition de la victime similaire à celle établie dans le Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale (CPI), plutôt que de laisser les États définir individuellement la notion de « victime » de crimes contre l’humanité. 

M. ALAA NAYEF ZAID AL-EDWAN (Jordanie) a estimé que le libellé utilisé dans l’article 15 sur le non-refoulement ne reflète pas le droit international coutumier.  Il relève du développement de droit international et impose une charge importante à l’État sur le territoire duquel la personne se trouve.  Le délégué a donc proposé de le supprimer pour garantir que le renvoi d’un individu sur une partie du territoire d’un État où il ne risquerait pas d’être soumis à des crimes contre l’humanité ne soit pas illégal au titre de cet article.  Il s’agit de cas survenant en particulier dans des situations de conflit armé non international. 

M. JONATHAN SAMUEL HOLLIS (Royaume-Uni) a souligné que le traitement équitable de l’auteur présumé de l’infraction, y compris le droit à un procès équitable et la pleine protection de ses droits, sont des principes fondamentaux de l’état de droit.  La capacité de toute personne contre laquelle des mesures sont prises de contester ces mesures est essentielle au bon fonctionnement de la justice, a-t-il insisté, saluant à cet égard la rédaction par la CDI du projet d’article 11.  En ce qui concerne le projet d’article 12, le représentant a noté que le coût réel des crimes contre l’humanité est leur impact « dévastateur » sur les victimes, les survivants, leurs familles et leurs communautés.  C’est pourquoi le Gouvernement britannique est déterminé à prévenir les crimes contre l’humanité, car mettre fin à ces crimes est le plus grand héritage que nous puissions laisser à ceux qui en ont souffert, a-t-il estimé.  Il faut répondre aux besoins des victimes et des survivants, car l’application du principe de responsabilité à leurs yeux peut être plus importante encore que la procédure pénale ».  Sur cette question, le représentant a salué le travail considérable que la CPI a entrepris pour mettre une participation accrue des victimes au cœur de sa doctrine.  Ainsi sa délégation soutient-elle la décision de la CDI d’encadrer le droit d’obtenir réparation en termes généraux.  Enfin, il a proposé à la CDI qu’elle tienne des consultations avec les survivants, pour examiner si le libellé sur les réparations pourrait être renforcé. 

M. MOHAMMAD GHORBANPOUR NAJAFABADI (République islamique d’Iran) a estimé que la rédaction actuelle de l’article 5 sur les garanties de non-refoulement ouvre la voie à une interprétation arbitraire de la part des États requis pour refuser d’accorder l’extradition aux États requérants.  Il a rappelé que le principe de non-refoulement est applicable dans le droit international des droits de l’homme et a jugé inacceptable son extension aux crimes contre l’humanité.  Il a fait observer qu’il n’existe rien de tel dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et a demandé la suppression pure et simple de l’article.  Quant à la question des réparations, le représentant a estimé que seules les juridictions où le crime a été commis sont compétentes pour examiner une demande de réparation.  Pour indemniser les victimes présumées d’un crime contre l’humanité, ces autorités compétentes doivent en outre respecter strictement le principe de l’immunité des États et de leurs biens, a-t-il ajouté, en demandant que ce principe soit reflété dans l’article 12.

M. MATTHIJS BOERMA (Pays-Bas) s’est félicité du projet d’article 5 sur le non-refoulement tel qu’il est rédigé, estimant qu’il représente une protection essentielle en vertu du droit international.  Il a exprimé son attachement à un procès équitable et à une procédure régulière, comme le stipulent la Convention européenne des droits de l’homme et les traités pertinents des Nations Unies.  À cet égard, le représentant a reconnu le développement progressif, en droit pénal national et international, visant à renforcer la position juridique des victimes de crimes graves.

M. PEDRO MUNIZ PINTO SLOBODA (Brésil) a jugé équilibré l’article 5 sur le non-refoulement.  Il y a vu le reflet d’une conception largement partagée par la communauté internationale selon laquelle aucun État ne devrait expulser ou renvoyer des personnes vers des territoires où leur vie ou leur liberté seraient menacées, conception que l’on retrouve notamment dans la quatrième Convention de Genève, le droit des réfugiés et plusieurs traités de droits de l’homme, y compris des traités régionaux.  Le représentant a estimé que les motifs d’application du principe devraient comprendre non seulement le risque que la personne soit soumise à un crime contre l’humanité, mais aussi le risque de génocide, de crimes de guerre et de torture.  Il a estimé que les dispositions du projet d’article 11 sur le traitement équitable de l’auteur présumé de l’infraction pourraient être renforcées et rapprochées des garanties d’un procès équitable prévues dans le Statut de Rome de la CPI. 

M. SERGIO AMARAL ALVES DE CARVALHO (Portugal) a salué la référence explicite au principe de non-refoulement dans le projet d’article 5, qui constitue une protection essentielle en vertu du droit international des droits de l’homme, du droit des réfugiés, du droit humanitaire et coutumier.  Nous soutenons en outre l’inclusion d’une disposition interdisant clairement aux États d’expulser, de refouler, de remettre ou d’extrader une personne vers un autre État où il existe des motifs sérieux de croire qu’elle risquerait d’être victime d’un crime contre l’humanité, a-t-il ajouté.  Le représentant a également salué le libellé du projet d’article 11 sur le traitement équitable de l’auteur présumé.  Il a noté à cet égard que la CDI a reconnu à bon escient que l’expression « traitement équitable à tous les stades de la procédure » entend incorporer toutes les garanties généralement reconnues par le droit international pour une personne détenue ou accusée, en particulier celles contenues à l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  S’agissant du projet d’article 12, « le Portugal se félicite de l’importance particulière accordée aux droits des victimes, témoins et autres personnes affectées par la commission d’un crime contre l’humanité ».  Il est essentiel de donner aux victimes les moyens de s’exprimer, de signaler les crimes, de participer aux procédures pénales et, de manière générale, de promouvoir les conditions propices à la responsabilité et à la justice, a conclu le représentant. 

M. ENRICO MILANO (Italie) a appuyé le projet d’article 5, estimant que le principe de non-refoulement eu égard au risque de crimes contre l’humanité reflète un principe général du droit international des droits de l’homme qui se retrouve dans plusieurs traités majeurs.  Le représentant a également souligné l’importance au projet d’article 11 qui reconnaît le droit de l’accusé à un traitement et un procès équitables au regard notamment des normes internationales de droits de l’homme.  Il s’est également félicité des dispositions du projet d’article 12 sur les droits des victimes de crimes contre l’humanité.  Pour le représentant, ces droits comprennent la participation à la procédure pénale conformément au droit national de l’État de juridiction.  L’Italie appuie aussi les dispositions relatives au droit à réparation des victimes, les différents types de réparation possibles pouvant être définis par la législation nationale, a déclaré le délégué.

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a préalablement indiqué dans le cadre du mini débat, que sa délégation est consciente des divergences sur le principe du non-refoulement.  Il s’est demandé à ce propos ce que serait le sort des réfugiés si le non-refoulement n’était pas appliqué dans les faits.  Il a apprécié que le Royaume-Uni ait demandé que la définition des crimes contre l’humanité soit élargie à des notions du type « crimes indirects ».

Au titre de sa déclaration proprement dite, M. Nyanid a constaté que l’article 5 transpose deux notions importantes: le principe de non-refoulement et le droit de refus de l’extradition, l’application dudit principe pouvant ouvrir la voie à tous les abus et à l’insécurité juridique du moment où il amène l’État requis à apprécier et à qualifier des faits qui se déroulent en territoire étranger.  Sa délégation estime en outre que le droit de refuser l’extradition en coopération judiciaire est légitime et crédible, mais elle estime qu’il vaudra mieux en échafauder les raisons et s’appuyer davantage sur les mécanismes non équivoques.  Le représentant a jugé souhaitable que les motifs de refus de l’extradition s’apprécient objectivement sur la base de la législation de l’État requérant, et non sur la subjectivité qui naîtrait de l’appréciation de la situation politique de l’État requérant.  Il a ensuite salué les dispositions de l’article 11 qui reprennent les droits de la défense tels que reconnus en droit international et interne.  Toutefois, sa délégation s’interroge sur le contenu de l’alinéa 3 s’agissant des modalités de jouissance des garanties prévues par l’alinéa 2, le Cameroun relevant à cet égard que dans certaines législations la mise en œuvre des dispositions envisagées sont soumises à des régimes stricts qui en inhibent le sens même.  D’autre part, le représentant a fait observer que le projet d’article 12 reprend les mesures classiques de protection des victimes et des témoins.

Mme ALEXANDRA HUTCHISON (Australie) a remarqué que les dispositions relatives aux garanties prévoient des protections d’importance fondamentale pour les victimes, les témoins et les personnes risquant d’être victimes de crimes contre l’humanité, de même que pour les auteurs présumés.  La représentante a dit comprendre le point de vue des États pour qui les dispositions du projet d’article 5 sur le non-refoulement risquent d’empiéter sur des obligations existantes en droit international, mais a estimé que respecter ces obligations existantes reviendrait le plus souvent à respecter le projet d’article 5.  La représentante a rappelé que les garanties de traitement équitable de l’auteur présumé de l’infraction sont essentielles à la légitimité de tout effort de responsabilisation.  La représentante a estimé que le projet d’article 11 établit un juste équilibre en ce sens et a jugé inutile qu’il développe l’ensemble bien établi du droit international des droits de l’homme qui définit le sens et la portée du « traitement équitable » et du « procès équitable ».  Elle a également dit soutenir le projet d’article 12 relatif aux droits des victimes et des témoins, qu’elle juge compatible avec les dispositions correspondantes d’autres traités relatifs aux crimes, tout en souhaitant une clarification de son premier paragraphe.  Enfin, rappelant que son pays examine comment le projet d’articles dans son ensemble pourrait renforcer l’intégration de l’égalité des sexes et des perspectives des Premières Nations, la représentante a estimé que le projet d’article 12 pourrait bénéficier de cette analyse plus approfondie.

Mme ALIS LUNGU (Roumanie) a soutenu l’inclusion d’une disposition de non-refoulement comme celle prévue au projet d’article 5, car il faut établir une interdiction générale de renvoyer, de remettre ou d’extrader une personne vers un État où elle risque d’être victime d’un crime contre l’humanité.  La représentante a rappelé que ce principe se retrouve dans plusieurs traités relatifs aux droits de l’homme et humanitaires.  Elle a soutenu le projet d’article 11 qui souligne la nécessité d’assurer à l’auteur présumé de l’infraction la protection nécessaire.  Garantir un procès équitable, un traitement équitable et le droit à une procédure régulière est essentiel pour établir la légitimité des efforts déployés par les tribunaux nationaux pour mettre fin à l’impunité, a-t-elle déclaré, rappelant que l’équité de la procédure pénale est un principe expressément inscrit dans le Code de procédure pénale roumain.  Enfin, son pays appuie une disposition détaillée relative aux droits des victimes, des témoins et autres personnes affectées par la commission d’un crime contre l’humanité.  La représentante a notamment jugé cruciaux le droit d’être entendu au cours de la procédure pénale et le droit d’obtenir réparation.  Elle s’est dit ouverte à d’éventuelles suggestions visant à renforcer le projet d’article 12.

Mme MARUBAYASHI (Japon) a souhaité que les projets d’articles 5 et 12 recueillent un large soutien, mais a jugé nécessaire d’approfondir la discussion sur la manière de déterminer la base des crimes contre l’humanité et de déterminer l’application du principe de non-refoulement.  Elle a en outre estimé que la portée des mesures à prendre pour protéger les victimes et les témoins n’était pas claire. 

M. BRIAN KELLY (États-Unis) a reconnu le rôle important du principe de non-refoulement pour la protection des personnes contre certains crimes, au regard du droit international.  Les dispositions de non-refoulement de la Convention relative au statut des réfugiés et de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont, a-t-il insisté, essentielles pour assurer la protection des personnes contre le retour dans des pays où ils pourraient faire face à la persécution ou à la torture, une protection que vient compléter l’article 5 du projet.  Le représentant a cependant noté que certains États ont rencontré des difficultés dans la mise en œuvre de leurs obligations de non-refoulement et que l’article 5 ne prévoit aucune exception, ce qui devrait faire l’objet d’un examen approfondi.

L’article 11 du projet reflète quant à lui un principe important reconnu par le Tribunal de Nuremberg et d’autres instruments internationaux selon lequel toute personne accusée d’un crime de droit international a droit à un traitement équitable à toutes les étapes de la procédure.  Le représentant a toutefois noté que cet article devrait préciser quels droits sont visés par ses dispositions, en vertu du droit national ou international applicable.  L’article 12 du projet constitue une étape importante en vue de l’élaboration d’une convention, en mettant l’accent sur les droits des victimes et des témoins, qui jouent un rôle clef dans les procédures relatives aux crimes contre l’humanité.  Il serait cependant utile, a fait valoir le délégué, de poursuivre le débat sur la question du droit d’obtenir réparation, laquelle devrait être abordée par les juridictions nationales.

Mme KATARZYNA MARIA PADLO-PEKALA (Pologne) a indiqué que pendant les travaux de la Commission, sa délégation a plaidé fortement en faveur d’une approche axée sur les victimes dans la poursuite des crimes internationaux.  Ainsi a-t-elle salué le libellé du projet d’article 12 sur les victimes et les témoins.  Cependant, leur protection pourrait être encore renforcée en ajoutant au champ des obligations énoncées à l’article 3 une référence directe à l’obligation des États envers les victimes, a-t-elle préconisé.  Le projet d’articles pourrait être encore plus ambitieux s’il incluait une disposition distincte pour accorder une attention particulière à la catégorie de victimes la plus vulnérable, à savoir les enfants.  La déléguée a déclaré qu’une telle disposition pourrait s’inspirer des articles 1 et 39 de la Convention relative aux droits de l’enfant, de l’article 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l’article 25 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.  De notre point de vue, a-t-elle insisté, il convient de souligner que « l’intérêt supérieur de l’enfant » doit être une considération primordiale dans le processus de sa convalescence physique et psychologique et de sa réinsertion sociale. 

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a rappelé que le principe de non-refoulement est inclus dans nombreux traités internationaux ou régionaux humanitaires ou de droits de l’homme.  Estimant que le contenu de l’article 5 est conforme à celui de ces textes, il a dit le soutenir.  Passant à l’article 11, le représentant a souhaité qu’on accorde une interprétation très large à son premier paragraphe qui concerne les garanties de procédure équitable dont doit bénéficier l’accusé.  Il a aussi rappelé l’importance du droit à l’assistance consulaire.  Le délégué a par ailleurs jugé fondamental d’accorder aux victimes et aux témoins une position centrale.  De manière générale, le Mexique appuie le projet d’article 12, a déclaré le représentant qui a toutefois suggéré de préciser que la liste des formes de réparation mentionnée n’est pas exhaustive.  Il a également insisté sur l’importance de la santé mentale des victimes ou témoins de crimes contre l’humanité.

Reprenant la parole au titre du mini débat, le représentant du Cameroun a dit avoir été contacté par sa capitale qui s’est offusquée de « propos désobligeants » tenus par un interprète à l’endroit d’un pays souverain.  « Je ne suis pas ici pour rigoler », a-t-il ajouté, en se demandant pourquoi ces propos ne sont tenus « qu’à l’endroit de l’Africain ».  Cette affaire fera l’objet d’une explication détaillée, a-t-il averti. 

M. JOSE JUAN HERNANDEZ CHAVEZ (Chili) a jugé l’article 5 sur le principe de non-refoulement, « nécessaire et utile » à l’élaboration éventuelle d’une convention sur les crimes contre l’humanité.  Il s’est félicité de la suppression, au paragraphe 1, de la référence au « territoire sous la juridiction » d’un autre État, estimant que le sens de cette disposition n’est pas d’empêcher qu’une personne soit envoyée vers un lieu physique déterminé, mais plutôt d’interdire la remise d’une personne à un État lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’elle pourrait être victime d’un crime contre l’humanité.  L’article 12 sur les droits des victimes, témoins et autres personnes, est une disposition équilibrée qui établit la conduite que doivent adopter les États afin d’assurer aux victimes un traitement adéquat, a encore commenté le représentant.  Tout en considérant que cet article devrait être renforcé au cours des négociations, il a ajouté qu’il ne saurait y avoir de restauration effective et durable de l’état de droit sans la mise en place des conditions nécessaires à la prévention des crimes graves. 

M. YONG-ERN NATHANIEL KHNG (Singapour) a exprimé des doutes sur le libellé du paragraphe 2 du projet d’article 12 sur les victimes, témoins et autres personnes.  Selon lui, la portée des réparations doit être déterminée par les États au cas par cas, en cohérence avec l’approche adoptée par nombre de conventions internationales en matière pénale. 

Mme BOURDON (Canada) a suggéré de réexaminer les termes employés dans le projet d’articles 5, notamment celui de « non-refoulement », qui peut être compris comme étant limité aux réfugiés ou aux demandeurs d’asile.  De même, les mots « remise » et « extradition » renvoient plutôt au fait de livrer une personne à un tribunal international ou à un autre État.  S’agissant du projet d’article 11 sur le traitement équitable de l’auteur présumé de l’infraction, la déléguée a jugé essentiel d’y inclure la protection contre l’arrestation ou la détention arbitraires, ainsi que les droits à la liberté et à la sécurité des accusés et des détenus.  Cet article devrait également mentionner clairement qu’il ne modifie en rien le droit international humanitaire.  Au paragraphe 1 du projet d’article 12, la déléguée a jugé nécessaire d’allouer davantage de flexibilité aux États quant aux procédures concernant la protection des victimes et des témoins, y voyant par ailleurs l’occasion d’incorporer des dispositions relatives à la violence sexuelle et basée sur le genre.   En conclusion, elle a réaffirmé la nécessité de respecter le principe général du droit international selon lequel les lois nationales ne peuvent prévaloir sur les obligations juridiques internationales.

M. EVGENY A. SKACHKOV (Fédération de Russie) a fait valoir que le projet d’article 5 sur le non-refoulement ne constitue pas un élément du droit international pénal, mais découle plutôt de la protection des droits humains.  Par conséquent, nous ne voyons aucune raison d’inclure cet article, a-t-il tranché, en relevant la marge d’appréciation « extrêmement large » laissée aux États en matière d’extradition par la mention « motifs sérieux de croire ».  Une telle disposition pourrait en outre saper les instruments bilatéraux et multilatéraux d’extradition et d’assistance judiciaire, selon le délégué.  Quant à l’article 11, sur le traitement équitable de l’auteur présumé de l’infraction, il a jugé nécessaire de faire référence à la législation nationale.  Enfin, l’article 12, sur les victimes, témoins et autres personnes, ne comporte selon lui aucune « valeur ajoutée », et suscite plus de questions qu’il n’apporte de réponses.

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a rappelé que le principe de non-refoulement a été beaucoup utilisé, surtout dans le droit des réfugiés mais aussi dans le contexte du droit international des droits de l’homme.  Il a noté que ce n’est qu’à partir de 1989 que les droits des victimes ont été pris en compte et a estimé que le plus important est, dans ce domaine, le volet des réparations, qui pourrait prendre plusieurs formes et permettre aux victimes de recouvrer leur humanité.

M. KEMAL ONUR EKREN (Türkiye) a déclaré que le libellé relatif à la réparation des dommages matériels et moraux contenu dans l’article 12 sur les victimes, témoins et autres personnes, devrait répondre aux procédures correspondantes dans le droit interne de pays.

M. GRANDJEAN (Belgique) a exprimé son attachement aux dispositions relatives au principe de non-refoulement énoncées au projet d’article 5, qui est affirmé également dans de nombreuses conventions, instances et juridictions internationales et régionales.  Le projet d’article 11 réaffirme l’obligation des États de garantir un traitement équitable à l’auteur présumé d’un crime contre l’humanité, ce qui comprend le droit à un procès équitable et la protection de ses droits.  Pour lui, ces garanties doivent être assurées à toutes les étapes de la procédure conformément aux normes internationales les plus élevées.  Par ailleurs, tel que prévu par les conventions récentes de droit international pénal et par la Convention de Vienne sur les relations consulaires, le droit des personnes détenues à communiquer avec l’État de leur nationalité est prévu par les paragraphes 2 et 3 du projet d’article 11.  Le représentant a jugé particulièrement important d’adopter une approche centrée sur les victimes, tout en veillant à ce qu’elles puissent bénéficier, le cas échéant, des mesures de protection prévues au projet d’article 12.  Dans le cadre d’un processus de reddition des comptes inclusif, ces mesures comprennent, a-t-il précisé, des mesures de réparation pour les dommages matériels et moraux subis.

M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) a appuyé pleinement l’inclusion de l’article 12, au motif qu’il est vital de protéger les droits des victimes et des témoins via ce futur instrument.  Il a dit être d’accord avec le contenu de ses paragraphes, mais a proposé d’y ajouter d’autres éléments pour le renforcer.  Il a dit tout d’abord appuyer la Colombie qui est en faveur de l’insertion d’une définition des victimes, afin d’éviter toute fragmentation du droit international.  Cela permettrait d’introduire une base a minima pour établir le traitement des victimes dans les différentes législations nationales, a-t-il observé.  Il a aussi souhaité que soit inclu le droit des victimes à connaître la vérité, faisant remarquer que les circonstances de la commission des crimes contre l’humanité impliquent souvent la diffusion de fausses informations.  Cela obligerait les États à enquêter et à faire la lumière sur les crimes, a-t-il argumenté.  Le délégué a également abordé le problème des documents de voyage des victimes, qui peuvent être des réfugiés ou des demandeurs d’asile ne disposant pas de tels documents.  Il a demandé de prévoir que l’État où réside la personne collabore avec l’État où la personne est appelée à présenter son témoignage, pour la délivrance des documents de voyage.

M. PAULA DA CONCEIÇÃO MACHATINE HONWANA (Mozambique) a rappelé l’importance d’une répression des crimes contre l’humanité s’effectuant dans le respect des principes applicables à la relation entre le droit national et international.  Il a également mis en avant la nécessité de protéger les victimes de ces crimes odieux.  Dans ce contexte, le représentant a appuyé le libellé des articles 11 et 12 et la prise en compte du droit international, y compris le droit des droits de l’homme et le droit international humanitaire.  Le Mozambique a déjà adopté une législation spécifique qui protège les victimes, témoins et autres personnes, y compris lorsqu’ils sont liés à des crimes contre l’humanité, a expliqué le représentant, qui a ajouté que le Mozambique avait récemment mis à jour son code pénal, lequel contient des dispositions pour prévenir et punir les crimes contre l’humanité.  Le représentant a estimé par ailleurs que la rédaction actuelle de l’article 5 sur le non-refoulement pourrait poser des difficultés d’interprétation.  Il a conclu en estimant que l’adoption d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité serait une contribution majeure au développement progressif et à la codification du droit international.

