En cours au Siège de l'ONU

9755e séance – après-midi
CS/15857

Conseil de sécurité: inquiétudes à l’approche de l’hiver en Ukraine, vifs échanges entre États Membres sur des alliances militaires « présumées »

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

À l’initiative des États-Unis et de la Slovénie, le Conseil de sécurité s’est penché cet après-midi sur la situation humanitaire « désastreuse » en Ukraine, à l’approche d’un hiver qui promet d’être rude, a averti le Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques.

Cette séance a été également marquée par de vifs échange entre les pays occidentaux et la Fédération de Russie autour d’« alliances militaires » présumées, notamment avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC), la République islamique d’Iran et la Chine.

Sur le plan humanitaire, alors que les conséquences les plus graves de la guerre continuent d’impacter les communautés de la ligne de front de l’est et du sud de l’Ukraine, la mort et la destruction font partie du quotidien en dehors des zones de combat actif, a rapporté M. Miroslav Jenča.  La présidence suisse du Conseil a déploré l’augmentation significative du nombre de victimes et d’infrastructures civiles dans ce conflit.

On a enregistré au mois de septembre le plus grand nombre de victimes civiles de l’année 2024, a alerté le haut fonctionnaire, avec 208 civils ukrainiens tués et 1 220 blessés, sans compter les dommages considérables infligés aux infrastructures vitales.  Quelque 7 000 personnes à Kharkiv ont dû être évacuées.  Ce week-end et ce matin même, des attaques ont encore fait plusieurs victimes à Zaporizhzhia et Kryviy Rih, a déploré M. Jenča. 

Le mois prochain, « nous franchirons un jalon funeste: 1 000 jours » depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, s’est indigné le représentant de l’Ukraine.

Selon un bilan du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), depuis le début de l’invasion totale de l’Ukraine par la Russie en février 2022, 11 973 civils, dont 622 enfants, ont été tués; 25 943 personnes, dont 1 686 enfants, ont été blessées.

Autre point inquiétant: les attaques systématiques de la Russie contre l’infrastructure énergétique de l’Ukraine sont devenues l’une des caractéristiques les plus « marquantes et les plus odieuses » de cette guerre, risquant d’aggraver les conditions de vie de millions d’Ukrainiens, s’est alarmé M. Jenča.  La Russie planifie des attaques contre les centrales nucléaires ukrainiennes et les a même déconnectées du réseau électrique, a confirmé l’Ukraine.

Si quelque 7,2 millions de personnes ont reçu une aide humanitaire en Ukraine au cours des huit premiers mois de l’année, 1,5 million de personnes n’ont en revanche pas pu être aidées correctement dans certaines parties des régions de Donetsk, Kherson, Luhansk et Zaporizhzhia, occupées par la Russie, selon l’ONU. 

De plus, depuis le 1er septembre, six navires civils ainsi que des infrastructures céréalières dans les ports ont été endommagés.  En conséquence, le prix du blé a augmenté de plus de 6% entre le 1er septembre et le 14 octobre, a documenté l’ONU. 

La Slovénie s’est dite particulièrement préoccupée par les dommages environnementaux, et s’est faite l’écho des allégations selon lesquelles la Russie aurait pollué la rivière Seym avec des déchets chimiques, contaminant plus de 650 kilomètres de cours d’eau et menaçant l’approvisionnement en eau de la région de Kyïv. 

Si cet acte était intentionnel, il pourrait être qualifié d’« écocide » et nécessiterait une enquête approfondie, a encore averti la Slovénie qui, à l’instar d’autres délégations, a indiqué qu’elle continuerait de soutenir l’Ukraine.  « Aussi longtemps qu’il le faudra », a assuré l’Union européenne.

Mais ce qui a le plus retenu l’attention du Conseil, ce sont les informations faisant état d’une coopération militaire entre la Russie, l’Iran et la RPDC.  Informations corroborées par plusieurs délégations dont le Japon et la République de Corée.  Citant ses services de renseignement, celle-ci a indiqué que, depuis août 2023, plus de 13 000 conteneurs remplis de munitions nord-coréennes, incluant des obus d’artillerie, des missiles et des roquettes antichars, auraient été envoyés en Russie, soit plus de 8 millions de munitions livrées à ce jour. 

