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Conseil de sécurité: face à l’ampleur de la crise en Haïti, les délégations plaident pour une sécurité renforcée et une accélération de la transition politique

9757e séance – après-midi
CS/15859

Conseil de sécurité: face à l’ampleur de la crise en Haïti, les délégations plaident pour une sécurité renforcée et une accélération de la transition politique

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

« La voie à suivre pour Haïti est semée d’embûches », a reconnu Mme María Isabel Salvador, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), venue cet après-midi informer le Conseil de sécurité de la détérioration continue de la situation dans ce pays au cours des trois derniers mois.

Les conditions sécuritaires, déjà fragiles, se sont aggravées, avec de nouveaux pics de violences, notamment le massacre perpétré par la bande « Gran Grif » à Pont-Sondé le 3 octobre, qui a coûté la vie à 115 civils et a fait une dizaine de blessés, a expliqué la haute fonctionnaire.  En cause, l’intensification des activités des gangs criminels qui se déploient désormais bien au-delà de Port-au-Prince, « répandant la terreur et la peur » et submergeant l’appareil de sécurité national, malgré le concours de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS).  Le processus politique, après des progrès initiaux, fait aujourd’hui face à des défis majeurs.  Quant au bilan humanitaire, il ne s’arrange nullement.

Urgence humanitaire

Selon la Cheffe du BINUH, le nombre de personnes déplacées dépasse ainsi désormais les 700 000, ce qui marque une hausse de 22% en seulement trois mois.  Seuls 20% des établissements de santé de Port-au-Prince sont opérationnels, et 40% dans l’ensemble du pays, tandis que 45% de la population n’a pas accès à l’eau potable.  La Directrice générale de l’UNICEF, Mme Catherine Russell, a fait savoir de son côté qu’environ 5,5 millions de personnes (c’est-à-dire à peu près la moitié de la population haïtienne), dont 3 millions d’enfants, sont en situation d’insécurité alimentaire sévère et ont eu besoin d’une aide humanitaire en 2024. 

Elle a ajouté que les conditions de vie dans les camps de fortune surpeuplés sont déplorables, exposant les personnes déplacées à des violations massives de leurs droits humains.  Cela concerne particulièrement les femmes et les enfants, victimes de mutilations et d’abus sexuels, et ce, quel que soit leur âge, a précisé Rosy Auguste Ducéna, avocate et activiste des droits humains en Haïti.  Cette dernière a ajouté que les violences sexuelles étaient utilisées comme armes par les gangs, sans crainte de répercussions judiciaires. Les survivantes, qui doivent vivre avec des traumatismes physiques et psychologiques profonds, ne reçoivent en outre aucune assistance de l’État haïtien, a-t-elle déploré.

Poursuivant son triste panorama, Mme Russell a fait savoir que plus de 300 000 enfants ont été déscolarisés cette année, en raison de fermetures d’écoles ou de leur transformation en refuges temporaires.  Livrés à eux-mêmes, de nombreux mineurs sont recrutés par les groupes armés, représentant entre 30% et 50% de leurs effectifs.  Ils y officient comme informateurs, cuisiniers ou esclaves sexuels, quand ils ne sont pas tout simplement forcés à participer à des violences armées, a précisé la Cheffe du BINUH.

Tentant de faire face à cette situation, les personnels humanitaires ont le plus grand mal à accéder aux zones contrôlées par les gangs, a-t-elle ajouté, soulignant que 1,6 million de femmes et d’enfants y sont largement privés de toute aide.  Malgré ces difficultés, Mme Russell a salué le dévouement des travailleurs humanitaires de l’ONU ainsi que de leurs partenaires qui, en 2024, ont tout de même distribué de la nourriture à plus de 1,2 million de personnes et fourni des services de santé à 600 000.  Toutefois la réponse humanitaire internationale —financée à hauteur de seulement 42%— reste insuffisante, a-t-elle insisté, plaidant pour son renforcement urgent et durable.

Le Guyana, au nom des A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana), a partagé ces préoccupations, appelant à une solidarité accrue des États Membres pour combler les lacunes de financement.  La République dominicaine a rappelé pour sa part qu’elle avait dû renforcer ses opérations de contrôle migratoire face à un afflux massif de migrants haïtiens fuyant la violence, tout en apportant une aide médicale à certains membres de la MMAS. Elle a toutefois fermement rejeté l’appel à suspendre les rapatriements de migrants haïtiens, considérant qu’une telle mesure équivaudrait à « ouvrir la frontière » et à encourager une migration encore plus importante.

Défis sécuritaires

En ce qui concerne la situation sécuritaire, la Cheffe du BINUH a souligné que la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), bien que déployée depuis juin, n’a pas encore pu stabiliser le pays.  Malgré l’arrivée de contingents en provenance du Kenya (pays qui dirige la force), des Bahamas, de la Jamaïque et du Belize, portant à environ 430 le nombre de personnels déployés, les personnels en tenue restent insuffisants.

Si le Kenya a salué le renouvellement récent du mandat de la MMAS par le Conseil de sécurité, se réjouissant que ses troupes, associées à celles de la Police nationale d’Haïti, aient permis la sécurisation de certaines infrastructures clefs —telles que l’aéroport international et le principal port de Port-au-Prince, le Palais national ou encore l’Académie de police—, il a reconnu que les résultats attendus tardaient à se concrétiser.  Le pays a promis de déployer 1 000 agents de police supplémentaires, dont 600 dès la mi-novembre 2024, tout en demandant un soutien accru de la communauté internationale afin de renforcer les moyens logistiques et financiers de la Mission.

Le Japon a dit avoir déjà fourni une aide d’environ 14 millions de dollars pour contribuer à la Mission, tandis que le Royaume-Uni a versé près de 6 millions pour son déploiement.  La France a annoncé pour sa part une nouvelle contribution d’un montant de 2 millions d’euros au fonds fiduciaire des Nations Unies, tout en travaillant avec ses partenaires européens pour accroître leur soutien financier.  Haïti a plaidé pour une transformation de la MMAS en une mission de maintien de la paix des Nations Unies, demandant aux membres du Conseil de sécurité de soutenir cette initiative.  Ce qu’ont fait notamment la France et les États-Unis, estimant qu’une telle transition permettrait de garantir un financement plus durable et d’accroître les capacités de la Mission.

Par ailleurs, la France a encouragé à ajouter de nouveaux individus à la liste des sanctions en vigueur, notamment ceux qui soutiennent et financent les gangs, là où la Fédération de Russie a critiqué des mesures unilatérales, y voyant d’inopportunes « manipulations extérieures ».  Elle en a profité pour rappeler le caractère historiquement destructif du colonialisme, soutenant l’initiative d’Haïti visant à demander des réparations historiques à la France.  Elle a en outre critiqué le rôle des États-Unis dans le trafic d’armes en Haïti, soulignant que la majorité des armes proviennent de la Floride et condamnant l’exploitation des migrants haïtiens dans les débats politiques actuels du pays.

Transition politique et élections

Le processus politique en Haïti a également été au cœur des discussions d’aujourd’hui. La Représentante spéciale a noté que, malgré quelques progrès, les divergences croissantes au sein de l’exécutif bicéphale en Haïti compromettent la mise en œuvre de la gouvernance transitoire. La nomination, le 7 octobre, de Leslie Voltaire à la présidence du Conseil présidentiel de transition, en remplacement d’Edgard Leblanc, intervient dans un contexte de tensions et d’allégations de corruption visant certains membres de cet organe, a-t-elle observé.  Mme Salvador a exhorté à rétablir l’unité au sein de l’exécutif afin de s’attaquer aux problèmes d’insécurité, de réformes de la gouvernance et de préparation des élections.

Elle a fait savoir que le Conseil présidentiel de transition a mandaté une conférence nationale inclusive pour proposer des réformes constitutionnelles et redéfinir les relations entre l’État et la société, y compris dans le domaine judiciaire — la lutte contre l’impunité et la corruption étant essentielle à ses yeux pour restaurer la confiance des citoyens envers leurs dirigeants et les institutions publiques.  Elle a enfin salué l’entrée en fonctions, le 18 octobre, de 7 des 9 membres du Conseil électoral provisoire, tout en soulignant l’urgence de compléter cette structure pour éviter des retards dans le calendrier électoral.

Les États-Unis ont salué le travail du Conseil présidentiel de transition, y voyant la preuve que les acteurs politiques peuvent travailler ensemble.  La France a abondé en ce sens, appelant les autorités haïtiennes à accélérer les réformes nécessaires pour garantir des élections crédibles et transparentes.  La République dominicaine a, pour sa part, exprimé des doutes quant à la faisabilité de la tenue d’élections dans les conditions sécuritaires actuelles, insistant sur la nécessité d’une coopération régionale renforcée pour soutenir le processus électoral.  Quant à la Fédération de Russie, elle a plaidé pour la tenue d’élections générales d’ici à la fin de 2025, malgré les défis actuels.

« Si, en tant que membres du Conseil de sécurité, nous ne sommes pas en mesure de contribuer à surmonter l’état de violence et de cruauté généré par les gangs en Haïti, comment pouvons-nous espérer résoudre des conflits beaucoup plus importants dans le monde? » a conclu l’Équateur.

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI (S/2024/742)

Exposés

Mme MARÍA ISABEL SALVADOR, Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti et Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), a informé le Conseil de sécurité de la détérioration continue de la situation en Haïti depuis juillet.  Le nombre de personnes déplacées a dépassé les 700 000, marquant une hausse de 22% en seulement trois mois.  Le processus politique, malgré des progrès initiaux, fait désormais face à des défis majeurs.  La situation sécuritaire, déjà fragile, est marquée par de nouveaux pics de violence. Les gangs criminels ont intensifié leurs activités, se déployant au-delà de Port-au-Prince et plongeant le pays dans un climat de terreur et de peur.

Le 3 octobre, a fait savoir Mme Salvador, une attaque brutale des gangs à Pont Sondé, dans le département de l’Artibonite, a coûté la vie à 115 civils et en a blessé des dizaines d’autres.  Cet événement a aggravé la crise humanitaire, contraignant des milliers de personnes à fuir leurs foyers.  Les gangs ont également pris pour cible des bateaux transportant des civils et du personnel international, provoquant la suspension des services de fret international vers Haïti.

Mme Salvador a exprimé sa préoccupation quant aux souffrances continues du peuple haïtien, en particulier face à l’usage systématique de la violence sexuelle par les gangs.  Elle a souligné que les femmes et les filles sont particulièrement vulnérables et que les conditions de vie déjà terribles sont exacerbées par l’accès insuffisant aux services essentiels, notamment dans les zones fortement impactées par les déplacements forcés.

Depuis juin, la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) a vu l’arrivée de contingents supplémentaires du Kenya, des Bahamas, de la Jamaïque et du Belize, portant à environ 430 le nombre de personnels déployés. Cependant, la Représentante spéciale a indiqué que ces efforts restent insuffisants pour stabiliser le pays. Tout en saluant l’annonce du Président kényan William Ruto concernant l’envoi de renforts, elle a mis en garde contre l’insuffisance des ressources du Fonds d’affectation spéciale, qui pourrait freiner le déploiement et la mise en œuvre des missions de soutien à la Police nationale d’Haïti.

La haute fonctionnaire s’est réjouie du récent renouvellement du mandat du BINUH par le Conseil de sécurité, offrant un cadre essentiel pour soutenir Haïti durant cette période de transition, notamment dans le cadre du processus politique dirigé par les Haïtiens.  Elle a également remercié le Conseil pour son soutien décisif au renouvellement du régime de sanctions et du mandat de la MMAS.

Sur le plan politique, Mme Salvador a noté que, malgré quelques progrès, les divergences croissantes au sein de l’exécutif bicéphale en Haïti compromettent la mise en œuvre de la gouvernance transitoire.  La nomination, le 7 octobre, de Leslie Voltaire à la présidence du Conseil présidentiel de transition, en remplacement d’Edgard Leblanc, intervient dans un contexte de tensions et d’allégations de corruption visant certains membres du Conseil, a-t-elle observé.  La Représentante spéciale a exhorté à rétablir l’unité au sein de l’exécutif afin de s’attaquer aux problèmes d’insécurité, de réformes de la gouvernance et de préparation des élections.  Elle a réaffirmé que la lutte contre l’impunité et la corruption est essentielle pour restaurer la confiance des citoyens envers leurs dirigeants et les institutions publiques.

La Représentante spéciale a également informé que le Conseil présidentiel de transition avait mandaté une conférence nationale inclusive pour proposer des réformes constitutionnelles et redéfinir les relations entre l’État et la société, y compris dans le domaine judiciaire.  Elle a salué la prise de fonctions, le 18 octobre, de sept 7 des neuf 9 membres du Conseil électoral provisoire, tout en soulignant l’urgence de compléter cette structure pour éviter des retards dans le calendrier électoral.

Sur le plan humanitaire, Mme Salvador s’est alarmée du fait que près de la moitié de la population est en situation d’insécurité alimentaire.  Les routes principales étant sous le contrôle des gangs, l’approvisionnement en biens essentiels est sévèrement perturbé, provoquant une flambée des prix et des pénuries alimentaires.  Seulement 20% des établissements de santé de Port-au-Prince restent opérationnels, et 40% à l’échelle nationale.  De plus, 1 000 écoles sont fermées en raison de l’insécurité, et 45% de la population n’a pas accès à de l’eau potable.

Mme Salvador a finalement exhorté les acteurs politiques haïtiens à revitaliser le consensus national pour garantir des élections inclusives, crédibles et participatives d’ici à la fin de 2025.  En conclusion, elle a appelé à une mobilisation renforcée des ressources pour soutenir la mission de sécurité et les efforts de rétablissement de la stabilité en Haïti.

Mme CATHERINE RUSSELL, Directrice générale du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), également défenseuse principale de la situation humanitaire en Haïti pour le Comité permanent interorganisations (CPI), a indiqué qu’en six mois, la situation en Haïti a viré à la catastrophe.  Les Haïtiens subissent les pires exactions, des violations de leurs droits et des menaces de mort de la part des groupes armés.  Selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, plus de 3 600 personnes auraient été tuées en 2024.  La violence sexuelle à l’égard des femmes et des enfants s’intensifie, ces groupes continuant de recruter activement des enfants, qui forment 30% à 50% de leurs effectifs.  Informateurs, cuisiniers et esclaves, ils sont forcés de perpétrer des violences armées, a déploré la haute fonctionnaire.

À travers tout le pays, 5,5 millions de personnes, dont 3 millions d’enfants, ont besoin d’une aide humanitaire depuis le début de l’année.  Près de la moitié de la population est confrontée à une grave insécurité alimentaire et plus de 700 000 personnes, dont plus de 360 000 enfants, sont aujourd’hui déplacées.  Les milliers qui vivent dans des camps surpeuplés sont menacés de violence et d’exploitation, a poursuivi la Directrice générale.  Le week-end dernier, des attaques perpétrées dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince ont provoqué le déracinement plus de 4 000 Haïtiens.  Ce cycle de violences et de déplacements bouleverse la vie des enfants et des familles: depuis le début de l’année, plus de 300 000 enfants sont déscolarisés et sont ainsi exposés à la violence et au recrutement par les groupes armés.