Échanges interactifs

La représentante de Malte a estimé utile de signaler que dans le système des Nations Unies, il existe une définition de la notion de statut de victime, celle-ci figurant dans la résolution 60/147 de l’Assemblée générale. 

La représentante de la France a indiqué ne pas être opposée à des améliorations du libellé de l’article 5 sur le non-refoulement.

À son tour, la représentante de l’Inde a indiqué être disposée à apporter des amendements à cet article. 

Déclarations (suite)

Mme ZOE RUSSELL (Nouvelle-Zélande) a dit que son pays est favorable à l’inclusion des garanties énoncées dans les projets d’articles 5, 11 et 12.  Selon elle, ces garanties sont importantes pour assurer la cohérence avec les obligations des États en droit international des droits de l’homme et les aspects bien établis de l’état de droit, comme le droit à un procès équitable.  Elle a aussi salué l’inclusion de l’obligation de protéger les victimes de crimes contre l’humanité et de prendre en compte leurs droits dans le projet d’articles.  La déléguée s’est également félicitée du projet d’article 12(3) et de son examen spécifique de la question de la réparation.  Elle a dit soutenir la flexibilité que prévoit cette disposition en donnant aux États le pouvoir discrétionnaire de déterminer la forme appropriée de réparation. 

M. YANG XI (Chine) a commenté le projet d’article 5 sur le non-refoulement.  Il a fait valoir qu’il n’existe pas de consensus sur l’application de ce principe en cas de commission de crimes contre l’humanité.  Il a donc souhaité que la Sixième Commission continue de débattre plus avant des dispositions proposées au titre de cet article.

Mme LOUREEN SAYEJ (État de Palestine) a déclaré que le rôle des victimes et des témoins est indispensable et leur droit d’obtenir réparation intrinsèque à tout effort de prévention et de répression des crimes contre l’humanité.  Le projet d’articles devrait refléter les normes applicables et les meilleures pratiques concernant les droits des victimes, conformément au droit international, a poursuivi la déléguée.  La protection prévue à l’alinéa b) du paragraphe 1 du projet d’article 12 indique clairement selon elle que les victimes, les témoins, les membres de la famille et les autres personnes concernées doivent être protégés contre les mauvais traitements et l’intimidation.  De même, les commentaires expriment clairement l’objectif de disposer d’un concept plus complet de réparations, y compris pour les dommages matériels et moraux.  À cet égard, la déléguée s’est félicitée de l’inclusion d’une base collective, estimant que « des peuples entiers peuvent être victimes de crimes contre l’humanité et que leur droit collectif à des réparations doit être consacré ».

Exposé sur la recommandation de la Commission du droit international

M. ARNOLD PRONTO, Administrateur général jurisconsulte, Division de la codification, Bureau des affaires juridiques, a indiqué que son exposé portait sur la recommandation de la Commission du droit international (CDI) concernant le projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Il a rappelé qu’il était présenté conformément au programme de travail des deux reprises de session de la Sixième Commission, prévu dans la résolution 77/249 de l’Assemblée générale et adopté ce lundi 10 avril. 

M. Pronto a dans un premier temps présenté quelques remarques générales sur le pouvoir de la CDI de formuler des recommandations.  Il a rappelé que ce pouvoir vient de son statut, adopté en 1947 par l’Assemblée générale, qui lui confie la mission « d’entreprendre des études et de faire des recommandations dans le but », entre autres, « d’encourager le développement progressif du droit international et sa codification », comme le prévoit la Charte des Nations Unies.  Le produit du travail de la Commission est adressé à l’Assemblée générale accompagné d’une « recommandation ».  S’il est de la pratique courante pour tous les organes subsidiaires de faire des recommandations à l’organe principal, c’est en fait, dans le cas de la CDI, une véritable obligation, car son travail sur un texte particulier n’est techniquement pas complet sans une recommandation d’action.

Cette recommandation, a expliqué M. Pronto, peut être de ne rien faire; de prendre acte ou adopter le rapport par résolution; de recommander le projet aux Membres en vue de la conclusion d’une convention; ou de convoquer une conférence pour conclure une convention.  Il a fait observer que la pratique avait évolué au fil du temps et que la Commission a adopté des recommandations adaptées à des résultats particuliers, en fonction de sa perception de la manière dont certains textes seront reçus par l’Assemblée générale.  Il appartient ensuite à l’Assemblée générale, via la Sixième Commission, de décider que faire de la recommandation de la CDI.  Dans le cas présent, elle a choisi d’examiner des questions de fond dans le cadre des deux reprises de session.

M. Pronto est ensuite revenu sur une question soulevée lors de la discussion, à savoir si les recommandations de la CDI étaient contraignantes pour les États.  Du fait de leur nature même, elles ne le sont pas, a-t-il précisé, d’autant qu’une mesure prise par un organe subsidiaire ne peut pas lier son organe de tutelle.  Il a toutefois estimé qu’elles sont « très importantes », puisqu’elles font partie intégrante du mécanisme mis en place pour concrétiser les objectifs de la Charte.  « Toute recommandation de la CDI est donc déterminante dans le développement du droit international contemporain. »

La CDI « prend très au sérieux » chacune des recommandations qu’elle formule, a assuré M. Pronto.  Il est revenu sur la procédure suivie, soulignant notamment que la Commission tient systématiquement compte des commentaires formulés par les États quant à la forme finale du texte et qu’elle adopte généralement ses recommandations par consensus.  « En dernière analyse, la question d’accepter ou non une recommandation de la Commission reste entièrement entre les mains des États Membres. »

M. Pronto a rappelé l’historique des travaux de la CDI sur le thème des « crimes contre l’humanité », insistant sur le fait que, dès sa décision d’inclure le sujet dans son programme de travail, elle avait déclaré « sans ambiguïté » son intention d’élaborer un ensemble de projets d’articles destinés à servir de base à une convention internationale.  Cet objectif ressort également des débats et des quatre rapports du Rapporteur spécial.  De même, a-t-il fait valoir, les débats tenus chaque année à la Sixième Commission attestent que les gouvernements membres ont eux aussi été bien conscients tout au long du processus que le résultat escompté des travaux de la Commission serait un texte destiné à servir de base à une convention internationale. 

Dès lors, la question actuellement devant l’Assemblée générale et sa Sixième Commission est de savoir si elle va accepter ou non la recommandation de la CDI et, si oui, quelle procédure suivre: élaboration d’une convention par l’Assemblée générale ou par une conférence internationale de plénipotentiaires.  M. Pronto a fait observer que la CDI avait recommandé que la future convention soit négociée « sur la base de projets d’articles », ce qui correspond à la pratique traditionnelle, bien qu’il y ait eu des exceptions. 

En 74 ans, a rappelé M. Pronto, la CDI a adopté 44 recommandations, parfois composites, dont 27 tendaient à la conclusion d’une convention internationale.  Quatorze de ces recommandations ont été suivies et ont abouti à l’adoption de 17 traités, directement ou indirectement sur la base de la proposition de la Commission.  En outre, la Sixième Commission examine actuellement les recommandations de la CDI en vue de l’adoption, ou de l’éventuelle adoption future, de huit autres conventions internationales.

M. Pronto a également rappelé que la recommandation de la CDI peut viser l’élaboration d’une convention, non pas tout de suite, mais « ultérieurement ».  Ce fut le cas en particulier en 2001 à propos du projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, puis, de manière indirecte, à quatre reprises depuis.  Dans ces cas, a expliqué M. Pronto, la CDI a estimé que le projet d’articles mis au point pouvait servir de base à une convention internationale, mais a préféré laisser la décision sur sa viabilité aux gouvernements membres, chargés de décider plus tard à la lumière des évolutions.

Dans sa conclusion, M. Pronto a rappelé qu’il serait prématuré de commenter ce qu’il adviendrait si l’Assemblée décidait de donner suite à la recommandation de la CDI concernant le projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  On ne nous l’a pas demandé et certaines délégations seraient mal à l’aise d’avoir une telle discussion à ce stade, a-t-il dit.  Il a simplement rappelé que toute décision de donner suite à la recommandation de la CDI doit être expressément et clairement reflétée dans une résolution adoptée par l’Assemblée générale, idéalement après une réflexion sur les différentes options procédurales et leurs conséquences.  Il a donc renvoyé les délégations au rapport que le Secrétariat préparera pour la quatre-vingtième session de l’Assemblée, en application de la résolution 77/97 de l’Assemblée générale.

Dialogue interactif avec le Secrétariat

Le représentant du Mexique a salué la qualité des informations transmises par M. Pronto, le rapprochement établi par ce dernier entre la CDI et l’Assemblée générale étant selon lui irréprochable.  Il a rappelé que le processus en cours n’est pas achevé tant que l’Assemblée générale ne s’est pas prononcée sur telle ou telle recommandation.  Le représentant a en outre appelé à la poursuite du travail d’amélioration du dialogue entre la CDI et la Sixième Commission.  L’an prochain, a-t-il avancé, pendant la session ordinaire et la reprise de session, nous nous appuierons sur nos travaux de cette année, puis il faudra bien que l’Assemblée générale, qui peut ou non tenir compte des recommandations de la CDI, prenne une décision.

À son tour, le Portugal a salué l’exhaustivité de l’exposé des relations entre la CDI et l’Assemblée générale, ajoutant que l’avenir du travail en cours dépendra de l’amélioration, par les États eux-mêmes, du processus.  À ce propos, il a suggéré que l’an prochain, la reprise de session se concentre sur l’examen de points spécifique, la Sixième Commission ayant de son côté pour point saillant l’examen du rapport de la CDI pendant sa session ordinaire.

Le représentant de l’Égypte s’est dit favorable à la proposition du Portugal, avant de demander comment s’y prendre pour que la Sixième Commission prenne une décision sur la recommandation de la CDI.

Jugeant lui aussi très utile l’exposé de M. Pronto, le représentant de la Chine a souhaité qu’il soit distribué aux délégations de la Sixième Commission.  Il a demandé au Secrétariat de présenter un aperçu historique des cas où la CDI aurait recommandé à l’Assemblée générale de conclure une convention à partir de ses recommandations et des suites éventuelles qui y auraient été données.  L’Assemblée, a-t-elle approuvé ces recommandations et adopté les textes en question ou bien cela a-t-il mené à d’autres résultats? a demandé le délégué.  Il a noté que l’Assemblée peut également décider d’ajouter de telles questions à son ordre du jour afin de refléter les positions des États Membres. 

La représentante de la Colombie a estimé que le travail des délégations consiste à « faire » le droit international, avec la collaboration de la CDI, bien que les relations entre les deux organes mériteraient parfois d’être améliorée.

Groupe thématique 5: garanties (articles 5, 11 et 12)

Déclaration (suite et fin)

M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a souligné l’importance du projet d’article 5 sur le non-refoulement pour prévenir indirectement les crimes contre l’humanité.  En ce qui concerne l’article 11, il a proposé de s’inspirer du Statut de Rome de la CPI qui établit une distinction entre les droits des suspects et ceux des personnes accusées.  Le délégué s’est dit fort préoccupé par le paragraphe 3 de l’article 12, qui porte sur les victimes, témoins et autres personnes, et impose à l’État une obligation « trop stricte » de veiller à ce que les victimes d’un crime contre l’humanité aient droit à des réparations pour les dommages matériels et moraux sur une base individuelle ou collective.  « L’expérience de son pays montre qu’une telle obligation pourrait imposer un fardeau disproportionné aux États fragiles ou touchés par un conflit. »  Après un conflit, a poursuivi le délégué, les ressources des États peuvent en outre s’avérer insuffisantes et le nombre de victimes trop important pour que ceux-ci puissent satisfaire aux exigences visées à cet article.  Le délégué a toutefois suggéré l’ajout d’un nouveau paragraphe 4 à l’article 12, faisant état des crimes commis dans l’histoire de l’humanité et pour lequel les réparations font toujours l’objet de résistances, à savoir l’esclavage et la traite transatlantique des esclaves.  Cependant, a-t-il convenu, il existe des obstacles juridiques en droit international à la poursuite de telles requêtes. 

Au titre du mini débat, le représentant du Cameroun a tenu à remercier son homologue de la Sierra Leone qui a évoqué l’esclavage et la traite, dans le cadre des concepts de réparation et de non-rétroactivité.  « Ce serait dramatique pour l’Afrique de passer outre cette donnée historique qui a traumatisé le continent. »

Dialogue interactif avec le Secrétariat (suite et fin)

Revenant sur l’exposé sur la recommandation de la Commission du droit international, le représentant de la Slovaquie a dit qu’il était intéressant que, malgré la nouvelle pratique de la Commission d’une approche en deux étapes, en ce qui concerne ce produit, la Commission ait décidé de revenir à la recommandation directe d’adopter une convention ou de convoquer une conférence.  Cela pourrait être un élément qui pourrait éclairer l’examen de la Sixième Commission.

M. Pronto a salué la délégation de la Chine qui avait lancé l’idée des discussions interactives.  Il a répété les chiffres donnés dans son exposé sur le nombre de recommandations présentées par la CDI -14- ayant abouti à des traités, tout en expliquant que certaines autres recommandations n’avaient pas eu de suite à l’Assemblée générale.  Concernant ces dernières, il a détaillé les raisons qui avaient conduit à l’abandon, notamment en ce qui concerne un projet d’articles sur les clauses de la nation la plus favorisée.  Dans d’autres cas, a-t-il rappelé, l’Assemblée générale avait décidé d’examiner la situation ultérieurement.

La représentante du Nigéria a déclaré avoir noté que la recommandation concernant les projets d’articles sur les crimes contre l’humanité n’était pas contraignante.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission de la population et du développement évalue le programme de travail du Secrétariat des Nations Unies dans le domaine de la population

Cinquante-sixième session,
8e séance plénière – matin
POP/1108

La Commission de la population et du développement évalue le programme de travail du Secrétariat des Nations Unies dans le domaine de la population

La Division de la population du Département des affaires économiques et sociales (DESA) va continuer à améliorer le travail du Secrétariat de l’ONU dans le domaine de la population et du développement, a promis ce matin son directeur, M. John Wilmoth, au quatrième jour de la cinquante-sixième session de la Commission de la population et du développement.  Avant le débat général qui s’est poursuivi aujourd’hui, quatre experts et des représentants d’États Membres ont commenté, au cours d’une table ronde, les travaux de la Division ainsi que la coopération entre États sur ces questions.

Le travail de la Division a été examiné à l’aide du rapport (E/CN.9/2023/5) du Secrétaire général intitulé « Exécution du programme et bilan des activités menées dans le domaine de la population en 2022 », qui fournit notamment une analyse des tendances mondiales de la fécondité, de la mortalité, des migrations, de l’urbanisation et du vieillissement de la population.  Il apparaît que la Division a également élaboré des estimations et projections démographiques à l’échelle mondiale, fait le suivi des politiques démographiques, et mené des études de liens entre le développement durable et les questions de population.  En outre, elle a exercé ses missions de diffusion de données et d’informations démographiques, de coopération technique et de renforcement des capacités en faveur des États Membres, en apportant son soutien aux mécanismes intergouvernementaux. 

M. Ayaga A. Bawah, le Directeur de l’Institut régional d’études de populations de l’Université du Ghana, a salué le travail accompli par la Division, dont la Commission de la population et du développement formule les lignes directrices et supervise le déroulement.  Il a tout de même constaté que de nombreux pays d’Afrique n’ont pas les capacités appropriées pour analyser les données que fournit la Division.  En présentant le tableau de la démographie en Afrique, il a fait remarquer que ce sont les problèmes démographiques du continent qui poussent les jeunes à vouloir partir.  Des jeunes qui empruntent alors des voies parfois mortelles, comme le désert ou la mer.  Cette question de la migration a été abordée plus en détail par Mme Piedad Urdinola Contreras, Directrice générale du Département administratif du Bureau national des statistiques de la Colombie.  L’intervenante a rappelé que la région d’Amérique latine était considérée auparavant comme un lieu d’origine des migrants, alors qu’on la considère aujourd’hui davantage comme une zone de transit et d’accueil.  Le représentant de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) a de plus souligné que cette région est celle ayant le plus perdu en espérance de vie en raison de la pandémie. 

À sa suite, la professeure Elżbieta Gołata, vice-rectrice chargée de la recherche et des relations internationales de l’Université de Posznań (Pologne), a évoqué le besoin pour la Division de contribuer au renforcement des capacités des chercheurs des régions.  Elle a aussi insisté sur le besoin de davantage vulgariser les résultats des travaux de la Division, notamment sur Internet.  L’experte a ensuite donné les grandes tendances démographiques de la Pologne en signalant une baisse de la fertilité et l’accélération du vieillissement de la population.  Comme d’autres orateurs, le représentant de la Fédération de Russie a appuyé l’idée de tenir compte des priorités diverses de chaque État dans le travail de la Division, demandant que cette dernière mène davantage d’études sur la famille.  Le Directeur de la Division a promis que les diverses doléances allaient être prises en compte, puisque cette séance est organisée pour écouter les suggestions des États Membres. 

Un autre expert, du Bangladesh, M. Mohammad Mainul Islam, professeur au Département des sciences de la population de l’Université de Dhaka, a joint sa voix aux autres intervenants qui ont salué les données fournies par la Division et qui sont utiles aux États Membres.  Il s’est réjoui que les indicateurs démographiques du Bangladesh soient « dans le vert », même s’il reste des défis comme les grossesses non désirées d’adolescentes, les mariages précoces (une fille sur six se marie avant l’âge de 16 ans).  Le professeur a attiré l’attention sur les migrations de Bangladais causées par les inondations, celles-ci étant à l’origine de 70% des migrations, sans compter le fait que plus d’un million de Rohingya ont fui le Myanmar et se sont établis au Bangladesh. 

Saluant ce vœu de fournir des données pouvant aider les pays, Cuba a aussi appelé la Division à produire des données en rapport avec les pays en situation particulière, notamment les pays en développement sans littoral (PDSL), les petits États insulaires en développement (PEID) et les pays les moins avancés (PMA).  Une représentante de la société civile s’est émue du fait que la participation des groupes vulnérables de la population dans les débats de la Commission n’est pas de mise.  Elle a rappelé que les vies et les personnes ne sont pas que des chiffres, évoquant par exemple le martyr des femmes noires dans le monde du travail.  Le racisme dont elles sont victimes doit nous obliger à établir des liens entre le genre et la race dans les données fournies par la Division, a-t-elle plaidé.  Elle a aussi voulu que les États Membres tiennent compte de la diversité des populations quand ils établissement les politiques en matière de population. 

Il faut pouvoir effectivement comptabiliser tous ces groupes vulnérables, qui sont essentiels, a reconnu l’experte de Colombie.  D’un autre côté, Mme Urdinola Contreras a fait part de la difficulté des autorités locales à collecter des informations face à la réticence des populations.  Il est vrai, a acquiescé l’experte de la Pologne, que collecter des données sur les migrations est très ardu, que ce soit dans les pays d’origine, de transit comme de destination.  Le Directeur de la Division de la population a observé à ce propos que celle-ci, même si elle fournit des informations démographiques sur les pays, n’a pas le mandat d’établir des données concernant des sous-couches de population dans les pays tiers.  Il a tout de même promis que la Division allait poursuivre sa politique d’ouverture et de partage d’informations avec les États.

La Commission se réunira de nouveau demain, vendredi 14 avril, à partir de 10 heures, pour la clôture de sa cinquante-sixième session.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Sixième Commission examine les mesures nationales et internationales destinées à prévenir et punir les crimes contre l’humanité

Soixante-dix-septième session,
41e & 42e séances plénières, matin & après-midi
AG/J/3681

La Sixième Commission examine les mesures nationales et internationales destinées à prévenir et punir les crimes contre l’humanité

La Sixième Commission (questions juridiques) a poursuivi aujourd’hui son examen du projet d’articles de la Commission du droit international (CDI) en vue d’élaborer une convention universelle sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, en se penchant sur les groupes thématiques 3 et 4 consacrés aux mesures nationales et internationales que devraient prendre les États à cette fin.

Les dispositions du groupe thématique 3, qui prévoient que les États doivent prendre les mesures nécessaires pour que les crimes contre l’humanité constituent des infractions au regard de leur droit pénal, ont reçu l’aval de nombreuses délégations qui ont considéré qu’elles fournissent une base adéquate pour l’élaboration d’une convention.  L’Union européenne a ainsi jugé essentiel le projet d’article 6 sur l’incrimination en droit interne afin de tenir pour responsables les auteurs de ces crimes et de renforcer le principe de complémentarité. 

Compte tenu du rôle déterminant joué par les financiers de ces crimes atroces, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales ou encore d’organisations criminelles, la Colombie a par exemple suggéré d’ajouter aux actes constitutifs des infractions au regard du droit pénal des États, énumérés au paragraphe 2 de l’article 6, le financement des crimes contre l’humanité.  Jugeant ladite énumération « sélective et non exhaustive », la Sierra Leone a prôné, comme la Slovaquie, d’ajouter « l’incitation » en tant que forme de responsabilité accessoire, telle qu’établie en droit international coutumier et dans la Convention sur le génocide. 

Les mesures nécessaires pour que les chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques soient tenus pour responsables des crimes contre l’humanité commis par leurs subordonnés, définies au paragraphe 3 du projet d’article 6, ont retenu l’attention de plusieurs délégations, telles que l’Arabie saoudite, qui a estimé que cette disposition établit une « nouvelle règle juridique » allant à l’encontre du droit international coutumier.  Le Qatar a relevé pour sa part des « contradictions » entre les dispositions du groupe thématique 3 sur cette question et les principes et normes établis dans la pratique et les traités ayant trait à la responsabilité des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions.

Pour les États-Unis au contraire, il s’agit là de principes fondamentaux, reconnus par le Tribunal de Nuremberg, selon lesquels toute personne qui commet, ordonne ou se rend autrement complice de crimes contre l’humanité est passible de sanctions.  Pour leur part, les Philippines ont souhaité l’insertion d’un élément de « contrôle » des mesures prises pour que les chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques soient tenus pour responsables des crimes commis par leurs subordonnés. 

Au nom des pays nordiques, la Suède s’est félicitée de l’obligation faite à chaque État, au paragraphe 5 du projet d’article 6, de prendre les mesures nécessaires pour garantir que le statut officiel de l’auteur présumé d’une infraction ne constitue pas un motif d’exonération de la responsabilité pénale individuelle.  Toutefois, a ajouté le Brésil, rejoint par le Canada, aucune disposition de ce texte ne doit être interprétée comme affectant l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, conformément au droit international coutumier et à la jurisprudence de la Cour internationale de Justice (CIJ). 