« La première armée du monde n’est qu’un mythe, elle mendie auprès de régimes mis au banc par la communauté internationale », s’est gaussée la délégation ukrainienne.  Les États-Unis y ont vu un « signe de désespoir », précisant que l’Iran et la « Corée du Nord » jouent un rôle crucial en fournissant une assistance militaire à ce pays.  Une assistance militaire fournie à l’agresseur, a dénoncé la Pologne.

De fait a renchéri le délégué de l’Ukraine, Moscou ne fait pas que commander des armes, des hommes sont actuellement en formation et prêts à combattre d’ici au 1er novembre.

La France a exhorté l’ensemble des États, au premier rang desquels la RPDC, à s’abstenir de fournir à la Russie des armes et des biens à double usage ainsi que des composants qui viendraient alimenter sa guerre d’agression.  La Chine a aussi été pointée du doigt s’agissant des biens à double usage fournis à la Russie, un acte qui exacerbe, selon les États-Unis, les menaces à la paix et à la sécurité mondiales.

S’en est suivi un vif échange entre les deux délégations, le délégué chinois accusant son homologue américain de vouloir « ternir sa réputation ».

La Chine s’est toujours engagée en faveur d’une solution politique au conflit, a-t-il martelé. 

Par la suite, plusieurs délégations occidentales ont évoqué le « Plan de la victoire » du Président Volodymyr Zelenskyy qui comporte cinq points très concrets, dont une invitation à l’Ukraine à adhérer à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). 

Une proposition aussitôt raillée par la délégation russe pour qui le Président ukrainien, qui subit une défaite évidente sur le champ de bataille, mise désormais sur « le piège qu’il a tendu à l’OTAN en voulant l’entraîner dans une confrontation directe avec la Russie », « au risque d’entraîner le monde dans une apocalypse nucléaire ». 

Que personne ne se fasse d’illusions, a tranché la délégation russe, « l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance de l’Atlantique Nord, sous quelque forme territoriale que ce soit, est absolument inacceptable pour la Russie et ne peut faire partie d’aucun plan de paix ni d’aucune initiative de médiation ». 

En attendant, comme la Slovénie, Malte et la Pologne, la France a renouvelé son appui à l’initiative de paix du Président Zelenskyy.

L’issue de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine déterminera si le monde s’enfoncera dans d’autres guerres, a prédit le délégué ukrainien.  « Cette menace mondiale nécessite une réponse ambitieuse. »  Cet été, a-t-il rappelé, le premier Sommet de la paix s’est tenu avec le soutien de près de 100 pays et organisations internationales.  Aujourd’hui, l’Ukraine se prépare à un deuxième sommet de la paix pour « mettre fin à la guerre ».

Outre les 15 membres du Conseil, cinq délégations de la région ont été invitées à participer à ce débat. 

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

Exposé

Mr. Miroslav Jenča, Assistant Secretary-General for Europe, Central Asia and Americas, Departments of Political and Peacebuilding Affairs and Peace Operations

M. MIROSLAV JENČA, Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, a alerté le Conseil sur les attaques systématiques et quotidiennes que la Russie continue d’infliger à ce pays, faisant de septembre le mois le plus meurtrier de l’année 2024.  Au moins 208 civils ukrainiens ont été tués et 1 220 blessés sans compter les dommages considérables infligés aux infrastructures vitales, a détaillé le Sous-Secrétaire général.

Selon un bilan du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), depuis le début de l’invasion totale de l’Ukraine par la Russie en février 2022, 11 973 civils, dont 622 enfants, ont été tués; 25 943 personnes, dont 1 686 enfants, ont été blessées, a rapporté M. Jenča. 