En outre, la violence et l’insécurité affaiblissent la capacité des acteurs humanitaires à atteindre les nécessiteux, alors qu’environ 1,6 million de femmes et d’enfants vivent dans des communautés assiégées.  Mais en dépit de la violence et de l’accès limité, l’ONU et ses partenaires ont apporté une aide à plus de 1,2 million de personnes, fournissant de l’eau et des kits d’assainissement et d’hygiène à 500 000 personnes.  L’ONU a également fourni des services de santé à près de 600 000 personnes, une aide qui reste cependant largement insuffisante, dans la mesure où elle ne parvient pas aux populations se trouvant dans les zones contrôlées par des gangs armés.

Mme Russell a insisté sur l’importance du soutien du Conseil de sécurité, dont les membres doivent exercer leur influence auprès des acteurs étatiques et des groupes armés concernés afin de protéger les droits humains et faire cesser les attaques contre les infrastructures civiles.  Il faut aussi selon elle augmenter considérablement le financement de l’aide humanitaire, le Plan d’intervention pour Haïti n’étant financé qu’à hauteur de 42% pour 2024.  Il faut également investir dans les secteurs sociaux de base et l’aide au développement pour soutenir la reprise et le renforcement de la résilience, a encore relevé la Directrice générale.

Mme ROSY AUGUSTE DUCÉNA, responsable de programmes au Réseau National de Défense des Droits Humains, a d’emblée lié le drame social, politique et économique qui se joue en Haïti à l’impunité dont jouissent les criminels financiers et de droit commun.  Elle a dénoncé la corruption qui gangrène le pays, une administration publique victime d’une vaste opération de pillage des ressources de l’État, la vente illégale sur le territoire national d’armes, de munitions ainsi que de produits psychotropes. L’argent sale généré par ces activités illégales est facilement absorbé par un système financier très peu contrôlé, a-t-elle expliqué.  C’est en raison de cette impunité que des armes illégales circulent dans le pays, alimentant l’insécurité érigée en système, et que les agressions sexuelles continuent d’être perpétrées dans un pays où femmes et filles sont constamment en danger, à la merci de viols collectifs, a déploré Mme Ducéna. L’âge « ne nous protège pas »: des fillettes âgées de 3 ans ainsi que des femmes du troisième âge sont violées impunément, s’est-elle indignée.  « Notre lieu de résidence ne nous protège pas: nous sommes pourchassées dans les camps de fortune ou jusque chez nous, pour y être violées collectivement », s’est-elle indignée.  Et les survivantes, totalement détruites physiquement et psychologiquement, ne bénéficient d’aucune assistance de la part des autorités de l’État, s’est-elle lamentée. 

L’activiste a de même dénoncé l’appareil judiciaire haïtien, qu’elle a décrit comme aussi dysfonctionnel que corrompu.  Si le régime des sanctions instauré par le Conseil de sécurité constitue un outil de lutte contre l’impunité pour les crimes financiers et les violations des droits humains, elle a cependant suggéré de sanctionner, outre les chefs et membres de gangs armés, leurs soutiens de toujours. Aujourd’hui, la communauté internationale ne doit pas commettre à nouveau l’erreur de croire que l’organisation d’élections, dans n’importe quelles conditions, aidera à sortir le pays du marasme, a-t-elle mis en garde.  De même, Mme Ducéna s’est dite convaincue que la situation sécuritaire ne se résoudra pas avec des forces multinationales ou même onusiennes, qui ne tiennent pas compte de l’ampleur de la catastrophe: les bandits sont des assassins lourdement armés et très bien organisés. 

C’est pourquoi elle a proposé de rester à l’écoute de la population haïtienne, d’appliquer les sanctions dans toute leur rigueur, notamment l’embargo sur les armes et le gel des avoirs des individus sanctionnés, et d’exiger des États Membres le respect scrupuleux et intégral de ces sanctions, et de la force multinationale, qu’elle travaille aux côtés des forces de l’ordre haïtiennes pour démanteler les gangs.  Pour finir, l’intervenante a demandé un assainissement de la justice et un contrôle renforcé de l’institution policière, en vue d’éviter que quelques années après le départ de la mission actuellement déployée, « vous, au Conseil de sécurité des Nations Unies, ne soyez obligés de voter pour l’envoi d’une énième force en Haïti ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Troisième Commission: la discussion générale sur les droits humains donne lieu à des accusations de politisation et de « deux poids, deux mesures »

Soixante-dix-neuvième session,
24e et 25e séances plénières – matin et après-midi
AG/SHC/4416

La Troisième Commission: la discussion générale sur les droits humains donne lieu à des accusations de politisation et de « deux poids, deux mesures »

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

La Troisième Commission, en charge des questions sociales, humanitaires et culturelles a débuté aujourd’hui sa discussion générale sur la promotion et la protection des droits humains, l’occasion pour chaque délégation de réitérer ses engagements et objectifs en la matière, mais aussi, pour un nombre croissant d’entre elles, de dénoncer un « deux poids, deux mesures » dans le traitement de ces questions.  Aux appels à la protection des défenseurs des droits humains ou des personnes LGBTI, il a ainsi été opposé la politisation des mécanismes onusiens, le recours à des mesures coercitives unilatérales ou encore l’absence de redevabilité d’Israël pour ses agressions contre les populations civiles palestinienne et libanaise. 

Par la voix du Venezuela, le Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies a donné le ton de ce débat en exprimant sa préoccupation face à la prolifération de mécanismes et de procédures visant à réaliser des évaluations soi-disant impartiales de la situation des droits humains dans certains États.  Il a également condamné l’application croissante de mesures coercitives unilatérales à des fins politiques, qui « affectent dramatiquement plus d’un tiers de l’humanité », entravant l’accès à la nourriture, aux médicaments, aux services financiers, à l’éducation, aux progrès technologiques et aux sources d’énergie, avec de graves conséquences sur la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). 

À son tour, la Chine –qui s’exprimait au nom d’un groupe de 28 pays comptant dans ses rangs la Fédération de Russie, la République arabe syrienne et la République islamique d’Iran- s’est livrée à un réquisitoire contre les « mesures illégales » imposées à des pays en développement en violation des principes d’égalité souveraine, de coopération et de non-ingérence.  Elle a relevé que ces mesures aux conséquences dévastatrices s’accompagnent de sanctions secondaires et d’un phénomène de conformité excessive, qui exacerbent les difficultés existantes, notamment pour les plus vulnérables, et menacent l’ordre international.  Elle a appelé les pays qui imposent ces sanctions à y mettre fin immédiatement et à « faire preuve de solidarité et d’unité plutôt que d’être animés par un esprit de division et de confrontation ».

Sur le sujet connexe du respect de la souveraineté des États, le Qatar, parlant au nom des pays membres du Conseil de coopération du Golfe, a insisté sur la nécessité de s’en tenir aux principes de la Charte des Nations Unies, considérant que les situations relatives aux droits humains doivent être abordées de manière constructive et sans sélectivité, en tenant compte des spécificités culturelles et religieuses de chacun.  À ce titre, le Pakistan a estimé, au nom d’un groupe de pays, que les situations au « Xinjiang, à Hong Kong ou au Tibet » relèvent des affaires intérieures de la Chine. « Il ne faut pas les politiser au prétexte de promotion et de protection des droits humains », a-t-il plaidé, appelant à ce qu’une égale attention soit accordée à tous les droits humains, y compris le droit au développement.  « Ne ratons pas l’occasion d’une convention sur le droit au développement pour réaffirmer notre engagement en faveur de tous les droits humains », a appuyé le Cameroun. 

Le Rwanda a, pour sa part, fustigé des « droits humains à géométrie variable », tandis que la Chine, cette fois à titre national, s’en prenait à l’instrumentalisation de ces droits par les pays occidentaux, lesquels préfèrent proférer des « mensonges » à propos du Xinjiang plutôt que de s’intéresser à « la seule situation qui mérite l’attention de la Commission », à savoir « l’enfer » que vit la population de la bande de Gaza.  Sur cette même ligne, la Mauritanie, s’exprimant au nom du Groupe des États arabes, a mis en garde contre le risque de contagion et d’extension du conflit alors que se poursuivent les bombardements sur le Liban. La cause première de ce chaos pour les populations de la région est l’impunité dont jouit Israël, a-t-elle soutenu.

« Si les droits humains étaient une priorité, on n’accepterait pas le génocide des Palestiniens », a renchéri la République islamique d’Iran, selon laquelle les mécanismes de rapports de la Troisième Commission sont « douteux » et ne reflètent que les normes d’un groupe de pays, occultant les violations dont ces derniers se rendent coupables.  Elle a invité les pays occidentaux à renoncer à leur « approche paternaliste des droits humains », rejointe sur ce point par Singapour, pour qui il n’existe pas de « modèle unique » en la matière, aucun pays n’ayant « l’apanage de la vertu ».  La délégation de la ville-État a ainsi regretté que certains pays ne puissent résister à la tentation de « faire la leçon » aux autres sans se critiquer eux-mêmes.  La Fédération de Russie a dénoncé l’emploi de concepts néolibéraux ne respectant pas les traditions culturelles et religieuses des autres avant d’inviter ses accusateurs à balayer devant leur propre porte.

Ces prises de position n’ont pas empêché les États-Unis de faire un tour d’horizon des situations problématiques à leurs yeux, dénonçant pêle-mêle les violations des droits humains commises dans des pays ou territoires tels que le Soudan, l’Ukraine, Gaza, la République populaire démocratique de Corée, le Xinjiang, le Yémen, la Syrie, l’Afghanistan, le Nicaragua, le Venezuela, Cuba, la République démocratique du Congo, l’Éthiopie, l’Érythrée et le Soudan du Sud.  L’Union européenne s’est, elle, concentrée sur la situation complexe au Moyen-Orient, sans oublier l’agression de la Russie contre l’Ukraine, la répression au Bélarus et en Chine, les souffrances humaines en Syrie, la privation de droits imposée aux femmes et aux filles en Afghanistan et le recours de l’Iran à la peine capitale contre ses opposants.  À cet égard, elle a réaffirmé son opposition ferme et sans équivoque au recours à la peine de mort, à tout moment et en toutes circonstances.

L’Australie s’est, elle aussi, alarmée de la situation des femmes en Afghanistan et en Iran, tout en reconnaissant qu’aucun pays n’a un « bilan parfait » sur le plan des droits humains. Appelant néanmoins les États à accepter la supervision internationale sur ces questions, elle a jugé essentiel de « s’ouvrir au message sans attaquer le messager ».  Les droits humains ne sont pas négociables, a souligné la France, non sans rappeler qu’elle a célébré, en décembre dernier, le soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée à Paris en 1948.

De son côté, l’Ukraine a fait observer que la « crise des droits humains » engendrée par l’invasion russe passera la semaine prochaine le « cap tragique des 1 000 jours ».  Elle a réaffirmé son soutien au travail de la mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine et appelé ses partenaires à redoubler d’efforts pour que les auteurs soient traduits en justice.  Des comptes doivent être rendus, a insisté la Pologne, associant à ses griefs le Bélarus pour sa persécution des minorités, son muselage de la société civile et des médias, son recours à la torture et son utilisation des migrants à des fins politiques.  Lui répondant indirectement, la délégation bélarussien a exhorté la communauté internationale à « désinstrumentaliser » cette problématique et à s’inspirer du rapport sur la « situation des droits humains dans tous les pays » que publient le Bélarus et la Fédération de Russie depuis plusieurs années, sans établir de classement des « bons ou mauvais États ». 

Le besoin de redevabilité a aussi été brandi par l’Irlande, qui, au nom d’un groupe de pays, s’est alarmée des violences, intimidations et représailles dont sont victimes les organisations de la société civile en raison de leur coopération avec l’ONU.  Autre motif d’inquiétude, signalé par la Suède au nom du Groupe restreint LGBTI, 60 pays criminalisent encore les relations consensuelles entre personnes de même sexe et au moins 49 pays criminalisent les personnes transgenre.  « Tout un chacun devrait vivre libre et égal, indépendamment de qui il est et de qui il aime », a fait valoir la délégation. 

Dans la longue liste des menaces auxquelles font face les droits humains, la Grenade a cité celle, existentielle pour les petits États insulaires en développement (PEID), des changements climatiques.  S’exprimant au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), elle a rappelé que les vulnérabilités spécifiques des PEID remettent en question des droits fondamentaux comme ceux relatifs à la vie, à la santé et au logement.  Insistant sur l’importance de réaliser les ODD pour permettre le plein exercice de ces droits, elle a appelé les institutions financières internationales et les partenaires de développement à veiller à ce que le financement de l’atténuation et de l’adaptation soit rendu possible pour les pays en première ligne climatique. 

Venu s’adresser directement à la Commission, le Président de la soixante-dix-neuvième session de l’Assemblée générale a jugé que la réponse collective à ces défis doit être ancrée dans la solidarité mondiale, l’engagement envers le droit international et un respect inébranlable pour la promotion et la protection des droits humains.  Pour M. Philémon Yang, le Pacte pour l’avenir adopté le mois dernier offre une « voie puissante » pour déclencher une transformation mondiale et traduire ces engagements en actions.  À cette fin, il est essentiel de s’attaquer aux causes profondes de la méfiance et de la division qui minent la coopération internationale, a-t-il dit en début de séance, promettant de travailler sans relâche pour favoriser « l’unité dans la diversité pour l’avancement de la paix, du développement durable et de la dignité humaine pour chacun, partout ». 

Quant à la Troisième Commission, il lui a demandé de rester une instance de dialogue ouvert et respectueux, et de « favoriser une coopération qui fasse progresser la noble cause des droits humains et de la dignité humaine ».  Dans cet esprit, il a exhorté les États Membres à valoriser l’expertise des titulaires de mandat des Nations Unies et à leur permettre de s’acquitter de leurs responsabilités sans crainte ni intimidation. 

En fin de séance, Cuba, la Chine, le Bélarus, la République populaire démocratique de Corée, la Türkiye, le Pakistan, l’Union européenne, et Chypre ont exercé leur droit de réponse.

La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 23 octobre, à partir de 10 heures.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Sixième Commission: les délégations débattent des effets de l’élévation du niveau de la mer et de la question de l’immunité des représentants de l’État

Soixante-dix-neuvième session
21e séance plénière – matin
AG/J/3727

Sixième Commission: les délégations débattent des effets de l’élévation du niveau de la mer et de la question de l’immunité des représentants de l’État

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a poursuivi, ce matin, ses discussions sur un premier groupe de chapitres du rapport annuel de la Commission du droit international (CDI): chapitres introductifs I à III, Chapitre VII (Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État), Chapitre X (L’élévation du niveau de la mer au regard du droit international) et Chapitre XI (Autres décisions et conclusions de la Commission).

La CDI, « véritable interface entre les domaines juridique et politique » selon les Pays-Bas, célèbre cette année son soixante-quizième anniversaire et les délégations n’ont pas manqué de saluer les évaluations systématiques du droit international que constituent ses rapports.  Plusieurs d’entre elles, à l’instar de la France ou de l’Australie, ont toutefois rappelé combien il est important que ces rapports s’inspirent des pratiques des divers systèmes juridiques dans le monde. « Il n’y a pas de systèmes supérieurs ou inférieurs, ils sont juste différents », a tranché la Chine. 

