Conseil de sécurité: malgré les dynamiques politiques et diplomatiques régionales, la crise humanitaire en Syrie continue de se détériorer
Devant l’aggravation des souffrances humanitaires en Syrie, l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Geir Pedersen, a déclaré, ce matin, au Conseil de sécurité, que l’accélération des efforts politiques et diplomatiques régionaux en vue de la normalisation des relations avec la Syrie devait s’accompagner d’une amélioration tangible des conditions de vie de la population.
La participation du Président syrien Bashar Al-Assad au plus récent Sommet de la Ligue des États arabes, en Arabie saoudite, et la réunion du 10 mai dernier des Ministres des affaires étrangères de la Türkiye, de l’Iran, de la Fédération de Russie et de la Syrie, à Moscou, illustrent, selon M. Pedersen, une accélération des efforts diplomatiques régionaux afin de briser le statu quo. Il a appelé à profiter de cette impulsion pour reprendre un processus intrasyrien « sérieux », s’appuyant notamment sur une nouvelle convocation de la Commission constitutionnelle et l’adoption d’un cessez-le-feu national. « Le statu quo en Syrie n’est pas tenable », a-t-il prévenu, en soulignant la nécessité de stabiliser le pays et d’endiguer le commerce illégal de stupéfiants.
Ce sommet a permis, selon le représentant syrien, de mettre à l’honneur « la gloire d’une unité arabe restaurée » et le soutien régional à la préservation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie. Or, réhabiliter le Président syrien sans condition ne permettra pas d’établir la paix durable à laquelle les Syriens aspirent, a considéré la France.
Toutefois, a fait valoir la Directrice adjointe du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), la crise humanitaire en Syrie doit rester une priorité mondiale. Après douze années de conflit, quelque 15,3 millions de personnes, soit 70% de la population syrienne, continuent d’être confrontées à des défis quotidiens pour répondre à leurs besoins les plus élémentaires. L’insécurité alimentaire affecte aujourd’hui quelque 12 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population, entraînant des taux sans précédent de retards de croissance et de malnutrition maternelle, s’est alarmée Mme Ghada Eltahir Mudawi.
Les tremblements de terre qui ont frappé le nord du pays, en février dernier, ont aggravé une situation humanitaire déjà critique. Aujourd’hui encore, plus de 330 000 personnes demeurent déplacées et des milliers d’autres ont perdu l’accès aux services de base et aux moyens de subsistance, a dit la Directrice adjointe. Une situation intenable pour les familles contraintes de résider dans des abris collectifs, des camps et des établissements informels où prolifèrent les problèmes de protection, y compris la violence sexiste. La saison chaude pourrait décupler les risques de choléra et d’autres maladies d’origine hydrique.
« Les souffrances humanitaires n’ont jamais été aussi aiguës qu’aujourd’hui », a confirmé l’Envoyé spécial. Pour faire face à ces crises multiples, la Directrice adjointe de l’OCHA a salué la décision du Gouvernement syrien de proroger jusqu’au 13 août les mesures d’urgence mises en œuvre depuis les séismes afin de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, y compris via les postes frontière de Raaï et de Bab el-Salam. Il s’agit selon elle d’un complément vital aux opérations transfrontalières de Bab el-Haoua, qui permet d’en élargir la portée tout en réduisant les coûts. Ces trois points de passage ont ainsi permis d’intensifier la réponse transfrontalière alors que, depuis février, 2 330 camions chargés d’aide provenant de sept entités des Nations Unies ont traversé le nord-ouest de la Syrie.
Faisant sien l’appel du Secrétaire général, Mme Mudawi a estimé qu’une prolongation de douze mois du mécanisme transfrontalier par le Conseil de sécurité est indispensable. « Il s’agit d’une question de vie ou de mort pour des millions de personnes dans le nord-ouest de la Syrie », a-t-elle argué. Seul un accès durable et prévisible à l’aide humanitaire, au moyen du renouvellement de la résolution 2672 (2023) du Conseil de sécurité et de la réouverture des points de passage frontaliers en Syrie, permettra d’améliorer les mesures d’aide, de protection et de relèvement, a renchéri la Directrice de programme pour le Moyen-Orient au Norvegian Refugee Council (NRC), Mme Morgane Aveline, en prévenant que les perturbations de l’accès transfrontalier risquent de priver 4,5 millions de personnes de l’aide dont elles ont besoin.
À l’opposé, la Fédération de Russie a dénoncé les partisans d’un mécanisme transfrontalier « obsolète » qui défendent sa prorogation d’un an en citant la nécessité d’une planification à long terme des opérations humanitaires de l’ONU, pendant que le Plan de réponse humanitaire demeure sous-financé. Alors que le mécanisme doit expirer le 10 juillet prochain, « nous ne voyons aucune raison de le prolonger », a déclaré le délégué russe. L’ONU ayant démontré selon lui sa capacité à organiser son travail avec le Gouvernement syrien sans résolution du Conseil, celle-ci devrait cesser d’exister, a-t-il ajouté.
« Nous devons dépolitiser les modalités d’accès et la réponse humanitaire en Syrie », a fait valoir Mme Aveline. Dans ce contexte, seule une infime proportion des réfugiés pensent rentrer en Syrie dans les douze prochains mois, non seulement du fait des circonstances économiques et sécuritaires catastrophiques, mais aussi des risques de représailles, a relevé l’Envoyé spécial. Les nombreux obstacles liés à l’accès aux services de base, aux droits de propriété et à la sécurité continuent de faire obstacle au retour sûr et durable des Syriens déplacés, a confirmé Mme Aveline, en s’alarmant des informations faisant état de rapatriements forcés et d’expulsions des pays d’accueil.
