La Sixième Commission entame son examen du rapport de la Commission du droit international
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La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a entamé ce matin son débat sur le rapport annuel de la Commission du droit international (CDI) en examinant un premier groupe thématique: chapitres introductifs I à III, Chapitre VII (Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État), Chapitre X (L’élévation du niveau de la mer au regard du droit international) et Chapitre XI (Autres décisions et conclusions de la Commission).
Rappelant que la semaine du droit international débute également ce jour, le Président de la Sixième Commission a loué l’interaction « naturelle et transparente » avec la CDI. Le Président de la CDI, M. Marcelo Vázquez-Bermúdez, de l’Équateur, a ensuite pris la parole pour présenter ce rapport long de 184 pages.
En préambule, il a rappelé que la CDI a fêté son soixante-quinzième anniversaire, avant d’indiquer que la session de cette année a été réduite de 12 à 10 semaines en raison de la crise de liquidités qui touche l’ONU. La session n’en a pas moins été productive, a dit M. Vázquez-Bermúdez.
Le Président a ainsi indiqué que la CDI a entamé sa seconde lecture du projet d’articles portant sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. La Commission a également bien avancé sur la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le groupe de travail ayant été reconstitué. Deux sous-sujets ont été examinés, à savoir la condition étatique et la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer.
La Commission a avancé à « grandes enjambées » sur les questions du règlement des différends auxquels des organisations internationales sont parties et des moyens auxiliaires de détermination des règles de droit international, s’est félicité le Président. Elle a entamé sa considération des accords internationaux juridiquement non contraignants et s’est, à nouveau, penchée sur la prévention et la répression de la piraterie et du vol à main armée en mer.
La CDI a en outre décidé d’inscrire les sujets « Indemnisation des dommages causés par un fait internationalement illicite » et « La diligence due en droit international » à son programme de travail à long terme. Si elle a entendu le Juge Nawaf Salam, Président de la Cour internationale de Justice (CIJ), elle n’a pu, en raison de la crise financière, avoir ses traditionnels échanges de vues avec des organes juridiques internationaux et régionaux. Le Président a enfin précisé que la prochaine session de la Commission se tiendrait à Genève du 14 avril au 30 mai et du 30 juin au 31 juillet 2025.
Lors des discussions sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, les délégations ont tenu à rappeler, à l’instar du Brésil ou de la Lettonie, au nom des pays baltes, que ce phénomène n’a pas d’incidence sur la condition étatique. « La présomption de continuité de la condition étatique, telle que définie dans le rapport, permet aux États touchés de préserver leur souveraineté, y compris en cas de perte territoriale découlant de l’élévation du niveau de la mer », a déclaré la Lettonie. « La perte de territoire ne doit pas aboutir à une perte d’identité ou de clarté juridique. »
De son côté, la Pologne a rappelé qu’il n’y a eu, depuis l’adoption de la Charte des Nations Unies, « aucun cas d’extinction involontaire d’un État. » « Nous sommes d’accord avec la position selon laquelle les États ont le droit de préserver leur existence », a dit le délégué polonais. À l’instar de son homologue du Brésil, il a plaidé pour une interprétation « adéquate » de la Convention de Montevideo sur les droits et les devoirs des États de 1933.
La Lettonie a plaidé pour une responsabilité partagée afin d’appuyer les États touchés par ce phénomène. Même son de cloche du côté du Brésil qui a rappelé le principe de responsabilités communes mais différenciées, entériné par la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement. Dans un avis consultatif récent sur le changement climatique et le droit international, le Tribunal international du droit de la mer a relevé que les États ont l’obligation d’appuyer les États en développement contre la pollution marine, y compris par des transferts de technologies et le renforcement des capacités, a noté l’Union européenne, appuyée par le Mexique.
De nombreuses délégations ont souligné la centralité de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, à l’instar de l’Union européenne qui a estimé que toute proposition dans le rapport de la CDI sur le thème de l’élévation du niveau de la mer devrait maintenir et renforcer le cadre juridique établi par la Convention. « Ce texte régule de manière contraignante toutes les activités menées en mer et impose des obligations générales sur la protection et la préservation de l’environnement marin. »
L’intégrité de la Convention sur le droit de la mer doit être préservée, a renchéri l’Islande, au nom des pays nordiques, avant de qualifier de « précieux » les travaux de la Commission sur ce point. De son côté, l’Italie a estimé qu’il est temps d’entamer la rédaction de projets de conclusions sur le sujet.
D’autre part, certaines critiques ont été formulées sur le projet d’articles de la CDI sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. La Pologne, l’Italie et l’Islande, au nom des pays nordiques, ont ainsi souhaité que la notion d’exercice de la juridiction pénale utilisée dans le projet d’articles soit clarifiée. La Slovaquie a demandé que les renvois du Conseil de sécurité à la Cour pénale internationale (CPI) soient exclus du projet d’article 1.
Plus globalement, la Pologne a souhaité qu’une approche plus large, prenant en compte les règles sur l’inviolabilité des représentants de l’État, soit privilégiée par la CDI. Le Brésil a invité cette dernière à faire une analyse « équilibrée et représentative » de la pratique des États. Il a en effet pointé le réel déséquilibre dans l’utilisation de la pratique des pays développés et de celle des pays en développement dans les commentaires adoptés en première lecture.
« Plus de 96% des décisions des tribunaux nationaux mentionnées dans les commentaires proviennent des pays développés », a regretté le délégué du Brésil, en exhortant la Commission à remédier à cette « lacune criante ». Dans le même ordre d’idée, l’Ouganda, au nom du Groupe des États d’Afrique, a regretté qu’un seul rapporteur spécial soit africain. Ces États demandent d’ailleurs à la CDI de s’inspirer des principaux systèmes juridiques reflétant le monde contemporain et de développer des relations de coopération avec des commissions régionales telles que la Commission de l’Union africaine sur le droit international.
Le projet d’article 7 sur la liste de crimes pour lesquels l’immunité ne s’applique pas a, en outre, été au cœur des discussions. Ce projet d’articles ne reflète pas le droit international coutumier, a tranché le Brésil, tandis que le Mexique a jugé cet article « déterminant ». Ce pays, comme la Slovaquie, a souhaité que le crime d’agression soit inclus dans ladite liste. Malgré ses réserves, le Brésil s’est dit favorable à l’élaboration d’une convention sur la base de ce projet d’articles. Une convention spécifique permettra de remédier à la fragmentation des pratiques nationales sur le sujet, a acquiescé l’Italie.
Plusieurs pays ont salué l’ajout de deux nouveaux points au programme de travail à long terme, à l’instar de la Lettonie, qui a souligné l’importance pour les États de la question de l’indemnisation des dommages causés par un fait internationalement illicite.
Enfin, certaines délégations ont regretté à leur tour que la session ait été écourtée en raison de la crise de liquidités. L’Ouganda a espéré que la Commission reprendra les points laissés en suspens.
La Sixième Commission poursuivra demain, mardi 22 octobre, à partir de 10 heures, son examen du rapport de la CDI.