Le développement et la codification du droit international doivent s’appuyer sur le droit international coutumier et la jurisprudence des tribunaux nationaux, particulièrement lorsqu’il s’agit de « questions politiquement complexes qui font l’objet d’un cadre juridique fragmenté » comme la continuité de la condition étatique en cas d’élévation du niveau de la mer ou l’immunité des représentants officiels, a insisté la déléguée croate. 

Concernant l’élévation du niveau de la mer, une grande partie des délégations ont appelé à la coopération internationale et à la « responsabilité partagée mais différenciée » afin que les pays touchés de manière disproportionnée par ce phénomène ne se retrouvent pas seuls pour y faire face. La crise climatique actuelle est « urgente et grave », s’est alarmée la représentante de Singapour, précisant que son pays et les petits États insulaires y sont particulièrement vulnérables.  « La planète est malade, c’est une évidence », a abondé la déléguée cubaine, rappelant que ce sont les pays qui ont le moins contribué au réchauffement climatique qui payent le plus lourd tribut. 

Nonobstant ces constatations, la « présomption de continuité de la condition étatique » en cas d’immersion partielle ou totale due à l’élévation du niveau de la mer reste une question « complexe », ont reconnu nombre de délégations.  La France s’est demandé comment l’État pourrait en pratique se maintenir malgré « la disparition objective de l’un de ses éléments constitutifs », appelant à ne pas confondre les règles en vigueur (lex lata) et celles que l’on voudrait voir appliquées (lex feranda).  Néanmoins, la plupart des pays, dont la Thaïlande et Israël, ont appuyé la continuité de la condition étatique en cas d’immersion dans le but de préserver la stabilité juridique.

Souhaitant apporter un éclairage supplémentaire en la matière, le délégué néerlandais a replacé la question de la continuité de la condition étatique dans le cadre de la continuité du droit à l’autodétermination.  Pendant la décolonisation, a-t-il expliqué, certains États ont connu une longue instabilité politique, sans gouvernement effectif.  Leur condition d’État n’avait toutefois pas été remise en question et les populations avaient préservé leur droit à l’autodétermination.  Cette qualité d’État de jure est encore d’application dans le contexte post-colonial actuel dans les pays où le gouvernement a perdu le contrôle du territoire.  En raison de cette continuité du droit à l’autodétermination, on pourrait affirmer que le gouvernement continue à exercer son autorité, a-t-il argumenté, même si, en cas de territoire totalement submergé, cela reste en pratique compliqué. 

Dans la droite ligne des interventions d’hier, certaines délégations, comme l’Afrique du Sud, ont estimé important de préserver les droits juridictionnels et souverains des États dans chaque zone maritime, tels que garantis par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Il s’agit de préserver l’intégrité de la Convention tout en prenant en compte les récentes considérations scientifiques sur l’élévation du niveau de la mer, a dit la Tchéquie.  Il ne faut pas réécrire le droit international mais se pencher sur les conséquences de l’élévation du niveau de la mer, a insisté Israël. 

S’agissant de la protection des personnes en cas de territoire submergé, plusieurs délégations ont salué la référence à la dignité humaine des personnes touchées, un « principe cardinal », rappelant à ce titre l’obligation des États de veiller à l’exercice des droits humains dans leur juridiction.  Néanmoins, plusieurs représentants ont estimé qu’il en va de la responsabilité collective d’y veiller si l’État touché en est incapable, citant notamment les principes de « non-refoulement » et de « protection complémentaire ».

En ce qui concerne l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, les délégations ont affiché certaines divergences quant à la proposition de ne pas étendre l’immunité personnelle (ratione personae) au-delà des membres de la « troïka », c’est-à-dire les chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres des affaires étrangères. Si la France a dit y souscrire, la Chine et Israël ont estimé que ce choix ne correspond pas à la pratique internationale, appelant à élargir l’immunité personnelle aux hauts dignitaires qui doivent agir au nom de l’État.  Quelques délégations ont noté que l’immunité fonctionnelle (ratione materia) ne peut, par ailleurs, pas remplacer l’immunité personnelle. Pour Cuba, il est important que l’État invoquant ou retirant l’immunité prévienne l’État où se trouve le représentant officiel. 

Les règles d’immunité ont été établies pour que les représentants des États puissent s’acquitter de leurs tâches et éviter la politisation des procédures, a rappelé Israël, appuyé par ceux qui jugent cruciales lesdites règles pour le maintien des relations internationales et la préservation de la souveraineté des États.  Mais la Sierra Leone et quelques autres délégations se sont dites favorables à la non-application de l’immunité en cas de crimes internationaux graves.

En 2022, la Commission a adopté en première lecture l’ensemble du projet d’article sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, qui se compose de 18 projets d’article et d’un projet d’annexe ainsi que des commentaires y relatifs.  La liste de ces crimes, visée au projet d’article 7, reste une pierre d’achoppement, la Chine contestant son universalité à l’inverse de l’Australie. Le Portugal et la Croatie ont, de leur côté, prôné l’inclusion du crime d’agression, « mère de tous les crimes », dans cette liste afin de refléter l’objectif du droit international d’éviter les conflits. 

Outre leurs observations sur ces deux chapitres, quelques délégations ont appelé la CDI à consacrer le temps nécessaire aux lectures de ses projets et à ne pas hésiter à demander plusieurs fois un avis aux États Membres.  Pour sa part, l’Allemagne a suggéré d’examiner les nombreuses observations des États faites en 2023 plutôt que de faire une énième lecture des projets.  La Commission a également été invitée à faire preuve de précision dans la délimitation de ses travaux et à veiller à la cohérence entre ses différents articles. 

La Sixième Commission poursuivra son examen thématique du rapport de la CDI demain, mercredi 23 octobre, à partir de 10 heures. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Troisième Commission se penche sur les tendances négatives en matière de disparitions forcées et de droits des migrants

Soixante-dix-neuvième session,
22e et 23e séances plénières – matin et après-midi
AG/SHC/4415

La Troisième Commission se penche sur les tendances négatives en matière de disparitions forcées et de droits des migrants

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

La Troisième Commission, en charge des questions sociales, humanitaires et culturelles, s’est penchée aujourd’hui, sur la question des disparitions forcées, des droits des migrants, de la justice transitionnelle et de l’albinisme.  Les six spécialistes avec qui elle a dialogué ont déploré des tendances négatives concernant les disparitions forcées et les droits des migrants, notamment du fait de l’extension des conflits armés et de l’aggravation des changements climatiques. 

Insistant sur l’importance de la prévention, la Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires a souligné que les chiffres en hausse dans les contextes de conflits armés suggéraient l’existence d’une pratique généralisée ou systématique, constitutive d’un crime contre l’humanité.  Ce qualificatif a été repris par le Myanmar, qui a dénoncé le « démantèlement de l’État de droit » par la junte au pouvoir. 

À l’heure où le phénomène des disparitions forcées se répand, le Président du Comité des disparitions forcées et la Présidente-Rapporteuse ont appelé de concert à la ratification universelle de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, effectuée par 76 pays dont 4 l’année dernière.  Lors de leur dialogue interactif commun, les deux intervenants ont également invité l’ensemble des États Membres à participer au Congrès mondial sur les disparitions forcées, qui se tiendra à Genève les 15 et 16 janvier 2025.  L’Union européenne et la France, cette dernière copilotant le projet avec l’Argentine, le Maroc et le Samoa, se sont jointes à leur appel. 

« Pour les proches des victimes, peu importe que les disparitions remontent à 30 ou 40 ans, elles souffrent au quotidien », a résumé Mme Gabriella Citroni qui s’est inquiétée que la criminalisation, la stigmatisation, les représailles et le harcèlement contre les familles à la recherche de leurs proches disparus et contre les organisations, les défenseurs des droits humains et les avocats qui les soutiennent, demeurent des pratiques courantes aux quatre coins du monde. 

Disparitions de masse

Rappelant que 42 000 ukrainiens avaient été inscrits sur le registre unifié des personnes disparues, notamment dans ses territoires occupés par la Fédération de Russie, l’Ukraine a appelé à exercer des pressions internationales pour que Moscou mette fin à ces « pratiques abominables ».  Elle a demandé à la Présidente-Rapporteuse comment pousser la Russie à révéler les lieux de détention. 

À son tour le Pakistan a fait état de plus de 8 000 disparitions forcées et de la découverte de charniers dans le Jammu-et-Cachemire, dénonçant une « pratique systématique » de la part de la « Puissance occupante ». En réponse, l’Inde a dénoncé « l’obsession constante » du Pakistan à son encontre. 

La République de Corée et le Japon ont demandé d’agir pour obtenir des informations sur leurs ressortissants retenus en République populaire démocratique de Corée (RPDC), cette dernière rejetant des allégations « ridicules et fabriquées ».  De son côté, l’Arménie a insisté sur le cas de 23 soldats et d’un civil disparu à Zangilan, sur le territoire de son ancienne province du « Haut-Karabakh », reconquise par l’Azerbaïdjan en septembre 2023. 

Lors de sa présentation, Mme Citroni a précisé qu’au cours de la période considérée, le Groupe de travail avait adopté une étude thématique sur la pratique des disparitions forcées dans le contexte des élections.  Le sujet a suscité l’intérêt de nombreuses délégations dont l’Union européenne, le Bangladesh, la Croatie et les États-Unis qui ont dénoncé les pratiques du Venezuela lors de la récente élection présidentielle qui s’y est tenue. La Présidente-Rapporteuse a aussi indiqué qu’elle avait engagé une recherche sur le recours à la compétence pénale universelle dans les cas de disparition forcée.  Elle s’est par ailleurs inquiétée de la crise de liquidité à l’ONU qui affecte son groupe de de travail. 

Crise de liquidités

Présentant pour la première fois son rapport (A/79/56) en ligne par mesure d’économie en raison de la crise de liquidités de l’ONU, le Président du Comité des disparitions forcées a fait savoir que le budget initialement consacré au séjour de ses membres à New York avait dû être redéployé vers le bon fonctionnement des sessions des organes. 

M. Olivier de Frouville a réitéré l’appel des présidents d’organes de traités à l’Assemblée générale afin qu’elle adopte d’ici à la fin de l’année une « résolution décisive » mettant en œuvre un calendrier prévisible d’examen des rapports des États, et promouvant la modernisation numérique ainsi que l’harmonisation des méthodes de travail.  Il a renouvelé sa préoccupation s’agissant de la décision prise par l’Office des Nations Unies à Genève (ONUG) de ne plus autoriser la tenue de réunions hybrides avec les victimes de disparitions forcées et les organisations de la société́ civile, ce qui représente un « recul majeur » pour le système des droits humains. 

Justice transitionnelle

S’exprimant pour la première fois devant la Commission, le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, a présenté les domaines d’intérêt qui façonneront ses futurs rapports. M. Bernard Duhaime a notamment affiché son intention d’étudier comment les inégalités structurelles et les violations des droits économiques, sociaux et culturels alimentent la violence, ainsi que les stratégies et mécanismes de justice transitionnelle qui pourraient le mieux les prévenir et les corriger. 

Saluant cette approche économique du sujet, le Mexique a indiqué avoir créé une commission pour la vérité et la justice concernant les violations graves des droits humains commises durant la « guerre sale », livrée des années 1960 aux années 1980 dans le contexte de la guerre froide, afin d’offrir des réparations aux victimes.  Le Maroc a rappelé que son instance « équité et réconciliation » qui vise à faire la lumière sur les violations des droits humains commises sur son sol entre son indépendance en 1956 et 1999, fêtait ses 20 ans cette année.

M. Duhaime a également manifesté son intérêt pour la justice transitionnelle transnationale, dans le contexte où les conflits armés internationaux et d’autres formes de violence transfrontalière créent des réseaux de préjudices et de responsabilités qui ne se limitent pas à un seul pays, évoquant notamment les violations subies par les migrants. 

Droits humains des migrants

Effectuant lui aussi sa première présentation devant la Commission, le Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants, a indiqué qu’environ 13% des 281 millions de migrants internationaux sont des enfants.  M. Gehad Madi a réitéré l’appel de son prédécesseur, lancé en 2020, en vue de mettre fin à la détention d’enfants par les services d’immigration. Il s’est inquiété de l’adoption de politiques migratoires de plus en plus restrictives, dénonçant notamment le ciblage des défenseurs des droits humains et des organisations qui s’efforcent de sauver la vie des migrants, réduisant la capacité de sauvetage des enfants en danger, ainsi que les procédures de retour et de réadmission qui ne permettent pas de garantir les droits et la sécurité des enfants et des familles.

« Les processus migratoires qui ne respectent pas les droits de l’enfant menacent leur vie, leur développement et leur bien-être », a résumé M. Madi, rappelant que si le statut de migrant ou de réfugié d’un enfant pouvait changer plusieurs fois au cours de son parcours migratoire, son statut d’enfant, lui, ne changeait pas.  Il a regretté l’absence de voies de migration régulières et sûres pour les enfants et les familles, dont l’absence de voies de réunification familiale accessibles et flexibles, qui les poussent à entreprendre de longs périples, mettant leur vie, leur santé et leur intégrité en danger. 

De son côté, la Présidente du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a regretté que, des neuf principaux instruments internationaux des droits humains, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui compte 59 États parties, soit la moins ratifiée.  Aucun des 27 États membres de l’Union européenne ne l’a signée, alors qu’elle est une destination importante pour les migrants, a-t-elle observé. 

Citant le rapport de Groundswell de la Banque mondiale, Mme Fatimata Diallo a indiqué que 216 millions de personnes pourraient être déplacées dans leur pays par les changements climatiques d’ici à 2050.  Elle a rappelé que le Comité avait publié le 18 décembre 2023, lors de la Journée internationale des migrants, une déclaration recommandant aux États d’envisager des arrangements de protection complémentaire ou de séjour temporaire pour les travailleurs migrants déplacés en raison des changements climatiques et qui ne peuvent retourner dans leur pays d’origine. 

« La communauté internationale devrait tirer des leçons de la mobilité humaine afin de mettre sur pied des stratégies majeures d’adaptation aux changements climatiques et trouver les moyens de renforcer la résilience tout en réduisant l’exposition et la vulnérabilité aux risques », a-t-elle estimé.

Au cours du dialogue conjoint qui a suivi, les États-Unis ont appelé à redoubler d’effort pour éviter la migration irrégulière des enfants.  Le Cameroun a constaté que dans le cas de la migration, les enfants sont souvent traités comme des criminels, la Fédération de Russie dénonçant pour sa part le refoulement des enfants migrants en Méditerranée, où des « milliers » d’entre eux sont morts ces dernières années.  La solution pour éviter ces drames est de lutter contre les réseaux de passeurs et de s’attaquer aux causes profondes de la migration dans les pays d’origine, a estimé la délégation.  De son côté, le Venezuela a attiré l’attention sur les impacts des mesures coercitives unilatérales sur les mouvements migratoires.