Alors que davantage de personnes ont besoin d’une aide humanitaire qu’à tout autre moment du conflit, nous assistons à une diminution « dangereuse » des ressources destinées à la réponse humanitaire, s’est alarmée la Directrice adjointe. Le Plan de réponse humanitaire révisé pour 2023, qui nécessite 5,4 milliards de dollars pour aider 14,2 millions de personnes dans toute la Syrie, est financé à moins de 10%, a-t-elle noté.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Déclarations
M. GEIR PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a noté une accélération des efforts diplomatiques, avec la récente tenue du Sommet de la Ligue des États arabes en Arabie saoudite, en présence du Président syrien, et la réunion du 10 mai à Moscou des Ministres des affaires étrangères de la Türkiye, de l’Iran, de la Russie et de la Syrie. Il a noté les appels pour une remise sur pieds de la Commission constitutionnelle et indiqué qu’il s’est rendu en Türkiye et en Iran. Le statu quo en Syrie n’est pas tenable, a-t-il dit, en soulignant la nécessité de stabiliser le pays et de lutter contre le trafic de stupéfiants. Il a loué l’intensification des consultations régionales, en précisant que son objectif est de mieux coordonner les efforts en cours. Il a demandé des mesures concrètes en accompagnement de ces efforts, les Syriens n’ayant encore rien vu comme amélioration tangible dans leur vie. C’est à cette condition que l’opportunité qui se présente aujourd’hui pourra être considérée comme saisie, a-t-il dit.
M. Pedersen s’est ensuite fait le relais des voix des réfugiés syriens, en indiquant que ceux-ci nourrissent l’espoir d’un retour dans leur pays. Seule une infime proportion pensent néanmoins rentrer dans les douze prochains mois en raison des circonstances économiques et sécuritaires, mais aussi des risques de représailles, a-t-il dit. Le haut fonctionnaire a encouragé le Gouvernement syrien à prendre en compte de manière plus systématique les préoccupations des déplacés et de tous les Syriens. Il a aussi souhaité que les donateurs se montrent plus généreux afin de mieux remédier au sort des réfugiés. L’Envoyé spécial a demandé à toutes les parties de prendre des mesures concrètes sur la question des personnes disparues, appuyant l’idée de créer une instance chargée de cette question. Il a appelé à la reprise d’un « processus intrasyrien sérieux », en souhaitant une nouvelle convocation de la Commission constitutionnelle et l’adoption d’un cessez-le-feu national. « Les souffrances humanitaires n’ont jamais été aussi aiguës qu’aujourd’hui », a-t-il ajouté. De nombreux progrès sont possibles si les questions de fond sont abordées et si toutes les parties sont pleinement mobilisées, a conclu l’Envoyé spécial, en soulignant son engagement constant en faveur d’une solution politique répondant aux aspirations du peuple syrien.
Mme GHADA ELTAHIR MUDAWI, Directrice adjointe du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a fait valoir que la crise humanitaire en Syrie doit rester une priorité mondiale. Après 12 années de conflit, quelque 15,3 millions de personnes, soit 70% de la population syrienne, continuent d’être confrontées à des défis quotidiens pour répondre à leurs besoins élémentaires en matière d’alimentation, de santé, d’assainissement et d’abris. Aujourd’hui, pour la première fois, les habitants de tous les sous-districts du pays connaissent un certain degré de stress humanitaire, a-t-elle noté. L’insécurité alimentaire affecte maintenant 12 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population, tandis que les taux de retard de croissance et de malnutrition maternelle atteignent des seuils sans précédent.
À la suite des tremblements de terre qui ont assombri la situation humanitaire déjà grave, plus de 330 000 personnes sont toujours déplacées et des milliers d’autres ont perdu l’accès aux services de base et aux moyens de subsistance, a encore dit la Directrice adjointe. Une situation qui demeure critique pour les familles contraintes de résider dans des abris collectifs, des camps et des établissements informels où prolifèrent les problèmes de protection, y compris la violence sexiste, et les besoins en santé mentale. À l’approche de la saison chaude, les risques de choléra et d’autres maladies d’origine hydrique sont à la hausse.
Face à ces défis, l’ONU et ses partenaires poursuivent leurs efforts pour répondre aux besoins humanitaires les plus urgents, a poursuivi Mme Mudawi, en ajoutant que le soutien des donateurs et du Conseil de sécurité sera crucial. Elle a salué la décision du Gouvernement syrien de proroger jusqu’au 13 août les mesures d’urgence mises en œuvre depuis les tremblements de terre afin de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, y compris via les postes frontière de Raaï et de Bab el-Salam. Il s’agit selon elle d’un complément vital aux opérations transfrontalières de Bab el-Haoua, qui permet d’en élargir la portée tout en réduisant les coûts. Ces trois points de passage ont permis d’intensifier la réponse transfrontalière, a-t-elle ajouté, alors que 2 330 camions chargés d’aide provenant de sept entités des Nations Unies ont traversé le nord-ouest de la Syrie depuis le tremblement de terre. L’OCHA a pour objectif d’élargir la portée géographique des missions humanitaires à davantage de zones où les besoins sont importants et mal desservies, a-t-elle expliqué.