La disposition du paragraphe 7 du projet d’article 6 selon laquelle tout État prend les mesures nécessaires pour que, au regard de son droit pénal, les infractions visées dans le présent projet d’article soient passibles de « peines appropriées » ne saurait en aucun cas inclure la peine de mort, ont insisté tour à tour la Belgique, le Portugal ou encore le Chili.  Les peines doivent être déterminées au cas par cas, en fonction du contexte et de la gravité des infractions, a renchéri l’Italie.  Il n’existe pas de consensus international concernant l’interdiction de la peine de mort, ont toutefois rétorqué Singapour, l’Égypte et l’Arabie saoudite, pour qui il incombe aux seuls États de déterminer leur droit pénal.

L’obligation faite aux États de prendre les mesures nécessaires pour rendre imprescriptibles les crimes contre l’humanité dans leur droit national va à l’encontre du droit des États souverains de promulguer leurs propres lois, a martelé l’Iran.  La Fédération de Russie s’est par ailleurs opposée au principe de responsabilité des personnes morales, contrairement à la République tchèque qui a néanmoins pris note des divergences qui subsistent sur ce point entre les États ainsi que dans les traités existants. 

Comme plusieurs délégations, le Portugal s’est félicité de l’inclusion du principe aut dedere aut judicare, objet du projet d’article 10, qui prévoit qu’un État sur le territoire duquel se trouve l’auteur présumé d’un crime contre l’humanité est tenu soit d’exercer sa juridiction, soit de l’extrader vers un autre État qui est en mesure de le faire, mesure essentielle à ses yeux pour lutter contre l’impunité.  L’extradition fait aussi l’objet du projet d’article 13 qui, là encore, a divisé les délégations.  Enfin, les questions de l’entraide judiciaire, traitées dans le projet d’article 14 et une annexe dédiée, ainsi que le règlement des différends, visé dans le projet d’article 15 qui soulève notamment le rôle de la CIJ, ont aussi été discutés. 

La Sixième Commission poursuivra ses travaux demain, jeudi 13 avril, à 10 heures, avec l’examen du dernier groupe thématique. 

EXAMEN DU PROJET D’ARTICLES SUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL (CDI)

Groupe thématique 3: mesures nationales (articles 6, 7, 8, 9 et 10)

Déclarations

Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne (UE), a jugé essentiel le projet d’article 6 qui oblige les États à prendre des mesures pour faire en sorte que les crimes contre l’humanité constituent des infractions au regard du droit pénal national, comblant ainsi une lacune susceptible d’empêcher la poursuite et la répression de ces crimes.  Le projet d’article 7, en ce qui concerne l’immunité des représentants de l’État de la juridiction pénale étrangère, stipule que l’immunité ratione materiae ne s’applique pas aux crimes contre l’humanité.  Après avoir rappelé « l’opposition de l’Union européenne à la peine capitale en toutes circonstances », elle a dit que les États parties au Statut de Rome de la CPI ont réglé cette question en prévoyant une peine d’emprisonnement n’excédant pas 30 ans, ou une peine d’emprisonnement à perpétuité lorsque cela est justifié par l’extrême gravité du crime. 

Toujours sur le projet d’article 7, la représentante s’est félicitée de l’éventail relativement large de bases juridictionnelles permettant de combler les lacunes dans la poursuite des crimes contre l’humanité.  Ensuite, les enquêtes sur les crimes contre l’humanité doivent être rapides et impartiales, et commencer lorsqu’il existe des « motifs raisonnables » de croire que des actes constitutifs de crimes contre l’humanité ont été ou sont en train d’être commis sur tout territoire sous la juridiction de l’État.  En vertu de la règle aut dedere aut judicare, objet de l’article 10, un État sur le territoire duquel se trouve l’auteur présumé de l’infraction est tenu soit d’exercer sa juridiction soit d’extrader un auteur présumé vers un autre État qui est en mesure et disposé à le faire. 

Mme JULIA FIELDING (Suède), s’exprimant au nom des pays nordiques, a réitéré que les projets d’articles 6 à 10 constituent une bonne base pour une éventuelle convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Elle s’est félicitée de l’obligation faite à chaque État, au paragraphe 5 de l’article 6, de prendre les mesures nécessaires pour garantir que la position officielle de l’auteur présumé d’une infraction n’est pas un motif d’exonération de la responsabilité pénale individuelle.  Toutefois, a-t-elle ajouté, ce paragraphe n’a aucun effet sur l’éventuelle immunité procédurale dont un représentant d’un État étranger peut bénéficier devant une juridiction pénale nationale, qui continue d’être, selon lui, d’être régie par le droit conventionnel et coutumier.  La déléguée a en outre noté que le projet d’article 7, sur l’immunité des représentants de l’État de la juridiction pénale étrangère, stipule que l’immunité ratione materiae ne s’applique pas aux crimes contre l’humanité.  De plus, l’obligation énoncée au paragraphe 7 du projet d’article 6, concernant l’imposition de sanctions appropriées, ne devrait « en aucun cas inclure la peine de mort parmi les peines applicables », a-t-elle insisté.

Afin d’éliminer le risque d’impunité, la déléguée a jugé essentiel que les États établissent un large éventail de bases de compétence en vertu du droit national.  Elle a salué à cet égard le projet d’article 7 qui oblige les États à établir leur compétence territoriale et personnelle à l’égard de leurs ressortissants.  S’agissant de l’obligation d’extrader ou de poursuivre énoncée au projet d’article 7, ainsi qu’au projet d’article 10, les pays nordiques notent que les tribunaux nationaux peuvent parfois être amenés à recourir à une base juridictionnelle autre que la seule compétence territoriale ou personnelle active pour juger l’auteur présumé de l’infraction, si celui-ci n’est pas extradé ou remis. 

M. AHMED ABDELAZIZ AHMED ELGHARIB (Égypte) a jugé le libellé de l’article 6 (Incrimination en droit interne) « trop général » en l’état, ce qui pourrait nuire aux droits des accusés et aux principes du droit compte tenu du caractère spécifique des crimes contre l’humanité et des actes constitutifs de ces crimes.  Il a par ailleurs émis des réserves pour ce qui est de l’adoption par les États des mesures nécessaires et raisonnables pour prévenir ces crimes, dans la mesure où elles ouvrent la porte à des explications susceptibles de se faire au détriment de l’accusé sans tenir compte d’éléments factuels.  Pour ce qui est de l’article 7 (2), le délégué a considéré qu’il est nécessaire d’établir un lien très clair entre l’État exerçant sa compétence nationale pour commettre des crimes contre l’humanité et le crime perpétré, « en plus de donner la priorité à la compétence de l’État où le crime a été commis afin d’appliquer le principe de territorialité ».  Ces textes, a-t-il averti, ne devraient pas être détournés pour imposer des compétences à des fins politiques et pour éviter d’extrader l’accusé vers des États qui pourraient établir compétence sur le crime commis.  Enfin, il a contesté la pertinence du libelle de l’article 7 (3), qui explique que l’on n’exclue l’exercice d’aucune compétence pénale établie par un État conformément à son droit interne.

Mme CHARLENE ARAVEJO BERIANA (Philippines) a indiqué que les crimes contre l’humanité constituent déjà une infraction au regard du droit pénal dans son pays.  Concernant le paragraphe 3 du projet d’article 6, elle a proposé l’insertion d’un élément de « contrôle » des mesures destinées à faire en sorte que les chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques soient pénalement responsables des crimes contre l’humanité commis par leurs subordonnés, « sous leur commandement et contrôle effectifs ».  Au paragraphe 5 du projet d’article 6, la déléguée a souligné que les immunités attachées à la fonction officielle d’une personne en vertu du droit international peuvent également imposer certaines limites.  Elle a exprimé son appui au projet d’article 8, lequel oblige les États à veiller à ce que leurs autorités compétentes procèdent à une enquête lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que des actes constitutifs de crimes contre l’humanité ont été commis sur tout territoire sous leur juridiction.

M. MICHAEL HASENAU (Allemagne) a souligné l’importance de l’article 6 qui impose aux États l’obligation d’adopter une législation pénale sur les crimes contre l’humanité.  Cette disposition, essentielle pour tenir les auteurs responsables, renforce le principe de complémentarité, a estimé le représentant.  Il a ensuite estimé que l’article 7, qui établit la base juridictionnelle des enquêtes et poursuites nationales, réduit encore le risque d’impunité, en veillant à ce que les États ne deviennent pas des refuges pour les auteurs de crimes contre l’humanité.  De manière générale, le représentant a estimé que les dispositions du groupe thématique 3 sont essentielles pour une prévention et une dissuasion efficaces, et qu’elles fournissent une bonne base pour des négociations ultérieures.

M. EMIL RUFFER (République tchèque) a déclaré que les mesures nationales sont essentielles à la mise en œuvre de la future convention et que la formulation neutre et générique de l’article 6 est appropriée car elle permet aux États de préciser dans leur droit national l’incrimination des comportements associés aux crimes contre l’humanité.  Il a toutefois préconisé d’exclure expressément la position officielle comme motif d’atténuation ou de réduction de la peine.  Il a relevé que les immunités ratione personae dont bénéficient, en vertu du droit international coutumier, les chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres des affaires étrangères en exercice, resteraient en place et s’appliqueraient également dans le cadre du nouveau traité.  Le représentant s’est en outre félicité de l’interdiction de la prescription, notamment parce qu’il s’écoule souvent beaucoup de temps avant qu’il soit possible d’enquêter, de poursuivre et de punir ce type de crimes.  Il s’est également félicité de la disposition relative à la responsabilité des personnes morales, tout en prenant note des divergences de vues sur ce point entre les États, de même que dans les traités existants. 

Le représentant a estimé que les articles 7 et 9 constituent des conditions préalables à la mise en œuvre de l’obligation aut dedere, aut judicare prévue à l’article 10, lequel est nécessaire pour garantir que les États ne deviennent pas des refuges pour les auteurs de crimes contre l’humanité.  Il a conclu en estimant que l’ensemble des articles relatifs aux mesures nationales sont bien conçus et que leur adoption dans le cadre d’une convention constituerait une évolution importante dans la poursuite des crimes contre l’humanité.

M. YANG LIU (Chine) a, concernant le projet d’article 13, considéré que l’extradition était un outil efficace de coopération interétatique et de lutte contre l’impunité.  Il a en revanche souligné que le projet devrait refléter entièrement la pratique coutumière des États et des traités existants.  Le paragraphe 11 traite des motifs de refus d’extradition, comme la race, la religion, la nationalité ou l’opinion politique: cette liste est acceptable, a-t-il dit.  Mais certains autres éléments ne relèvent pas selon lui de la pratique des États, et ne reflètent pas le consensus.  Le délégué a donc appelé à limiter cette liste et à biffer les éléments relatifs à la culture, à l’appartenance à un certain groupe social ou à d’autres critères « inadmissibles », car non reconnus en droit international.  Par ailleurs, il s’est dit favorable à l’article 14 sur l’entraide judiciaire, tout en exprimant des préoccupations concernant le paragraphe 9 et le mandat des Nations Unies pour recueillir des éléments de preuves.  « Cela fait l’objet de polémiques actuellement et il est difficile pour la Chine d’accepter le libellé en l’état. »

Mme LUCIA TERESA SOLANO RAMIREZ (Colombie) a considéré, s’agissant du projet d’article 6 sur l’incrimination en droit interne, que cette disposition éviterait d’éventuelles divergences entre l’infraction définie dans l’instrument international et celle définie dans la législation nationale.  Elle s’est dite disposée à discuter des mesures nécessaires pour que les chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques soient tenus pénalement pour responsables des crimes contre l’humanité commis par leurs subordonnés si une déclaration plus explicite affirmait que le statut de supérieur est sans effet sur la peine ou sur l’atténuation de la peine.  Les dispositions du paragraphe 6 sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité comme principe à adopter dans la législation nationale, ainsi que celles contenues au paragraphe 7 sur les peines appropriées, s’apparentent selon elle aux mesures adoptées par la Colombie dans le cadre de la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes.  De façon générale, a ajouté la déléguée, les dispositions de l’article 6 doivent être interprétées sans préjudice de toute définition plus large contenue dans une autre institution, instrument international ou jurisprudence applicable à un État.  Il faudrait selon elle envisager la possibilité d’ajouter « le financement des crimes contre l’humanité », compte tenu du rôle déterminant joué par les financiers de ces crimes atroces, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales ou d’organisations criminelles.  Enfin, l’inclusion du paragraphe 2 du projet d’article 7 présente à ses yeux un mécanisme « précieux » pour empêcher l’impunité pour la commission de ces crimes, tout en offrant une plus grande « sécurité juridique ».

M. MICHAEL TOMBS (Royaume-Uni) a d’abord indiqué que son pays a déjà criminalisé les crimes contre l’humanité dans sa législation nationale, et qu’il est donc juste que l’article 6 par. 7 du projet exige que les infractions soient passibles de peines appropriées, tenant compte de leur gravité.  Le Royaume-Uni, a dit le représentant, soutient fermement l’inclusion de l’article 6 par. 6 qui exige des États qu’ils veillent à ce que les délais de prescription ne s’appliquent pas aux crimes contre l’humanité.  Ceci, s’est-il expliqué, permettra aux survivants de demander un recours judiciaire.  Le délégué a cependant jugé qu’il peut être utile que le projet précise que l’obligation énoncée dans l’article 6 par. 6 ne signifie pas que les États sont tenus de poursuivre les crimes contre l’humanité, avant que ces crimes ne soient incriminés dans leur législation.  Il a ensuite salué la clarification apportée par la Commission au paragraphe 33 du commentaire de l’article 6, qui confirme expressément cette position. 

Le représentant a estimé qu’il est préférable que les crimes soient poursuivis dans l’État dans lequel ils ont été commis, ce qui reflète la réalité selon laquelle les autorités de l’État sur le territoire duquel une infraction est commise sont généralement les mieux placées pour poursuivre cette infraction, notamment en raison des avantages évidents qu’il y a à obtenir les preuves et les témoins nécessaires au succès des poursuites.  Il a salué l’inclusion de l’article 8, en se félicitant de la clarification dans le commentaire de la Commission selon laquelle il ne s’agit pas d’une enquête pénale en tant que telle.  En effet, cette obligation d’enquête plus large lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que des crimes contre l’humanité se produisent sur le territoire d’un État est un élément essentiel des mécanismes de prévention prévus dans le projet d’articles.  L’article 10, enfin, permet, selon le représentant, à un État de reconnaître une demande d’extradition ou de transfèrement émanant d’un tribunal international, « mais il n’est pas tenu d’accéder à une telle demande en vertu de cette disposition ». 

M. MOHAMMAD GHORBANPOUR NAJAFABADI (République islamique d’Iran) a rappelé que les dispositions sur les mesures nationales sont largement inspirées de la Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC) et la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Il a toutefois estimé qu’il faut tenir compte du fait que le projet d’articles traite de crimes très différents de ceux visés par ces deux conventions.  Il a jugé inutile que l’article 6 soit aussi détaillé et a proposé de n’en garder que l’obligation pour chaque État partie de prendre « les mesures nécessaires pour que les crimes contre l’humanité constituent des infractions au regard de sa législation pénale ».  Il a par ailleurs estimé que l’obligation faite à tout État de prendre les mesures nécessaires pour rendre imprescriptible les crimes contre l’humanité dans son droit national vont à l’encontre du droit des États souverains à promulguer des lois par eux-mêmes, même s’il n’existe pas dans le droit iranien de délai de prescription pour de tels crimes.  Il s’est aussi opposé au principe de responsabilité des personnes morales, que le droit iranien ne reconnaît pas.  Le représentant a par ailleurs estimé que l’article 7 ne parvient pas à traiter de la priorité de compétence pour éviter les conflits potentiels.  Il a rappelé qu’il doit exister un lien réel entre un État qui souhaite poursuivre un crime et le territoire où le crime a été commis, ou encore la personne suspectée.

M. KOWALSKI (Portugal) a souligné l’importance du paragraphe 5 du projet d’article 6 concernant les poursuites pénales contre de hauts responsables devant leurs propres tribunaux, tout en précisant que les peines éventuelles doivent être conformes aux droits humains.  Si les États ont priorité sur la CPI dans l’exercice de leurs compétences pour connaître de crimes contre l’humanité, leur volonté de mener une enquête rapide et impartiale est révélatrice de leur engagement à cet égard, a considéré le délégué.  Il s’est félicité de l’inclusion dans le projet d’article 10 du principe aut dedere aut judicare, aspect essentiel à ses yeux pour éviter les mesures d’amnistie et l’impunité. 

M. MATÚŠ KOŠUTH (Slovaquie) a proposé de mentionner, dans le projet d’article 6 sur l’incrimination en droit interne, « l’incitation ou la conspiration », deux modes de responsabilité pénale accessoire, afin de renforcer l’aspect préventif dudit projet.  En ce qui concerne la responsabilité du commandement, il a dit préférer une réglementation plus détaillée comparable à celle qui figure dans le Statut de Rome de la CPI.  Il a ensuite évoqué le projet d’article 10 (Aut dedere aut judicare) qui énonce les obligations de l’État sous la juridiction duquel l’auteur présumé de l’infraction se trouve.  L’obligation de poursuivre doit être interprétée de façon à respecter pleinement le pouvoir discrétionnaire du procureur, a argué le délégué.  Notant que cette disposition dans le projet d’article exige seulement de l’État concerné qu’il soumette l’affaire à l’autorité compétente, il a averti qu’il n’y a pas de garantie que l’État concerné ne se lancera pas dans un « simulacre de procédure » dans le seul but de protéger l’auteur présumé de l’infraction.

M. ENRICO MILANO (Italie) s’est dit généralement favorable au projet d’article 6 tel qu’il est rédigé.  L’obligation d’incriminer les comportements associés à des crimes contre l’humanité est importante car elle contribue à limiter les vides juridiques des législations nationales susceptibles de favoriser l’impunité pour les crimes les plus odieux, a-t-il estimé.  De même, et conformément à la jurisprudence pénale internationale, l’Italie soutient les dispositions relatives à la responsabilité des commandants et supérieurs et à la non-invocabilité des ordres supérieurs en tant que cause excluant la responsabilité pénale, même si ces ordres peuvent, dans certains cas, conduire à une atténuation de la peine.  L’Italie soutient de même la non-applicabilité des immunités fonctionnelles des représentants de l’État en cas de crimes contre l’humanité commis dans l’exercice de fonctions officielles.  En revanche, le représentant a estimé que les immunités personnelles des chefs d’État, des chefs de gouvernement et des ministres des affaires étrangères en fonction devrait s’appliquer.  L’Italie est en outre favorable à l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, a-t-il ajouté.

Concernant les « peines appropriées », M. Milano a estimé qu’elles devaient être déterminées sur la base d’une évaluation du crime spécifique commis, de la gravité de la conduite criminelle et du contexte de la commission.  S’il a jugé « irréaliste » l’idée qu’une future convention internationale détermine avec précision ces peines, le représentant a rappelé l’opposition de principe de son pays à la peine de mort.  Il a jugé acceptables les dispositions concernant la responsabilité des personnes morales, ajoutant que celle-ci devrait être déterminée conformément au droit national de l’État et être de nature pénale, administrative ou civile.  Afin de minimiser le risque de vides juridictionnels, le représentant s’est dit favorable à la rédaction des articles 7 et 10 et à l’incorporation dans une future convention du principe aut dedere aut judicare.

Échanges interactifs

Lançant le premier mini débat, le représentant de l’Égypte s’est interrogé sur les conditions d’exercice de la compétence nationale en ce qui concerne le traitement des auteurs présumés de crimes contre l’humanité.  Vers quel État faut-il extrader ou remettre l’individu: celui qui a la compétence ou le requérant le plus volontaire? a-t-il demandé, ajoutant que la présence de celui-ci sur le territoire est secondaire par rapport au « choix de l’État ».

La représentante de l’Inde a réagi aux propos de l’Égypte en proposant, pour régler le conflit potentiel de compétence, d’amender le libellé de l’article 7.  Selon elle, la priorité doit être donnée à l’État pouvant exercer la compétence, plutôt qu’à l’État qui serait le plus intéressé à traduire en justice l’auteur présumé d’un crime.

« Nous ne pourrions extrader vers un pays qui appliquerait la peine de mort », a assuré pour sa part le représentant du Portugal.  Ainsi a-t-il proposé de demander à l’État requérant des garanties qu’il n’appliquera pas la peine capitale.

À l’inverse, Singapour a accusé l’Union européenne et ses membres de vouloir imposer de façon unilatérale sa vision à l’ONU en ce qui concerne la peine de mort.  « Or, il n’existe pas de consensus international sur la peine de mort, et encore moins sur son abolition. »

Déclarations (suite)

M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a estimé que la CDI a été « sélective et non exhaustive » dans l’énumération des diverses formes d’infraction au regard du droit pénal des États visées au paragraphe 2 de l’article 6, lesquelles sont établies dans leur pratique aux niveaux national et international.  Il a prôné l’ajout de « l’incitation » en tant que forme de responsabilité accessoire, telle qu’établie en droit international coutumier, y voyant notamment une forme de participation criminelle en relation avec le crime de génocide.  Le représentant a approuvé l’omission, dans le projet d’articles, de dispositions excluant explicitement l’octroi d’amnisties ou de pardons pour des crimes contre l’humanité, pratique qui serait incompatible, selon les commentaires de la CDI, avec l’obligation de soumettre une affaire aux autorités compétentes pour enquête et poursuites éventuelles.

M. ALEXANDER MARSCHIK (Autriche) a indiqué que, comme le prévoit l’article 6 (7), l’Autriche a déjà incriminé les crimes contre l’humanité par des peines appropriées.  Nous considérons que cette insistance dans le projet d’articles est utile et souhaitons souligner que les lois nationales existantes sur le sujet n’empêchent pas les États de s’engager dans une future convention, a-t-il dit.  En ce qui concerne les règles fréquemment discutées sur l’établissement de la compétence nationale à l’article 7, il a noté que ces règles forment des bases bien établies de la compétence pénale en vertu du droit coutumier et des traités.  Ainsi a-t-il marqué que l’article 7, « comme l’a souligné la CDI dans son commentaire », exige uniquement des États qu’ils établissent leur compétence en adoptant la législation nationale nécessaire, et qu’ils n’exercent cette compétence que si l’auteur présumé est présent sur le territoire sous la juridiction de l’État.  De fait, la convention n’imposerait pas aux États d’exercer la compétence universelle, puisque sur la base des articles 8, 9 et 10 ils ne peuvent exercer leur compétence que lorsque l’auteur est présent sur leur territoire, a insisté le représentant.  Après avoir salué l’inclusion du devoir d’enquête dans l’article 8, il a relevé que si une cour ou un tribunal international n’est pas compétent, les obligations de l’article 10 restent contraignantes pour l’État sur le territoire duquel se trouve l’auteur présumé de l’infraction.