Albinisme

Consacrant elle aussi son rapport aux enfants, l’Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’hommes par les personnes atteintes d’albinisme, s’est concentrée sur leur droit à une vie de famille.  Mme Muluka-Anne Miti-Drummond a constaté que les personnes atteintes d’albinisme ayant les meilleures chances dans la vie tendaient à être celles qui bénéficient d’un environnement familial favorable.  Jugeant compréhensible que le placement d’enfants atteints d’albinisme dans des refuges ou des internats ait pu être considéré comme un moyen de les protéger de la mutilation et de la mort, elle a néanmoins recommandé un changement systémique à long terme pour s’attaquer aux causes profondes conduisant à la séparation de ces enfants de leur famille.  Dans cette optique, elle a plaidé pour l’adoption et la mise en œuvre du plan d’action de l’Union africaine sur l’éradication des attaques contre les personnes atteintes d’albinisme. 

La Troisième Commission poursuivra ses travaux mardi 22 octobre, à partir de 10 heures. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: inquiétudes à l’approche de l’hiver en Ukraine, vifs échanges entre États Membres sur des alliances militaires « présumées »

9755e séance – après-midi
CS/15857

Conseil de sécurité: inquiétudes à l’approche de l’hiver en Ukraine, vifs échanges entre États Membres sur des alliances militaires « présumées »

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

À l’initiative des États-Unis et de la Slovénie, le Conseil de sécurité s’est penché cet après-midi sur la situation humanitaire « désastreuse » en Ukraine, à l’approche d’un hiver qui promet d’être rude, a averti le Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques.

Cette séance a été également marquée par de vifs échange entre les pays occidentaux et la Fédération de Russie autour d’« alliances militaires » présumées, notamment avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC), la République islamique d’Iran et la Chine.

Sur le plan humanitaire, alors que les conséquences les plus graves de la guerre continuent d’impacter les communautés de la ligne de front de l’est et du sud de l’Ukraine, la mort et la destruction font partie du quotidien en dehors des zones de combat actif, a rapporté M. Miroslav Jenča.  La présidence suisse du Conseil a déploré l’augmentation significative du nombre de victimes et d’infrastructures civiles dans ce conflit.

On a enregistré au mois de septembre le plus grand nombre de victimes civiles de l’année 2024, a alerté le haut fonctionnaire, avec 208 civils ukrainiens tués et 1 220 blessés, sans compter les dommages considérables infligés aux infrastructures vitales.  Quelque 7 000 personnes à Kharkiv ont dû être évacuées.  Ce week-end et ce matin même, des attaques ont encore fait plusieurs victimes à Zaporizhzhia et Kryviy Rih, a déploré M. Jenča. 

Le mois prochain, « nous franchirons un jalon funeste: 1 000 jours » depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, s’est indigné le représentant de l’Ukraine.

Selon un bilan du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), depuis le début de l’invasion totale de l’Ukraine par la Russie en février 2022, 11 973 civils, dont 622 enfants, ont été tués; 25 943 personnes, dont 1 686 enfants, ont été blessées.

Autre point inquiétant: les attaques systématiques de la Russie contre l’infrastructure énergétique de l’Ukraine sont devenues l’une des caractéristiques les plus « marquantes et les plus odieuses » de cette guerre, risquant d’aggraver les conditions de vie de millions d’Ukrainiens, s’est alarmé M. Jenča.  La Russie planifie des attaques contre les centrales nucléaires ukrainiennes et les a même déconnectées du réseau électrique, a confirmé l’Ukraine.

Si quelque 7,2 millions de personnes ont reçu une aide humanitaire en Ukraine au cours des huit premiers mois de l’année, 1,5 million de personnes n’ont en revanche pas pu être aidées correctement dans certaines parties des régions de Donetsk, Kherson, Luhansk et Zaporizhzhia, occupées par la Russie, selon l’ONU. 

De plus, depuis le 1er septembre, six navires civils ainsi que des infrastructures céréalières dans les ports ont été endommagés.  En conséquence, le prix du blé a augmenté de plus de 6% entre le 1er septembre et le 14 octobre, a documenté l’ONU. 

La Slovénie s’est dite particulièrement préoccupée par les dommages environnementaux, et s’est faite l’écho des allégations selon lesquelles la Russie aurait pollué la rivière Seym avec des déchets chimiques, contaminant plus de 650 kilomètres de cours d’eau et menaçant l’approvisionnement en eau de la région de Kyïv. 

Si cet acte était intentionnel, il pourrait être qualifié d’« écocide » et nécessiterait une enquête approfondie, a encore averti la Slovénie qui, à l’instar d’autres délégations, a indiqué qu’elle continuerait de soutenir l’Ukraine.  « Aussi longtemps qu’il le faudra », a assuré l’Union européenne.

Mais ce qui a le plus retenu l’attention du Conseil, ce sont les informations faisant état d’une coopération militaire entre la Russie, l’Iran et la RPDC.  Informations corroborées par plusieurs délégations dont le Japon et la République de Corée.  Citant ses services de renseignement, celle-ci a indiqué que, depuis août 2023, plus de 13 000 conteneurs remplis de munitions nord-coréennes, incluant des obus d’artillerie, des missiles et des roquettes antichars, auraient été envoyés en Russie, soit plus de 8 millions de munitions livrées à ce jour. 

« La première armée du monde n’est qu’un mythe, elle mendie auprès de régimes mis au banc par la communauté internationale », s’est gaussée la délégation ukrainienne.  Les États-Unis y ont vu un « signe de désespoir », précisant que l’Iran et la « Corée du Nord » jouent un rôle crucial en fournissant une assistance militaire à ce pays.  Une assistance militaire fournie à l’agresseur, a dénoncé la Pologne.

De fait a renchéri le délégué de l’Ukraine, Moscou ne fait pas que commander des armes, des hommes sont actuellement en formation et prêts à combattre d’ici au 1er novembre.

La France a exhorté l’ensemble des États, au premier rang desquels la RPDC, à s’abstenir de fournir à la Russie des armes et des biens à double usage ainsi que des composants qui viendraient alimenter sa guerre d’agression.  La Chine a aussi été pointée du doigt s’agissant des biens à double usage fournis à la Russie, un acte qui exacerbe, selon les États-Unis, les menaces à la paix et à la sécurité mondiales.

S’en est suivi un vif échange entre les deux délégations, le délégué chinois accusant son homologue américain de vouloir « ternir sa réputation ».

La Chine s’est toujours engagée en faveur d’une solution politique au conflit, a-t-il martelé. 

Par la suite, plusieurs délégations occidentales ont évoqué le « Plan de la victoire » du Président Volodymyr Zelenskyy qui comporte cinq points très concrets, dont une invitation à l’Ukraine à adhérer à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). 

Une proposition aussitôt raillée par la délégation russe pour qui le Président ukrainien, qui subit une défaite évidente sur le champ de bataille, mise désormais sur « le piège qu’il a tendu à l’OTAN en voulant l’entraîner dans une confrontation directe avec la Russie », « au risque d’entraîner le monde dans une apocalypse nucléaire ». 

Que personne ne se fasse d’illusions, a tranché la délégation russe, « l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance de l’Atlantique Nord, sous quelque forme territoriale que ce soit, est absolument inacceptable pour la Russie et ne peut faire partie d’aucun plan de paix ni d’aucune initiative de médiation ». 

En attendant, comme la Slovénie, Malte et la Pologne, la France a renouvelé son appui à l’initiative de paix du Président Zelenskyy.

L’issue de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine déterminera si le monde s’enfoncera dans d’autres guerres, a prédit le délégué ukrainien.  « Cette menace mondiale nécessite une réponse ambitieuse. »  Cet été, a-t-il rappelé, le premier Sommet de la paix s’est tenu avec le soutien de près de 100 pays et organisations internationales.  Aujourd’hui, l’Ukraine se prépare à un deuxième sommet de la paix pour « mettre fin à la guerre ».

Outre les 15 membres du Conseil, cinq délégations de la région ont été invitées à participer à ce débat. 

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

Exposé

Mr. Miroslav Jenča, Assistant Secretary-General for Europe, Central Asia and Americas, Departments of Political and Peacebuilding Affairs and Peace Operations

M. MIROSLAV JENČA, Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, a alerté le Conseil sur les attaques systématiques et quotidiennes que la Russie continue d’infliger à ce pays, faisant de septembre le mois le plus meurtrier de l’année 2024.  Au moins 208 civils ukrainiens ont été tués et 1 220 blessés sans compter les dommages considérables infligés aux infrastructures vitales, a détaillé le Sous-Secrétaire général.

Selon un bilan du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), depuis le début de l’invasion totale de l’Ukraine par la Russie en février 2022, 11 973 civils, dont 622 enfants, ont été tués; 25 943 personnes, dont 1 686 enfants, ont été blessées, a rapporté M. Jenča. 

Les 15 et 16 octobre, des attaques ont été menées par la Russie, notamment dans les régions de Donetsk, Kharkiv, Kherson, Mykolaiv, faisant des victimes civiles et endommageant des bâtiments résidentiels et une école.  Quelque 7 000 personnes à Kharkiv ont dû être évacuées.  Ce week-end et ce matin même, des attaques ont encore fait plusieurs victimes à Zaporizhzhia et Kryviy Rih. 

La mort et la destruction sont également un phénomène quotidien en dehors des zones de combat actif, a-t-il déploré, citant les zones résidentielles de Kyïv visées par des drones ce matin et au cours du week-end.  Le 16 octobre, la capitale aurait été attaquée par plus de 130 drones. 

Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, et Odessa, dans le sud, ont également été touchées à plusieurs reprises, faisant de nombreuses victimes civiles. 

Le Sous-Secrétaire général s’est dit également préoccupé par l’impact des combats qui se poursuivent de part et d’autre de la frontière russo-ukrainienne, en particulier dans la région russe de Koursk, à la suite de l’incursion de l’Ukraine en août dernier. 

Le responsable onusien a également déploré la reprise, ces dernières semaines, des attaques russes contre les ports ukrainiens de la mer Noire.  Depuis le 1er septembre, six navires civils ainsi que des infrastructures céréalières dans les ports ont été endommagés, selon des responsables locaux. 

En conséquence, les prix du blé ont augmenté de plus de 6% entre le 1er septembre et le 14 octobre, sans compter leur impact sur l’assurance risque qui affecte le secteur agricole ukrainien. 

La sécurité et la viabilité de l’Initiative de la mer Noire restent essentielles pour la sécurité alimentaire mondiale, a averti M. Jenča. 

Pour sa part, l’ONU poursuit son engagement auprès de l’Ukraine, de la Fédération de Russie et de la Türkiye, ainsi que d’autres parties, en faveur de la liberté et de la sécurité de la navigation en mer Noire.

Autre point inquiétant: les attaques systématiques de la Russie contre l’infrastructure énergétique de l’Ukraine sont devenues l’une des caractéristiques les plus « marquantes et les plus odieuses » de cette guerre.  La destruction et l’interruption à grande échelle de l’approvisionnement en eau et en électricité dans tout le pays risquent d’aggraver les conditions de vie de millions d’Ukrainiens au cours du troisième hiver de cette guerre, notamment les groupes les plus vulnérables, s’est alarmé M. Jenča, évoquant une situation humanitaire déjà désastreuse. 

Si quelque 7,2 millions de personnes ont reçu une aide humanitaire en Ukraine au cours des huit premiers mois de 2024, 1,5 million de personnes n’ont en revanche pas pu être aidées correctement dans certaines parties des régions de Donetsk, Kherson, Luhansk et Zaporizhzhia, occupées par la Russie.

Le Sous-Secrétaire général a réitéré son appel en faveur d’un acheminement sûr, rapide et sans entrave de l’aide humanitaire et renouvelé son appel aux donateurs pour qu’ils accélèrent le financement flexible du Plan de réponse aux besoins humanitaires dont un peu plus de la moitié seulement a été financée.

Il a, par ailleurs, exhorté les autorités russes et ukrainiennes à mettre fin à la pratique des tortures généralisés et systématiques des prisonniers de guerre, et demandé l’application du principe de responsabilité.  Depuis mars 2023, 97% des prisonniers ukrainiens interrogés par le HCDH ont fourni des récits cohérents de torture ou de mauvais traitements pendant leur captivité, et 68% ont fait état de violences sexuelles.  De même, la moitié des prisonniers de guerre russes interrogés par le HCDH ont déclaré avoir subi des actes de torture ou des mauvais traitements. 

Sur une note positive, M. Jenča s’est félicité de l’échange, vendredi dernier, de 95 prisonniers de guerre de part et d’autre et a encouragé leur poursuite. Il a également salué l’échange de centaines de dépouilles le même jour. 

Enfin, le Sous-Secrétaire général a mis en garde contre un accident nucléaire, s’inquiétant de la situation particulièrement précaire à la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporizhzhia.  L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a également surveillé l’impact des activités militaires signalées à proximité de la centrale nucléaire russe de Koursk. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Une transformation numérique plébiscitée par les chefs des commissions régionales devant la Deuxième Commission

Soixante-dix-neuvième session,
20e séance plénière – matin & après-midi
AG/EF/3609

Une transformation numérique plébiscitée par les chefs des commissions régionales devant la Deuxième Commission

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Alors que le monde fait face à des défis complexes et que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 demeure hors de portée, la transformation numérique apparaît comme un vecteur d’espoir de plus en plus puissant pour la communauté internationale.  C’est ce qu’ont confirmé les cinq secrétaires exécutifs des commissions régionales de l’ONU ayant participé au dialogue annuel de la Deuxième Commission (questions économiques et financières) ce lundi. 

Orchestré par le Président de la Deuxième Commission Muhammad Abdul Muhith, le dialogue était centré sur l’objectif de « bâtir un avenir numérique inclusif et durable pour accélérer la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), en mettant l’accent sur l’éradication de la pauvreté et l’égalité femmes-hommes », sous l’angle de « l’expérience des régions ». 

En préambule, M. Muhith a dit espérer que les commissions régionales, « qui restent aux commandes des programmes de développement dans les régions », tireraient parti du nouveau Pacte numérique pour l’avenir dans leurs efforts.

Disparités numériques

Si la transformation numérique progresse à pas de géant dans chaque région, de profondes disparités subsistent encore, notamment en termes de genre, de génération et de géographie.  Tout d’abord, au niveau de la planète, des millions de personnes, dont 1,3 milliard de travailleurs informels, n’ont pas les compétences nécessaires pour gagner leur pain dans l’économie numérique.  Dans la région Asie-Pacifique, où réside plus de la moitié de la population mondiale, 61,2% de la population est désormais connectée, mais les taux d’alphabétisation numérique plafonnent à seulement 4% dans certaines zones. 

La région de l’Amérique latine et des Caraïbes est, elle, toujours confrontée à de fortes inégalités en matière d’accès à Internet, en particulier le haut débit, dont l’accès reste limité, en raison des coûts élevés des infrastructures dans les zones rurales et de faibles investissements dans les réseaux de fibre optique.  Plus de 70% des micro, petites et moyennes entreprises d’Amérique latine et des Caraïbes n’ont pas de présence en ligne.