Comme l’a dit le Secrétaire général, une prolongation de 12 mois du mécanisme transfrontalier par le Conseil de sécurité est indispensable. « Il s’agit d’une question de vie ou de mort pour des millions de personnes dans le nord-ouest de la Syrie », a martelé la Directrice adjointe, en assurant que l’ONU s’efforce également de mettre en place des conditions favorables au renouvellement. L’OCHA continue pour sa part de réaliser des progrès en matière de relèvement rapide et de programmes de subsistance, a assuré Mme Mudawi, avec une répartition égale du financement entre les zones contrôlées par le Gouvernement et le nord-ouest de la Syrie. Alors que la mission transversale de Tell Abiad s’est achevée la semaine dernière, les efforts pour relancer les missions à travers les lignes de front continuent d’être retardés. Conformément au droit international humanitaire, toutes les parties sont tenues de permettre et de faciliter le passage rapide et sans entrave de l’aide humanitaire, a-t-elle rappelé. Mme Mudawi a exprimé son inquiétude à la suite de la fermeture récente des points de passage frontaliers entre l’Iraq et la Syrie. Alors que davantage de personnes ont besoin d’aide en Syrie qu’à tout autre moment du conflit, nous assistons à une diminution « dangereuse » des ressources destinées à la réponse humanitaire, s’est alarmée la Directrice adjointe. Le Plan de réponse humanitaire révisé pour 2023, qui nécessite 5,4 milliards de dollars pour aider 14,2 millions de personnes dans toute la Syrie, est financé à moins de 10%. Elle a exprimé l’espoir que la septième Conférence de Bruxelles, qui se tiendra les 14 et 15 juin sous l’égide de l’Union européenne, permettra un décaissement rapide des fonds nécessaires pour soutenir le peuple syrien et les pays voisins qui accueillent des réfugiés.
Mme MORGANE AVELINE, Directrice de programme pour le Moyen-Orient au Norvegian Refugee Council (NRC), a relayé les témoignages de Syriens qui, après plus de 12 années de crise, rêvent d’un avenir meilleur et d’une vie digne. Elle a partagé l’incertitude ressentie par les familles et les enfants dans les camps de réfugiés, des personnes qui disent « vivre au jour le jour, sans penser au lendemain ». Comme les plus de 15 millions de Syriens qui ont besoin d’aide, ces familles sont confrontées en permanence aux multiples crises auxquelles le pays fait face, a-t-elle souligné, avertissant que la réponse actuelle à ces défis humanitaires reste très insuffisante. Alors que les tremblements de terre survenus il y a trois mois ont ajouté une « couche supplémentaire de souffrance », elle a appelé à davantage de soutien financier afin que les opérations de relèvement rapide soient étendues à toutes les communautés touchées par le conflit. Ce soutien doit être fourni à ceux qui souhaitent envoyer leurs enfants dans des écoles sûres et qui ont besoin d’électricité pour se réchauffer, d’un approvisionnement en eau propre et d’un abri digne, a-t-elle expliqué, avant de plaider pour un accès à long terme aux services essentiels et pour des solutions durables favorisant l’autosuffisance.
Constatant que de nombreux obstacles liés aux services de base, aux droits de propriété et aux questions de sécurité continuent d’empêcher le retour sûr et durable des Syriens déplacés, notamment des femmes, Mme Aveline s’est alarmée des annonces récentes de rapatriements forcés et d’expulsions dans les pays d’accueil. Cela renforce le besoin urgent d’un suivi systématique des mouvements de retour afin de mieux protéger les rapatriés, a-t-elle affirmé, appelant à la protection des réfugiés dans les pays d’accueil et au respect du principe de non-refoulement. Selon elle, un meilleur financement de la part des donateurs ainsi que des approches politiques gouvernementales adéquates dans les pays hôtes et en Syrie fourniraient aux Syriens déplacés la résilience, les droits et la protection dont ils ont besoin.
Dans ce contexte, a-t-elle poursuivi, il ne sera possible d’améliorer l’assistance, la protection et le relèvement qu’avec un accès durable et prévisible de l’aide, notamment via le renouvellement de la résolution 2672 (2023) du Conseil de sécurité et la réouverture des points de passage frontaliers en Syrie. Ce dispositif doit, selon elle, être complété par la prorogation des exemptions humanitaires au régime de sanctions et par l’autorisation de la réponse transfrontalière de l’ONU en Syrie. Ce mécanisme assure la continuité, la transparence et la surveillance de la réponse, ainsi que l’accès au financement pour les ONG syriennes, a-t-elle insisté, prévenant que les perturbations de l’accès transfrontalier risquent de priver d’aide 4,5 millions de personnes dans le nord-ouest du pays. Il importe donc que le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontière soit prolongé d’au moins 12 mois et que les accords d’accès bilatéraux soient maintenus et élargis, a-t-elle préconisé, jugeant également essentiel d’intensifier l’assistance à travers les lignes de front et de lever les obstacles administratifs qui freinent les livraisons. « Nous devons dépolitiser les modalités d’accès et la réponse humanitaire en Syrie », a conclu Mme Aveline, souhaitant que les acteurs humanitaires puissent travailler « efficacement et selon des principes ».
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) s’est également exprimé au nom de la Suisse, en tant que délégations porte-plume du dossier humanitaire syrien. Il a relevé que la situation humanitaire en Syrie reste désastreuse, l’accès inéquitable aux services de santé, couplé à la pression économique, augmentant considérablement le risque d’épidémies. Il s’est félicité que l’ONU puisse continuer à fournir des services indispensables par les points de passage transfrontaliers de Bab el-Salam et Raaï, après l’autorisation donnée par le Gouvernement syrien de le faire pour une période supplémentaire de trois mois. Il a rappelé que toutes les modalités d’aide, y compris transfrontalières et de part et d’autre des lignes de front, devraient être exploitées, exhortant les parties à éliminer les obstacles qui se posent à l’acheminement de l’aide. En outre, les projets de relèvement rapide restent cruciaux pour le rétablissement des services de base, a-t-il encore souligné. Le délégué a appelé à un financement adéquat pour le Plan de réponse humanitaire 2023 en Syrie. Constatant que les séismes de février ont exacerbé les besoins de protection préexistants, il a jugé essentiel que ces préoccupations soient adéquatement prises en compte dans la réponse humanitaire, en gardant à l’esprit la vulnérabilité spécifique des femmes.
