En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-neuvième session,
24e et 25e séances plénières – matin et après-midi
AG/SHC/4416

La Troisième Commission: la discussion générale sur les droits humains donne lieu à des accusations de politisation et de « deux poids, deux mesures »

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

La Troisième Commission, en charge des questions sociales, humanitaires et culturelles a débuté aujourd’hui sa discussion générale sur la promotion et la protection des droits humains, l’occasion pour chaque délégation de réitérer ses engagements et objectifs en la matière, mais aussi, pour un nombre croissant d’entre elles, de dénoncer un « deux poids, deux mesures » dans le traitement de ces questions.  Aux appels à la protection des défenseurs des droits humains ou des personnes LGBTI, il a ainsi été opposé la politisation des mécanismes onusiens, le recours à des mesures coercitives unilatérales ou encore l’absence de redevabilité d’Israël pour ses agressions contre les populations civiles palestinienne et libanaise. 

Par la voix du Venezuela, le Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies a donné le ton de ce débat en exprimant sa préoccupation face à la prolifération de mécanismes et de procédures visant à réaliser des évaluations soi-disant impartiales de la situation des droits humains dans certains États.  Il a également condamné l’application croissante de mesures coercitives unilatérales à des fins politiques, qui « affectent dramatiquement plus d’un tiers de l’humanité », entravant l’accès à la nourriture, aux médicaments, aux services financiers, à l’éducation, aux progrès technologiques et aux sources d’énergie, avec de graves conséquences sur la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). 

À son tour, la Chine –qui s’exprimait au nom d’un groupe de 28 pays comptant dans ses rangs la Fédération de Russie, la République arabe syrienne et la République islamique d’Iran- s’est livrée à un réquisitoire contre les « mesures illégales » imposées à des pays en développement en violation des principes d’égalité souveraine, de coopération et de non-ingérence.  Elle a relevé que ces mesures aux conséquences dévastatrices s’accompagnent de sanctions secondaires et d’un phénomène de conformité excessive, qui exacerbent les difficultés existantes, notamment pour les plus vulnérables, et menacent l’ordre international.  Elle a appelé les pays qui imposent ces sanctions à y mettre fin immédiatement et à « faire preuve de solidarité et d’unité plutôt que d’être animés par un esprit de division et de confrontation ».

Sur le sujet connexe du respect de la souveraineté des États, le Qatar, parlant au nom des pays membres du Conseil de coopération du Golfe, a insisté sur la nécessité de s’en tenir aux principes de la Charte des Nations Unies, considérant que les situations relatives aux droits humains doivent être abordées de manière constructive et sans sélectivité, en tenant compte des spécificités culturelles et religieuses de chacun.  À ce titre, le Pakistan a estimé, au nom d’un groupe de pays, que les situations au « Xinjiang, à Hong Kong ou au Tibet » relèvent des affaires intérieures de la Chine. « Il ne faut pas les politiser au prétexte de promotion et de protection des droits humains », a-t-il plaidé, appelant à ce qu’une égale attention soit accordée à tous les droits humains, y compris le droit au développement.  « Ne ratons pas l’occasion d’une convention sur le droit au développement pour réaffirmer notre engagement en faveur de tous les droits humains », a appuyé le Cameroun. 

Le Rwanda a, pour sa part, fustigé des « droits humains à géométrie variable », tandis que la Chine, cette fois à titre national, s’en prenait à l’instrumentalisation de ces droits par les pays occidentaux, lesquels préfèrent proférer des « mensonges » à propos du Xinjiang plutôt que de s’intéresser à « la seule situation qui mérite l’attention de la Commission », à savoir « l’enfer » que vit la population de la bande de Gaza.  Sur cette même ligne, la Mauritanie, s’exprimant au nom du Groupe des États arabes, a mis en garde contre le risque de contagion et d’extension du conflit alors que se poursuivent les bombardements sur le Liban. La cause première de ce chaos pour les populations de la région est l’impunité dont jouit Israël, a-t-elle soutenu.

« Si les droits humains étaient une priorité, on n’accepterait pas le génocide des Palestiniens », a renchéri la République islamique d’Iran, selon laquelle les mécanismes de rapports de la Troisième Commission sont « douteux » et ne reflètent que les normes d’un groupe de pays, occultant les violations dont ces derniers se rendent coupables.  Elle a invité les pays occidentaux à renoncer à leur « approche paternaliste des droits humains », rejointe sur ce point par Singapour, pour qui il n’existe pas de « modèle unique » en la matière, aucun pays n’ayant « l’apanage de la vertu ».  La délégation de la ville-État a ainsi regretté que certains pays ne puissent résister à la tentation de « faire la leçon » aux autres sans se critiquer eux-mêmes.  La Fédération de Russie a dénoncé l’emploi de concepts néolibéraux ne respectant pas les traditions culturelles et religieuses des autres avant d’inviter ses accusateurs à balayer devant leur propre porte.