En Afrique également, les infrastructures numériques demeurent limitées: seulement 37% des Africains ont accès à Internet et il n’y a que 28% des zones rurales qui sont couvertes par le haut débit.  Mais la jeunesse du continent est une opportunité pour libérer le potentiel de l’Afrique, a promis Mme Hanan Morsy, Secrétaire exécutive adjointe et Économiste en chef de la Commission économique pour l’Afrique (CEA).  Avec un âge médian de 19 ans et plus de 500 millions de jeunes d’ici à 2030, l’Afrique devrait bénéficier de ce potentiel d’innovation et de croissance économique, « une chance immense » pour l’Afrique, selon Mme Morsy qui s’est appuyée sur ces chiffres: l’économie numérique de l’Afrique devrait atteindre 180 milliards de dollars d’ici à 2025, soit 5,2% du PIB africain, et 712 milliards de dollars d’ici à 2050, soit une croissance de 8,2% du PIB du continent. 

L’intelligence artificielle au service du public et du commerce 

Le rôle des commissions régionales dans ces questions a été démontré ce matin.  Tout d’abord, elles servent de pont entre les débats internationaux sur la transformation numérique et les réalités locales.  Elles aident ensuite à traduire les engagements mondiaux en politiques et stratégies régionales tenant compte de ces réalités.  De plus, elles peuvent aider à définir des principes clairs pour une utilisation éthique et responsable des technologies comme l’intelligence artificielle (IA), de manière à susciter la confiance, la transparence et le respect des droits humains, a observé le Secrétaire exécutif adjoint de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), M. Javier Medina Vásquez.

De fait, les commissions régionales ont montré qu’elles avaient saisi à pleines mains le potentiel de l’IA.   Pour le commerce, d’abord: la CEA soutient par exemple la plateforme numérique African Trade Exchange (ATEX), qui facilite le commerce et l’investissement en permettant aux entreprises et aux gouvernements d’effectuer des transactions et d’échanger des informations de manière sûre et efficace au sein de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). 

La Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP) aide également les pays à numériser le commerce transfrontalier, a exposé sa Secrétaire exécutive adjointe, Mme Lin Yang.  Selon son analyse, l’informatisation du commerce transfrontalier pourrait réduire les coûts commerciaux dans la région de 13% et permettre dans le même temps aux micro, petites et moyennes entreprises de se lancer dans le commerce.  Cette informatisation permettrait aussi d’économiser 13 millions de tonnes d’émissions de carbone par an, a fait valoir Mme Yang.  Elle s’est donc félicitée que 13 pays aient déjà ratifié l’Accord-cadre de la CESAP sur l’informatisation du commerce transfrontalier.

La numérisation des services publics a également été vantée.  La CEA, par exemple, collabore pour mettre en œuvre des programmes de délivrance de cartes d’identité numérique.  Dans la région arabe, des efforts sont menés pour intégrer les technologies de l’IA et la chaîne de blocs dans les services publics. Mme Rola Dashti, Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO), a donné l’exemple d’un outil basé sur l’« IA Mustashar », qui transforme la façon dont les décideurs politiques accèdent aux données et les analysent. 

Au cours de son intervention, Mme Dashti a diffusé une vidéo dans laquelle son « avatar numérique » –un véritable double virtuel indiscernable à l’œil nu– présentait un site Internet conçu pour aider les décideurs de la région, nommé ISPAR.  Ce site est un simulateur de scénarios de croissance alimenté par l’IA.  Le logiciel conseille les dirigeants en s’alignant sur les ODD en s’appuyant sur les données recueillies sur chaque pays. Ces données sont promises à être mises à jour de manière très régulière et très fine, a expliqué la responsable de la CESAO. 

Même initiative en Afrique, où existe une base de données consultable sur les innovations (projets et start-ups) en matière d’IA dans divers secteurs.  Cette base de données est catégorisée par secteur, par région et par cas.  Elle donne des profils détaillés pour chaque innovation avec des mises à jour régulières, le tout sur une interface conviviale.  « Une plateforme vivante », a assuré Mme Morsy. Il faudrait maintenant une base de données centralisée sur les innovations en matière d’IA de l’Afrique, a-t-elle souhaité, reconnaissant que, pour l’instant, le continent peine à tirer pleinement parti de ces innovations étant donné la fragmentation de l’écosystème de l’IA du continent.

Parmi les pays qui ont commenté ces exposés, certains, comme le Bangladesh, ont mis en lumière le problème du « manque de données disponibles pour les pays en développement ».  La CESAP l’a confirmé: il n’y a toujours pas de données suffisantes pour la moitié des indicateurs des ODD.  « Nous devons continuer à renforcer les systèmes statistiques nationaux », a plaidé la délégation.

Gouvernance des données, utilisation de l’IA dans les statistiques officielles: tout cela nécessite davantage d’efforts, en particulier maintenant que nous avons le Pacte numérique mondial, ont relevé les intervenants. 

Fracture numérique, fracture de genre

Les recommandations de la matinée ont également inclus la problématique du genre.  En Afrique, seulement 32% des femmes utilisent Internet contre 42% des hommes, a observé la responsable de la CEA, qui y a vu une illustration des fractures -numérique et de genre- persistantes. Dans ce contexte, elle s’est félicitée des programmes de formation au codage des jeunes filles africaines parrainés par la CEA, qui tentent de faire coup double: réduire la fracture numérique en réduisant les inégalités de genre. 

Les quatre autres commissions ont également eu des choses à annoncer sur le sujet.  L’initiative « Women ICT Frontier (WIFI) » lancée en 2016 par la CESAP est devenue son programme de formation phare pour promouvoir l’entrepreneuriat féminin en Asie et dans le Pacifique.  Elle a permis de former plus de 14 000 femmes entrepreneures dans 22 pays.

Une autre initiative régionale, « Catalyzing Women’s Entrepreneurship (CWE) », a permis de débloquer près de 65 millions de dollars pour soutenir les entreprises dirigées par des femmes au Bangladesh, au Cambodge, aux Fidji et au Samoa.  En Mongolie, le Fonds de croissance des femmes entrepreneures, mis en œuvre par la CESAP, le Ministère des affaires étrangères du Gouvernement mongol et la Fédération internationale des femmes du commerce et de l’industrie de la Mongolie, a soutenu six entreprises technologiques pionnières dirigées par des femmes, en leur fournissant un financement pour le démarrage ainsi qu’une formation, un mentorat, un réseautage et une visibilité. 

« La connectivité n’est qu’un début: les véritables progrès ne se produisent que lorsque chaque personne possède les compétences numériques nécessaires pour s’épanouir », a résumé Mme Yang, de la CESAP.

Des transports en mutation profonde

Le thème crucial des transports a été mis en avant par la région Europe.  Alors que les transports traversent une transformation numérique profonde, les réglementations doivent rattraper leur retard tout en étant clairvoyantes sur les réalités qui changent, a exposé M. Dmitry Mariyasin, Secrétaire exécutif adjoint de la Commission économique pour l’Europe (CEE). Pour la toute première fois, la CEE a présenté une réglementation sur les véhicules automatisés au Comité de la CEE sur les véhicules autonomes, a-t-il signalé.  Et depuis février 2024, pour la première fois également, les trois principaux modes de transport terrestres sont dotés de stratégies de décarbonation.  Cela reflète le programme de décarbonation ambitieux de la CEE, s’est enorgueilli M. Mariyasin.  Il a cité par exemple la règlementation des véhicules électriques, qui a demandé beaucoup de travail.

En Asie et dans le Pacifique, les systèmes de transport intelligents demeurent relativement nouveaux et fragmentés.  La CESAP explore donc une stratégie commune de coopération sur les systèmes de mobilité intelligents.  Dans le cadre d’un accord intergouvernemental sur le réseau ferroviaire transasiatique, de nouveaux principes généraux sur l’échange d’informations électroniques permettent un échange de données fluide le long des corridors ferroviaires, a détaillé Mme Yang.

La CEA n’est pas en reste: elle forme les agents de trois institutions de gestion des corridors et de huit pays (Burundi, Éthiopie, Kenya, Ouganda, République démocratique du Congo, Rwanda, Soudan du Sud et République-Unie de Tanzanie) à l’utilisation de ses outils numériques pour développer des infrastructures de transport terrestre pour différents corridors.

Répondant à une question du Turkménistan sur les effets négatifs sur l’emploi d’une transformation numérique mondiale échevelée, la responsable de la CESAP a reconnu « un manque de compétences » et la nécessité de créer de nouvelles possibilités d’intégrer les femmes sur les marchés du travail.  « Un travail analytique est nécessaire pour voir quelles sont les compétences transférables. »

M. Vasquez, de la CEPALC, est, lui, resté sur une ligne optimiste, selon laquelle la transformation numérique « permet vraiment de venir à bout des inégalités et des problèmes institutionnels ».  Il a ajouté qu’il fallait axer les efforts sur l’acquisition de compétences, notamment pour les femmes et les filles, ainsi que tous les groupes défavorisés, afin de réduire les inégalités.

Nouvelles technologies: les pays en situation particulière ne veulent pas rater le coche

Consacrée aux groupes de pays en situation particulière, la séance de l’après-midi fut l’objet de discussions autour de l’application des nouvelles technologies dans une voie qui leur serait spécifiquement bénéfique.

Mise sur pied en 2018 et basée en Türkiye, la Banque de technologies pour les pays les moins avancés (PMA) a été à l’honneur.  Depuis sa création récente, des bases solides ont été posées, a avancé M. Deodat Maharaj, son Directeur général, qui a cité le Népal, l’Érythrée, Cabo Verde et la Gambie comme principaux pays clients de ses services. Les évaluations des besoins technologiques -son produit phare- ont permis d’identifier avec succès des secteurs clefs (agriculture, santé, énergie, résilience climatique) dans lesquels des solutions technologiques peuvent contribuer à faire avancer les transformations.

De nombreuses délégations comme le Lesotho, le Népal au nom des PMA ou encore le Groupe des 77 et la Chine ont demandé davantage de soutien pour mettre en œuvre le Programme d’action de Doha (pour les PMA) ainsi que le prochain programme d’action pour les pays en développement sans littoral (PDSL).  Ils ont réclamé des « actions ciblées » de la part de la communauté internationale.  Questionné sur ce sujet, M. Maharaj a concédé que la Banque qu’il dirige ne disposait que de 16 millions de dollars de budget annuel, ce qui est insuffisant pour s’acquitter de l’ensemble de son mandat. 

Les États-Unis ont rappelé qu’ils avaient annoncé le mois dernier leur nouvelle stratégie pour le développement mondial, afin d’aider les partenaires des pays en développement à répondre à leurs besoins les plus urgents.  Dans le cadre d’un partenariat avec le G7, la délégation contribuerait à mobiliser collectivement 600 milliards de dollars d’ici à 2027 pour aider à combler le fossé avec les pays à revenu faible ou intermédiaire. Ce partenariat avec le G7 soutient également le développement du corridor de Lobito, qui relie la Zambie, la République démocratique du Congo et l’Angola aux marchés internationaux, grâce à l’infrastructure ferroviaire et aux investissements associés dans l’agriculture, la connectivité numérique et l’énergie propre. 

Sous l’Administration Biden-Harris, les États-Unis ont dépensé en aide publique au développement (APD) 24 milliards de dollars pour les PMA et plus de 14 milliards pour les PDSL, a ajouté le représentant américain. 

Les travaux de la Deuxième Commission reprendront ce vendredi, 25 octobre, à 10 heures.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Quatrième Commission: en raison de la crise de liquidités à l’ONU, l’UNSCEAR n’est pas en mesure d’arrêter un calendrier de travail pour 2025-2029

Soixante-dix-neuvième session
11e séance plénière - après-midi
CPSD/811

Quatrième Commission: en raison de la crise de liquidités à l’ONU, l’UNSCEAR n’est pas en mesure d’arrêter un calendrier de travail pour 2025-2029

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

La Quatrième Commission, chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, a, cet après-midi, écouté la Présidente du Comité scientifique des Nations Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR) lui présenter les travaux de cet organe au cours de l’année écoulée.  Considéré comme fondamental pour la sûreté radiologique internationale et pour informer les décisions des gouvernements et des organismes nationaux et internationaux à cet égard, le Comité se heurte néanmoins à des difficultés pour planifier ses activités, en raison des contraintes budgétaires qui affectent l’ONU.

La Commission a également adopté sans vote un projet de résolution sur les « effets des rayonnements ionisants », par lequel elle réaffirme notamment la décision de maintenir l’UNSCEAR dans les fonctions et le rôle indépendant qui sont actuellement les siens.

« Le Comité a gagné le respect de la communauté internationale grâce à son objectivité, son indépendance, sa compétence et la qualité de son travail », a fait valoir Mme Sarah Baatout, qui le préside actuellement, « et il est important de conserver et de préserver ces caractéristiques afin de garantir une base scientifique solide pour la protection des générations actuelles et futures. »

La Présidente a indiqué que plus de 180 scientifiques en provenance de 30 États qui sont membres du Comité et de 11 organisations internationales observatrices ont participé à la soixante-et-onzième session du Comité, qui s’est tenue du 20 au 24 mai 2024, à Vienne.  À cette occasion, deux rapports scientifiques importants ont été approuvés, l’un sur l’évaluation du second cancer primaire après radiothérapie, l’autre sur l’évaluation de l’exposition du public aux rayonnements ionisants.  Ces documents sont essentiels pour approfondir notre compréhension des effets de l’exposition aux radiations et orienter les politiques de protection radiologique à l’échelle mondiale, a souligné Mme Baatout, avant de mentionner aussi le sondage mondial sur l’exposition publique lancé en mars 2021, et pour lequel des mises à jour supplémentaires de la méthodologie et de l’approche ont été approuvées.

Quant au programme de travail de l’année à venir, la Présidente du Comité a regretté qu’en raison de retards considérables dus à la disponibilité limitée de ressources au sein du Secrétariat, trois évaluations scientifiques qui devaient débuter au cours de la période 2020-2024 n’aient pas encore démarré.  Il s’agit des évaluations des effets des rayonnements ionisants sur l’œil, sur la faune et les écosystèmes, et sur le système immunitaire, qui devraient donc être menées à bien pendant l’exercice 2025-2029.  Comme demandé par le Groupe de travail ad hoc sur les sources et l’exposition à ces rayons, le lancement d’une nouvelle évaluation de l’exposition médicale aux rayonnements ionisants est prévu pour cette même période quinquennale.  En outre, le Comité envisage trois sujets pour d’éventuels documents de réflexion, à savoir les biomarqueurs et signatures des maladies radiogènes; les relations dose-effet; et l’étude des modèles biophysiques de l’action des rayonnements actuellement utilisés et leur pertinence biologique.

Cependant, a regretté sa Présidente, étant donné la crise de liquidités en cours à l’ONU, il n’a pas été possible d’établir un calendrier détaillé du programme à venir.  Elle a néanmoins salué les progrès significatifs réalisés par l’UNSCEAR dans le renforcement de son réseau mondial grâce à la coopération et aux accords avec des organisations internationales clefs, dont la Commission européenne (CE), la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) et l’OIT.  La prochaine session du Comité est actuellement prévue du 16 au 20 juin 2025 à Vienne.