M. MATTHIJS BOERMA (Pays-Bas) a salué le projet d’article 6 (incrimination en droit interne) et a dit appuyer la disposition sur la non prescriptibilité des crimes contre l’humanité, en droite ligne de sa législation nationale.  Il a aussi salué le projet d’article 10 (aut dedere aut judicare) qui contribue à la lutte contre l’impunité en cas de crime contre l’humanité. 

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) s’est inquiété de « la porte ouverte à l’injustice » par l’imprécision du point c) de l’article 6 et souhaité que l’on puisse établir les modalités de constatation de l’ordre donné pour la commission d’un crime contre l’humanité par des faits « inéluctables ».  En la matière, un faisceau de preuves conséquents doit permettre de déterminer la planification et la mise à disposition de la logistique en vue de la commission d’un tel crime.  En outre, pour sa délégation, la rédaction de l’alinéa 3 inquiète, car il semble subodorer a priori que la commission des crimes contre l’humanité est l’apanage des militaires ou que lesdits crimes ne sont commis que pendant les conflits armés.  Or, il faut considérer la complexification et la mutation de ces crimes qui peuvent être commis « par les personnes sans armes, des hommes d’affaires véreux, qui exploitent de manière non durables les ressources naturelles, les pillent ou ceux qui détruisent par leurs actions les milieux culturels et les lieux sacrés.  Comment un État prendra-t-il les mesures nécessaires pour qu’un crime commis sur les ordres d’un gouvernement ne constitue pas un motif d’exonération de la responsabilité pénale de celui qui l’exécute?  La notion de gouvernement renvoie à quoi?  À qui?  À qui dans le gouvernement? a demandé le représentant.  Comment une personne qui occupe une position officielle certaine peut-elle objectivement commettre les crimes de cette amplitude?  Il a ensuite proposé de remplacer le terme « tout État », imprécis et équivoque selon lui, par « chaque État ».  Pour dissiper toute confusion, il a rappelé que la responsabilité pénale est individuelle et qu’elle ne peut donc pas s’appliquer à une personne morale abstraite.

Le représentant a par ailleurs souligné que, sous réserve des dispositions de son droit interne, chaque État prend, après l’établissement de liens de causalité irréfutables entre le dommage et le préjudice, les mesures qui s’imposent, afin d’établir la responsabilité des responsables des personnes morales qui auront contribué à planifier, qui auront de quelle que manière vérifiable encouragé, offert un soutien à la commission des infractions visées dans le présent projet d’articles.  S’agissant de l’article 7, il s’est félicité de ce que la disposition y relative ménage la souveraineté de l’État en matière de compétence pénale, puisque cette compétence doit s’exercer sur la base d’un lien de rattachement entre l’État et le lieu de commission du crime, l’auteur du crime et la victime du crime.  Concernant de l’article 8, M. Nyanid a souligné que son pays ne souscrit pas à « la notion d’enquête rapide ».  Il faut prendre en compte les différences qui existent entre les divers cadres juridiques nationaux et les pratiques des États dans la réalisation des enquêtes.  Pour ce qui est de l’article 9, le représentant a jugé acceptable la disposition y relative sous réserve de ce que l’on conditionne les mesures d’arrestation ou de détention provisoire à une demande expresse d’une juridiction compétente, ou l’existence d’une procédure judiciaire, afin de fermer la porte à l’arbitraire, qui naîtrait de l’arrestation et la détention de personnes sur la base de la délation.  Enfin, s’agissant de l’article 10, sa délégation suggère que soient observées et intégrées les garanties procédurales, notamment l’examen par l’État du for de la question de l’immunité du représentant d’un autre État.

Mme ALEXANDRA HUTCHISON (Australie) a dit appuyer l’approche générale adoptée par la CDI relative aux mesures visant à garantir la responsabilité pénale pour les crimes contre l’humanité.  La représentante a notamment appelé les États à veiller à ce que les crimes contre l’humanité, tels que définis dans l’article 2, constituent bien des infractions au regard du droit national.  S’ils devaient s’appuyer sur des définitions nationales spécifiques, il se créerait un risque de divergences continues entre les systèmes nationaux, lesquelles pourraient être utilisées par les auteurs de crimes odieux pour s’assurer l’impunité. 

L’Australie soutient en outre les dispositions qui excluent l’utilisation de la qualité officielle comme moyen de défense contre la responsabilité pénale.  Cela, a toutefois ajouté la représentante, est distinct de la question des immunités des représentants de l’État, qui sont régies par le droit international coutumier et le droit conventionnel sur les immunités.  Elle a soutenu la décision de la CDI de ne pas aborder cette question dans le cadre du projet d’articles.  Par ailleurs, la représentante s’est dite consciente des différences dans les approches nationales de la responsabilité des personnes morales pour les crimes mais a estimé que les dispositions des projets d’articles sur ce point sont suffisamment souples.

La représentante a estimé que l’article 7 établit une base juridictionnelle suffisante pour que les États assurent la responsabilité des auteurs de crimes contre l’humanité.  Concernant l’article 8, elle a insisté sur le fait que des enquêtes doivent être menées là où l’État a des raisons de croire que des crimes contre l’humanité ont été commis sur son territoire, même en l’absence d’allégations formelles.  Elle a estimé que l’article 9 pourrait donner davantage de détails sur les éléments à prendre en compte par l’État pour arrêter un criminel présumé et qu’il devrait inclure une référence aux obligations de traitement équitable.

Mme NIDAA HUSSAIN ABU-ALI (Arabie saoudite) a estimé que le paragraphe 3 du projet d’article 6 sur l’incrimination en droit interne crée une nouvelle règle juridique qui va à l’encontre des règles du droit international coutumier en ce qui concerne les chefs d’État et les représentants des États.  S’agissant de l’article 7 qui vise à établir la compétence nationale des États sur les crimes contre l’humanité, elle a constaté que le texte consacre le principe de juridiction pénale internationale.  Considérant que ce principe qui n’est pas appliqué de la même manière par tous les États ouvre la voie à son application « à des fins politiques », la représentante a suggéré des modalités de mise en œuvre effective du texte.  S’agissant de la peine de mort, elle a réitéré l’absence de consensus international concernant son interdiction et le droit de tous les États de déterminer leur droit pénal. 

Mme ALIS LUNGU (Roumanie) a rappelé que le Code pénal roumain réglemente les crimes contre l’humanité à l’article 439, avec une définition proche de celle mentionnée à l’Article 7 du Statut de Rome et à l’article 2 du projet.  En Roumanie, ces crimes sont punis de la réclusion à perpétuité ou d’un emprisonnement de 15 à 25 ans et de l’interdiction de jouir de certains droits.  La représentante s’est dite favorable à l’imprescriptibilité de ces crimes, comme mentionné dans l’article 5 du projet.  Quant à l’article 7, elle a expliqué qu’en vertu du Code pénal roumain, c’est le droit pénal qui sera applicable en cas d’infractions commises en Roumanie par un ressortissant étranger ou un apatride, et ce, dans les cas où l’auteur de l’infraction est volontairement présent sur le territoire national.  Concernant l’article 10, la déléguée a dit partager le point de vue de la Commission selon lequel la formule de La Haye, qui a déjà été incorporée dans de nombreux traités internationaux, semble être l’approche la plus appropriée pour façonner le libellé dudit article.

Mme MARUBAYASHI (Japon), jugeant important d’examiner le droit pénal de chaque État pour réprimer les crimes contre l’humanité, a estimé qu’il appartenait aux États de choisir comment sont incriminés les actes constitutifs de tels crimes.  La représentante a demandé que les dispositions de l’article 6 sur l’imprescriptibilité soient modifiées pour inclure une référence aux dispositions de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.  En ce qui concerne les articles 7 et 10, elle a proposé que soit examinée attentivement une disposition uniforme exigeant l’établissement de la compétence en cas de non-extradition.  L’objectif est d’obtenir l’approbation d’un grand nombre de pays au projet d’articles, a-t-elle souligné.  Elle a rappelé qu’il existait un large éventail de mesures pour mettre fin à l’impunité, y compris la remise de l’accusé à la Cour pénale internationale (CPI).  Les projets d’articles devraient permettre l’extradition des accusés vers la CPI, ce qui faciliterait leur ratification par les États parties au Statut de Rome, a-t-elle ajouté.  

M. CHRIS JENKS (États-Unis) a noté que bien que les crimes contre l’humanité ne soient pas traités dans la législation de son pays, de nombreuses lois existantes pourraient être utilisées pour punir des comportements qui constituent de tels crimes.  Divers paragraphes du projet d’article 6 sur l’incrimination en droit interne reflètent, à bien des égards, des principes importants reconnus par le Tribunal de Nuremberg, notamment le principe voulant que toute personne qui commet, ordonne ou se rend autrement complice de crimes contre l’humanité soit passible de sanctions, et le principe selon lequel agir conformément à l’ordre d’un gouvernement ou d’un supérieur n’absout pas l’auteur d’un crime contre l’humanité de sa responsabilité.  Concernant le paragraphe 8 du même projet d’article, qui traite de la responsabilité des personnes morales, le représentant a noté qu’il n’existe pas, à cet égard, de concept universellement reconnu de responsabilité pénale en droit international.  De même, le projet d’article 9, qui vise à résoudre des problèmes pratiques pour garantir la détention des auteurs présumés d’infractions, mérite un examen plus approfondi à la lumière des autres obligations des États, par exemple en vertu d’un accord sur le statut des forces à l’égard de l’auteur présumé d’une infraction qui se trouve sur le territoire.  En ce qui concerne les projets d’articles 8, 9 et 10, le délégué est d’avis qu’il serait utile de clarifier la situation des auteurs d’infractions qui ont déjà fait l’objet d’une enquête ou d’autres poursuites dans leur État de nationalité.

M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) a notamment estimé, au sujet de l’article 6, que la Commission devrait inclure une disposition explicite imposant aux États de prendre les mesures nécessaires pour garantir, dans leur droit interne, que les crimes contre l’humanité puissent faire l’objet d’enquête et de procès devant des tribunaux civils, cela pour éviter que des tribunaux militaires ne s’arrogent des compétences pour juger ces délits.  Seuls les tribunaux civils peuvent garantir le droit à l’impartialité du jugement et de la défense, a-t-il souligné.  Sur l’article 7, il a salué l’accent mis par la CDI sur la disposition relative à l’établissement de la compétence nationale, qui rappelle les principes classiques de la compétence tout en laissant ouverte la possibilité des États de choisir d’autres bases de compétence pour traduire en justice les auteurs de crimes contre l’humanité. 

M. PABLO ADRIÁN ARROCHA OLABUENAGA (Mexique) a commenté l’article 6 sur les obligations générales des États qui doivent adopter des mesures sur le plan national afin d’établir, poursuivre et sanctionner les crimes contre l’humanité.  Il a jugé important de reconnaître les avancées normatives des États qui, d’une manière ou d’une autre, envisagent déjà des comportements similaires commis de façon isolée, comme la torture, l’assassinat et l’homicide, dans leur législation nationale.  Il a noté que le deuxième paragraphe de l’article 6 énumère les différents comportements pouvant être adoptés pour établir les différents degrés de paternité et de participation à la commission de crimes contre l’humanité, qui sont généralement reconnus.  Il a aussi relevé que le Statut de Rome n’envisage pas l’incitation à commettre ces crimes lorsqu’ils ne se matérialisent pas, souhaitant poursuivre l’analyse de cette interprétation.  Le délégué a ensuite noté que les paragraphes 3 à 7 de l’article 6 reprennent les développements généralement reconnus. 

En ce qui concerne l’article 7, il a dit reconnaître que les fondements de l’établissement de la compétence des États énoncés au paragraphe 1 de l’article coïncident avec les critères, tels que le territoire et la nationalité, qui sont généralement reconnus tant par le droit des États eux-mêmes que par de nombreux traités internationaux.  Il est jugé pertinent de revoir la compétence en ce qui concerne les sujets apatrides ayant leur résidence habituelle dans un État.  Passant à l’obligation de poursuivre ou d’extrader, visée à la fois au deuxième paragraphe de l’article 7 et à l’article 10, il a jugé nécessaire de l’inclure dans le projet d’articles compte tenu de la gravité des crimes contre l’humanité.  Enfin, s’agissant des articles 8 et 9 relatifs aux enquêtes et aux mesures préliminaires lorsqu’un auteur présumé de l’infraction se trouve dans un État, il a estimé que leur libellé est suffisamment large et laisse aux États une grande marge d’action. 

M. ABDULRAHMAN ABDULAZIZ F. A. AL-THANI (Qatar) a déclaré que son pays s’efforce d’intégrer dans sa législation nationale les textes des conventions internationales auxquelles il est partie.  Il a toutefois insisté sur l’immunité des responsables de l’État par rapport aux compétences pénales, ainsi que sur l’importance du droit international coutumier à cet égard.  Le délégué a ainsi relevé des contradictions entre les dispositions à cet effet du groupe thématique 3 et les principes et normes établis dans les pratiques et traités internationaux ayant trait à la responsabilité des officiels de l’État dans l’exercice de leurs fonctions. 

M. PERILLEUX (Belgique) a estimé que la responsabilité des poursuites pour les crimes contre l’humanité repose en premier lieu sur les États, ceux-ci devant donc adopter un cadre légal adéquat: ces faits doivent être incriminés dans leur droit interne et leurs juridictions doivent être dotées des compétences nécessaires pour connaître de ces crimes.  Il a insisté sur cette obligation « essentielle » mise à la charge des États par le projet d’article 6, expliquant à cet égard que la Belgique a déjà incorporé les crimes contre l’humanité dans son droit interne (art. 136ter du Code pénal).  Il a ensuite commenté les termes « peines appropriées », qui doivent à son avis se comprendre comme excluant la peine de mort.  Le Code pénal belge prévoit la réclusion à perpétuité, a précisé le délégué.  Il a ensuite jugé essentielle la disposition, dans le projet d’article 8, qui prévoit l’obligation pour tout État de procéder à une enquête chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire que des actes constitutifs de crimes contre l’humanité ont été commis ou sont en train d’être commis sur tout le territoire sous sa juridiction.

Concernant le projet d’article 9, relatif aux mesures préliminaires lorsque l’auteur présumé d’un crime contre l’humanité se trouve sur le territoire, le représentant a dit qu’il doit s’interpréter comme toutes les dispositions similaires contenues dans des conventions de droit pénal international, notamment la Convention de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.  Pour lui, il va également de soi que cette disposition ne pourrait faire obstacle à l’application des règles de droit international en matière d’immunité.  Il a ensuite souligné que ce projet d’articles est sans préjudice des travaux en cours de la CDI sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Le texte du projet d’article 10, a-t-il noté, reproduit une formule utilisée dans d’autres traités multilatéraux de droit pénal international, en particulier la Convention de 1984 précitée.  Il a suggéré de remplacer l’adage aut dedere aut judicare par l’expression judicare aut dedere ou judicare vel dedere, expressions qui reflètent plus exactement l’obligation de réprimer des crimes contre l’humanité, comme pour les crimes de guerre, le crime de torture ou les disparitions forcées. 

M. JOSE JUAN HERNANDEZ CHAVEZ (Chili) a jugé très pertinent de créer une incrimination pour crimes contre l’humanité dans les législations nationales et estimé que le projet d’article 6 propose un résumé adéquat des mesures que les États doivent prendre pour garantir la répression.  Ce texte constitue donc une garantie essentielle de l’efficacité d’une future convention de lutte contre l’impunité, a estimé le représentant, qui a précisé qu’en matière de sanctions, son pays est opposé à l’imposition de la peine de mort.  Le représentant a jugé satisfaisante le libellé du projet d’article 10, qui établit l’obligation aut dedere aut judicare.  Toutefois, il a demandé que le texte précise que cette obligation ne sera pas considérée comme remplie lorsqu’une personne est extradée pour un acte illégal autre qu’un crime contre l’humanité.

M. YONG-ERN NATHANIEL KHNG (Singapour) a repris brièvement la parole pour demander qu’il soit apporté des précisions aux projets d’articles 6 et 7.  Il a en outre, concernant la peine de mort, tenu à souligner que la Convention européenne des droits de l’homme évoquée par des pays au cours des débats ne fait pas partie du droit international, ne s’impose pas aux États Membres et ne reflète pas le droit coutumier international sur le recours à la peine capitale.

Mme CROCKETT (Canada) a apprécié la flexibilité présentée par les projets d’articles relatifs aux mesures nationales.  Elle a insisté sur l’importance du projet d’article 6, étant donné les obligations qu’il crée pour les États d’inclure les crimes contre l’humanité en droit interne et de lutter ainsi contre l’impunité.  Elle a toutefois souhaité que soit précisée explicitement la possibilité pour les États d’étendre la liste des infractions ou de définir les crimes conformément aux éléments spécifiques de la responsabilité pénale en vertu de leur législation nationale.  La déléguée a estimé que l’article n’affecte pas l’application du droit international conventionnel ou coutumier sur la mise en œuvre des immunités.  Elle a pris note de l’inclusion de la responsabilité des personnes morales et de la flexibilité du libellé. 

Concernant les mesures préliminaires, la déléguée a estimé que l’article 9 devait être lu conjointement avec l’article 11 portant sur le traitement équitable de l’auteur présumé.  Elle a toutefois estimé que la référence aux droits humains des détenus pourrait être plus apparente.  Estimant par ailleurs que le libellé de l’article 9 semble plus adapté à un système inquisitoire de justice pénale qu’à un système de « common law », il a suggéré de recadrer l’article pour souligner plus simplement les obligations des États lors de l’enquête préliminaire.

M. EVGENY A. SKACHKOV (Fédération de Russie) a appuyé la limitation de l’article 6 sur l’incrimination en droit interne à une proposition générale, tout excès de détails risquant, selon lui, de créer des problèmes pour les juges nationaux.  Le représentant a en outre rappelé que les personnes morales ne pouvaient pas, dans de nombreux pays, y compris la Russie, être soumises à une responsabilité pénale.  Il a jugé trop vagues les dispositions concernant la responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques, de même que la notion de « peines appropriées ».  Le projet d’articles ne doit pas porter atteinte aux normes du droit international coutumier concernant l’immunité des représentants de l’État de la juridiction pénale étrangère, a mis en garde le représentant.  Il a mis l’accent sur le manque de priorité en cas de concurrence d’États pour poursuivre un auteur de crimes contre l’humanité et a souhaité une simplification de l’article 7 sur l’établissement de la compétence nationale, citant en référence la Convention de 1948 sur la répression du crime de génocide.  Il a estimé que la rapidité des enquêtes prévues à l’article 8 dépendait aussi des capacités nationales des États et de l’importance de l’entraide juridique internationale, appelant donc à traiter ensemble ces différents aspects.

Le représentant a jugé trop détaillé l’article 9 sur les mesures préliminaires lorsque l’auteur présumé de l’infraction se trouve sur le territoire, avertissant contre le risque d’une détention préliminaire trop longue, car, a-t-il ajouté, il existe des « exemples regrettables » de telles situations.  Il a demandé qu’existe un lien réel avec le crime pour qu’un État puisse poursuivre.  Enfin, à propos de l’obligation Aut dedere aut judicare énoncée à l’article 10, le représentant a suggéré de supprimer la référence à « une cour ou un tribunal pénal international compétent ».  Pour lui, l’interaction avec les tribunaux internationaux est régie par des accords ad hoc et, dans certains cas, par des décisions du Conseil de sécurité des Nations Unies.  Or, a-t-il conclu, cette coopération n’est pas réglementée par le projet d’articles.

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a estimé que les projets d’articles ne cherchent pas à être excessivement prescriptifs et semblent parvenir à un équilibre raisonnable permettant aux États de garder une certaine « marge de manœuvre » dans l’application de ses dispositions.  Conformément à sa pratique, la CDI n’a pas indiqué quels éléments du projet d’articles codifiaient le droit international et lesquels représentaient le développement progressif du droit international.  Le représentant a souligné la nécessité de disposer de preuves suffisantes pour la détention d’une personne aux fins d’extradition ou de sa remise à une tierce juridiction.

Le représentant de l’Égypte, dans le cadre du mini débat, a repris la parole pour souscrire à la position de Singapour concernant la peine capitale.

M. ERKAN (Türkiye) a estimé que les crimes contre l’humanité n’étant pas régis par suffisamment de normes et règles en droit international, les mécanismes envisagées doivent être proposés de façon structurée et claire pour éviter in fine toute exploitation politique du projet d’articles.  En outre, a-t-il dit, la compétence territoriale devrait primer, le projet d’article 7 sur l’établissement de la compétence nationale devant être aligné en ce sens.

Dans le cadre du mini débat, la représentante de l’Union européenne a assuré aux délégations de Singapour et de l’Égypte que les États membres de l’UE ne cherchent pas à imposer leur vision en matière de peine capitale et qu’ils sont soucieux que les débats de la Commission restent ouverts à tous les points de vue+.

Répondant à l’UE, le représentant de Singapour a répété que chaque État a en effet un droit souverain en matière de peine capitale. 

Mme LEMLEM FISEHA MINALE (Éthiopie) a estimé que les droits de l’homme existants, les lois humanitaires et autres traités ainsi que les lois pénales nationales offrent la base juridique nécessaire pour la poursuite des crimes contre l’humanité et que, si des lacunes juridiques sont observées, elles doivent être comblées par les législations nationales et les mécanismes institutionnels.  La nature des crimes contre l’humanité les rend susceptibles de subjectivité politique, a-t-elle averti.  La déléguée a ajouté que la référence à la Cour pénale internationale (CPI) ou au Statut de Rome, « qui n’est pas acceptée par plus d’un tiers des membres de l’ONU », dont l’Éthiopie, complique la discussion et sape le consensus.  Pour l’Éthiopie, le droit pénal et la politique en matière de justice pénale relèvent de la compétence nationale.  Les tribunaux internationaux ne peuvent être que ad hoc et désignés pour des cas spécifiques sur la base du consentement des États concernés.  Dès lors, a expliqué la déléguée, l’Éthiopie estime que les projets d’articles doivent être centrés sur les lois nationales, les enquêtes, les poursuites et les processus judiciaires au niveau national.

