En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-neuvième session
21e séance plénière – matin
AG/J/3727

Sixième Commission: les délégations débattent des effets de l’élévation du niveau de la mer et de la question de l’immunité des représentants de l’État

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La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a poursuivi, ce matin, ses discussions sur un premier groupe de chapitres du rapport annuel de la Commission du droit international (CDI): chapitres introductifs I à III, Chapitre VII (Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État), Chapitre X (L’élévation du niveau de la mer au regard du droit international) et Chapitre XI (Autres décisions et conclusions de la Commission).

La CDI, « véritable interface entre les domaines juridique et politique » selon les Pays-Bas, célèbre cette année son soixante-quizième anniversaire et les délégations n’ont pas manqué de saluer les évaluations systématiques du droit international que constituent ses rapports.  Plusieurs d’entre elles, à l’instar de la France ou de l’Australie, ont toutefois rappelé combien il est important que ces rapports s’inspirent des pratiques des divers systèmes juridiques dans le monde. « Il n’y a pas de systèmes supérieurs ou inférieurs, ils sont juste différents », a tranché la Chine. 

Le développement et la codification du droit international doivent s’appuyer sur le droit international coutumier et la jurisprudence des tribunaux nationaux, particulièrement lorsqu’il s’agit de « questions politiquement complexes qui font l’objet d’un cadre juridique fragmenté » comme la continuité de la condition étatique en cas d’élévation du niveau de la mer ou l’immunité des représentants officiels, a insisté la déléguée croate. 

Concernant l’élévation du niveau de la mer, une grande partie des délégations ont appelé à la coopération internationale et à la « responsabilité partagée mais différenciée » afin que les pays touchés de manière disproportionnée par ce phénomène ne se retrouvent pas seuls pour y faire face. La crise climatique actuelle est « urgente et grave », s’est alarmée la représentante de Singapour, précisant que son pays et les petits États insulaires y sont particulièrement vulnérables.  « La planète est malade, c’est une évidence », a abondé la déléguée cubaine, rappelant que ce sont les pays qui ont le moins contribué au réchauffement climatique qui payent le plus lourd tribut. 

Nonobstant ces constatations, la « présomption de continuité de la condition étatique » en cas d’immersion partielle ou totale due à l’élévation du niveau de la mer reste une question « complexe », ont reconnu nombre de délégations.  La France s’est demandé comment l’État pourrait en pratique se maintenir malgré « la disparition objective de l’un de ses éléments constitutifs », appelant à ne pas confondre les règles en vigueur (lex lata) et celles que l’on voudrait voir appliquées (lex feranda).  Néanmoins, la plupart des pays, dont la Thaïlande et Israël, ont appuyé la continuité de la condition étatique en cas d’immersion dans le but de préserver la stabilité juridique.

Souhaitant apporter un éclairage supplémentaire en la matière, le délégué néerlandais a replacé la question de la continuité de la condition étatique dans le cadre de la continuité du droit à l’autodétermination.  Pendant la décolonisation, a-t-il expliqué, certains États ont connu une longue instabilité politique, sans gouvernement effectif.  Leur condition d’État n’avait toutefois pas été remise en question et les populations avaient préservé leur droit à l’autodétermination.  Cette qualité d’État de jure est encore d’application dans le contexte post-colonial actuel dans les pays où le gouvernement a perdu le contrôle du territoire.  En raison de cette continuité du droit à l’autodétermination, on pourrait affirmer que le gouvernement continue à exercer son autorité, a-t-il argumenté, même si, en cas de territoire totalement submergé, cela reste en pratique compliqué. 

Dans la droite ligne des interventions d’hier, certaines délégations, comme l’Afrique du Sud, ont estimé important de préserver les droits juridictionnels et souverains des États dans chaque zone maritime, tels que garantis par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Il s’agit de préserver l’intégrité de la Convention tout en prenant en compte les récentes considérations scientifiques sur l’élévation du niveau de la mer, a dit la Tchéquie.  Il ne faut pas réécrire le droit international mais se pencher sur les conséquences de l’élévation du niveau de la mer, a insisté Israël. 

S’agissant de la protection des personnes en cas de territoire submergé, plusieurs délégations ont salué la référence à la dignité humaine des personnes touchées, un « principe cardinal », rappelant à ce titre l’obligation des États de veiller à l’exercice des droits humains dans leur juridiction.  Néanmoins, plusieurs représentants ont estimé qu’il en va de la responsabilité collective d’y veiller si l’État touché en est incapable, citant notamment les principes de « non-refoulement » et de « protection complémentaire ».

En ce qui concerne l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, les délégations ont affiché certaines divergences quant à la proposition de ne pas étendre l’immunité personnelle (ratione personae) au-delà des membres de la « troïka », c’est-à-dire les chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres des affaires étrangères. Si la France a dit y souscrire, la Chine et Israël ont estimé que ce choix ne correspond pas à la pratique internationale, appelant à élargir l’immunité personnelle aux hauts dignitaires qui doivent agir au nom de l’État.  Quelques délégations ont noté que l’immunité fonctionnelle (ratione materia) ne peut, par ailleurs, pas remplacer l’immunité personnelle. Pour Cuba, il est important que l’État invoquant ou retirant l’immunité prévienne l’État où se trouve le représentant officiel. 

Les règles d’immunité ont été établies pour que les représentants des États puissent s’acquitter de leurs tâches et éviter la politisation des procédures, a rappelé Israël, appuyé par ceux qui jugent cruciales lesdites règles pour le maintien des relations internationales et la préservation de la souveraineté des États.  Mais la Sierra Leone et quelques autres délégations se sont dites favorables à la non-application de l’immunité en cas de crimes internationaux graves.

En 2022, la Commission a adopté en première lecture l’ensemble du projet d’article sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, qui se compose de 18 projets d’article et d’un projet d’annexe ainsi que des commentaires y relatifs.  La liste de ces crimes, visée au projet d’article 7, reste une pierre d’achoppement, la Chine contestant son universalité à l’inverse de l’Australie. Le Portugal et la Croatie ont, de leur côté, prôné l’inclusion du crime d’agression, « mère de tous les crimes », dans cette liste afin de refléter l’objectif du droit international d’éviter les conflits. 

Outre leurs observations sur ces deux chapitres, quelques délégations ont appelé la CDI à consacrer le temps nécessaire aux lectures de ses projets et à ne pas hésiter à demander plusieurs fois un avis aux États Membres.  Pour sa part, l’Allemagne a suggéré d’examiner les nombreuses observations des États faites en 2023 plutôt que de faire une énième lecture des projets.  La Commission a également été invitée à faire preuve de précision dans la délimitation de ses travaux et à veiller à la cohérence entre ses différents articles. 

La Sixième Commission poursuivra son examen thématique du rapport de la CDI demain, mercredi 23 octobre, à partir de 10 heures. 

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