Prenant ensuite la parole en sa qualité nationale, le délégué a indiqué que seul un processus politique mené par les Syriens eux-mêmes et facilité par l’ONU pourrait aboutir à une paix durable. De même, la résolution 2254 (2015) reste essentielle, car elle fournit une feuille de route claire à cet égard. La reprise d’un dialogue significatif visant à la réconciliation devrait être une priorité pour toutes les parties prenantes, a-t-il suggéré, avant d’appeler à une nouvelle convocation de la Commission constitutionnelle. Le représentant a par ailleurs salué la récente réadmission de la Syrie au sein de la Ligue des États arabes et sa participation au Sommet de Djedda.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a pris note de l’évolution des liens entre la Syrie et ses voisins, tout en notant qu’à l’intérieur du pays, la situation n’a pas fondamentalement changé en mieux, puisque que la crise humanitaire s’y est aggravée, et qu’il y a toujours 6,8 millions de personnes déplacées, outre les 5,3 millions de réfugiés dans les pays voisins. Elle a reproché à la Syrie de rester un havre pour terroristes et d’exporter l’instabilité vers les États voisins. Pour la déléguée, le « régime d’Assad » a cherché à tirer parti du tremblement de terre « avec cynisme » pour retrouver sa place sur la scène internationale, s’est-elle indignée, mais « le simple fait d’être à la même table que d’autres dirigeants régionaux ne change rien pour le peuple syrien ». Elle s’est félicitée du maintien de l’ouverture des postes frontière de Bab el-Salam et Raaï jusqu’en août 2023, tout en assurant que les souffrances humaines ne sont pas atténuées par des délais de trois mois. Aussi a-t-elle demandé au régime d’Assad de garder ouverts tous les postes frontière au moins jusqu’en août 2024, voire au-delà. Les États-Unis vont œuvrer en ce sens, en préparant une résolution du Conseil de sécurité en juillet, en vue de maintenir les trois postes frontière ouverts pour un an, a-t-elle annoncé, en appelant les membres à soutenir ce texte.
Sur le plan politique, la représentante a noté que la récente déclaration du Sommet de la Ligue des États arabes de Djedda souligne que le régime syrien doit prendre des mesures efficaces et pratiques pour régler ce conflit. Elle a fait savoir que son gouvernement attend de la Ligue des États arabes qu’elle exige de la Syrie qu’elle tienne ses engagements à ce titre, suggérant par exemple qu’elle remette en liberté plus de 130 000 personnes détenues dans « ses prisons et salles de torture » et fournissent des informations sur les personnes disparues et mortes. Même si le « régime d’Assad » affirme être disposé à travailler avec des acteurs régionaux pour accueillir les réfugiés, la déléguée a dit ne voir aucun signe indiquant qu’il veuille mettre fin au harcèlement, aux détentions arbitraires et aux mauvais traitements visant les rapatriés. Le régime syrien doit créer les conditions d’un retour en toute sécurité et dans la dignité des réfugiés syriens, a insisté la déléguée, en l’appelant aussi à relancer les travaux de la Commission constitutionnelle. Tant qu’il n’y a pas de progrès politiques en Syrie, les États-Unis maintiendront leurs sanctions tout en continuant à fournir l’aide humanitaire dont les Syriens ont tant besoin, a conclu la représentante.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), au nom des A3 (Ghana, Mozambique, Gabon), a déclaré que l’acheminement de l’aide au travers des lignes de front demeure marginale. Il a indiqué suivre de près l’engagement des Nations Unies avec les parties visant à inverser cette tendance, à la lumière des besoins urgents de la population qui sont en constante augmentation, dépassant largement les capacités de réponse actuelles. Des mesures proactives doivent être prises pour éviter que 2,5 millions de personnes ne soient touchées par l’insécurité alimentaire d’ici à juillet 2023, a insisté le délégué.
Il a estimé que l’unité nationale doit prévaloir en Syrie afin d’aboutir à une solution politique qui permettra au peuple syrien de retrouver la paix et la sécurité. La solution politique comprend la cessation des hostilités, la restauration de l’autorité étatique sur l’ensemble du territoire syrien et un dialogue inclusif auxquels prendraient part de bonne foi toutes les fractions de la société syrienne, y compris les femmes, les jeunes ainsi que les groupes minoritaires, a-t-il détaillé. Il s’est inquiété de la fragmentation de la classe politique syrienne et la crise de confiance entre les différents protagonistes qui annihilent toutes chances de donner corps à ce dialogue, exhortant toutes les parties à mettre de côté leurs divergences en cette période dans laquelle l’urgence humanitaire doit prévaloir. Enfin, saluant le soutien des acteurs régionaux dans la quête de paix et de stabilité en Syrie, il s’est félicité de la participation de ce pays au Sommet de la Ligue des États arabes qui s’est tenu récemment à Djedda, en Arabie saoudite.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est félicité de la reprise du processus de régularisation politique en Syrie et du renforcement des liens avec les partenaires régionaux, notamment la décision de la Ligue des États arabes de rétablir la participation de la Syrie et de son Président Bashar Al-Assad. Cette décision démontre selon lui la volonté du monde arabe de renforcer la coordination afin de résoudre les problèmes régionaux et internationaux, au moyen d’une politique étrangère indépendante. Il a salué « l’évolution positive » du processus de normalisation entre la Syrie et la Türkiye, en vue notamment de favoriser le retour volontaire et sûr des réfugiés dans leur pays d’origine. Au lieu de soutenir ces efforts, les pays occidentaux, les États-Unis au premier chef, continuent selon lui d’exercer des pressions sur les autorités syriennes et les pays de la région, tout en fournissant des armes aux groupes armés afin de déstabiliser le pays. Le délégué a de plus condamné l’intensification des frappes aériennes israéliennes sur le territoire de la Syrie, ainsi que la violation de l’espace aérien des pays voisins. Selon lui, les mécanismes spéciaux « arbitraires » mis sur pied pour enquêter sur les incidents en Syrie et rechercher les personnes disparues n’ont « aucune valeur ajoutée » et ne font que repousser les perspectives d’un règlement politique.