Concernant l’article 6, elle a rappelé que les crimes contre l’humanité pouvaient aussi être commis en temps de paix et a donc jugé contre-productive la définition de la culpabilité limitée aux chefs militaires.  Elle s’est prononcée pour l’énoncé de principes généraux et pour le fait de laisser aux États une marge d’appréciation sur la détermination de la culpabilité.  Elle a aussi rappelé que la Constitution éthiopienne de 1995 reconnaît les crimes contre l’humanité et leur imprescriptibilité, et que son pays connaît une forme de compétence universelle pour les crimes internationaux.  Demandant que soient pleinement respectés les principes de l’immunité des représentants de l’État et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États, la déléguée a souhaité l’incorporation d’une une disposition claire à cet effet dans le projet d’articles.  Faisant valoir que les crimes contre l’humanité sont considérés de longue date comme des actes graves qui justifient une punition, elle a demandé que la CDI travaille à une mise en garde claire et bien définie sur la « non-rétroactivité des crimes historiquement flagrants ».  Celle-ci devrait selon elle être sans préjudice de la responsabilité et de la réparation, y compris pour tous les crimes commis dans le cadre de politiques de colonisation, d’apartheid, d’agression, de ségrégation raciale ou d’occupation étrangère.

M. AMADOU JAITEH (Gambie) a estimé que les projets d’articles 6 et 7 sont essentiels pour les enquêtes et les poursuites des crimes contre l’humanité commis par les États.  Conformément au projet d’article 8, a-t-il ajouté, chaque État invite l’autorité compétente à mener des enquêtes lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que des actes constitutifs de crimes contre l’humanité ont été ou sont commis sur son territoire.  Sur le projet d’article 9, le représentant a considéré que l’obligation d’enquêter et les mesures préliminaires à prendre lorsqu’une personne est soupçonnée d’avoir commis des crimes contre l’humanité sont conformes aux autres projets d’articles et au droit international.  Concernant le projet d’article 10, que son pays accueille favorablement, il a assuré que Gambie est fermement engagée dans la lutte contre toutes les violations des droits humains.  « Ceux qui sont les auteurs présumés de crimes contre l’humanité ne devraient pas avoir un sanctuaire sûr pour se dérober aux poursuites. »

Mme LIGIA LORENA FLORES SOTO (El Salvador) a axé son intervention sur l’analyse du paragraphe 3 de l’article 6, qui dit que tout État prend les mesures nécessaires pour que les chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques soient pénalement responsables des crimes contre l’humanité commis par leurs subordonnés.  La référence à la notion d’« auteur intermédiaire » mériterait selon elle d’être clarifiée, la structure même de cette notion supposant automatiquement l’intervention de deux personnes au moins.  La rédaction pourrait préciser davantage cette notion, selon elle, en tenant compte du fait que cette forme de responsabilité suppose d’agir pour le compte d’autrui.  Elle constitue une modalité indépendante du reste, puisqu’il ne s’agit pas d’un acte direct, mais d’un acte criminel par l’intermédiaire d’un autre, dont on se sert comme instrument, a-t-elle relevé.

Concernant le projet d’article 7 relatif à la compétence nationale, et plus spécifiquement le paragraphe 2, elle a estimé que ce type de compétence sans liens territoriaux ou personnels semble faire référence au principe de la compétence universelle.  Cela est pertinent, selon elle si l’on tient compte de la nature du crime et si on améliore la distinction entre principe d’extradition et principe de jugement.  Elle a souhaité que le libellé permette de préciser la vraie portée du projet.

M. YANG LIU (Chine), soulignant l’importance de respecter la souveraineté législative des pays, s’est déclaré « convaincu qu’il n’est pas possible d’adopter une approche unie en vue de parvenir à l’élaboration d’une convention sur les crimes contre l’humanité ».  Sur la responsabilité pénale des agent publics et leur immunité, le représentant s’est dit d’accord avec les remarques de la CDI selon lesquelles les dispositions des projets d’articles n’ont aucun effet sur quelque immunité que ce soit, celle-ci restant régie par le droit coutumier et les traités afférents.  En outre, il a indiqué que toute question de prescription sur les crimes contre l’humanité doit être décidée de manière indépendante par chaque pays.  De même, le fait que des personnes morales puissent être sujets de crimes contre l’humanité est une question qui doit être tranchée par chaque pays en fonction des circonstances et des compétences nationales, a-t-il insisté.  Enfin, le représentant a estimé que la portée et le champ d’application de la compétence nécessite la poursuite d’un débat approfondi à la Sixième Commission. 

Mme LOUREEN SAYEJ, de l’État de Palestine, a déclaré qu’en matière de responsabilité pénale, il est important de reconnaître le rôle de l’incitation dans la commission des crimes contre l’humanité, « ceux qui incitent », ne pouvant rester impunis.  Par conséquent, l’État de Palestine se joint à d’autres pour affirmer que l’incitation à commettre ou à menacer de commettre des crimes contre l’humanité, en public comme en privé, directement ou indirectement, est un mode de responsabilité bien établi en droit pénal international, et demande son inclusion dans l’article 6(2).  En ce qui concerne l’article 6(4), a poursuivi la déléguée, l’État de Palestine réitère sa position de longue date selon laquelle « il n’existe aucun motif d’exonération de la responsabilité pénale », car cela serait incompatible avec la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Ainsi la déléguée a-t-elle indiqué attendre avec intérêt les échanges de vues avec d’autres États sur ce point.  En ce qui concerne la compétence, la primauté devrait également être accordée à la compétence personnelle, a-t-elle ajouté, avant de noter qu’un État a des obligations d’enquêter sur les crimes contre l’humanité commis par ses organes, ses forces armées et son personnel privé, où qu’ils agissent, y compris sur un territoire étranger.

Groupe thématique 4: mesures internationales (articles 13, 14 et 15 et annexe)

Déclarations

Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne, a rappelé que l’extradition est un outil juridique utile dans la lutte contre l’impunité, ce qui fait de l’article 13 du projet un élément important de la coopération interétatique dans la répression des crimes contre l’humanité.  Le projet d’articles ne contient aucune obligation d’extrader l’auteur présumé de l’infraction, a noté la représentante.  L’obligation réside dans la poursuite, sauf en cas de remise ou d’extradition de l’auteur.  En outre, toutes les infractions énumérées dans le projet d’articles sont passibles d’extradition et il n’y a pas d’exception pour les « infractions politiques », s’est félicitée la représentante. 

La coopération interétatique étant essentielle pour les enquêtes et les poursuites, l’Union européenne, a-t-elle dit, appuie l’article 14 et son annexe qui ne s’appliquent qu’aux situations où il n’y a pas de traité d’entraide judiciaire en place.  La représentante s’est félicitée de ce que la transmission d’informations se fasse « sans préjudice du droit national ».  Elle a également rappelé que tous les membres de l’Union européenne figurent parmi les 77 États du monde entier qui soutiennent l’initiative MLA visant à renforcer la coopération interétatique pour faciliter les poursuites devant les juridictions nationales des crimes internationaux.  Cette initiative ne s’oppose pas aux dispositions correspondantes du projet d’articles, a-t-elle estimé.  Enfin, elle a pris note de la flexibilité de l’article 15 du projet sur le règlement des différends, estimant qu’elle permet aux États de s’en inspirer ou de le développer davantage s’ils le souhaitent. 

Au nom des pays nordiques, Mme THORVARDARSON (Islande) a souligné que plusieurs aspects de la coopération internationale sont essentiels pour atteindre les objectifs généraux de prévention et de répression des crimes contre l’humanité.  En effet, pour lutter contre l’impunité, il faut que les États puissent poursuivre au niveau national, ce qui suppose une définition claire dans le traité, une législation nationale mais aussi une compréhension commune et des dispositions claires sur la coopération interétatique.  Faute de quoi, les États pourraient devenir involontairement des refuges pour ceux qui commettent des crimes internationaux graves.

Pour les pays nordiques, le projet d’articles constitue un ajout solide pour le droit international en soi et contribue à la mise en œuvre du principe de complémentarité tel que prescrit par le Statut de Rome.  La représentante a toutefois fait valoir qu’adhérer à un accord basé sur le projet d’articles proposé par la CDI n’entraîne aucune obligation de ratifier le Statut de Rome.  Pour les pays nordiques, un juste équilibre a été trouvé entre efficacité et acceptabilité.  Le texte s’appuie largement sur des dispositions conventionnelles largement acceptées et ne dépend pas de l’adhésion à un autre traité.  C’est même un des points forts du projet d’articles.  La représentante a estimé que ce projet serait complémentaire du traité multilatéral qui pourrait résulter de la conférence diplomatique MLA qui se tiendra en Slovénie, le mois prochain.  Elle a également qualifié de claires et d’équilibrées les dispositions concernant le règlement des différends. 

M. MICHAEL HASENAU (Allemagne), notant que les articles 13 et 14 ainsi que l’annexe au projet d’articles encouragent la coopération entre les États en matière de crimes contre l’humanité, a souligné qu’ils sont largement basés sur des traités existants.  L’article 13 sur l’extradition énonce en effet en détail les règles régissant l’extradition des personnes accusées de crimes contre l’humanité, tandis que l’article 14 promeut l’entraide judiciaire la plus large possible dans les enquêtes et les poursuites pour crimes contre l’humanité, a-t-il dit.  En outre, l’annexe est destinée à couvrir les demandes qui ne sont pas déjà soumises à un traité d’entraide judiciaire, les dispositions proposées comblant ainsi un vide juridique qui pourrait exister en matière de prévention et de répression des crimes contre l’humanité.  Pour le délégué, ces dispositions fournissent une base pour de nouvelles négociations.  L’article 15 sur le règlement des différends, quant à lui, constitue le mécanisme d’application du projet de convention, a-t-il poursuivi.  Il s’agit d’un libellé classique par lequel les États ont l’obligation de résoudre leurs différends par la négociation et, en cas d’échec, de soumettre leurs différends à la CIJ à moins qu’ils n’acceptent plutôt de les soumettre à l’arbitrage.  Alors que les détails feront l’objet de négociations ultérieures, l’Allemagne estime qu’une clause conférant une juridiction obligatoire à la CIJ serait la voie la plus efficace pour promouvoir la responsabilité des crimes contre l’humanité. 

M. EMIL RUFFER (République tchèque) a estimé que les projets d’articles 13 et 14, portant respectivement sur l’extradition et l’entraide judiciaire, constituent une excellente base pour de nouvelles négociations.  Il a notamment jugé le projet d’article 13 « pas trop prescriptif » tout en apportant une clarté juridique suffisante pour les États qui l’utilisent comme base pour l’extradition.  Il s’est en particulier dit satisfait que la question des demandes multiples d’extradition n’ait pas été traitée en détail et ait été laissée à la discrétion des États, notant qu’il existait d’énormes différences entre États dans ce domaine.  Il a également jugé nécessaire et suffisant le cadre offert par le projet d’article 14 pour l’entraide judiciaire dans ce domaine.  L’annexe fournie sur ce point sera un guide utile et pourrait servir de modèle de coopération, voire de mise en œuvre en tant que législation nationale, a-t-il ajouté.

Le représentant s’est dit satisfait des dispositions concernant le règlement des différends et notamment le recours immédiat à la CIJ si les négociations entre États échouent, sauf si les États décident de soumettre la question à l’arbitrage.  Il y a vu le reflet de la gravité des crimes contre l’humanité.  Il a par ailleurs estimé que le projet de convention ne devrait pas interdire expressément les réserves et devrait s’en tenir au régime de la Convention de Vienne sur le droit des traités.  Nous devrions essayer d’éviter les efforts qui pourraient inutilement compromettre la capacité des États à ratifier le traité, a-t-il plaidé, en rappelant que l’objectif devrait être de créer un régime conventionnel viable qui « n’approfondisse pas, mais comble le fossé entre les États » dans le domaine de la justice pénale internationale.

Mme LUCIA TERESA SOLANO RAMIREZ (Colombie) a constaté que le projet d’article 13 contenait deux avancées en matière d’extradition non définies dans les règles conventionnelles applicables à tous les comportements constitutifs de crimes contre l’humanité: le devoir « d’extrader ou de poursuivre » et l’utilisation du projet de convention comme source suffisante pour la procédure d’extradition.  À son avis, le contenu de l’article est applicable et compatible avec la pratique des États en matière d’extradition.  La déléguée a par ailleurs estimé que l’outil de coopération internationale établi au paragraphe 4 était important dans la mesure où il permet, compte tenu de la nécessité de rendre la justice dans des cas extrêmement graves, de surmonter des lacunes institutionnelles et diplomatiques, telles que l’absence de traités d’extradition bilatéraux ou multilatéraux.  Concernant l’annexe, elle a noté qu’elle était de nature procédurale; elle fait référence aux procédures à suivre entre l’État requérant et l’État requis dans le cadre des demandes d’entraide judiciaire relatives aux crimes contre l’humanité.  L’annexe contient des termes généralement acceptés, a-t-elle ajouté.

M. MICHAEL TOMBS (Royaume-Uni) a réitéré qu’il est préférable que les crimes soient poursuivis dans l’État où ils ont été commis.  Cependant, étant donné la gravité des crimes visés par le projet d’articles, il est juste à son avis que ce projet comprenne des dispositions relatives à l’extradition et à l’entraide judiciaire.  Sur l’extradition, et s’agissant du projet d’article 13, paragraphes 2 et 3, il a soutenu un amendement afin de refléter plus étroitement la Convention des Nations Unies contre la corruption sur laquelle ils sont basés en incluant une référence aux « dispositions de droit interne ».  Le représentant a noté que la liste des motifs irrecevables a été élargie pour refléter la liste des facteurs figurant dans le projet d’article 2(1)(h) et semble être plus large que celles figurant dans les traités sur lesquels ces projets d’articles sont fondés, tels que la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et la Convention contre la corruption.  Il s’est demandé si ce champ d’application plus large est nécessaire étant donné que le commentaire indique clairement que l’État requis n’est pas tenu d’extrader s’il estime que la demande est fondée sur des motifs irrecevables en vertu du droit international.  Passant au projet d’article 14 sur l’entraide judiciaire, le délégué a noté que ses dispositions sont basées sur des dispositions similaires de la Convention contre la criminalité transnationale organisée et de la Convention contre la corruption, et s’est dit favorable à la rédaction de ces dispositions.

Sur l’utilisation des informations par l’État requérant, il a noté que le paragraphe actuel sur la confidentialité est basé sur l’article 46, paragraphe 20 de la Convention contre la corruption.  Toutefois, il a dit qu’il préférerait une formulation légèrement plus détaillée dans ce cas.  Passant au paragraphe 16 qui se rapporte à l’utilisation des liens vidéo, il a fait valoir qu’il s’agit d’une option tout aussi valable, plutôt que d’une option secondaire moins attrayante que la comparution en personne.  En effet, l’importance de ces options est devenue plus claire à la lumière de la pandémie mondiale, a-t-il souligné.  Notant qu’il y a souvent une divergence entre la pratique et la réalité dans la mise en œuvre des conventions, le représentant a déclaré que si une convention était adoptée, il serait impératif que les futurs États parties la mettent effectivement en œuvre.  Un mécanisme de suivi pourrait contribuer à la prévention en examinant les « signes d’alerte précoce » des crimes contre l’humanité et donner l’occasion de partager les meilleures pratiques des États, y compris les moyens de renforcer la mise en œuvre, par exemple la législation nationale pour traiter des questions telles que la violence sexuelle liée aux conflits.  Le Royaume-Uni serait donc favorable à un mécanisme de suivi en principe, a-t-il précisé.

M. MOHAMMAD GHORBANPOUR NAJAFABADI (République islamique d’Iran) a jugé les dispositions des articles du projet concernant l’extradition et l’entraide judiciaire « étonnamment similaires » à celles des Conventions des Nations Unies contre la corruption et sur la lutte contre la criminalité transnationale organisée.  Ces articles, a-t-il estimé, devraient plutôt s’inspirer de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.  En outre, les arrangements mentionnés devraient être laissés aux États souverains, a dit le représentant qui s’est en outre opposé au paragraphe 9 de l’article 14, car il reconnaît des mécanismes qui n’ont pas été adoptés par consensus et qui ne sont ni légitimes ni légaux puisqu’ils ont été établis sur la base d’agendas politiques par des organes sans autorité ni compétence.  En revanche, le représentant a appuyé dans l’ensemble la formulation de l’article 15 sur le règlement des différends.

M. VICTOR SILVEIRA BRAOIOS (Brésil) a jugé que le libellé des projets d’articles sur les mesures internationales est en général conforme aux autres traités internationaux et noté qu’ils rappellent que l’extradition et l’entraide judiciaire sont soumises aux conditions prévues par le droit national de l’État requis.  Il s’est félicité que soit préservé le droit de l’État requis de ne pas extrader lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire que l’accusé peut être puni en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son origine ethnique, de sa culture, de son appartenance à un groupe social particulier ou de ses opinions politiques.  Il a suggéré de préciser que rien ne devrait pouvoir être interprété comme imposant une obligation d’extrader lorsque la personne doit comparaître devant un tribunal extraordinaire ou lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire que la personne peut encourir l’application de la peine de mort.

M. KOWALSKI (Portugal) a salué le paragraphe 4 du projet d’article 13 selon lequel le projet d’articles peut être considéré comme base juridique de l’extradition en cas de crime contre l’humanité, ce qui est particulièrement important pour les États ayant un traité d’extradition à cette fin.  Le projet d’article 14, y compris l’annexe mentionnée dans son paragraphe 8, fournit la base juridique de l’entraide judiciaire entre États et revêt une grande importance pratique, a-t-il dit.  Le représentant s’est félicité de la possibilité d’inclure des dispositions détaillées sur l’entraide judiciaire dans la collecte d’informations et de preuves pour faciliter les enquêtes ou les poursuites en cours dans un autre État.  En ce qui concerne le projet d’article 15 sur le règlement des différends relatifs à l’interprétation ou à l’application du projet d’articles, il s’est dit satisfait de l’approche en deux étapes proposée par la CDI pour prévoir le recours à la CIJ ou à l’arbitrage, si le différend ne peut être réglé par des négociations.  Sur ce dernier point, le représentant a toutefois indiqué ne pas soutenir le paragraphe 3 qui permet aux États de se retirer de la juridiction de la CIJ ou de l’arbitrage comme moyen de régler les différends.  En effet, si sa délégation comprend que la CDI ait choisi de suivre l’exemple de la Convention des Nations Unies contre la corruption, à son sens, et compte tenu de la nature particulière des crimes contre l’humanité, « l’exemple à suivre doit être la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide qui ne prévoit pas une telle clause de non-participation ».  Le recours à la CIJ ne souffre d’aucune limite, a-t-il conclu.  

M. MATÚŠ KOŠUTH (Slovaquie) a noté les liens du projet d’article 13 sur l’extradition avec d’autres projets d’articles, en particulier le paragraphe 2 du projet d’article 7, le paragraphe 3 du projet d’article 9 et le projet d’article 10.  Conformément au projet d’article 10, un État peut s’acquitter de son obligation découlant du principe aut dedere aut judicare en extradant ou en remettant l’auteur présumé de l’infraction à un autre État ou à une cour ou un tribunal international compétent, a-t-il souligné.  Le projet d’article 13 lui a semblé utile à cet égard parce qu’il facilite l’extradition en énonçant clairement les droits, obligations et procédures applicables.  En ce qui concerne le projet d’article 15 sur le règlement des différends, la Slovaquie soutient pleinement le premier paragraphe qui met principalement l’accent sur les négociations entre les États concernés.  En outre, la Slovaquie reconnaît naturellement la compétence de la CIJ en ce qui concerne les différends relatifs à l’interprétation ou à l’application des projets d’articles tels qu’ils sont envisagés au paragraphe 2.  Le représentant a noté qu’il n’y a pas de durée spécifique de négociation prescrite pour qu’un État soumette un différend à la CIJ, tant qu’il y a eu une véritable tentative de négociation, qu’elle n’a pas abouti au règlement du différend et que les États n’ont pas accepté de soumettre le différend à l’arbitrage.  En tout état de cause, la délégation préférerait que le libellé du paragraphe 2 de la Convention sur le génocide prévoie un recours immédiat à la CIJ.  En ce qui concerne le paragraphe 3, le représentant a été d’avis que la clause d’exclusion affaiblit la réalisation de l’objet et du but du projet d’articles.  Il a demandé aux autres délégations de faire part de leur avis sur l’idée d’un mécanisme de contrôle ou de suivi, ajoutant qu’un mémorandum préparé par le Secrétariat pendant les travaux de la Commission, s’inspirant des mécanismes de contrôle existants fondés sur les traités, pourrait être d’une grande pertinence pour cette discussion.

M. ENRICO MILANO (Italie) s’est félicité que le projet d’article 13 sur l’extradition s’inspire des conventions sur la criminalité organisée et sur la corruption car il s’agit de traités presque universellement ratifiés.  Il s’est félicité que l’extradition ne soit pas obligatoire et dépende des mesures nationales en la matière, ce qui permet d’accroître la sécurité juridique.  Le représentant a souhaité l’ajout d’une disposition pour dire que rien n’oblige un État à extrader une personne s’il considère qu’elle risque d’être soumise à des violations de ses droits sur la base d’éléments tel que la race, la religion ou les opinions politiques, qui sont des dispositions communes aux différents traités relatifs aux droits humains.  Il a jugé satisfaisant le libellé de l’article 14 relatif à l’entraide judiciaire tout en observant que les commentaires y relatifs de la CDI semblaient « contradictoires et confus ». 

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a souhaité que le projet d’article 13 portant sur l’extradition mentionne le respect du droit international en termes de conclusion d’accords bilatéraux ou régionaux.  Il s’est opposé au contenu du paragraphe 4 qui considère que les projets d’articles constituent la base juridique de l’extradition pour les États qui subordonnent l’extradition à l’existence d’un traité.  Le représentant a estimé que le paragraphe 11, concernant le refus de l’extradition, est incompatible avec les dispositions du paragraphe 3, qui retirent selon lui à l’État la capacité d’examiner une demande d’extradition.  Il a jugé acceptable le paragraphe 2 de l’annexe concernant la désignation d’une autorité centrale.  S’agissant du paragraphe 3 de l’annexe, il a insisté sur la présentation de demandes d’entraide judiciaire par écrit et suggéré de supprimer la dernière phrase autorisant des demandes orales. 