Le Canada, qui s’exprimait au nom du groupe CANZ, a vanté le soutien consensuel dont bénéficie l’UNSCEAR, cela s’expliquant par son approche strictement technique et scientifique pour s’acquitter de son mandat principal, qui consiste à recueillir des données scientifiques sur les niveaux de rayonnements ionisants et de radioactivité, ainsi que sur leurs effets, et à produire un certain nombre de rapports détaillés afin d’aider les États Membres à trouver des solutions à ces problèmes.  « Un rôle vital et indépendant », selon le Japon, qui s’est dit très attaché à la sécurité des technologies nucléaires. Les rapports du Comité ont couvert un large éventail de sujets au cours de ses 69 années d’existence, a rappelé le Canada, en mentionnant entre autres l’étude sur les retombées des essais nucléaires non classifiés, l’analyse des différentes formes d’exposition, de la médecine au travail en passant par le grand public, ainsi que d’autres sur l’impact des accidents nucléaires passés, notamment à Fukushima et Tchernobyl.

La délégation européenne a noté la vaste expertise du Comité dans l’évaluation de l’exposition à la suite de rejets accidentels de radionucléides et dans le développement des fondements scientifiques permettant d’améliorer la préparation et la reprise après sinistre en cas d’urgence nucléaire et radiologique.  Après avoir salué les travaux du Comité, l’Union européenne a mis en exergue les rapports de l’UNSCEAR sur l’exposition médicale aux rayonnements ionisants, qui constituent l’une de ses priorités en matière de radioprotection, et qui s’inscrivent dans le droit fil du Programme stratégique pour les applications médicales des rayonnements ionisants, également appelé Plan d’action SAMIRA.  S’agissant de radioprotection, d’amélioration de l’utilisation des rayonnements ionisants dans les applications médicales et de préparation aux situations d’urgence, le partenariat PIANOFORTE, cofinancé par le programme de recherche et de formation Euratom, sert de principal moteur de recherche pour les années 2021-2025, a encore précisé la délégation européenne.

Compte tenu du recours accru à la technologie nucléaire, le Saint-Siège a soutenu l’accent mis par le Comité sur la protection de la santé humaine et de l’environnement.  Dans cette optique, il a salué l’étude sur l’exposition du public aux rayonnements ionisants, tout en encourageant le Comité à poursuivre ses recherches sur l’exposition locale et régionale dans les zones contaminées par des activités nucléaires.

S’agissant de l’étude sur l’exposition du public, l’Argentine a reproché au Comité de n’avoir pas inclus certaines de ses conclusions très importantes dans son rapport, qui indiquent que l’impact radiologique le plus significatif de la production d’électricité ne provient pas de l’énergie nucléaire, mais des énergies alternatives.  La délégation argentine a donc demandé à la Présidente du Comité de prendre les mesures nécessaires pour corriger cette « importante omission ».  L’Inde a renchéri en ce sens en relevant que ce rapport conclut en outre que les doses des centrales nucléaires et de leur production sont faibles.  L’Argentine s’est en outre opposée au financement des activités de l’UNSCEAR par le biais du Fonds d’affectation spéciale créé par le PNUE et alimenté par des contributions volontaires, appelant à la prudence à l’égard de ce mécanisme de financement qui pourrait être perçu comme une atteinte à l’indépendance du Comité scientifique.

S’agissant du point à l’ordre du jour de la Commission concernant la planification des programmes, le Comité du programme et de la coordination (CPC) n’ayant pas été en mesure de fournir des recommandations à l’Assemblée générale à propos du descriptif de 16 programmes du projet de budget-programme de l’Organisation pour 2025, dont le programme 4, sur les opérations de maintien de la paix, et le programme 24, sur les communications mondiales, la Quatrième Commission a été chargée de les examiner.

Le Directeur de la Division des politiques, de l’évaluation et de la formation du Département des opérations de maintien de la paix, M. David Haeri, a d’abord noté que les opérations de maintien de la paix sont, fondamentalement, une « entreprise de partenariat ».  Leur efficacité ne repose pas seulement sur des Casques bleus bien équipés et formés, mais aussi sur la volonté politique et la collaboration des parties au conflit, le consentement des gouvernements hôtes et le soutien politique de la communauté internationale.  Pour ces raisons, et en dépit d’un contexte opérationnel de plus en plus difficile, les opérations de paix ont continué à exécuter leurs mandats, tout en s’adaptant et en réalisant leurs objectifs programmatiques.  Tel qu’indiqué dans son plan-programme, la stratégie du Département demeure guidée par les mandats de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, ainsi que l’objectif de faire avancer les réformes visant à accroître l’efficacité des opérations, conformément à l’initiative Action pour le maintien de la paix du Secrétaire général, à son plan de mise en œuvre, A4P+, ainsi qu’au Nouvel Agenda pour la paix.

M. Ian Phillips, Directeur de la Division des nouvelles et des médias du Département de la communication globale (DCG), a rappelé que le Plan proposé pour 2025 de la communication globale a été présenté en mai de cette année au CPC.  Le DCG s’efforce d’informer le public mondial sur l’état du monde et de renforcer le soutien au travail de l’Organisation, au moyen de contenus, de campagnes et d’efforts de sensibilisation stratégiques, coordonnés et multilingues.  Son action s’articule autour de trois objectifs de communication qu’il entend poursuivre en 2025, le premier étant la fourniture d’informations sur les grandes questions internationales, par le biais de ses services d’information, de ses plateformes numériques et des médias sociaux.  Par ses campagnes ciblées et ses actions de sensibilisation, le Département cherche en outre à susciter un engagement mondial sur des questions cruciales, de l’urgence climatique à la paix et à la sécurité. Enfin, a ajouté M. Phillips, le Département s’efforce de mobiliser l’action en présentant des solutions aux défis mondiaux et en insufflant de l’espoir.

Or, a-t-il poursuivi, la mission du Département devient sans cesse plus difficile du fait de la désinformation, de la mésinformation et des discours de haine qui se propagent à un rythme sans précédent. Néanmoins, il a décelé dans ce phénomène un moment charnière pour l’intégrité de l’information, du fait de la prise de conscience de l’ampleur et de la gravité du problème.  L’ONU se concentre donc sur l’étude de l’impact de l’environnement informationnel actuel sur les efforts visant à créer un monde meilleur, une action qu’elle continuera de mener en 2025, a-t-il assuré.

L’Union européenne a rappelé que la planification des programmes relève du CPC, et mis en garde contre les doublons.  Il a regretté qu’un consensus n’ait pu être dégagé quant à des plans-programmes qui intéressent la Quatrième Commission, en espérant que cette situation ne se reproduira pas.  La Cinquième Commission, chargée de superviser l’application des mandats, a la responsabilité définitive de l’adoption du plan-programme et du projet de budget, a-t-elle rappelé.

Après avoir demandé que la Quatrième Commission recommande à l’Assemblée générale l’adoption de ces deux programmes, le Mexique a demandé au CPC de s’acquitter de son mandat.  El Salvador a exprimé pour sa part sa préoccupation que le rapport du CPC ait recommandé que les grandes commissions examinent 16 programmes, une situation qui devrait selon lui être « inhabituelle ».

S’agissant de la revitalisation des travaux de l’Assemblée générale, la représentante salvadorienne a recommandé l’élaboration d’une compilation de la pratique et des méthodes de la Commission, lesquelles devraient faire l’objet d’un consensus.

L’Argentine a appelé la Commission à changer son approche afin de voir les méthodes de travail non pas comme une fin en soi, mais plutôt comme un outil permettant de résoudre les questions à son ordre du jour.  Enfin, le Sénégal a déploré que l’anglais soit la seule langue utilisée lors des négociations concernant les projets de résolution, ce qui crée une forme « d’iniquité » entre les États. 

Lors de sa prochaine séance, qui se tiendra le mercredi 23 octobre 2023, à partir de 15 heures, la Commission abordera la question de l’Université pour la paix et se prononcera sur les projets de textes y afférent.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité anticipe l’impact des avancées scientifiques sur la paix et la sécurité internationales

9753e et 9754e séances – matin & après-midi
CS/15856

Le Conseil de sécurité anticipe l’impact des avancées scientifiques sur la paix et la sécurité internationales

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

« Comment défendre nos principes d’humanité face aux risques de guerres déshumanisées? »  Cette question posée par le Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse était le point central des débats de la réunion que le Conseil de sécurité a tenue aujourd’hui sur le thème « Anticiper l’impact des évolutions scientifiques sur la paix et la sécurité internationales ».  M. Ignazio Cassis, qui présidait la séance, a justifié ce choix thématique par le fait que « nous sommes obligés de considérer la dynamique mondiale à travers le prisme de la science, car ne rien prévoir, ce n’est pas gouverner, c’est courir à sa perte ». 

C’est pour ne pas mener à la perte du monde que le Conseil a adopté, à l’issue de la séance, une déclaration présidentielle dans laquelle il dit rester déterminé à prendre en compte plus systématiquement, selon qu’il conviendra et conformément à son mandat, les avancées scientifiques qui pourraient avoir une incidence sur la paix et la sécurité internationales.  Sans ce texte, le Conseil estime que ces avancées doivent être compatibles avec le droit international, notamment les buts et principes consacrés par la Charte des Nations Unies. 

De même, le Conseil considère que la science, la technologie et l’innovation peuvent permettre d’accélérer la réalisation des aspirations de l’Organisation des Nations Unies dans ses trois grands domaines d’action que sont le développement durable, la paix et la sécurité et les droits humains.  Il réaffirme que ce potentiel doit être réalisé au moyen de la coopération internationale et qu’il est essentiel, pour tenir la promesse de ne laisser personne de côté, d’en partager les bienfaits. 

Ce qui était de l’ordre de la science-fiction il y a 10 ou 15 ans est en passe de devenir notre nouvelle réalité, a prévenu le haut fonctionnaire suisse au cours d’une réunion qui a pris les allures d’un congrès scientifique.  Ce n’est pourtant pas la première fois que le Conseil de sécurité discute de l’impact des progrès technologiques sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Mais il est tout à fait inédit qu’à l’initiative de la Suisse, Présidente du Conseil pour le mois d’octobre, une réunion publique soit organisée. 

La convergence croissante de différentes technologies, combinée à leur nature intrinsèquement à double usage, peut entraîner des conséquences profondes et imprévues, a expliqué le Directeur de l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR).  M. Robin Geiss a averti de deux risques particulièrement préoccupants pour la paix et la sécurité.  Premièrement, une fois que l’intelligence artificielle dépassera les capacités humaines, il faudra craindre pour la faculté des hommes à gouverner pleinement. Deuxièmement, il a évoqué le défi de s’assurer que les buts, les motivations et les critères de prise de décisions d’une intelligence artificielle restent alignés sur les valeurs, l’éthique et le bien-être des hommes. 

L’Algérie a donc rappelé que le pouvoir transformateur de la science, de la technologie et de l’innovation doit être au service de l’humanité et pour renforcer la paix, et non pas nourrir les conflits.  Le Président du Conseil de la fondation du DCAF (Centre de Genève pour la gouvernance du secteur de la sécurité) a recommandé l’organisation de dialogues multilatéraux et de consultations avec les parties prenantes, y compris les parlements du monde entier.  « Ne ménageons aucun effort pour assurer que ces développements servent les idéaux les plus élevés de l’humanité », a insisté M. Amin Awad. 

À ce propos, la neurochirurgienne, Mme Jocelyne Bloch, a donné un exemple concret, aux côtés du neuroscientifique, M. Grégoire Courtine.  Les deux professeurs ont expliqué comment la mise en route d’un « pont digital » entre le cerveau et la moelle épinière permet de contourner les lésions, une avancée scientifique qui offre l’opportunité révolutionnaire au cerveau de continuer à contrôler les jambes. 

« Nos patients sont capables de contrôler un drone avec leurs pensées », a affirmé M. Courtine qui a appelé à anticiper le moment où les avancées des interfaces cerveau-machine permettront à des personnes saines de se servir de cette nouvelle forme de communication pour des usages non thérapeutiques, voire militaires. 

En outre, la question de la fracture numérique a été posée par des délégations comme la Chine qui a prévenu que cette fracture pourrait rendre les pays en développement vulnérables aux risques sécuritaires.  De même, la Fédération de Russie a dénoncé la « cancel culture » qui nuit aux progrès scientifiques, faisant référence à la discrimination contre les scientifiques russes et évoquant la suspension de la collaborations avec le Laboratoire européen pour la physique des particules (CERN) et d’autres institutions scientifiques européennes. 

Contrairement à la Fédération de Russie qui a dit craindre un double emploi avec d’autres organes de l’ONU, le Royaume-Uni a encouragé le Conseil à approfondir sa collaboration avec la communauté scientifique et à intégrer systématiquement l’analyse scientifique dans les dossiers dont il est saisi.  Pour l’Équateur, il est impératif que les progrès dans ces domaines et dans d’autres soient développés dans des cadres réglementaires solides qui garantissent le respect du droit international, y compris le droit international humanitaire et les droits de l’homme.  La Suisse a aussi mis l’accent sur la manière de garantir l’applicabilité des Conventions de Genève. 

Les États-Unis sont revenus sur la toute première résolution de l’Assemblée générale adoptée par consensus en mars dernier qui établit un cadre commun pour une intelligence artificielle digne de confiance, sûre et sécurisée.  La République de Corée a d’ailleurs dit avoir déposé, avec les Pays-Bas, une résolution à la Commission des questions de désarmement et de la sécurité internationale, demandant au Secrétaire général de recueillir l’avis des États Membres sur l’impact de l’intelligence artificielle dans le domaine militaire. 

Le processus d’Hiroshima sur l’intelligence artificielle, lancé en mai 2023, a conduit à l’élaboration de principes directeurs internationaux et d’un code de conduite, que plus de 50 pays membres s’efforcent actuellement de mettre en œuvre, a indiqué le Japon.  Pour sa part, la France a annoncé l’organisation d’un sommet sur l’intelligence artificielle à Paris les 10 et 11 février 2025. 

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Anticiper l’impact des évolutions scientifiques sur la paix et la sécurité internationales (S/2024/708)

Exposés

Le Directeur de l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR), M. ROBIN GEISS, a expliqué que depuis son instauration en 1980, en tant qu’institution autonome de recherche au sein des Nations Unies, l’UNIDIR aide les États Membres à mieux comprendre les implications de la science et de la technologie dans le domaine de la paix et de la sécurité.  Il a souligné que la convergence croissante de différentes technologies, combinée à leur nature intrinsèquement à double usage, peut entraîner des conséquences profondes et imprévues. 

Il a évoqué l’utilisation de systèmes robotiques avancés dans la guerre, avec des robots employés pour des tâches considérées comme trop dangereuses pour les soldats, telles que le déminage.  De même, au cours des prochaines années, l’informatique quantique aura un impact sur la paix et la sécurité de plusieurs façons importantes.  D’abord, elle perturbera la sécurité de l’information et des communications, en rendant les techniques de cryptage traditionnelles inefficaces et donc obsolètes. 

Deuxièmement, les capteurs quantiques permettront de détecter des objets sous terre ou sous l’eau, révolutionnant ainsi la guerre, d’une part, et les efforts de surveillance et de vérification, d’autre part.  Troisièmement, l’informatique quantique ouvrira une nouvelle ère pour l’intelligence artificielle (IA) en permettant le calcul de modèles qui ne peuvent actuellement pas être exécutés même sur les ordinateurs les plus puissants.