Sur le plan politique, le représentant a exprimé son appui aux efforts de médiation menés par l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour faire avancer le processus de règlement syrien dans le strict respect de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. Les récents tremblements de terre ont aggravé les besoins humanitaires existants qui affectaient déjà 15 millions de personnes, a-t-il noté, en faisant observer que le Plan humanitaire pour la Syrie destiné aux territoires contrôlés par Damas n’a été financé qu’à hauteur de 9% en 2023. Il a dénoncé les partisans d’un mécanisme transfrontalier « obsolète » qui défendent sa prolongation d’un an en citant la nécessité d’une planification à long terme des opérations humanitaires de l’ONU, alors que le Plan de réponse humanitaire demeure sous-financé, « chantage flagrant » révélateur à ses yeux d’une politique de deux poids, deux mesures. Le délégué a ainsi demandé au Coordonnateur résident en Syrie de soumettre sans délai un rapport sur l’impact des restrictions unilatérales sur la situation humanitaire.
La décision du Gouvernement syrien de prolonger de trois mois les deux points de passage à la frontière avec la Türkiye, en plus de celui de Bab el-Haoua, ne reçoit pas l’appréciation qui lui est due, a estimé le représentant. Depuis juillet 2021, seuls 10 convois ont pu entrer à Edleb par les lignes de contact, et aucun depuis le tremblement de terre dévastateur, alors que de février à avril 2023, 1 700 camions sont passés par les trois points de contrôle, et l’ONU a envoyé plus de 100 missions interagences dans l’enclave. L’appel humanitaire d’urgence de l’ONU pour le nord-ouest non contrôlé par Damas, de 400 millions de dollars pour cinq millions de personnes, a déjà été entièrement financé, a-t-il noté. Alors que le mécanisme transfrontalier d’aide humanitaire expire le 10 juillet prochain, « nous ne voyons aucune raison de le prolonger », a affirmé le représentant. L’ONU ayant déjà prouvé sa capacité à organiser son travail avec le Gouvernement syrien sans résolution du Conseil, celle-ci devrait cesser d’exister, a-t-il ajouté.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a estimé que l’extension des deux points de passage frontaliers de Bab el-Salam et Raaï, jusqu’en août, est une reconnaissance claire de la nécessité absolue du libre accès de l’aide humanitaire à tous les Syriens. Il a exhorté le régime syrien à maintenir ces points de passage ouverts aussi longtemps que nécessaire. Selon lui, il n’est nul besoin de convaincre quiconque de l’importance du point de passage transfrontalier de Bab el-Haoua pour assurer l’accès humanitaire et fournir une aide vitale à plus de quatre millions de personnes dans le nord-ouest de la Syrie.
Le délégué a souligné que plus de 100 000 Syriens demeurent arbitrairement privés de liberté ou portés disparus. Il a dit être favorable au projet de résolution de l’Assemblée générale de l’ONU visant à créer une nouvelle institution chargée de déterminer où se trouvent les disparus de Syrie. Il a appelé tous les membres de l’ONU à reconnaître le caractère purement humanitaire de cette initiative et de s’abstenir de toute forme de politisation.
Il a ensuite estimé que la cause profonde de toutes les souffrances en Syrie est politique, plaidant pour une solution politique juste et durable au conflit. Il a déploré le blocage de la Commission constitutionnelle et le manque de bonne foi de la part du régime pour permettre une nécessaire transition politique en Syrie, conformément à la résolution 2254 (2015), laquelle reste inappliquée malgré les efforts inlassables de l’Envoyé spécial. Il a invité le régime syrien à s’engager sérieusement dans des réformes, d’assumer la responsabilité des crimes de guerre, d’assurer le retour en toute sécurité d’environ six millions de réfugiés et de démanteler une filière de production et de contrebande de drogue qui a transformé la Syrie en un narco-État, avec de graves répercussions.