M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a estimé que les articles 13 et 14 permettront de combler un vide juridique.  Il a souligné que les crimes transnationaux de génocide, de guerre et contre l’humanité ne peuvent pas être considérés comme des crimes politiques.  Il faut consolider le droit international coutumier sur ce point, a souhaité le représentant.  Sur l’article 14 relatif à l’extradition, il a expliqué vouloir examiner les effets de sa mise en œuvre sur la loi sur l’extradition nationale pour éviter toute incohérence.  S’agissant de l’entraide judiciaire, il a salué l’approche adoptée et, sur le plan politique, il a salué la disposition qui demande aux États de prendre les mesures d’entraide judiciaire qui s’imposent, notamment pour ce qui est des infractions couvertes par l’article 14.  Pour ce qui est de l’article 15, relatif au règlement des différends, le délégué a soulevé la question de savoir si un État accusé de crimes contre l’humanité sera disposé à entrer en négociation avec un autre État.  Il n’est pas sûr qu’un modèle de règlement des différends est souhaitable pour les pires crimes, en pointant aussi du doigt le système de opt-in opt-out prévu dans cet article.  Il a noté qu’un grand nombre d’États n’investissent pas de capital politique pour régler les différends avec d’autres États lorsque des crimes contre l’humanité sont commis.  Il faudrait au moins prévoir une compétence obligatoire de la CIJ à la demande de tout autre État partie au différend pour mettre toute future convention sur un pied d’égalité avec celle contre le génocide.  Le représentant a conclu en soutenant l’idée d’inclure un mécanisme de contrôle dans la future convention. 

Mme ALEXANDRA HUTCHISON (Australie) a fait remarquer que les États ayant une compétence en matière de nationalité ont tout intérêt à faire en sorte que leurs ressortissants répondent de leurs actes.  Elle a donc estimé que le paragraphe 12 du projet d’article 13 gagnerait à exiger des États qu’ils prennent dûment en considération non seulement la demande d’extradition émanant de l’État sur le territoire duquel l’infraction présumée a été commise, mais aussi celle émanant de l’État dont l’accusé a la nationalité.  Concernant le projet d’article 14 et l’annexe sur l’entraide judiciaire, l’Australie soutient l’approche adoptée par la CDI.  Si certains États préféreraient un énoncé plus succinct, la déléguée australienne a toutefois estimé que le niveau actuel de précision est particulièrement utile dans les situations où il n’existe pas de traité d’entraide judiciaire entre l’État requérant et l’État requis. 

Enfin, concernant le groupe thématique 4 dans son ensemble, la représentante a relevé qu’une question clef demeure absente des projets d’articles: le renforcement des capacités.  Ayant écouté attentivement les délégations estimant qu’il fallait faire davantage pour renforcer les capacités nationales en matière d’enquête, de poursuites et de justice -le moyen le plus efficace de prévenir et de punir les crimes contre l’humanité-, la déléguée a indiqué que son pays réfléchissait à la manière dont le projet d’articles pourrait jouer un rôle de « catalyseur », en encourageant une plus grande coopération internationale; coopération qui, à son tour, renforcerait l’efficacité et l’inclusivité de toute future convention.

Mme ALIS LUNGU (Roumanie) a reconnu, concernant la clause de non-participation comprise dans le projet d’article 15, qu’une telle disposition pourrait avoir une influence positive sur le nombre total de ratifications d’une future convention.  En introduisant une clause de non-participation à une clause compromissoire, certains États pourraient être disposés à signer des traités qu’ils n’auraient pas signés autrement, renforçant ainsi le cadre juridique international, a-t-elle fait remarquer.  Cependant, a-t-elle ajouté, cela omet le rôle important de la CIJ dans l’ordre juridique créé par ces obligations, alors que cette dernière joue un rôle essentiel en garantissant l’application des traités en question, sans quoi les obligations substantielles seraient réduites à des mots vides de sens. 

Il existe de nombreuses autres raisons pour la déléguée roumaine d’accepter la compétence de la Cour en tant que mécanisme de règlement des différends: sa vaste expertise en matière de règlement des différends, sa compétence dans les affaires contentieuses fondée sur le consentement des États, son offre d’un mécanisme de règlement des différends efficace et abordable, entre autres.  C’est pourquoi elle a appelé à la plus grande prudence dans l’analyse de la clause d’exclusion.  Compte tenu de l’objectif d’un futur instrument -dissuader et mettre fin à l’impunité pour les crimes contre l’humanité- elle s’est dite préoccupée par la possibilité d’affaiblir cet outil crucial, en notant par ailleurs que dans la Convention sur le génocide ne figurait pas une telle clause d’exclusion.

Mme MARUBAYASHI (Japon) a déclaré que les infractions donnant lieu à l’extradition mentionnée au paragraphe 2 de l’article 13 sont définies comme « les infractions visées par le présent projet d’articles ».  Afin de les rendre acceptables pour un plus grand nombre de pays, il serait souhaitable de préciser que les infractions ne s’appliquent qu’aux infractions prévues dans les législations nationales pour la mise en œuvre de la convention, a-t-elle dit.  Quant au paragraphe 9 de l’article 13, la déléguée a jugé nécessaire d’en discuter attentivement, y compris des situations spécifiques qui peuvent être envisagées.  La relation avec l’extradition vers la CPI n’étant selon elle pas organisée, sa délégation propose d’ajouter la phrase « sauf en cas d’extradition vers la CPI ».  Il serait également souhaitable d’ajouter « sans préjudice du droit interne » avant « État » au paragraphe 1 de l’article 14 sur l’entraide judiciaire, a-t-elle proposé.  Pour le paragraphe 16 de l’annexe, et afin de permettre une souplesse en fonction de la situation de chaque pays, la déléguée a suggéré d’ajouter la phrase « le cas échéant » après « dans la mesure du possible et conformément aux principes fondamentaux du droit national ».  En tout état de cause, l’annexe devrait continuer d’être prise en compte en raison de la diversité de son contenu, a-t-elle estimé. 

M. BRIAN KELLY (États-Unis) a noté, concernant les projets d’articles 13 et 14, que la coopération entre les États en matière d’extradition et d’entraide judiciaire dans les affaires de crimes contre l’humanité est essentielle aux efforts internationaux visant à prévenir et à punir ces crimes.  Or, a-t-il observé, « comme l’Histoire l’a déjà montré, les crimes contre l’humanité respectent rarement les frontières internationales ».  À cet égard, ces projets d’articles jouent un rôle important dans la structure globale du projet d’articles.  Concernant le projet d’article 15 sur le règlement des différends, il s’est félicité de l’inclusion dans le paragraphe 3 d’un processus par lequel les États pourraient déclarer qu’ils ne se considèrent pas liés par le paragraphe 2.  Il a d’ailleurs noté que les conventions en vertu desquelles les États peuvent émettre des réserves ou se soustraire à la compétence de la CIJ, telles que la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et la Convention contre la torture, avaient davantage de chances d’être largement ratifiées.

Mme NATALIA JIMÉNEZ ALEGRÍA (Mexique) a réitéré l’importance des articles sur l’extradition, l’entraide judiciaire et le règlement des différends.  Elle a jugé important que les États puissent établir leur compétence à l’égard des crimes contre l’humanité, non seulement lorsque ceux-ci ont été commis sur leur territoire mais également lorsqu’il existe un lien de nationalité avec l’auteur présumé ou les victimes.  La représentante y a vu un outil de la communauté internationale pour « lutter contre l’inaction et la réticence à poursuivre les personnes soupçonnées de crimes ».  Elle s’est en outre félicitée que les comportements visés ne puissent être qualifiés d’infractions à caractère politique.  Pour le Mexique, l’article 14 et son annexe fonctionneront comme une base juridique solide pour l’entraide judiciaire entre États.  La représentante a souhaité que les obligations des États en la matière soient le plus détaillées possibles.  Elle a jugé approprié qu’il existe un mécanisme qui accorde à la Cour internationale de Justice (CIJ) la compétence pour connaître d’éventuels différends entre États concernant l’interprétation et l’application des obligations découlant des articles, mais elle a estimé que ces mécanismes devraient être obligatoires.  Selon elle, il faudrait donc supprimer les paragraphes 3 et 4 de l’article 15 consacré au règlement des différends.

M. ABDULRAHMAN ABDULAZIZ F. A. AL-THANI (Qatar) a indiqué que le projet d’article 13 sur l’extradition renvoie au principe, consacré par la législation de son pays, selon lequel les États ne doivent pas extrader leurs propres ressortissants.  Le délégué a ajouté que les dispositions du projet d’article en question ne doivent pas être interprétées comme une possibilité laissée aux États d’agir autrement, y compris à des fins politiques.  Il a par ailleurs jugé qu’il importe de se pencher sur le droit interne applicable en matière d’extradition quand un crime est commis au-delà des frontières d’un État.

M. PERILLEUX (Belgique) a milité pour la coopération judiciaire entre États, la jugeant essentielle dans les affaires de crimes contre l’humanité qui contiennent souvent de nombreux éléments d’extranéité.  En matière d’extradition, il a estimé que le projet d’article 13 offre une base solide pour l’exécution des demandes en ce sens.  Il l’a jugé particulièrement utile pour les États qui, comme la Belgique, conditionnent les extraditions à l’existence d’un traité avec l’État requérant.  Une procédure claire et détaillée d’extradition est un élément essentiel dans la lutte contre l’impunité des auteurs de crimes contre l’humanité, a—t-il poursuivi.  Le délégué a rappelé à cette occasion que l’Argentine, la Belgique, la Mongolie, les Pays-Bas, le Sénégal et la Slovénie ont lancé une initiative en matière d’entraide judiciaire, plus connue sous le nom d’« initiative MLA », qui se concentre sur la création d’un cadre moderne et détaillé pour l’entraide judiciaire et l’extradition à l’égard des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.  Il a relevé qu’une conférence diplomatique se tiendra du 15 au 26 mai prochains à Ljubljana (Slovénie) pour mener des négociations en vue de l’adoption d’une convention pour la coopération internationale en matière d’enquête et de poursuite du crime de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre.  Cette initiative et le projet d’articles de la CDI, qui a une approche holistique, sont donc complémentaires et peuvent coexister et continuer de se développer en parallèle, a conclu le délégué. 

M. JOSE JUAN HERNANDEZ CHAVEZ (Chili) a jugé adapté le projet d’article 13 sur les modalités de l’extradition dans la mesure où il vise à faciliter et à établir des règles uniformes en la matière, sans établir une obligation d’extrader.  S’agissant du projet d’article 15, le représentant a trouvé pertinent qu’une future convention établisse des mécanismes de règlement des différends, tout en ajoutant que la proposition d’une clause permettant de ne pas recourir à la Cour internationale de Justice (CIJ) devrait être soigneusement analysée lors de la future négociation de la convention.

Mme CROCKETT (Canada) a apprécié la nature des projets d’articles inclus dans le groupe thématique 4, qui constituent la pierre angulaire des efforts continus des États.  Elle a toutefois noté que certains d’entre eux nécessitent un examen plus approfondi et devraient tenir compte des discussions en cours sur le projet de convention sur la coopération internationale en matière d’enquêtes et de poursuites relatives aux génocides, aux crimes contre l’humanité, aux crimes de guerre et aux autres crimes internationaux, également connu sous le nom « d’initiative MLA ».  Plus spécifiquement, la déléguée a cité les demandes des États visant à subordonner l’extradition à l’existence d’un traité, conformément au projet d’article 13(5), en estimant qu’il serait pertinent d’ajouter qu’une telle demande devrait être faite au moment du dépôt des instruments de ratification, à l’instar de la référence contenue dans la Convention contre la criminalité transnationale organisée.  En gardant à l’esprit le principe général du droit international selon lequel les lois nationales ne peuvent pas prévaloir sur les obligations juridiques internationales, elle a recommandé de revoir la formulation utilisée dans ce paragraphe.  Tout en soulignant l’importance des projets d’articles 13 et 14 et le rôle qu’ils jouent en fournissant aux États les détails nécessaires pour faciliter la coopération en matière d’extradition et d’entraide judiciaire pour les crimes contre l’humanité, la déléguée a insisté sur la nécessité d’examiner cette disposition en même temps que les dispositions correspondantes figurant dans le projet d’initiative MLA, en vue d’une approche harmonisée.  Le Canada suit également de près les discussions sur un mécanisme potentiel de suivi pour la future convention.

M. EVGENY A. SKACHKOV (Fédération de Russie) a considéré qu’il est « déraisonnable », s’agissant des articles 13 sur l’extradition et 14 sur l’entraide judiciaire, d’utiliser les dispositions des régimes conventionnels existants dans le domaine de la corruption et de la criminalité organisée.  Il existe en effet une différence dans la nature juridique de ces infractions, ce qui suggère des approches différentes.  Bien que le projet d’article 14 ne puisse pas résoudre tous les problèmes qui peuvent se poser dans le cadre des enquêtes et des poursuites relatives aux crimes contre l’humanité, un niveau de détail élevé peut selon lui nuire à la participation à une éventuelle convention.  Le paragraphe 9 du projet d’article 14, selon lequel les États peuvent conclure des accords avec des mécanismes internationaux créés par des organes intergouvernementaux des Nations Unies, est à ses yeux « inacceptable » en raison de l’existence de « structures illégitimes » établies en violation du droit international et de la Charte des Nations Unies.

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a appelé à se montrer prudent quant aux dispositions relatives à l’extradition dans le projet d’articles afférent, de nombreux pays ayant des traités bilatéraux régissant l’extradition.  Le degré de suspicion et des éléments de preuves raisonnables sont nécessaires afin de déclencher l’extradition en dehors de toute motivation politique, a-t-il ajouté, soulignant que la liberté de l’être humain est sacrosainte: « les puissances politiques ne peuvent pas l’utiliser comme un pion que l’on déplace sur un échiquier ».  Concernant l’entraide judiciaire, le représentant a estimé que le projet d’article 14 est encore trop vaste.  Selon lui, l’entraide envers un État requérant doit être activée par les autorités compétentes de ce dernier.  Quant aux États qui ne peuvent pas régler des questions d’entraide judiciaire et n’ont pas « le luxe » de se tourner vers la CIJ, un système juridique prévisible devrait être envisagé, la finalité étant de permettre la vie en toute dignité de l’ensemble des citoyens.

M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) a jugé essentiel le rôle de l’entraide judiciaire et de la coopération internationale.  L’Argentine, qui a une longue expérience des enquêtes et poursuites en matière de crimes contre l’humanité, appuie fermement le projet d’articles sur le sujet.  Le représentant a expliqué que les obstacles juridiques à l’extradition sont liés notamment à la définition de l’infraction, mais aussi à la prescription et à la fréquente double nationalité de la personne concernée.  Pour surmonter ces obstacles, l’Argentine propose d’inclure des dispositions relatives aux canaux de transmission de la demande d’extradition ainsi que sur la détention préventive aux fins d’extradition, qui impliquerait INTERPOL, ou encore la possibilité d’accélérer la procédure avec le consentement de la personne visée par la demande d’extradition.  Ces dispositions devraient faire l’objet d’une partie séparée dans l’annexe au projet d’article 14, a estimé le représentant, qui a en outre suggéré d’impliquer davantage les autorités centrales dans le contexte de l’entraide judiciaire. 

M. CHANG WUN-JEUNG (République de Corée) a noté que le projet d’article 13 prévoit que les crimes contre l’humanité sont considérés comme une infraction passible d’extradition et qu’une infraction visée par le projet d’article n’est pas considérée comme une infraction politique, ce qui est souvent un motif de refus d’extradition.  Il a toutefois relevé que ce projet d’article ne prévoit pas de motifs de refus d’extradition en détail, mais qu’il indique simplement que l’extradition est accordée dans les conditions prévues par le droit national de l’État requis et les traités d’extradition applicables.  Par conséquent, il a suggéré que tout potentiel État partie affine son droit interne pour refléter pleinement l’objectif de ce projet d’article.  S’agissant du projet d’article 14 et de l’annexe qui visent à faciliter l’entraide judiciaire en matière de crimes contre l’humanité, le délégué ne pense pas qu’ils menacent l’indépendance judiciaire d’un État Membre.  Une fois bien établi, en particulier entre les États qui n’ont pas de traités bilatéraux ou multilatéraux en la matière, le cadre de coopération interétatique contribuera à prévenir les crimes contre l’humanité en augmentant la possibilité de punir efficacement les auteurs et en les isolant sur le plan diplomatique, a fait valoir le représentant. 

Passant au projet d’article 15 qui porte sur le règlement des différends, il a relevé que le paragraphe 1 ne mentionne que l’obligation de régler les différends relatifs à l’interprétation ou à l’application de ce projet d’articles.  Il n’est donc pas certain que les différends incluent ceux relatifs à la responsabilité d’un État qui ne respecte pas les obligations découlant du projet d’articles, a-t-il souligné.  Il a rappelé que le paragraphe 2 du projet d’article 15 prévoit que tout différend non réglé par voie de négociation est soumis à la CIJ, à moins que les États ne conviennent de soumettre le différend à l’arbitrage; et que le paragraphe 3 prévoit que chaque État peut déclarer qu’il ne se considère pas lié par le paragraphe 2.  Aux yeux de la délégation coréenne, cette clause de non-participation est un compromis réaliste pour inviter les États qui ne souhaitent pas être liés par un mécanisme obligatoire de règlement des différends. 

Mme LOUREEN SAYEJ (Palestine) a estimé, au sujet du règlement pacifique des différends, que le rôle conféré à la CIJ devrait être plus important dans la prévention et la répression des crimes contre l’humanité. 

Échanges interactifs

Le représentant de Singapour a rappelé qu’il n’existait aucun traité international interdisant la peine de mort. 

Le représentant du Cameroun a demandé si on devrait considérer qu’en cas de suppression des dispositions relatives à la saisine de la CIJ lors de différends entre les États sur l’interprétation des articles, les États seraient alors obligés de parvenir à un accord.  Dans le cas contraire, que se passe-t-il en l’absence d’entente? a-t-il demandé.

Le représentant du Sénégal a appelé à la CDI à clarifier le sens de son expression « appartenance à un groupe social » dans le contexte des motifs de refus d’extradition. 

La représentante du Nigéria a relevé que le paragraphe 3 de l’article 13 parle d’infraction politique et a souhaité que l’on précise ce que l’on entendait par cette expression.  C’est normalement une question qui relève de la compétence nationale des États et doit donc être traitée par l’État concerné, a-t-elle ajouté.  Elle a également demandé ce qu’on entend par « sexe » ou « genre » quand on mentionne ces termes.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: au Mali, la mission de l’ONU est confrontée à des difficultés pour s’acquitter de son mandat, s’alarme le Représentant spécial

9302e séance – matin
CS/15253

Conseil de sécurité: au Mali, la mission de l’ONU est confrontée à des difficultés pour s’acquitter de son mandat, s’alarme le Représentant spécial

Alors que les situations sécuritaire et humanitaire au Mali ne cessent de se détériorer, en particulier dans les régions de Ménaka et du Centre, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) se heurte à des difficultés pour s’acquitter de son mandat, a averti, ce matin au Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général dans ce pays, qui s’est dit « bouleversé » par la détresse des personnes déplacées qu’il a rencontrées il y a trois semaines.

Venu présenter le dernier rapport en date du Secrétaire général sur la situation dans ce pays, M. El-Ghassim Wane s’est en effet rendu à Ménaka, capitale de la région orientale du même nom et épicentre des affrontements que se livrent les organisations terroristes État islamique du Grand Sahara (EIGS) et Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM) pour le contrôle des voies d’approvisionnement.  Sur place, il a pu mesurer l’impact « dévastateur » des déplacements de populations qui l’ont supplié de leur donner de l’eau potable, une expérience qu’il a qualifiée de « bouleversante ». 

Avec plus de 30 000 personnes déplacées vers Ménaka depuis le début 2022 et environ 2 400 autres réfugiées au nord du camp de la MINUSMA à Ménaka, la situation est « catastrophique », selon le haut fonctionnaire.  Dans cet environnement de plus en plus complexe, la MINUSMA, « avec ses capacités limitées », continue de contribuer à la protection des civils, en coordination avec les Forces de défense et de sécurité maliennes, dans un rayon de 15 kilomètres en dehors de Ménaka.  À leurs patrouilles de nuit et de jour, s’ajoutent des activités de réconciliation et de cohésion sociale visant à désamorcer des tensions intercommunautaires croissantes dans la région, a relevé M. Wane.

Outre Ménaka, les régions du Centre et de Gao demeurent des zones à risque, avec plus de 61 000 personnes déplacées depuis l’année dernière, là aussi en raison des violences entre l’EIGS et JNIM, de même qu’entre l’EIGS et des mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, sans compter les affrontements armés en cours dans les régions de Mopti et de Ségou.  Sous pression des Forces de défense et de sécurité maliennes, les groupes extrémistes y ont accru leur recours à des engins explosifs improvisés, tout en menant des attaques surprises contre plusieurs postes de police le long des principaux axes d’approvisionnement.

Il importe cependant, a observé M. Wane, que les autorités maliennes conduisent leurs opérations militaires dans le respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme.  Le Représentant spécial a été suivi sur ce point par plusieurs membres du Conseil, notamment la France, la Suisse, le Royaume-Uni ou encore l’Albanie, cette dernière corrélant la hausse des violations perpétrées par les forces maliennes à leur association avec le groupe Wagner. 

Le Mali a au contraire estimé que les violations étaient essentiellement le fait des groupes armés terroristes.  Opposée comme la Chine à toute « instrumentalisation » des droits humains « à des fins politiques ou de déstabilisation », la délégation a rejeté les accusations de la France dans le massacre de Moura, commis il y a un an.  Elle a rétorqué que la Commission d’enquête internationale pour le Mali avait imputé aux forces armées françaises des exactions, notamment à Bounty, où un mariage se serait transformé « en tragédie nationale », ce qu’a contesté la France.

La Fédération de Russie a fait valoir, pour sa part, que l’aide militaire bilatérale qu’elle fournit à Bamako répond à une demande des autorités maliennes, qui ont pu ainsi renforcer leurs capacités de lutte antiterroriste.  Les objections « néocoloniales » du camp occidental n’ont rien à voir avec le bien-être des Maliens eux-mêmes, a tranché la délégation russe, pour qui il est notoire que la déstabilisation du Sahel et du Mali soit le résultat des agissements « irresponsables » des pays occidentaux en Libye.

Afin de garantir la sécurité de ses convois, la Mission utilise des hélicoptères et des drones le long des routes de réapprovisionnement.  Or, environ 24,1% des autorisations pour ce type de vols ont été refusées, alors qu’elles figurent au nombre des paramètres essentiels à l’exécution du mandat de la MINUSMA: outre la liberté de circulation, « y compris pour les moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance essentiels à la sûreté et à la sécurité des soldats de la paix », figurent l’avancement de la transition politique et les progrès accomplis dans l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation, marquée au cours de la période à l’examen par une « paralysie persistante ».