M. Geiss a averti de deux risques particulièrement préoccupants pour la paix et la sécurité.  Premièrement, une fois que l’intelligence artificielle dépassera les capacités humaines, il faudra craindre pour la faculté des hommes à gouverner pleinement.  De nombreux experts considèrent cela comme un risque concret et plausible qui mérite une attention particulière, compte tenu de la nature existentielle de la menace.  Deuxièmement, le problème de l’alignement des valeurs.  C’est-à-dire le défi de s’assurer que les buts, les motivations et les critères de prise de décisions d’une intelligence artificielle restent alignés sur les valeurs, l’éthique et le bien-être des hommes. 

Cette puissante technologie pourrait être exploitée à bon escient, pour relever des défis complexes, mais si elle venait à être utilisée de manière irresponsable, elle pourrait poser des risques importants et même existentiels pour la sécurité humaine, a-t-il mis en garde.  Selon l’expert, l’anticipation et la compréhension précoce des technologies peuvent permettre aux décideurs, y compris au Conseil de sécurité, de prendre des mesures informées qui à la fois exploitent les avantages potentiels et préviennent ou atténuent les nouvelles menaces découlant du manque de sensibilisation, de la perte de contrôle ou d’une erreur de calcul.

Mme JOCELYNE BLOCH, NeuroRestore, et du département de neurochirurgie, faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne, a souhaité donner un exemple concret de développement scientifique de nature à avoir un impact sur la paix, l’humanité et la sécurité internationale.  « Durant mes années d’études de médecine, on m’a enseigné cette triste réalité: une lésion de la moelle épinière conduit à une paralysie qui confine le patient à une chaise roulante pour le reste de sa vie », a-t-elle commencé.  Cette paralysie est due à l’interruption des commandes que le cerveau envoie pour activer les muscles des jambes, des commandes qui restent bloquées au niveau de la lésion.  Pourtant, la région de la moelle épinière qui contrôle les jambes est épargnée par la lésion. Elle est donc intacte, mais déconnectée du cerveau, a précisé Mme Bloch. 

Son collègue Grégoire Courtine et elle ont été persuadés que cette constellation est la clef de la réussite accélérée de leur projet scientifique: ils ont développé ce qu’ils appellent un « pont digital » entre le cerveau et la moelle épinière.  Ce dispositif révolutionnaire contourne la lésion en créant un pont digital entre la zone du cerveau qui contrôle les jambes et la région de la moelle épinière qui active les muscles des jambes.  Ce pont digital, a expliqué la neurochirurgienne, consiste en un premier implant électronique avec des électrodes qui permettent d’enregistrer l’activité des neurones du cerveau qui encodent la motricité des jambes; et d’un deuxième implant pour stimuler la région de la moelle épinière qui produit le mouvement des jambes.  « Une intelligence artificielle décode alors les pensées du patient sur la base des enregistrements et programme la stimulation de la moelle épinière pour permettre à la personne paralysée de remarcher naturellement », a-t-elle révélé.  Nous avons récemment appliqué le même principe pour rétablir le mouvement du bras chez un patient tétraplégique, et avons pour projet d’étendre le champ d’application de cette thérapie à des paralysies liées à des accidents vasculaires cérébraux et à des maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson, a encore annoncé Mme Bloch.

Son collègue M. GRÉGOIRE COURTINE, NeuroRestore, iNX Institute, et de la faculté des sciences de la vie à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, s’est réjoui d’une avancée si significative des neurosciences et des neurotechnologies qu’il est, selon lui, possible de prédire que de nombreux paralytiques pourront avoir accès à ces traitements dans la prochaine décennie.  Il s’est dit persuadé que ces progrès auront un impact significatif sur la vie de nombreuses personnes, notamment les jeunes sportifs accidentés, les soldats paralysés revenant du combat, ou encore des civils victimes collatérales.  Une patiente issue d’une zone de conflit en cours a d’ailleurs été traitée récemment, s’est félicité le neuroscientifique.  Outre des améliorations évidentes pour la santé physique et mentale des patients, vaincre la paralysie aura donc un impact important pour la société et l’économie, a assuré M. Courtine, tout en reconnaissant que de telles innovations soulèvent aussi des questions éthiques et sécuritaires. 

L’équipe médicale avec laquelle il travaille a doté le cerveau d’un nouveau pont digital de communication dont les applications potentielles sont immenses: « nos patients sont capables de contrôler un drone avec leurs pensées », a révélé le neuroscientifique.  C’est pourquoi il a appelé à anticiper le moment où les avancées des interfaces cerveau-machine permettront à des personnes saines de se servir de cette nouvelle forme de communication pour des usages non thérapeutiques, voire militaires.  Il est donc important, a souligné M. Courtine, de réfléchir aux problèmes sécuritaires, comme les conséquences de l’arrêt inattendu du pont digital à la suite de perturbations dues aux champs électromagnétiques présents dans nos environnements, voire du piratage des données neurologiques qui permettent d’opérer le pont digital pour marcher. 

Bien que ces problèmes semblent peu probables dans un avenir proche, les préoccupations sont réelles, a averti le neuroscientifique.  Il est donc de notre responsabilité collective, à ce moment charnière, de façonner cette nouvelle ère de manière éthique et sécurisée, tout en ouvrant la voie à des progrès qui transformeront des vies, a plaidé M. Courtine.

M. AMIN AWAD, Président du Conseil de la fondation du DCAF (Centre de Genève pour la gouvernance du secteur de la sécurité), a exprimé son inquiétude face à l’impact potentiel des développements scientifiques sur la paix et la sécurité internationales.  Il a d’abord partagé une expérience personnelle: durant la première guerre du Golfe en 1991, il s’était préparé à la possibilité d’une attaque chimique, équipé d’une combinaison de protection et de trois injecteurs d’antidotes pour contrer les effets de telles armes.  Ainsi, la science avait créé à la fois une arme et un moyen de survie, mais seuls quelques-uns avaient accès à cette protection, laissant la majorité, en particulier les civils, sans défense.

M. Awad a prévenu que la communauté internationale se trouve aujourd’hui face à une nouvelle « sonnette d’alarme collective », et cette fois-ci provoquée par l’accélération des progrès scientifiques dans des domaines tels que l’intelligence artificielle, la biologie de synthèse, les neurotechnologies et l’informatique quantique.  Il a appelé le Conseil de sécurité à prendre des mesures urgentes pour éviter que ces technologies émergentes ne deviennent les armes chimiques de demain.  Soulignant l’importance des cadres normatifs existants, dont les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels, qui offrent des protections cruciales et restent pertinents, il a affirmé que la communauté internationale a démontré la possibilité de créer des normes universellement acceptées qui régissent les conflits armés et protègent les civils, les prisonniers de guerre et les travailleurs humanitaires.

Pour faire face à ces défis, M. Awad a d’abord recommandé l’organisation de dialogues multilatéraux et de consultations avec les parties prenantes, y compris les parlements du monde entier.  Il a ensuite insisté sur la nécessité pour le Conseil de sécurité de recevoir des mises à jour régulières concernant les développements scientifiques et technologiques, afin de rester proactif face à ces enjeux, plutôt que de réagir après coup.  Enfin, dans l’esprit du Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général, il a recommandé une approche fondée sur les droits humains, et sensible au genre pour s’assurer que les avancées technologiques répondent aux besoins des hommes, des femmes, des filles et des garçons.  « Ne ménageons aucun effort pour assurer que ces développements servent les idéaux les plus élevés de l’humanité », a conclu M. Awad.

Texte de la déclaration de la Présidente du Conseil de sécurité (S/PRST/2024/6)

Le Conseil de sécurité rappelle qu’il tient de la Charte des Nations Unies la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Les avancées scientifiques peuvent aider le Conseil à s’acquitter de cette responsabilité et contribuer à renforcer la confiance mutuelle et la coopération.

Le Conseil estime que les avancées scientifiques doivent être compatibles avec le droit international, notamment les buts et principes consacrés par la Charte des Nations Unies.

Le Conseil souligne le rôle crucial que joue l’Organisation des Nations Unies dans les domaines de la science, de la technologie et de l’innovation et prend note des travaux que mène l’Assemblée générale en lien avec la science et les nouvelles technologies et des résolutions et décisions qu’elle a adoptées à cet égard.

Le Conseil réitère l’appel lancé dans la Déclaration sur les générations futures en vue de tirer parti de la science, des données, des statistiques et de la prospective stratégique pour assurer une réflexion et une planification à long terme.

Le Conseil considère que la science, la technologie et l’innovation peuvent permettre d’accélérer la réalisation des aspirations de l’Organisation des Nations Unies dans ses trois grands domaines d’action que sont le développement durable, la paix et la sécurité et les droits humains, et réaffirme que ce potentiel doit être réalisé au moyen de la coopération internationale et qu’il est essentiel, pour tenir la promesse de ne laisser personne de côté, de partager les bienfaits des sciences, de la technologie et de l’innovation.

Le Conseil estime que la convergence de divers domaines scientifiques pourrait conduire à une accélération sans précédent des capacités et des avancées pendant la décennie en cours et souligne les effets positifs et négatifs que ces évolutions prévisibles pourraient avoir sur la paix et la sécurité internationales et sur ses travaux.

Le Conseil estime également qu’il importe d’intensifier la collaboration afin de combler les écarts au sein des pays et entre eux, notamment en favorisant le renforcement des capacités nécessaires pour mettre la science au service de la paix, assurer un transfert de technologies responsable, sur une base volontaire et selon des modalités arrêtées d’un commun accord, et promouvoir la culture scientifique et un accès équitable et sans exclusive au savoir, à la science et à l’information, ainsi qu’en créant un climat ouvert, juste, inclusif et non discriminatoire qui soit propice au développement et à la coopération scientifiques et technologiques et qui garantisse l’intégrité et la sécurité de la recherche.

Le Conseil estime en outre qu’il importe de s’attaquer aux obstacles qui empêchent toutes les femmes et toutes les filles d’accéder et de participer pleinement et véritablement, sur un pied d’égalité avec les hommes, aux activités scientifiques, y compris en qualité de chefs de file, notamment en améliorant les possibilités d’éducation, d’emploi et de recherche.

Le Conseil prend note de la volonté des États Membres de rendre l’Organisation des Nations Unies plus agile, plus réactive et plus résiliente, notamment en renforçant les capacités de l’Organisation en matière d’innovation, d’analyse des données, de transformation numérique, de prospective stratégique et de sciences du comportement, le but étant qu’elle puisse mieux aider les États Membres et mieux exécuter les mandats qui lui sont confiés.

Le Conseil reste déterminé à prendre en compte plus systématiquement, selon qu’il conviendra et conformément à son mandat, les avancées scientifiques qui pourraient avoir une incidence sur la paix et la sécurité internationales.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Sixième Commission entame son examen du rapport de la Commission du droit international

Soixante-dix-neuvième session
20e séance plénière – matin
AG/J/3726

La Sixième Commission entame son examen du rapport de la Commission du droit international

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a entamé ce matin son débat sur le rapport annuel de la Commission du droit international (CDI) en examinant un premier groupe thématique: chapitres introductifs I à III, Chapitre VII (Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État), Chapitre X (L’élévation du niveau de la mer au regard du droit international) et Chapitre XI (Autres décisions et conclusions de la Commission). 

Rappelant que la semaine du droit international débute également ce jour, le Président de la Sixième Commission a loué l’interaction « naturelle et transparente » avec la CDI.  Le Président de la CDI, M. Marcelo Vázquez-Bermúdez, de l’Équateur, a ensuite pris la parole pour présenter ce rapport long de 184 pages.

En préambule, il a rappelé que la CDI a fêté son soixante-quinzième anniversaire, avant d’indiquer que la session de cette année a été réduite de 12 à 10 semaines en raison de la crise de liquidités qui touche l’ONU.  La session n’en a pas moins été productive, a dit M. Vázquez-Bermúdez.

Le Président a ainsi indiqué que la CDI a entamé sa seconde lecture du projet d’articles portant sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  La Commission a également bien avancé sur la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le groupe de travail ayant été reconstitué. Deux sous-sujets ont été examinés, à savoir la condition étatique et la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer.

La Commission a avancé à « grandes enjambées » sur les questions du règlement des différends auxquels des organisations internationales sont parties et des moyens auxiliaires de détermination des règles de droit international, s’est félicité le Président.  Elle a entamé sa considération des accords internationaux juridiquement non contraignants et s’est, à nouveau, penchée sur la prévention et la répression de la piraterie et du vol à main armée en mer.

La CDI a en outre décidé d’inscrire les sujets « Indemnisation des dommages causés par un fait internationalement illicite » et « La diligence due en droit international » à son programme de travail à long terme.  Si elle a entendu le Juge Nawaf Salam, Président de la Cour internationale de Justice (CIJ), elle n’a pu, en raison de la crise financière, avoir ses traditionnels échanges de vues avec des organes juridiques internationaux et régionaux. Le Président a enfin précisé que la prochaine session de la Commission se tiendrait à Genève du 14 avril au 30 mai et du 30 juin au 31 juillet 2025.

Lors des discussions sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, les délégations ont tenu à rappeler, à l’instar du Brésil ou de la Lettonie, au nom des pays baltes, que ce phénomène n’a pas d’incidence sur la condition étatique.  « La présomption de continuité de la condition étatique, telle que définie dans le rapport, permet aux États touchés de préserver leur souveraineté, y compris en cas de perte territoriale découlant de l’élévation du niveau de la mer », a déclaré la Lettonie.  « La perte de territoire ne doit pas aboutir à une perte d’identité ou de clarté juridique. » 

De son côté, la Pologne a rappelé qu’il n’y a eu, depuis l’adoption de la Charte des Nations Unies, « aucun cas d’extinction involontaire d’un État. »  « Nous sommes d’accord avec la position selon laquelle les États ont le droit de préserver leur existence », a dit le délégué polonais.  À l’instar de son homologue du Brésil, il a plaidé pour une interprétation « adéquate » de la Convention de Montevideo sur les droits et les devoirs des États de 1933. 

La Lettonie a plaidé pour une responsabilité partagée afin d’appuyer les États touchés par ce phénomène.  Même son de cloche du côté du Brésil qui a rappelé le principe de responsabilités communes mais différenciées, entériné par la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement.  Dans un avis consultatif récent sur le changement climatique et le droit international, le Tribunal international du droit de la mer a relevé que les États ont l’obligation d’appuyer les États en développement contre la pollution marine, y compris par des transferts de technologies et le renforcement des capacités, a noté l’Union européenne, appuyée par le Mexique.

De nombreuses délégations ont souligné la centralité de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, à l’instar de l’Union européenne qui a estimé que toute proposition dans le rapport de la CDI sur le thème de l’élévation du niveau de la mer devrait maintenir et renforcer le cadre juridique établi par la Convention.  « Ce texte régule de manière contraignante toutes les activités menées en mer et impose des obligations générales sur la protection et la préservation de l’environnement marin. »

L’intégrité de la Convention sur le droit de la mer doit être préservée, a renchéri l’Islande, au nom des pays nordiques, avant de qualifier de « précieux » les travaux de la Commission sur ce point.  De son côté, l’Italie a estimé qu’il est temps d’entamer la rédaction de projets de conclusions sur le sujet. 