Mme SHINO MITSUKO (Japon) a pris acte de la décision de la Ligue des États arabes de réadmettre en son sein la Syrie dans un contexte de réduction des tensions au Moyen-Orient. Elle a également salué les efforts déployés par les pays arabes pour améliorer la situation en Syrie, en particulier le Sommet arabe de Djedda et la réunion ministérielle qui s’est tenue début mai à Amman. Il n’en demeure pas moins, selon elle, que le Gouvernement syrien se doit d’agir pour améliorer la situation humanitaire dans le pays et remplir ses obligations au titre de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. Rappelant que les Syriens souffrent non seulement des ravages de la guerre mais aussi des dégâts causés par les tremblements de terre de février, la représentante s’est félicitée que le Gouvernement syrien ait prolongé de trois mois son approbation des points de passage supplémentaires de Bab el-Salam et de Raaï pour l’aide humanitaire d’urgence. La déléguée a également souhaité que le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontière soit prolongé à nouveau en juillet afin que toutes les modalités d’aide, y compris le relèvement rapide et l’assistance à travers les lignes de front, puissent se poursuivre. Elle a enfin jugé que, « même dans le cadre de la nouvelle dynamique régionale », le Gouvernement syrien ne devrait pas bénéficier de l’immunité après ce qu’il a fait à son propre peuple. À cet égard, elle a exprimé le soutien du Japon à la création d’une institution indépendante chargée de déterminer le sort des plus de 100 000 personnes disparues en Syrie.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a constaté que des millions d’hommes, de femmes et d’enfants syriens continuent de souffrir dans ce conflit brutal, tandis que l’ONU et ses partenaires tentent de répondre aux besoins humanitaires énormes, avec les modestes ressources qui leur sont allouées. Pour la représentante, la population syrienne fait face à une crise de protection marquée par des taux de malnutrition en hausse, des camps de déplacés surpeuplés et sans accès aux soins d’urgence, et une violence sexiste qui menace des millions de femmes. Faute de stratégie claire pour la réhabilitation, les rapatriements et les retours, ce sera une « génération perdue de femmes et d’enfants », a-t-elle averti, saluant toutefois l’accord obtenu par l’ONU auprès du régime syrien pour prolonger de deux mois supplémentaires les points de passage frontaliers humanitaires à Bab el-Salam et Raaï. Tout en se félicitant également de la tenue, le 15 juin, de la septième Conférence de Bruxelles sur le soutien à l’avenir de la Syrie et de la région, elle a formé le vœu que le Conseil de sécurité parvienne en juillet à un accord sur l’extension du mécanisme transfrontalier à Bab el-Haoua.
La déléguée a ensuite réaffirmé qu’un processus politique facilité par l’ONU, conformément à la résolution 2254 (2015), est la seule voie à suivre pour la Syrie. Demandant instamment la convocation de la Commission constitutionnelle à Genève, elle a souhaité que la société civile syrienne et les femmes artisanes de la paix prennent part à ces efforts. De son côté, le Conseil ne doit pas oublier que des millions de vies syriennes ont été détruites ou changées à jamais par les actions du « régime d’Assad » au cours des douze dernières années, a-t-elle ajouté, avant d’appuyer la recommandation du Secrétaire général en faveur de la création d’une nouvelle institution chargée de lutter contre les détentions arbitraires, les personnes portées disparues et les disparitions forcées en Syrie. Dans cette période de grands changements, le Conseil doit être résolu à soutenir le travail de l’Envoyé spécial et à « veiller à ce que l’avenir de la Syrie ne ressemble pas à son passé récent », a-t-elle conclu.
M. GENG SHUANG (Chine) s’est félicité du retour, après douze ans, de la Syrie au sein de la Ligue des États arabes. Les pays extérieurs à la région doivent selon lui respecter pleinement la volonté des États de la région et cesser d’entraver les processus de règlement des différends en cours. Il a ensuite salué la prolongation des points de passage transfrontières de Bab el-Salam et Raaï, et appelé les acteurs concernés à cesser leurs entraves aux opérations d’aide humanitaire. Israël doit en outre cesser ses attaques contre les installations civiles syriennes, notamment les aéroports, a-t-il ajouté. Estimant que les sanctions unilatérales illégales entravent gravement le processus de reprise syrien, il a exhorté à leur levée immédiate et sans condition.
Mme ISIS MARIE DORIANE JARAUD-DARNAULT (France) a déclaré que réhabiliter Bashar Al-Assad sans condition ne permettra pas d’établir la paix durable à laquelle les Syriens aspirent. Son régime et ses alliés sont responsables d’une guerre aux conséquences sans précédent au XXIe siècle, a rappelé la représentante martelant qu’en plus d’être à la tête d’un système de corruption généralisé, le régime et les milices iraniennes sont désormais les premiers producteurs et exportateurs mondiaux de captagon, faisant de la Syrie le cœur d’un narcotrafic mondial représentant plusieurs milliards de bénéfices et qui pèse comme une source d’instabilité pour toute la région. Elle a souligné que les responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité doivent rendre compte de leurs actes, précisant que les sanctions européennes visent précisément à entraver les marges de manœuvre des auteurs de ces crimes ainsi que les sources de financement de l’appareil répressif syrien. Selon elle, fermer les yeux sur des crimes de cette nature ne permet pas de construire une paix durable.
La représentante a rappelé que la résolution 2254 (2015) définit les bases d’une paix durable à laquelle les Syriens aspirent. Cette feuille de route est pourtant ignorée par le régime qui refuse tout engagement sur le volet politique. Dans ce contexte d’obstruction délibérée du régime, elle a exigé que le régime fasse des gestes tangibles afin qu’un véritable processus politique soit initié.