« Contrairement à ce qui est véhiculé, il n’existe aucune volonté de restriction des mouvements de la MINUSMA, car les demandes non autorisées ne respectaient pas la procédure convenue » avec le pays hôte, s’est justifiée la délégation malienne, en invitant la Mission à travailler plus étroitement à l’avenir avec les autorités. 

À l’approche de l’expiration du mandat de la MINUSMA, en juin prochain, plusieurs membres du Conseil se sont donc interrogés sur la pertinence de le modifier, compte tenu de ses difficultés à s’en acquitter.  La France et l’Albanie ont proposé de s’appuyer à cette fin sur l’examen interne de la Mission mené par le Secrétaire général, dont les recommandations, « si elles devaient être endossées » par le Conseil, permettraient à la MINUSMA de mieux répondre aux attentes de son premier « client », à savoir le pays hôte.

Les A3, formés du Gabon, du Ghana et du Mozambique, ont plaidé pour une augmentation des effectifs, un renforcement des stratégies de lutte antiterroriste, la mise à disposition de moyens de transport aérien et la levée des restrictions terrestres et aériennes.  Pour le Royaume-Uni, le Conseil sera confronté en juin à des « décisions difficiles »: en l’absence de « signes visibles » de la part des autorités maliennes d’un engagement à respecter les paramètres fixés par le Secrétaire général, nous devons être prêts à adapter et à recentrer le mandat de la Mission, en examinant tout élément comportant des risques pour la crédibilité et la réputation de l’ONU, a souligné la délégation britannique.

LA SITUATION AU MALI (S/2023/236)

Déclaration liminaire

Dans une déclaration liminaire, le Président du Conseil de sécurité , M. VASSILY A. NEBENZIA, a rappelé que, ce 12 avril, la Fédération de Russie célèbre la journée du cosmonaute, commémoration du premier vol spatial effectué en 1961 par le cosmonaute soviétique Yuri Gagarin.  « Nous soutenons le fait que l’espace extra-atmosphérique reste un espace de coopération et non de confrontation, un espace qui ne soit pas consacré à la course aux armement mais à la conquête pacifique », a ajouté M. Nebenzia. 

Déclarations

M. EL-GHASSIM WANE, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a déclaré que, depuis le début de l’année, la situation dans la région de Ménaka s’est encore détériorée, avec la recrudescence des affrontements entre l’État islamique du Grand Sahara (EIGS) et Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM), qui se disputent le contrôle des voies d’approvisionnement.  Les Forces de défense et de sécurité maliennes conduisent des opérations contre l’EIGS autour de la ville même de Ménaka et dans les zones plus au sud, tout en escortant des convois au départ et à l’arrivée de cette localité.  Le 24 mars, les forces spéciales du Niger ont également annoncé des opérations transfrontalières visant à poursuivre des éléments de l’EIGS à Hamarat, dans la région de Ménaka, a précisé le haut fonctionnaire.  Reste que la situation sécuritaire et humanitaire demeure « catastrophique », a-t-il reconnu, faisant état de plus de 30 000 personnes déplacées vers Ménaka depuis le début 2022.  Environ 2 400 déplacés ont aussi trouvé refuge dans une zone située à moins de 2 kilomètres au nord du camp de la MINUSMA à Ménaka, a ajouté M. Wane.  « J’ai vu de mes yeux l’impact dévastateur de ces développements lorsque j’ai visité Ménaka il y a trois semaines.  L’afflux de déplacés internes exerce une pression supplémentaire sur la réponse humanitaire », a relaté le Représentant spécial, en confiant que des déplacés l’avaient supplié d’avoir de l’eau potable, une expérience qu’il a qualifiée de « bouleversante ». 

Dans cet environnement de plus en plus complexe, la MINUSMA, « avec ses capacités limitées », continue de contribuer à la protection des civils, en coordination avec les Forces de défense et de sécurité maliennes, et ce jusqu’à 15 kilomètres en dehors de Ménaka.  À leurs patrouilles de nuit et de jour s’ajoutent des activités de réconciliation et de cohésion sociale visant à désamorcer les tensions intercommunautaires croissantes dans la région, a poursuivi M. Wane.  Un plan de réponse humanitaire rapide pour Ménaka a été mis au point en juillet 2022, ciblant 78 000 personnes, pour un total de 38,8 millions de dollars, pour l’instant financé à hauteur de 18 millions.  Mais à l’heure actuelle, seulement 8% des 751 millions de dollars demandés par le Plan de réponse humanitaire 2023 ont été mobilisés en faveur du Mali.  Et outre Ménaka, Gao et le Centre demeurent des zones à risque: plus de 61 000 personnes ont ainsi été déplacées depuis l’année dernière dans la région de Gao.  Au cours des trois derniers mois, les organisations terroristes EIGS et JNIM se sont affrontées près de Bara, N’tilit, Anchawadi et Tessit, des combats ayant également opposé les mouvements signataires à l’EIGS.  Le Représentant spécial a également signalé des incidents sécuritaires dans le centre du Mali, liés aux conflits armés en cours dans les régions de Mopti et de Ségou.  Sous pression des Forces de défense et de sécurité maliennes, les groupes extrémistes y ont accru leur recours à des engins explosifs improvisés, tout en menant des attaques surprises contre plusieurs postes de police le long des principaux axes d’approvisionnement. 

Dans ce contexte à hauts risques, l’adoption par le Gouvernement malien de la stratégie politique pour la stabilisation du Centre, en septembre dernier, marque une étape importante.  Au cours de la période à l’examen, la MINUSMA a quant à elle continué d’accorder une attention particulière à la situation des droits humains au Mali, la majorité des violations ayant été commises par les groupes extrémistes.  Il importe cependant que les autorités maliennes mettent tout en œuvre pour que leurs opérations militaires soient menées dans le plein respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme, que les violations et abus fassent l’objet d’enquêtes transparentes et rapides, et que leurs auteurs soient traduits en justice.  Compte tenu des défis sécuritaires dont le Représentant spécial a fait état, la nécessité d’une coordination plus étroite entre les Forces de défense et de sécurité maliennes et la MINUSMA s’impose, pour une utilisation plus judicieuse des ressources existantes et une plus grande efficacité sur le terrain.  Dès lors, la liberté de mouvement est primordiale, alors que la Mission continue de se heurter à des difficultés à cet égard, a ajouté le haut fonctionnaire. 

Sur le plan politique, après un long processus de consultations avec les parties, la médiation internationale a soumis la semaine dernière des propositions visant à faciliter la reprise des activités des mécanismes de surveillance et à accélérer la mise en œuvre des dispositions en suspens de l’accord de paix.  Le Représentant spécial a émis l’espoir que les parties examineront ces propositions « avec l’esprit de compromis » nécessaire et s’abstiendront de toute action ou déclaration susceptible d’aggraver les tensions ou de saper les efforts en cours.  « Plus que jamais, le moment est venu pour les parties de répondre à l’aspiration profonde du peuple malien à la paix et de dépasser les intérêts particuliers », a-t-il insisté.  Par ailleurs, alors que les autorités ont annoncé le report du référendum constitutionnel, qui devait initialement avoir lieu le 19 mars, M. Wane a souligné qu’aucun effort ne devait être épargné pour assurer le retour à la règle constitutionnelle avant la date limite convenue de mars 2024. 

Après avoir salué les progrès accomplis par le Mali ces dernières années, il s’est dit convaincu que l’ONU reste le meilleur cadre pour accompagner la stabilisation durable du pays et de l’ensemble de la région du Sahel, en partenariat étroit avec l’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).  « Nous disposons de tous les outils nécessaires et notre action est fondée sur des principes qui lient l’ensemble des membres de l’Organisation, dont le Mali fait partie.  Il s’agit d’une position unique qui devrait continuer à être mise à profit, étant donné l’importance de sa stabilité pour la région et au-delà », a conclu le Représentant spécial.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a appelé à la pleine mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, constatant qu’il est aujourd’hui « plus menacé que jamais ».  La tentation de l’escalade, sur le terrain comme sur les réseaux sociaux, est réelle, a dénoncé le représentant, pour qui une reprise des hostilités serait désastreuse et ferait le jeu des terroristes.  Le Conseil de sécurité devrait appeler toutes les parties à la responsabilité et à soutenir les efforts de médiation de l’Algérie et de la MINUSMA, a-t-il estimé.  S’agissant de la transition politique, il a souhaité qu’elle se poursuive dans les délais prévus.  Le Conseil doit être attentif à l’appréciation de l’Union africaine et de la CEDEAO, qui assurent le suivi de ce processus, a souligné le délégué, en rappelant le report du référendum constitutionnel initialement prévu le 19 mars.  Il est crucial, selon lui, que tous les acteurs politiques et de la société civile puissent s’exprimer librement et participer à la campagne électorale.  Quant à la MINUSMA, il a rappelé que cette mission représente un effort considérable de la communauté internationale, avec le concours de dizaines de pays contributeurs de troupes et un budget annuel de plus d’un milliard de dollars.  « Bien sûr, cet outil n’est pas parfait », a-t-il concédé, avant d’appeler à être plus exigeant envers la MINUSMA, dont le mandat reste de protéger les civils, d’appuyer l’accord de paix et de garantir l’accès humanitaire aux milliers de déplacés.  Il a d’autre part jugé anormal que le Conseil ne soit toujours pas informé sur le massacre de Moura, commis il y a un an « avec l’implication du groupe Wagner ».  Les responsables doivent être poursuivis, a-t-il exigé.

Se disant conscient du fait que la MINUSMA « fait ce qu’elle peut dans un environnement difficile », le représentant s’est dit extrêmement préoccupé par les restrictions à ses activités, rappelant que sans drones, la Mission ne peut mener d’opérations.  De plus, les annonces de retrait de nombreux contingents, qui représentent 20% de la force, doivent nous alerter sur la gravité de la situation, a poursuivi le délégué.  La France appelle le Mali et tous les membres du Conseil à considérer avec attention la revue stratégique du Secrétaire général d’ici au renouvellement du mandat, a souligné le délégué, selon lequel la priorité devrait être de prendre les décisions nécessaires pour que la MINUSMA puisse remplir sa mission.  À ses yeux, cela passe par quatre paramètres, à savoir la poursuite de la transition politique, la mise en œuvre de l’accord de paix, la liberté de mouvement de la Mission et le respect de l’intégralité de son mandat, y compris en matière de droits de l’homme. 

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a formé le vœu que le Conseil fasse preuve d’unité et décide de renouveler le mandat de la MINUSMA dans l’intérêt du peuple malien.  Le dialogue aux niveaux national et régional, y compris avec la CEDEAO et l’Union africaine, reste un pilier indispensable pour maintenir et renforcer les acquis du processus politique, a-t-elle estimé.  Selon la représentante, ce dialogue nécessite toutefois un soutien continu de la part de la communauté internationale, de même que l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, qui constitue le cadre pour l’instauration d’une sécurité et d’une stabilité durables.  Sur cette base, elle a dit espérer que les efforts de la médiation internationale aideront les signataires à communiquer et à surmonter les obstacles empêchant la mise en œuvre de l’Accord.  Pour relever les défis sécuritaires, la déléguée a recommandé des approches correspondant à leur nature complexe et transfrontalière.  L’exemple le plus frappant de cette complexité est celui des menaces posées par les groupes terroristes, tels que Daech et les groupes affiliés à Al-Qaida, qui, par leur propagation de l’extrémisme et de la violence, continuent de menacer la sécurité et la stabilité du Mali et de la région, a-t-elle relevé.  Pour faire face à ces graves menaces, la coopération régionale et sous-régionale n’en est que plus essentielle, a conclu la représentante. 

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a qualifié cette année de cruciale pour le Mali dans la mesure où le pays s’apprête à revenir à l’ordre constitutionnel d’ici à mars 2024.  Elle s’est cependant déclarée préoccupée par la crise multidimensionnelle à laquelle est confronté le Mali et par les difficultés que rencontre le processus de transition.  Saluant à cet égard l’avancement de la révision constitutionnelle, elle a jugé essentiel que ce projet soit adopté avec un large consensus.  Après avoir encouragé les autorités à faciliter un retour à l’ordre constitutionnel dans les délais convenus avec la CEDEAO, elle a souligné l’importance d’organiser un processus électoral transparent, inclusif et crédible.  Pour la représentante, la réforme constitutionnelle ne doit pas être une raison pour retarder les élections et toutes les parties doivent faire preuve d’engagement dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. 

La déléguée s’est ensuite alarmée de la situation sécuritaire au Mali, constatant que les régions de Gao et Ménaka sont devenues l’épicentre des activités de groupes jihadistes violents, qui ont provoqué des déplacements massifs de population et ont fait trois morts et cinq blessé parmi les Casques bleus.  Tout en reconnaissant que les autorités de transition sont confrontées à de grands défis en matière de lutte contre l’insécurité, elle a observé que, depuis que les Forces de défense et de sécurité maliennes ont commencé à mener des opérations militaires avec le groupe Wagner, les violations et exactions ont déplorablement augmenté.  Elle a rappelé que les États sont responsables de la conduite des opérations militaires dans le respect des droits de l’homme et dans le cadre du droit international humanitaire.  Dans ce contexte, la représentante a salué les efforts de stabilisation déployés par la MINUSMA, avant de regretter que la Mission soit restreinte dans sa liberté de mouvement, avec environ 300 refus de vol rien que le dernier trimestre, et bloquée dans la mise en œuvre effective de son mandat, en particulier le pilier des droits de l’homme.  À l’approche du renouvellement du mandat de la MINUSMA en juin, elle a souhaité que l’examen de la Mission mené par le Secrétaire général permette de déterminer une meilleure ligne de conduite, avec l’appui des autorités de transition. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana, Mozambique), s’est dit préoccupé par la paralysie du Comité de suivi de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, qui ne s’est pas réuni depuis novembre 2022.  Les A3 demandent instamment la convocation rapide de la septième session de haut niveau du Comité pour examiner les écarts dans la mise en œuvre de l’Accord, encourager la sauvegarde de l’espace civique et faire avancer le processus politique, a-t-il dit.  Prenant acte de la mise en œuvre partielle du programme accéléré de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR), du maintien des accords de cessez-le-feu prévus par l’Accord et des progrès accomplis dans la feuille de route pour la transition, le représentant a estimé que ces facteurs doivent être consolidés dans le cadre de la transition politique en vue de la tenue d’élections pacifiques d’ici à mars 2024.  Malgré les efforts déployés par les autorités pour rétablir l’ordre constitutionnel, il a exprimé son inquiétude face aux divergences non résolues sur le projet de constitution et le report du référendum.  La transition sert de « tremplin » à la réalisation effective de l’accord de paix ainsi qu’au respect des obligations du pays au titre du protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, a rappelé le délégué. 

Sur le plan de la sécurité, le représentant s’est alarmé de la persistance d’attaques terroristes et de l’utilisation continue d’engins explosifs improvisés.  Condamnant ces attaques, il a averti que les lacunes en matière de sécurité dans certaines parties du Mali, en particulier dans le nord et le centre, risquent d’encourager les groupes terroristes à faire davantage de ravages.  Il a saisi cette occasion pour appeler à un engagement fort dans la mise en œuvre de la stratégie de stabilisation des régions du Centre et à un renforcement de la présence de l’État.  Par ailleurs, dans l’attente des résultats d’une étude relative aux capacité militaires et policières menée sur de la base de l’examen stratégique de la MINUSMA, il a jugé urgent de répondre aux contraintes organisationnelles de la Mission.  À ce titre, il a plaidé pour une augmentation des effectifs, un renforcement des stratégies de lutte contre le terrorisme, la mise à disposition de moyens de transport aérien et la levée des restrictions terrestres et aériennes.  Il a d’autre part estimé que la déstabilisation du Mali et de la région du Sahel est liée à celle de la Libye.  Soulignant le rôle complémentaire de la Force multinationale mixte, de l’Initiative d’Accra et de la Force conjointe du G5 Sahel, le délégué a espéré que le prochain rapport du Groupe de haut niveau sur le Sahel permettra d’intégrer les avantages de ces dispositifs de sécurité régionaux de manière à promouvoir la stabilité du Mali.  Enfin, face à la situation humanitaire désastreuse, il a exhorté les partenaires donateurs à augmenter leur soutien financier pour parvenir à l’objectif de 751,4 millions de dollars requis pour lutter contre l’insécurité au Mali et dans la région du Sahel. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a insisté sur quatre points, à commencer par la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali.  Observant que la sécurité et la stabilité du Mali sont indiscutablement liées à la stabilité de la région du Sahel et de toute la région de l’Afrique du Nord-Ouest, il a appelé à la reprise, dans les plus brefs délais, des réunions des organes de mise en œuvre de l’Accord.  Le représentant a ensuite estimé que la capacité de la MINUSMA à remplir son mandat requiert qu’il lui soit laissé une liberté de mouvement, conformément aux termes de l’Accord.  Les autorisations de vol, de renseignement et de reconnaissance sont indispensables à la protection efficace des civils et à la sécurité du personnel de la Mission dans un environnement de menaces asymétriques, a-t-il souligné.  Il a par ailleurs exhorté le Gouvernement malien à traduire en justice les auteurs de violations graves et d’activités criminelles, d’où qu’ils viennent.  Selon lui, le mandat de la Mission pour les activités d’enquête est un outil indispensable à cet égard.  Le délégué a enfin jugé essentiel que le processus de transition, y compris l’adoption du projet de constitution, soit mené à bien dans les délais impartis.  Sur ce point, il a encouragé le soutien continu de l’Union africaine, de la CEDEAO et de la MINUSMA, ajoutant que le rôle de « catalyseur » de la Mission nécessite des ressources suffisantes pour mener à bien le processus de retour à l’ordre constitutionnel. 

M. ZHANG JUN (Chine) a estimé que le Mali se trouve à la croisée des chemins, qu’il s’agisse de la mise en œuvre de l’accord de paix ou des préparatifs des élections, dans un contexte sécuritaire marqué par la recrudescence des incidents sécuritaires dans plusieurs régions.  La MINUSMA, a-t-il dit, doit pouvoir s’acquitter de son mandat et prêter davantage de soutien au processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) et aux opérations des Forces de défense et de sécurité maliennes.  Le délégué a cependant rejeté le recours à la notion de droits humains pour interférer dans la conduite des opérations antiterroristes, considérant que la sécurisation des zones de combats est prioritaire.  Il a déclaré qu’il encourageait la transition politique au Mali, et que la communauté internationale devait aider ce pays à surmonter tout obstacle qui se dresserait dans les préparatifs des élections ou dans tout autre domaine.

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a condamné les récentes violences et attaques perpétrées contre des Casques bleus, des membres des forces armées maliennes et des civils.  S’agissant du processus de transition politique, elle a rappelé que le prochain jalon est la tenue d’élections crédibles et transparentes dans les délais impartis, avant de saluer la mise en place des 15 membres de l’Autorité indépendante de gestion des élections, dont quatre femmes.  Les femmes doivent participer en grand nombre aux élections, tant comme candidates que comme électrices, a insisté la représentante.  Par ailleurs, si l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali doit rester le cadre central pour éviter une reprise des hostilités entre les parties signataires, sa mise en œuvre semble actuellement dans l’impasse, s’est inquiétée la déléguée, qui a encouragé le Gouvernement et les signataires à reprendre le dialogue à travers les mécanismes établis.  Elle a salué les efforts entrepris en ce sens par la médiation internationale menée par l’Algérie. 

La représentante a ensuite jugé que, pour renforcer la sécurité au Mali, le lancement de la stratégie de stabilisation des régions du Centre et d’un plan d’action pour 2022-2024 est une étape importante.  Nous soutenons l’approche consolidée qui vise à rétablir la paix, la sécurité et la cohésion sociale, ainsi qu’à améliorer la gouvernance et à renforcer la justice, a-t-elle expliqué, avant d’appeler à mettre en œuvre cette stratégie sans délai et en étroite collaboration avec la MINUSMA.  La déléguée a également appelé à respecter la liberté de mouvement de la MINUSMA, ainsi que le droit international humanitaire et les droits humains.  S’inquiétant à cet égard de l’augmentation du nombre de violations graves à l’encontre d’enfants, elle a exhorté toutes les parties au conflit au Mali à y mettre immédiatement fin et à libérer tous les enfants dans leurs rangs.  La Suisse attend en outre des autorités maliennes qu’elles poursuivent les auteurs de ces actes afin de lutter contre l’impunité, a conclu la représentante, selon laquelle aucune paix n’est possible sans le respect de ces droits fondamentaux et sans responsabilité.

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a relevé trois angles dans le débat sur le renouvellement du mandat de la MINUSMA: la nécessité de réaliser des progrès politiques vers une transition démocratique, la nécessité pour les parties d’aborder les situations sécuritaire et humanitaire, et la nécessité de déployer des efforts collectifs pour garantir que la Mission opère sans entrave.  Dans ce contexte, elle a salué l’évolution politique au Mali, notamment le lancement officiel de la stratégie de stabilisation du centre du Mali, conformément aux priorités de la MINUSMA, qui sera décisif pour rouvrir les écoles et permettre l’accès aux services sociaux et aux services de base.  La représentante a aussi salué les consultations en vue de rédiger une nouvelle constitution, en particulier les références prévues aux éléments de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali.  Elle s’est cependant déclarée profondément préoccupée par les graves menaces sécuritaires, liées aux menaces terroristes persistantes dans la région, qui perpétuent le cycle de la violence.  Condamnant toutes les violations commises contre des civils par des groupes armés, des acteurs étatiques et non étatiques, et par des sociétés militaires privées telles que le groupe Wagner, elle a exigé que les responsables de ces actes soient poursuivis et jugés. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a estimé que le dernier rapport en date du Secrétaire général indique clairement qu’aucun progrès n’a été réalisé au Mali au cours de la période considérée, la trajectoire s’étant même détériorée à plusieurs égards.  Tout d’abord, les restrictions continuent d’entraver les mouvements terrestres et aériens des Casques bleus, avec près d’un quart des demandes de vol rejetées par les autorités au cours des trois derniers mois.  La représentante s’est ensuite émue de l’expulsion du responsable de la division des droits humains de la MINUSMA, avant de demander instamment la publication du rapport de l’ONU sur le massacre présumé de civils perpétré en mars 2022 à Moura par les forces armées maliennes et le groupe Wagner.  Par ailleurs, elle a exhorté les parties à faire leurs les propositions présentées la semaine dernière par la médiation internationale pour relancer le processus de paix.  Pour le Royaume-Uni, a-t-elle dit, la transition rapide vers un régime constitutionnel d’ici à mars 2024 reste impérative et les réformes électorales et constitutionnelles ne devraient pas y faire obstacle.  En juin prochain, le Conseil sera confronté à des décisions difficiles, a estimé la représentante: en l’absence de signes visibles de la part des autorités maliennes d’un engagement à respecter les paramètres fixés par le Secrétaire général, nous devons être prêts à adapter et à recentrer le mandat de la Mission, en examinant tout élément comportant des risques pour la crédibilité et la réputation de l’ONU, a-t-elle conclu. 