Ces prises de position n’ont pas empêché les États-Unis de faire un tour d’horizon des situations problématiques à leurs yeux, dénonçant pêle-mêle les violations des droits humains commises dans des pays ou territoires tels que le Soudan, l’Ukraine, Gaza, la République populaire démocratique de Corée, le Xinjiang, le Yémen, la Syrie, l’Afghanistan, le Nicaragua, le Venezuela, Cuba, la République démocratique du Congo, l’Éthiopie, l’Érythrée et le Soudan du Sud.  L’Union européenne s’est, elle, concentrée sur la situation complexe au Moyen-Orient, sans oublier l’agression de la Russie contre l’Ukraine, la répression au Bélarus et en Chine, les souffrances humaines en Syrie, la privation de droits imposée aux femmes et aux filles en Afghanistan et le recours de l’Iran à la peine capitale contre ses opposants.  À cet égard, elle a réaffirmé son opposition ferme et sans équivoque au recours à la peine de mort, à tout moment et en toutes circonstances.

L’Australie s’est, elle aussi, alarmée de la situation des femmes en Afghanistan et en Iran, tout en reconnaissant qu’aucun pays n’a un « bilan parfait » sur le plan des droits humains. Appelant néanmoins les États à accepter la supervision internationale sur ces questions, elle a jugé essentiel de « s’ouvrir au message sans attaquer le messager ».  Les droits humains ne sont pas négociables, a souligné la France, non sans rappeler qu’elle a célébré, en décembre dernier, le soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée à Paris en 1948.

De son côté, l’Ukraine a fait observer que la « crise des droits humains » engendrée par l’invasion russe passera la semaine prochaine le « cap tragique des 1 000 jours ».  Elle a réaffirmé son soutien au travail de la mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine et appelé ses partenaires à redoubler d’efforts pour que les auteurs soient traduits en justice.  Des comptes doivent être rendus, a insisté la Pologne, associant à ses griefs le Bélarus pour sa persécution des minorités, son muselage de la société civile et des médias, son recours à la torture et son utilisation des migrants à des fins politiques.  Lui répondant indirectement, la délégation bélarussien a exhorté la communauté internationale à « désinstrumentaliser » cette problématique et à s’inspirer du rapport sur la « situation des droits humains dans tous les pays » que publient le Bélarus et la Fédération de Russie depuis plusieurs années, sans établir de classement des « bons ou mauvais États ». 

Le besoin de redevabilité a aussi été brandi par l’Irlande, qui, au nom d’un groupe de pays, s’est alarmée des violences, intimidations et représailles dont sont victimes les organisations de la société civile en raison de leur coopération avec l’ONU.  Autre motif d’inquiétude, signalé par la Suède au nom du Groupe restreint LGBTI, 60 pays criminalisent encore les relations consensuelles entre personnes de même sexe et au moins 49 pays criminalisent les personnes transgenre.  « Tout un chacun devrait vivre libre et égal, indépendamment de qui il est et de qui il aime », a fait valoir la délégation. 

Dans la longue liste des menaces auxquelles font face les droits humains, la Grenade a cité celle, existentielle pour les petits États insulaires en développement (PEID), des changements climatiques.  S’exprimant au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), elle a rappelé que les vulnérabilités spécifiques des PEID remettent en question des droits fondamentaux comme ceux relatifs à la vie, à la santé et au logement.  Insistant sur l’importance de réaliser les ODD pour permettre le plein exercice de ces droits, elle a appelé les institutions financières internationales et les partenaires de développement à veiller à ce que le financement de l’atténuation et de l’adaptation soit rendu possible pour les pays en première ligne climatique. 

Venu s’adresser directement à la Commission, le Président de la soixante-dix-neuvième session de l’Assemblée générale a jugé que la réponse collective à ces défis doit être ancrée dans la solidarité mondiale, l’engagement envers le droit international et un respect inébranlable pour la promotion et la protection des droits humains.  Pour M. Philémon Yang, le Pacte pour l’avenir adopté le mois dernier offre une « voie puissante » pour déclencher une transformation mondiale et traduire ces engagements en actions.  À cette fin, il est essentiel de s’attaquer aux causes profondes de la méfiance et de la division qui minent la coopération internationale, a-t-il dit en début de séance, promettant de travailler sans relâche pour favoriser « l’unité dans la diversité pour l’avancement de la paix, du développement durable et de la dignité humaine pour chacun, partout ». 

Quant à la Troisième Commission, il lui a demandé de rester une instance de dialogue ouvert et respectueux, et de « favoriser une coopération qui fasse progresser la noble cause des droits humains et de la dignité humaine ».  Dans cet esprit, il a exhorté les États Membres à valoriser l’expertise des titulaires de mandat des Nations Unies et à leur permettre de s’acquitter de leurs responsabilités sans crainte ni intimidation. 

En fin de séance, Cuba, la Chine, le Bélarus, la République populaire démocratique de Corée, la Türkiye, le Pakistan, l’Union européenne, et Chypre ont exercé leur droit de réponse.

La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 23 octobre, à partir de 10 heures.

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