S’agissant de la situation humanitaire catastrophique en Syrie, la déléguée a prévenu qu’il ne faut pas inverser les responsabilités, dénonçant le cynisme du régime qui, selon elle, a saisi l’occasion du séisme du 6 février dernier pour se découvrir des préoccupations humanitaires et chercher à détourner l’attention internationale de ses exactions. Elle a jugé essentiel de garantir l’acheminement de l’aide par tous les moyens, appelant au renouvellement, en juillet, du point de passage de Bab el-Haoua, pour douze mois. La représentante a annoncé la tenue, le 21 juin prochain, de la septième Conférence de Bruxelles sur « l’aide à apporter pour l’avenir de la Syrie et des pays de la région ». Elle a ensuite dénoncé la politique active d’ingénierie démographique conduite par le régime et les obstacles politiques, économiques et sécuritaires nombreux qui continuent de se dresser et rendent tout retour digne, sûr et volontaire en Syrie impossible à ce jour.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a salué la volonté politique du Gouvernement syrien de maintenir ouverts les points de passage de Bab el-Salam et de Raaï, une décision qui permettra de poursuivre de manière plus durable la distribution de l’aide humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie, et a encouragé à en faire de même pour le point de passage de Bab el-Haoua. Il s’est dit préoccupé par la persistance d’attaques violentes mettant en danger la vie et la sécurité des civils, de même que par la destruction d’infrastructures stratégiques essentielles aux moyens de subsistance. L’Équateur déplore tout usage indiscriminé de la violence et insiste pour que les parties fassent taire les armes, a martelé son représentant qui a appelé à ne pas renoncer à trouver une solution politique inclusive et durable à la crise syrienne. Pour cela, il a encouragé les pays voisins et la communauté internationale à œuvrer en ce sens, aux côtés de l’Envoyé spécial. Le délégué a salué le travail des équipes des Nations Unies et des organisations partenaires sur le terrain, en particulier les résultats des projets de relèvement rapide, de soutien aux moyens de subsistance et les subventions en espèces qui ont contribué à améliorer les conditions de vie d’un million de personnes. Il n’en reste pas moins que les indicateurs humanitaires continuent de se détériorer, s’est-il inquiété, notant que 4,1 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie, que 3,3 millions de personnes sont gravement menacées par l’insécurité alimentaire et que plus d’un million d’enfants risquent de ne pas pouvoir réintégrer le système éducatif.
Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a évoqué les mesures importantes prises ces dernières semaines par les pays arabes pour mettre fin aux souffrances du peuple syrien, notamment le retour de la République arabe syrienne au sein de la Ligue des États arabes et sa participation au récent sommet arabe qui s’est tenu en Arabie saoudite. Elle a affirmé qu’une solution politique est le seul moyen de mettre fin à la crise syrienne, ajoutant que le retour de la Syrie au sein de la Ligue des États arabes est une étape importante vers la réalisation de la paix, grâce à l’initiative arabe qui est menée en étroite coordination avec l’Envoyé spécial et les Nations Unies. La déléguée a appelé tous les acteurs à soutenir et renforcer les efforts des États arabes avec une approche réaliste visant principalement à mettre fin à la guerre.
Elle a ensuite insisté sur l’importance de continuer à progresser dans la lutte contre Daech, se félicitant de la diminution des attentats ces derniers mois. Concernant la situation humanitaire, elle a appelé à se concentrer sur des projets de redressement, de reconstruction et de réhabilitation d’équipements publics, tout en examinant les moyens de relancer l’économie. Elle a aussi salué les mesures prises par le Gouvernement syrien pour atténuer la crise humanitaire aiguë avec l’extension de l’acheminement de l’aide via les points de passage transfrontaliers de Bab el-Salam et Raaï pendant trois mois supplémentaires. En ce qui concerne l’aide à travers les lignes de front, elle s’est inquiétée du fait que les convois d’aide destinés au nord-ouest de la Syrie n’ont pas pu passer en raison de l’obstruction de groupes terroristes. Elle a enfin dit attendre avec intérêt l’extension du mécanisme transfrontalier en Syrie, lequel demeure une bouée de sauvetage essentielle pour des millions de Syriens.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a pris note des évolutions importantes du mois dernier au sujet de la Syrie tout en soulignant que le conflit doit prendre fin de manière inclusive et responsable pour que la Syrie cesse d’être une source d’instabilité dans la région. Elle a également insisté sur l’importance pour les réfugiés syriens de rentrer chez eux en toute confiance, conformément au cadre fixé par la résolution 2254 (2015) du Conseil. Elle s’est félicitée de la prorogation de l’accès humanitaire par les points de passage de Bab el-Salam et Raaï au début du mois, tout en estimant que des accords de dernière minute pour des périodes de courte durée ne sont pas acceptables. Il faut un accès prévisible pour permettre aux humanitaires de planifier efficacement, et garantir que les besoins fondamentaux de ces personnes soient satisfaits, a-t-elle insisté. La représentante a également jugé essentiel de faire lumière sur le sort des personnes portées disparues et de mener une action significative pour endiguer le commerce illégal de captagon.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a dit suivre avec intérêt les dynamiques régionales concernant la Syrie, en se félicitant de la volonté exprimée par la Ligue des États arabes de travailler conjointement à la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité, sur la base d’une approche « étape par étape ». Dans ce contexte, la cohérence entre les différents efforts internationaux entrepris sous l’égide de l’ONU est à ses yeux essentielle. La représentante a appelé les parties à mettre fin aux détentions arbitraires et aux disparitions forcées, tout en permettant l’accès aux organisations humanitaires à tous les lieux de détention. Face aux violations répétées du droit international humanitaire et des droits humains, elle a réitéré son plein appui à la Commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme et au Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables afin de lutter contre l’impunité. Après douze ans de conflit, la poursuite concertée d’un processus politique crédible fondé sur la résolution 2254 (2015) permettra selon elle de redonner espoir à la population syrienne, en particulier les femmes et les jeunes.