D’autre part, certaines critiques ont été formulées sur le projet d’articles de la CDI sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  La Pologne, l’Italie et l’Islande, au nom des pays nordiques, ont ainsi souhaité que la notion d’exercice de la juridiction pénale utilisée dans le projet d’articles soit clarifiée.  La Slovaquie a demandé que les renvois du Conseil de sécurité à la Cour pénale internationale (CPI) soient exclus du projet d’article 1. 

Plus globalement, la Pologne a souhaité qu’une approche plus large, prenant en compte les règles sur l’inviolabilité des représentants de l’État, soit privilégiée par la CDI.  Le Brésil a invité cette dernière à faire une analyse « équilibrée et représentative » de la pratique des États.  Il a en effet pointé le réel déséquilibre dans l’utilisation de la pratique des pays développés et de celle des pays en développement dans les commentaires adoptés en première lecture. 

« Plus de 96% des décisions des tribunaux nationaux mentionnées dans les commentaires proviennent des pays développés », a regretté le délégué du Brésil, en exhortant la Commission à remédier à cette « lacune criante ».  Dans le même ordre d’idée, l’Ouganda, au nom du Groupe des États d’Afrique, a regretté qu’un seul rapporteur spécial soit africain.  Ces États demandent d’ailleurs à la CDI de s’inspirer des principaux systèmes juridiques reflétant le monde contemporain et de développer des relations de coopération avec des commissions régionales telles que la Commission de l’Union africaine sur le droit international.

Le projet d’article 7 sur la liste de crimes pour lesquels l’immunité ne s’applique pas a, en outre, été au cœur des discussions.  Ce projet d’articles ne reflète pas le droit international coutumier, a tranché le Brésil, tandis que le Mexique a jugé cet article « déterminant ».  Ce pays, comme la Slovaquie, a souhaité que le crime d’agression soit inclus dans ladite liste.  Malgré ses réserves, le Brésil s’est dit favorable à l’élaboration d’une convention sur la base de ce projet d’articles.  Une convention spécifique permettra de remédier à la fragmentation des pratiques nationales sur le sujet, a acquiescé l’Italie.

Plusieurs pays ont salué l’ajout de deux nouveaux points au programme de travail à long terme, à l’instar de la Lettonie, qui a souligné l’importance pour les États de la question de l’indemnisation des dommages causés par un fait internationalement illicite. 

Enfin, certaines délégations ont regretté à leur tour que la session ait été écourtée en raison de la crise de liquidités.  L’Ouganda a espéré que la Commission reprendra les points laissés en suspens.

La Sixième Commission poursuivra demain, mardi 22 octobre, à partir de 10 heures, son examen du rapport de la CDI.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Première Commission: États non dotés et dotés débattent de la place des armes nucléaires dans le contexte stratégique et sécuritaire

Soixante-dix-neuvième session
14e séance plénière – matin
AG/DSI/3745

Première Commission: États non dotés et dotés débattent de la place des armes nucléaires dans le contexte stratégique et sécuritaire

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

La Première Commission, chargée des questions de désarmement et de sécurité internationale a poursuivi, ce matin, sa discussion thématique sur les armes nucléaires.  Les pays ont exprimé des vues contrastées, tantôt pour souligner l’importance de légiférer sur l’aspect humanitaire de ces armes, tantôt pour en défendre la place dans les doctrines et politiques de sécurité des États dotés, officiellement ou non, parties ou non au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).  En outre, les pays en développement ont attiré l’attention sur l’importance pour eux de pouvoir bénéficier sans entrave des utilisations pacifiques de l’énergie atomique dans le cadre des accords qui les lient à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). 

La Nouvelle-Zélande a annoncé qu’avec l’Irlande -et dans le but de faire progresser la compréhension collective des conséquences humanitaires et environnementales catastrophiques d’une guerre nucléaire-, elles présenteraient cette année un « nouveau projet de résolution demandant une étude scientifique complète et actualisée sur les effets » d’un conflit de cette nature.  La Nouvelle-Zélande est également coautrice, avec l’Australie et le Mexique, de la version 2024 du projet de résolution sur le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), a indiqué le représentant, mettant l’accent sur la notion d’héritage nucléaire des essais nucléaires.  « Le témoignage des victimes des armes nucléaires devra faire entendre son écho au sein de la Première Commission jusqu’à la destruction de la dernière ogive nucléaire », a renchéri le Mexique. 

Un quart des essais nucléaires ayant eu lieu au Kazakhstan, soit au moins 460 officiellement recensés, le représentant de ce pays n’a pu qu’appuyer les propos de ses homologues et a appelé à soutenir les projets de résolution axés sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires, l’héritage des essais nucléaires, l’entrée en vigueur du TICE et l’universalisation du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) « en tant qu’instrument complémentaire du TNP ».  Toutefois, si l’Irlande soutient ardemment le TIAN, nombre d’États membres de l’Union européenne en contestent la légitimité. La représentante de la France a ainsi, dans un long droit de réponse, jugé ce traité « inadapté au contexte international » et l’a accusé de « fragiliser gravement » le TNP en promouvant une approche concurrente et fondamentalement « incompatible » avec ce dernier Des propos qu’avaient également tenus la Tchéquie un peu auparavant. 

Le représentant kazakhstanais a aussi appelé les États à adopter à la majorité la plus vaste possible le projet de résolution intitulé « Le lourd héritage des armes nucléaires: assistance aux victimes et remise en état de l’environnement dans les États Membres touchés par l’emploi ou la mise à l’essai d’armes nucléaires » qu’il présentera avec Kiribati. 

Ces mêmes pays ont salué l’attribution, le 11 octobre, du prix Nobel de la paix à l’organisation japonaise Nihon Hidankyo pour son combat contre l’arme atomique. 

Concernant le TICE, le représentant néo-zélandais a appelé les États « qui n’y ont pas adhéré, ou qui l’ont “dératifié” comme l’a fait la Russie, à y adhérer sans tarder ».  Le délégué a en outre réaffirmé l’attachement de son pays au renforcement du Pacifique Sud en tant que zone exempte d’armes nucléaires. Considérant que le récent essai de missile balistique intercontinental effectué à l’intérieur de la zone marque une évolution très préoccupante, il a appelé les États à appuyer les divers projets de résolution sur le TICE, et dont la Nouvelle-Zélande est l’un des nombreux coauteurs. 

Le Royaume-Uni, qui a lui aussi rendu hommage à Nihon Hidankyo, a assuré la Commission qu’il prend très au sérieux ses responsabilités en tant, notamment, qu’unique État doté d’armes nucléaires à exploiter un seul système de lancement.  Nous faisons preuve de transparence en communiquant sur les plans national et international et auprès du grand public sur les principes et l’efficacité de notre dissuasion, a ajouté le représentant.  Parmi les mesures concrètes pour réduire le risque de guerre nucléaire que prend son pays, il a mentionné les travaux que mène son pays au sein du P5 sur l’irréversibilité et la vérification et le dialogue régulier qu’il a avec les États non dotés d’armes nucléaires, cela dans le cadre du dialogue soutenu sur les utilisations pacifiques de la science nucléaire. 

Le délégué du Royaume-Uni a opposé les comportements qualifiés d’irresponsables de la Russie et la Chine, la première parce qu’elle use d’une rhétorique nucléaire dangereuse et occupe une centrale nucléaire en Ukraine, la seconde parce qu’elle ne dit pas en toute transparence qu’elle modernise et renforce son arsenal nucléaire.  Le blocage par la Chine et la Russie des efforts du Conseil de sécurité pour demander des comptes à la République populaire démocratique de Corée (RPDC) envoie en outre un signal dangereux à ceux qui cherchent à porter atteinte à la sécurité internationale, a finalement déclaré le représentant. 

Les pays d’Europe orientale ou frontaliers de la Russie ont été nombreux à condamner à leur tour la politique nucléaire de celle-ci. 

La Bulgarie a ainsi dénoncé un comportement qui sape le régime de non-prolifération.  Une accusation reprise par la Pologne, laquelle s’est alarmée de ce que les discours russes belliqueux soient désormais suivis de véritables manœuvres menées avec des armes nucléaires tactiques.  Le délégué a également attiré l’attention sur la récente annonce par la Russie d’une révision de sa doctrine nucléaire, dont les termes attisent les risques d’accident nucléaire.  Il a également dénoncé le déploiement d’armes nucléaires tactiques russes au Bélarus, une manœuvre qui démontre « la nature destructrice de la politique russe en matière de sécurité internationale ». 

La Finlande s’est faite l’écho de ces préoccupations, estimant qu’un tel déploiement ne reflète pas le comportement d’un État nucléaire responsable.  L’Ukraine a accusé le Bélarus d’intégrer l’arme atomique à sa prétendue doctrine de dissuasion préventive.  De la part d’un État non doté, une telle démarche constitue en réalité une menace évidente pour le régime international de non­prolifération, a estimé son représentant.  Il a également rappelé la déclaration conjointe, adoptée lors du récent sommet pour la paix en Ukraine tenu en Suisse, qui souligne que toute utilisation de l’énergie et des installations nucléaires doit être sécurisée et que les centrales et installations nucléaires ukrainiennes doivent rester sous le contrôle souverain de l’Ukraine, conformément aux principes de l’AIEA. 

De son côté, la Chine a appelé à éliminer les causes sous-jacentes au risque nucléaire, par exemple en réduisant le nombre d’armes détenues et leur rôle dans les doctrines de sécurité.  Pour son représentant, il est d’abord de la responsabilité des États les plus dotés de se montrer proactifs en matière tant de sécurité négative que de non-utilisation en premier d’armes nucléaires. Nous avons besoin de prévention des conflits, pas de davantage de contrôle des armements, a affirmé le délégué qui a ajouté que toute initiative de ce type se doit d’être ancrée dans les réalités du contexte mondial stratégique et de sécurité.  Défendant l’approche pragmatique de désarmement nucléaire de son pays, il a répété que ce sont les pays dotés des plus importants arsenaux qui doivent promouvoir la stabilité régionale et le principe de sécurité non diminuée pour tous. 

Un État doté non officiellement comme le Pakistan s’est inquiété du comportement de « pays d’Asie du Sud-Est » qui accumulent des quantités préoccupantes de matières fissiles.  Selon le délégué, ces mêmes pays plaident pour la négociation, à la Conférence du désarmement, d’un traité interdisant la production de ces matières fissiles à des fins militaires « sans inclure les stocks existants ». Or un tel traité, adopté dans ces conditions, ne ferait qu’entériner les asymétries et les deux poids, deux mesures, en vigueur, sans contribuer au désarmement nucléaire, a-t-il jugé. L’Inde, qui fut le premier État à nucléariser l’océan Indien, qui menace depuis longtemps d’attaquer le Pakistan et rejette les résolutions du Conseil de sécurité sur le Jammu-et-Cachemire, refuse de faire preuve de retenue, a argué le représentant pakistanais.  À cet égard, il a exprimé la vive inquiétude de son pays quant au fait que l’Inde « cherche à siéger de nouveau au Conseil de sécurité ». 

La RPDC, qui revendique le statut d’État doté, a de nouveau justifié ses activités nucléaires militaires par la nécessité existentielle d’exercer son droit à la légitime défense.  Tant que les États-Unis et leurs alliés conduiront des manœuvres dans la péninsule coréenne qui comportent des simulations de guerre nucléaire, notre position sera inévitable, a averti le délégué.  Il a accusé les États-Unis, non seulement de déployer des missiles à portée intermédiaire en Europe et en Asie mais aussi d’envisager la reprise d’essais nucléaires depuis un nouveau site du Nevada. Qui, en agissant de la sorte, en commettant autant de crimes nucléaires, entrave le régime de désarmement et de non-prolifération nucléaires?  Les États-Unis! a-t-il martelé.  Enfin, il a assuré la Commission de l’engagement de son pays en faveur d’une culture de la paix. 

Le Japon, rappelant que l’année prochaine marquera le quatre-vingtième anniversaire des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki, a salué le rôle de Nihon Hidankyo avant de déplorer les progrès accomplis par la RPDC dans le développement de ses technologies de missiles « avec l’appui de la Russie ». 

Quant à l’Iran, il a qualifié d’hypocrites ceux qui l’exhortent de faire toute la lumière sur la nature de ses activités nucléaires et de collaborer de façon transparente avec l’AIEA.  Leur silence sur la prolifération des armes de destruction massive au Moyen-Orient et leur soutien au régime israélien, connu pour posséder divers types d’armes de destruction massive, est problématique, a considéré le délégué.  Ces pays se bornent injustement à discriminer sans cesse le programme nucléaire pacifique de son pays, a-t-il affirmé. 

Après avoir souligné que l’Iran reste attaché au TNP et travaille de manière constructive avec l’AIEA pour garantir la transparence des accords de garanties liant les deux parties, le délégué a affirmé que « notre programme ne peut et ne doit pas être qualifié de facteur de prolifération nucléaire ».  Il représente plutôt, a-t-il insisté, les efforts d’un membre responsable du TNP pour exercer son droit inaliénable à l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, comme le lui garantit l’article IV du Traité. 

Les pays en développement, parmi lesquels le Burkina Faso, ont souligné combien l’utilisation pacifique des sciences et de la technologie nucléaires peut procurer des bénéfices considérables à l’humanité, à condition d’observer des mesures de sécurité et de sûreté nucléaires suffisantes pour prévenir les risques d’accidents ou de détournements et le terrorisme nucléaire. 

Comme la plupart des pays en développement ayant pris la parole, le représentant a jugé que la coopération internationale est essentielle, le Burkina Faso, membre du Conseil des Gouverneurs de l’AIEA, s’engageant à travailler en collaboration avec ses pairs afin de contribuer de manière constructive à la promotion de l’utilisation pacifique et sûre des sciences et technologies nucléaires.  Son représentant a insisté sur le fait que les considérations de sécurité nucléaire ne doivent pas entraver l’accès des pays en développement à la technologie nucléaire à des fins pacifiques. 

La Côte d’Ivoire a, elle aussi, estimé nécessaire de promouvoir les applications civiles du nucléaire, soulignant son engagement en ce sens, comme en atteste la désignation du Président ivoirien comme « champion africain de la science et de la technologie nucléaires pacifiques » en Afrique de l’Ouest au sein de l’initiative « Groupe des Champions » de la Commission africaine de l’énergie nucléaire.

En fin de séance, 12 pays ont souhaité exercer leur droit de réponse.  Si la France a expliqué son opposition au TIAN, l’Irlande a, au contraire, défendu ce traité.  Le Bélarus a rejeté les accusations des pays européens visant le déploiement d’armes nucléaires russes sur son territoire.  L’Italie, également au nom de la Belgique et des Pays-Bas, a réagi aux affirmations de l’Iran sur le « partage nucléaire ».  Les États-Unis ont nuancé les critiques sur l’importance de leur arsenal. Israël, la Mauritanie et l’Iran ont exprimé leurs divergences sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive au Moyen-Orient.  La RPDC a réagi aux appels à son désarmement par des pays occidentaux et le Japon.  La Chine a répondu aux propos du Japon sur sa politique nucléaire.  Le Japon a ensuite répondu à la RPDC et à la Chine tandis que le Royaume-Uni répondait lui aussi à la Chine.

La Première Commission poursuivra son débat thématique sur les armes nucléaires demain, mardi 22 octobre, à 10 heures. 

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