Les 15 et 16 octobre, des attaques ont été menées par la Russie, notamment dans les régions de Donetsk, Kharkiv, Kherson, Mykolaiv, faisant des victimes civiles et endommageant des bâtiments résidentiels et une école.  Quelque 7 000 personnes à Kharkiv ont dû être évacuées.  Ce week-end et ce matin même, des attaques ont encore fait plusieurs victimes à Zaporizhzhia et Kryviy Rih. 

La mort et la destruction sont également un phénomène quotidien en dehors des zones de combat actif, a-t-il déploré, citant les zones résidentielles de Kyïv visées par des drones ce matin et au cours du week-end.  Le 16 octobre, la capitale aurait été attaquée par plus de 130 drones. 

Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, et Odessa, dans le sud, ont également été touchées à plusieurs reprises, faisant de nombreuses victimes civiles. 

Le Sous-Secrétaire général s’est dit également préoccupé par l’impact des combats qui se poursuivent de part et d’autre de la frontière russo-ukrainienne, en particulier dans la région russe de Koursk, à la suite de l’incursion de l’Ukraine en août dernier. 

Le responsable onusien a également déploré la reprise, ces dernières semaines, des attaques russes contre les ports ukrainiens de la mer Noire.  Depuis le 1er septembre, six navires civils ainsi que des infrastructures céréalières dans les ports ont été endommagés, selon des responsables locaux. 

En conséquence, les prix du blé ont augmenté de plus de 6% entre le 1er septembre et le 14 octobre, sans compter leur impact sur l’assurance risque qui affecte le secteur agricole ukrainien. 

La sécurité et la viabilité de l’Initiative de la mer Noire restent essentielles pour la sécurité alimentaire mondiale, a averti M. Jenča. 

Pour sa part, l’ONU poursuit son engagement auprès de l’Ukraine, de la Fédération de Russie et de la Türkiye, ainsi que d’autres parties, en faveur de la liberté et de la sécurité de la navigation en mer Noire.

Autre point inquiétant: les attaques systématiques de la Russie contre l’infrastructure énergétique de l’Ukraine sont devenues l’une des caractéristiques les plus « marquantes et les plus odieuses » de cette guerre.  La destruction et l’interruption à grande échelle de l’approvisionnement en eau et en électricité dans tout le pays risquent d’aggraver les conditions de vie de millions d’Ukrainiens au cours du troisième hiver de cette guerre, notamment les groupes les plus vulnérables, s’est alarmé M. Jenča, évoquant une situation humanitaire déjà désastreuse. 

Si quelque 7,2 millions de personnes ont reçu une aide humanitaire en Ukraine au cours des huit premiers mois de 2024, 1,5 million de personnes n’ont en revanche pas pu être aidées correctement dans certaines parties des régions de Donetsk, Kherson, Luhansk et Zaporizhzhia, occupées par la Russie.

Le Sous-Secrétaire général a réitéré son appel en faveur d’un acheminement sûr, rapide et sans entrave de l’aide humanitaire et renouvelé son appel aux donateurs pour qu’ils accélèrent le financement flexible du Plan de réponse aux besoins humanitaires dont un peu plus de la moitié seulement a été financée.

Il a, par ailleurs, exhorté les autorités russes et ukrainiennes à mettre fin à la pratique des tortures généralisés et systématiques des prisonniers de guerre, et demandé l’application du principe de responsabilité.  Depuis mars 2023, 97% des prisonniers ukrainiens interrogés par le HCDH ont fourni des récits cohérents de torture ou de mauvais traitements pendant leur captivité, et 68% ont fait état de violences sexuelles.  De même, la moitié des prisonniers de guerre russes interrogés par le HCDH ont déclaré avoir subi des actes de torture ou des mauvais traitements. 

Sur une note positive, M. Jenča s’est félicité de l’échange, vendredi dernier, de 95 prisonniers de guerre de part et d’autre et a encouragé leur poursuite. Il a également salué l’échange de centaines de dépouilles le même jour. 

Enfin, le Sous-Secrétaire général a mis en garde contre un accident nucléaire, s’inquiétant de la situation particulièrement précaire à la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporizhzhia.  L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a également surveillé l’impact des activités militaires signalées à proximité de la centrale nucléaire russe de Koursk. 

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