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a exhorté le Gouvernement de transition du Mali à faire progresser le processus de transition politique et à garantir la liberté de mouvement de la MINUSMA.  Il a reproché aux autorités maliennes d’avoir refusé près de 300 vols de la Mission, en leur rappelant leurs obligations au titre de l’accord sur le statut des forces.  Le représentant s’est également dit préoccupé par la décision des autorités maliennes d’expulser le directeur des droits humains de la Mission, affirmant craindre une politisation de cette question.  En outre, a-t-il aussi regretté, les autorités maliennes n’ont pas accordé de visas aux experts du Groupe des Nations Unies, ce qui impacte le Comité des sanctions.  Quant au massacre de Moura, il a déploré qu’un an après les faits, il n’y ait toujours pas de rapport complet sur cet incident.  Le Conseil de sécurité doit connaître tous les faits pour pouvoir lancer les négociations sur le renouvellement du mandat de la MINUSMA, a insisté le délégué.  Saluant par ailleurs les préparatifs des élections par les autorités de transition, il a soutenu les efforts de la MINUSMA en matière de renforcement des capacités pour que les Maliens puissent voter et que l’ordre constitutionnel soit rétabli.  Appelant à une revitalisation de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, il a encouragé les groupes signataires et les autorités à renouveler leur engagement en faveur de cet accord.  Selon lui, le succès de la MINUSMA dépend de la pleine coopération des autorités maliennes.  Il serait donc « irresponsable » que le Conseil continue de déployer des soldats de la paix dans des conditions où leur mission ne peut réussir, a-t-il insisté, avant d’exhorter le Gouvernement de transition à lever les restrictions imposées à la Mission et à respecter ses engagements politiques. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a estimé que l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, conclu en 2015, est le seul cadre existant pour parvenir à une stabilisation durable de la situation.  Sa mise en œuvre devrait aller de pair avec une transition démocratique, a-t-il souligné, avant de saluer le rôle joué par la médiation internationale, notamment les efforts annoncés vendredi dernier pour relancer la mise en œuvre de l’Accord de paix.  Le représentant a cependant qualifié d’alarmante l’aggravation de la situation sécuritaire, qui désormais concerne également le sud du pays.  Tout en reconnaissant les efforts déployés par les Forces de défense et de sécurité maliennes pour remédier à la situation, le délégué a noté, en écho au Secrétaire général, que les opérations de sécurité doivent s’accompagner d’efforts visant à favoriser la cohésion sociale, à remédier à la fragilité structurelle, à fournir des services de base et à garantir le respect des droits humains et humanitaires.  À cet égard, les rapports faisant état de violations persistantes des droits de l’homme par le personnel de sécurité malien et étranger ont interpellé le représentant, qui a souligné l’importance d’une coopération renforcée entre les autorités maliennes de transition et la MINUSMA, alors que le Conseil doit prochainement discuter du renouvellement de la Mission.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) s’est dit conscient que la situation sécuritaire au Mali reste instable et continue de peser lourdement sur la MINUSMA, comme l’illustre la mort de trois Casques bleus près de Songobia, le 21 février dernier.  Cette insécurité entrave la présence de l’autorité de l’État et exige un soutien continu aux efforts des forces armées maliennes dans leur lutte contre le terrorisme, a souligné le représentant.  Il a ensuite constaté avec préoccupation qu’aucune solution pour la reprise des vols de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR) sans pilote n’a été trouvée jusqu’à présent, bien que la MINUSMA ait adopté les mesures convenues avec le Gouvernement de transition.  La Mission doit disposer des moyens nécessaires pour soutenir la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, ainsi que pour protéger les civils et soutenir le rétablissement de l’autorité de l’État malien dans tout le pays, a-t-il plaidé.  Bien que positifs, les développements récents dans le processus de transition et les réformes constitutionnelles ne peuvent jeter les bases solides d’une paix durable sans la mise en œuvre de l’Accord, a encore estimé le délégué, avant de saluer le leadership de l’Algérie dans le processus de médiation. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a relevé que les autorités maliennes ont déployé des efforts systématiques pour normaliser la situation, notamment en créant les conditions nécessaires à la tenue d’élections dans les délais convenus.  La feuille de route pour la transition a été mise en œuvre de manière cohérente et des mesures ont été prises pour élaborer une législation électorale et mettre en œuvre des réformes sur la restructuration territoriale, s’est-il félicité, ajoutant qu’un nouveau projet de constitution est en cours de discussion au niveau national.  À cet égard, le report du référendum constitutionnel lui semble objectivement conditionné par la volonté de permettre au plus grand nombre possible de citoyens maliens d’exprimer leur opinion librement et pacifiquement.  Le représentant a également rappelé que les dirigeants maliens se sont engagés à mettre en œuvre l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger et que, dans le cadre des travaux du Comité de suivi, des mesures sont envisagées pour accélérer le développement des territoires du Nord, ainsi que le retour et l’intégration des anciens combattants dans les forces armées nationales. 

Le processus de négociation n’est pas facile, a concédé le délégué, et il importe selon lui que les signataires de l’accord de paix fassent preuve de flexibilité et de compromis afin de préserver la paix et l’unité du Mali.  Convaincu du fait que la stabilité dans la région du Sahel ne peut être atteinte sans la normalisation de la situation au Mali, il a rappelé que des groupes affiliés à Daech et à Al-Qaida sont toujours actifs sur le territoire malien.  Cependant, malgré des « difficultés objectives », les forces armées maliennes ont démontré qu’elles étaient capables d’obtenir des résultats contre les terroristes, a-t-il affirmé, avant de saluer le lancement de la stratégie nationale de stabilisation des régions du centre du Mali.  Après avoir réitéré le soutien de son pays au travail de la MINUSMA, le représentant a insisté sur l’importance d’une coordination étroite avec l’État hôte et le respect de la souveraineté du Mali.  Il a aussi souhaité que la MINUSMA se concentre sur les éléments clefs de son mandat, avant de regretter qu’un certain nombre de pays contributeurs de troupes aient décidé de retirer ou de suspendre leur participation à la Mission.  Il a par ailleurs estimé que toute option de reformatage des modalités de la MINUSMA doit répondre aux principaux défis auxquels le pays est confronté, être convenue à l’avance avec Bamako et se fonder sur les vues du pays d’accueil.

Le délégué a ensuite expliqué que la Fédération de Russie fournit une assistance complète à l’armée malienne, notamment en termes d’amélioration de son efficacité au combat, de formation et de coopération bilatérale, laquelle se fait « à la demande de Bamako et dans le strict respect des règles applicables du droit international ».  Les forces armées maliennes ont ainsi pu augmenter de manière significative leur capacité de lutte contre le terrorisme et la convertir en résultats tangibles sur le terrain, a-t-il dit, non sans réfuter les « arguments négatifs » des pays occidentaux.  Les griefs de ces pays « n’ont rien à voir avec le souci du bien-être du Mali, mais soulignent, au contraire, qu’ils se moquent de l’opinion des Maliens eux-mêmes et qu’ils ne s’en sont jamais préoccupés », a-t-il assené.  Tout le monde sait que la déstabilisation du Sahel et du Mali est « le résultat des actions irresponsables des pays occidentaux en Libye », a renchéri le représentant.  Il a par conséquent appelé ces derniers à « reconnaître leurs erreurs”, à « abandonner leurs visées néocoloniales » et à laisser les Maliens et les citoyens des autres pays de la région prendre le « gouvernail » et résoudre leurs problèmes avec l’aide des partenaires qu’ils ont eux-mêmes choisis.  Assurant que son pays n’a reçu aucune plainte de la part de ses partenaires africains quant à l’engagement russe dans la région, il a appelé les partenaires internationaux de Bamako à s’abstenir de politiser les questions de soutien des donateurs, qui ont entraîné la suspension du financement au Mali.  La Fédération de Russie, a-t-il conclu, continuera à contribuer à la normalisation de la situation au Mali dans le cadre du Conseil de sécurité et à fournir un soutien global à Bamako sur une base bilatérale. 

M. ISSA KONFOUROU (Mali) a tout d’abord indiqué que les Forces de défense et de sécurité maliennes poursuivent leurs offensives contre les organisations terroristes et que des résultats « très encourageants » ont été obtenus.  Plusieurs dizaines de terroristes ont été « neutralisés » et leurs sanctuaires détruits, de même que de grandes quantités de matériels de guerre, a-t-il relaté.  De plus, durant la période à l’examen, plusieurs dizaines de terroristes ont été interpellés et mis à la disposition de la justice, parallèlement à la reddition volontaire de nombreux terroristes dans les régions du Centre, a précisé le représentant, selon lequel ces actions sont menées dans le strict respect des droits humains et du droit international humanitaire.  Il a ajouté que, par le biais du retour progressif de l’État dans les localités libérées de l’emprise terroriste, le Gouvernement malien s’emploie à réduire les violations des droits humains, lesquelles sont perpétrées « essentiellement » par les groupes armés terroristes.  À cet égard, a-t-il encore relevé, le dispositif institutionnel a franchi une étape cruciale, avec la création, le 1er février, de la Direction nationale des droits de l’homme.  À cette aune, il a assuré que le Mali se dressera contre toute utilisation de la question des droits humains à des fins politiques ou de déstabilisation.  

Le représentant a ensuite pris à partie le représentant de la France, qualifiant sa mémoire de « sélective » au sujet de la « tragédie » de Moura.  Dans le rapport de la Commission d’enquête internationale pour le Mali, a-t-il pointé, plusieurs paragraphes sont consacrés aux violations des droits humains commises au Mali par les forces armées françaises.  En janvier 2021, les forces françaises ont aussi « transformé une célébration de mariage en tragédie nationale » à Bounty, a poursuivi le délégué, avant de s’en prendre à l’Équateur, au motif que le Mali « n’a pas de leçons à recevoir d’un pays épinglé pour ses violations des droits humains ».  Les persécutions contre les journalistes et les juges sont « monnaie courante » en Équateur, s’est-il emporté.  

Malgré les efforts déployés par le Gouvernement, la situation humanitaire est tributaire des attaques perpétrées par les groupes terroristes et de certains facteurs exogènes, tels que la situation internationale et les effets des changements climatiques, a estimé le délégué.  Il a regretté que les besoins en financement ne soient couverts qu’à hauteur du tiers, alors que le cours des denrées de première nécessité ne cesse d’augmenter sur les marchés mondiaux.  Le Gouvernement malien, en ce qui le concerne, s’engage à redoubler d’efforts pour répondre aux besoins humanitaires de ses citoyens, a-t-il dit, avant d’appeler à une solidarité internationale accrue. 

S’agissant des défis opérationnels au Mali, le représentant a affirmé que, sur la base des chiffres fournis par le Secrétaire général, les demandes de mouvements de la MINUSMA sont satisfaites à hauteur de 75%.  « Contrairement à ce qui est véhiculé, il n’existe aucune volonté de restriction des mouvements de la MINUSMA », a-t-il dit, précisant que les demandes non autorisées « ne respectaient pas la procédure convenue entre les deux parties ».  Il a invité la MINUSMA à travailler plus étroitement avec les autorités maliennes compétentes, à travers le cadre de concertation mis en place à cet effet « pour la sécurité de tous ».  Quant à l’avenir de la MINUSMA, il a constaté que les conclusions du rapport sur l’examen interne de la Mission ne sont « pas à la hauteur des attentes du Gouvernement et des populations maliennes ».  Il a toutefois assuré que son gouvernement reste ouvert au dialogue sur ce point précis.  Enfin, « en raison de nombreux faits, documentés, dont la France s’est rendue coupable » au Mali, il a de nouveau exigé le changement de porte-plume sur tout dossier concernant le Mali abordé au Conseil de sécurité.

Reprenant la parole, M. DE RIVIÈRE (France) a dit ne pas avoir l’intention de polémiquer avec son homologue du Mali, précisant toutefois que « tout ce qui est excessif est insignifiant ».  Or, a-t-il dit, les propos tenus par le représentant malien à l’égard de la France sont « excessifs et donc insignifiants ».  La France, a-t-il rappelé, est intervenue au Mali à la demande des autorités maliennes en 2013, alors que le pays faisait face à une offensive d’Al-Qaida, dont les forces progressaient vers la capitale et auraient pris le contrôle intégral du pays « à 48 heures près ».  Il a ajouté qu’au début de 2013, « qu’on le veuille ou non », c’est l’armée française qui a sauvé l’indépendance du Mali.  Faute de l’intervention française, le pays serait tombé aux mains de ce groupe terroriste, a souligné le délégué, avant de rappeler que 50 soldats français sont tombés « pour la défense de l’intégrité, de la souveraineté et de la paix du Mali ».

Quant aux faits évoqués par le représentant du Mali, il les a qualifiés d’inexacts, notamment ceux relatifs à un mariage dans le village de Bounty.  Selon le représentant de la France, les premiers rapports de l’ONU sur cet incident étaient « malheureusement inexacts et infondés ».  « Basons-nous sur des faits et attendons patiemment que le rapport de Moura sorte », a conclu le délégué, assurant que la France continuera à aider le Mali et sa population, qui souffre et a « probablement » besoin de démocratie. 

Reprenant à son tour la parole, M. PÉREZ LOOSE (Équateur) a précisé qu’il n’avait pas tenté de « faire la leçon » au Gouvernement malien lors de son intervention, les droits humains n’étant selon lui « l’apanage d’aucun pays ».  Aucun journaliste n’a été poursuivi en Équateur, a-t-il encore déclaré, ajoutant que « le Mali n’est peut-être pas au courant que le mandat du Président Correa s’est terminé il y a quatre ans ». 

En réaction à ces reprises de parole, M. KONFOUROU (Mali) a affirmé que la situation des droits humains dans le pays est une source de préoccupation majeure pour son gouvernement, qui travaille à son amélioration.  Il a cependant souligné que cette situation est intimement liée à la situation sécuritaire du pays, sur laquelle les autorités maliennes mettent l’accent.  Il a réfuté les arguments de la France concernant les différents rapports, affirmant que « ces documents existent » et décrivent « ce qui s’est passé ».  Après avoir rappelé que le Mali a demandé une réunion spéciale du Conseil de sécurité pour évoquer les violations répétées de son espace aérien malien et les cas d’espionnage dont il fait l’objet, il a appelé la France à « lever les blocages » pour la tenue de cette réunion.  Enfin, demandant à ce qu’on cesse de politiser la situation des droits humains, il s’est dit sûr qu’il existe un espace de compréhension mutuelle avec « son ami de l’Équateur et l’Ambassadeur de France ». 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission de la population et du développement examine les atouts de l’investissement dans l’éducation et l’apprentissage à long terme

Cinquante-sixième session,
6e séance plénière – matin
POP/1107

La Commission de la population et du développement examine les atouts de l’investissement dans l’éducation et l’apprentissage à long terme

Poursuivant les travaux de sa cinquante-sixième session, commencée lundi, la Commission de la population et du développement a abordé aujourd’hui son thème central « population, éducation et développement durable » sous l’angle des bénéfices à long terme de l’investissement dans l’éducation, notamment l’éducation sexuelle des jeunes, au cours d’une table ronde modérée par son vice-président, M. Fnu Immanuel, de l’Indonésie. 

Le développement durable dépend de la participation de tous à la vie en société.  C’est le postulat qu’a posé la première intervenante, Mme Anastasia Gage, professeure au Département de la santé et du développement durable de l’Université de Tulane, pour qui cette participation commence à l’école: l’éducation doit susciter chez les élèves une prise de conscience des problèmes sociaux.  Selon l’experte, l’éducation doit aussi aider les jeunes à comprendre les tenants et aboutissants des problèmes environnementaux.  Si l’on arrive à éduquer la moitié de la population adulte d’un pays, le produit intérieur brut (PIB) augmente de 10% par an, a-t-elle calculé avant de mentionner d’autres avantages: la participation renforcée des femmes aux décisions et, en conséquence, la réduction des pratiques nocives aux femmes.  « C’est maintenant qu’il faut agir », a-t-elle lancé!

L’éducation sexuelle a été le sujet de l’intervention de M. John Santelli, professeur de santé de la population et de la famille et de pédiatrie à l’Université de Columbia, qui y a vu une « question complexe ».  Participant à la table ronde par visioconférence, il a énoncé les atouts à en tirer: l’éducation sexuelle des adolescentes leur permet de s’intégrer socialement; elle contribue au déclin des mariages et des grossesses précoces; elle protège contre les violences sexuelles et sexistes.  Le professeur a toutefois conseillé de prendre en compte les contextes culturels et les résistances à l’éducation sexuelle, en réponse à une question de l’Égypte qui a souligné l’importance de la diversité culturelle.  Soucieux lui aussi de l’importance du sujet, le Soudan a demandé l’organisation de rencontres internationales sur l’éducation dans les pays se trouvant dans des situations spécifiques. 

Les programmes d’enseignement doivent être fondés sur la science, a aussi préconisé le professeur de l’Université de Columbia en invitant la communauté scientifique à s’engager avec les communautés locales sur la question de l’éducation sexuelle.  « Nous sommes plus forts lorsque nous agissons de concert. »  Il a, sur cette même ligne, recommandé aux parents de transmettre les bonnes informations sur l’éducation sexuelle à leurs enfants, même lorsqu’ils sont à l’université.  Le Ghana a ajouté à ces recommandations en disant attendre des gouvernements qu’ils prennent des décisions avisées en matière d’éducation au niveau national.  Il faut ensuite mettre en œuvre les plans nationaux adoptés, a renchéri l’Indonésie avant qu’une représentante des jeunes ne rappelle l’importance des partenariats entre les gouvernements et le secteur privé en matière d’éducation. 

Le professeur Santelli a aussi abordé la question du financement de l’éducation, en sensibilisant aux efforts à consentir pour cela, une question soulevée également par Cuba qui a dénoncé le non-respect par les pays donateurs de leurs engagements au titre de l’aide publique au développement (APD) ainsi que la diminution des investissements dans l’éducation de base. 

Interrogée sur l’importance de l’éducation pour le relèvement après la pandémie de COVID-19, Mme Christina Williams, de la Jamaïque, Porte-parole du Conseil de la jeunesse du Commonwealth, a informé la Commission du rôle de son organisation auprès des jeunes jamaïcains durant la pandémie en leur offrant des plateformes d’apprentissage en ligne, du soutien psychosocial et des opportunités d’engagement social.  Les enseignements tirés de cette expérience sont l’importance d’une formation qui répond aux besoins du marché du travail, de l’accès à Internet et de la participation des jeunes à l’élaboration des programmes scolaires.  Plus important encore, a-t-elle estimé, l’éducation doit être préservée de toute forme d’instabilité et tenir compte de la diversité des jeunes. 

La Guinée a voulu savoir si les étudiants jamaïcains sont accompagnés par le Gouvernement de la Jamaïque dans leurs initiatives.  Le Gouvernement nous a soutenus dans les négociations avec les compagnies de télécommunication sur l’accès à Internet, a répondu Mme Williams ajoutant que 40 000 tablettes ont été offertes aux jeunes.  La République dominicaine a souligné l’importance des matériels didactiques en particulier l’accès aux livres et aux infrastructures pour la pratique du sport scolaire y compris pour les jeunes filles.

Intervenant de nouveau, la professeure de l’Université de Tulane a énuméré ce qu’il faut faire pour que le secteur de l’éducation aide à réaliser le quatrième objectif de développement durable (ODD4) qui vise l’enseignement de qualité pour tous.  Elle a donc insisté sur l’importance de rendre l’éducation obligatoire pour tous, de s’assurer que les enfants terminent au moins le cycle secondaire, d’adopter des programmes qui bénéficient directement aux enfants comme les repas scolaires et les bourses d’études pour les méritants.  Plus concrètement, elle a suggéré la prise en charge des frais de scolarité pour les enfants des ménages démunis, le suivi de la scolarité des enfants, l’amélioration des infrastructures scolaires et leur localisation géographique.  Elle a même préconisé de programmer des cours du soir, de prolonger l’année scolaire, de rendre plus accessible les matières scientifiques et technologiques pour répondre aux besoins du marché de travail et d’améliorer la formation pédagogique des enseignants.  Pour elle, les écoles doivent être des endroits sûrs, dotés de toilettes séparées pour les filles et prémunis de toute forme de violence. 

Spécialiste du droit du travail, M. Juan Alfaro López, de l’Institut national de l’apprentissage, du Costa Rica, devait répondre à la question de savoir s’il y a des considérations spéciales à prendre en compte pour favoriser l’emploi des femmes dans les sociétés vieillissantes.  Il a plaidé pour la mise en place de formations techniques et professionnelles adaptées et a encouragé l’emploi décent pour cette catégorie de population qui doit bénéficier d’un horaire de travail réduit (4 heures par jour), d’une formation à l’emploi vert et à l’autonomie.  Cet apprentissage doit tenir compte des formations acquises depuis l’école primaire, a ajouté M. Alfaro López en signalant les niches d’emplois pour cette population, à savoir les secteurs de l’énergie renouvelable, l’agriculture durable et l’écotourisme.

Quels sont les liens entre l’éducation et les migrations? était la question posée à M. Ayman Zohry, expert des populations et des migrations, de l’Université américaine du Caire (Égypte).  Intervenant par visioconférence, il a dit que ces liens opèrent dans les deux sens: les migrations entraînent une fuite des cerveaux pour les pays d’origine et des gains de capacité et de compétences pour les pays d’accueil.  Il a attiré l’attention sur le fait que les migrants doivent pouvoir continuer d’étudier dans les pays de destination, car ils doivent pouvoir effectuer des envois de fonds et rentrer un jour chez eux.  Pour répondre à l’Égypte qui l’interrogeait sur les politiques d’éducation efficaces pour l’intégration des migrants, M. Zohry a insisté sur l’importance des systèmes éducatifs accessibles à tous les migrants dans le but qu’ils s’intègrent au marché du travail.  Il faut parallèlement régulariser les différents canaux migratoires, a-t-il réagi à une demande de conseil de l’Égypte sur la lutte contre les migrations clandestines. 

La Commission poursuivra ses travaux jeudi 13 avril, à partir de 10 heures.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.