M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a salué la récente tenue du Sommet de la Ligue des États arabes en Arabie saoudite, qui a permis de souligner « la gloire d’une unité arabe restaurée ». Ses États membres ont apporté leur soutien à la Syrie dans la préservation de sa souveraineté et de son intégrité territoriale, comme dans sa réponse aux circonstances difficiles qu’elle endure, s’est réjoui le délégué, en mentionnant la guerre qu’elle livre contre les groupes terroristes et les sanctions économiques qui lui sont imposées. Comme autre développement positif, il a noté la tenue le 10 mai d’une réunion à Moscou des Ministres des affaires étrangères de la Türkiye, de l’Iran, de la Fédération de Russie et de la Syrie. Le représentant a en revanche dénoncé les déclarations hostiles et les provocations émanant des États-Unis et de leurs alliés à l’endroit de son pays: « Les forces américaines illicitement présentes en Syrie continuent de violer sa souveraineté », s’est-il insurgé, fustigeant aussi les actes d’agression commis par Israël contre la Syrie. « Le 1er mai, les forces d’occupation israéliennes ont de nouveau frappé l’aéroport d’Alep », a-t-il dit, en appelant le Conseil à « sortir de son silence » à ce sujet.
Sur le plan humanitaire, le délégué a indiqué que son pays facilite le travail humanitaire de l’ONU et de ses partenaires. Il a souligné la nécessité que l’ONU et son personnel ne communiquent pas avec les organisations terroristes dans le nord-ouest de la Syrie, avant d’exhorter les donateurs à assurer le financement nécessaire pour les programmes onusiens. Il a appelé à la levée des sanctions contre son pays, qualifiant les soi-disant exemptions annoncées par l’Union européenne et les États-Unis de « propagande à peu de frais ». La Syrie ne normalisera pas ses relations avec ceux qui occupent son territoire, a assuré le délégué en conclusion.
Mme ZAHRA ERSHADI (République islamique d’Iran) a déploré que le niveau actuel de financement alloué à la réponse humanitaire syrienne soit bien en deçà des besoins. Elle y a vu une grave entrave aux efforts de l’ONU visant à fournir une assistance à ceux qui en ont besoin. En outre, l’imposition persistante de sanctions unilatérales demeure un obstacle important à l’amélioration de la situation humanitaire et économique de la Syrie, a-t-elle ajouté, appelant à une approche globale du problème, qui garantisse un financement suffisant, assure une distribution impartiale de l’aide et supprime les sanctions contre-productives. Elle a également jugé essentiel de donner la priorité aux projets de relèvement rapide et d’améliorer l’acheminement de l’aide humanitaire dans toute la Syrie, en particulier par-delà les lignes de front, comme prévu dans la résolution 2672 (2023). Saluant le soutien apporté par Damas à l’ONU pour permettre la livraison de secours aux zones touchées par la crise, la représentante a félicité le Gouvernement syrien pour avoir prolongé de trois mois supplémentaires l’utilisation des points de passage frontaliers de Bab el-Salam et de Raaï, jusqu’au 13 août. Elle a par ailleurs dénoncé les activités terroristes dans les zones sous occupation, estimant que la lutte contre ce fléau doit être menée dans le plein respect de la souveraineté nationale, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance de la Syrie.
Sur le plan politique, la représentante a salué la visite de l’Envoyé spécial à Téhéran le 15 mai. Elle a assuré que l’Iran soutient la reprise rapide des réunions de la Commission constitutionnelle et continue d’œuvrer, aux côtés de ses partenaires du format Astana (Russie et Türkiye), pour une normalisation de la situation syrienne. Dans ce contexte, elle s’est réjouie de la poursuite du dialogue syro-turc, rappelant que, le 10 mai, les Ministres des affaires étrangères de la Russie, de l’Iran, de la Syrie et de la Türkiye ont engagé à Moscou des discussions en vue du rétablissement des relations interétatiques entre la Syrie et la Türkiye. La déléguée a également signalé la visite officielle de deux jours du Président iranien en Syrie, la première d’un chef d’État iranien en plus de treize ans, qui a débouché sur la signature à Damas d’un accord de coopération à long terme entre les deux pays. Elle a d’autre part estimé que le retour de la Syrie au sein de la Ligue des États arabes et la reprise de ses relations avec les pays arabes représentent des « avancées significatives » en faveur de la sécurité, de la stabilité et de la prospérité de la Syrie. À cette aune, elle a invité les pays occidentaux à réexaminer et rectifier leur politique envers la Syrie, avant de dénoncer l’absence de réaction de la communauté internationale aux actes d’agression et aux attaques terroristes menés par le « régime israélien » contre la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie. Ces « crimes odieux » violent de manière flagrante le droit international humanitaire et les principes de la Charte des Nations Unies, a-t-elle souligné, appelant à ce que des comptes soient demandés à ce « régime anarchique ». Enfin, elle a rejeté les « allégations non fondées » proférées par la France, l’appelant à se comporter de manière plus responsable et à éviter d’étiqueter d’autres États Membres sans preuve aucune.
Mme CEREN HANDE ÖZGÜR (Türkiye) a dit être préoccupée de la gravité de la situation humanitaire en Syrie, demandant donc au Conseil de sécurité de proroger le mécanisme d’aide transfrontalière pour une période de douze mois. Soulignant l’écart entre les objectifs affichés par le Plan de réponse humanitaire pour la Syrie et les moyens dont il dispose actuellement, la représentante a plaidé pour un financement durable et pérenne. Elle a cependant mis en garde contre la dépendance à l’aide, en mettant l’accent sur l’importance des activités de relèvement rapide. Pour ce qui est de la stabilité à long terme de la Syrie, la déléguée a rappelé les nombreuses initiatives lancées par son gouvernement, promettant de les poursuivre, notamment l’élimination des menaces terroristes et le retour sûr, digne et ordonné des réfugiés. Elle a également salué la réunion récente de plusieurs ministres des affaires étrangères et de la défense de la région et au-delà en vue de l’élaboration d’une feuille de route pour la Syrie, sans conditions préalables et de bonne foi. Appelant à sortir de l’impasse actuelle, la représentante a soutenu l’idée d’une nouvelle convocation de la Commission constitutionnelle.